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Lilas Demmou(**)
Ivan Ledezma(***)
L’impact de la concurrence sur l’innovation et la productivité est devenu une question centrale
de la littérature sur la croissance à long terme. L’opinion communément admise en matière de
politiques structurelles est qu’une concurrence plus intense sur les marchés des biens et
services favorise l’innovation et, par voie de conséquence, la croissance et l’emploi. Une
certaine littérature considère aussi que le moyen d’arriver à une plus forte concurrence entre
les firmes est de diminuer l’intensité de la réglementation portant sur les marchés de biens et
services. C’est pourquoi le débat sur le lien entre concurrence et innovation se confond la
plupart du temps avec celui portant sur l’impact de la (dé)réglementation sur l’activité
innovante.
Un aspect particulier du lien entre concurrence et innovation se rapporte à la distance à la
frontière technologique. L’argument est le suivant : les effets bénéfiques de la concurrence sur
l’innovation sont supposés augmenter lorsque les firmes, les branches d’activité ou les
économies opèrent avec les meilleures pratiques technologiques. L’innovation dans un tel
contexte serait un moyen d’échapper à la concurrence. La majeure partie de la littérature
traitant le débat de politique économique qui en découle conclut ainsi que les coûts
économiques de la réglementation des marchés de biens et services augmenteraient lorsqu’on
se rapproche de la frontière technologique.
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La recherche sur laquelle se fonde cet article a bénéficié du soutien des projets ESEMK (programme cadre n°6) et ICATSEM
(programme cadre n°7) financés par la Commission européenne.
Cet article n’engage que leurs auteurs et non les institutions auxquelles ils appartiennent. Il n’engage a fortiori ni la Direction générale
du Trésor, ni le ministère de l’Économie et des Finances, ni le ministère du Commerce Extérieur.
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au niveau sectoriel par pays. Elles proviennent de deux sources différentes : l’Office européen
de brevets et l’Office américain de brevets. Afin d’obtenir des résultats comparables à la
littérature, nous avons recours à des indicateurs de réglementation fournis par l’OCDE
fréquemment utilisés dans les travaux liant réglementation des marchés de biens et services et
productivité. Le modèle testé est un modèle dynamique d’innovation qui comprend dans sa
version la plus simple une variable de réglementation, une variable de proximité à la frontière
technologique et un terme d’interaction entre ces deux termes. Il ressort des estimations que
l’impact de la réglementation est de plus en plus positif (ou de moins en moins négatif) lorsque
les secteurs d’activité se rapprochent de la frontière technologique. En outre, dans la plupart
des estimations, l’impact de la réglementation sur l’innovation est significativement positif pour
une fraction importante des secteurs industriels. Ces résultats restent valables après une série
de tests de robustesse dont, notamment, l’utilisation d’une équation réduite tenant compte
directement comme variable dépendante de la productivité.
Alors que, selon le “sens commun”, la réglementation des marchés de biens et services serait
nuisible à l’innovation et, donc, à la croissance d’autant plus que l’on se rapprocherait des
technologies de production les plus performantes, l’analyse empirique menée dans cet article
n’apporte pas de fondements à cet argument. Au contraire, les résultats présentés dans l’article
montrent dans la plupart des cas l’existence d’un effet marginal positif de la réglementation sur
l’innovation pour un grand nombre de secteurs. Ces résultats n’apportent aucun soutien
empirique à la croyance selon laquelle la concurrence et la dérèglementation des marchés
seraient le moteur de l’innovation dans les économies développées. Une partie introductive à la
littérature existante montre que ces résultats sont moins surprenants qu’ils ne le paraissent,
aussi bien d’un point de vue théorique qu’empirique.
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L’impact de la concurrence sur l’innovation et la Un autre aspect particulier du lien entre concurrence
productivité, un thème classique de l’économie et innovation se déduit de ce modèle et se rapporte à
industrielle (Baldwin et Scott, 1987), est devenu une la distance à la frontière technologique. Pour
question centrale de la littérature sur la croissance à résumer l’argument simplement, on peut dire que les
long terme (Aghion et Griffith, 2005). L’opinion effets bénéfiques de la concurrence sur l’innovation
communément admise en matière de politiques sont supposés augmenter avec la proximité des
structurelles (European Commission, 2005 ; OECD, firmes, des branches d’activité ou des économies
2006) est qu’une concurrence plus intense sur les avec les meilleures pratiques technologiques : les
marchés des biens et services favorise l’innovation coûts économiques de la réglementation des marchés
et, par voie de conséquence, la croissance et de biens et services augmenteraient lorsqu’on se
l’emploi. Cette littérature considère aussi que le rapproche de la frontière (Aghion, 2006).
moyen d’arriver à une plus forte concurrence entre
les firmes est de diminuer l’intensité de la Cette conclusion est contestée dans Amable,
réglementation portant sur les marchés de biens et Demmou et Ledezma (2010), qui montrent qu’en
services. C’est pourquoi le débat sur le lien entre relâchant certaines hypothèses restrictives du
concurrence et innovation se confond la plupart du modèle d’Aghion et alii (2005), il est possible
temps avec celui portant sur l’impact de la d’obtenir une relation négative entre concurrence et
(dé)réglementation sur l’activité innovante. innovation, qui devient d’autant plus forte avec la
proximité à la frontière technologique. Les tests
Cependant, si les recommandations de politiques effectués par Amable, Demmou et Ledezma (2010)
structurelles dominant les débats publics sont sans sur données sectorielles indiquent que la
ambiguïté les résultats de la littérature, tant réglementation aurait un impact de plus en plus net
théorique qu’empirique, ne le sont pas autant. Pour sur le dépôt de brevets à mesure qu’on se rapproche
Schumpeter (1934), les rentes de monopole sont la de la frontière technologique. Ces résultats sont
rémunération de l’innovateur ; la possibilité de se les confirmés dans Amable, Ledezma et Robin (2013)
approprier est une incitation indispensable à dans le cadre d’un modèle d’innovation du type de
l’innovation. Une concurrence plus intense celui développé dans Crépon et alii (1998).
diminuera ces rentes et, par là-même, l’incitation à
innover. Cet effet schumpétérien est présent dans la Le présent article réexamine la pertinence de
plupart des modèles de croissance endogène fondée l’argument selon lequel la réglementation serait un
sur l’innovation, en particulier celui d’Aghion et facteur d’autant plus inhibant de l’activité
Howitt (1992), dans lequel l’activité d’innovation innovatrice que les économies ou les branches
diminue avec l’indice de Lerner(1). d’activité sont proches de la frontière technologique.
