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Helena Hirata et Danièle Kergoat
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ISSN 1620-5340
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Séminaire 12
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S
i nous nous présentons à deux devant vous aujourd’hui, cela
ne tient pas aux hasards de l’amitié ni au fait que nous appar-
tenions à la même équipe, mais à la volonté partagée de mon-
trer que le problème de la division sexuelle du travail renvoie à une
problématique, et à une problématique générale, « multiterrain »
et multidisciplinaire puisqu’elle est tout à fait utilisable en histoire,
en ethnologie, en économie, en sociologie, etc. Tenter de montrer la
richesse et l’ouverture de cette problématique nous semblait d’autant
plus important que nous sommes ici très différents les uns des autres,
et qu’il convenait donc de donner des voies d’accès un peu différen-
ciées à chacun.
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– La psychopathologie du travail, dans son approche de la souffrance
et du plaisir au travail, peut-elle faire l’économie des rapports sociaux de
sexe ? Quelques exemples précis (D. Kergoat).
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– La division sexuelle du travail, si elle prend racine dans l’affecta-
tion prioritaire des femmes au travail domestique, ne peut, en aucun cas,
être considérée comme opératoire qu’en ce qui concernerait les femmes, le
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1. Ce travail est maintenant relativement avancé puisqu’il y a des années que nous y tra-
vaillons. Mais, au départ, cela correspondait à un tel sentiment de nécessité que j’avais été
amenée à avancer l’expression de « malaise sémantique » pour rendre compte du fait que
nous ne savions plus s’il fallait utiliser les mots en les détournant de leur contenu ou s’il
fallait plutôt forger des mots nouveaux avec le risque de n’être pas comprises par les autres.
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les hommes et les femmes, même dans les situations d’extrême domination,
de se battre et de s’opposer. Enfant, adolescente, adulte, cela m’a toujours
interpellée étant donné les pressions intenses qui pèsent sur les individus
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dicatives ouvrières en mettant en relation le flux et le reflux de la comba-
tivité avec la composition interne des sous-groupes ouvriers (processus de
décomposition-recomposition de la classe ouvrière). Quand je parle d’évo-
lution, il faut être clair : il ne s’agit pas du tout d’une évolution linéaire, qui
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irait vers le grand soir, mais bien au contraire d’une évolution discontinue,
où les temps de progression et de régression alternent et s’entrecroisent
avec des périodes de stagnation.
Il s’agissait donc d’analyser les facteurs concernant la formation de
la demande sociale des groupes différenciés composant la classe ouvrière,
cette analyse étant liée aux changements internes de cette classe. La reven-
dication ouvrière étant donc, dans cette logique, l’aboutissement d’un
processus complexe, et l’expression, à un moment historique donné, des
alliances et oppositions internes à la classe.
La première chose importante que j’ai été amenée à travailler pour
formaliser tout ce qui précède (et que je continue d’ailleurs à travailler),
c’est le problème des clivages qui traversent la classe ouvrière. Il est
apparu rapidement que les clivages les plus apparents (ceux créés par la
division du travail) n’étaient pas suffisamment explicatifs des différences
de combativité entre ouvriers, contrairement à ce qui était couramment
soutenu à l’époque. Ce qui m’a amenée à récuser l’identification entre
place dans le procès de production et degré et forme de combativité (cf.
l’exemple classique des os qui auraient été le « fer de lance » des luttes
des années 1972/1974 parce qu’ils étaient os, ou des ouvriers des indus-
tries de process qui auraient été les porteurs des revendications gestion-
naires). Une fois infirmée cette démarche mécaniste, je me tournai vers
le discours ouvrier lui-même. Mais, là encore, les clés que fournissait
celui-ci pour expliquer les différences dans la combativité (les « jeunes »
sont combatifs, les « ouvriers-paysans » ne le sont pas) apparaissaient
peu opératoires dès qu’on les confrontait à la réalité. Il m’est donc apparu
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clairement dès cette période que l’on ne peut parvenir, à partir du dis-
cours spontané et sans médiation, à la clé explicative des phénomènes
observés.
Et ce fut finalement la mise en relation systématique de variables
afférant à l’univers productif avec des variables afférant à l’univers
reproductif 2, qui m’a permis de reconstituer les groupes porteurs de la
revendication.
