Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
récents et à venir
Antonio Estache
Dans Revue d'économie du développement 2007/4 (Vol. 15), pages 5 à 53
Éditions De Boeck Supérieur
ISSN 1245-4060
ISBN 2804154301
DOI 10.3917/edd.214.0005
© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 16/03/2024 sur www.cairn.info (IP: 41.202.219.161)
Infrastructures et développement :
une revue des débats récents et à venir
Infrastructure and Development :
A Survey of Recent and Upcoming Issues
Antonio Estache *
Banque mondiale
Gouvernements et pays donateurs ont tiré un certain nombre d’enseignements en matière d’infras-
tructures et de développement au cours de ces quinze dernières années. Aussi bien les travaux
scientifiques publiés que les travaux non publiés mettent en relief les principales dimensions du
secteur ainsi que les relations entre les infrastructures et un certain nombre de variables telles
que la croissance, la lutte contre la pauvreté, le coût budgétaire du secteur, le rôle potentiel du
secteur privé et enfin l’impact sur le niveau de corruption.
© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 16/03/2024 sur www.cairn.info (IP: 41.202.219.161)
* L’auteur remercie François Bourguignon, Jean-Jacques Dethier, Marianne Fay, Ana Goicoe-
chea, Michel Kerf, Christine Kessides, Lazlo Lovei, Marisela Monteliu, Joseph Narke-
vic, Maximo Torero, Lourdes Trujillo, Quentin Wodon, et deux rapporteurs anonymes
pour leurs commentaires utiles sur une version précédente de cet article.
1 Le concept d’infrastructures a un large champ de définition dans la littérature. Dans
cet article, le terme fait référence à toute installation utilisée pour fournir de l’énergie,
de l’eau et de l’assainissement, des télécommunications, et les services de transport.
Cela ne prend pas en compte l’irrigation, bien que ce soit une dimension essentielle de
la gestion dans le secteur de l’eau.
5
EDD_2007-04.book Page 6 Thursday, January 31, 2008 7:49 PM
6 Antonio Estache
2 La dernière fois que le monde académique s’est intéressé massivement aux infrastruc-
tures remonte à la publication en 1989 de l’article d’Aschauer sur l’importance du capi-
tal public aux États-Unis.
EDD_2007-04.book Page 7 Thursday, January 31, 2008 7:49 PM
Infrastructures et développement 7
1 LA SITUATION ACTUELLE
DANS LE SECTEUR DES INFRASTRUCTURES
Dans la plupart des pays, l’essentiel des infrastructures sont fournies par
l’État 3. Malgré un rôle plus important du secteur privé, le financement et la
fourniture en infrastructures demeurent majoritairement l’œuvre du secteur
public.
8 Antonio Estache
Lignes
Niveau du Production Distribution Eau et
Rails téléphoniques
revenu national d’électricité d’électricité assainissement
fixes
Faible 41 29 18 34 50
Intermédiaire- 48 37 50 26 62
faible
Intermédiaire-
supérieur 58 48 47 60 72
En développement 47 36 35 36 59
Source : Estache et Goicoechea 2005a.
Note : Les données ferroviaires sont de 2002.
Une revue récente de la littérature révèle à quel point dans les pays en
développement, les grandes entreprises du secteur privé contribuent significa-
tivement au financement des principaux types d’infrastructures (tableau 1).
Cette contribution étant logiquement plus importante pour les pays ayant les
revenus les plus élevés. La présence du secteur privé dans le secteur des
infrastructures est toutefois en deçà de l’importance qui lui est généralement
accordée 4. Dans les pays en développement, seulement un tiers de la provi-
4 Cela ne vise pas à dénier la présence du secteur privé. En fait, là où l’État et un large
secteur privé ont échoué à fournir les services, le secteur privé, de petite échelle, géné-
ralement local, a comblé le vide. La preuve sur leur rôle, et les détails de leurs coûts, est
cependant généralement anecdotique.
EDD_2007-04.book Page 9 Thursday, January 31, 2008 7:49 PM
Infrastructures et développement 9
sion des services d’électricité, d’eau et de chemins de fer sont assurés par le
secteur privé. Le secteur de la téléphonie fixe, détenu par des opérateurs pri-
vés dans 60 % des pays, représente la plus forte présence du secteur privé
dans la provision des services d’infrastructures. Au cours des quinze dernières
années, les investissements privés ont représenté en général 20 à 25 % des
investissements réalisés dans les pays en développement avec une part se
situant à moins de 10 % pour l’Afrique subsaharienne 5.
