Vous êtes sur la page 1sur 11

LES SCHIZOPHRÉNIES

DR SAARI

EHS MAHFOUD BOUCEBCI

CHERAGA

GENERALITÉES
La schizophrénie est unemaladie du cerveau qui affecte les pensées, les sentiments, les
émotions et les comportements. Une personne sur cent est atteinte par la schizophrénie
(1%de la population). Elle est classée par l’OMS parmi les dix maladies qui entrainent une
invalidité chez les sujets jeunes.
Elle fait partie des troubles psychotiques chroniques qui se caractérisent par une perte de
contact avec la réalité.
La schizophrénie est un trouble mental grave, chronique et très complexe, mais comme
d’autres affections graves et persistantes, elle peut être traitée. Ce n’est pas une maladie «
curable », au sens strict, mais elle peut être soignée.
La maladie affecte aussi bien les femmes que les hommes

HISTORIQUE
Le mot « schizophrénie » a été utilisé pour la première fois en 1911 par le psychiatre
suisse Eugen Bleuler. Il est formé des racines grecques « schizo » signifiant « diviser » et «
phrên » pour « esprit ».
La première description claire de cette maladie a été donnée par les grecs, et plus tard au
début du XIVe siècle, c’est à Morel que l’on attribue la dénomination de « démence
précoce ». En 1896, Emil Kraepelin définira la schizophrénie comme une ensemble
composé de trois états cliniques : des idées délirantes, une catatonie et un comportement
désorganisé

CLINIQUE
La schizophrénie se caractérise par de nombreux symptômes qui se
développent progressivement, varient d’une personne à l’autre et ne sont
pas toujours présents simultanément.
Les premiers symptômes de la schizophrénie apparaissent, le plus souvent,
au début de l’âge adulte. Chez l’homme, les symptômes de la schizophrénie
se manifestent à l'adolescence ou plus typiquement vers la vingtaine. par
contre, chez la femme, ils peuvent apparaitre plus tard vers l’âge de 20 ans
ou, plus souvent encore, au début de la trentaine.
Les symptômes sont classés en trois grandes catégories: positifs, négatifs et
cognitifs.
LES SYMPTÔMES POSITIFS
Ils sont considérés comme des signes dits productifs, caractérisés par une
production anormalement active de l’esprit. On inclut dans cette
catégorie:
- les hallucinations,
- les idées délirantes,
- les troubles de la pensée
- et les troubles du comportement.
1. LES HALLUCINATIONS
Les hallucinations sont des perceptions sans objet à percevoir, qui
peuvent toucher nos cinq sens.
Les hallucinations auditives représentent la forme la plus commune
d'hallucinations. Elles peuvent être perçues soit comme de simples sons
ou des discours incessants qui vont tourmenter et faire souffrir la
personne. Elles transmettent des ordres, des menaces ou des injures. La
personne sujette aux hallucinations auditives aura tendance à dialoguer
avec ces voix et tenter de les faire disparaître avec l'aide d'un appareil
radio, un baladeur ou des bouchons dans les oreilles.
Les hallucinations visuelles peuvent être perçues comme des visions, des
apparitions, des taches colorées, des personnages ou des scènes animées
plaisantes ou désagréables. Elles sont parfois proches des images des
rêves.
Les hallucinations somatiques (cénesthésiques) se définissent par des
sensations de brûlure, des fourmillements ou par l’impression qu’un des
organes disparait. La personne peut également se sentir être possédée
ou dématérialisée.
Les hallucinations olfactives et gustatives forment d'autres types
d'hallucinations plus subtiles et généralement pénibles ou désagréables.
Les hallucinations psychiques sont perçues par la personne comme des
phénomènes venant d’ailleurs: « on » lui impose des images dans la tête,
« on » l’oblige à revoir des scènes, des rêves ou des souvenirs.

