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Délires et hallucinations

mise au point

Délires et hallucinations,
définitions et mécanismes
[ La sémiologie des délires et des hallucinations correspond à des définitions précises. PATRICIA COTTI
[ Systématisés ou non, leurs mécanismes et leurs thèmes sont variés [ Les approches
psychodynamiques et biologiques donnent un éclairage sur les thérapies à mettre en œuvre
pour les patients qui en sont atteints.
Delusions and hallucinations, definitions and mechanisms. The semiology of delusions
and hallucinations corresponds to precise definitions. Systematised or not, their mechanisms
and their themes are varied. Psychodynamic and biological approaches give an insight into
the therapies to use with patients who are affected.

A près un aperçu de la manière dont la psy-


chiatrie a défini et distingué les différents
délires et les hallucinations depuis le XIXe siècle,
qui reste inattaquable. L’“hallucination” est une
perception fausse qui ne correspond pas à un objet
extérieur réel. L’hallucination n’est pas à confondre
MOTS CLÉS
tAntipsychotique

il est intéressant de voir comment le délire est avec l’illusion qui consiste en une mauvaise per- tDélire
abordé dans les classifications actuelles CIM 101 ception d’un objet bien réel. tHallucination
et DSM IV2, quelles sont les théories psychodyna- [Diagnostic différentiel. Les délires et les hallu- tMécanisme de
défense
miques et les hypothèses biologiques des troubles cinations peuvent relever de pathologies neuro-
délirants et des hallucinations, et enfin quelles logiques (encéphalites, épilepsies, démences) ou tPsychothérapie
sont les démarches thérapeutiques actuelles dont de toxicoses (prises d’hallucinogènes ou effets tPsychose
dispose le soignant. indésirables de certains médicaments). C’est le tRéalité
diagnostic clinique différentiel, éventuellement tRêve
VERS LA SÉMIOLOGIE ACTUELLE complété par des examens radiologiques et médi-
Au début du XXe siècle, les psychiatres portaient caux (scanner, imagerie par résonance magné- KEY WORDS
une grande attention à la description des phéno- tique – IRM, bilan sanguin), qui permet de déter-
tAntipsychotic
mènes pathologiques et à leur évolution. La miner si le délire et les hallucinations relèvent,
tDefence mechanism
finesse des repères sémiologiques (des signes) ou non, de la psychiatrie.
permit de distinguer – à la suite de grands débats [En psychiatrie. Les délires et les hallucinations tDelusion
et controverses entre écoles psychiatriques alle- psychiatriques sont considérés comme des symp- tDream
mandes et françaises – différentes maladies men- tômes que l’on trouve, le plus souvent (mais non tHallucination
tales. C’est dans ce climat, alors que les psychiatres pas uniquement, ni systématiquement) dans les tPsychosis
cherchaient à établir des nosographies (classifi- psychoses. En effet, il existe des psychoses sans tPsychotherapy
cation des maladies) de plus en plus précises ou délires ni hallucinations, tout comme la présence tReality
originales des troubles mentaux, que furent iden- de délires et d’hallucination ne suffit pas toujours
tifiées différentes formes de délire, d’abord dis- à établir un diagnostic de psychose.
tinguées par leurs thèmes puis par leur organisa- [L’importance de l’entretien clinique. Lorsqu’ils
tion et leurs mécanismes. existent, le délire tout comme les hallucinations
[Définitions. De façon générale, le “délire” dési- sont plus ou moins “bruyants”, c’est-à-dire mani-
gne une croyance irréductible et inébranlable festes, à l’examen clinique. Certaines personnes
correspondant à une conception fausse de la peuvent vivre leur délire ou leurs hallucination au
réalité. Le délire n’est pas une simple erreur, car grand jour, d’autres cherchent à les dissimuler, à
cette dernière peut être reconnue par celui qui en masquer les effets qui ne sont alors suspectés
la commet lorsqu’il s’affronte à la contradiction, par le clinicien que lorsqu’il note des incohérences
à d’autres expériences vécues ou en présence dans le discours, des sous-entendus, ou des attitudes
d’éléments qui viennent contredire sa certitude d’écoute (hallucinations auditives) ou d’autres
antérieure. En revanche, le délire est une conviction bizarreries de comportement.
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Délires et hallucinations