Prenons un exemple concret : en mai 1968, il y a eu à Bulledor 3
un groupe de travailleurs immigrés qui avait repris la production et la
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distribution sous le seul contrôle ouvrier. J’avais été y voir et, en fait d’un
groupe ouvrier immigré porteur de la revendication, je me suis aperçue
que, pour comprendre ce qui s’était passé, il fallait – à l’intérieur de ce
groupe immigré – différencier deux groupes. Ceux-ci n’étaient pas iden-
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2. La notion de « reproduction » est utilisée ici dans un sens très large ; elle recouvre des
critères comme l’âge, le sexe, l’ethnie, l’origine rurale ou urbaine, etc.
3. « Bulledor » est un pseudonyme. On peut se reporter à l’ouvrage : Bulledor ou l’histoire
d’une mobilisation collective, Le Seuil, 1973.
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mique revendicative observée. Et ce dépassement supposait qu’on avait
pris connaissance du clivage, qu’on en avait conscience (et pas du tout
qu’on le niait) et qu’on voulait le dépasser. Car c’est bien la (re)connais-
sance du clivage qui me paraît déterminante pour qu’un groupe puisse
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accéder au collectif.
Le repérage des clivages ne suffisait donc pas. Encore fallait-il
appréhender leur dynamique, et pour cela tenter de cerner l’apprentis-
sage du changement, le processus par lequel se faisait l’intériorisation
de modèles d’action différents. C’est ce que j’ai tenté de faire à partir du
concept « d’apprentissage collectif ».
Alors, quels sont les « résultats » de cette première phase du travail
qui puissent intéresser le séminaire ? J’en citerai trois :
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C’est pour rendre compte de ces changements que j’ai avancé le
concept d’« apprentissage collectif ». Constater qu’il y a eu changement
dans les pratiques revendicatives ne signifie pas qu’il y a eu pour autant
« apprentissage ». Pour cela, il faut deux conditions :
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et individualisés au maximum, autant la différenciation interindividuelle
est intériorisée : les ouvriers vivent profondément – tant intellectuellement
qu’affectivement – les divisions ouvrières et imputent prioritairement ces
divisions non pas à une réussite idéologique du système, mais à la « nature »
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vement fut évidemment de les aborder à travers la même grille d’analyse
que celle mise en place pour les hommes. Il fallut vite y renoncer ; car si
les revendications explicites étaient souvent les mêmes, les pratiques, tant
revendicatives que de travail ou hors travail, étaient à l’évidence fonda-
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4. Cf. en particulier les travaux de Colette Guillaumin sur le racisme : L’Idéologie raciste.
Genèse et langage actuel, Paris-La Haye, Mouton, 1972.
5. Et c’est là que s’enracine ma défiance non pas de « la » théorie, mais « des » théories déjà
existantes et constituées ; celles-ci, sous couvert de discours universel, ne sont la plupart du
temps qu’un discours d’homme pour les hommes, bref, d’un discours de dominants. Plus
courtoisement mais tout aussi fermement, Karen Horney ne disait-elle pas la même chose
à propos de Freud, de la psychanalyse et des psychanalystes ? (cf. en particulier « la fuite
devant la féminité » (Flucht aus der Weiblichkeit), 1926, trad. française dans « la psycholo-
gie de la femme », Payot, 1929).
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– sur des jeunes travailleurs : en partant des différentes modalités
de l’articulation travail productif / travail reproductif, nous avons analysé,
pour les jeunes travailleurs hommes et femmes, comment la place dans la
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6. « Plaidoyer pour une sociologie des rapports sociaux » in Le Sexe du travail, Ouvrage
collectif, Presses universitaires de Grenoble, 1984.
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ture sociale que s’inscrit en faux le raisonnement en termes de rapports
sociaux (avec leur corollaire : les pratiques sociales) : rapport signifie
contradiction, antagonisme, lutte pour le pouvoir, refus de considérer que
les systèmes dominants (capitalisme, patriarcat) sont totalement détermi-
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nants. Bref, ce qui est important dans la notion de rapport social – défini
par l’antagonisme entre groupes sociaux –, c’est la dynamique qu’elle
réintroduit puisque cela revient à mettre la contradiction, l’antagonisme,
entre groupes sociaux au centre de l’analyse, et qu’il s’agit bien d’une
contradiction vivante, perpétuellement en voie de modification, de re-
création.
Et nous échapperons d’autant plus au danger de déterminisme que
nous ne pensons pas que la prise en compte d’un seul rapport social (celui
d’exploitation selon les uns, celui d’oppression selon les autres) suffise à
donner du sens à la société actuelle et à ses transformations dans l’histoire.
