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LE SUJET DU DROIT N'EST PAS LE SUJET DE LA PSYCHANALYSE

Franck Chaumon

ERES | VST - Vie sociale et traitements

2004/4 - no 84
pages 24 à 28

ISSN 0396-8669

Article disponible en ligne à l'adresse:


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Chaumon Franck, « Le sujet du droit n'est pas le sujet de la psychanalyse »,

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VST - Vie sociale et traitements, 2004/4 no 84, p. 24-28. DOI : 10.3917/vst.084.0024
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Dossier

24 Le sujet du droit
n’est pas le sujet
de la psychanalyse
FRANCK CHAUMON

Il n’est pas de concept lacanien qui ait été certain nombre de propositions issues du
plus malmené que celui de sujet. Au point discours psychanalytique, se situe en réa-
que, malgré une référence souvent expli- lité aux antipodes de ce que Lacan a dési-
cite à la psychanalyse, le terme est aujour- gné par ce concept.
d’hui employé très souvent dans un sens
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strictement opposé à celui de Lacan. Cette

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Sujet de droit et sujet
dérive a des conséquences majeures, car
de la psychanalyse
divers discours sur le « sujet » qui se récla-
ment d’une référence au langage (le sujet Le champ juridique est certainement un de
est celui qui dit je) ou à la loi (le sujet est ceux dans lesquels le terme de sujet a
institué par le texte du droit), reconduisent connu la plus grande fortune pour des rai-
une conception du sujet de l’intention, de sons internes au droit ou à la philosophie
la volonté et de l’autonomie strictement du droit. L’interprétation d’inspiration laca-
opposée à l’enseignement freudien. De nienne du sujet et de la loi, telle qu’elle a
sorte que l’apparente référence à la psy- été produite par Pierre Legendre, a contri-
chanalyse cache en fait une conception bué à ce succès.
normative du sujet, dans ce qui est devenu Contrairement à ce que pourrait faire pen-
une véritable injonction contemporaine à ser l’usage répandu du terme chez de
la subjectivité. On soutient qu’il faut tenir nombreux praticiens du monde judiciaire 2,
le plus grand compte de sa « parole », on le concept de « sujet de droit » n’est pas à
réclame qu’il ait une « place », on l’inter- proprement parler un concept juridique. Il
pelle, bref on lui donne une consistance relève plus d’une philosophie des droits de
qui s’apparente plus au moi qu’au sujet. l’homme qui a eu le souci de penser la
L’exaltation du sujet se paye alors d’une démocratie comme une organisation hori-
inflation de sa responsabilité : plus on zontale d’individus autonomes, c’est-à-
célèbre les vertus de sa parole, plus il est dire juridiquement égaux et libres. La phi-
sommé de rendre compte de ses actes 1. Le losophie du droit stricto sensu a rencontré
discours contemporain des droits de des difficultés insurmontables lorsqu’elle a
l’homme porte à son comble cette fiction tenté de donner au sujet du droit une
du sujet qui, bien qu’elle se teinte d’un place centrale dans l’architecture juridique,

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Le sujet du droit n’est pas le sujet de la psychanalyse

ce qui a conduit certains à affirmer dans le


même temps que le sujet de droit était une
« véritable clef de voûte de l’ordre juri-
nements fortuits, indépendants de la
volonté de quiconque.
Quelle que soit la dimension à laquelle on
25
dique » et qu’il était pourtant impossible se réfère, le sujet de droit n’est pas défini
d’en donner une version cohérente et uni- par des propriétés qui lui seraient intrin-
fiée 3. sèques, mais il résulte d’une interprétation
Le terme de sujet de droit n’intervient pas qui obéit à des contraintes formelles pré-
en tant que tel dans les textes juridiques cises. Il n’y a pas en droit un sujet dont l’es-
où l’on trouve par contre celui de person- sence se manifesterait selon diverses
nalité juridique, voire de personne occurrences, mais il y a, sous certaines
humaine. En revanche, l’individu concret conditions, du sujet de droit défini par cer-
auquel se réfère une action juridique est taines actions juridiques. Le sujet de droit
déterminé par sa place, sa fonction, son est une fiction, une fictio legis, qu’illustre le
rôle dans la procédure : il est toujours sujet fait que peuvent être déclarés sujet de
du droit. Le sujet de droit est celui qui est droit le Fisc, la Couronne, l’État, ainsi que
mis en fonction par le texte du droit ; il est, toutes les « personnes morales ».
en quelque sorte, le produit du texte juri- Si le sujet de droit est toujours assujetti à
dique. Cette mise en fonction du sujet l’ordre discursif, il n’apparaît que sous
dans le droit n’implique pas une modalité conditions, lorsqu’il vient en quelque sorte
unique ; on peut en repérer trois sortes, occuper la place vide qui lui est ménagée.
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qui répondent chacune à des logiques spé- Le procès ne connaît des sujets de droit