2. LES IDÉES DÉLIRANTES


• Les idées délirantes sont des altérations du contenu de la pensée
entraînant une perte du contact avec la réalité
• Les idées sont des convictions non fondées, très fortes, concernant une
fausse réalité construite à partir d’une perception incorrecte ou d’une
mauvaise interprétation de l’expérience vécue.
• Il existe différentes descriptions d’idées délirantes, en fonction de leur
thème, leur mécanisme, et leur structure
1. Les thèmes
Les thématiques peuvent varier à l’infini, être uniques ou multiples et
s’associer entre elles de façon plus ou moins logique. Dans la
schizophrénie, les thèmes sont multiples et hétérogènes
La persécution: c’est le plus fréquent des thèmes. Le malade est
convaincu qu’il est persécuté et en danger, harcelé, attaqué, etc.
Le contrôle et l’influence: la personne est convaincue d’être sous
l’emprise d’une force étrangère. Tous ses actes lui sont imposés par une
puissance qui le domine
La grandeur: elles sont aussi fortes que celles du délire de persécution,
mais elles se manifestent sous la forme d’une illusion de puissance, de
richesse, de grande intelligence, etc.
La référence: le malade est convaincu que les autres parlent de lui, ou lui
font signe dans la rue, que des messages lui sont adressés par le biais de
la télévision ou de la radio.
L’érotomanie: le malade est persuadé d’avoir une relation passionnelle
avec quelqu’un. Ce type de délire est plutôt rare.
2. Les mécanismes
Les mécanismes de l’idée délirante correspondent aux processus par
lesquels les idées s’établissent et se construisent
Les hallucinations (décrites plus haut)
Les interprétations : c’est donner un sens erroné a un fait réel.
Les imaginations : ce sont des inventions ou des imaginations, le patient
joue un rôle central.
Les intuitions : ce sont des idées fausses inaccessibles a la vérification ou
au raisonnement logique.
3. La Systématisation
Une idée délirante est considérée peu systématisée lorsque l’organisation
est floue, vague et peu cohérente.
Dans la schizophrénie, des idées délirantes non systématisées, floues,
sans logique, incohérentes, contrairement au trouble délirant persistant
de type persécution au cours duquel les idées délirantes sont
généralement systématisées
4. La conviction
Elle est inébranlable, inaccessible au raisonnement et aux critiques,
l’adhésion est dite « totale ». Lorsque l’adhésion est partielle, le patient
est en mesure de critiquer ses propres idées délirantes.
3. LA DÉSORGANISATION DE LA PENSÉE ET DU COMPORTEMENT
C’est la perte de l’unité psychique entre l’idée, l’affectivité et le comportement
• Les troubles de la pensée: manifestation sous forme d’un langage
difficile à suivre avec des idées décousues. Le discours est flou et parfois
incohérent. De plus, la personne ne répond pas à la question, passe d’un
sujet à l’autre, invente des néologismes.
• Les troubles de comportement: ils se manifestent sous forme d’actions
bizarres ou sans but précis. Il peut arriver que la personne devienne
hostile et agressive, et ses proches peuvent avoir l’impression qu’elle
n’est pas la même.
• Les troubles du langage avec néologismes (nouveaux mots), ou encore
des paralogismes (nouveau sens donné à des mots connus
• Les troubles affectifs sont représentés par l’ambivalence affective (la
coexistence de sentiments et d’émotions contradictoires)

4. LES SYMPTÔMES NÉGATIFS


• Alors que les symptômes positifs se caractérisent par une exagération de
traits normaux, les symptômes dits négatifs se traduisent par une
réduction des activités ou une diminution de réaction par rapport à une
situation donnée.
• Ces symptômes sont parmi les plus difficiles à déceler.
• Réduction des activités au niveau comportemental. Le patient passe
beaucoup de temps au lit, passe son temps à manger et dormir, est peu
disposé à participer aux activités de la maison. C’est pour cela que les
symptômes négatifs sont souvent confondus avec de la paresse.
• Le patient ne participe plus à des activités sociales.
• Diminution de l’expression émotionnelle sur le plan affectif. Le patient ne
réagit pas ou peu en présence de stimuli importants.
• Perte des activités intellectuelles, avec une pauvreté du discours
La sévérité des symptômes négatifs est indépendante de la présence des
symptômes positifs.
Les symptômes négatifs sont plus difficiles à être traités que les symptômes
positifs.
5. LES SYMPTÔMES COGNITIFS
• Ceux-ci affectent la personne au niveau de sa capacité à comprendre, à
analyser et à se rappeler l’information reçue.
• La personne a de la difficulté à se concentrer ou à maintenir son
attention sur une tâche spécifique. La mémoire à court terme semble
être affectée et le patient semble avoir de la difficulté à exécuter ses
activités dans sa vie au quotidien. Il a de petites pertes de mémoire au
niveau de l’hygiène personnelle ou dans la prise de ses médicaments.
• La personne atteinte a beaucoup de difficulté à prendre des décisions,
elle change souvent d’idées, hésite à prendre des décisions banales, un «
non » veut dire « oui » et vice versa. À cause des problèmes d’attention,
de mémoire (verbale et visuelle) ou de concentration, l’apprentissage est
pénible pour certains individus.

