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L’EXAMEN PSYCHIATRIQUE

I- INTRODUCTION :
La psychiatrie est une discipline médicale dont l’examen clinique est
bien particulier car il doit avoir une vision globaliste en abordant le
malade à travers ces 3 dimensions, psychique, somatique et
environnementale. Cet abord tri factoriel est le postulat fondamental
de l’examen psychiatrique qui permet d’éviter le réductionnisme qui
nuit au diagnostic et à la prise en charge. L’examen a 3 objectifs,
diagnostique, thérapeutique et pronostique.
II- CARACTERISTIQUES DE L'EXAMEN PSYCHIATRIQUE:

Certains buts de l’examen psychiatrique sont identiques à ceux d’une


observation médicale classique :
- repérer les symptômes présents, qu’il s’agisse de troubles ou de désordres
- les regrouper selon les organisations syndromiques connues, et en faire un
récapitulé synthétique en syndromes ou en maladies,
- vérifier ensuite l’hypothèse diagnostique grâce à une analyse sémiologique
détaillée et/ou une demande d’examens complémentaires,
- proposer enfin une thérapeutique adaptée.
1- TROUBLE DE LA PRESENTATION
a) aspect extérieur:
jugé sur la tenue, les vêtements, la propreté corporelle, les soins élémentaires
(rasé ou non ; coiffé ou non ; maquillée ou non…) Il peut révéler : une
négligence et une incurie, par exemple dans le cadre d’un état démentiel, des
éléments étranges qui peuvent mettre sur la piste d’un état délirant comme
des attitudes d’écoute ou du coton dans les oreilles ou une excentricité
vestimentaire.
b) Expressions mimiques et gestuelles:
se jugent sur la totalité de l’entretien et en rapport avec le sujet de
l’entretien.
On peut noter :
- aspect inexpressif, hébété, abasourdi, dans le cas d’une démence ou d’une
confusion mentale
- aspect inaccessible et lointain chez un schizophrène
- aspect figé de souffrance morale chez un déprimé mélancolique
- aspect séducteur ou érotisé du contact avec certains hystériques
c) Habitus corporel :
c’est la manière d’entrer, de s’asseoir, de se tenir, de serrer la main… Dans le
cas des névroses, certains patients anxieux ou obsessionnels peuvent ainsi
avoir une attitude cuirassée, raide, guindée, mal à l’aise… immédiatement
perceptible.
d) Aspect global du langage :
il ne s’agit pas là de dépister des affections neurologiques comme dysarthrie ou
aphasie qui orientent vers une affection organique mais d’apprécier :
- la cohérence ou l’incohérence du discours. L’incohérence se note souvent dans
les états psychotiques et en rapport avec des troubles du langage (néologismes,
stéréotypies verbales…)

- la dynamique du discours : prolixité intarissable d’une logorrhée chez un sujet


maniaque, retour permanent à une idée sous la forme d’un monoïdéisme chez
un mélancolique qui ne parle que de ruine, de maladie et de mort, mutisme ou
semi-mutisme qui peuvent eux-mêmes avoir de nombreuses significations
(protestation contre l’examen, inhibition dépressive, refus de contact avec
l’extérieur, soliloque d’un patient qui converse avec des voix…)
e) Le contact :
C’est un élément essentiel à repérer et à décrire. C’est un peu la façon dont le patient
vous traite : il peut être bon ou mauvais, superficiel ou chaleureux. Le médecin essaie
de saisir l’impression que lui donne le patient.
Le contact peut être aisé (ou syntone) mal aisé à établir et difficile, ou trop aisé avec
une familiarité excessive et un tutoiement (hyper syntone).
On peut rencontrer : de la réticence (Symptôme voisin du mutisme mais moins
criant, le patient a quelque chose qu’il ne veut pas engager et qu’il veut tenir en
réserve), de l’opposition ou de l’hostilité (comme l’opposition psychomotrice du
patient qui refuse d’entrer dans le bureau, qui refuse de s’asseoir ou de parler…), de
l’indifférence (de type schizophrénique chez un sujet lointain et ailleurs qui paraît
situé dans un monde autistique, différent du nôtre, ou indifférence méprisante chez
un sujet persécuté aux yeux duquel l’interlocuteur n’est qu’un instrument à l’intérieur
de son système délirant), mais aussi pourquoi pas de la confiance.
2- Humeur et affect :
a) Humeur :