Dans plusieurs pays, en particulier les plus pauvres, cette faible contribu-
tion du secteur privé dans le financement et le fonctionnement des infrastruc-
tures majeures a été source d’une grande déception. Plusieurs de ces pays ont
suivi les recommandations émises par les « spécialistes » dans le but d’attirer
le secteur privé. Ils dégroupent leurs services, introduisent la compétition là
où ils le peuvent (sur et pour le marché) et mettent en place des agences indé-
pendantes de régulation (tableau 2) 6.
Cependant, comme le montre le tableau 2, la mise en place d’une agence
indépendante de régulation, l’une des principales recommandations concer-
nant les politiques d’infrastructures sur les dix ou quinze dernières années, ne
garantit pas des prises de participation du secteur privé. En effet, le nombre
de pays disposant de ces agences de régulation est supérieur au nombre de
pays dans lesquels le secteur privé participe à la distribution de l’électricité.
Inversement, la présence d’une agence de régulation n’est pas nécessaire pour
l’attractivité du secteur privé : le nombre de pays dans lesquels le secteur
© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 16/03/2024 sur www.cairn.info (IP: 41.202.219.161)
5 Cette estimation a été faite indépendamment par des chercheurs au Département pour
le Développement International (DFID) et la Banque Mondiale (2005). Très grossière-
ment, cela été calculé de la façon suivante. La communauté internationale a une certaine
idée du stock de capital physique par pays et peut ainsi l’évaluer à prix constant. Le chan-
gement dans la valeur du stock donne une idée de l’investissement total dans les secteurs.
La contribution du secteur privé à cet investissement est donnée par l’engagement
total fait sur la même période par le secteur privé selon la base de données de la Banque
Mondiale sur la Participation du Secteur Privé dans les Infrastructures (PPI). Cela ris-
que d’être une surestimation, parce que les engagements ne sont pas nécessairement
déboursés.
6 Aucun pays n’a des agences de régulation complètement indépendantes. Souvent ces
agences ont un degré d’autonomie vis-à-vis du ministère en charge du secteur concerné.
Quand les politiciens veulent s’emparer de la fonction de régulation, ils le font tout sim-
plement, comme l’expérience de l’Amérique latine de ces trois dernières années le suggère.
EDD_2007-04.book Page 10 Thursday, January 31, 2008 7:49 PM
10 Antonio Estache
7 Voir Estache et Pinglo (2005) pour tous les pays en développement et Sirtaine et al.
(2005) pour l’Amérique latine.
8 Sirtaine et al. (2005) fournissent une analyse détaillée de l’évolution du coût du capital
en Amérique latine et le comparent au taux de rendement qui peut être estimé à partir
des comptes des principaux opérateurs d’infrastructures dans la région.
EDD_2007-04.book Page 11 Thursday, January 31, 2008 7:49 PM
Infrastructures et développement 11
9 Le rejet de la réforme des infrastructures des années 1990, en particulier, le rôle accru
du secteur privé dans la fourniture des services, n’a pas joué un rôle mineur dans la
vague de changements politiques en Argentine, en Bolivie, au Brésil, en Uruguay, ou
au Venezuela.
10 En effet, les réformes ont souvent un coût fiscal, souvent engendré comme faisant partie
des renégociations qui pourraient avoir été anticipées si un cadre de cohérence docu-
mentant les sources de coûts et les revenus des opérateurs de régulation et prenant en
compte les prévisions de la demande avait été adopté plus largement. Il est d’importance
cruciale de reconnaître que l’écart entre le taux de rendement d’une activité et les coûts
du capital sera payé par les contribuables ou les usagers. Il apparaît que les contribua-
bles ont été plus souvent sollicités qu’on ne le reconnaît. Voir Campos et al. (2003) sur
le coût fiscal réel du secteur après dix années de réformes en Amérique latine.
11 Les investisseurs en Argentine soutiendraient probablement que la pesofication de l’éco-
nomie réalisée en janvier 2002 est jusque-là la meilleure preuve de ce que signifie ce risque.
