Vous êtes sur la page 1sur 30

Fuite des capitaux et paradis fiscaux : impact sur

l'investissement et la croissance en Afrique


Léonce Ndikumana
Dans Revue d'économie du développement 2014/2 (Vol. 22), pages 113 à 141
Éditions De Boeck Supérieur
ISSN 1245-4060
ISBN 9782804189051
DOI 10.3917/edd.282.0113
© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 19/11/2023 sur www.cairn.info (IP: 105.69.34.131)

© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 19/11/2023 sur www.cairn.info (IP: 105.69.34.131)

Article disponible en ligne à l’adresse


https://www.cairn.info/revue-d-economie-du-developpement-2014-2-page-113.htm

Découvrir le sommaire de ce numéro, suivre la revue par email, s’abonner...


Flashez ce QR Code pour accéder à la page de ce numéro sur Cairn.info.

Distribution électronique Cairn.info pour De Boeck Supérieur.


La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le
cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque
forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est
précisé que son stockage dans une base de données est également interdit.
Fuite des capitaux et paradis fiscaux :
impact sur l’investissement
et la croissance en Afrique1
Capital Flight and Tax Havens :
Impact on Investment and Growth in Africa
Léonce Ndikumana
Département d’économie et Institut de recherche d’économie politique
Université du Massachusetts à Amherst

Cet article examine les répercussions de la fuite des capitaux et des paradis fiscaux sur le déve-
loppement des économies africaines. Plus précisément, il étudie l’impact de la fuite des capitaux
© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 19/11/2023 sur www.cairn.info (IP: 105.69.34.131)

© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 19/11/2023 sur www.cairn.info (IP: 105.69.34.131)


sur l’investissement national et les coûts d’opportunité de celle-ci en termes de croissance sacri-
fiée. Premièrement, une analyse économétrique nous permet d’évaluer l’incidence de la fuite des
capitaux sur l’investissement national. Deuxièmement, grâce à un exercice de simulation, nous
estimons les gains potentiels en termes de croissance pouvant résulter de l’investissement des
capitaux partis à l’étranger sur le marché intérieur. Les données empiriques permettent de tirer
quelques conséquences politiques.

This paper examines the implications of capital flight and tax havens for economic development
in African economies. Specifically, it investigates the impact of capital flight on domestic invest-
ment and the opportunity costs of capital flight in terms of forgone growth. First, econometric
analysis is used to assess the impact of capital flight on domestic investment. Second, a simula-
tion exercise is undertaken to estimate the potential gains in terms of growth that could be
derived from investing capital flight domestically. The empirical evidence is used to draw some
policy implications.

1
Article rédigé à l’occasion de la Conférence European Development Network
(EUDN) sur le thème « Finance et développement », qui s’est tenue le 11 dé-
cembre 2013 à Berlin, et a été financée conjointement par l’Agence Française de
Développement (AFD) et le ministère allemand de la coopération économique et
du développement (BMZ).

113
114 Léonce Ndikumana

1 INTRODUCTION

Il y a des raisons suffisantes de croire que l’Afrique se trouve aujourd’hui à la


croisée des chemins et qu’elle vit un tournant historique, porteur de perspec-
tives positives sans précédent mais également de défis majeurs. Au début du
siècle, le continent est passé du désespoir à l’enthousiasme face à une nouvelle
renaissance africaine.2 Dans les années 1980 et 1990, la pitoyable performance
du continent en termes de croissance faisait la une avec des gros titres comme
« Drame de la croissance de l’Afrique » (Easterly et Levine, 1997) et « Tragédie
économique du XXe siècle » (Artadi et Sala-i-Martin, 2003), une ère surnom-
mée « les décennies perdues » (Bates, Coatsworth, et Williamson, 2007). Sa
performance macroéconomique globale a nettement progressé depuis l’an
2000, se caractérisant par des taux de croissance du PIB plus élevés et une
amélioration des équilibres macroéconomiques. Le taux moyen de croissance
du PIB pour le continent est passé de 2,5 % sur la période 1990-1999 à 4,8 %
pour 2000-2007, avant la récession mondiale.3 Et même pendant la réces-
sion mondiale de 2008-2009, les pays africains ont affiché de meilleurs résul-
tats que les autres régions, notamment grâce à l’élargissement de l’espace
politique qui s’était opéré avant la récession et qui a permis aux politiques
anticycliques d’absorber les chocs externes (Brixiova et Ndikumana, 2013 ;
Kasekende, Ndikumana, et Brixiova, 2010).
Aujourd’hui, les économies africaines sont surnommées les « lions en mou-
© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 19/11/2023 sur www.cairn.info (IP: 105.69.34.131)

© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 19/11/2023 sur www.cairn.info (IP: 105.69.34.131)


vement », suivant les traces des tigres d’Asie de l’Est. Certains vont jusqu’à
affirmer que le nouveau regain de croissance du continent a « des chances de
s’installer » (McKinsey Global Institute, 2010).
Malgré le rebond de la croissance observé ces deux dernières décennies,
de graves difficultés subsistent. L’Afrique fait encore face à des taux de pau-
vreté très élevés et tenaces, ainsi que des niveaux d’inégalité importants et
souvent en hausse. La croissance n’a pas eu de retombées sur la majorité de
la population, et il est donc sans doute trop tôt pour célébrer la victoire. L’un
des problèmes fondamentaux auxquels sont confrontées les économies afri-
caines est leur incapacité à maintenir des taux de croissance élevés sur une
période suffisamment longue, leur permettant de générer des gains significa-
tifs en matière de réduction de la pauvreté. Par conséquent, les enjeux clés
de la croissance consistent à augmenter cette croissance, à la pérenniser et
en élargir la base.

2
Voir, entre autres, la BAD, l’OCDE, la CEA, et le PNUD (2012), et la CEA (2013).
3
Banque mondiale, Indicateurs du développement en Afrique (en ligne).
Fuite des capitaux et paradis fiscaux 115

L’un des obstacles structurels à la croissance dans la plupart des pays afri-
cains est le faible niveau de l’investissement national. Alors que la profession
économique s’est principalement axée sur l’investissement privé, les éléments
de preuve à notre disposition montrent en effet que la faiblesse et le déclin de
l’investissement public seraient plus préjudiciables aux économies africaines.
L’une des raisons du faible niveau d’investissement national tient à la pénurie
de financement intérieur, en particulier des capitaux d’investissement à long
terme.
Pourtant, le continent africain présente un paradoxe surprenant. D’une
part, la plupart des pays africains affichent des écarts chroniques, voire gran-
dissants, entre épargne et investissement. D’autre part, le continent consti-
tue une source de volumes importants et croissants en matière de sorties
de capitaux non enregistrés ou de fuite de capitaux. On estime que, depuis
quatre décennies, le continent a perdu jusqu’à 1 300 milliards de dollars par
le biais de la fuite des capitaux (Boyce et Ndikumana, 2012 ; Ndikumana et
Boyce, 2012). Ce montant n’inclut pas toutes les formes de flux financiers
illicites sortant du continent. Le phénomène de la fuite des capitaux n’est
pas nouveau, et il semble s’accentuer alors même que les conditions écono-
miques paraissent s’améliorer. En particulier, le récent boom du secteur des
ressources naturelles a coïncidé avec une hausse spectaculaire de la fuite des
capitaux.
La fuite des capitaux en provenance des pays africains est favorisée par la
© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 19/11/2023 sur www.cairn.info (IP: 105.69.34.131)

© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 19/11/2023 sur www.cairn.info (IP: 105.69.34.131)


multiplication des juridictions pratiquant le secret bancaire, refuges ou para-
dis fiscaux qui permettent de transférer et de dissimuler les capitaux illicites. Il
peut s’agir des revenus issus du détournement des exportations de ressources
naturelles, de l’évasion fiscale, de la corruption, des prix de transfert et de
la contrebande pure et simple du capital en dehors des pays africains. Toute
étude relative au problème de la fuite des capitaux doit donc tenir compte du
rôle des paradis fiscaux.
Le présent article examine les répercussions de la fuite des capitaux et
des paradis fiscaux sur le développement économique des pays africains. Il
analyse en quoi la fuite de capitaux pose un sérieux problème de dévelop-
pement pour les économies africaines, et met en exergue le rôle des paradis
fiscaux, qui favorisent la fuite des capitaux en provenance du continent. Il
étudie ensuite de manière empirique l’impact de la fuite des capitaux sur
l’investissement national et les coûts d’opportunité en termes de croissance.
L’analyse repose sur un échantillon de 39 pays africains et sur des don-
nées relatives à la fuite des capitaux pour la période 1970-2010, publiées
par l’Institut de recherche d’économie politique (PERI) de l’Université du
116 Léonce Ndikumana

Massachusetts à Amherst (http://www.peri.umass.edu/300). Deux exercices


empiriques sont réalisés. Premièrement, nous effectuons une analyse éco-
nométrique afin d’évaluer l’incidence de la fuite des capitaux sur l’inves-
tissement national total et sur l’investissement national privé. Cet article
montre l’importance, dans le cas des pays africains, de mettre l’accent sur
l’investissement national. Deuxièmement, s’appuyant sur le modèle du défi-
cit de financement sur la base des travaux réalisés dans le cadre du rapport
Perspectives économiques en Afrique 2012 et par Nkurunziza (2013), nous
procédons à un exercice de simulation afin d’estimer les gains potentiels en
termes de croissance résultant de l’investissement des fuites de capitaux sur
le marché intérieur. Les données empiriques permettent de tirer quelques
conséquences politiques.