6. AUTRES SYMPTOMES ASSOCIÉS


Troubles de l’anxiété et de l’humeur
• La prévalence des troubles de l’anxiété et de l’humeur est plus élevée
chez la population schizophrène que dans la population en général.
Troubles métaboliques
• La schizophrénie est associée au diabète, à une hyperlipidémie (taux
élevé de lipides dans le sang) et à une hypertension. Cette association
s’explique par la prise de médicaments antipsychotiques qui provoquent
des troubles métaboliques (gain de poids, diabète), auxquels s’ajoute une
mauvaise hygiène de vie (sédentarité, tabagisme).
DIAGNOSTICS POSITIF
Les critères diagnostiques de la schizophrénie selon le DSM-V (Manuel
diagnostic et statistique des troubles mentaux)
A. le patient doit présenter au moins deux des cinq symptômes suivants sur
une période d’un mois:
1. Idées délirantes
2. Hallucinations
3. Discours désorganisé
4. Comportement désorganisé ou catatonique
5. Symptômes négatifs (réduction de l'expression émotionnelle, aboulie)
B. Un ou plusieurs domaines du fonctionnement (travail, relations
interpersonnelles, soins personnels) sont significativement ralentis depuis le
déclenchement de la maladie (si le malade est un adolescent: incapacité à
éteindre le niveau de réalisation interpersonnelle, scolaire, ou dans d’autres
activités auxquelles on aurait pu s’attendre).
C. Des signes permanents de la perturbation persistent pendant au moins 6
mois. Cette période de 6 mois doit comprendre au moins 1 mois de
symptômes.
D. Un trouble schizo-affectif et un trouble dépressif ou bipolaire avec des
manifestations sont éliminés.
E. La perturbation n’est pas due à une drogue donnant lieu à abus ou un
médicament ou à une autre maladie.
F. Si le malade présente un trouble du spectre autistique ou un trouble de la
communication débutant dans l'enfance, le diagnostic additionnel de
schizophrénie n’est fait que si les symptômes positifs (idées délirantes ou
hallucinations) accompagnent ceux requis pour le diagnostic pendant au moins
1 mois.
LES FORMES CLINIQUES
A : Formes à début progressif :
L’envahissement schizophrénique peut se faire à bas bruit pendant de longues
années, ou l’originalité du comportement n’est pas suspect d’où la difficulté de
faire un diagnostic précoce. Ces formes qui apparaissent tôt habituellement à
l’adolescence attirent l’attention par leur durée et leur développement
démesuré :
1. L’engouement pour la religion
2. Baisse du rendement intellectuel.
3. Formes pseudo névrotiques
4. Troubles de l’humeur : épisode dépressif
5. Conduites addictives
B : Formes à début aigue ceux sont les formes les plus connues, ce sont elles
qui font consulter même si le début réel est antérieur.
1. BD : l’évolution trainante avec non résolution après 06 mois, une
personnalité prémorbide, l’absence de facteurs déclenchant, la qualité
massive de l’angoisse sont des facteurs en faveur de la schizophrénie.
2. Épisodes maniaques
3. Acte médicolégal
LES DIAGNOSTICS DIFFÉRENTIELS
1. Affections non psychiatriques :
- Neurologiques (épilepsies, tumeurs cérébrales, encéphalite herpétique,
chorée de Huntington, neurolupus, etc.).
- Endocriniennes (dysthyroïdie, altération de l’axe corticotrope, etc.).
- Métaboliques (maladie de Wilson, etc.).
- Infectieuses (neurosyphilis
- Intoxication aiguë ou chronique au cannabis.
- Symptômes liés à l’intoxication d’amphétaminiques et autres
(anticholinergiques, LSD, kétamine, phencyclidine……
2. Affections psychiatriques :
- Les troubles de l’humeur
- Les troubles délirants chroniques
- Les troubles envahissant du développement
FACTEURS ETIOLOGIQUES
La recherche a mis en évidence qu’il n’existe pas seulement une mais plusieurs
facteurs qui interagissent les unes avec les autres pour provoquer la maladie et
ses rechutes.
• Facteur génétique: Si un jumeau monozygote (vrai jumeau) souffre de
schizophrénie, son frère a jusqu'à 50% de risque de développer la
maladie. Il existe également des mutations ou des formes génétiques qui
augmentent le risque de développer la maladie. Cependant, le fait d'avoir
une prédisposition génétique ne signifie pas que l'on va développer la
maladie.
• Facteur neurochimique: L'utilisation d'antipsychotique (qui diminue la
transmission dopaminergique) pour réduire les symptômes positifs de la
schizophrénie a permis d'émettre l'hypothèse d'une production
anormalement élevée de la dopamine (un neurotransmetteur) dans
certaines régions du cerveau. D'autres neurotransmetteurs - dont le
glutamate - pourraient être impliqués dans la maladie.
• Cause neurodéveloppementale: Certaines perturbations survenant lors
de la période périnatale (lors de la gestation et juste après la naissance)
pourraient entraîner un dysfonctionnement dans la maturation du
cerveau de l'enfant et une altération des connexions entre neurones.
• Facteur socio-environnementale: L’exposition à des agents infectieux (ex.
toxoplasmose), les bouleversements dans la vie affective, le stress de
performance au travail ou dans les études, le soutien social insuffisant,
certaines émotions exprimées de la part de l’entourage (hostilité,
attitude envahissante, agressivité), les problématiques d’alcool et de
drogue...Concernant l'abus de substances, il a été rapporté que certains
individus consommant du cannabis étaient plus enclins de développer la
maladie. Ce risque dépend entre autres de leur bagage génétique, de la
teneur en THC (tétrahydrocannabinol, l'ingrédient actif de drogue).
Il est important de souligner que bon nombre d’individus soumis à des
facteurs environnementaux ne développeront pas la schizophrénie s’il
n’existe pas déjà chez eux des facteurs biologiques et génétiques de
prédisposition à cette maladie.
PRISE EN CHARGE
Une fois la maladie diagnostiquée, elle ne guérit pas mais elle se traite.
Malheureusement, il n’existera sans doute jamais un traitement unique qui
guérira ce trouble. Le traitement de la schizophrénie comporte diverses
modalités thérapeutiques qui, combinées, peuvent permettre à la personne
atteinte non seulement de redevenir fonctionnelle, mais également de
retrouver une vie valorisante et gratifiante sur tous les plans.
L’hospitalisation en psychiatrie
L’hospitalisation (en urgence ou non, dans un service de psychiatrie) se justifie
dans plusieurs situations :
● Épisode aigu avec troubles du comportement.
● Risque suicidaire ou de mise en danger.
● Risque hétéro-agressif
Les antipsychotiques : traitement psychopharmacologique de fond
• Les antipsychotiques typiques ou de première génération : Halopéridol,
lévomépromazine, chlorpromazine….
• Les antipsychotiques atypiques ou de seconde génération : olanzapine,
rispéridone, aripiprazole….