EDD_2007-04.book Page 12 Thursday, January 31, 2008 7:49 PM
12 Antonio Estache
nement des réformes institutionnelles dans ce secteur. Il se peut que les réformes
nécessitent d’être introduites lentement. Une meilleure connaissance est en
effet nécessaire sur la contre-productivité à instaurer des changements insti-
tutionnels sans pour autant prendre le temps nécessaire de mettre en place les
capacités institutionnelles en accord avec les réformes souhaitées. En Afrique
francophone par exemple, il a été difficile de mettre en place des contrats de
concessions qui sont des dérivés du système légal anglo-saxon. L’importance
de ce risque en Afrique a été moins bien étudiée que l’intensité et le moteur de
la renégociation (voir Guasch 2004 pour une revue du sujet sur l’Amérique
latine).
L’expérience souligne également l’importance des politiques. Des cas anec-
dotiques en Asie, en Europe orientale et en Amérique latine montrent que les
hommes politiques sont moins enclins à abandonner le contrôle d’un secteur
pourvoyeur de voix de vote dans les sociétés démocratiques. En outre, au sein
des sociétés largement corrompues, les hommes politiques n’abandonneront pas
le contrôle d’un secteur pourvoyeur d’importantes sommes d’argent et dans
lequel l’octroi de contrats est souvent à la source de transactions non contrôlées.
Enfin, les spécialistes partagent largement un sentiment selon lequel les
acteurs se préoccupant de la corruption doivent accorder un plus grand inté-
rêt aux régulations économiques ainsi qu’aux procédés régulateurs bien que
très peu d’évidences existent sur le lien direct entre la corruption et les régu-
© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 16/03/2024 sur www.cairn.info (IP: 41.202.219.161)
Infrastructures et développement 13
Pourcentage de la population
Pourcentage de la population
ayant accès à un réseau
potable (2002)
électrique
(2002)
© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 16/03/2024 sur www.cairn.info (IP: 41.202.219.161)
Intermédiaire-
87 672 93 86
supérieur
En développe- 58 290 77 59
ment
12 Dans les données des Enquêtes Démographiques et de Santé, les plus pauvres et les
plus riches sont définis à partir d’un indice d’actif utilisé comme approximation du
niveau de bien-être. Dans les données des Enquêtes sur la Mesure des Standards de Vie
(LSMS), les ménages sont classés par dépenses totales par tête.
EDD_2007-04.book Page 14 Thursday, January 31, 2008 7:49 PM
14 Antonio Estache
Tableau 4 : Accès aux services d’infrastructures de base pour les 20 pour cent
plus riches et les 20 pour cent plus pauvres de la population.
(Pourcentage de la population recevant des services)
Les Objectifs du Millénaire ont en partie absorbé les engagements pris afin
d’améliorer l’accès à l’eau et au téléphone 13. Les engagements pour l’électrifi-
cation ont été rajoutés comme éléments constitutifs de la déclaration de Johan-
nesburg. Un engagement similaire n’existe pas pour le secteur du transport et
très peu d’information existe sur ce qui pourrait être la situation de référence
dans le but d’évaluer la performance de ce secteur. La densité routière dans les
pays en développement les plus pauvres est d’environ le tiers de celle des pays
en développement les plus riches et d’environ le sixième de celle des pays déve-
loppés (Estache et Goicoechea 2005b). En majorité, comme établi par la section
© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 16/03/2024 sur www.cairn.info (IP: 41.202.219.161)
13 La preuve la plus récente suggère que les OMD ne seront pas atteints dans beaucoup
de pays du monde (Banque Mondiale 2005).
EDD_2007-04.book Page 15 Thursday, January 31, 2008 7:49 PM
Infrastructures et développement 15
Depuis le milieu des années 1980, plus de 180 articles publiés en anglais, en
français ou en espagnol – et au moins autant d’articles non publiés – ont ana-
lysé les effets macroéconomiques des infrastructures. Il s’agit probablement
du sujet le plus abordé dans la littérature sur les infrastructures actuellement
© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 16/03/2024 sur www.cairn.info (IP: 41.202.219.161)
16 Antonio Estache
15 Voir l’analyse de l’Espagne par de la Fuente et Vives (1995) pour un exemple parfait de
comment des études empiriques créatives se fondant sur une bonne théorie peuvent
guider les décisions d’investissement public.
16 Voir Baldwin et al. (2003) pour une vue d’ensemble, y compris un chapitre sur l’impor-
tance des infrastructures pour l’efficacité des politiques régionales.