Dans la mesure où nous pensons que ces deux rapports sociaux sont fon-
damentaux, nous posons – je dirais par définition – qu’il existe des marges
d’indétermination entre les mailles que tissent ces rapports sociaux (la
métaphore est un peu facile, mais j’essaie d’aller vite...), et du même coup
qu’il y a réaménagement possible de marges de liberté pour les acteurs
collectifs et individuels. Et cela d’autant plus qu’il y a parfois contradiction
entre les rapports sociaux dominants (je pense par exemple aux nécessités
de la valorisation du capital qui entrent parfois en conflit avec le paterna-
lisme du système).
Les rapports sociaux ne sont donc pas pour moi le déterminisme,
mais au contraire une manière de penser et de travailler la liberté. Mais une
vraie liberté non pas posée a priori, mais qui se déploie entre les mailles
des déterminismes sociaux. Reste que, pour penser cette liberté, il faut
encore être bien sûr que l’on a travaillé toutes les modalités des rapports
sociaux. Or, l’étude des relations hommes / femmes est encore bien loin
d’être épuisée, y compris – et peut‑être même surtout – dans le travail. On
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a fait comme si « le travail » était réductible aux modes de gestion du per-
sonnel, à l’emploi, à l’organisation du travail, aux conditions de travail.
Mais reste à construire la relation entre les individus – et cette relation pour
moi est sexuée par définition. Ainsi, les notions de « solidarité », de « tra-
vailleur collectif »... n’ont pas de sens si, a uparavant, on n’a pas analysé en
profondeur les effets de la variable sexe.
J’ai donc la volonté de trouver des régularités qui permettent d’éta-
blir des typologies 7, mais en tenant compte simultanément de la notion
(ou d’une notion) de sujet – et cela précisément pour ne pas enfermer les
individus dans la norme, ce qui rendrait invisibles les contradictions, les
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transgressions et les luttes.
Reste que le problème du choix, de la liberté, se décèle bien au
niveau du sujet, pas immédiatement au niveau du groupe (il y a en effet
disjonctions entre les pratiques sociales qui sont collectives et les vécus,
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synchronique, certes, mais aussi diachronique (d’où l’importance de la
méthodologie) au niveau de l’individu (histoire de vie) et au niveau de
l’entreprise (suivi sur une longue période) ;
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9. Ces deux termes un peu lapidaires renvoient à l’analyse que j’ai faite des ouvrières. Il
est impossible de dire abruptement et sans médiation : « Les femmes ouvrières et (ce qu’on
entend généralement par) la classe ouvrière, c’est la même chose. Parce que les ouvrières
vont et viennent dans et hors le marché du travail quand elles s’y fixent (activité continue),
elles ont toute une série d’emplois qui ont beaucoup de points communs : déqualifiés, mal
payés, mal considérés (concierge, gardienne d’enfants, femmes de ménage, travail dans les
grandes surfaces, ouvrières, femmes de service, etc.). Mais, pour autant, peut-on parler de
culture ouvrière ? Par contre, il en va différemment des ouvriers hommes qui restent la plu-
part du temps non seulement dans le salariat, mais à l’intérieur même du salariat industriel.
À mon sens, le père et la mère ne transmettent donc pas le même type de culture parce que
la conscience de classe – et il est certain que les femmes en ont ! – ne peut être la même
quand elle s’est forgée en passant chez un Leclerc, puis dans une usine, puis en étant femme
de ménage, que dans le cas d’un homme qui est manœuvre puis os, puis pl, même si c’est
dans des entreprises différentes. Il me semble qu’il y a là un champ de réflexion qui mérite
d’être approfondi.
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courte, car vous pourrez retourner aux exemples qui ont été donnés dans
les textes distribués. Je vais donc plutôt essayer d’approfondir deux ou
trois questions.
J’ai commencé avec un projet de recherche classique de sociologie
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l’entreprise pour aller vers le domicile ouvrier. C’est ce que j’ai mis en
œuvre dans ma dernière enquête qui porte sur le chômage et la division
sexuelle du travail. L’hypothèse de fond est la suivante : si l’on pense que
le chômage est une situation transitoire et qu’il y a des comportements
différenciés des hommes et des femmes face au licenciement, si donc on
considère d’emblée les trajectoires sexuées, les trajectoires différenciées
des hommes et des femmes, on ne peut pas rester sur le seul terrain de
l’entreprise sous peine de ne pas comprendre ce qui se passe, ni quant aux
stratégies des ouvriers et des ouvrières ni quant à la politique de l’emploi
ou à l’articulation entre le marché de travail et le terrain de l’entreprise et
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de ses ouvriers(ères).
