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UNIVERSITE CHEIKH ANTA DIOP

BP 500 Dakar-Fann
Faculté des Lettres et Sciences Humaines
Département de Philosophie
SYLLABUS DE COURS : INTRODUCTION A L’ETHIQUE

CADRE DE REFERENCEADMINISTRATIF
Faculté Faculté des lettres et Sciences Humaines
Département Département de philosophie
Enseignant responsable Lamine DIEDHIOU
du cours
email Lamine13.diedhiou@ucad.edu.sn
Heure de réception Samedi matin à 10h sur rendez-vous

DESCRIPTIF DU COURS
Domaine Science de l’homme et de la société
Mention Philosophie
Spécialité Philosophie morale et politique
Niveau Licence 1
Code de l’UE 121
Code de l’EC 121B
Responsable de l’UE Malick DIAGNE
Intitulé de l’UE Introduction à l’Ethique
Semestre Semestre 2
Volume Horaire 24 heures
Nombre de Crédits 12
Objectif général de l’EC L’étudiant doit être capable :
- De définir l’éthique, de comprendre ses différents
domaines et son rapport avec la morale
- D’identifier les valeurs éthiques en jeu
- D’analyser philosophiquement non seulement les
enjeux éthiques d’une situation politique, sociale,
économique et culturelle, mais de mener une réflexion
personnelle et de parvenir à un choix éthique éclairé.

Objectifs spécifiques L’étudiant doit être capable de comprendre que ;


- L’éthique est une réflexion sur les valeurs qui orientent
et motivent nos actions.
- La réflexion éthique porte sur les conceptions du bien
du juste et de l’accomplissement humain.
- L’étude de l’éthique renvoie par ailleurs à plusieurs
domaines. A l’intérieur de chaque domaine, on
retrouve divers courants d’éthiques.
- Le but de la réflexion éthique est de déterminer non
pas les valeurs les plus motivantes sur le plan subjectif,
mais celles qui peuvent justifier rationnellement notre
action, celles qui constituent des raisons d’agir
acceptable pour l’ensemble de la société.
Plan du cours
Introduction