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cifiques : le sujet propriétaire, le sujet qu’en fonction des places logiques qui leur
auteur d’un acte juridique et le sujet res- sont assignées. L’expérience vécue des pré-
ponsable. Rien ne permet de prétendre toires montre que les individus que l’on
qu’il s’agisse du même sujet décliné selon rencontre excèdent bien sûr cet être abs-
trois occurrences distinctes. trait. Mais l’erreur consiste à confondre
Le sujet propriétaire, qui est la figure qui l’individu concret et l’imaginaire qu’il sus-
domine tout le droit des biens, est défini cite avec cette fonction juridique abstraite
par la capacité de posséder. Le sujet n’est et limitée. À ce titre, le droit comme la psy-
invoqué qu’au titre d’une possession parti- chanalyse doivent se garder de confondre
culière : un bien est référé à un sujet selon le sujet et son image.
le droit de propriété, lequel se définit par la Comment en est-on arrivé à lier le sujet du
jouissance de l’objet, toujours particulière, droit et le sujet de l’inconscient dans sa
conjoncturelle, limitée. version lacanienne ? Il y a certes une ana-
L’auteur d’actes juridiques est un sujet logie possible entre les deux concepts, si
réputé avoir la puissance juridique de les l’on considère que le sujet freudien résulte
accomplir. On parlera de capacité en droit d’une inscription, d’un texte précédant sa
privé ou de compétence en droit public, venue au monde. Les lois du langage, l’in-
qui sont la condition pour déclarer valides terdit de l’inceste et les règles de parenté,
ces actes juridiques. la mémoire dans la langue d’événements
Enfin le sujet responsable est le produit traumatiques survenus aux générations
d’un lien établi entre des faits et un sujet. précédentes, peuvent apparaître comme
Le sujet sera celui à qui il est possible d’im- une architecture formelle dans laquelle le
puter la responsabilité de certains faits. Il sujet doit venir prendre place, être mis en
peut s’agir d’actions aussi bien que d’évé- fonction en quelque sorte. Cette analogie

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26 est cohérente avec la théorie de la repré-


sentation, avec le primat du symbolique
que nous avons nommé plus haut symbo-
tion du juge s’en trouve transformée en
s’identifiant désormais à celle d’un inter-
prète (au sens de l’opération psychanaly-
lisme. Mais l’analogie est trompeuse car tique), comme le préconise Pierre
elle méconnaît cette distinction décisive : Legendre. Dans sa théorie, le droit n’est
le sujet ne s’appréhende comme tel dans pas seulement ce qui témoigne de l’iden-
la psychanalyse que dans les effets de la tité et de la différence, il est ce qui l’orga-
parole d’un individu, adressée à un autre nise, voire ce qui l’engendre. Il est ce qui
dans le transfert. Il n’y a pas un texte et réinstitue, ce qui répare, ce qui restaure. Le
puis la réalisation du sujet : dans la cure il droit n’est pas seulement architecte, il est
n’y a que des événements de discours médecin. Et si un vice de construction se
imputables à un sujet. Poser un savoir (par manifeste comme une défaillance de
exemple sur les origines généalogiques) et l’ordre symbolique qui affecte l’élément
en déduire un sujet n’a rien à voir avec la atomique et crucial qu’est le sujet, seule
psychanalyse… mais tout avec la psycholo- une « médecine du sujet » (ou une « cli-
gie ! Il n’y a pas un texte et puis la mise en nique du droit ») pourra renouer les fils
fonction du sujet, mais un savoir qui se dit rompus. La médecine du sujet, c’est-à-
de manière telle que s’en déduit après- dire, selon Legendre, la psychanalyse, vien-
coup un sujet. Si le langage et les lois du dra au secours de l’architecte.
symbolique précèdent le sujet dans son « S’il existe bien une juridiction sur le sujet
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existence concrète, il est faux de dire – j’use de ce terme de juridiction au sens