NOTES L’ORGANISATION DU DÉLIRE ont donné leur nom à différents délires. Ainsi
La construction d’un délire peut être plus ou l’on parle plus spécifiquement du :
1. Organisation mondiale de la
santé (OMS). Classification
moins cohérente. Deux grandes organisations s¬délire interprétatif de Sérieux et Capgras (le
internationale des maladies, 10e sont reconnues : patient interprète tous les événements de sa vie
édition (CIM 10), 2007, http :// s les délires systématisés ou paranoïaques. Soit le comme les indices d’un complot ourdit contre
apps.who.int/classifications/
délire est dit “en réseau”, il gagne progressive- lui) ;
apps/icd/icd10online/.
2. American psychiatric
ment tous les domaines de la vie du sujet, soit il s¬DÏLIRE¬HALLUCINATOIRE ou psychose hallucinatoire
association. DSM-IV - Manuel est “en secteur”, il s’exerce alors dans un seul chronique (PHC) de Gilbert Ballet ;
diagnostique et statistique des domaine ; s¬DÏLIRE¬IMAGINATIF de Dupré (caractérisé par une
troubles mentaux. Masson 2003. s¬Les délires non systématisés ou paranoïdes. Il excentricité, le patient conserve, malgré tout, un
3. Freud S. Remarques
s’agit des délires flous, mal organisés, incohérents certain lien avec la réalité) ;
psychanalytiques sur
l’autobiographie d’un cas de et aux mécanismes et aux thèmes multiples (ce s¬DÏLIRE¬DE¬NÏGATION¬de Cotard (après diverses
paranoïa (Dementia paranoïde). qui se retrouve dans les schizophrénies). phases progessives, le patient en vient à nier sa
In : Cinq psychanalyses. PUF 1999. propre existence ainsi que celle du monde exté-
4. Freud S. Le président LES MÉCANISMES rieur) ;
Schreber : remarques
psychanalytiques sur un cas de
Plusieurs mécanismes donnent naissance au s¬DÏLIRE¬DE¬RELATION¬DES¬SENSITIFS ou délire de Krets-
paranoïa (dementia paranoides) délire : chmer (le patient présente une tendance à la
décrit sous forme s¬LINTERPRÏTATION¬OU¬LA¬DISTORSION¬DU¬JUGEMENT¬Il dépression et un délire persécutoire discret) ;
autobiographique. PUF 2001.
s’agit d’un jugement faux, porté sur une percep- s délire érotomaniaque ou syndrome de Cléram-
5. Freud S. Oeuvres
tion exacte ; bault (la personne qui en est atteinte est persuadée
Psychanalytiques. PUF
1991-2009. s¬LALTÏRATION¬DES¬PERCEPTIONS¬ qu’elle est aimée par “l’objet” de son délire), etc.
6. Braff D, Schork NJ, – illusion : déformation d’un objet réel qui est
Gottesman II. Endophenotyping incorrectement perçu ; LES THÈMES DÉLIRANTS
schizophrenia. Am J Psychiatry
– hallucinations : fausses perceptions qui survien- Le sujet peut délirer sur n’importe quel thème.
2007 ; 164 : 705-7.
7. Gottesman II. Schizophrenia
nent en l’absence d’objet extérieur. Il existe plu- [Le délire de persécution. Le patient est
genetics: The origins of madness. sieurs types d’hallucinations : hallucination des convaincu qu’on veut lui nuire physiquement,
Freeman 1991. sens (auditives, visuelles, cénesthésiques (au moralement, professionnellement, familiale-
8. Laing RD, Cooper DG. Raison niveau du corps), olfactives, gustatives) et hallu- ment, etc. Les formes de persécutions sont mul-
et violence. Payot 1976.
cinations intra-psychiques (le patient a l’impres- tiples : surveillance, filatures, menaces, calomnies,
sion d’avoir des pensées qui ne sont pas à lui) ; machinations, empoisonnement, etc.
s¬LA¬FABULATION ¬LIMAGI [Le délire d’influence. La personne a l’impres-
nation. Des projections sion d’être dirigée par une force extérieure
imaginaires sont prises qu’elle ressent soit implantée en elle-même, soit
pour des souvenirs ; agissant de l’extérieur.
s¬LINTUITION Un senti- [Le délire de grandeurs. Le sujet exprime des
ment, une idée ou idées de richesse, de missions à accomplir, de
encore une croyance filiation royale.
auquel le sujet adhère [Le délire mystique est souvent lié à des thèmes
totalement avec une de persécution, d’envoûtement, de magie, etc.
certitude absolue ; [Le délire hypocondriaque. La personne souf-
s¬LE¬SYNDROME¬DAUTO frant de ce type de délire ressent des sensations
matisme mental. Le douloureuses, pénibles, persistantes qui concer-
sujet est convaincu que nent une ou plusieurs parties du corps. Des idées
ses pensées sont volées, de transformations corporelles peuvent parfois
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devinées. Il a l’impres- même exister.