Chapitre premier : L’éthique normative

Chapitre 2 : L’éthique appliquée

Chapitre 3 : La méta-éthique

Conclusion
Cours de philosophie morale et politique

Introduction à l’éthique : un concept pour


repenser et réorienter l’action humaine
Introduction
L’éthique est en effervescence, elle est à la mode. On entend sans arrêt parler d’éthique dans
les médias, au travail, en politique, dans la gouvernance publique, dans le monde des affaires
et de la finance, bref un peu partout. Ce mot est aujourd’hui très souvent utilisé, parfois de façon
inappropriée, ou ambiguë. Beaucoup de gens semblent se soucier d’éthique sans vraiment
savoir ce que le terme recouvre. Très souvent une confusion est faite entre l’éthique et la morale.
Il y a pourtant une différence entre ces deux concepts. L’éthique vient du grec « ethos » : il
signifie l’habitat, et essentiellement la manière d’habiter (d’où l’origine du mot éthologie :
science des comportements animaux). La définition est donc assez large car elle regroupe les
façons d’être, de vivre, les comportements dans un milieu ou une société à un moment donné.
« Ethike » est l’adjectif en grec lié au mot « ethos ». C’est ce qui est relatif à la manière de se
comporter. Il y a dans cette définition, la nécessité de décrire les comportements et d’apporter
un jugement sur ces comportements. D’où le lien avec la morale. On peut donc définir l’éthique
comme une réflexion sur les comportements à adopter pour rendre le monde humainement
habitable. En cela, l’éthique est une recherche d’idéal de société et de conduite de l’existence.
Elle est la science de la morale et des mœurs. C’est une discipline philosophique qui réfléchit
sur les finalités de l’action humaine, sur les valeurs de l’existence, sur les conditions d’une vie
heureuse ou sur la notion du ‘‘ bien ’’. La morale quant à elle, est une théorie ou une doctrine
de l’action humaine qui tente d’établir de façon normative la valeur des conduites et de prescrire
les règles de conduites qu’il convient dès lors de respecter. En ce sens la morale ne se contente
pas de décrire comment les hommes agissent, mais elle tente de dire comment ils devraient agir.
On voit donc bien que la morale se réfère à un ensemble de valeurs et de principes qui
permettent de différencier le bien du mal, le juste de l’injuste, l’acceptable de l’inacceptable, et
auxquels il faudrait se conformer. L’éthique, quant à elle, n’est pas un ensemble de valeurs et
de principes en particulier. Il s’agit d’une réflexion argumentée en vue de bien agir. Elle propose
de s’interroger sur les valeurs morales et les principes moraux qui devraient orienter nos actions,
dans différentes situations, dans le but d’agir conformément à ceux-ci.
Dans son ouvrage intitulé : Le capitalisme est-il moral ? (Ed. Albin Michel, Paris, 2004), Le
philosophe français André Comte – Sponville distingue l’ordre moral de l’ordre éthique. Il
estime que la morale est ce que l’on fait par devoir en mettant en œuvre la volonté et l’éthique
est tout ce que l’on fait par amour en mettant en œuvre les sentiments.
Pour Paul Ricoeur, la différence entre l’éthique et la morale est à analyser selon que l’on met
l’accent sur ce qui est estimé bon ou sur ce qui s’impose comme obligatoire. Il écrit à ce propos :
« c’est par convention que je réserverai le terme d’éthique pour la visée d’une vie accomplie
sous le signe des actions estimées bonnes, et celui de morale pour le côté obligatoire, marqué
par des normes, des obligations, des interdictions caractérisées à la fois par une exigence
d’universalité et par un effet de contrainte ». On reconnaîtra aisément dans la distinction entre
visée de la vie bonne et obéissance aux normes, l’opposition entre deux héritages : l’héritage
aristotélicienne où l’éthique est caractérisée par sa perspective téléologique (de ‘‘ telos ‘‘ qui
signifie fin), et un héritage kantien, où la morale est définie par le caractère d’obligation de la
norme, donc par un point de vue déontologique (déontologique signifie précisément devoir).
Comme on le voit, la morale est l’ensemble des règles d’action et des valeurs qui fonctionnent
comme normes dans la société. Elle nous indique ce qu’il faut ou ne pas faire pour demeurer
conformes aux règles d’une société. Elle nous dit par exemple : « Tu ne dois pas tuer ».
L’éthique quant à elle, traite aussi de ce que nous devons faire ou ne pas faire, mais surtout du
raisonnement, pour ou contre, à appliquer pour déterminer le choix d’une conduite devant un
problème moral.
Différence entre l’éthique et la morale
La morale L’éthique

- La morale a une connotation religieuse - L’éthique est plutôt de nature laïque.


- Elle comporte une notion de contrôle - Elle comporte une notion d’auto contrôle,
imposée de l’extérieur elle part de l’intérieur de la personne.

- Elle porte sur le bien et sur le mal. - Elle porte sue le positif et le négatif.

- Elle nous interpelle et crée des - Elle nous fait réfléchir et nous
obligations responsabilise.

L’éthique a connu de nombreuses et importantes transformations au cours de son histoire.


Dans l’antiquité grecque, l’éthique était dominée par le concept de « vertu » aussi bien chez
Socrate que chez Platon, Aristote et les Stoïciens. Elle concernait principalement la question de
but de l’action. C’était donc une éthique téléologique. Elle se fonde sur deux idées essentielles :
- La première idée est de comprendre que si je connais le bien, alors je saurais ce qui est bien.
Ce qui est bien va me permettre ma finalité : le bien. Par conséquent tout ce que nous
faisons, nous le faisons pour atteindre un certain but et ce but est le bien.
- La deuxième idée est de savoir s’il y a un but à l’action humaine, ce but c’est tout
simplement le bonheur. Tout ce que nous cherchons à faire, c’est d’être heureux. Dès lors,
toute la question est de savoir comment être heureux ? Se sera d’ailleurs la question centrale
de la philosophie de cette époque.