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qu’elles « l’instituent », comme le dit par traditionnel d’un pouvoir légal de dire ce
exemple Pierre Legendre. La psychanalyse qui doit être dit –, cela comporte que le
nous enseigne au contraire qu’il y a un savoir psy est lui-même institué comme
acte du sujet, qui est irréductible à toute pouvoir de dire, inscrit dans les montages
institution. Pour en rendre compte, il faut juridiques de la société, dont il est devenu
se mettre à l’écoute de sa parole et non le une pièce maîtresse 4. » Loin de distinguer
précéder en interprétant le texte (généalo- les registres, comme nous y invitons, cette
gique, juridique ou autre) pour en déduire position conduit à une vue globalisante et
la place qui lui serait assignée à l’avance. unifiante génératrice de toutes les confi-
C’est une question éthique en même sions. « Cela suppose […] situer l’office du
temps que méthodologique : l’invention juge comme interprète […]. Selon cette
freudienne, pour autant qu’elle a permis perspective, l’office du juge se ramène à la
de faire valoir un nouveau concept de défense du principe de paternité qui, en
sujet, se déduit d’un acte fondateur, celui l’occurrence, se confond avec le principe
de se mettre à l’écoute, de ne pas précé- de Raison. Tel est l’ultime horizon de la jus-
der d’un savoir l’énonciation qui seule per- tice 5. »
met de situer après-coup un sujet.
Faute de quoi, l’utilisation d’un savoir psy-
Le sujet, divisé
chanalytique se réduirait à la promotion de
nouvelles normes. Au nom du « sujet » et C’est en restant au plus près de l’expé-
des exigences « anthropologiques » qui rience de la cure en tant que dispositif de
doivent présider à sa venue, seraient édic- parole que la nécessité de renverser la
tées de nouvelles normes de vie ainsi conception classique du sujet s’est impo-
qu’un nouvel idéal pour la justice. La posi- sée à Lacan. La philosophie posait en pre-

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Le sujet du droit n’est pas le sujet de la psychanalyse

mier lieu le sujet et considérait ensuite ses ce « ça parle ». Il croyait régner, il croyait
actes, ses paroles, ses affirmations ou ses
refus en les rattachant à ce postulat de
maîtriser sa vie et ses choix et il s’aperçoit
qu’autre chose règle son parcours, un désir
27
principe. La psychanalyse procède d’un inconscient dont peut se déduire le sujet.
point de vue exactement inverse : elle Le sujet de l’inconscient est bien perçu par
découvre le sujet dans l’après-coup de ses celui qui en fait l’expérience en séance,
manifestations. Ce n’est pas là où on l’at- comme le sujet « lui-même » : c’est bien
tend, là où il s’annonce, là où il s’affirme, lui qui voulait cette chose que montre son
ce n’est pas non plus là où l’Autre le sup- rêve ou son lapsus, et que pourtant il ne
pose que le sujet se loge, mais bien plutôt voulait pas savoir.
là où on ne l’attend pas, là où celui-là Réserver le terme de sujet à cette accep-
même qui parle ne savait pas qu’il était. Le tion précise nécessite de trouver un autre
sujet qui intéresse la psychanalyse, c’est mot pour désigner le sujet auquel on
celui qui se déduit d’une division dans la s’adresse, le sujet du contrat, le sujet auto-
parole : « ça parle », et ce n’est qu’après- nome, etc. Pour la psychanalyse, ces
coup que l’on peut déduire qu’il y avait, diverses formes peuvent être regroupées
dans cette parole, un sujet. sous le concept de moi. Freud a qualifié
La règle de l’association libre énoncée par cette démonstration de la multiplicité
Freud comme règle fondamentale, qui interne de blessure narcissique parce qu’il
consiste à dire en séance « tout ce qui est douloureux, blessant de constater que
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passe par la tête », apporte la preuve de la l’image que l’on a de soi-même, le moi

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division qui s’opère entre ce qui se dit et ce dans lequel on aime à se reconnaître, est
qui voulait être dit. L’analysant avait l’in- un pantin qui se prenait pour un roi. Il
tention de dire quelque chose, mais il a tré- croyait orienter sa vie selon des choix rai-
buché dans sa parole, il a dit autre chose sonnables, et voilà qu’il découvre qu’à son
(lapsus, équivoque) que ce qu’il voulait insu il était gouverné par un désir qu’il
dire. Il y a un écart entre l’énoncé et avait passé son temps à ignorer, voire à
l’énonciation : le sujet de l’énoncé – celui refuser.
que l’on peut définir par l’intention de Lacan, le premier, a nommé « division du
signifier – s’avère démenti par le sujet de sujet » cette structure qui permet au sujet
l’énonciation – celui que l’on peut déduire de s’appréhender. Non pas qu’il y aurait
de ce qui a réellement été dit. deux sujets, l’un conscient et l’autre
Si les signifiants (au sens linguistique) sont inconscient, mais parce que le sujet ne se
les supports de la signification intention- révèle jamais que dans la division, dans les
nelle, c’est-à-dire les vecteurs du message failles du langage. Autrement dit, le sujet
que le sujet de l’énoncé adresse à l’interlo- n’est jamais plein, identifié, localisé, on ne
cuteur, les signifiants (au sens lacanien) tra- peut pas s’adresser à lui, pas plus que « lui
hissent dans leurs connexions imprévues donner toute sa place ». De place, il n’en a
ce qui glisse en dessous, le sujet de l’énon- pas, d’identité non plus, car c’est unique-
ciation, celui qui précisément intéresse le ment dans ses effets de division que, dans
psychanalyste. C’est ce sujet-là – et nul l’après-coup, on peut l’inférer. On mesure
autre – dont parle Lacan : « Le sujet donc, à quel point un certain vocabulaire courant
on ne lui parle pas. Ça parle de lui, et c’est (donner la parole au sujet, restaurer sa
là qu’il s’appréhende 6. » Pas d’autre place symbolique, etc.), auquel les psycha-
moyen de le débusquer que de l’inférer de nalystes se laissent malheureusement aller