sion que quelqu’un [Le délire de négation (syndrome/délire de
d’autre ou autre chose Cotard). Le sujet a une conviction de modifica-
agit à travers lui, que tion, de destruction, de non-existence de lui-
ses actes et ses paroles même ou d’une partie de lui (dans les mélancolies
sont commandés, ce notamment).
qui peut aboutir à un syndrome d’influence où le
sujet se sent tout entier sous l’influence d’une RÉACTIONS FACE AU DÉLIRE
force extérieure. Face au délire, il peut exister une réaction d’ad-
[Ces mécanismes ont été identifiés au tournant hésion. Celle-ci peut être totale ou parfois donner
du XIXe et du XXe siècle par des psychiatres qui lieu à une critique de ce même délire. D’autres

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Délires et hallucinations, définitions et mécanismes

symptômes peuvent en résulter : angoisse, exalta- à l’hallucination et au délire. Il aboutit à un pro- RÉFÉRENCES
tion, euphorie, agressivité, etc. cessus de clivage (Spaltung) du moi (Freud 1938)5,
tBallet G. Les délires de
une partie du Moi étant vaincue par le délire et persécution : délire chronique,
PISTES DE RÉFLEXION, DÉLIRES… le déni de la réalité, une autre partie pouvant délires mélancolique et
DANS UN MONDE EN CHANGEMENT admettre cette dernière. hypochondriaque, délire de
persécution des exhibitionnistes,
Le mot délire vient du latin delirare : sortir du [L’approche psychodynamique et la psycha-
persécuteurs familiaux.
sillon. Si, la plupart du temps, il est aisé de sentir nalyse après Freud ont émis plusieurs hypothèses L’Harmattan 2001.
le caractère particulier voire pathologique d’un sur l’origine et la fonction du délire et des hallu- tFreud S. Le président Schreber :
délire, il est, cependant, des circonstances plus cinations. Ce sont souvent les relations les plus remarques psychanalytiques sur
délicates. L’existence de croyances et d’aires précoces qui sont mises en cause et notamment un cas de paranoïa (dementia
paranoides) décrit sous forme
culturelles très dissemblables peuvent être ame- la relation à la mère. autobiographique. PUF 2001.
nées à se rencontrer, étant donné les facilités de [La mise en évidence des injonctions ou des mes- tFreud S. Œuvres complètes :
transports et les mouvements de migrations sages paradoxaux (“double lien”) dans l’environ- psychanalyse. PUF 1991.
actuels, peuvant mettre les cliniciens face à des nement des psychotiques et les thérapies mises au tLemperière T, Féline A,
“croyances”, des visions du monde ou une ratio- point à partir de cette idée ont eu leur heure de Adès J, et al. Psychiatrie de
l’adulte. Masson 2006.
nalité très différentes des nôtres, mais qui ne sont gloire (École de Palo Alto avec Gregory Bateson,
tNevid JS, Spencer A,
pas, pour autant, délirantes. Paul Watzlawick ou le courant de l’antipsychiatrie Greene R, et al,
avec Ronald Laing et David Cooper). Psychopathologie. Pearson
THÉORIES SUR L’ORIGINE DU DÉLIRE [L’approche biologique. Bien que les causes de la Education France 2009.

ET DES HALLUCINATIONS schizophrénie et des délires et hallucinations tWatzlawick P. Le langage du