peut être définie comme une émotion globale et durable qui colore la
perception du monde. Le psychiatre notera si le patient évoque aisément ses
sentiments ou s’il est nécessaire de poser des questions explicites. On notera la
profondeur, l’intensité, la durée, les fluctuations de l’humeur. Les termes
habituellement employés pour décrire l’humeur sont : déprimé, désespéré,
irritable, anxieuse, colérique, expansive, euphorique, vide, coupable,
respectueuse, futile, terrorisé et perplexe. L’humeur peut aussi être labile, ce
qui signifie qu’elle est fluctuante ou qu’elle varie rapidement entre des
extrêmes (par exemple, rire à gorge déployée à un moment, et fondre en
larmes et sombrer dans le désespoir le moment suivant).
b) Affect :
Peut se définir comme la réponse émotionnelle immédiate du patient.
L’expression du visage du patient ainsi que l’ensemble des comportements
observables traduisent les affects du patient. On dit de l’affect qu’il normal,
restreint, émoussé, ou abrasé.
Si l’affect est normal, on peut observer toute une gamme d’expression du visage,
des changements dans le ton de la voix, l’utilisation des mains, les mouvements
du corps. Lorsque l’affect est restreint, on note une nette diminution du nombre
et de l’intensité des expressions.
Si l’affect est émoussé, l’expression est encore plus réduite. Pour diagnostiquer
un affect abrasé, on ne doit contacter aucun signe d’expression affective, le ton
de la voix doit être monocorde et le visage immobile. « Emoussé », « abrasé » et
« restreint » sont des termes qui décrivent des humeurs particulières. Le
psychiatre doit noter les difficultés que rencontre un patient pour débuter,
soutenir ou terminer une réponse.
c) Appropriation de l’affect :