Les tests portent sur des données sectorielles pour
Toutefois, la concurrence peut aussi stimuler des pays de l’OCDE sur la période 1979-2003 et sur
l’innovation. Les firmes présentes sur un marché p l u s i e u r s t y p e s d e va r i a b l e s r e p r é s e n t a n t
peuvent être amenées à intensifier leurs efforts l’innovation (brevets européens et brevets
d’innovation afin de préserver leur situation et se américains) ou la productivité, plusieurs variables de
protéger contre l’entrée de nouveaux concurrents. réglementation des marchés de produits étant prises
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de liens entre la concurrence, la réglementation et française prenant en compte la décision des firmes
l’activité d’innovation. Elle rappelle aussi les d’engager des dépenses de recherche et
résultats des principales recherches empiriques sur développement (R&D), l’intensité de R&D, les
le sujet. La partie suivante présente la méthodologie effets de celle-ci sur le dépôt de brevets et l’impact
utilisée dans l’article : les données et la méthode des brevets sur la productivité, ont confirmé
d ’ e s t i m a t i o n d e s e ff e t s d i ff é r e n c i é s d e l a l’existence d’un effet taille dans la décision de faire
concurrence selon la distance à la frontière. La de la R&D mais pas dans l’intensité de R&D. En
dernière partie expose les résultats, en commençant revanche, la part de marché et la diversification d’une
par le modèle le plus simple, qui est ensuite firme affectent positivement à la fois la décision de
progressivement étendu : contrôle du biais faire de la R&D et son intensité. La concurrence peut
d’endogénéité et du biais de panel dynamique en aussi avoir des effets négatifs, comme ceux trouvés
considérant un modèle avec variable retardée et par Crépon et Duguet (1997) : la R&D des
l’estimateur de Bruno (2005), tests de robustesse des concurrents peut avoir un effet négatif sur la R&D
variables de performance et de politique utilisées, des firmes, ce qui indique la présence d’une
test de la validité de la variable de réglementation en ex t e r n a l i t é n ég a t ive s ’ a p p a r e n t a n t à u n e
prenant en compte un possible effet dû à la protection désincitation à innover.
de la propriété intellectuelle, test de la variable de
performance innovatrice en considérant une variable En revanche, Nickell (1996) trouve que, pour un
de productivité du travail et contrôle du biais lié à la panel de 670 firmes britanniques, la concurrence,
possible omission de régresseurs significatifs par mesurée par un faible niveau des profits et un nombre
une extension du modèle. Celle-ci consiste à élevé de concurrents, est corrélée avec une
introduire de façon successive des variables croissance rapide de la productivité totale des
d’externalités liées à l’innovation, de concurrence facteurs. Cela peut provenir d’un effet direct de la
extérieure et de propriété intellectuelle. Une brève concurrence sur la productivité, par une réduction
conclusion suit. des dépenses inutiles par exemple, ou d’un effet
indirect transitant par l’innovation. Blundell et alii
(1999) utilisent un panel de 340 firmes britanniques
entre 1972 et 1982 pour montrer que la relation entre
la concurrence et l’innovation est relativement
Concurrence, réglementation et contrastée. Les branches où la concentration est
innovation : une question ouverte élevée et le taux de pénétration des importations
faible ont peu d’innovations. Ce résultat tend à
soutenir l’existence d’une relation positive entre la
On peut distinguer trois types de travaux dans la
concurrence et l’innovation. Toutefois, au sein des
littérature empirique liant l’environnement
branches, les firmes avec une forte part de marché ont
concurrentiel à l’innovation : (i) les travaux étudiant
tendance à commercialiser plus d’innovations que
directement l’effet de la concurrence ou la
les autres relativement à leur taille. L’article montre
réglementation sur l’innovation (ou une autre
aussi que les firmes les plus grandes produisent des
variable de performance comme, par exemple, la
innovations de plus grande valeur que les petites
productivité) ; (ii) ceux consacrés à la validité d’une
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variables proxies de la concurrence qui sont le cas de la France. Néanmoins, ils montrent que la
disponibles pour les études portant sur des données partie monotone croissante de la courbe en U inversé
de firmes : taille des firmes, pouvoir de marché ou serait tirée par les secteurs industriels et la partie
niveau de profitabilité. Des données portant sur la décroissante par les secteurs des services. Cela
réglementation de la concurrence sont disponibles pourrait s’expliquer par l’existence de marges en
au niveau sectoriel ou macroéconomique. Griffith et moyenne plus élevées dans les secteurs des services
alii (2006) ont mesuré l’innovation par les dépenses mais aussi par des coûts d’investissement en R&D
de R&D du secteur des entreprises pour douze plus élevés dans l’industrie, qui nécessiteraient
branches dans neuf pays de 1987 à 2000 et ont l’existence de marges plus importantes. Askenazy et
cherché à mettre en évidence un effet du marché alii (2007) vérifient que l’accroissement de la
unique européen. À l’aide d’une variable indicatrice concurrence a un impact d’autant plus modéré sur
pour les années postérieures à la mise en œuvre du l’innovation que le coût de l’innovation pour
marché unique, ils trouvent un impact positif de ce l’entreprise (mesuré par le rapport brevets sur
dernier sur l’activité d’innovation pour les branches dépenses de R&D) est élevé. Dans ces secteurs, qui
et les pays concernés. Ils interprètent leurs résultats constituent 85% de leur échantillon, la fameuse
comme un soutien aux réformes pro-compétitives courbe en U s’aplatit.
préconisées dans le cadre de la stratégie de Lisbonne.