Au début du XVIIe siècle, Descartes fut le premier philosophe à prendre nettement ses distances
avec l’éthique antique, qu’il jugeait trop « spéculative ». S’appuyant sur une nouvelle
métaphysique, il fonde une morale dans un sens beaucoup plus individuel.
Vers la fin du XVIIIe siècle, le développement de l’éthique moderne se poursuit avec la pensée
de Kant et la naissance de l’éthique déontologique. Cette éthique est une réflexion critique sur
les conditions de possibilité de la morale mettant l’accent sur le devoir.
Vers la fin du XXe siècle et le début du XXIe siècle se développe l’éthique appliquée en rapport
avec de nouvelles préoccupations médicales, environnementales, sociétales etc.
L’éthique renvoie par ailleurs à plusieurs domaines. A l’intérieur de chaque domaine, on
retrouve divers courants d’éthiques. Les principaux champs sont : l’éthique normative, la méta-
éthique et l’éthique appliquée.
L’éthique normative et la méta-éthique appartiennent à la philosophie et s’intéressent aux
fondements de la morale. On les regroupe donc sous l’expression « philosophie morale ».
L’éthique appliquée, quant à elle, est un domaine que se partagent des spécialistes de plusieurs
disciplines : médecins, juristes, biologistes, économistes, philosophes, théologiens, écologistes,
etc. Il ne porte pas sur les fondements de la morale mais sur des situations concrètes soulevant
des enjeux éthiques.
Chapitre premier : L’éthique normative

L’éthique normative regroupe les travaux philosophiques qui développent, analysent ou


évaluent de manière critique différentes conceptions de la morale. L’éthique normative porte
sur des questions normatives, c’est-à-dire sur ce qui « doit être » en matière d’action humaine.
Elle propose des normes qui, par définition, prescrivent ce qui est « bien » ou « mal », « ce qu’il
faut faire » et « ce qu’il ne faut pas faire ». C’est en général à elle que les gens pensent
spontanément lorsqu’ils ont en tête les mots de « morale » ou « d’éthique ».
L’éthique normative se fonde sur plusieurs courants parmi lesquels on peut citer :

1- L’éthique conséquentialiste (ou le conséquentialisme)