EDD_2007-04.book Page 17 Thursday, January 31, 2008 7:49 PM
Infrastructures et développement 17
pourrait s’agir du plus grand domaine de recherches futures 17. Étant donné
que les pauvres vivent dans des zones relativement peu peuplées et dépendent
fortement de productions liées aux ressources naturelles, leurs besoins en
infrastructures sont différents de ceux des pauvres urbains 18. Les deux grou-
pes ont un accès limité aux infrastructures publiques ainsi qu’aux services mais
les contraintes physiques d’accès au travail et aux marchés de produits sont
plus élevées pour les ruraux pauvres (voir les études de cas de Fan et de ses co-
auteurs sur la Chine, la Thaïlande et l’Ouganda ; voir Van de Walle et Cratty
2004 pour de récentes études détaillées). Les enquêtes ménages récentes sem-
blent indiquer que les pauvres urbains ne peuvent généralement pas supporter
les coûts afin d’avoir accès aux services d’eau et d’électricité. L’accès des ruraux
pauvres aux réseaux d’eau et d’électricité est encore plus faible car la majorité
d’entre eux préfèrent subvenir à leurs besoins par le biais de moyens locaux
plus abordables tels que l’énergie solaire, les pompes à eaux et les télécommuni-
cations par le biais de satellites. Dans le contexte d’urbanisation, la croissance
des grandes villes est en passe de devenir une source majeure de demande
d’infrastructures additionnelles suscitant un sentiment d’urgence dans cer-
tains milieux politiques 19. Ce sentiment d’urgence est toutefois critiqué par
certains universitaires qui l’accusent de favoriser une concentration urbaine
excessive (Henderson 2002). Il y a en effet un débat houleux sur le fait que les
nouvelles infrastructures, particulièrement dans le domaine du transport inter-
régional, créent des incitations additionnelles pour la migration rurale-urbaine.
Le débat est d’autant plus houleux que les évidences avancées par chacune des
© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 16/03/2024 sur www.cairn.info (IP: 41.202.219.161)
17 Le seuil minimum de population pour définir les zones urbaines varie fortement entre
les pays, mais « l’urbain » est généralement caractérisé par la densité des habitations
dans une zone construite de façon contiguë, par la structure de l’activité économique,
et parfois par les attributs administratifs.
18 La diversification des sources de revenu est un élément clé des stratégies de réduction de
la pauvreté rurale et qui dépend des infrastructures pour être efficace (voir Ellis 1998
pour une revue).
Dans une revue de la littérature identifiant une trappe à pauvreté similaire à celle obser-
vée dans des régions avec de fortes populations rurales, comme en Afrique, Booth (2004)
dresse la liste de huit facteurs utilisés par tous les auteurs pour expliquer la pauvreté qui
est principalement rurale dans ces régions. De pauvres terres et infrastructures de trans-
port maritime en sont un, qui font que le développement des marchés est particulière-
ment difficile. Fan, Jitsuchon, et Methakunnavut (2004) ; Fan, Zhang, et Rao (2004) ; et
Fan et Chan-Kang (2004) fournissent des preuves impressionnantes sur les canaux à par-
tir desquels les infrastructures contribuent à la réduction de la pauvreté et montrent
comment ces différents canaux peuvent être entre pays et à l’intérieur des pays.
19 Il y a plus de 400 villes avec une population de plus de 1 million d’habitants – contre
seize villes il y a 100 ans.
EDD_2007-04.book Page 18 Thursday, January 31, 2008 7:49 PM
18 Antonio Estache
20 Ces institutions ont aussi généré un nombre élevé d’études non publiées et d’articles,
dont certains sont disponibles sur leurs sites web. Ils sont trop nombreux pour qu’enfin
justice leur soit rendue ici.
EDD_2007-04.book Page 19 Thursday, January 31, 2008 7:49 PM
Infrastructures et développement 19
Tout ceci implique que la pauvreté n’était pas traitée soigneusement lors
des politiques de régulation et des autres programmes mis en œuvre dans les
années 1990. Des études récentes en Europe orientale indiquent que l’aborda-
bilité devrait être un défi aussi important que l’accès 21. Dans la majeure partie
des cas, les effets négatifs sur la pauvreté sont le résultat de la mise en place de
subventions mal ciblées.