2 LA FUITE DES CAPITAUX, UN SÉRIEUX PROBLÈME


DE DÉVELOPPEMENT EN AFRIQUE

Un problème chronique et croissant


Le problème de la fuite des capitaux en provenance de l’Afrique et d’autres
pays en développement a récemment retenu l’attention du milieu universi-
taire et des cercles politiques. L’intérêt porté à la question a été ravivé par
de nouveaux éléments de preuves empiriques révélant l’ampleur croissante
© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 19/11/2023 sur www.cairn.info (IP: 105.69.34.131)

© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 19/11/2023 sur www.cairn.info (IP: 105.69.34.131)


de l’hémorragie financière provoquée par la fuite des capitaux et les flux
financiers illicites en général (BAD et GFI, 2013 ; Henry, 2012 ; Ndikumana
et Boyce, 2011a). Dans les milieux politiques, l’intérêt suscité par ce pro-
blème est dû à la prise de conscience que ces énormes quantités de flux fi-
nanciers illicites représentent une entrave majeure aux efforts mondiaux
visant à mobiliser des financements pour aider les pays en développement à
lutter contre la faim, les maladies endémiques et autres défis en matière de
développement.
Le problème de la fuite des capitaux en provenance de l’Afrique n’est ce-
pendant pas nouveau. Il est même prouvé qu’il s’accentue. Les études réalisées
depuis le début des années 1990 ont mis en évidence d’importantes fuites de
capitaux en provenance des pays africains (Ajayi, 1997 ; Ajayi et Khan, 2000 ;
Chang et Cumby, 1991 ; Hermes et Lensink, 1992 ; Kahn, 1991 ; Murinde,
Hermes, et Lensink, 1996 ; Wood et Moll, 1994). Des études plus récentes
révèlent que ces fuites illicites se sont accélérées au cours des deux dernières
décennies, alors même que le secteur des ressources naturelles était en plein
essor et que la croissance enregistrait un rebond. On estime qu’entre 1970 et
Fuite des capitaux et paradis fiscaux 117

2010, les pays africains ont perdu jusqu’à 1 300 milliards de dollars (en dol-
lars de 2010) du fait de ce phénomène. Ce chiffre est la somme des fuites des
capitaux de 35 pays d’Afrique subsaharienne (Boyce et Ndikumana (2012))
et de quatre pays d’Afrique du Nord, à savoir, l’Algérie, l’Égypte, le Maroc et
la Tunisie (Ndikumana et Boyce (2012)). Le tableau 1 présente des estima-
tions du montant des fuites de capitaux provenant de 39 pays. Les résultats
reportés sont estimés selon la méthode « résiduelle » de la balance des paie-
ments, adaptée pour inclure les fuites de capitaux imputées à la falsification
des prix des transactions commerciales et aux transferts de fonds non déclarés
des migrants. Des explications détaillées de l’algorithme sont fournies dans
Ndikumana and Boyce (2010).
Ces capitaux sont ensuite investis sous diverses formes d’actifs qui gé-
nèrent des rendements pour les détenteurs de ces biens. Si l’on tient compte
d’un taux d’intérêt modeste correspondant au taux des bons du Trésor amé-
ricain, il est possible d’estimer le montant total des capitaux en provenance
des pays africains, y compris les intérêts accumulés. Même dans le cadre de
cette estimation prudente, ce montant est ahurissant. Pour les 39 pays recen-
sés dans le tableau 1, il s’élevait à 1 700 milliards de dollars en 2010. Ce qui
fait de ce groupe de pays, et par extension de l’Afrique, un « créancier net »
vis-à-vis du reste du monde, en ce sens que le montant des capitaux sortis du
continent dépasse largement l’encours de la dette de ces pays, qui s’élevait à
283 milliards de dollars en 2010.
© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 19/11/2023 sur www.cairn.info (IP: 105.69.34.131)

© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 19/11/2023 sur www.cairn.info (IP: 105.69.34.131)


Il existe cependant une différence importante entre ces actifs et passifs.
Alors que les actifs issus de la fuite des capitaux appartiennent à des parti-
culiers africains, les dettes extérieures représentent des passifs détenus par
les pays africains, par l’intermédiaire de leurs gouvernements. Il a été aus-
si démontré qu’une proportion substantielle des fuites de capitaux était en
fait alimentée par ces dettes extérieures par un phénomène de « porte tour-
nante » (Ndikumana et Boyce, 2003, 2011b). Cela soulève la question morale
de la responsabilité du fardeau de la dette qui repose sur le peuple africain,
sachant que certaines des dettes associées n’ont jamais contribué à financer
des programmes de développement. Cette question est abordée en détail par
Ndikumana et Boyce (2011a), qui affirment que ces dettes ayant financé la
fuite des capitaux sont odieuses et devraient être répudiées.
118 Léonce Ndikumana

Tableau 1 : Fuite des capitaux provenant de 39 pays africains, 1970-2010

Pays Total de la fuite des capitaux Montant de la fuite


des capitaux
En milliards 2010 $ En % du PIB 2010 En milliards $
Afrique du Sud 49,2 13,5 76,2
Algérie 267,2 165 355,3
Angola 77,5 93,9 86,1
Botswana 3,8 25,2 1,7
Burkina Faso 1,5 17,5 3,2
Burundi 6,9 339,4 7,6
Cameroun 20 89 31,3
Cap-Vert 3,5 211,5 4
Congo, Rép. 19,9 165,5 20,6
Congo, Rép. dém. 33,9 258,4 50,6
Côte d’Ivoire 56 244,4 81,3
Égypte 59,7 27,3 110,1
Éthiopie 24,9 83,8 29,9
Gabon 25,5 192,9 31,9
Ghana 12,4 38,4 15,5
Guinée 1,6 33 2,7
Guinée-Bissau 1,6 195,1 1,7
Kenya 4,9 15,2 10,6
Lesotho 1 45,8 1,5
Madagascar 11,7 134,1 17,7
Malawi 1,4 27,3 3,3
Maroc 87,7 96,6 108,6
© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 19/11/2023 sur www.cairn.info (IP: 105.69.34.131)

© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 19/11/2023 sur www.cairn.info (IP: 105.69.34.131)


Mauritanie 3,1 86,4 3,9
Mozambique 19,8 214,7 25,1
Nigéria 311,4 158,2 381,1
Ouganda 8,4 49 10,3
Rép. centrafricaine 2,7 137,3 4
Rwanda 9,3 165,6 18
Sao Tomé-et-Principe 1 520,3 1,3
Seychelles 4,4 460,4 6,4
Sierra Leone 10 523,6 13,8
Soudan 38,4 57,3 42,7
Swaziland 1 26,9 1,1
Tanzanie 14,7 64. 26,9
Tchad 1,6 19,2 2,5
Togo 1,7 52,5 0,6
Tunisie 39 88,1 45,2
Zambie 17,3 106,7 25,6
Zimbabwe 18,3 244,2 25,3
Échantillon 1273,8 81,9 1685,2
Source : les données sur la fuite des capitaux sont issues de l’Institut de
recherche en économie politique de l’université du Massachusetts (PERI,
www.peri.umass.edu/300). Les données sur le PIB sont issues des indicateurs
du développement dans le monde publiés par la Banque mondiale (en ligne).
Fuite des capitaux et paradis fiscaux 119

En Afrique, le problème de la fuite des capitaux est pire


que dans d’autres régions
Le problème de la fuite des capitaux n’est pas spécifique à l’Afrique. En ef-
fet, le volume absolu des capitaux provenant d’Amérique latine et d’Asie est
supérieur aux flux en provenance d’Afrique (Bedja, 2006 ; Collier, Hoeffler,
et Pattillo, 2001 ; Henry, 2012 ; Pastor, 1990 ; PNUD, 2011). Toutefois, en
termes relatifs, l’Afrique souffre beaucoup plus des conséquences de la fuite
des capitaux. Le tableau 2 fait apparaître des statistiques comparatives pour
l’Afrique et les autres régions en développement, qui sont tirées des études de
Collier et al. (2001) et Henry (2012). Ces deux études ont été sélectionnées car
elles figurent parmi les rares études couvrant des échantillons représentatifs
de plusieurs régions, nous permettant ainsi de comparer l’Afrique à d’autres
régions, grâce à des statistiques calculées selon une méthodologie identique
et sur la même période de temps. Les preuves apportées par ces études ré-
vèlent deux faits empiriques importants. Premièrement, elles montrent que
l’Afrique détient un stock de capital privé bien inférieur à celui des autres
régions. Mais en même temps, les acteurs privés africains affichent une « pré-
férence nationale inverse », en ce sens qu’ils ont tendance à détenir une frac-
tion relativement plus élevée de leurs avoirs à l’étranger, par rapport à leurs
homologues des autres régions. D’après les données de Collier et al. (2001),
40 % des capitaux privés de l’Afrique sont détenus à l’étranger sous forme
de fuites de capitaux, soit le ratio le plus élevé de l’ensemble des régions en
© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 19/11/2023 sur www.cairn.info (IP: 105.69.34.131)

© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 19/11/2023 sur www.cairn.info (IP: 105.69.34.131)


développement. Deuxièmement, la fuite des capitaux représente une charge
relativement plus lourde pour les économies africaines par rapport aux autres
régions, tant en termes de manque à produire (Collier et al., 2001) que du
point de vue du ratio fuite des capitaux/PIB (Henry, 2012).
Si la fuite des capitaux est un problème plus grave en Afrique, c’est aussi
parce que le continent ressent davantage la nécessité d’accélérer les progrès
en matière de développement social. Malgré des progrès récents, la plupart des
pays d’Afrique se classent en queue de peloton au niveau des indicateurs clés
du développement social et sont loin d’atteindre les principales cibles fixées
par les OMD (Nations Unies, 2013). L’Afrique subsaharienne affiche non seu-
lement les taux de pauvreté les plus élevés des pays en développement, mais
c’est également la seule région où le nombre de pauvres continue d’augmenter
– il est passé de 205 millions en 1981 à 414 millions en 2010 – en dépit d’un
léger recul du taux de pauvreté.4 Les progrès en matière de santé et d’accès
aux infrastructures sociales de base, telles que l’eau potable et les installations

4
Les données sur la pauvreté sont tirées de POVCALNET, disponibles sur http://
iresearch.worldbank.org/PovcalNet/index.htm?1.
120 Léonce Ndikumana

sanitaires modernes, restent également en deçà des objectifs définis et sont in-
férieurs aux résultats obtenus par les autres régions en développement. Pour
toutes ces raisons, le gaspillage de ressources limitées à travers la fuite des
capitaux représente un coût économique et humain plus élevé pour l’Afrique.
Tableau 2 : Flux de capitaux non enregistrés : Afrique comparée aux autres
régions

En 1990 En 2010
Région Capital privé Ratio fuite des Perte de Total flux Total flux
par travail- capitaux/avoirs production extérieurs extérieurs/
leur ($) privés (%) (%) ($ milliards) PIB (%)
Afrique sub- 1 062 0,40 0,16 361,7 31,9
saharienne
Afrique 495,4 39,5
Amérique latine 17 439 0,10 0,04 1375,5 39,7
Moyen-Orient 3 708 0,39 0,16 829,8 42,6
Asie de l’Est 9 704 0,06 0,02 1265,5 14,4
Asie du Sud 1 804 0,05 0,02 60,7 3
Asie de l’Est 1326,2 12,2
et du Sud
Source : les statistiques sur la fuite des capitaux et la dette extérieure pour
2010 proviennent de Henry (2012). Les statistiques sur la fuite des capitaux
pour 1990 sont tirées de Collier et al. (2001). Les données sur le PIB utili-
sées pour calculer les ratios sont issues des Indicateurs du développement
© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 19/11/2023 sur www.cairn.info (IP: 105.69.34.131)

© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 19/11/2023 sur www.cairn.info (IP: 105.69.34.131)


dans le monde publiés par la Banque mondiale (en ligne).