Nicoletti et Scarpetta (2003) analysent, sur la Les travaux consacrés aux effets de la concurrence
période 1984-1998 pour un panel de 18 pays de sur l’innovation selon la distance à la frontière
l’OCDE et 23 secteurs, la relation entre croissance de technologique présentent également des résultats
la productivité globale des facteurs (PGF) et ambigus. Pour Aghion et alii (2009), un
réglementation sur les marchés des produits. Ils accroissement de la concurrence, sous la forme
testent un modèle de croissance de la PGF en utilisant d’une probabilité plus grande d’entrée de
les indicateurs de réglementation des marchés des concurrents pour les firmes en place, augmente les
biens et services, seuls et en interaction avec une incitations à innover dans les branches proches de la
variable d’écart technologique. D’après les résultats frontière technologique alors qu’il les décourage
de leurs estimations, le signe du terme d’interaction dans les secteurs plus éloignés de cette frontière, en
est positif et significatif, ce qu’ils interprètent raison de la prédominance de l’effet schumpétérien.
comme un effet de ralentissement du rattrapage Testant un modèle de croissance de la productivité
technologique associé à la réglementation. Conway totale des facteurs et un modèle d’innovation (en
et alii (2006) réalisent une étude similaire sur un prenant en compte une variable de brevets) avec les
panel de pays de l’OCDE plus étendu. Ils trouvent variables d’entrée de concurrence étrangère et de
des résultats équivalents, à savoir une courbe distance technologique, considérées seules et en
croissante liant concurrence et distance à la frontière. interaction, ainsi qu’avec d’autres variables de
Arnold et alii (2008) testent les effets de la concurrence sur des données de firmes britanniques,
r ég l e m e n t a t i o n s u r l a P G F a u n ive a u Aghion et alii (2009) trouvent que, lorsque
microéconomique sur un panel de pays de l’OCDE l’économie se rapproche de la frontière
sur la période 1998-2004. Selon leurs résultats, la technologique, la compétitivité d’économies à haut
réglementation aurait un impact négatif sur la niveau de productivité dépend de la capacité à
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peuvent pas influencer par leurs recherches la manquantes des travaux existants au niveau
probabilité d’être rattrapés(4). Des développements industriel, qui analysent surtout le lien entre
théoriques récents de la littérature portant sur la concurrence et productivité. L’une des rares
concurrence et l’innovation vont dans le même sens : exceptions est Amable, Demmou et Ledezma
Etro (2007, 2008) montre que, pour une large gamme (2010), qui analysent les performances d’innovation
de modèles, les firmes leaders ont tendance à se au niveau des industries manufacturières des pays de
comporter agressivement face à la menace de la l’OCDE sur la période 1979-2003 en ayant recours à
concurrence. L’investissement en innovation du une mesure d’innovation donnée par l’intensité de
leader tend à être plus élevé que celui du suiveur. dépôt de brevets à l’office européen des brevets
European Patent Office – Epo). Ces auteurs ne
S’agissant des travaux empiriques qui s’intéressent trouvent pas de support empirique à la vision pro-
explicitement à l’effet différencié de la concurrence libéralisation. Bien au contraire, l’effet de la
selon la position du pays à la frontière technologique, réglementation sur l’innovation apparaît d’autant
on peut considérer les résultats des travaux de Havik plus positif que le pays est proche de la frontière
et alii (2008), qui analysent l’impact de la technologique. Nous étendons ici cette analyse en
réglementation sur la PGF sur la période 1980-2004 recourant à un autre indicateur d’intensité des
pour un panel de 10 pays (9 pays européens plus les b r eve t s a i n s i q u ’ à d ’ a u t r e s s p é c i fi c a t i o n s
É t a t s - U n i s ) e t 2 8 s e c t e u r s . L’ e ff e t d e l a économétriques permettant d’offrir des tests de
réglementation, mesurée par l’indicateur Regimp robustesse additionnels. Nous considérons
(cf. méthodologie), n’apparaît pas significatif quand notamment, au-delà des performances d’innovation
l’ensemble des secteurs de l’économie est considéré mesurées par les brevets déposés auprès de l’Office
dans la régression. En revanche, lorsque seul le européen, un indicateur d’intensité des brevets
secteur manufacturier est pris en compte, la déposés à l’Office américain, un indicateur mixte
réglementation sur le marché des produits a un construit sur la base des meilleures performances de
impact positif sur la productivité et cet impact est chaque pays dans les deux offices ainsi que des
d’autant plus important qu’on se rapproche de la relations directes liant la réglementation à la
frontière. Le résultat est inversé dans le cas des productivité du travail.
secteurs des services : la réglementation a un impact
négatif et ce d’autant plus que l’on est proche de la
frontière. Bourlès et alii (2010) analysent également
l’impact de la réglementation dans les secteurs des
services fournisseurs de biens intermédiaires aux Méthodologie
secteurs manufacturiers, sur la croissance de la
productivité de ces derniers. D’après les résultats de Les données
leur étude empirique, qui porte sur 15 pays de
l’OCDE et 20 secteurs sur la période 1985-2007, la Notre échantillon est composé de 15 industries
réglementation anticoncurrentielle dans les secteurs manufacturières appartenant à 17 pays de l’OCDE.
en amont réduit la croissance de la productivité des L’information disponible couvre la période allant de
secteurs manufacturiers. Cet effet est d’autant plus 1979 à 2003 pour un niveau de détail à deux chiffres
de la nomenclature International Standard
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une moyenne mobile de trois années a été considérée Réglementation du marché des produits
afin de réduire les sauts dans les séries.