Que cette entrée par l’entreprise soit limitée et qu’il faille passer à
un autre niveau d’enquête, à un autre type d’enquête et sur d’autres lieux,
nous (moi et John Humphrey) en avons eu la confirmation au cours d’une
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entre ce rapport social spécifique, des rapports hiérarchiques et des rap-
ports entre catégories sociales (ouvriers, encadrement, etc., au sein de
l’entreprise).
Cette parenthèse sur les défauts et les vertus de l’entrée par l’entre-
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prise pour montrer qu’elle peut être un départ, qu’elle peut même être un
cadre précis d’étude ; si je dis qu’il y a eu des limites progressives qui
devenaient visibles dans ce type d’approche, c’est que, en fait, à partir
des études sur la productivité, la qualification, la promotion, etc., j’ai eu
l’impression que, si l’on ne faisait pas intervenir d’autres dimensions, il
était difficile de comprendre des aspects que, en économie et en sociologie
traditionnelles, on essayait d’expliquer par des éléments intrinsèques ou
endogènes aux lieux de travail, de production.
Autour de la productivité
Je passe maintenant à quelques exemples. Je commencerai par celui
de la productivité du travail, exemple qui permettra aussi un rapproche-
ment, d’un certain point de vue, avec la psychopathologie du travail. C’est
à mon avis un des exemples qui montre comment il faut aller à contre-
courant des analyses économicistes et objectivistes (telles que les propose
l’économie politique à propos de la productivité) si l’on veut jeter une nou-
velle lumière, ou donner des explications là où il pourrait être très difficile
d’avancer des explications de type intrinsèque.
Comment la question de la productivité du travail est-elle posée
en économie politique ? D’abord, il y a des explications par le progrès
technique, l’efficacité plus grande des moyens de production qui sont
employés ; un deuxième type d’explication en économie politique, c’est
tout le changement introduit dans l’organisation du travail, sous-entendu
ici, des changements introduits par la direction (les collectifs organisés
par les travailleurs eux-mêmes ne sont pas inclus généralement dans cette
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être exploitées au profit de la productivité par le truchement de l’auto-accé-
lération et de la coopération ouvrières (l’auto-accéleration liée à la frustra-
tion et étant compulsive, et la coopération étant liée à l’effet de peur), il
y a là une introduction de la subjectivité, et de notions comme la peur ou
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Mon point de départ a été une enquête dans plusieurs branches indus-
trielles et en particulier dans la sidérurgie : alors que les technologies étaient
similaires, on pouvait voir que les résultats quant à la productivité n’étaient
pas les mêmes si l’on comparait des unités de production implantées dans
des pays différents. Et, à la question : qu’est-ce qui explique ce décalage ?
L’économie politique n’apporte pas d’arguments convaincants parce qu’au
niveau des éléments dont la comparabilité était maîtrisée, il n’y avait pas
la possibilité d’expliquer pourquoi les résultats sur le plan productif étaient
inégaux ; en effet, les conditions techniques, technologiques et de manage-
ment, étaient au départ à peu près similaires, s’agissant de maisons-mères
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et de filiales des mêmes groupes industriels.
Ma thèse est que ces différences entre Japon et usines filiales au Bré-
sil sont liées (au moins en partie) aux modalités différentes d’articulation
entre le travail domestique et le travail salarié, entre le temps industriel et
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le temps hors industrie et hors travail. C’est en ce sens qu’on peut donc dire
que cette productivité élevée au Japon ne s’explique pas exclusivement sur
le terrain de l’entreprise, uniquement par des innovations technologiques,
même si ces innovations sont importantes pour l’essor de la productivité,
mais qu’elle est liée à plusieurs facteurs :
– au fait qu’il y a toute une série d’activités directement ou indi-
rectement productives qui sont effectuées en dehors des heures de travail
(par exemple : les cercles de contrôle de qualité), non comptabilisées par
l’entreprise et par les études de l’oit (Organisation internationale du tra-
vail) par exemple, et qui néanmoins contribuent aux statistiques qui sont à
la base des calculs de la productivité du travail ;
– il y a un autre facteur qui n’est pas comptabilisé non plus dans ces
statistiques, qui est toutes les heures supplémentaires qui ne sont pas rému-
nérées par l’entreprise et qui peuvent être de l’ordre de 5, 6 heures par jour,
donc de 30 heures par semaine dans une semaine de 6 jours, pour toutes les
catégories en dehors de l’ouvrier, à partir de chef de section ;
– il y a des suppressions volontaires de vacances, ce qui fait que, en
général les ouvriers hommes, les employés et les cadres ne prennent réel-
lement que 4, 5 jours de vacances par an, alors que ce qui est comptabilisé
dans les statistiques officielles, ce sont les jours de vacances officiels qui
sont de 20 jours par an pour les salariés qui sont restés 15 ans dans une
même entreprise ;
– il y a enfin un facteur qui est le temps de loisir et de cohabitation
dans le cas des couples, qui est un temps sacrifié au profit de l’organisa-
tion du travail salarié et de la productivité ; il y a , en effet, dans le cas
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sur l’individu qui est extrêmement importante.