L’appropriation de la réponse émotionnelle du patient doit être évaluée dans le


contexte de l’entretien. Un patient envahi par une idée délirante de persécution
peut se montrer irrité ou effrayé par ce qui lui arrive. La colère ou l’effroi seront
dans ce contexte des réactions appropriées. Certains psychiatres utilisent
l’expression « affect inapproprié » pour caractériser la discordance entre l’affect
et le contenu du discours chez certains schizophrènes (par exemple, un affect
abrasé au moment il parle de pulsions de meurtre).
3) Discours :
Le discours peut être décrit en termes de quantité, de mode de production,
et de qualité. On peut dire du patient qu’il est prolixe, verbeux, volubile,
taciturne, non spontané, ou qu’il répond normalement aux signaux que lui
envoie le praticien. Le discours peut être rapide ou lent, logorrhéique,
hésitant, chargé d’émotion, tragique, monocorde, sonore, murmuré,
inarticulé, saccadé, marmonné.
4) Perceptions sensorielles pathologiques :
Les troubles de la perception, hallucinations ou illusions, concernent aussi bien
l’environnement extérieur que la personne elle-même. On décrira le système
sensoriel affecté (par exemple, auditif, visuel, olfactif, tactile) et le contenu de
l’expérience hallucinatoire ou des illusions. Il est important de noter les
circonstances dans lesquelles les troubles se produisent ; des hallucinations
hypnagogiques (au moment de l’endormissement) et des hallucinations
hypnopompiques (au moment du réveil) sont beaucoup moins sévères que
d’autres types d’hallucinations. Des hallucinations peuvent aussi se produire
durant une période particulièrement stressante chez certains patients.
Des sentiments de dépersonnalisation ou de déréalisation (sensations
extrêmes de détachement de soi-même ou de son propre environnement) sont
d’autres exemples de troubles possibles de la perception. Des sensations de
fourmillements (formication), l’impression d’un grouillement d’insectes sur et
sous la peau, sont souvent constatés dans les intoxications à la cocaïne.
4) Troubles du fonctionnement de la pensée :
Dans la pensée, on distingue un cours (une forme) et un contenu.
Le cours de la pensée rassemble et organise les idées, selon un certain déroulement.
Le cours, ou la forme, de la pensée peut être logique et cohérent, ou complètement
illogique, voire incompréhensible.
Le contenu concerne ce à quoi une personne pense : idées, croyances,
préoccupations, obsessions.
Cours de la pensée (déroulement de la pensée) :
Le patient peut exprimer une multitude d’idées ou avoir un discours très pauvre.
L’accélération du cours de la pensée ( tachypsychie ) peut aller jusqu’à la fuite des
idées (manie). A l’inverse, on peut noter un ralentissement ( bradypsychie ), une
lenteur de tous les processus psychiques (dépression). La pensée peut être vague,
vide. Des troubles du déroulement de la pensée peuvent se manifester par un
discours tangentiel, une prolixité circonlocutoire, un discours incohérent, évasif,
des persévérations.
Le blocage (barrage) est une interruption brusque du cours de la pensée avant
que l’idée n’ait été complétement exprimée ; il arrive alors que le patient soit
incapable de se souvenir de ce qu’il disait ou de ce qu’il voulait dire.
Une prolixité circonlocutoire indique une perte de la capacité à orienter la
pensée vers un objectif précis ; au cours de ses explications, le patient se perd
dans une quantité de détails et de réflexions qui n’ont rien avoir avec son
problème, pour finalement retourner au sujet initial.
Dans la forme de pensée tangentielle, le patient perd le fil de son discours et suit
des idées qui lui viennent des stimulations extérieures ou intérieures qui n’ont
aucun lien avec son propos, et ne revient jamais au sujet initial. Dans le cadre des
troubles du cours de la pensée le discours peut être si sévèrement désorganisé
qu’il devient totalement incohérent et incompréhensible (salade de mots)
( schizophrénie ), on peut trouver des associations par assonances (association
de mots qui riment), des calembours (mot à double sens), et des néologismes
(mots nouveaux créés par le patient en combinant ou en condensant d’autres
mots).
Contenu de la pensée :
Les troubles du contenu de la pensée comportent les idées délirantes, les
préoccupations (dont la maladie du patient peut faire partie), les obsessions,
les compulsions, les phobies, les projets, intentions, idées récurrentes de
suicide ou d’homicide, les symptômes hypochondriaques, les comportements
antisociaux spécifiques.
Les idées délirantes peuvent ou non être congruentes à une humeur
particulière (déprimée ou euphorique). Les idées délirantes sont des
croyances fixes, erronées, étrangères à l’environnement culturel du patient.
Les mécanismes et thèmes des idées délirantes doivent être soigneusement
décrits, et le psychiatre doit chercher à évaluer la structure du système
délirant, ainsi que l’intensité de la croyance délirante du patient.
5) Sensorium et cognition:
a) Vigilance :
Les troubles de la vigilance relèvent davantage de la neurologie que de la
psychiatrie.
· Ils comportent l'obnubilation et, à un plus fort degré, la confusion mentale,
caractérisée par une altération plus ou moins fluctuante de la vigilance, de la
mémoire, de l'orientation dans le temps et l'espace, et parfois par un
onirisme (hallucinations terrifiantes, par exemple images d'animaux
menaçants ou zoopsies).
· L'exemple-type d'un syndrome confuso-onirique est le delirium tremens,
grave syndrome de sevrage brutal chez un malade alcoolo-dépendant.
b) Orientation :
L’orientation est essentiellement une particularité de la mémoire dans ce
qu’elle a de plus simple et de plus fondamental, dans son ancrage immédiat
temporal et spatial, dans l’identité personnelle de l’individu et la
reconnaissance de ses proches.
La désorientation peut donc toucher trois sphères : le temps, l’espace, les
personnes
La date approximative et l’heure du jour en cours ? ;
Le nombre de jours qu’il a passé à l’hôpital ? ;
Le nom et le lieu de l’hôpital ? …
c) Troubles de la mémoire :
La mémoire se définit comme la capacité de se souvenir de ce que l’on
a appris ou vécu ; c’est un processus par lequel l’information est
enregistrée, retenue et rappelée au moment opportun, sans trop de
déformation. Elle permet à l’individu de structurer mentalement
l’histoire de sa vie selon une continuité temporelle.
La mémoire occupe un vaste espace dans le champ des fonctions
cognitives qui en dépendent beaucoup.
· Déficit mnésique : amnésie de fixation, antéro-rétrograde,
psychogène ou affective;
· Paramnésies;
· Illusions de la mémoire.
d) Attention et concentration :
L’attention se définit comme la capacité de recevoir un stimulus spécifique
sans être distrait par les stimuli environnants (bruit de fond, éclairage etc…).
Cette spécifié de l’attention la distingue de la disponibilité de base liée à la
vigilance ou à l’état de conscience normal.
L’attention dite primaire est passive, involontaire, automatique, instinctive et
réactionnelle. Elle est de courte durée et se fixe sur une variété de stimuli
successifs.
La concentration, appelée aussi attention secondaire (vigilance), est la
capacité de soutenir l’attention pendant un laps de temps prolongé.
L’attention est ici volontaire et active.
6) Contrôle des pulsions :
Le patient est-il capable de contrôler ses pulsions sexuelles, d’agressivité et autres?
Troubles des conduites sexuelles : recouvrent les troubles de l'identité sexuelle
(transsexualisme), les « déviations sexuelles », et les perturbations de la réalisation de
l'acte sexuel (dysfonction érectile, anorgasmie, vaginisme, etc.) qui sont fréquentes
dans de nombreux troubles mentaux.
Les troubles des conduites sociales :
Le passage à l'acte est une conduite impulsive, souvent auto- ou hétéro agressive, qui
représente le principal trouble des conduites sociales.
Il est possible dans de nombreux troubles mentaux, et assez caractéristique de
certaines personnalités pathologiques (« borderline » ou « antisociale »).
Les conduites addictives ou toxicomanies :
· Alcoolisme,
· Tabagisme,
· Toxicomanie aux produits illicites (opiacés, cannabis, hallucinogènes, etc.),
7) Jugement et insight (prise de conscience) :
a) Jugement : le jugement est une fonction qui permet de soupeser
l’importance relative de différents faits ou idées et d’ajuster le
comportement en conséquence. Le jugement comprend le recueil des
données, l’analyse et la décision, trois éléments dont l’intégration correcte
révèle un bon équilibre intellectuel et affectif.

b) Insight : degré de conscience et de compréhension du patient par


rapport à sa maladie.

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