L’un des avantages de mener une étude empirique au
Les données permettant de calculer la productivité niveau industriel est précisément le fait de pouvoir
du travail proviennent de la base 60-industry data comparer des performances économiques liées à des
base du Groningen Growth and Development Centre cadres réglementaires différents. Cela permet
(GGDC). Cette base est une extension des bases de d’utiliser des indicateurs qui sont proches des
données industrielles STructural ANalysis (Stan) politiques de concurrence tout en bénéficiant d’une
fournies par l’OCDE. En recourant à diverses certaine exogénéité vis-à-vis des indicateurs de
sources, le centre GGDC complète les informations concurrence ou de concentration de marchés.
manquantes sur Stan tout en vérifiant leur cohérence L’ O C D E p r o p o s e d ive r s i n d i c a t e u r s d e
vis-à-vis des sources officielles. La base 60-industry réglementation. Ils sont construits à partir des
fournit en outre des mesures plus détaillées e n q u ê t e s v i s a n t à i d e n t i fi e r d e s p r a t i q u e s
concernant l’utilisation du travail (heures contraignant l’activité et l’entrée des firmes. Les
travaillées) ainsi que des déflateurs. Ces derniers résultats de ces enquêtes sont tabulés et agrégés à
sont importants dans la mesure où ils rendent plus différents niveaux permettant de mesurer le degré de
comparables les séries de productivité au niveau réglementation sur certains domaines, comme par
international. Nous avons procédé en deux étapes. exemple l’entrée de firmes, l’intégration verticale, le
D’abord les séries nominales ont été déflatées dans degré d’intervention de l’État ou le contrôle des prix,
leur monnaie nationale pour l’année 1997. Ensuite, à entre autres.
l’aide des indices de parité de pouvoir d’achat au
niveau industriel tirés de Timmer et alii (2007), les Nous porterons notre attention sur deux indicateurs
s é r i e s e n vo l u m e o n t é t é d é f l a t é e s particulièrement utiles en raison de leur variabilité
transversalement (5) . Puisque ces mesures sont temporelle. Le premier porte sur la réglementation
fournies au niveau industriel, elles sont libres des dans les secteurs de réseaux liés à l’énergie, le
biais usuels liés à l’utilisation des indices des prix à la transport et les communications. Il s’agit de
consommation. l’indicateur Regref (pour Regulatory Reform). Le
second concerne la répercussion au niveau de
L’innovation l’industrie manufacturière des pratiques de
réglementation des services qui servent d’input à son
L’innovation est mesurée en tant qu’intensité de activité, notamment les secteurs de réseaux, de
production de brevets. Les statistiques sur le nombre distribution, finances et services d’entreprises. Il
de brevets sont en général disponibles au niveau de s’agit de l’indicateur Regimp (pour Regulation
pays ou des aires technologiques de la classification Impact). Les détails de la méthodologie de
internationale des brevets (CIB). Il est possible de construction de ces indicateurs peuvent être
faire un lien entre ces domaines technologiques et la consultés dans Conway et Nicoletti (2006). L’OCDE
classification industrielle Isic au moyen de la matrice construit d’autres indicateurs captant de façon plus
de conversion proposée par Schmoch et alii (2003). directe les pratiques de réglementation sur le marché
Cette matrice est construite à partir des analyses de produits. On peut citer par exemple l’indicateur
d’expertise et des associations directes obtenues sur global de réglementation (economy-wide) du marché
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l’indicateur global de réglementation du marché des moyenne pondérée de cinq composantes reflétant les
produits reste en outre très élevée (respectivement scores obtenus sur : l’étendue de la protection
78 % et 64 %, pour notre échantillon). intellectuelle dans le pays (déterminée par le droit de
breveter dans sept domaines) ; la participation du
Autres variables explicatives pays à des traités internationaux de protection
intellectuelle ; les mécanismes de mise en
Externalités technologiques application des lois de protection de la propriété
L’importance des externalités technologiques dans intellectuelle ; la durée de la protection accordée et
la production de connaissances est souvent mise en les dispositions existantes dans le pays concernant
relief dans la littérature de croissance endogène. De les possibilités de pertes de la propriété intellectuelle
même, pour des raisons de complémentarité (PI) (liées par exemple à l’existence d’obligation de
s t r a t ég i q u e , l ’ i n n ova t i o n d e s c o n c u r r e n t s production ou de partage de l’exploitation des
i n t e r n a t i o n a u x p e u t a u g m e n t e r l e s e ff o r t s innovations).
d’innovation dans chaque industrie. Pour contrôler
ces sources de variation de l’innovation, nous Le modèle économétrique
utilisons un indicateur d’externalités d’innovation.
En notant y it l’intensité en innovation de chaque
Pour chaque industrie et pour chaque année, nous
individu i de notre échantillon (i.e. chaque couple
capturons ces externalités à partir de l’intensité en
industrie-pays) à la période t, le modèle à tester peut
innovation provenant du reste des pays dans le
être résumé sous la forme suivante :
secteur. Cela permet d’obtenir une mesure
compatible avec la structure de panel de notre (1) y it = α 1 y it −1 + α 2 rit + α 3 rit f it + α 4 f it + z it β + ε it
échantillon.
Propension relative à l’importation où rit représente le niveau de réglementation, f it la
proximité vis-à-vis de la frontière technologique
Bien que les enquêtes sur lesquelles se fondent nos mondiale et z it un vecteur ligne contenant d’autres
indicateurs incorporent des questions qui tiennent variables explicatives de l’innovation, toutes les
compte de la menace concurrentielle de l’entrée, il variables étant exprimées en logarithme népérien.
est utile de contrôler directement les effets de la β est le vecteur colonne des coefficients associés à z it .
concurrence étrangère. Celle-ci peut agir dans Notre attention se focalise sur les coefficients
certains cas comme un substitut à une politique de (élasticités) α 2 et α 3 qui informent sur l’effet de la
déréglementation au niveau national du moment où, réglementation sur l’innovation, conditionnellement
par une logique de marchés contestables, les à la proximité à la frontière technologique. Plus
stratégies des monopoles locaux sont soumises à la précisément, la variable d’intérêt à estimer est l’effet
menace des concurrents étrangers. Nous utilisons marginal de la réglementation sur l’innovation. Si
donc l’indicateur de propension relative à l’on dénote x it le vecteur contenant tous les
l’importation afin de tenir compte de cette voie régresseurs, cet effet marginal s’écrit :
d’explication de l’innovation. Cet indicateur est
fourni directement par la base Stan de l’OCDE et ∂E ( y it | x it )
prend en compte la part des importations de (2) = α 2 + α 3 f it
∂rit
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secteur dans un pays particulier, nous considérons de réduire les biais de pannel dynamique dans les
plus la présence d’une hétérogénéité individuelle estimations intra-groupe. Dans la partie qui traite des
non observée dans le terme d’erreur. L’estimateur tests de robustesse nous appliquerons la correction
choisi pour tenir compte de cette hétérogénéité de biais de panel dynamique proposée par Bruno
individuelle est l’estimateur intra-groupe. Nous (2005) pour des modèles à effets individuels et
intégrons en outre un effet fixe temporel. Au total, ε it données de panel non cylindrées.