Quand je parle de sacrifice du temps de loisir, c’est facile à com-
prendre, parce que si le type commence le travail à 7 h au lieu de 8 h et
rentre à 22 h au lieu de 17 h, ça fait déjà beaucoup de temps... auquel
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s’ajoutent les samedis et les dimanches, où, soit on a des activités exté-
rieures à l’entreprise mais pour l’entreprise, soit on a des activités d’inté-
gration qui sont des activités de loisir du type « golf » (et cela est vrai
même pour les catégories de salariés de niveau relativement bas), et aux-
quelles on va sans la famille. En revanche, il semble nécessaire de revenir
sur le problème de la cohabitation.
Les hommes passent, en tant qu’employés réguliers, un très grand
nombre d’années dans une même entreprise et il y a une mobilité interne,
utilisée comme une forme de promotion, de formation professionnelle,
puisqu’ils effectuent des expériences et des activités nouvelles, dans des
fonctions différentes et dans de nombreux établissements du même groupe
industriel ; ces déplacements, ou cette mobilité intra-entreprises a aussi la
fonction de rendre les restructurations industrielles plus aisées : tous les
ouvriers, les contremaîtres et ingénieurs qui sont nécessaires pour l’im-
plantation d’une nouvelle unité sidérurgique par exemple, pour laquelle
il est difficile de recruter une main-d’œuvre locale, tous ces hommes
sont simplement transférés d’une région à l’autre, à une distance qui peut
atteindre 2 000 km ; on « délocalise » donc l’homme sans la famille dans
la mesure où les femmes s’occupent de l’éducation des enfants et restent
dans un endroit fixe, étant donné les problèmes du système scolaire au
Japon. La distance étant plus ou moins grande entre les différents établis-
sements du même groupe, ils n’ont pas la possibilité de voir leur femme
plus d’une fois par mois ou une fois tous les deux mois, ce qui fait que,
dans une vie active de 30 ans, on peut passer 15-20 ans (tant que les enfants
sont petits et non indépendants) à faire le « sacrifice » de la cohabitation.
Et il s’agit là de quelque chose de régulier et de très répandu. Quand il
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s’agit de firmes multinationales où les cadres vont être transférés pour des
raisons d’implantation de nouvelles unités de production à l’étranger et des
raisons de promotions, impossibles dans le cadre des frontières nationales,
ce sont des dizaines d’hommes qui sont déplacés sans leur famille ; dans
un établissement enquêté au Brésil, ils avaient, sur une période de 4 ans,
la possibilité de rentrer une fois, c’est-à-dire au bout de la seconde année
– pour rester un mois avec la femme, les enfants ; le reste du temps, ils
avaient une vie qui évidemment était consacrée en grande partie à l’entre-
prise, puisqu’une bonne partie des liens affectifs, émotionnels, se faisaient
à une très grande distance, dans le cas du Brésil et du Japon.
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Il y a ainsi sacrifice des loisirs et de la cohabitation à partir du temps
individuel, le corollaire étant que les femmes se chargent des travaux
domestiques et de l’éducation des enfants quand il y a cette mobilité : je
crois donc que toutes les sources hors entreprise de la productivité sont
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Individu et groupe
Dans le cas du Japon, je crois que le fait déterminant est le type de
hiérarchisation individu / groupe, qui fait que l’individu n’est pas consi-
déré comme prééminent, même dans les rapports amoureux : il n’y a pas
de choix individuels, le choix du partenaire est encore dicté par la famille,
le groupe professionnel, l’entreprise, etc. (même aujourd’hui, dans 40 %
des cas, les mariages sont des « mariages arrangés ») ; ce qui fait que l’on
n’a pas les mêmes types de liens et donc pas les mêmes motifs de sépara-
tion (la non-cohabitation n’étant pas un motif de divorce, comme dans les
pays occidentaux) ; d’autres dimensions peuvent prendre la prééminence,
par exemple l’éducation des enfants ou le rapport parent / enfants, par rap-
port à ceux entre hommes / femmes dans le couple. Je pense justement à
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Le collectif de travail
Par rapport à ces problèmes-là, je crois qu’il est intéressant de passer
à un autre exemple, celui du collectif de travail au Japon.