Les décideurs politiques dans le domaine des infrastructures essaient géné-
ralement d’atteindre des objectifs d’abordabilité et d’accès séparément, utili-
sant ainsi différentes mesures pour atteindre ces objectifs. Concernant l’accès,
trois mesures principales existent : (a) les mesures indiquant l’obligation de
fourniture par l’opérateur (une obligation de service universel évitant ainsi
toute exclusion unilatérale de la part du fournisseur) 22 ; (b) les mesures per-
mettant de réduire les coûts de connection (par des subventions croisées ou
des subventions directes intégrées dans la conception des tarifs ou par le biais
de crédit ou de mécanismes de paiement discriminatoires en faveur des pau-
vres) ; et (c) les mesures visant à accroître la gamme de fournisseurs (donnant
ainsi le choix aux usagers, y compris la possibilité de réduire les coûts en choi-
sissant des fournisseurs dont la qualité des services est moindre).
Pour l’abordabilité de manière générale, toutes les mesures ont un effet
par au moins l’un des mécanismes suivants : (a) par une réduction de la facture
pour les ménages pauvres (grâce à un service minimum ou des subventions à
partir d’une évaluation des ressources basée sur les caractéristiques socioéco-
© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 16/03/2024 sur www.cairn.info (IP: 41.202.219.161)
21 Voir Alam et al. (2005) et Estache et Wodon (2002) sur l’Afrique ; Estache, Foster, et
Wodon sur l’Amérique latine (2002) ; et Komives, Whittington, et Wu (2006) pour un
échantillon de pays dans des régions variées.
22 Cette question n’est pas traitée ici ; les lecteurs intéressés devraient voir Chisari, Estache,
et Waddams-Price (2003) ; Clarke et Wallsten (2002) ; Cremer et al. (2001) ; Gasmi et al.
(2002) ; et Laffont (2005).
EDD_2007-04.book Page 20 Thursday, January 31, 2008 7:49 PM
20 Antonio Estache
23 Pour une vue d’ensemble de la littérature sur les subventions qui ont une importance
pour les infrastructures, voir Foster et al. (2005).
24 Pour une révision utile du débat et une revue des preuves empiriques, voir Ravallion
(2003).
25 Voir Foster, Gomez-Lobo, et Halpern (2000a, 2000b) ; Foster et Irusta (2003) ; Foster
et Araujo (2004) ; et Gomez-Lobo et Contreras (2003) par exemple.
EDD_2007-04.book Page 21 Thursday, January 31, 2008 7:49 PM
Infrastructures et développement 21
ment mis en exergue par les spécialistes des problèmes d’accès, les pauvres
ont assez souvent besoin de subventions pour couvrir les coûts de connection,
mais aussi pour supporter les coûts liés à un niveau minimum de consomma-
tion 26. Il est donc inutile de fournir l’accès lorsque les revenus ne permettent
pas de couvrir les coûts liés à la consommation.
Les résultats montrent également que du fait de la difficulté à mobiliser
les ressources pour le financement des subventions ciblées à laquelle font face
un grand nombre de gouvernements, la solution la plus réaliste est assez sou-
vent la subvention croisée. Ces subventions aident à financer les besoins des
pauvres par le biais de mécanismes de redistribution à l’intérieur d’un sec-
teur. Pour chaque cas répertorié de subvention croisée mal ciblée, il existe un
cas répertorié de réussite de la mise en œuvre d’une subvention croisée, indi-
quant ainsi qu’il s’agit d’une option à prendre en compte. Toutefois, il est éga-
lement important de reconnaître que les mécanismes de ciblage bien planifiés
ont également été régressifs et ces régressions pourraient provenir d’un échec
au niveau du ciblage de l’accès, de la consommation ou des deux 27.
La pauvreté est également un sujet assez souvent lié au phénomène de
distribution. Les techniques d’évaluation permettent actuellement des études
systématiques des effets distributifs des réformes. Une réforme peut être en
faveur des pauvres et être régressive, mais elle peut aussi être régressive sans
bénéficier aux pauvres. Ces interrogations peuvent de nos jours être traitées
rigoureusement à partir d’analyses quantitatives. Les nouvelles techniques
© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 16/03/2024 sur www.cairn.info (IP: 41.202.219.161)
22 Antonio Estache
Infrastructures et développement 23
30 Beaucoup de ceux qui sont dans la communauté de l’eau argumenteront contre cela, au
moins pour leur secteur. Selon les statistiques de l’Organisation Mondiale de la Santé,
les régions rurales dans les pays en développement ont 5.3 fois plus de personnes qui
ne sont pas desservies en eau et 3.6 fois plus de personnes qui ne sont pas desservies en
assainissement que les zones urbaines (Site web de l’OMS). Ce manque de services
n’est pas bien corrélé avec l’orientation des programmes de prêts de beaucoup de dona-
teurs. Par exemple, dans le portefeuille de prêts de la Banque mondiale entre 1990 et
EDD_2007-04.book Page 24 Thursday, January 31, 2008 7:49 PM
24 Antonio Estache
2001, les zones urbaines ont reçu six fois plus de fonds de prêt que les zones rurales,
une différence qui ne s’explique pas par les différences de coûts unitaires. La différence
peut refléter des décisions plus stratégiques dans l’allocation des ressources. Selon le
Département de l’Évaluation de la Banque Mondiale, chaque dollar dépensé dans un
système d’eau rural fournit une couverture de population environ quatre fois plus éle-
vée que pour un investissement urbain équivalent. Cela pourrait impliquer que l’on
devrait faire davantage pour couvrir les zones rurales, au moins dans certaines régions.
