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Public cible : LS5-LS6
Semestre: Mousson
Pré-requis : pour suivre cet enseignement, l’étudiant devra avoir validé l’UE de
déontologie médicale.
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2. DESCRIPTION DE L’UNITE D’ENSEIGNEMENT
2.1 . OBJECTIFS DE L’UNTE D’ENSEIGNEMENT
Objectif général : cette UE vise à familiariser l’étudiant en LS5-LS6 de
médecine aux notions de base de l’éthique médicale.
Objectifs spécifiques : Les apprenants seront capables de :
• Situer les grands courants de pensée éthique
• Mieux comprendre les évolutions récentes liées aux soins
• Identifier les conflits éthiques dans les situations de soins
• Développer ses capacités de réflexion éthique
• Comprendre ce qu’est une démarche éthique et ses étapes
• Mettre en pratique la réflexion interdisciplinaire autour des
questionnements éthiques
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ETHIQUE MEDICALE
INTRODUCTION
« L’homme du siècle demande des lois qui le brident sans le briser, qui le
conduisent sans l’écraser ». Albert Camus
Les pratiques en santé se sont complexifiées dans le courant du XX eme, siècle, en
devenant une pratique non plus exclusivement technoscientifique, mais aussi une
pratique sociale et politique. Le contexte de professionnalisation de la médecine
fait émerger un nouveau besoin d’éthique. Considérée de plus en plus comme une
dimension intrinsèque du professionnalisme (Legault, 2004), l’éthique
s’apparente à une compétence que les professionnels doivent développer pour
revisiter les fondements, les finalités, et les moyens de leur agir, et ainsi s’engager
dans une pratique professionnelle plus critique, plus réflexive et plus responsable.
Sur le plan théorique, cette approche de l’éthique comme compétence, c’est-à-
dire comme capacité des acteurs d’initier de nouvelles pratiques en situation et
non plus comme discours sur les pratiques, est caractéristique du tournant
pragmatique de l’éthique (Maesschalck, 2010). Le souci de l’éthique qui est
également présent dans d’autres champs professionnels comme celui de
l’ingénierie connaît aussi des évolutions, mais elles ne sont pas du même ordre.
Le tournant pragmatique de l’éthique semble requérir une contextualisation plus
prononcée de l’apprentissage [situated learning], une articulation plus forte entre
théorie et pratique et donc une implication plus grande des terrains professionnels
dans la formation. Il se pose alors la question de son enseignement. Elle ne peut
pas s’enseigner véritablement. Elle est avant tout questionnement et nous devons
nous méfier des donneurs de leçon, des détenteurs de vérités révélés, des experts
nantis de recettes prêtes à l’emploi. En la matière il faut noter que la vérité n’est
jamais donnée d’emblée, que rien n’est inscrit, que le doute est incessant et que
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les décisions sont toujours difficiles. L’éthique n’est pas plus qu’une science
qu’une technique ou un système de règles institutionnelles (comme le droit ou la
déontologie). Pour toutes ces raisons, l’éthique soignante ne peut donc
véritablement s’enseigner.
1. INTERET DE L’ENSEIGNEMENT DE L’ETHIQUE
L’enseignement de l’éthique déborde largement de l’enseignement médical, il
doit susciter la réflexion morale dès le plus jeune âge (au cours de l’adolescence
au terme de l’enseignement primaire et secondaire).
Au cours de l’enseignement supérieur, il n’y a pas de domaine où l’éthique ne doit
pas être prise en considération, elle a sa place au niveau de tous les enseignements
et notamment en médecine où elle prend l’application de l’éthique médicale.
L’éthique médicale concerne les problèmes moraux soulevés par l’exercice de la
médecine.
Le but de l’enseignement de l’éthique est d’aider l’étudiant en médecine à repérer
et à définir les problèmes moraux qui se posent dans un contexte médical et
biologique et de les préparer à reconnaître les situations difficiles et à y répondre
sur la base de principes rationnels.
2. LES NOTIONS ESSENTIELLES
Le comportement des médecins à l’égard des malades est encadré par des règles
des divers ordres : le droit, la déontologie, la morale, l’éthique. La frontière entre
les notions de « morale », « d’éthique » et de « déontologie » est ténue.