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Je pense qu’en introduisant par cet exemple la place de l’individu
et du collectif, je peux un peu faciliter l’introduction aux caractéristiques
du collectif de travail au Japon. Parce que ces caractéristiques sont très
difficiles à comprendre si l’on ne signale pas cette primauté du groupe
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dans la société japonaise elle-même ; parce qu’il est, je pense, très dif-
férent de parler d’un collectif de travail ou d’un collectif de défense,
dans le cadre de rapports individualisés, des rapports hiérarchiques, tels
qu’on les connaît en France, et de parler de collectif de travail là où
l’individu est secondaire, là où il y a une primauté avouée, et à tous les
niveaux, du groupe et du social : au niveau du langage, au niveau de tout
le fonctionnement des institutions. Ce qui veut dire que, quand on dit
que l’individu est secondaire, cela signifie que le désir et la pensée de
l’individu sont aussi secondaires et secondaires socialement : ils doivent
donc être refoulés, on ne peut pas dire ce qu’on pense parce que ce qu’on
pense a la marque de l’individuel, et au niveau de la parole et au niveau
du contenu de ce qu’on dit (l’importance de se conformer à cette règle,
j’ai eu l’occasion de la saisir pendant mon expérience d’enquête sur le
terrain au Japon).
Le responsable de mon groupe de travail était un homme qui était
plus âgé, qui était plus ancien, et qui donc forcément avait plus de savoir
que moi. Le contester, et le contester sur des terrains où il ne faut jamais
contester un homme même occidental, c’était vraiment un motif justifié
d’exclusion. J’ai donc pu faire l’expérience par moi-même, ce qui m’a per-
mis de voir plus clair dans les généralisations qu’on pouvait faire sur les
collectifs et sur l’importance des collectifs au Japon. C’est vrai qu’il y a
un investissement affectif tel de ce que sont les collectifs qui remplacent
d’une certaine façon tout ce qu’il peut y avoir d’affectif dans les rapports
interindividuels, ou dans les rapports intersubjectifs, que cela a des réper-
cussions quasi directes sur toutes les pratiques collectives, et sur les gens à
l’intérieur d’un groupe. Je crois important de signaler que ces collectifs (et
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j’entre ici dans les caractéristiques des collectifs de travail au Japon) sont
immédiatement hiérarchisés au point qu’il est impossible de penser à un
collectif qui ne soit pas hiérarchisé. Je ne pouvais en 1982 faire une étude
sur les systèmes défensifs et sur les défenses collectives, et peut-être que
je ne serais pas capable non plus de le faire aujourd’hui, mais à l’époque
je n’en avais pas même la notion, de sorte que je n’ai pas pu réfléchir
directement en observant les collectifs au Japon. Mais je crois que, même
dans un collectif de défense au Japon, il y aurait une certaine hiérarchie,
du moins ce serait mon hypothèse. Car tout est entièrement, d’emblée, hié-
rarchisé au Japon. De la même façon, il y a une hiérarchie dans la famille.