Cela pourrait aussi impliquer que ces nombres reflètent un biais de sélection dans le
portefeuille de la Banque Mondiale. Améliorer la connaissance collective sur cette ques-
tion pourrait être un domaine intéressant de recherche.
31 Voir Ravallion (2002) et Cohen (2004) pour une discussion des tendances de population.
32 Cela n’est pas un nouveau débat. Lipton (1977) et Mellor (1976) étaient préoccupés par
la question opposée : le biais urbain de la communauté internationale était-il rationnel ?
33 Voir Sahn, Stifel, et Younger (2003) pour une approche plus pertinente d’évaluation de
l’importance relative des infrastructures dans les schémas de dépenses des personnes
pauvres.
34 Satterthwaite (2004) fournit une discussion intéressante sur les questions de données.
EDD_2007-04.book Page 25 Thursday, January 31, 2008 7:49 PM
Infrastructures et développement 25
Ces problèmes de données sont assez importants mais peuvent être sur-
montés. Lokshin et Yemtsow (2005) établissent des données de panel au niveau
communautaire à partir d’enquêtes ménages classiques avec un module spé-
cial qu’ils utilisent pour mesurer l’impact de projets de réhabilitation d’infras-
tructures en Georgie entre 1998 et 2001. A partir de données obtenues à faibles
coûts, leur analyse aboutit à un possible classement des gains de rendements
provenant de chaque type de projet dans un pays donné. Cette approche peut
être utile pour l’analyse d’impact de micro-projets basés sur la participation
communautaire dont bénéficient un très grand nombre de populations ou de
programmes d’investissements décentralisés de l’État.
Les chercheurs n’ont pas réussi à analyser des questions fondamentales.
En quoi les meilleures stratégies résultant de ces différentes évaluations des
besoins des pauvres ruraux et urbains sont-elles en accord avec les stratégies
qui permettent de maximiser la probabilité d’atteindre les objectifs de pau-
vreté des OMD ? La réduction de la pauvreté provenant d’un dollar supplé-
mentaire investi est-elle plus importante au niveau de la population rurale
assez dispersée ou au niveau d’une population urbaine et péri-urbaine forte-
ment concentrée ? Des arbitrages évidents existent également en fonction du
coût de la technologie (coût unitaire faible dans les zones rurales et coût
moyen faible du fait des économies d’échelle dans les zones urbaines). A moins
que les besoins ruraux et urbains soient traités séparément au niveau des dif-
férents Objectifs du Millénaire, la réduction de la pauvreté rurale ne recevra
© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 16/03/2024 sur www.cairn.info (IP: 41.202.219.161)
35 Selon Mitlin (2004), à cause de la défaillance typique à faire baisser les moyennes urbai-
nes (où l’accès paraît invariablement meilleur que dans les zones rurales, parce que les
riches vivent dans les villes), le bénéfice du doute dans la planification de l’assistance de
la plupart des pays, y compris les Documents de Stratégie de Réduction de la Pauvreté
(DSRP), est en train d’être donné aux zones rurales. Elle étaye son point de vue dans une
revue de 23 DSRP, trouvant qu’ils ne donnent pas trop de poids aux zones urbaines.