- Le droit (civil, pénal…) inspire les lois que les citoyens d’un Etat sont
tenus de respecter.
Le droit répond à la question : comment régler les conflits en société ?
- La déontologie est l’ensemble des règles et des devoirs qui régissent une
profession, la conduite de ceux qui l’exercent et les rapports entre ceux-ci
et leurs clients ou patients et la société. Elle est soumise à des sanctions
disciplinaires.
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- La morale exprime à travers différents textes des préceptes qui imposent
de faire le bien et d’éviter le mal. D’après la définition du Larousse « un
ensemble de règles de conduite, considérées comme bonnes de façon
absolue ou découlant d’une certaine conception de la vie » mais également
« la science du bien et du mal, théorie des comportements humains, en tant
qu’ils sont régis par des principes éthiques ». La morale permet de
distinguer le bien du mal et de dicter des règles de comportements et
attitude conformes à une valeur juste. La morale répond à la question : que
dois-je faire ?
- L’éthique, (du grec ethos : mœurs, morale) est une réflexion active,
interactive et constructive sur les valeurs humaines qui fondent la qualité
de la vie et la dignité des personnes. Elle se réfère à des principes contenus
dans des déclarations, des conventions, des chartes, des avis, des rapports,
des codes. Il s’agit de notions de morale appliquées à une profession en
particulier telle que par exemple l’éthique médicale mais aussi l’éthique
juridique. D’après Le Petit Robert, l’éthique est la « science de la morale :
art de diriger la conduite ». Une application concrète qui permet d’édicter
des règles conformes à la morale dans l’exercice d’une profession définie
mais elle ne relève pas d’une institution. Elle aborde certaines questions de
société de manière philosophique et tend à trancher des conflits de
conscience. L’éthique n’est pas sanctionnée. Les avis de comités d’éthique
ne lient en aucun cas ceux qui les consultent.
L’éthique répond à la question : comment dois-je mener ma vie ?
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restreinte que celle de bioéthique qui, elle, concerne l’ensemble des
domaines des sciences de la vie.
Ainsi chacun de ces dispositifs apporte sur les problèmes de la vie, de la
souffrance, de la mort, un éclairage particulier.
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doit être mise en œuvre. En revanche si la personne est considérée comme
compétente, c’est-à-dire qu’elle peut rendre compte de ses choix, on se doit,
avant d’engager toute thérapeutique, d’obtenir son consentement. Le
patient est libre et capable de prendre les décisions qui le concernent. En
pratique ce principe se traduit par l’information loyale, claire et appropriée
au patient et le recueil de son consentement éclairé. Le patient peut ainsi
exprimer sa propre volonté
• Le problème peut se poser quand, par exemple quand :
- Le patient est incapable de donner son consentement (Ex : patient en coma
végétatif avec lésion importantes : quelles attitude adopter ?)
- Son choix semble inadéquat (Ex : patient insuffisant rénal, dialysé, dont la
qualité de vie diminue, qui demande un arrêt de la dialyse et fait valoir son
droit aux soins palliatifs).
3.2. Principe de bienfaisance et de non-malfaisance :
• Ces deux principes indissociables (re)centrent la pratique médicale sur le
bien-être bio-psycho-social du patient. En pratique, ces principes
s’appliquent en évaluant au cas par cas le rapport bénéfice/risque de chaque
acte ou soin. Dans une situation précise, il s’agit d’évaluer le plus
exactement possible les avantages (bienfaisance) et les risques (non-
malfaisance) de chacune des décisions. Ces avantages et ces risques
potentiels peuvent être de différentes natures (physiques, morales, sociales
ou économiques). Ces deux principes qui fondent la médecine sont issus du
« primum non nocere » (d’abord ne pas nuire) et de l’ « Aegrotis salus
suprema lex » (le bien du malade est la loi suprême) hippocratique.