Comment expliquer la fuite des capitaux hors du continent ?


La fuite des capitaux hors des pays africains est une question empirique im-
portante, car il est indispensable de comprendre les causes de ce phénomène
pour concevoir des politiques efficaces pour y remédier. L’une des explications
les plus couramment avancées est que la fuite des capitaux est le fait des épar-
gnants/investisseurs africains qui transfèrent leur argent hors de leur pays
d’origine, à la recherche de rendements plus élevés ou d’environnements plus
sûrs. Une autre explication tiendrait au fait que le capital détenu localement
serait exposé à des risques financiers, du fait de la dépréciation monétaire,
la dévaluation, l’inflation et l’instabilité financière (Dornbusch, 1985), ou
bien à des risques politiques comme le risque d’expropriation (Kant, 2002 ;
Khan et Haque, 1985), ou encore à des risques liés à l’incertitude touchant
à la future politique fiscale, notamment les hausses de taxes, ou à une mau-
vaise gouvernance économique portant surtout atteinte aux droits des débi-
teurs (Eaton, 1987). Ce raisonnement suggère que les taux de rendement des
Fuite des capitaux et paradis fiscaux 121

investissements ajustés en fonction des risques seraient les principaux fac-


teurs déterminants de la fuite des capitaux.
Cette explication de la fuite des capitaux fondée sur la théorie de choix de
portefeuille présente de sérieux problèmes conceptuels et empiriques. Tout
d’abord, cela laisserait supposer que les considérations en matière de risque
et de rendement des investissements guideraient les décisions des proprié-
taires de ces biens honnêtement acquis, choisissant de domicilier leur capi-
tal de façon à maximiser leurs rendements ajustés en fonction des risques.
Cependant, dans le cas d’argent volé et d’autres capitaux illicites, ces consi-
dérations deviennent secondaires face au besoin de dissimuler des actifs
frauduleux et d’échapper aux poursuites judiciaires. En fait, les détenteurs
d’avoirs détournés sont parfois prêts à accepter des rendements faibles, voire
négatifs sur leurs investissements en échange de la protection que leur pro-
curent les juridictions bancaires pratiquant le secret bancaire et les paradis
fiscaux. Deuxièmement, il existe peu de preuves empiriques confirmant la
théorie de choix de portefeuille avancée dans certaines études pour expliquer
la fuite des capitaux (comme c’est le cas dans Collier et al. (2001), et dans
Collier, Hoeffler, et Pattillo (2004)). Les études ayant recours à l’analyse éco-
nométrique pour mettre en évidence une relation entre la fuite des capitaux
et les indicateurs de rendements des investissement ajustés en fonction des
risques dans le cas des pays africains ne trouvent aucune preuve concluante
de la motivation guidée par des considérations de portefeuille (Ndikumana et
© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 19/11/2023 sur www.cairn.info (IP: 105.69.34.131)

© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 19/11/2023 sur www.cairn.info (IP: 105.69.34.131)


Boyce, 2003, 2011b). Cela nous amène à penser que, dans une large mesure,
la fuite des capitaux n’est pas dictée par des motifs illicites. Il s’agit donc d’un
problème qui ne peut être traité uniquement en s’appuyant sur des politiques
destinées à accroître le rendement national des capitaux investis dans les
pays africains.

3 LE RÔLE DES PARADIS FISCAUX ET DES


JURIDICTIONS PRATIQUANT LE SECRET
BANCAIRE

Pour de nombreuses raisons, toute analyse de la fuite des capitaux sortant des
pays africains doit examiner le rôle des paradis fiscaux, des refuges fiscaux, des
juridictions pratiquant le secret bancaire ou des centres financiers offshore
(CFO). Tout d’abord, en raison des services qu’elles offrent aux détenteurs de
capitaux, ces juridictions favorisent le transfert et la dissimulation des capi-
taux, y compris des fonds acquis illicitement. Alors que les pays développés ont
122 Léonce Ndikumana

de leur côté manifesté leurs inquiétudes au sujet des pertes de revenus liées au
transfert des bénéfices, aux prix de transfert, à l’évasion fiscale et autres tran-
sactions illicites favorisées par les paradis fiscaux (Bartelsman et Beetsma,
2003 ; Sikka et Willmott, 2010), on estime que les pays en développement
sont plus vulnérables à l’impact des refuges fiscaux (Hampton et Christensen,
2010 ; Hebous et Lipatov, 2013 ; Shaxson, 2011). Cela est d’autant plus vrai
pour les pays africains qui sont confrontés à davantage de contraintes en ma-
tière de financement du développement, mais disposent de capacités moindres
pour lutter contre le problème de l’évasion des flux financiers illicites vers des
refuges fiscaux.
Il faut prêter attention aux refuges fiscaux car ils soulèvent d’autres ques-
tions importantes, comme celles de la répartition et de l’équité. Tout d’abord,
il est admis que les acteurs privés africains recourant aux refuges fiscaux pour
dissimuler leurs biens illicites appartiennent aux élites économiques et poli-
tiques. Ne payant pas d’impôts sur ces actifs, ils peuvent s’enrichir encore
plus rapidement. Cette situation contribue à creuser le fossé entre riches et
pauvres, aggravant ainsi l’inégalité des revenus dans les pays africains. On
peut en effet affirmer qu’au regard des vastes quantités de richesses achemi-
nées au travers des refuges fiscaux et par conséquent non comptabilisées dans
le revenu national ni les comptes de dépenses, les mesures standards utilisées
pour calculer l’inégalité et la répartition nationale des richesses sont proba-
blement sensiblement sous-estimées (Zucman, 2013).
© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 19/11/2023 sur www.cairn.info (IP: 105.69.34.131)

© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 19/11/2023 sur www.cairn.info (IP: 105.69.34.131)


L’attention accordée aux paradis fiscaux se justifie en outre par la mise
en évidence de liens avec la corruption, aussi bien à l’étranger que dans les
pays africains. Les juridictions pratiquant le secret bancaire offrent un lieu
de refuge pour les dirigeants corrompus désireux de cacher leurs biens volés,
y compris les fonds issus du détournement des revenus de l’exploitation des
ressources naturelles et du commerce. Par exemple, on estime que 8 % (si
ce n’est plus) des rentes pétrolières perçues par les pays riches en pétrole
et dotés d’institutions fragiles finissent dans des comptes privés des CFO
(Andersen, Johannesen, Lassen, 2012 ; Hebous et Lipatov, 2013). Par consé-
quent, les paradis fiscaux nuisent indirectement à la gouvernance en facili-
tant le transfert et l’investissement des fonds liés à la corruption (Torvik,
2009). Le recours abusif aux paradis fiscaux dans le but de dissimuler des
richesses acquises illicitement et d’échapper aux impôts sape la morale fis-
cale, en donnant des exemples négatifs (Fjeldstad, Schulz-Herzenberg , et
Sjursen, 2012). Si les élites politiques et économiques ne paient pas leurs
impôts, les résidents ordinaires seront naturellement moins enclins à hono-
rer leurs obligations fiscales.
Fuite des capitaux et paradis fiscaux 123

Les arguments développés précédemment signifient que si l’on veut analy-


ser la fuite des capitaux sortant des pays africains et les flux financiers illicites
en général, il faut attentivement étudier le rôle joué par les refuges fiscaux.
En dépit de la connotation du terme, les refuges fiscaux ne sont pas des îles
exotiques perdues au milieu de nulle part. Les plus grands centres financiers
offshore sont en fait des capitales situées dans des pays développés. Cela veut
dire que si les pays africains souhaitent progresser dans leur lutte contre la
fuite des capitaux, ils auront besoin de la coopération et du soutien sans faille
de leurs partenaires du développement, qui hébergent les principaux paradis
fiscaux et juridictions bancaires secrètes.