Le conséquentialisme consiste à soutenir que la valeur morale d’un acte est contenue tout
entière ou éventuellement dans ses conséquences. L’éthique conséquentialiste se préoccupe
uniquement des conséquences de nos actions pas de leurs intentions. Nous devons choisir les
actes qui auront les meilleures conséquences, c’est-à-dire qui contribueront le plus à améliorer
l’état du monde. Cette amélioration peut être évaluée à partir de principe très divers. De ce point
de vue, quand on pense aux conséquences désastreuses de dire la vérité, mentir peut quelque
part être justifié dans les cas où cela permet de sauver sa tête ou plus simplement d’éviter de
compromettre sa carrière politique. Par exemple, Monsieur le Maire de la commune de « belle
vue » pourrait juger moralement préférable de dire la vérité sur son incapacité à résoudre le
problème de la délinquance juvénile qui sévit dans la commune parce que le silence aurait des
conséquences désastreuses sur la vie des populations. Ou encore, il pourrait juger politiquement
préférable de ne pas dire la vérité parce que l’aveu aurait des conséquences désastreuses sur sa
carrière politique. Dans tous les cas, Monsieur le Maire, va adopter l’approche
conséquentialiste. Dans les actions, les hommes doivent prendre souvent en compte les
conséquences de leurs actes. On peut donc comprendre que pour déterminer le caractère moral
d’un acte ou d’une action, il faut s’intéresser à l’ensemble de ses conséquences. Une action est
moralement bonne du fait qu’elle a des conséquences qui sont bonnes ou, dans un dilemme,
meilleures que celles des autres actions possibles. Le plus souvent, on oppose le
conséquentialisme aux éthiques déontologiques, lesquelles mettent l’accent sur le type d’action
plutôt que sur les conséquences, et l’éthique de la vertu laquelle se concentre sur le caractère et
les motivations de l’agent.
2- L’éthique déontologique (ou le déontologisme)
Il faut tout d’abord éclaircir une simple question de vocabulaire : dans la langue courante, le
terme « déontologie » renvoie à l’éthique spécifique d’une profession, c’est-à-dire à une liste
de règles, de permissions et d’interdictions devant gouverner la conduite d’un corps
professionnel. Par exemple, le code de déontologie de la presse est l’ensemble des règles qui
régissent la fonction de journaliste. Ce code exige du journaliste, dans le traitement de
l’information, de se limiter aux faits et d’informer juste et vrai.
En philosophie morale, le terme « déontologie » a une signification bien plus large et
fondamentale. Il désigne l’une des grandes méthodes possibles en morale, fondée sur l’idée de
« devoir ». Le mot lui-même signifie, étymologiquement, « science des devoirs ».
L’éthique déontologique se fonde sur les notions de devoir, d’obligation et d’impératif moral.
En effet pour déterminer la moralité d’une action, il faut se référer au devoir moral de l’agent.
Un acte est moralement bon du fait qu’il satisfait à certains devoirs ou obligations morales, et
ce, peu importe ses conséquences. L’éthique déontologique se conçoit indépendamment de
toute conséquence qui pourrait résulter de nos actions. Par exemple, l’homme ne doit pas mentir
pour protéger un parent voleur, car l’obligation de dire la vérité est absolue et ne tolère aucune
condition particulière.
Dans la pensée occidentale moderne, c’est Kant qui a développé cette conception de la façon la
plus complète en montrant à quelle condition une obligation morale est valable de façon
universelle. Dans cette perspective, ce qui rend l’action bonne ou juste, c’est précisément sa
conformité à une telle règle. Par exemple : si j’estime que tout patient a droit à la vérité et que
la lui refuser, c’est en quelque sorte nier son humanité et son statut de personne autonome, alors
je dois lui dire la vérité, avec toutes les précautions qui s’imposent. Une telle éthique centrée
sur la notion de devoir ainsi que des droits qui en sont le corollaire est essentielle pour repenser
et réorienter aujourd’hui l’action humaine.
Toutefois, il est important de souligner que l’éthique déontologique se fonde sur deux courants
opposés :
- Le déontologisme moniste qui fait dériver toutes nos actions d’un unique principe, comme
l’impératif catégorique dans la doctrine de Kant : « agir de telle sorte que la maxime de
ton action puisse être érigée en loi universelle ».
- Le déontologisme pluraliste qui refuse un tel réductionnisme et qui affirme que les actions
humaines sont à juger en fonction de plusieurs principes distincts, comme le devoir de ne
pas faire du mal à autrui inutilement (principe de non malfaisance), le devoir de se
conformer aux engagements librement donnés (principe de fidélité), le devoir de remercier
ceux et celles qui nous ont aidés (principe de gratitude), le devoir de compenser les
personnes à qui nous avons fait un tort (principe de justice restauratrice), etc.