• Ex : un patient VIH + au stade SIDA, insuffisant hépatique, nécessiterait
une transplantation hépatique. Qu’en est-il des risques encourus par un tel
acte suivi d’une immunosuppression induite, par rapport aux bénéfices
attendus pour le patient ?
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3.3. Principe de justice :
• Ce principe du point de vue de la recherche thérapeutique - mais qui peut
être généralisé à la clinique - vise surtout à répartir équitablement les
avantages et les bénéfices. En pratique il s’agit il s’agit d’affirmer la règle
de la non-discrimination (d’un point de vue individuel et collectif) mais
aussi de ne pas faire peser des risques sur des personnes déjà pénalisées (les
pauvres, les détenus, les handicapés, les malades psychiatriques, etc…).
dans la pratique le principe de justice s’applique dès qu’il existe une
pénurie. Ce principe est à la fois éthique et politique. Il s’agit ici d’affirmer
l’existence du tiers. En effet, si dans la relation de soin le soignant se
retrouve dans un face-à-face où il s’agit de faire preuve de bienveillance,
de sollicitude, il ne faudrait pas oublier cependant que ce malade n’est pas
seul, d’autres doivent également pouvoir bénéficier de cette bienveillance.
Ainsi devant un nombre insuffisant de greffons, il sera fait appel au principe
de justice. En effet dans tous ces cas une sélection doit être réalisée. Les
critères doivent être justes, c’est-à-dire équitables et transparents. Il faut
reconnaître que ces choix éthiquement difficiles, sont pourtant nécessaires.
Introduire le principe de justice dans l’éthique médicale, c’est rappeler que
si l’exigence de sollicitude est une chose, l’exigence de solidarité en est une
autre tout aussi essentielle. Ces deux modes de relation aux autres ne
doivent nullement être pour autant considérés comme contradictoires car,
comme l’affirme Suzane Rameix : « il n’y a pas d’éthique individuelle sans
dimension collective et réciproquement ». cette question est aussi politique
car en matière de santé si le désir est par nature infini, les moyens en
revanche ne le sont jamais. Au nom de l’empathie collective il ne peut être
question d’instaurer un droit à la santé qui signifierait un droit à engager
sans limites les finances publiques. Des priorités doivent donc être
instituées, des choix doivent s’opérer, faut-il encore qu’ils soient les plus
justes possibles.
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• Ex : concernant les prélèvements d’organe, les organes étant insuffisants,
une injustice survient parce que tout le monde ne peut pas en bénéficier, et
donc des choix sont à faire.
4. DES PRINCIPES EN CONFLIT
L’expérience montre que ces principes non seulement portent en eux des dérives
toujours possibles mais que, de surcroît, ils peuvent, dans certaines occasions,
s’opposer les uns aux autres. Quelques exemples de situations au cours desquelles
deux principes s’opposent :
4.1. Conflit entre principes de bienfaisance et de non-malfaisance :
On peut penser que les situations d’acharnement thérapeutique notamment en
réanimation, peuvent relever d’un conflit entre le principe de bienfaisance et celui
de non-malfaisance.
« L’acharnement thérapeutique » est l’attitude des médecins qui, en fin de vie,
utilisent systématiquement des moyens médicaux intensifs alors qu’il n’existe
aucun espoir d’améliorer l’état du patient. Le dilemme se situe entre la règle du
respect de la vie et la prise en compte de la qualité de la vie. Il s’agit alors de
savoir à quel moment des soins intensifs, invasifs, douloureux, handicapants
devienne disproportionnés. Le concept d’origine anglo-saxonne important est
celui de futilité, il s’applique lorsqu’un traitement particulier n’a pas de vraies
chances de donner de bons résultats. Des traitements peuvent aussi constituer
paradoxalement un mal pour le malade. C’est en tenant compte de l’ensemble des
éléments, au cas par cas, que l’on peut tenter de résoudre ce conflit en
n’entreprenant pas ou en interrompant un traitement jugé inutile car
disproportionné. Le primum non nocere constitue alors bien une limite au principe
de bienfaisance.