EDD_2007-04.book Page 26 Thursday, January 31, 2008 7:49 PM
26 Antonio Estache
36 Pour une bonne vue d’ensemble des questions, voir Irwin (2007).
EDD_2007-04.book Page 27 Thursday, January 31, 2008 7:49 PM
Infrastructures et développement 27
37 Les questions sont les suivantes : quels types d’entreprises publiques devraient être
pris en compte ? Devraient-ils avoir des contraintes budgétaires sévères ? Les entrepri-
ses publiques devraient-elles être hors du budget (comme au Chili) ? Quelles sortes de
projets doivent être prises en compte ? Quelles sortes de garanties devraient être prises
en compte comme dépenses et à quel moment ? Ces garanties devraient-elles être prises
en compte sur une base de cash ou sur la base de la comptabilité d’exercice ? Les dépen-
ses récurrentes et les dépenses de capital doivent-elles être systématiquement séparées
pour chaque secteur ? (à la Blanchard et Giavazzi 2003) ?
EDD_2007-04.book Page 28 Thursday, January 31, 2008 7:49 PM
28 Antonio Estache
38 Pour une discussion économique, voir Ballasone et Franco (2000) ; Blanchard et Giavazzi
(2003) ; Buiter et Grafe (2004) ; et Turrini (2004). Pour un point de vue comptable, voir
McCrae et Aiken (2000).
EDD_2007-04.book Page 29 Thursday, January 31, 2008 7:49 PM
Infrastructures et développement 29
30 Antonio Estache
39 Laffont et Tirole (1993) catalysent cette littérature. Voir aussi Armstrong et Sapington
(à paraître) ; Bos (1994, 2003) ; Hart (2003) ; Laffont (2000, 2005) ; et Newberry (2000).
EDD_2007-04.book Page 31 Thursday, January 31, 2008 7:49 PM
Infrastructures et développement 31
32 Antonio Estache
Infrastructures et développement 33
du monopole 41. Alors que ces caractéristiques n’ont pas beaucoup changé au
cours du temps pour l’électricité et la distribution d’eau et pour la majorité des
infrastructures de transport, la perception de leur impact sur la corruption a
évolué. Au début des années 1990, l’existence d’une corruption répandue
parmi les monopoles publics dans le secteur était souvent un des arguments
avancés pour justifier les privatisations. Ce constat anecdotique était conforté
par la modélisation théorique sur la corruption comme le non-bénévolat du gou-
vernement par des auteurs comme Shapiro et Willig (1990), Shleifer et Vishny
(1993), et Boycko, Shleifer, et Vishny (1996), aussi bien que beaucoup de
preuves anecdotiques 42. En supposant qu’il est facile à des politiciens corrom-
pus de contrôler les entreprises publiques plutôt que celles qui sont privées, ces
recherches ont soutenu que la privatisation pouvait réduire le contrôle que le
gouvernement a sur la rente offerte par un contrôle complet du secteur en ren-
dant les interférences politiques plus coûteuses ou plus visibles.
Après plusieurs réformes, le débat principal est maintenant passé des inte-
ractions entre opérateurs publics et usagers à celles entre opérateurs privés et
gouvernement. Cela peut se voir dans l’enquête réalisée pour Transparency
International sur la corruption et la privatisation dans les infrastructures
dans les pays en développement (Booehm et Polanco 2003 ; Transparency
International, 2005). Cela apparaît aussi dans différentes publications par des
organisations non gouvernementales (Allouche et Finger, 2002 ; Hall et
Lobina 2002), examinant des évènements légaux qui ont fait apparaître des
© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 16/03/2024 sur www.cairn.info (IP: 41.202.219.161)
34 Antonio Estache
43 Il y a aussi des bases de données spécifiques-pays traitant des services publics, mais cel-
les-là sont plutôt l’exception que la règle (voir Reinikka et Svensson 2002 ; Svensson
2003 ; et beaucoup de rapports-pays de Transparency International disponibles sur son
site Internet).
EDD_2007-04.book Page 35 Thursday, January 31, 2008 7:49 PM
Infrastructures et développement 35
36 Antonio Estache
échantillon, alors que sous la contrainte budgétaire qui domine l’autre échan-
tillon, elle réduit le nombre de projets et (parce que les projets sont irrégu-
liers) diminue la dépense dans le secteur.
Estache, Goicoechea, et Trujillo (2006) présentent un test économétrique
de l’impact des réformes d’infrastructures des années 1990 et de la corrup-
tion, aussi bien que leurs interactions sur l’accès, l’abordabilité, et la qualité
des services d’infrastructures dans les pays en développement. Ils trouvent
que la corruption réduit le taux d’accès et la qualité dans l’électricité et l’abor-
dabilité des télécommunications pour les usagers domestiques, n’a pas d’effet
statistique significatif sur les taux d’accès à l’eau ou sur l’abordabilité de l’eau
et de l’électricité, et accroît les taux d’accès et la qualité dans les télécommu-
nications. L’explication de ces résultats peut être la suivante. Dans beaucoup
de pays, le secteur des télécommunications était le premier à être privatisé.