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Dans l’occupation même de l’espace, on trouvera des signes spé-
cifiques de la hiérarchie. La place que chaque individu occupe, dans un
espace, est une place hiérarchisée. Au niveau de l’entreprise, il n’y a pas
de distinction vestimentaire, tous les hommes sont par exemple en bleu
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Et je crois qu’il y a une grande différence par rapport à une non-hié-
rarchisation dans les collectifs défensifs et dans les collectifs de travail. Je
pense, en revanche, que l’usage du collectif est différent, dans la mesure
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où les fins de l’entreprise sont différentes parce que le sens du travail est
donné par d’autres systèmes de référence et d’emploi, c’est-à-dire que je
crois qu’un collectif hiérarchisé peut fonctionner de manière à incorporer les
devoirs comme principe de fonctionnement. Donc à ne pas utiliser une cer-
taine coercition extérieure par la souffrance, ce qui serait un petit peu le cas
du Brésil, parce que, si l’on peut incorporer un peu le devoir dans la mesure
où il y a tout de même un système d’emploi qui n’est pas fondé sur la préca-
rité (comme c’est le cas au Brésil), c’est-à-dire qu’il y a un système d’emploi
qui est tendanciellement un système d’emploi à vie. Pour les hommes à sta-
tut régulier dans les grandes entreprises (je ne parle pas ici des femmes ni des
gens qui ont des statuts précaires ni de ceux qui travaillent dans les petites et
moyennes entreprises, mais je parle des grosses entreprises qui constituent
l’axe dynamique de l’accumulation et du mode de fonctionnement social
au Japon), ce système d’emploi, donc, est fondé sur l’ancienneté, et sur un
presque interdit du chômage ou du licenciement par l’entreprise. On donne
plutôt la préférence à des systèmes de remaniements intérieurs, de déplace-
ments, comme ceux que j’ai cités à propos des mobilités internes à l’entre-
prise, donc, ce qui du système est lié à toute une série de caractéristiques de
l’organisation du travail, en rupture dans une certaine mesure avec le taylo-
risme, et avec des coexistences de formes de gestion qui ne sont pas de type
taylorisé, où l’on essaye quand même de mettre en valeur les fonctions de
rotation, les fonctions de polyvalence, qui dépassent le simple enrichisse-
ment des tâches, et qui dépassent les formules néo-tayloriennes. Cela fait que
ce type de fonctionnement qui se pérennise sans répression permanente, sans
que ce soit fondé uniquement sur la coercition, rende possible sinon de façon
harmonieuse, du moins sans antagonisme suffisant, un certain mécanisme
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fonctionnement des groupes d’hommes. Aucune place n’est faite dans les
groupes de femmes à l’inventivité ou à la proposition de résolution des pro-
blèmes relatifs au lieu de travail, c’est-à-dire qu’aucune place n’est accor-
dée à la question de la liberté des travailleuses, alors même qu’il y a toute
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pour d’autres raisons aussi : dans le cas des femmes, la lutte contre la
paresse doit se mettre en place, et dans le travail salarié, et hors du travail
salarié, c’est-à-dire dans le travail domestique. On observe très fréquem-
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routiers sont des hommes et elles ont pour fonction d’exalter la « virilité »
de cette profession. J’avancerai donc l’hypothèse que les routiers « com-
pensent » par la virilité l’exploitation que leur font subir les rapports de
classe, ce qui permet en même temps de former un groupe spécifique au
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tissage collectif qui dépasse ou ne dépasse pas ces clivages. En revanche,
chez les femmes, le collectif de travail 10 est moins clivé entre différents
sous-groupes qu’atomisé entre individus : l’égalitarisme y est posé a priori
et entraîne le rejet des différences.
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10. Je précise ici qu’il s’agit du collectif de travail. En effet, un collectif ouvrier féminin de
luttes obéit à une tout autre logique : l’égalitarisme n’y est plus posé a priori ; c’est l’égalité
dans la participation à la lutte qui est proposée comme but à atteindre par le groupe. Alors
que les hommes, au cours d’une lutte, auraient tendance à nier les différences, les femmes
les posent au contraire comme problème à résoudre : il y en a qui sont mariées, et dont les
maris ne veulent pas qu’elles viennent faire l’occupation, tandis que les célibataires peuvent
venir occuper la nuit. Il y en a qui ont des gosses, et il y en a qui n’en ont pas. Comment
fait-on ? Et il y a mise en place d’une stratégie, ou plutôt d’une pratique sociale, qui tend
vers l’égalitarisme, c’est-à-dire qui tend à ce que tout le monde puisse participer à la grève
de façon égale, et surtout que tout le monde puisse continuer à contrôler ce qui se passe au
niveau de la grève.
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y a là quelque chose de schizoïde : la personnalité est cassée, clivée, et
la douleur qui est ainsi secrétée ne peut qu’avoir des conséquences sur la
santé mentale.