4.2. Conflit entre principes de bienfaisance et d’autonomie
Ce type de conflit est courant et oppose deux conceptions de la médecine, mais
aussi, de manière plus globale, deux visions de la relation qui lie les individus
entre eux. Chaque individu détermine lui-même ce qui est bien pour lui. L’intérêt
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général est représenté par l’ensemble des intérêts particuliers. En matière
médicale, il existe ainsi un droit reconnu qui permet à l’individu de refuser toute
intervention du soignant, même en cas de risque vital, pourvu toutefois que le
patient soit considéré comme « compétent », c’est-à-dire en mesure de juger.
Dans les sociétés latines l’on n’est pas autonome lorsqu’on n’est pas rationnel.
Les médecins, représentant en quelque sorte la société, se doivent de protéger les
citoyens contre eux-mêmes lorsque ceux-ci se comportent de façon irrationnelle.
Cette opposition se retrouve dans la manière dont est pris en charge, suivant les
pays, le refus de soin.
Faut-il transfuser contre son gré une personne témoin de Jéhovah en cas
d’hémorragie ?
Dans le cas d’espèce une patiente témoin de Jéhovah, a manifesté expressément son refus
de recevoir un produit sanguin. Son état de santé s’étant dégradé, elle a cependant été
transfusée contre son gré. Elle a alors saisi le tribunal administratif de Lille par voie de
référé-liberté pour faire interdire toute nouvelle intervention médicale et imposer le respect
de ses convictions.
• Rappel de l’article L.1111-4 de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des
malades et à la qualité du système de santé (extraits)
- « toute personne prend avec le professionnel
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informations et des préconisations qu’il lui fournit, les décisions concernant sa
santé.
- « le médecin doit respecter la volonté de la personne après l’avoir informé des
4.3. Conflit entre principes de bienfaisance et de justice :
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du handicap et surtout de la mort. Sans parler des problèmes éthiques
considérables que peut poser la réalisation concrète de cette exigence, on
comprend vite que cette ambition est, par nature, utopique. Cette volonté de
sollicitude se heurte à la réalité, c’est-à-dire à la finitude de l’offre. C’est ainsi que
se pose la question de l’arbitrage entre justice et bienfaisance.
Il est possible d’illustrer cette situation par un exemple tiré de la transfusion
sanguine. Au Togo les produits sanguins sont rares et précieux. Leur production
dépend du don. L’offre étant souvent inférieur au besoin, il existe parfois une
pénurie (± grave selon les périodes et les lieux) de produits sanguins. C’est ainsi
qu’il peut arriver que certaines prescriptions de produits sanguins puissent être
discutées. La question se pose lorsque des malades dont le pronostic vital est
engagé à relativement court terme, nécessitent des transfusions itératives. En
période de pénurie, le risque serait de ne plus être en mesure de répondre à d’autres
urgences. Ce type de situation correspond à une forme de dilemme qui oppose le
principe de bienfaisance au principe de justice.
Cette question est illustrée au travers de l’exemple qui suit :
Faut-il continuer des transfusions itératives chez un patient dont le
pronostic vital est engagé à court terme ?
• Position du médecin prescripteur :
« Interrompre les transfusions du malade est impossible puisque cet arrêt
de traitement abrégera la vie de ce malade que je connais depuis
longtemps »
• Position du médecin du centre de transfusion
« Le manque de produits sanguins m’oblige à tenir compte de la nature des
demandes. Or, ce malade n’est pas prioritaire puisque les transfusions sont
palliatives, je dois donc réserver les produits pour les urgences »
Décision prise :
Les équipes d’hospitalisation et transfusion ont décidé d’interrompre
progressivement les transfusions et de débuter, avec le concours de
l’équipe mobile de soins palliatifs une prise en charge symptomatique et
psychologique du patient.
Dans cet exemple, notons que le médecin référent du malade impliqué dans une
relation interindividuelle forte est dans l’incapacité morale de prendre une telle
décision même si par ailleurs ce médecin peut comprendre parfaitement la
situation. C’est donc celui de la transfusion qui ne connaît pas personnellement le
patient qui peut rappeler le principe de justice. C’est ensuite en équipe, en venant
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en aide au médecin référent, en soulageant ce dernier de sa lourde responsabilité,
que l’on peut opter pour la moins mauvaise des solutions possibles.