3- L’éthique des vertus


L’éthique des vertus met l’accent sur les traits de caractères en rapport avec les actions. En
effet, pour déterminer la moralité d’une action, il faut regarder le trait de caractères qui est
généralement associé à un tel acte. Est-ce une vertu ou un vice ? Un acte est moralement bon
du fait qu’il correspond à ce que ferait quelqu’un de vertueux. Les vertus sont des dispositions
à agir d’une façon plutôt que d’une autre, comme le vice d’ailleurs. Elles sont apprises
socialement mises en avant parce qu’elles permettent la réalisation ou l’accomplissement de
soi, autrement dit de mener une vie bonne.
Aristote est le père de la morale centrée sur les vertus. A la source du bonheur et de la justice,
la vertu est ce juste milieu qui permet à chacun de vivre avec bonheur tout en tenant compte
des autres. Aristote écrit à ce propos : « la vertu éthique est une disposition qui nous permet de
choisir le juste milieu relatif à nous dans le domaine des plaisirs et des peines. » (Ethique à
Nicomaque, Livre I). Selon Aristote, une vie vertueuse contribue à rendre heureux. La vertu est
ce principe qui purifie l’esprit, apaise la conscience et procure la joie de vivre. Loin des
expériences malheureuses auxquelles on est confronté, la fin de la vertu, c’est le bonheur. Le
bonheur, c’est la fin où tendent tous les êtres. Aristote reprécise sa pensée : « si la vertu ne suffit
à assurer le bonheur, la méchanceté suffit à rendre malheureux »
L’éthique d’Aristote est une éthique eudémoniste. L’eudémonisme est une doctrine
philosophique qui pose comme principe que le bonheur est le but de la vie humaine. Cette
éthique se fonde sur quatre vertus cardinales :
-la prudence : elle est la vertu principale, c’est elle qui guide la décision et qui pèse, en fonction
de la responsabilité, des conséquences. Chez Aristote, la prudence n’est pas le contraire du
risque. Il explique bien qu’il y a des décisions audacieuses qui sont souvent considérées comme
des décisions de prudence.
-La force ou le courage : c’est la capacité de résister face aux difficultés de la vie, d’avoir le
mental et de tenir bon face à l’adversité. Selon Aristote, « le véritable courage est celui qui
s’applique aux plus grands maux et dangers ». C’est aussi elle qui donne l’énergie pour relever
les défis et se lancer dans des entreprises.
-La tempérance : elle est la vertu qui canalise les règlements. Elle n’est pas opposition aux
passions, mais modération des passions.
-La justice : elle est la prise en considération du comportement avec autrui. Elle comporte une
dimension économique (le sens du partage), une dimension sociale (respect du droit) et une
dimension politique (égalité de tous). Mais, elle peut aussi posséder une fonction critique,
surtout quand des contre valeurs comme l’injustice, le favoritisme, la tricherie ou l’impunité
s’opposent à l’éthique

4-L’éthique utilitariste ou l’utilitarisme


L’utilitarisme est une éthique conceptualisée et théorisée par Jeremy Bentham. Elle nous
recommande dans la vie, de toujours agir de manière à maximiser le bien-être collectif, entendu
comme la somme ou la moyenne de bien-être de l’ensemble de la communauté. L’éthique
utilitariste se fonde sur le principe d’utilité. Ce principe s’articule autour du bonheur et du bien-
être de la communauté. Dans les versions classiques de l’utilitarisme, ce principe d’utilité se
fonde sur un impératif de maximisation selon lequel, lorsque nous agissons, nous devons choisir
l’action qui contribue le plus au bonheur de l’humanité, de telle sorte qu’il ne peut pas y avoir
d’action meilleure que celle que nous avons le devoir d’accomplir. Ainsi, le postulat de départ
de la théorie utilitariste est que la poursuite et la maximisation du bonheur, ou la prévention et
la minimisation des souffrances, constituent le but des actions humaines. D’ailleurs, on peut
définir ce postulat à partir des seules motivations élémentaires de la nature humaine comme par
exemple, le penchant naturel de l’homme à rechercher le bonheur, le plaisir, et à esquiver la
souffrance. Bentham formule ce principe : « La nature a placé l’humanité sous l’empire de
deux maitres, la peine et le plaisir. C’est à eux seuls qu’il appartient de nous indiquer ce que
nous devons faire comme de déterminer ce que nous ferons. ». (Principes de la morale et de
la législation, Paris, Ed. Flammarion, 1989, page37).
Pour Jeremy Bentham, le véritable bonheur n’est pas celui qu’on profite individuellement mais
plutôt celui qui profite au plus grand nombre. A ses yeux, il ne peut y avoir de conflit entre
l’intérêt de l’individu et celui de la communauté, car si l’un et l’autre fondent leurs actions sur
l’utilité, leurs intérêts seront identiques.