s’écrit :
ε it = μ i + ηt + v it
9
Tableau 1 : modèle simple
Regref Regimp
Epo USPTO Max Epo USPTO Max
(1) (2) (3) (4) (5) (6)
Intensité en innovation ( t -1) 0,590*** 0,260*** 0,676*** 0,603*** 0,262*** 0,679***
(0,021) (0,028) (0,023) (0,021) (0,028) (0,023)
Proximité à la frontière technologique -0,176*** -0,001 -0,098** 0,311** 0,216 0,100
(0,039) (0,055) (0,042) (0,152) (0,178) (0,131)
Réglementation -0,264* -0,138 -0,253* -0,509* -0,170 -0,296
(0,136) (0,178) (0,131) (0,283) (0,338) (0,248)
Réglementation × Proximité à la frontière technologique 0,122*** 0,064 0,074** 0,155** 0,061 0,049
(0,034) (0,044) (0,032) (0,068) (0,080) (0,060)
Nombre d’observations 5775 5088 5780 5775 5088 5780
R2 0,847 0,533 0,817 0,846 0,532 0,817
Effet marginal de la réglementation sur l’innovation selon la proximité à la frontière technologique
Minimum -0,099 -0,051 -0,153* -0,299 -0,088 -0,230
(0,092) (0,123) (0,090) (0,194) (0,236) (0,171)
Moyenne - 1 écart type 0,152*** 0,083 -0,001 0,019 0,039 -0,131*
(0,038) (0,054) (0,040) (0,076) (0,101) (0,075)
Moyenne 0,216*** 0,116** 0,039 0,101 0,071 -0,105
(0,034) (0,050) (0,036) (0,062) (0,086) (0,067)
Moyenne + 1 écart type 0,281*** 0,150*** 0,078* 0,183*** 0,103 -0,079
(0,039) (0,055) (0,040) (0,068) (0,089) (0,072)
Maximum 0,298*** 0,158*** 0,089** 0,205*** 0,111 -0,072
(0,042) (0,058) (0,042) (0,072) (0,093) (0,076)
Lecture : *, **, *** indiquent, respectivement 10%, 5% et 1% de significativité. Tous les modèles comportent une constante, des effets fixes année et
des effets fixes individuels (pays-secteur). Les variables continues sont considérées en logarithme népérien. Les paramètres sont estimés à partir de
l’estimateur intra-groupe sur 249 groupes. Erreurs types Hubert-White reportées entre parenthèses. En colonnes Max sont reportés les résultats des
régressions où la variable endogène est calculée en intégrant les meilleures performances des pays entre les deux systèmes Epo et USPTO. Partie
basse du tableau 1 : la ligne « Minimum » (respectivement « Maximum ») indique l’effet marginal de la réglementation sur l’innovation estimé sur le
couple pays-industrie le plus éloigné de la frontière technologique mondiale (respectivement sur celui situé à la frontière technologique mondiale),
selon les indicateurs de règlementation retenus. Les trois lignes intermédiaires précisent les valeurs estimées de cet effet sur les sous-groupes
pays-industrie dont la proximité à la frontière technologique se situe à la moyenne ou à la moyenne plus ou moins un écart type.
Sources : Offices des brevets européen (Epo) et américain (USPTO), calculs des auteurs.
réglementation dans les secteurs de réseaux (Regref) réglementation, telle que mesurée par l’indicateur
et la répercussion au niveau de l’industrie Regref. L’ampleur de cet effet apparaît en outre
manufacturière de la réglementation des secteurs de d’autant plus importante que l’on se rapproche de la
réseaux, de distribution, de finances et de services frontière : cela se traduit formellement par un signe
d’entreprises (Regimp). Bien que Regref ne possède positif du terme d’interaction et principalement par
qu’une variabilité temporelle au niveau national, le le fait que les coefficients marginaux reportés en bas
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Graphiques 1 : effets marginaux (modèle simple)
Regref - USPTO Regref - Epo
Effet marginal Histogramme proximité à la frontière
Effet Marginal Histogramme proximité à la frontière
0,4 0,10 0,4 0,10
0,08 0,08
0,2 0,2
0,06 0,06
0,0 0,0
0,04 0,04
-0,2 -0,2
0,02 0,02
-0,4 0,02
-0,4 0,02
-0,6
-0,6 0,00 0,00
Lecture : les courbes centrales (points) indiquent l’effet marginal de l’indicateur de niveau de réglementation sur l’indicateur d’intensité en
innovation, les marges d’erreur à ± 5% sur l’ampleur de cet effet étant représentées par les courbes extrêmes (losanges).
Sources : Offices des brevets européens (Epo) et américain (USPTO), calculs des auteurs.