4.4. Conflit entre principes d’autonomie et de justice
Au Togo comme ailleurs, la santé n’est pas considérée comme un bien marchand
comme un autre. Il s’agit de permettre à tous un égal accès aux soins. Que la
solidarité se situe au niveau du groupe social au travers de cotisations salariale ou
au niveau national au travers de l’impôt, l’idée de préservation d’une certaine
cohésion sociale apparaît alors dans les deux cas comme centrale. Cependant,
nous assistons également à un fort courant individualiste et libéral qui peut parfois
s’opposer à cette solidarité. Des conflits naissent ainsi entre intérêts personnels et
solidarités collectives. L’exemple qui suit montre l’existence dans certains
hôpitaux de conflits entre des aspirations religieuses des individus et le principe
d’égalité de traitement entre malades. Comment concilier ainsi la charte du patient
hospitalisé (art.7) qui stipule que les « croyances (de la personne hospitalisée) sont
respectées, son intimité doit être préservée ainsi que sa tranquillité » et la nécessité
de traiter les malades en toute égalité ? Nous allons voir comment cette question
peut concrètement se poser à une équipe soignante dans une maternité.
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- Enjeux d’éthique concernant des outils numériques pour le déconfinement
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parfois il s’agit d’un conflit interne à la conscience du malade : situation la
plus complexe)
7. DOMAINES DE L’ETHIQUE BIOMEDICALE
L’éthique bio médicale est générée par la progression rapide de la recherche
médicale et scientifique car désormais la vie peut être donnée en dehors des
processus naturels aux travers des méthodes de la procréation médicalement
assistée.
La vie peut être secourue aux moyens de transplantations d’organes ou de tissus.
Elle peut être modifiée par la thérapie génétique.
Aussi l’éthique biomédicale pose des interrogations et donne un débat de fond sur
les problématiques suivantes :
L’identité humaine ;
L’information du malade ;
Le clonage ;
Face à l’insuffisance de la seule morale, à l’impossible légitimité des logiques
religieuses, à la marche trop lente du droit, le législateur doit-il intervenir ?
8. DIFFERENTES APPROCHES FACE A UN DILEMME ETHIQUE
Dans le domaine de la santé et de la médecine, les soignants, mais aussi la société
dans son ensemble, sont confrontés de plus en plus fréquemment à des
interrogations d’ordre éthique. Citons à titre d’exemple des questions aussi
difficiles que l’euthanasie, le statut de l’embryon, le clonage thérapeutique, la
marchandisation du vivant, l’inégalité d’accès aux soins.
Que ces questions se posent dans des situations de soin particulières ou qu’elles
touchent à des questions de société, elles font toujours appel à nos valeurs
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personnelles, professionnelles ou collectives. Suivant nos conceptions morales,
philosophiques ou culturelles, nous n’aurons alors pas forcément les mêmes
approches. Le sociologue Max Weber distinguait quatre types d’approches qui
représentaient autant de formes de rationalité, c’est-à-dire de « bonnes raisons »
qui peuvent justifier les actions des individus. Il discernait ainsi :
• la rationalité selon les fins : il s’agit de mettre le mieux possible en œuvre
des moyens pour atteindre des fins précises ;
• la rationalité selon les valeurs : dans ce cas les formes d’actions choisies ne
sont pas forcément les plus efficaces mais sont d’abord celles qui tiennent
compte des valeurs ;
• la rationalité affective qui se fonde sur la passion, l’émotion ;
• la rationalité définie par la tradition.