5-L’éthique de la conviction et de responsabilité


Dans son ouvrage intitulé : Le savant et le politique, Max Weber théorise l’éthique de la
conviction et l’éthique de responsabilité. L’éthique de la conviction repose sur le principe
kantien du devoir. Elle exige de l’homme d’agir en fonction des principes auxquels il croit. Par
exemple, les convictions religieuses peuvent pousser une personne à agir c’est-à-dire à donner
son sang pour sauver des vies. L’éthique de responsabilité relève de la philosophie
conséquentialiste. Elle exige de l’homme d’agir en fonction des effets concrets qu’il peut
raisonnablement prévoir. Par exemple, au regard des conséquences lointaines et désastreuses
que peut causer la déforestation, l’homme peut agir en toute responsabilité dans des campagnes
de sensibilisation et de reboisement.
Toutefois, Weber considère que ces deux éthiques ne s’opposent pas. Chaque éthique porte
dans son esprit l’autre. C’est pourquoi les partisans de l’éthique de la conviction ne manquent
pas de responsabilité quand il s’agit de se battre pour la scolarisation des enfants au regard des
conséquence sur l’avenir de la société. De la même manière, les partisans de l’éthique de
responsabilité ne manquent pas de conviction forte pour promouvoir et défendre des valeurs
comme la paix, la tolérance, la justice, la solidarité, la liberté, etc.

6-L’éthique de la discussion
L’éthique de la discussion est théorisée par les philosophes allemands Karl Otto Appel et Jurgen
Habermas. Habermas établit que le propre de l’homme est d’être originairement tourné vers
l’intercompréhension, par le langage, par l’activité communicationnelle. Dès lors, le langage
peut-il assurer et garantir la communication entre les hommes ? Habermas répond par la
négative. Il considère que parler est un grand risque. Celui qui parle s’expose à
l’incompréhension et aux interprétations diverses. C’est la raison pour laquelle, il juge
nécessaire de mettre sur pied une éthique de la discussion qui s’inspire de l’éthique
déontologique kantienne. C’est ainsi que la première formulation de l’impératif catégorique
kantien : « agis de telle sorte que la maxime de ta volonté puisse toujours vouloir en même
temps comme principe d’une législation universelle » (Critique de la raison pratique, Paris,
Ed. PUF,1989, page30) est remodelée par Habermas dans une optique dialogique ou
communicationnelle : « Au lieu d’imposer à tous les autres une maxime dont je veux qu’elle
soit une maxime universelle, je dois soumettre ma maxime à tous les autres afin d’examiner
par la discussion sa prétention à l’universalité. » (Morale et communication, Paris, Ed. Cerf,
Coll. Passages,1986, page88). A travers cette éthique, Habermas cherche à fonder en raison
l’éthique par l’argumentation en communication orale. L’éthique de la discussion définit les
conditions normatives qui permettent à une discussion ou un débat de se dérouler de manière
satisfaisante. Son rôle est de créer des normes qui permettent à des gens qui sont dans une
situation de communication argumentée de se comprendre mutuellement et d’arriver à un
consensus.
Cette théorie montre bien que le prétendu argument d’autorité est inacceptable dans l’espace
public parce que nul n’a le monopole de la vérité en matière de connaissance. La recherche de
la vérité devient l’affaire de tous. Par conséquent, dans l’espace public, on ne saurait recevoir
une idée qui ne serait pas soumise à l’examen de la discussion rationnelle et critique.

7- Quelques critiques de l’éthique normative


Le conséquentialisme, le déontologisme et l’éthique de la vertu proposent des règles pour
évaluer une action d’un point de vue moral. Mais ces approches en tant que telles ne permettent
pas de déterminer, entre deux actions, laquelle est moralement meilleure. Par exemple, même
si le conséquentialisme me dit que l’action moralement bonne est celle qui a les meilleures
conséquences, il ne me dit pas comment déterminer quelles conséquences sont meilleures : quel
type de conséquences dois-je privilégier ? De même, le déontologisme me dit que l’action
moralement bonne est celle qui satisfait à mes obligations morales ; mais il ne me dit pas quelles
sont mes obligations morales ? L’éthique de la vertu me dit que l’action moralement bonne est
celle qui correspond à ce que ferait quelqu’un de vertueux. Toutefois, comment savoir quelles
vertus primeraient chez cette personne ?
Pour répondre à ces questions, il faut quelque chose de plus, que l’on pourrait appeler une
conception du bien. En effet, que l’on adopte une approche conséquentialiste, déontologique ou
éthique de la vertu, il faut s’appuyer sur une conception de bonnes conséquences, de bons
devoirs moraux fondamentaux ou de bonnes vertus à privilégier selon le cas.