Les trois dernières colonnes du tableau 1 présentent notre échantillon est composé principalement de
les résultats obtenus lorsqu’un autre indicateur de pays européens, les résultats obtenus sur la base de
réglementation est considéré (Regimp). Le signe l’indicateur d’innovation construit à partir des
positif du coefficient d’interaction apparaît cohérent demandes de brevets déposées auprès de l’Office
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Tableau 2 : modèle avec variables retardées et correction du biais de panel dynamique
12
Regimp et l’innovation avec USPTO (contrairement d a n s u n p a y s e s t c o r r é l é à s o n n ive a u d e
au modèle simple, colonne (5) du tableau 1). La prise réglementation sur le marché des produits, il est
en compte, même partielle(7) du biais d’endogénéité, possible que l’omission d’une variable de protection
tend donc à renforcer le résultat selon lequel la de la propriété intellectuelle puisse biaiser le
réglementation affecte positivement l’innovation et coefficient estimé pour la réglementation. Une
ce d’autant plus que l’on se rapproche de la frontière. première façon de contrôler ce biais de variable
omise est d’introduire une variable de tendance au
Une autre source de biais est susceptible de provenir niveau national qui capte l’ensemble des variations
de la prise en compte d’un terme autorégressif dans institutionnelles (et macro-économiques) sur la
un modèle à effets fixes. Une autre série de tests de période. Cela est possible en ajoutant des effets fixes
robustesse est donc réalisée en recourant à et temporels, une variable d’interaction entre les
l’estimateur proposé par Bruno (2005), qui permet effets fixes pays et les effets fixes temporels, qui
de réduire le biais du terme autorégressif (cf. captent respectivement les évolutions inobservées
méthodologie). Les différentes spécifications des spécifiques au pays. Une seconde façon de contrôler
modèles simples du tableau 1 sont réestimées (quatre est d’utiliser l’indicateur de protection de la
dernières colonnes du tableau 2). La valeur du propriété intellectuelle (PPI) proposé par Ginarte et
coefficient autorégressif est supérieure dans ces Park (1997) et Park (2008). Cet indicateur a le mérite
régressions, ce qui est un signe de la correction du de capter directement l’effet qui nous intéresse, mais
biais. Les résultats obtenus s’agissant de l’effet de la il a le désavantage de ne disposer que d’une
réglementation selon la distance à la frontière sont variabilité temporelle réduite (données disponibles à
cohérents avec les précédents : la réglementation a en cinq ans d’intervalles) et d’une dimension nationale
général un impact d’autant plus bénéfique que (il n’est pas renseigné par secteur).
l’individu (secteur-pays) est proche de la frontière.
Une seconde critique qui pourrait être faite à notre
Cette seconde série de tests de robustesse tend de modèle de base renvoie au fait que le nombre de
nouveau à mettre en avant le résultat selon lequel la dépôts de brevets constitue une mesure imparfaite de
r ég l e m e n t a t i o n a u r a i t u n e ff e t p o s i t i f s u r l’innovation. L’idée est ici que la mesure du dépôt de
l’innovation, d’autant plus important que le pays est brevets par les entreprises ne permettrait pas de
proche de la frontière technologique. Sur l’ensemble rendre compte de réelles performances
des spécifications proposées visant à contrôler des d’innovations. Elles capterait également les
biais d’estimation liés au caractère dynamique du stratégies de blocage des entreprises ou de
panel et à l’endogénéité de certaines variables négociation dans des consortiums de recherche.
explicatives, seule une régression conduit à des Dans un tel contexte, une partie des brevets déposés
résultats plus nuancés où, loin de la frontière se caractériserait par une valeur faible. Une façon de
technologique, la réglementation du marché des contrôler cet effet est de considérer une spécification
produits est susceptible d’affecter négativement du modèle dans laquelle la variable expliquée est la
l ’ i n n ova t i o n ( m o d è l e s i m p l e l o r s q u e l e s productivité du travail. La mise en évidence d’une
performances sont mesurées par les brevets déposés relation positive entre l’indicateur de réglementation
à l’office européen et la réglementation par Regimp) ; et les performances de productivité peut constituer
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Brevets - tendances nationales - Epo Brevets - PPI - Epo Productivité du travail (Y/L)
14
Regref Regimp Regref Regimp Regref Regimp Regref Regimp Regref Regimp Regref Regimp
(1) (2) (3) (4) (5) (6) (7) (8) (9) (10) (11) (12)
Nombre de brevets (t -1) 0,383*** 0,368*** 0,381*** 0,366*** 0,561*** 0,565*** 0,560*** 0,565***
– – – –
(0,032) (0,032) (0,031) (0,031) (0,022) (0,022) (0,022) (0,022)
Productivité du travail (t -1) 0,961*** 0,961*** 0,961*** 0,961***
– – – – – – – –
(0,012) (0,011) (0,012) (0,012)
Proximité à la frontière technologique -0,098*** 0,272** -0,156*** 0,191 0,043** 0,056
– – – – – –
(0,034) (0,130) (0,037) (0,149) (0,019) (0,047)
Réglementation 0,140 0,861*** -0,209 -0,340 -0,019 0,094
– – – – – –
(0,134) (0,271) (0,132) (0,278) (0,057) (0,095)
Réglementation × Proximité à la frontière technologique 0,047* 0,151** 0,083** 0,114* 0,013 -0,003
– – – – – –
(0,027) (0,060) (0,033) (0,067) (0,014) (0,022)
Proximité à la frontière technologique (t -1) -0,065* 0,233* -0,143*** 0,103 0,008 -0,022
– – – – – –
(0,037) (0,135) (0,040) (0,145) (0,018) (0,045)
Réglementation (t - 1) 0,000 1,009*** -0,117 -0,119 -0,018 0,162*
– – – – – –
(0,000) (0,273) (0,132) (0,275) (0,054) (0,089)
Réglementation (t - 1) × Proximité à la frontière 0,031 0,127** 0,068** 0,075 0,012 -0,023
– – – – – –
technologique (t - 1) (0,027) (0,063) (0,033) (0,066) (0,013) (0,021)
Protection de la propriété intellectuelle (PPI) 0,176*** 0,197*** 0,173*** 0,198***
– – – – – – – –
(0,024) (0,024) (0,024) (0,024)
Nombre d’observations 5775 5775 5813 5813 5775 5775 5813 5813 5801 5801 5839 5839
2
R 0,893 0,894 0,894 0,895 0,850 0,850 0,852 0,851 0,949 0,949 0,948 0,948
Effet marginal de la réglementation sur l’innovation selon la proximité à la frontière technologique
Minimum 0,204* 1,066*** 0,043 1,180*** -0,096 -0,186 -0,025 -0,017 -0,001 0,090 -0,001 0,131**
(0,109) (0,211) (0,037) (0,212) (0,090) (0,190) (0,089) (0,188) (0,039) (0,066) (0,038) (0,062)
Moyenne -1 écart type 0,302*** 1,375*** 0,107 1,440*** 0,074** 0,048 0,115*** 0,137* 0,025 0,084*** 0,024 0,085***
(0,086) (0,160) (0,093) (0,168) (0,037) (0,074) (0,036) (0,072) (0,016) (0,028) (0,016) (0,027)
Moyenne 0,327*** 1,455*** 0,124 1,507*** 0,119*** 0,109* 0,151*** 0,177*** 0,032** 0,083*** 0,030** 0,072***
(0,085) (0,160) (0,108) (0,171) (0,033) (0,061) (0,032) (0,059) (0,013) (0,023) (0,013) (0,023)
Moyenne + 1 écart type 0,352*** 1,535*** 0,140 1,575*** 0,163*** 0,169** 0,188*** 0,217*** 0,039*** 0,081*** 0,037** 0,060**
(0,087) (0,167) (0,123) (0,180) (0,038) (0,066) (0,037) (0,064) (0,014) (0,023) (0,014) (0,023)
Maximum 0,359*** 1,557*** 0,145 1,593*** 0,174*** 0,185*** 0,197*** 0,227*** 0,041*** 0,081*** 0,038** 0,057**
(0,087) (0,169) (0,127) (0,184) (0,040) (0,071) (0,040) (0,069) (0,014) (0,024) (0,015) (0,024)
Lecture : *, **, *** indiquent, respectivement 10%, 5% et 1% de significativité. Tous les modèles comportent une constante, des effets fixes année et des effets fixes individuels (pays-secteur). Les variables continues sont
considérées en logarithme népérien. Les estimations sont faites à partir de l’estimateur intragroupe sur 249 groupes. Erreurs types Hubert-White reportées.