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28 fréquemment, se trouve aux antipodes de


la formalisation lacanienne. C’est seule-
ment après-coup, et dans un moment de
du lacanisme en France, ce dont témoi-
gnent certains textes de Françoise Dolto
privilégiant « la parole de l’enfant ». Mais
division, que l’on peut repérer non un sujet qu’un sujet cherche à se dire ne préjuge en
complet mais plutôt des « effets de rien qu’avant l’acte de dire, il soit possible
sujet ». Le sujet de l’inconscient est lié à de le situer, et ne signifie pas davantage
une pulsion, à une ouverture qui se que l’on puisse le représenter, le localiser,
referme aussitôt qu’elle est appréhendée l’identifier à un nom. Inférer un sujet
par la conscience. Lacan ne cesse d’insister inconscient à partir d’une parole ne per-
sur cette nature vacillante du sujet : il y a met pas de le poser par avance, de lui pré-
de l’insu qui, de se manifester dans la parer en quelque sorte un abri. « Il y a du
parole, fait apparaître, l’instant d’une sujet », affirme la psychanalyse, en ajou-
éclipse, le sujet comme hypothèse, sub- tant immédiatement qu’il n’est possible de
jectum (jeté dessous). Retenons, pour le supposer qu’après-coup. D’où un cer-
schématiser, que tout ce qui est stable, tain scepticisme à l’égard de ceux qui
identifié, cerné, représenté est à ranger « font place au sujet », qui « considèrent
dans le registre du moi, alors que le sujet l’autre comme un sujet », ou qui assurent
se caractérise au contraire par ce qui est de parler « en tant que sujet ». Qu’il s’agisse
l’ordre du battement, de la coupure, de la en l’occurrence du moi n’est pas douteux ;
scansion. quant au sujet, on le cherchera plutôt du
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Nous avons déjà approché cette dimension

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côté de ce qui pousse chacun à de telles
à propos de l’objet qui confrontait l’enfant déclarations…
à l’énigme du désir de l’Autre. Il n’y a pas
de discours, d’énoncé ou de signifiant qui FRANCK CHAUMON
donnerait au sujet une identification
unique, qui lui garantirait une identité, qui
lui dirait : « tu es ceci ». Rien qui viendrait Extrait de Lacan. La loi, le sujet et la jouissance,
collection « Le bien commun », Éd. Michalon, avec
arrêter la valse des questions sur l’être, rien l’aimable autorisation de l’éditeur, Paris, 2004.
qui fixerait une fois pour toutes l’orienta-
tion de son désir. Il y a une barre sur
1. Le champ pénal en donne la démonstration sans
l’Autre, une incomplétude de l’ensemble appel : l’idéologie de la parole autour du trauma-
des signifiants, il n’y a pas de sens dernier tisme impose que chacun parle pour son bien (pour
qui permettrait de re-lier le sujet au reconnaître le mal en soi ou en l’autre, selon que
l’on est bourreau ou victime), mais les condamna-
monde : c’est pourquoi la psychanalyse tions de plus en plus lourdes démontrent que cette
récuse toute re-ligion. parole est entièrement imputée au sujet comme
Cette division, cette disjonction du sujet auteur de ce qu’il dit.
est essentielle à maintenir, sous peine de 2. Plus particulièrement, tous ceux qui ont affaire à
donner consistance à un nouveau sujet, la justice pénale et à celle des mineurs.
quel que soit l’habit dont on le revêt. Ce 3. Comme le montre C. Grzegorczyck dans un article
du numéro 34 des Archives de philosophie du droit
fut sans doute le cas lorsque, à une cer- consacré au sujet de droit, Paris, Éditions Sirey, 1989.
taine époque, l’usage polémique du terme 4. P. Legendre, Le crime du caporal Lortie, Flamma-
de sujet couplé à celui de désir voulait rion, 2000, p. 153.
dénoncer l’impensé de la psychologie. 5. P. Legendre, op. cit., p. 161.
« Entendre dans la parole le désir du 6. J. Lacan, « Position de l’inconscient », dans Écrits,
sujet » a eu valeur de slogan au temps fort Le Seuil, 1966, p. 835.

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