Chapitre 2 : L’éthique appliquée


Dans les années 60, le développement de certains champs de recherches et de pratiques a généré
de nouveaux problèmes moraux. L’étude de ces problèmes a donné naissance à un nouveau
champ de réflexion dénommé : l’éthique appliquée.
La démarche en éthique appliquée consiste à documenter et à préciser la situation
problématique au moyen d’informations factuelles : quels sont les acteurs susceptibles d’être
touchés par une situation ? Quelles sont les lois qui s’appliquent ? Quelles sont les options qui
s’offrent ? Quels sont les risques et les conséquences possibles de chacun sur les acteurs
impliqués ? etc. L’objectif, bien entendu, est de préparer le terrain pour évaluer les différentes
options du point de vue des valeurs et principes moraux. L’éthique appliquée comprend des
sous- domaines de plus en plus interconnectés parmi lesquels on peut citer :
1- La bioéthique
Historiquement, le mot bioéthique est inventé par le pasteur allemand Fritz Jahr pour
évoquer l’éthique des relations entre l’homme et le vivant en insistant particulièrement sur
l’étude des problèmes éthiques posés par le développement de la médecine et de la biologie.
D’ailleurs, l’étymologie du mot est assez révélatrice : « bio » qui veut dire vivant, et
« éthique » qui renvoie à ce qui est bon et utile pour le bien-être de l’homme. La bioéthique
est donc définie comme l’éthique du vivant. Elle cherche principalement à étudier les
problèmes d’ordre éthique liés à la recherche en médecine, en génétique, en biologie et à
leurs applications. Elle s’intéresse aux activités médicales et de recherches qui utilisent des
éléments du corps humain comme par exemple :
-les greffes d’organes, de tissus (cornées, peau...), de moelle osseuse, etc.
-l’assistance médicale à la procréation qui fait appel aux dons d’ovules et de sperme,
l’insémination artificielle, la fécondation in vitro, les phénomènes de mères porteuses, etc.
-les recherches ayant comme objet l’embryon, les cellules embryonnaires,
-le dépistage de maladies faisant appel aux gènes,
-le clonage, l’avortement médicalisé, l’euthanasie, etc.
La bioéthique cherche aussi à répondre le mieux possible aux questions soulevées par les
progrès scientifiques et techniques, au regard des valeurs de notre société. Selon la bioéthique,
les intérêts de la science et de la société ne doivent jamais prévaloir sur le bien-être du sujet.
C’est pourquoi, elle recommande à ce qu’on ne fasse pas du corps humain une source de profit.
La bioéthique normalise, conscientise et pose la question de la responsabilité du savant dans
tout ce qu’il crée et invente. Selon Hubert Beuve- Merry, avec la science, nous devront éviter à
ce que « nos moyens de vivre ne compromettent pas nos raisons de vivre » (Ethique et vie,
Paris, Ed. Du Seuil, page 116, 1998.)
La bioéthique a été délimitée aux questions soulevées par l’émergence de nouvelles pratiques
médicales à la fin des années 1970. Avec les progrès rapides des biotechnologies, la bioéthique
s’est rapidement focalisée sur l’humain et sur l’étude des problèmes éthiques posée par
l’application à l’homme de ses avancés scientifiques. La bioéthique peut ainsi se définir comme
un ensemble de recherches, de discours et de pratiques généralement pluridisciplinaires, ayant
pour objet de clarifier ou de résoudre des questions à portée éthique suscitées par l’avancement
et l’application des technosciences biomédicales. La bioéthique est guidée par quatre grands
principes : le principe du respect de l’autonomie, le principe de bienfaisance, le principe de non
malfaisance et le principe de justice.
2-L’éthique de l’environnement ou l’éthique environnementaliste
Depuis l’antiquité, les philosophes grecs (Héraclite, Empédocle, Anaximène, Démocrite,
Platon, Aristote, etc.) ne cessaient de théoriser sur la relation qui devait exister entre l’homme
et la nature. Pour eux, il va de soi que le rapport de l’homme à la nature est moral : il engage