9. LA DEMARCHE ETHIQUE
Même s’il est difficile d’évoquer une méthode en éthique, il reste possible de
proposer une démarche rationnelle. Nous entendons ici par « démarche
rationnelle » une démarche qui s’appuie sur une analyse précise des données. La
réflexion éthique selon Alain cordier repose sur un trépied : le légal, le moral, la
pratique. Nous distinguerons pour notre part quatre aspects : le médical, le
juridique, le déontologique, l’éthique. L’ordre donné est ici important car nous
devons nous assurer que le problème soulevé relève bien de l’éthique. Il arrive
des fois que la question soit d’ordre médical ou organisationnel, l’éthique n’étant
dans ce cas qu’un paravent qui cache des conflits d’une autre nature. L’éthique
soignante ne se constitue pas ex nihilo, les lois, règlements, chartes ou textes
déontologiques doivent être considérés comme le cadre dans lequel la réflexion
éthique peut se structurer et se développer. Qu’ils soient relationnels, sociaux,
économiques ou conjoncturels, de nombreux autres paramètres peuvent
également être pris en considération, cependant ils ne seront pas en mesure, à eux
seuls, à fonder la décision.
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Pour comprendre la démarche qui peut être menée devant une question éthique,
nous prendrons l’exemple d’un malade atteint d’un cancer en phase avancée pour
lequel la question de la poursuite du traitement curatif est posée. En tenant compte
de l’état d’esprit du malade et de sa famille, quelles sont alors les questions que
l’équipe est amenée à se poser avant de prendre une décision ? Faut-il à ce stade
de la maladie, construire un projet de soin à visée palliative ou continuer des
traitements lourds, sources possibles d’inconfort ? Comment présenter la situation
au malade et à ses proches ? Quelle place pour les proches, quelle aide pour le
malade ? Comment à la fois donner toutes ses chances à la thérapeutique sans
pour autant verser dans l’acharnement thérapeutique ? En un mot comment ne pas
aller trop loin ?
Autant de questions qui nécessitent une prise de conscience après une réflexion
collective et en suivant une certaine méthode.
9.1. L’aspect thérapeutique
Il s’agit dans un premier temps de s’assurer que les différents traitements au
regard de l’état actuel de la médecine ont été recherchés. Ceci souligne
l’obligation de moyen même si le professionnel de santé n’est pas tenu à une
obligation de résultat. La loi stipule que toute personne a « le droit de recevoir
des soins les plus appropriés et de bénéficier des thérapeutiques dont l’efficacité
est reconnue et qui garantissent la meilleure sécurité sanitaire au regard des
connaissances médicales avérées ».
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mais la décision reste à construire, à argumenter, à partager. Le droit et la
déontologie constituent un premier socle, certes nécessaire mais souvent
insuffisant. La décision doit s’inscrire non seulement dans un registre scientifique,
juridique et déontologique mais aussi dans le domaine des valeurs et de la morale.
Car en dehors de toute référence juridique ou professionnelle, il existe une
exigence morale d’aide envers autrui. En ce sens la réflexion éthique exige de se
dégager de ses certitudes afin que tous les termes du problème soient posés avant
que la discussion ne s’enclenche. Concrètement il s’agit à partir de l’ensemble des
données, d’entamer une réflexion proprement éthique et de répondre à la
question : qu’est-ce qui est en jeu ?
La décision ne constitue que l’un des quatre moments de la démarche éthique :
- la compréhension de la question et
- l’analyse du cadre médical, juridique et déontologique représentent les
premiers moments ;
- ensuite vient le temps essentiel de la délibération qui doit porter d’abord
sur les buts (ceux du malade, des proches, de l’équipe) puis sur les
différents moyens possibles à mettre en œuvre.
CONCLUSION :
L’éthique soignante même si elle a pour origine le respect des normes morales,
finit par exister par elle-même. Le soignant en revendiquant une déontologie
professionnelle qui défend les valeurs du soin, se place lui-même sur un terrain
éthique.
Si les lois sont amenées à évoluer, pouvant parfois rendre incomplets ou caduques
certains « recours » pour sortir des conflits, la démarche d’analyse et de
réflexion éthique reste la même. Elle procède de l’exposé synthétique de la
situation, de la prise en compte des éléments du contexte (socio-culturel, normatif,
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économique), de l’identification des dilemmes éthiques et analyse de la situation
avant de faire des propositions de recours pour sortir du conflit de valeurs.
La mission éthique du soignant est donc bien l’autonomie du malade, mais,
suivant l’expression de Suzanne Rameix, cette autonomie doit être tempérée,
c’est-à-dire compassionnelle.
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