Les objectifs généraux du traitement


- Dans l’épisode aigu, le contrôle rapide des symptômes mettant
potentiellement en danger le patient et son entourage
- traitement de fond est réalisé dans un deuxième temps selon l’évolution des
symptômes et de la tolérance.
- en phase de rémission, les objectifs thérapeutiques consistent à minimiser le
plus possible sur le long terme le retentissement de la maladie et celui des
effets secondaires du traitement.
• Prise en charge de l’épisode aigu :
- Hospitalisation si nécessaire
- Les molécules anxiolytiques et sédatives : neuroleptiques sédatifs et
anxiolytiques.
• Traitement de fond :
- Les antipsychotiques atypiques sont recommandés en première intention
- L’antipsychotique choisi doit être approprié à la phase aiguë et au long
terme. Il est prescrit à la posologie la plus efficace. Un autre traitement
neuroleptique peut être proposé en deuxième intention.
• Durée du traitement :
- Après un épisode unique, il est recommandé de poursuivre le traitement au
moins 2 ans après avoir obtenu la rémission totale des symptômes
psychotiques. Après un 2e épisode ou une rechute, le traitement doit être
poursuivi au long cours.
La psychothérapie fait partie du traitement de la schizophrénie. Elle pourra
se dérouler en tête-à-tête soit avec le thérapeute, en groupe avec les
membres de la famille ou avec des personnes du centre de jour que le
patient fréquente:
- Psychoéducation
- Psychothérapie cognitivo-comportementales
- Remédiation cognitive
- Entraînement aux habiletés sociales
La réadaptation et la réinsertion sociale ont pour but d’aider la personne
atteinte de la schizophrénie à se réinsérer dans la vie professionnelle et
sociale. Elles aident le malade à trouver ses propres buts dans la vie. Cela ne
veut pas dire que le malade sera libéré de ses troubles, mais il pourra vivre sa
vie malgré son diagnostic.
CONCLUSION
Être confronté à la schizophrénie n’est pas facile, tant pour le malade que pour
la famille et les proches. Il existe plusieurs outils pour y faire face Se renseigner
sur la maladie pour mieux la comprendre.
Adhérer à des groupes de soutien pour vous aider à aller vers les autres qui
vivent des défis similaires. Les groupes de soutien peuvent aussi aider la famille
et les amis.
Rester concentré sur vos objectifs de récupération, car c’est un processus
continu et primordial dans la maîtrise de la schizophrénie.
Apprendre la relaxation et la gestion du stress

Vous aimerez peut-être aussi