Sources : offices des brevets européen (Epo) et américain (USPTO), calculs des auteurs.
Brevets Regref - Epo Brevets Regimp - Epo Y/L - Regref Y/L - Regimp
(1) (2) (3) (4) (5) (6) (7) (8) (9) (10) (11) (12)
Minimum 0,017 0,026 0,030 -0,159 -0,156 -0,063 0,001 0,006 0,006 0,117* 0,125* 0,133**
(0,092) (0,095) (0,092) (0,191) (0,195) (0,191) (0,037) (0,038) (0,038) (0,062) (0,064) 0,064)
Moyenne - 1 écart type 0,217*** 0,215*** 0,138*** 0,088 0,080 0,094 0,024 0,030* 0,027 0,071*** 0,077*** 0,079***
(0,037) (0,038) (0,037) (0,074) (0,074) (0,072) (0,016) (0,016) (0,017) (0,027) (0,027) (0,027)
Moyenne 0,269*** 0,265*** 0,166*** 0,152** 0,142** 0,135** 0,030** 0,036** 0,033** 0,059*** 0,065*** 0,065***
(0,034) (0,034) (0,033) (0,061) (0,061) (0,059) (0,013) (0,014) (0,015) (0,022) (0,023) (0,023)
Moyenne + 1 écart type 0,322*** 0,314*** 0,194*** 0,216*** 0,203*** 0,176*** 0,036** 0,042*** 0,038** 0,047** 0,052** 0,051**
(0,039) (0,041) (0,039) (0,067) (0,068) (0,066) (0,014) (0,015) (0,015) (0,023) (0,024) (0,024)
Maximum 0,335*** 0,327*** 0,201*** 0,233*** 0,219*** 0,187*** 0,037** 0,043*** 0,040** 0,044* 0,049** 0,047*
(0,042) (0,044) (0,042) (0,071) (0,073) (0,071) (0,015) (0,016) (0,016) (0,024) (0,025) (0,025)
Lecture : *, **, *** indiquent, respectivement 10%, 5% et 1% de significativité. Tous les modèles comportent une constante, des effets fixes année et des effets fixes individuels (pays-secteur). Les variables continues sont
considérées en logarithme népérien. Les estimations sont faites à partir de l’estimateur intra-groupe. Erreurs types Hubert-White reportées.
Sources : offices des brevets européen (Epo) et américain (USPTO), calculs des auteurs.
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de la propriété intellectuelle. Les résultats de ces
estimations figurent dans les colonnes du tableau 4 Conclusion
présentant les spécifications (1) à (6).
Dans l’ensemble des régressions, le terme L’objectif de cet article était de tester la relation entre
d’externalité a le signe attendu : les brevets du reste l a r ég l e m e n t a t i o n d e m a r c h é e t l ’ a c t iv i t é
du monde contribuent positivement à l’innovation de d’innovation et, plus particulièrement, d’analyser
chaque pays, confirmant ainsi la validité empirique comment celle-ci est conditionnée par la proximité
du phénomène d’externalité positive associée à la vis-à-vis de la frontière technologique mondiale. Le
production de connaissance. Les résultats relatifs à sens commun en la matière est que la réglementation
l’impact de la réglementation ne sont pas modifiés serait nuisible à l’innovation et, donc, à la croissance,
aussi bien qualitativement, le signe du terme et que cela serait d’autant plus vrai que l’on se
d’interaction restant positif et le plus souvent rapproche des technologies de production les plus
significatif, que quantitativement, la valeur des performantes. Cette idée vient à l’appui des
coefficients marginaux près de la frontière ayant la recommandations de politique structurelle en faveur
même magnitude que ceux en l’absence de de la déréglementation des marchés de produits.
coefficient d’externalité (cf. colonnes (1) et (4) du
tableau 4, à comparer aux colonnes (1) et (2) du L’analyse empirique menée dans cet article
tableau 2). n’apporte pas de fondements à cet argument. Au
contraire, nos résultats montrent dans la plupart des
En sus du terme d’externalité, une variable mesurant c a s l ’ ex i s t e n c e d ’ u n e ff e t m a rg i n a l d e l a
la propension relative à l’importation est ensuite réglementation sur l’innovation croissant à mesure
introduite. L’idée est de prendre en considération la que l’on se rapproche de la frontière technologique
pression exercée par la concurrence étrangère. Les mondiale. De plus, pour une partie significative des
résultats portant sur l’impact de la réglementation secteurs considérés, la réglementation exerce un
restent conformes aux précédents, avec un impact effet positif sur l’innovation. Ces résultats,
positif et croissant de la réglementation quand le accompagnés d’un rappel du caractère contrasté du
pays considéré est plus proche de la frontière. L’effet bilan dressé par la littérature empirique sur le sujet,
de la variable de propension relative à l’importation n’apportent aucun soutien empirique à l’opinion
n’est cependant pas significatif. selon laquelle la concurrence et la déréglementation
des marchés seraient le moteur de l’innovation dans
Les régressions prennent en compte ensuite l’effet du les économies développées.
degré de protection de la propriété intellectuelle (cf.
colonnes (3) et (6), qui présente une influence
positive et statistiquement significative. L’ensemble
des résultats précédents concernant l’impact de la
réglementation sur l’innovation est confirmé.