4 IMPACT DE LA FUITE DES CAPITAUX


SUR L’INVESTISSEMENT NATIONAL

Pourquoi mettre l’accent sur le lien entre fuite


des capitaux et investissement national ?
En examinant les conséquences de la fuite des capitaux pour le développe-
ment économique en Afrique, il convient de s’intéresser aux liens entre la
fuite des capitaux et l’investissement national. Cela tient au fait que l’inves-
tissement national occupe une place essentielle dans le processus de crois-
sance. La littérature économique a effectivement accordé un rôle de premier
© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 19/11/2023 sur www.cairn.info (IP: 105.69.34.131)

© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 19/11/2023 sur www.cairn.info (IP: 105.69.34.131)


plan à l’investissement national pour en faire le moteur principal de la crois-
sance économique à long terme. Selon le modèle de croissance de Solow, la
croissance à long terme résulte fondamentalement de l’accumulation de capi-
tal (Solow, 1956). Des études empiriques ont démontré que l’investissement
est le déterminant le plus robuste de la croissance à long terme (Levine et
Renelt, 1992). L’étude charnière réalisée par De Long and Summers (1993)
décrit le rôle clé des investissements en équipement dans le renforcement de
la capacité productive de l’économie, la hausse de la productivité et l’accélé-
ration de la croissance économique. Les auteurs constatent, en comparant
les différents pays étudiés, l’existence d’un lien étroit entre la croissance de
la production par travailleur et les investissements en machines et matériel.
En effet, leur étude conclut que les pays pauvres bénéficient autant, sinon
davantage, que les économies développées, des investissements en machines
et matériel. Ils concluent que « l’on observe une croissance rapide là où les
investissements en équipement sont élevés, et une croissante ralentie là
où les investissements en équipement sont faibles » (De Long et Summers,
1993, p. 396).
124 Léonce Ndikumana

Les preuves empiriques apportées par la littérature existante montrent


que la capacité d’un pays à atteindre et à maintenir des taux de croissance
élevés dépend de son aptitude à atteindre et à maintenir des niveaux élevés
d’investissement national. Cela est clairement illustré dans le cas des pays
nouvellement industrialisés, où la croissance a été principalement stimulée
par l’investissement (Rodrik, 1995 ; Young, 1995). En revanche, la faiblesse de
l’investissement national en Afrique apparaît comme une raison majeure du
ralentissement de la croissance sur le continent tout au long des années 1980
et 1990 (Collier et Gunning, 1999).
Le rôle prépondérant de l’investissement national dans le processus de
croissance à long terme a également été mis en évidence dans les analyses
effectuées au niveau des pays. Par exemple, dans une étude sur l’Afrique du
Sud, Fedderke, Perkins, et Luiz (2006) constatent que l’investissement dans
les infrastructures est non seulement positivement associé à l’essor écono-
mique, mais qu’il stimule aussi la croissance, signifiant que les investisse-
ments en infrastructures bénéficient à la croissance. Les preuves indiquent
que les investissements dans les infrastructures stimulent la croissance direc-
tement et indirectement, notamment en augmentant la productivité margi-
nale du capital privé.
Vu que l’investissement national est un moteur essentiel et dynamique de
la croissance à long terme, il est évident que tout facteur susceptible de stimu-
ler l’investissement national est favorable à la croissance. Symétriquement,
© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 19/11/2023 sur www.cairn.info (IP: 105.69.34.131)

© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 19/11/2023 sur www.cairn.info (IP: 105.69.34.131)


tout facteur entravant l’investissement intérieur constitue un frein à la
croissance. C’est dans ce contexte qu’une étude sur l’impact de la fuite des
capitaux doit examiner de près les liens entre la fuite des capitaux et l’inves-
tissement. Plus précisément, il importe d’étudier si la fuite des capitaux a
effectivement une incidence négative sur l’investissement national dans les
pays africains.

Preuves économétriques de l’impact de la fuite des capitaux


sur l’investissement
S’appuyant sur l’argumentation qui précède, l’analyse économétrique est
utilisée pour explorer les effets de la fuite des capitaux sur l’investisse-
ment national dans les pays africains. L’analyse repose sur un échantillon
de 39 pays africains pour lesquels des données de séries chronologiques sur
la fuite des capitaux sont disponibles pour la période 1970-2010. La liste de
ces pays apparaît dans le tableau 1. La moyenne de ces données est calculée
Fuite des capitaux et paradis fiscaux 125

sur des périodes de cinq ans non chevauchantes afin de lisser les variations
annuelles. 5
L’incidence de la fuite des capitaux sur l’investissement national se mani-
feste de plusieurs façons. Premièrement, les sorties de capitaux représentent
une diminution de l’épargne nationale – épargne privée et publique – ce qui
nuit à l’accumulation du capital national. Le lien entre l’investissement natio-
nal et l’épargne peut également être motivé par la mobilité imparfaite du capi-
tal, compte tenu notamment de l’accès limité des pays africains aux marchés
de capitaux mondiaux. Par conséquent, selon Feldstein et Horioka (1980),
on peut s’attendre à une étroite relation à long terme entre l’investissement
intérieur et l’épargne nationale dans la région. L’analyse développée dans cet
article teste si la fuite des capitaux constitue un autre facteur explicatif dans
un modèle d’investissement où l’investissement serait limité par l’épargne
nationale.
Deuxièmement, l’incidence de la fuite des capitaux sur l’investissement
national peut s’expliquer du fait de l’incertitude macroéconomique. Des
fuites élevées de capitaux sont perçues par les acteurs privés comme un
signe d’échec de la politique macroéconomique et des institutions chargées
de la réglementation économique. À cet égard, les capitaux privés fuiraient
le climat d’insécurité et le risque souverain élevé du pays d’origine. En
outre, les fuites massives de capitaux augmentent le risque d’insolvabilité
du gouvernement résultant de l’érosion de l’assiette fiscale (à travers la
© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 19/11/2023 sur www.cairn.info (IP: 105.69.34.131)

© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 19/11/2023 sur www.cairn.info (IP: 105.69.34.131)


fuite du patrimoine privé) et du détournement de fonds publics (fuite des
capitaux induite par la corruption). C’est ainsi que les acteurs privés pour-
raient s’inquiéter d’une future hausse des impôts, provoquant une fuite
vers l’étranger dans un souci de se protéger. Par conséquent, la demande
d’avoirs intérieurs diminuerait, engendrant une baisse de l’investissement
national privé. La diminution des recettes publiques entraînerait un déclin
de l’investissement public. L’effet global serait une baisse de l’investisse-
ment national total.
Le modèle économétrique utilisé pour tester l’impact de la fuite des capi-
taux sur l’investissement prend également en compte les facteurs clés recon-
nus comme étant des déterminants majeurs de l’investissement. Le premier
déterminant de l’investissement pris en compte est le développement financier,
en particulier la disponibilité du crédit au secteur privé (Ndikumana, 2000,

5
Les résultats de l’estimation économétrique sont similaires lorsqu’on utilise des
séries annuelles. Il est particulièrement conseillé d’utiliser des sections transver-
sales groupées sur 5 ans dans le cas d’une estimation GMM, car cela réduit le
nombre de périodes de temps.
126 Léonce Ndikumana

2005). Toutefois, étant donné que l’épargne nationale et le crédit bancaire me-
surent tous deux la disponibilité du financement national de l’investissement
et peuvent donc être corrélés, ces éléments sont intégrés séparément (de façon
alternative) dans l’équation d’estimation. Nous avons donc deux équations
d’estimation alternatives, l’une avec l’épargne nationale, l’autre avec le crédit
bancaire national au secteur privé. Le modèle inclut également les variables
du commerce et des termes de l’échange afin de capturer l’impact de l’accès
aux marchés mondiaux des produits et des facteurs de production ainsi que les
effets de chocs sur les prix d’importation et d’exportation.
Les deux modèles d’estimation (avec l’épargne nationale ou le crédit au
secteur privé) sont formulés de la façon suivante :

Invit = a1 KFit + a 2GDSit + a 3Tradeit + a 4TOTit + w i + mit (1)

Invit = a1 KFit + a 2 creditit + a 3Tradeit + a 4TOTit + w i + mit (2)

Inv désigne alternativement la formation brute totale de capital fixe (in-


vestissement national total) et la formation brute privée de capital fixe (inves-
tissement privé), KF est la fuite des capitaux en pourcentage du PIB, GDS est
l’épargne nationale brute en pourcentage du PIB, credit est le crédit bancaire
national au secteur privé en pourcentage du PIB, trade (ou commerce) est la
somme des importations et des exportations en pourcentage du PIB, TOT est
un indice des termes de l’échange, w i correspond aux facteurs d’investisse-
© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 19/11/2023 sur www.cairn.info (IP: 105.69.34.131)

© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 19/11/2023 sur www.cairn.info (IP: 105.69.34.131)


ment propres à chaque pays pouvant être omis mais potentiellement impor-
tants, et mit est un terme d’erreur aléatoire.
Les équations (1) et (2) décrites ci-dessus sont estimées en tenant compte
des éventuels biais des estimations dus aux valeurs aberrantes en utilisant
la méthode des moindres carrés repondérés itérés (IRLS), aux effets propres
aux pays en utilisant la méthode d’estimation à effets fixes, et à l’endogénéité
potentielle des variables explicatives par le biais du système de la méthode
des moments généralisée (GMM). L’utilisation de ces diverses méthodes nous
permet d’évaluer la robustesse des résultats.
Les résultats des régressions concernant l’investissement national total
sont reportés dans le tableau 3, et ceux concernant l’investissement privé sont
présentés dans le tableau 4. Dans chaque tableau, les résultats affichés dans
les colonnes 1 à 3 résultent de l’équation (1), qui inclut l’épargne nationale
comme variable explicative, tandis que les colonnes 4 à 6 reprennent les résul-
tats de l’équation (2), qui inclut le crédit national au secteur privé.
Fuite des capitaux et paradis fiscaux 127

Tableau 3 : Impact de la fuite des capitaux sur l’investissement national

(1) (2) (3) (4) (5) (6)


Régressions avec épargne nationale Régressions avec crédit bancaire
VARIABLES IRLS Effets fixes GMM IRLS Effets fixes GMM

Investissement retardé 0,580*** 0,621***


(0.000) (0.000)
Fuite des capitaux -0,074** -0,082** -0,064*** -0,027 -0,074* -0,070***
(% du PIB) (0,048) (0,045) (0,001) (0,536) (0,090) (0,000)
Épargne nationale 0,173*** 0,217*** 0,141***
(% du PIB) (0,000) (0,000) (0,000)
Crédit bancaire 0,058** 0,021 0,050*
(% du PIB) (0,012) (0,645) (0,059)
Indice des termes -0,011 -0,001 -0,013 -0,010 0,008 -0,003
de l’échange (0,262) (0,960) (0,134) (0,392) (0,478) (0,712)

Commerce 0,072*** 0,094*** 0,095*** 0,100*** 0,115*** 0,095***


(% du PIB) (0,000) (0,000) (0,000) (0,000) (0,000) (0,000)
Constante 13,391*** 11,777*** 2,091 12,582*** 11,297*** 0,552
(0,000) (0,000) (0,211) (0,000) (0,000) (0,765)

R² within 0,184 0,118


R² between 0,073 0,321
© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 19/11/2023 sur www.cairn.info (IP: 105.69.34.131)

© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 19/11/2023 sur www.cairn.info (IP: 105.69.34.131)


R² overall 0,313 0,098 0,255 0,259
Test d’autocorrélation -2,137 -1,939
de premier ordre (0,033) (0,052)
Test de Sargan (H0: les 15,976 18,376
instruments sont valides) (0,659) (0,497)
Observations 216 216 169 210 210 164
Nombre de pays 39 39 39 39 39 39
Notes : la variable dépendante est la formation brute de capital fixe en
pourcentage du PIB. Les P-valeurs sont données entre parenthèses.
Seuil significatif : *** p < 0,01, ** p < 0,05, * p < 0,1.