Cela ne s’est pas produit facilement, et beaucoup de participants à cette tran-
saction initiale rapportent que l’ouverture du marché a requis des paiements
connexes. Cela ne fait pas de ceux-ci des droits. Le résultat, cependant, était
un accroissement de l’accès et de la qualité. Ces accès améliorés ont eu un coût :
tarifs plus élevés pour les utilisateurs, dans un secteur où la technologie tend
à pousser les coûts plus bas. Pour l’électricité, la corruption n’a pas affecté les
coûts, mais elle a réduit la qualité et les taux d’accès. En somme, quand la cor-
ruption concerne l’argent – plutôt que le pouvoir ou d’autres facteurs non
monétaires – elle engendrera finalement des flux de trésorerie plus élevés
© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 16/03/2024 sur www.cairn.info (IP: 41.202.219.161)
Infrastructures et développement 37
38 Antonio Estache
Infrastructures et développement 39
40 Antonio Estache
45 Une exception notable est Shleifer et Vishny (1993), qui soutiennent que plus de niveaux
verticaux de gouvernance tendent à affaiblir la gouvernance.
EDD_2007-04.book Page 41 Thursday, January 31, 2008 7:49 PM
Infrastructures et développement 41
(2006b) conduisirent une revue des rares preuves 46. Le premier résultat empi-
rique important date de 1995, quand Estache et Sinha montrèrent que pour
un échantillon de 10 pays industrialisés et de 10 pays en développement cou-
vrant la période 1970-1992, la décentralisation tend à augmenter la dépense
totale et la dépense infra-nationale en infrastructures beaucoup plus dans les
pays en développement que dans les pays développés. Cela pourrait impliquer
soit un changement de préférence avec la décentralisation soit un accroisse-
ment de coût avec la décentralisation. Les modèles testés ne permettent pas
de distinguer parmi les deux explications.
Il y a ensuite un vide dans la recherche jusqu’en 2002, quand Fisman et
Gatti atteignent des résultats similaires mais plus spécifiques, utilisant une
spécification de modèle beaucoup plus sophistiquée appliquée à une série de
données de 59 pays. Ils trouvent une corrélation négative entre corruption et
décentralisation pour 1980-95.
Les résultats de Faguet (2004) suggèrent que la décentralisation est plus un
mécanisme de révélation de demande qu’un stimulant à la corruption. Il mon-
tre qu’en Bolivie, la décentralisation a conduit à un reclassement des program-
mes d’investissement en faveur de l’agriculture, de l’éducation, de l’eau et de
l’assainissement. Ceux-ci sont des résultats préliminaires, mais ils attendent
confirmation. Davantage d’études spécifiques-pays comme celle de Faguet ou
des études transversales qui réalisent un diagnostic plus complet sont nécessai-
© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 16/03/2024 sur www.cairn.info (IP: 41.202.219.161)
46 Une grande partie de la littérature d’administration publique mène des études docu-
mentées sur les impacts de diverses formes de décentralisation de services publics dans
les pays en développement. Des analyses des services de santé et d’éducation décentrali-
sés sont présentées dans le Rapport sur le Développement dans le Monde 2003 (Banque
mondiale 2002).
EDD_2007-04.book Page 42 Thursday, January 31, 2008 7:49 PM
42 Antonio Estache
Infrastructures et développement 43
6 COMMENTAIRES DE CONCLUSION
44 Antonio Estache
47 Un livre à paraître, dirigé par Dimitri, Piga, et Spagnolo, est peut être le premier depuis
Laffont-Tirole (1993) à traiter la question des équipements de façon systématique. Ce
livre a aussi le bénéfice de beaucoup d’illustrations importantes pour les praticiens.
EDD_2007-04.book Page 45 Thursday, January 31, 2008 7:49 PM
Infrastructures et développement 45
RÉFÉRENCES
46 Antonio Estache
Infrastructures et développement 47
48 Antonio Estache
Infrastructures et développement 49
50 Antonio Estache
Infrastructures et développement 51
52 Antonio Estache
Infrastructures et développement 53