16
Notes Bibliographie
(1) L’indice de Lerner se définit comme le rapport de la Acemoglu D., Aghion P. et Zilibotti F. (2006). “Distance to
différence entre le prix d’un bien et son coût marginal sur le Frontier, Selection and Economic Growth”, Journal of the
prix de ce bien. Il varie entre 0 (concurrence pure et parfaite) et European Economic Association, vol. 4, n°1, pp. 37-74.
1 (monopole).
Aghion P. (2006). “A Primer on Innovation and Growth”,
(2) L’indice de Herfindahl se définit comme la somme des BRUEGEL Policy Brief Issue 2006/06.
carrés des parts de marché de toutes les entreprises d’un secteur
Aghion P., Bloom N., Blundell R., Griffith R. et Howitt P.
donné. Il croît avec le degré de concentration du marché dans
(2005). “Competition and Innovation: An Inverted U
ce secteur.
Relationship”, Quarterly Journal of Economics, May, pp.
(3) Selon l’effet de remplacement introduit par Arrow (1962), 701-728.
un monopole est moins incité à innover qu’une firme
concurrentielle. En effet, un monopole qui innove “se Aghion P., Blundell R., Griffith R., Howitt P. et Prantl S.
remplace lui-même”, tandis qu’une firme concurrentielle qui (2009). “The Effects of Entry on Incumbent Innovation and
innove passe d’un profit nul à une valeur de profit de firme Productivity”, Review of Economics and Statistics, vol. 89,
dominante quand elle est la première à innover. n°1, pp. 20-32.
(4) Voir Segerstrom (2007). Aghion P. et Griffith R. (2005). Competition and Growth:
Reconciling Theory and Evidence, MIT Press.
(5) Dans certains cas on observe une importante dispersion de
la valeur ajoutée telle qu’elle est renseignée par le Groningen Aghion P. et Howitt P. (1992). “A Model of Growth Through
Growth and Development Centre (GGDC). Nous tenons Creative Destruction”, Econometrica, vol. 60, n° 2, pp. 323-
compte des valeurs nominales données par Stan pour les 351.
valeurs extrêmes, notamment dans les industries de Amable B., Demmou L. et Ledezma I. (2010). “Product
technologie de l’information et de la communication. Avec Market Regulation, Innovation, and Distance to Frontier”,
cette procédure, il est possible d’obtenir un échantillon Industrial and Corporate Change, vol. 19, n°1, pp. 117-159.
consistant tout en bénéficiant d’un nombre plus grand Amable B., Ledezma I. et Robin S. (2013). “Product Market
d’observations que celui offert par Stan (voir tableau A1 en Regulation, Innovation and Productivity”, mimeo, Université
annexe). Paris 1 Panthéon-Sorbonne.
(6) Conway et Nicoletti (2006) informent qu’à la fin des années Anderson T. et Hsiao C. (1981). “Formulation and
1990, environ 80% de la production de services d’entreprises Estimation of Dynamic Models Using Panel Data”, Journal of
était utilisée comme produit intermédiaire dans le reste des Econometrics, vol. 18, n°1, pp. 47-82.
secteurs de l’économie. De même, les secteurs financiers,
d’électricité, poste et communications représentaient entre Arrow K. (1962). “Economic Welfare and the Allocation of
50 % et 70 % des inputs dans les processus de production. Resources for Invention”, in Nelson R. (éd.): The Rate and
Direction of Inventive Activity, Princeton University Press,
(7) Dans Amable, Demmou et Ledezma (2010) les biais pp. 609-624.
d’endogénéité sont traités à partir de la méthode des moments
généralisés en système. En ce qui concerne l’indicateur Epo (la Arnold J., Nicoletti G. et Scarpetta S. (2008). “Regulation,
seule mesure de performance testée par les auteurs) les Allocative Efficiency and Productivity in OECD Countries”.
résultats sont en ligne avec ceux présentés ici. OECD Economics Department Working Papers n° 616.
(8) Nous remercions l’un des rapporteurs d’avoir soulevé ce Askenazy P., Cahn C. et Irac D. (2007). “Déterminants du
niveau d’innovation dans les PME”. Bulletin de la Banque de
point.
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17
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Annexe : description des données
Nombre
Échantillon Moyenne Écart type Minimum Maximum
d’observations
OCDE-Stan 4129 28,73 19,68 2,82 309,13
GGDC 6345 37,58 216,74 -12,21 12233,91
GGDC Industry 30 423 198,40 818,60 -12,21 12233,91
Échantillon filtré 6099 25,73 23,85 0,02 581,73
Lecture : le tableau A1 précise les différentes sources des données de productivité du travail. La première ligne présente des statistiques descriptives
sur la productivité du travail calculées à partir des données de la base Stan (STructural ANalysis Database) de l’OCDE. Les statistiques présentées sur
la deuxième ligne sont calculées à partir des données collectées et traitées par le Groningen Growth and Development Centre (GGDC), qui utilise et
complète les statistiques de Stan. La troisième ligne présente ces données uniquement pour l’industrie de fabrication de machines de bureau, de
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Nombre
Variable Moyenne Écart type Minimum Maximum
d’observations
Productivité du travail 6099 25,73 23,85 0,02 581,73
Proximité à la frontière (%) 6099 56,89 24,07 1,93 100,00
Intensité de l’innovation (Epo) 6345 1,65.10-3 9,39.10-3 0,00 0,40
Intensité de l’innovation (USPTO) 5599 1,02.10-3 3,12.10-3 0,00 0,06
Regref 6375 4,19 1,31 1,05 6,00
Regimp 6375 0,13 0,04 0,05 0,22
Lecture : le tableau A2 présente quelques statistiques descriptives sur les variables utilisées dans les régressions économétriques. Ces statistiques
descriptives sont calculées sur l’échantillon filtré (cf. note de lecture du tableau A1).
Sources : OCDE et GGDC, calculs des auteurs.
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