Comme le confirment les résultats, la fuite des capitaux a un effet négatif


sur l’investissement national. Dans le cas de l’investissement national total
(tableau 3), le coefficient de la fuite des capitaux est négatif et statistique-
ment significatif. Dans le cas de l’investissement privé (tableau 4), l’effet de la
fuite des capitaux est systématiquement négatif et statistiquement significatif
dans toutes les régressions. L’ampleur de l’effet est assez similaire à l’effet sur
l’investissement total. Il est clair que la fuite des capitaux a un effet négatif et
décisif sur l’investissement privé.
128 Léonce Ndikumana

Tableau 4 : Impact de la fuite des capitaux sur l’investissement privé

(1) (2) (3) (4) (5) (6)


Régressions avec épargne nationale Régressions avec crédit bancaire
VARIABLES IRLS Effet fixes GMM IRLS Effets fixes GMM
Investissement retardé 0,297*** 0,223***
(0,000) (0,000)
Fuite des capitaux -0,047 -0,067* -0,075*** -0,037 -0,080** -0,080***
(% du PIB) (0,171) (0,077) (0,000) (0,341) (0,046) (0,000)
Épargne nationale 0,143*** 0,172*** 0,036
(% du PIB) (0,000) (0,001) (0,292)
Crédit bancaire 0,054*** 0,015 0,031**
(% du PIB) (0,004) (0,676) (0,033)
Indice des termes -0,026*** -0,022** -0,019*** -0,030*** -0,015 -0,017***
de l’échange (0,003) (0,019) (0,000) (0,002) (0,132) (0,000)

Commerce 0,060*** 0,071*** 0,046*** 0,074*** 0,091*** 0,049***


(% du PIB) (0,000) (0,001) (0,002) (0,000) (0,000) (0,001)
Constante 8,992*** 8,436*** 7,568*** 9,260*** 7,829*** 7,945***
(0,000) (0,000) (0,000) (0,000) (0,000) (0,000)

R² within 0,179 0,123


R² between 0,201 0,380
R² overall 0,329 0,170 0,276 0,283
© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 19/11/2023 sur www.cairn.info (IP: 105.69.34.131)

© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 19/11/2023 sur www.cairn.info (IP: 105.69.34.131)


Test d’autocorrélation -1,279 -0,891
de premier ordre (0,201) (0,373)
Test de Sargan (H0 : les 20,413 18,489
instruments sont valides) (0,370) (0,490)
Observations 208 208 144 203 203 140
Nombre de pays 39 39 39 39 39 39
Notes : la variable dépendante est la formation privée de capital fixe en
pourcentage du PIB. Les P-valeurs sont données entre parenthèses. Seuil
significatif : *** p < 0,01, ** p < 0,05, * p < 0,1.

Ces résultats nous permettent de conclure que la fuite des capitaux a un


effet négatif et significatif sur l’investissement national, un impact qui sub-
siste même lorsque d’autres importants déterminants de l’investissement
sont intégrés dans la spécification. L’effet est également persistant en ce qui
concerne l’investissement total et l’investissement privé. Les résultats sug-
gèrent que la fuite des capitaux est l’un des facteurs ayant contribué à la fai-
blesse chronique de l’investissement national dans les pays africains au cours
des dernières décennies.
Fuite des capitaux et paradis fiscaux 129

5 SIMULATION DES COÛTS D’OPPORTUNITÉ


DE LA FUITE DES CAPITAUX EN TERMES
DE CROISSANCE

Pourquoi se focaliser sur la croissance ?


Malgré le récent rebond de sa croissance, l’Afrique a encore du retard par
rapport aux autres régions dans le domaine du développement social. Alors
que dans de nombreux pays les taux de pauvreté ont baissé, l’Afrique reste
la seule région où le nombre de pauvres continue d’augmenter. Comparé
aux autres régions, le continent peine à réaliser ses objectifs et affiche de
piètres résultats en matière d’indicateurs de mesure du développement
social, comme la mortalité infantile et maternelle, l’accès aux services
d’infrastructure sociale tels qu’une source améliorée d’eau potable et des
installations sanitaires modernes. 37 % des Africains n’ont pas accès à une
source d’eau améliorée et 567 millions d’entre eux sont privés d’installa-
tions sanitaires améliorées (ONU, 2013). L’écart entre les zones rurales et
urbaines est important, avec 84 % de la population africaine qui n’a pas
accès à l’eau potable dans les zones rurales (Salami et al., 2011). On observe
également une disparité flagrante en matière d’accès à ces services en fonc-
tion du revenu, avec seulement 60 % des ménages les plus démunis dans
les zones urbaines ayant accès à l’eau et aux installations sanitaires, contre
90 % pour les ménages les plus riches. Dans les zones rurales, un tiers seu-
© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 19/11/2023 sur www.cairn.info (IP: 105.69.34.131)

© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 19/11/2023 sur www.cairn.info (IP: 105.69.34.131)


lement des ménages les plus pauvres a accès à ces services (OMS, 2013). À
l’évidence, l’accès aux infrastructures sociales de base représente encore un
défi majeur en Afrique.
La lenteur des progrès dans le domaine du développement social s’ex-
plique notamment par l’incapacité de la majorité des pays africains à at-
teindre et conserver des niveaux élevés de croissance dans le passé. La crois-
sance s’est avérée erratique dans de nombreux pays, voire anémique dans
certains. Il est donc clair que pour vaincre la pauvreté en Afrique et amélio-
rer l’accès aux infrastructures sociales modernes, il est crucial d’accélérer
la croissance et de la maintenir à un niveau élevé sur une longue période
de temps.
L’un des principaux obstacles à la croissance en Afrique est la faible ac-
cumulation de capital ou investissement national. Cette faiblesse de l’accu-
mulation de capital pourrait en effet expliquer pourquoi certains pays en
Afrique sont pris dans le piège de la pauvreté (Andrimihaja, Cinyabuguma,
et Devarajan, 2011). La faiblesse de l’investissement national pourrait être
due à plusieurs facteurs. L’absence de financement adéquat en est un. Comme
130 Léonce Ndikumana

nous l’avons montré dans la section précédente, l’un des obstacles à l’investis-
sement est la fuite des capitaux. Autrement dit, en décourageant l’investisse-
ment, la fuite des capitaux compromet les perspectives de croissance dans les
pays africains. L’analyse développée dans cette section a pour but d’évaluer
les pertes de croissance résultant de celle-ci. La méthodologie utilisée pour la
simulation de ces pertes est décrite ci-dessous.

Méthodologie de simulation
La méthode de simulation utilisée dans cet article pour estimer l’impact de
la fuite des capitaux sur la croissance part du principe que l’investissement
est un moteur clé de la croissance à long terme. En d’autres termes, aug-
menter l’investissement, c’est accélérer la croissance. Suivant cette logique,
on estime la croissance supplémentaire pouvant découler de ces capitaux,
que l’on aurait « récupérés » et investis sur le marché intérieur. À cette fin
on a repris l’analyse développée par le rapport Perspectives économiques
en Afrique 2012 (BAD et al. (2012)) et par Nkurunziza (2012, 2013). On
suppose en effet que si ces capitaux étaient investis localement, cela signifie-
rait une hausse nette de l’investissement national, augmentant le niveau de
production à un niveau supérieur aux valeurs historiques ou au statu quo.
On présume en outre que ces capitaux investis localement produiraient les
mêmes résultats que l’investissement historique en termes de production
© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 19/11/2023 sur www.cairn.info (IP: 105.69.34.131)

© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 19/11/2023 sur www.cairn.info (IP: 105.69.34.131)


additionnelle. D’où l’utilisation du ratio de productivité marginale du capi-
tal (ICOR), dérivé des valeurs historiques de l’investissement national et de
la croissance du PIB. L’analyse s’appuie sur le modèle du déficit de finan-
cement, largement utilisé dans les prévisions et simulations stratégiques
des grands modèles nationaux et internationaux, y compris par la Banque
mondiale. Cette méthodologie suscite deux critiques majeures (voir Easterly
(1999)). Premièrement, chaque dollar nouvellement investi ne produit pas
une croissance supplémentaire, deuxièmement on part de l’hypothèse d’une
relation linéaire entre investissement et croissance qui serait intégrée dans
l’ICOR. Pour dissiper la première inquiétude, il suffit d’utiliser des données
sur l’investissement et la croissance historiques. Ces données permettent
aussi de répondre à la préoccupation exprimée quant au fait que les mau-
vaises politiques ou le climat d’instabilité de certains pays pourraient être à
l’origine de la fuite des capitaux. Dans de telles circonstances, l’investisse-
ment national produirait de faibles rendements. En calibrant les rendements
de la fuite des capitaux sur la base des rendements réels de l’investissement
national, on peut donc établir un point de repère prudent pour la simulation
de la croissance sacrifiée due à la fuite des capitaux. La deuxième critique
Fuite des capitaux et paradis fiscaux 131

porte sur la précision des estimations ponctuelles. L’inquiétude est moindre


concernant les estimations de l’impact moyen sur une longue période. Les
résultats de simulation doivent être néanmoins interprétés avec prudence.
Ils ne sont qu’indicatifs et ne fournissent pas une base pour prévoir avec
certitude l’impact de la fuite des capitaux sur la croissance. Les simulations
servent à fournir un ordre de grandeur plutôt que des estimations précises
de cet impact.
La première étape consiste à calculer l’ICOR, mesurant le montant de
l’investissement nécessaire pour produire une unité supplémentaire de pro-
duction ou de PIB. Pour un pays i au moment t, compte tenu des valeurs histo-
riques pour l’investissement (I), du PIB et de la croissance du PIB (g), l’ICOR
est calculé de la façon suivante :