non seulement l’individu mais aussi la collectivité. La nature ne cesse de jouer un rôle central
dans la formation de l’identité humaine. L’éloge de la vie sauvage et de ses vertus morales est
une critique du matérialisme utilitariste de la civilisation humaine. Ils soutenaient que nous
avons des devoirs envers la nature et qu’elle a une valeur morale. Pour ces philosophes, la
générosité de la nature envers l’homme est sans commune mesure. C’est pourquoi, ils
considéraient à cette époque que la qualité de la vie de l’homme et de son bonheur dépend du
degré de son implications à la préservation et à la protection de la nature. Nous retrouvons cette
idée chez Rousseau dans un élan un peu nostalgique : « la nature a rendu l’homme heureux
et bon ; la société le déprave et le rend misérable ». La crise environnementale a été entendu
comme une incitation à redéfinir les rapports de l’homme à la nature, à ne plus voir dans celle-
ci un simple réservoir de ressources à la disposition des hommes.
Dans les années 60, nous assistons à la naissance d’une philosophie à vocation écologique avec
des philosophes comme Ame Naess et Richard Sylvan, qui, s’inspirant de l’héritage grec,
critiquent au nom des principes éthiques, les justifications des différentes causes de la
dégradation de l’environnement. Leurs travaux portent sur l’analyse des rapports de l’espèce
humaine avec les entités naturelles vivantes sous l’angle de tous leurs impacts, dans l’espace et
dans le temps et en rapport avec des valeurs morales.
Dans cette perspective, l’éthique de l’environnement regroupe les réflexions sur le rapport entre
l’humain et la nature, notamment en matière de :
-développement durable, responsabilité envers les générations futures,
-gestion des ressources naturelles (eau, forêts, sous-sol…),
-gestion des déchets, pollution industrielle et agricole,
-protection et droit des animaux avec la création d’aires marines protégées et de parcs
nationaux, classés comme patrimoine de l’humanité,
-biodiversité et conservation des écosystèmes,
-création d’espaces verts pour renforcer au mieux la qualité de l’air, etc.
Chapitre 3 : La méta-éthique
La méta-éthique est composée du préfixe grec « meta » qui signifie « au-delà », « après » ou
« par-delà ». La méta-éthique est « par-delà » l’éthique dans la mesure où elle n’a pas pour but
de définir de nouvelles normes ou lois morales mais d’étudier la nature des énoncés éthiques
eux-mêmes. La méta-éthique est la partie la plus fondamentale de l’éthique. C’est une réflexion
sur l’éthique elle-même, c’est-à-dire sur son objet, sa méthode et ses notions les plus
fondamentales. Elle ne dit pas, par exemple, « tu dois agir de cette manière » mais analyse la
nature de tels énoncés impératifs. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’elle est aussi appelée
éthique analytique parce qu’elle analyse les concepts fondamentaux de l’éthique, leurs
présupposés épistémologiques et leurs significations.
La méta-éthique va de pair avec l’éthique normative, dont elle est censée définir les fondements.
Elle s’intéresse, par exemple, à la signification des concepts moraux comme « bon », « juste »,
« devoir », « conscience morale », etc. La méta-éthique est l’étude de l’éthique non pas dans
son contenu mais dans ses fonctionnements fondamentaux.

Conclusion
En somme, tout au long de ce cours, nous avons pu comprendre que l’éthique est une discipline
philosophique portant sur les jugements moraux. C’est une réflexion fondamentale sur laquelle,
en principe, la morale de tout peuple pourrait établir ses normes, ses limites et ses devoirs. Pour
des philosophes tel qu’Aristote ou Kant, l’éthique a pour but de définir ce qui doit être.
L’éthique exprime des énoncés normatifs, prescriptifs ou encore évaluatifs parmi lesquels on
trouve des impératifs catégoriques. Le champ d’application de l’éthique dépend de son degré
de généralité.

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