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Il peut sembler paradoxal de faire l’hypothèse qu’une décision de
ce type est régulée socialement, et surtout qu’elle est en rapport avec le
travail, l’activité et l’emploi. Et, cependant... !, l’analyse comparative
des itinéraires féminins permet bien, dans certains cas, de parler de ce
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de l’être. Cela dit, ces ouvrières, pour se constituer en tant que sujet
intégrant la scène du travail, sont toutes passées par des étapes de souf-
france aiguë : somatisations multiples, ulcère de l’estomac, dépression
nerveuse avec tentative de suicide, actes manqués en série. Par a illeurs,
l’économie (au sens de l’économie libidinale) mise en place par ces
femmes au niveau du rapport au travail est en étroite relation avec la
mise en place progressive d’un rapport original à la division du travail
entre les sexes, tant au niveau productif qu’au niveau reproductif, cela
allant même jusqu’à la façon de vivre sa sexualité. C’est ainsi que j’ai
pu avancer des typologies qui rendent compte de façon simultanée de
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rapports positifs à la qualification et d’un rapport particulier au couple
et à la sexualité, rapports qui sont très différents de ceux entretenus par
les autres ouvrières.
Quant au concept de travail et à la centration de la psychopatho-
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compte les rapports sociaux de sexe – le rapport au travail, le rapport à
l’emploi, le rapport à l’activité. L’étude réalisée sur le travail à temps par-
tiel a repris cette typologie et l’a fait fonctionner en la croisant avec la
place dans la production (en l’occurrence : femmes de ménage, vendeuses,
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chacune des deux disciplines, se présente comme des formes de raison-
nement dominantes. Cette « révolution copernicienne 12 » qui découvre les
contradictions de sexes sous la stabilité apparente des catégories sociolo-
giques universelles, en fait masculines, est symétrique du « renversement
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spécialisées (os) seraient ainsi très qualifiées pour le type de travail qu’on
leur assigne. Le retournement est là, évident, entraînant une remise en
question complète des valeurs, cette remise en question se faisant dans le
même sens, dans les deux cas.
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dépendre des exigences du système productif à chaque période historique.
Cependant, le capital lui-même semble s’opposer à une transitivité totale
des attributs sexuels plus ou moins rigides par ateliers et par postes. Une
des raisons d’une telle ségrégation serait – selon une hypothèse issue de
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Ce travail, considéré par l’entreprise comme « dangereux et insa-
lubre », est ainsi analysé comme « satisfaisant » et source de « plaisir »
selon la parole des ouvriers. Ce paradoxe est résolu en termes d’une
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un rapport direct avec le vécu du plaisir dans le travail et peut aussi être à
la base des idéologies défensives de métier.
Ne pas avoir peur ne signifie pas la même chose pour un homme
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élevé dès la petite enfance dans l’éthique du courage et pour une femme
qui devra être faible et dépendante, et cet impératif ne peut donc être mobi-
lisé de la même manière pour le travail pour la création de collectifs de
défense selon les sexes.
La psychopathologie du travail, dans ses constructions théoriques,
telles que les « idéologies défensives de métier », fait pourtant l’économie
de la référence première aux identités sexuées. Une conceptualisation en
termes de masculinité et de féminité sociales est absente de ses élabora-
tions, ce qui ne veut pas dire que « virilité » et « viril » ne soient pas utili-
sés, à plusieurs reprises, en référence au comportement, par exemple, des
ouvriers du bâtiment.
Il semble clair qu’une introduction, dans l’analyse du collectif (cf.
D. Cru, C. Dejours), d’une problématique en termes de rapports sociaux de
sexes aboutirait à la déconstruction de la formalisation du collectif et de la
caractérisation des idéologies défensives telles qu’elles sont présentées par
la psychopathologie du travail.
Troisièmement, la démarche psychopathologique fait l’économie
d’une analyse articulant structures familiales et système productif, travail
domestique et travail professionnel. Elle est encore très fortement centrée
sur le lieu de travail et sur l’exercice de l’activité professionnelle. Or, pour
nous, les statuts professionnels et les situations familiales des hommes et
des femmes sont inextricablement liés et leur analyse est indissociable.
L’activité professionnelle et le vécu du travail ou du chômage sont
très contrastés selon qu’il s’agit d’un travailleur(euse) père de famille et
pourvoyeur, femme mariée, jeune homme célibataire habitant avec sa
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tions de travail plus pénibles et précaires. Elle a montré également que la
paternité ou la maternité n’ont pas les mêmes effets sur le vécu du chô-
mage : ce sont les ouvriers hommes ayant un « rôle » de pourvoyeurs qui
mentionnent le plus souvent les souffrances du chômage liées à la paternité
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la base de los materiales recogidos en las encuestas sobre el trabajo
de las mujeres, ellas examinan las consecuencias de la ignorancia
de las relaciones sociales de sexo en la problematización de la rela-
ción al trabajo, tanto individual como colectivo.
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