 I it 
Investissement annuel  PIB 
ICORit =
it
= (3)
Hausse annuelle du PIB git

Étant donné que la croissance peut être négative certaines années pour
certains pays, l’ICOR peut être négatif, ce qui n’a pas de signification em-
pirique. C’est pourquoi nous ne tenons pas compte des observations ayant
un ICOR négatif dans la simulation. Par ailleurs, l’ICOR peut présenter des
variations annuelles considérables en raison de la volatilité de la croissance et
de l’investissement, entraînant une forte volatilité de l’estimation de l’impact
© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 19/11/2023 sur www.cairn.info (IP: 105.69.34.131)

© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 19/11/2023 sur www.cairn.info (IP: 105.69.34.131)


sur la production. Nous contournons ce problème en utilisant des médianes
de l’ICOR sur une période donnée plutôt que des valeurs annuelles estimées.
Plus précisément, nous utilisons des médianes décennales de l’ICOR, à l’aide
de données disponibles entre 1970 et 2010, organisées en périodes de dix ans
non chevauchantes, à l’exception de la dernière période qui compte 11 années
(2000 à 2010).
À l’aide de l’équation (3) et en supposant que la fuite des capitaux pro-
duirait, pour chaque dollar investi, un résultat identique à celui de l’inves-
tissement historique, la production additionnelle résultant de l’investisse-
ment des capitaux partis à l’étranger sur le marché intérieur est calculée
comme suit :

KFit
∆ PIBit* = (4)
ICORi

Alors le PIB potentiel, c’est-à-dire le niveau de production qui serait at-


teint si la fuite de capitaux était investie localement, est obtenu comme suit :
132 Léonce Ndikumana

PIBit* = PIBit + ∆ PIBit* (5)

L’étape suivante consiste à calculer le taux de croissance potentielle de la


production résultant de l’investissement des capitaux partis à l’étranger dans
le pays d’origine. Chaque année, ce taux de croissance potentielle est calculé
en comparant la production potentielle avec la production (historique) réelle.
Ensuite, sur une période donnée de T années, on obtient la moyenne du taux
de croissance additionnelle annuelle du PIB, résultant de l’investissement des
capitaux partis à l’étranger sur le marché intérieur, comme suit :

PIBt* − PIBt
∑T0 ∗ 100%
PIBt
gt* = (6)
T

Dans notre cas, T = 10 ans pour toutes les périodes, sauf la dernière
(2000-10) qui compte 11 années.

Résultats de simulation
Les résultats des simulations par pays sont reportés dans le tableau 5 pour la
période 1970-2010 et dans le tableau 6 pour la période 2000-2010. Le tableau
7 présente les résultats par décennie et par groupe de pays producteurs et
non producteurs de pétrole, pour l’Afrique subsaharienne et l’Afrique du
© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 19/11/2023 sur www.cairn.info (IP: 105.69.34.131)

© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 19/11/2023 sur www.cairn.info (IP: 105.69.34.131)


Nord. Les tableaux affichent la croissance moyenne additionnelle résultant
de l’investissement des capitaux en Afrique partis à l’étranger. Compte
tenu de la volatilité importante de l’ICOR et donc de la volatilité de la crois-
sance potentielle, nous donnons également le taux médian de croissance
additionnelle.
Les résultats de simulation montrent l’ampleur des coûts d’opportunité
liés aux capitaux partis à l’étranger sur les économies africaines. D’après
le tableau 5, pour la période 1970-2010, on s’aperçoit que l’échantillon des
39 pays a enregistré un taux de croissance moyen de 3,9 %. Au cours de cette
même période, l’investissement sur le marché intérieur des capitaux sortis
illicitement aurait généré en moyenne un taux de croissance additionnelle
annuelle de 2,4 %, et une croissance médiane du PIB annuelle supplémen-
taire de 0,8 %. Durant cette période, 17 pays auraient enregistré une crois-
sance plus rapide en moyenne de 2 %, et 30 pays une croissance de 1 % ou
plus en moyenne.
Fuite des capitaux et paradis fiscaux 133

Tableau 5 : Croissance additionnelle potentielle résultant de l’investissement


en Afrique des capitaux partis à l’étranger, 1970-2010

Pays ICOR Investisse- PIB PIB poten- Croissance Croissance Croissance


médian ment réel par tiel par réelle du addition- addition-
(% du PIB, habitant habitant PIB (%, nelle du nelle du
moyenne) (2010 $, (2010 $, moyenne) PIB (%, PIB (%,
moyenne) moyenne) moyenne) médiane)
Algérie 8,9 34 3 337 3 370 3,8 1,0 0,8
Angola 3,9 16 1 598 1 714 5,7 7,3 4,1
Botswana 5,1 32 3 441 3 470 9,2 0,6 0,0
Burkina Faso 3,3 19 419 422 4,5 0,7 0,5
Burundi 3,7 11 296 303 2,6 3,4 2,4
Cameroun 3,7 20 1 202 1 222 3,8 1,6 0,1
Cap-Vert 6,6 40 1 692 1 737 6,1 2,7 2,4
Rép.
5,0 12 538 545 1,3 1,3 0,9
centrafricaine
Tchad 2,4 18 468 426 4,0 2,4 1,2
Congo,
4,9 12 591 596 0,2 2,0 0,5
Rép. dém.
Congo, Rép. 3,9 27 1 623 1 683 4,5 3,7 1,1
Côte d’Ivoire 5,6 15 1 390 1 424 2,6 2,4 2,2
Égypte 4,6 23 1 319 1 332 5,3 1,1 0,2
Éthiopie 2,2 18 287 296 4,7 3 1,4
Gabon 5,5 33 7 758 7 858 4 1,2 1,1
Ghana 4,4 16 750 759 3,4 1,3 0,9
Guinée 4,6 19 563 570 5,1 0,9 0,2
Guinée-Bissau 6,7 25 387 391 2,5 1,2 0,1
Kenya 5,0 21 658 662 4,3 0,6 0,5
© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 19/11/2023 sur www.cairn.info (IP: 105.69.34.131)

© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 19/11/2023 sur www.cairn.info (IP: 105.69.34.131)


Lesotho 7,8 38 547 552 4,7 0,9 0,3
Madagascar 4,6 14 557 567 1,7 1,6 1,1
Malawi 3,6 21 306 309 4,2 1,3 0,6
Mauritanie 8,2 25 895 913 3,1 1,9 0,7
Maroc 4,3 25 1 751 1 771 4,2 1,3 0,9
Mozambique 2,7 18 363 382 4,6 6,8 2,7
Nigéria 2,6 18 847 753 4,4 4,7 3,0
Rwanda 2,2 15 406 425 4,6 4,2 1,2
Sao Tomé-et-
3,3 29 925 999 2,1 7,7 3,8
Principe
Seychelles 4,5 28 7 084 7 482 4,6 6,9 0,6
Sierra Leone 3,3 11 459 380 2.4 7,1 7,0
Afrique du Sud 6,2 21 4 974 4 995 2,6 0,5 0,1
Soudan 2,9 17 1 072 1 089 4,7 1,4 0,5
Swaziland 6,1 22 1 952 1 967 5,3 0,9 0,3
Tanzanie 3,4 23 349 354 5 0,5 0,1
Togo 4,9 20 575 585 2,6 1,6 0,0
Tunisie 5,4 26 2 722 2 747 5,1 0,9 0,6
Ouganda 2,4 14 438 380 6 2,0 0,8
Zambie 3,9 21 984 1 003 2,3 2,5 1,3
Zimbabwe 2,9 15 1 245 1 287 1,8 6,8 1,4
Échantillon 4,1 21 1 503 1 556 3,9 2,4 0,8
134 Léonce Ndikumana

Tableau 6 : Croissance additionnelle potentielle résultant de l’investissement


en Afrique des capitaux partis à l’étranger, 2000-2010

Pays ICOR Investisse- PIB PIB poten- Croissance Croissance Croissance


médian ment réel par tiel par réelle du addition- addition-
(% du PIB, habitant habitant PIB (%, nelle du nelle du
moyenne) (2010 $, (2010 $, moyenne) PIB (%, PIB (%,
moyenne) moyenne) moyenne) médiane)
Algérie 11 33 3 380 3 403 3,6 0,7 0,5
Angola 1,2 13 2 395 2 596 11,0 10,0 9,9
Botswana 5,5 29 5 738 5 824 4,3 1,5 1,4
Burkina Faso 2,6 17 417 419 5,6 0,4 0,0
Burundi 3,7 12 176 188 3 7,1 6,4
Cameroun 5,0 18 1 023 1 030 3,4 0,9 0,0
Cap-Vert 6,6 38 2 424 2 476 6,2 2,1 2,2
Rép.
5,0 8,9 387 390 1,1 0,7 0,0
centrafricaine
Tchad 3,5 31 526 530 8,8 0,9 0,0
Congo, Rép. dém. 2,4 14 149 158 3,9 6,1 5,0
Congo, Rép. 3,4 22 1 943 2 083 4,9 8,9 5,5
Côte d’Ivoire 5,7 11 1 004 1 016 0,66 1,3 0,5
Égypte 4,0 19 1 778 1 791 4,9 0,6 0,01
Éthiopie 2,2 22 227 236 8,3 4,8 3,8
Gabon 10,0 25 6 836 6 936 1,9 1,5 1,4
Ghana 4,4 24 754 760 5,7 0,9 0,8
Guinée 6,2 18 429 429 5,9 0,03 0,0
Guinée-Bissau 38,0 12 419 421 1,9 0,5 0,4
Kenya 5,0 18 630 633 3,8 0,6 0,0
© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 19/11/2023 sur www.cairn.info (IP: 105.69.34.131)

© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 19/11/2023 sur www.cairn.info (IP: 105.69.34.131)


Lesotho 7,8 30 671 676 3,9 0,9 0,0
Madagascar 4,6 24 367 368 3,0 0,3 0,0
Malawi 3,6 21 259 259 4,5 0,2 0,0
Mauritanie 8,2 32 828 834 4,6 0,8 0,7
Maroc 7,5 30 2 240 2 255 4,6 0,7 0,6
Mozambique 2,8 21 345 352 7,2 2,3 0,5
Nigéria 1,4 14 885 970 6,3 8,6 11,0
Rwanda 2,2 18 349 350 7,6 0,1 0,0
Sao Tomé-et-
3,3 23 925 999 7,6 7,7 3,8
Principe
Seychelles 4,6 24 10 783 11 096 2,5 2,8 2,3
Sierra Leone 2,0 13 277 298 9,2 7,5 7,7
Afrique du Sud 4,1 18 5 121 5 154 3,6 0,9 0,1
Soudan 3,6 24 1 142 1 175 6,5 2,9 1,4
Swaziland 6,1 15 2 570 2 588 2,2 0,8 0,2
Tanzanie 3,4 24 417 420 6,8 0,6 0,0
Togo 6,0 16 434 456 1,9 4,1 0,0
Tunisie 5,4 24 3 581 3 611 4,4 0,9 0,4
Ouganda 3,2 21 375 383 7,1 2,4 1,9
Zambie 3,9 22 766 779 5,4 2,0 0,3
Zimbabwe 0,4 5,6 532 643 -4,4 22,0 2,0
Échantillon 5,4 21 1 630 1 668 4,7 3,0 0,6
Sans le
5,5 22 1 659 1 695 4,9 2,5 0,6
Zimbabwe
Fuite des capitaux et paradis fiscaux 135

Au cours de la période 2000-2010 (tableau 6), le taux moyen de croissance


réelle du PIB a été de 4,7 %. L’investissement de ces capitaux sur le marché in-
térieur aurait augmenté la croissance de 3 % supplémentaires en moyenne ; le
taux médian de croissance additionnelle aurait été de 0,6 %.6 Au cours de cette
même période, si les capitaux enfuis avaient été investis localement, 11 pays
auraient accéléré leur croissance d’en moyenne 2 % ou plus, et 19 pays de 1 %
ou plus en moyenne.
Les résultats du tableau 7 sont également très révélateurs. Ils indiquent
premièrement que l’estimation de la croissance de la production sacrifiée
est plus élevée pour la dernière période (2000-2010) que pour les décen-
nies précédentes. Pour l’ensemble de l’échantillon, la croissance addition-
nelle potentielle du PIB résultant de l’investissement des capitaux partis
à l’étranger sur le marché intérieur aurait été de 3 % pour 2000-2010. La
seconde croissance la plus élevée est observée dans les années 1980, soit
2,7 %.7 Deuxièmement, nous constatons que le coût d’opportunité estimé est
plus élevé pour l’Afrique subsaharienne que pour l’Afrique du Nord (2,5 %
par rapport à 1,1 %). Troisième constat : les gains potentiels sont plus impor-
tants pour les pays producteurs de pétrole que pour les pays non produc-
teurs. Les pays riches en pétrole auraient enregistré une croissance addi-
tionnelle du PIB de 3,9 % s’ils avaient intercepté la fuite des capitaux pour
l’investir localement, par rapport à 2,4 % pour les pays non producteurs.
Les résultats suscitent des inquiétudes concernant l’explosion de la fuite des
© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 19/11/2023 sur www.cairn.info (IP: 105.69.34.131)

© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 19/11/2023 sur www.cairn.info (IP: 105.69.34.131)


capitaux observée au cours de la dernière décennie, comme le révèlent de ré-
centes études (BAD et GFI, 2013 ; Boyce et Ndikumana, 2012 ; Ndikumana
et Boyce, 2012). Ils indiquent que bien que la croissance enregistrée après
2000 ait été impressionnante, elle aurait pu être largement plus élevée si
les pays africains avaient réussi à conserver tout leur capital à l’intérieur
de leurs frontières. En particulier, s’ils avaient été en mesure d’investir les
capitaux sortis illicitement sur le marché intérieur, ils auraient pu gagner
en moyenne 3 points de pourcentage (médiane de 0,6 %) sur leur taux de
croissance annuelle du PIB durant la dernière décennie.

6
Hormis le Zimbabwe (qui enregistre un taux de croissance atypique en 2000-2010),
la moyenne de l’échantillon pour la période 2000-2010 est de 2,5 %, la médiane
étant la même (0,6 %).
7
Hormis le Zimbabwe, la moyenne est de 2,5 % pour 2000-2010 et de 2,7 % (inchan-
gée) pour 1980-1989.
136 Léonce Ndikumana

Tableau 7 : Croissance additionnelle potentielle résultant de l’investissement


en Afrique des capitaux partis à l’étranger, par décennie et par
groupe de pays (moyennes sauf indication contraire)

Catégorie ICOR Investisse- PIB réel PIB poten- Croissance Croissance Croissance
médian ment par tiel par réelle du addition- addition-
(% du PIB, habitant habitant PIB (%, nelle du nelle du
moyenne) (2010 $, (2010 $, moyenne) PIB (%, PIB (%,
moyenne) moyenne) moyenne) médiane)
Moyennes d’échantillon
1 5,3 23 1 507 1 623 5,1 1,4 0,3
2 4,5 21 1 518 1 578 3,3 2,7 1,2
3 4,9 21 1 341 1 360 2,5 2,1 0,9
4 5,4 21 1 630 1 668 4,7 3,0 0,6
Échantillon 5,0 21 1 503 1 556 3,9 2,4 0,8
Afrique du Nord
1 4,6 28 1 930 1 958 6,5 1,5 0,9
2 5,9 29 2 386 2 406 4 0,9 0,7
3 5,4 25 2 022 2 046 3,4 1,2 1
4 7,1 27 2 745 2 765 4,4 0,7 0,5
Afrique du Nord 5,8 27 2 282 2 305 4,6 1,1 0,8
Afrique subsaharienne
1 5,4 22 1 446 1 567 4,9 1,4 0,2
2 4,3 20 1 409 1 474 3,2 2,9 1,4
3 4,9 20 1 261 1 279 2,4 2,2 0,8
4 5,2 20 1 502 1 542 4,7 3,3 0,7
Afrique
4,9 21 1 406 1 460 3,8 2,5 0,8
subsaharienne
Pays non producteurs de pétrole
1 5.2 21 1 221 1 284 4,9 1,4 0,1
2 4,6 21 1 211 1 277 3,3 2,8 1,1
© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 19/11/2023 sur www.cairn.info (IP: 105.69.34.131)

© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 19/11/2023 sur www.cairn.info (IP: 105.69.34.131)


3 4,6 22 1 285 1 303 2,8 2,4 1,0
4 5,7 21 1 518 1 548 4,5 2,7 0,5
Pays non produc-
5,0 21 1 322 1 366 3,9 2,4 0,7
teurs de pétrole
Pays riches en pétrole
1 5,4 28 2 137 2 469 5,4 1,4 0,7
2 4,3 22 2 261 2 304 3,3 2,5 1,6
3 5,7 19 1 479 1 497 1,6 1,4 0,5
4 4,7 20 1 915 1 972 5,1 3,9 1,2
Pays riches en
5,0 22 1 939 2 026 3,8 2,4 0,9
pétrole
Pays sans ressources minérales
1 4,8 23 1 554 1 708 5,2 1,6 0,3
2 4,7 22 1 653 1 717 3,2 2,9 1,3
3 4,9 22 1 484 1 504 2,5 1,9 0,9
4 5,8 22 1 813 1 854 5 2,6 0,7
Sans ressources
5.1 22 1 634 1 700 4 2,3 0,9
minérales
Pays riches en ressources minérales
1 7 25 1 303 1 311 4,5 0 0,03
2 3,8 17 1 011 1 044 3,5 1,9 0,9
3 4,9 18 884 895 2,3 2,7 0,7
4 4,0 18 1 022 1 050 3,6 4.4 0,3
Riches en res-
4,7 19 1 033 1 054 3,4 2,6 0,5
sources minérales
Fuite des capitaux et paradis fiscaux 137

6 CONCLUSION

L’analyse développée dans la présente étude montre que la fuite des capi-
taux engendre des coûts d’opportunité importants pour les économies afri-
caines. Elle représente notamment un obstacle considérable pour l’investis-
sement national, d’autant plus problématique que la nécessité d’accélérer et
de soutenir la croissance est une condition de la réduction de la pauvreté.
Traditionnellement, on a considéré la faiblesse de l’épargne nationale comme
principale responsable de la faiblesse de l’investissement dans les pays afri-
cains. Les éléments de preuve présentés dans cette étude suggèrent que la
fuite des capitaux est un facteur majeur de la pénurie de capitaux investis
sur le continent. Par conséquent, les pays africains ne doivent pas seulement
se contenter de mettre en place des mécanismes et des mesures incitatives
pour accroître l’épargne intérieure afin de stimuler l’investissement natio-
nal, ils doivent également instaurer des politiques visant à juguler ce fléau.
L’éradication de ce phénomène leur permettra d’augmenter sensiblement
leurs taux de croissance, ce qui contribuera à accélérer les progrès vers la
réalisation des objectifs de développement fixés au niveau national. En parti-
culier, des taux de croissance plus élevés contribueront à une réduction plus
rapide de la pauvreté, qui reste un défi malgré les améliorations enregistrées
depuis le début du siècle.
La solution au problème de la fuite des capitaux d’Afrique réside dans la
© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 19/11/2023 sur www.cairn.info (IP: 105.69.34.131)

© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 19/11/2023 sur www.cairn.info (IP: 105.69.34.131)


mise en œuvre d’une action concertée à l’échelon national, régional, continen-
tal et mondial. La stratégie visant à lutter contre l’évasion des capitaux doit
s’organiser sur quatre fronts : dissuader les sorties illégales de capitaux acquis
légalement, enrayer la fuite des capitaux liés au commerce et l’évasion fiscale,
récupérer et rapatrier les avoirs volés, combattre le phénomène de la « porte
tournante » et la dette odieuse, et faire appliquer la transparence bancaire
ainsi que les règles fiscales dans les refuges fiscaux. Cela signifie que pour
parvenir à mettre fin à la fuite des capitaux, les pays africains devront établir
une solide coopération avec leurs partenaires dans les pays développés, où est
domiciliée la majeure partie des capitaux sortis illicitement. L’instauration
d’un système financier international plus transparent profitera non seule-
ment aux pays africains, mais aussi à l’ensemble des pays développés et en
développement.
138 Léonce Ndikumana

RÉFÉRENCES
AJAYI, S. I. (1997). An Analysis of External Debt and Capital Flight in the Severely
Indebted Low Income Countries in Sub-Saharan Africa. Working Paper. IMF.
AJAYI, S. I., et KHAN, M. S. (2000). External debt and capital flight in Sub-Saha-
ran Africa. Washington, DC: IMF Institute.
ANDERSEN, J., JOHANNESEN, N., LASSEN, D. D., et E., P. (2012). Petro rents
and hidden wealth: Evidence from bank deposits in tax havens. BI Norwegian
Business School, University of Copenhagen and Stockholm Institute of Tran-
sition Economics.
ANDRIMIHAJA, N. A., CINYABUGUMA, M., et DEVARAJAN, S. (2011). Avoiding
the Fragility Trap in Africa Policy Research Working Paper. Washington, DC:
The World Bank.
ARTADI, E. V., et SALA-I-MARTIN, X. (2003). The Economic Tragedy of the
XXth Century: Growth in Africa. NBER Working Paper Series, 9865.
BAD, et GFI. (2013). Illicit Financial Flows and the Problem of Net Resource
Transfers from Africa: 1980-2009. Washington, DC and Tunis.
BAD, OCDE, CEA, et PNUD. (2012). African Economic Outlook 2012. Paris and
Tunis: OECD Publications.
BARTELSMAN, J. E., et BEETSMA, M. W. J. R. (2003). Why pay more? Corporate
tax avoidance through transfer pricing in OECD countries. Journal of Public
Economics, 87, 2225-2252.
BATES, R. H., COATSWORTH, J. H., et WILLIAMSON, J. G. (2007). Lost decades:
Postindependence performance in Latin America and Africa quick view. The
Journal of Economic History, 67(4), 917-943.
© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 19/11/2023 sur www.cairn.info (IP: 105.69.34.131)

© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 19/11/2023 sur www.cairn.info (IP: 105.69.34.131)


BEDJA, E. (2006). Was capital fleeing Southeast Asia? Estimates from Indonesia,
Malaysia, the Philippines, and Thailand. Asia Pacific Business Review, 12(3),
261-283.
BOYCE, J. K., et NDIKUMANA, L. (2012). Capital flight from Sub-Saharan Afri-
can countries: Updates 1970-2010. PERI Research Report. Amherst, MA.: Poli-
tical Economy Research Institute.
BRIXIOVA, Z., et NDIKUMANA, L. (2013). The global financial crisis and Africa:
The effects and policy responses. In G. Epstein et M. H. Wolfson (Eds.), The
Oxford Handbook of the Political Economy of Financial Crises (pp. 711-735).
Oxford: Oxford University Press.
CEA. (2013). Economic Report on Africa 2013: Making the Most of Africa’s Commo-
dities: Industrializing for Growth, Jobs, and Economic Transformation. Addis
Ababa, Ethiopia: UNECA.
CHANG, K. P. H., et CUMBY, R. E. (1991). Capital flight in sub-Saharan African
countries In I. Husain et J. Underwood (Eds.), African External Finance in the
1990s (pp. 162-187). Washington, DC: World Bank.
COLLIER, P., et GUNNING, J. W. (1999). Explaining African economic perfor-
mance. Journal of Economic Literature, 37(1), 64-111.
COLLIER, P., HOEFFLER, A., et PATTILLO, C. (2001). Flight capital as a portfo-
lio choice. World Bank Economic Review, 15, 55-80.
Fuite des capitaux et paradis fiscaux 139

COLLIER, P., HOEFFLER, A., et PATTILLO, C. (2004). Africa’s exodus: Capital


flight and the brain drain as portfolio decisions. Journal of African Economies,
13(2), 15-54.
DE LONG, J. B., et SUMMERS, L. H. (1993). How strongly do developing eco-
nomies benefit from equipment investment? Journal of Monetary Economics,
32(3), 395-415.
DORNBUSCH, R. (1985). External debt, budget deficits, and disequilibrium ex-
change rates. In G. W. Smith et J. T. Cuddington (Eds.), International Debt and
the Developing Countries. Washington, DC: World Bank.
EASTERLY, W. (1999). The ghost of financing gap. Testing the growth model used
in the international financial institutions. Journal of Development Economics,
60(2), 423-438.
EASTERLY, W., et LEVINE, R. (1997). Africa’s growth tragedy: Policies and ethnic
divisions. The Quarterly Journal of Economics, 112(4), 1203-1250.
EATON, J. (1987). Public debt guarantees and private capital flight. The World
Bank Economic Review, 1(3), 377-395.
FEDDERKE, J. W., PERKINS, P., et LUIZ, J. M. (2006). Infrastructural investment
in long-run economic growth: South Africa 1875-2001. World Development,
34(6), 1037-1059.
FELDSTEIN, M., et HORIOKA, C. (1980). Domestic saving and international capi-
tal flows. The Economic Journal, 90(358), 314-329.
FJELDSTAD, O.-H., SCHULZ-HERZENBERG , C., et SJURSEN, H. I. (2012).
Peoples’ views of taxation in Africa: Theories, evidence and an agenda for
future research.” ICTD Working Paper. Bergen, Norway: CHR Michelsen
Institute.
© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 19/11/2023 sur www.cairn.info (IP: 105.69.34.131)

© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 19/11/2023 sur www.cairn.info (IP: 105.69.34.131)


HAMPTON, P. M., et CHRISTENSEN, J. (2010). Offshore Pariahs? Small island
ecoomies, tax havens, and the re-configuration of global finance. World Deve-
lopment, 30(9), 1657-1673.
HEBOUS, H., et LIPATOV, V. (2013). A journey from a corruption port to a tax
haven. Journal of Comparative Economics, Article in Press.
HENRY, J. S. (2012). The Price of Offshore Revisited. London: Tax Justice Network.
HERMES, N., et LENSINK, R. (1992). The magnitude and determinants of capital
flight: The case for six sub-Saharan African countries. De Economist, 140(4),
515-530.
KAHN, B. (1991). Capital flight and exchange controls in South Africa. London
School of Economics: Centre for the Study of the South African Economy and
International Finance.
KANT, C. (2002). What is capital flight? The World Economy, 25(3), 341-358.
KASEKENDE, L., NDIKUMANA, L., et BRIXIOVA, Z. (2010). Africa’s counter-cy-
clical policy responses to the crisis. Journal of Globalization and Development
1(January).
KHAN, M. S., et HAQUE, N. U. (1985). Foreign borrowing and capital flight: A
formal analysis. International Monetary Fund Staff Papers, 32, 606-628.
LEVINE, R., et RENELT, D. (1992). A sensitivity analysis of cross-country growth
regressions. American Economic Review, 82, 942-963.
140 Léonce Ndikumana

MCKINSEY GLOBAL INSTITUTE. (2010). Lions on the move: The progress and
potential of African economies: McKinsey et Company.
MURINDE, V., HERMES, N., et LENSINK, R. (1996). Comparative aspects of
the magnitude and determinants of capital flight in six sub-Saharan African
countries. Saving and Development, 20(1), 61-78.
NATIONS UNIES. (2013). Millennium Development Goals Report 2013. New York:
United Nations.
NDIKUMANA, L. (2000). Financial determinants of domestic investment in Sub-
Saharan Africa: Evidence from Panel Data. World Development, 28(2), 381-400.
NDIKUMANA, L. (2005). Financial development, financial structure, and domes-
tic investment: International evidence. Journal of International Money and
Finance, 24(4), 651-673.
NDIKUMANA, L., et BOYCE, J. K. (2003). Public debts and private assets: Explai-
ning capital flight from Sub-Saharan African countries. World Development,
31(1), 107-130.
NDIKUMANA, L., et BOYCE, J. K. (2010). Measurement of capital flight: metho-
dology and results for sub-Saharan African countries. African Development
Review, 22(4), 471-481.
NDIKUMANA, L., et BOYCE, J. K. (2011a). Africa’s Odious Debts: How Foreign
Loans and Capital Flight Bled a Continent. London: Zed Books.
NDIKUMANA, L., et BOYCE, J. K. (2011b). Capital flight from sub-Saharan
African countries: linkages with external borrowing and policy options. Inter-
national Review of Applied Economics, 25(2), 149-170.
NDIKUMANA, L., et BOYCE, J. K. (2012). Capital flight from North African
countries. PERI Research Report. Amherst, MA: Political Economy Research
© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 19/11/2023 sur www.cairn.info (IP: 105.69.34.131)

© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 19/11/2023 sur www.cairn.info (IP: 105.69.34.131)


Institute.
NKURUNZIZA, J. D. (2013). The potential effect of capital flight on the rate of
poverty reduction in Africa. In I. Ajayi et L. Ndikumana (Eds.), Capital Flight
from Africa: Causes, Effects and Policy Issues. Oxford, UK: Oxford University
Press (Forthcoming).
PASTOR, M. (1990). Capital flight from Latin America. World Development, 18(1),
1-18.
PNUD. (2011). Illicit Financial Flows from the Least Developed Countries: 1990-
2008. New York: UNDP.
RODRIK, D. (1995). Getting interventions right: How South Korea and Taiwan
grew rich. Economic Policy, 20(10), 53-107.
SHAXSON, N. (2011). Treasure Islands: Tax Havens and the Men Who Stole the
World. London: Bodley Head.
SIKKA, P., et WILLMOTT, H. (2010). The dark side of transfer pricing: Its role in
tax avoidance and wealth retentiveness. Critical Perspectives in Accounting,
21, 342-356.
SOLOW, R. (1956). A contribution to the theory of economic growth. The Quarterly
Journal of Economics, 70, 65-94.
TORVIK, R. (2009). Why are tax havens more harmful to developing countries
than to other countries? Memorandum written for the Commission to the
Fuite des capitaux et paradis fiscaux 141

Norwegian Government Commission on Tax Havens. Trondheim, Norway:


Department of Economics, Norwegian University of Science and Technology
(NTNU).
WOOD, E., et MOLL, T. (1994). Capital flight from South Africa: Is underinvocing
exaggerated? South African Journal of Economics, 62(1), 17-28.
YOUNG, A. (1995). The tyrany of numbers: confronting the statistical realities of
the East Asian growth experience. Quarterly Journal of Economics, 110(3),
641-680.
ZUCMAN, G. (2013). The missing wealth of nations: Are Europe and the US net
debtors or net creditors? Paris: Paris School of Economics.
© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 19/11/2023 sur www.cairn.info (IP: 105.69.34.131)

© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 19/11/2023 sur www.cairn.info (IP: 105.69.34.131)

Vous aimerez peut-être aussi