changement. Éléments de
Sigmund Freud a montré que le délire a un sens, restent inconnues, l’efficacité des neuroleptiques communication thérapeutique.
qu’il dit quelque chose des fantaisies (fantasmes), a fait soupçonner que certaines anormalités du Édition du Seuil 1980.
des vécus et des souhaits de l’individu qui délire. circuit dopaminergique pourraient être en tWittezaele JJ. La double
Selon lui, le délire serait une « tentative de guérison »3 cause. contrainte. L’héritage des
paradoxes de Bateson. De Boeck
face à l’émergence d’éléments traumatiques restés Du côté de la génétique, qui fait tant rêver, les 2008.
enkystés et qui ressurgiraient dans le Moi en pro- hypothèses sont nombreuses mais la mise en évi-
voquant sa désorganisation totale et en étant tout dence directe d’un ou plusieurs gènes de la schi-
à fait déformés. zophrénie ou du délire paranoïde n’a pas encore
[L’approche psychodynamique. Dès 1894, et à la eu lieu, même si, du côté de l’autisme, les élé-
suite du psychiatre et neuroanatomiste allemend ments semblent plus nombreux pour soupçonner
Theodor Hermann Meynert, Sigmund Freud une cause génétique. Les études génétiques sont,
soutient l’idée que la psychose hallucinatoire est en fait, des études statistiques qui portent notam-
l’expression d’un souhait qui n’a pas pu trouver ment sur la mise en évidence de pourcentage de
à s’accomplir dans la réalité. Cette théorie est une schizophrénie dans des populations de jumeaux
première étape vers l’idée que le délire dit homozygotes et hétérozygotes ou dans des grou-
quelque chose et qu’il est analysable. pes à degré de parenté plus ou moins proche6,7.
[Avec le cas Schreber, en 1911, Sigmund Freud Devant toutes ces hypothèses, la tendance s’ache-
montre, en effet, qu’un délire paranoïde et de mine de plus en plus vers des modèles étiologiques
persécution, aussi florissant et exubérant soit-il, qui font, tout à la fois, une place à l’environne-
se rapporte aux fantaisies sexuelles et en particu- ment et à l’inné et qui envisagent qu’un gène peut
lier aux fantaisies homosexuelles inconscientes trouver à s’exprimer selon tel ou tel facteur envi-
que ne peut s’avouer Daniel Paul Schreber4. ronnemental déclenchant.
[Selon Sigmund Freud (1914), le délire corres-
pond également à une régression (retour) au LES DÉLIRES ET LES HALLUCINATIONS
stade du narcissisme, un stade du développement DANS LES CLASSIFICATIONS ACTUELLES
psychosexuel de l’enfant où la toute-puissance CIM 10 ET DSM IV
des idées et des souhaits (principe de plaisir) [La CIM 10 classe le délire et les hallucinations
prévaut sur l’investissement et la reconnaissance parmi les symptômes majeurs des troubles psy-
de la réalité (principe de réalité)5. chotiques (F20-29). Tandis que le délire est carac-
[Dans la psychose, le mécanisme de défense qui téristique de la schizophrénie paranoïde, la
rend les éléments traumatiques (pensées, vécus, présence d’hallucinations est davantage associée
souhaits) méconnaissables et vise à les exclure à la schizophrénie catatonique : « La schizophrénie
n’est pas un refoulement, mais un déni (Verleugnung) catatonique se caractérise essentiellement par la présence
(Freud 1925)5. Ce dernier recompose un monde de perturbations psychomotrices importantes [hyperki-
extérieur qui ne correspond pas à la réalité grâce nésie ou postures catatoniques qui peuvent être
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Délires et hallucinations

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maintenues pendant une période prolongée et Le thérapeute peut faire l’objet d’un transfert
survenue d’épisodes d’agitation violente],… Les mani- délirant empêchant alors ses propos de pouvoir
festations catatoniques peuvent s’accompagner d’un induire un quelconque décentrement ou une
état oniroïde (ressemblant à un rêve) comportant des remise en cause de la conviction délirante et ne
expériences hallucinatoires intensément vécues »8. feront, au contraire, que l’alimenter.
La CIM 10 définit également une catégorie de [Le psychodrame, les différents modes d’expres-
troubles délirants persistants (F-22) dans laquelle sion artistique et l’ergothérapie peuvent tous
se trouvent la schizophrénie paranoïde, la para- contribuer à l’expression, à la mise en évidence et
noïa, et le délire de relation des sensitifs ainsi que à l’élaboration de conflits dans les psychoses mais
des troubles psychotiques aigus (F-23) parmi les- ne peuvent, là encore, pas prétendre résoudre un
quels le délire tient une grande place. L’autre délire ou faire disparaître des hallucinations.
composant important de la psychose est déter- [Classiquement, l’isolement, plus ou moins
miné par la catégorie des troubles schizo-affectifs sévère voire cruel (avec ou sans contentions) est,
(F-25), desquels le délire peut être absent, mais depuis le XIXe siècle, la méthode de prédilection
qui peut suffire, néanmoins, à porter un diagnostic face à un délirant ou à un halluciné qui se met
de troubles psychotiques. lui-même ou autrui en danger. Selon les théories
[Le DSM IV fait du délire et des hallucinations les et les prétendues découvertes, se sont également
deux symptômes principaux des troubles psycho- succédé d’autres méthodes allant de la lobotomie
tiques. Il souligne, lui aussi, que l’origine du délire (dans les années 1950) à l’enveloppement humide
est inconnue. Il donne néanmoins la préférence thérapeutique, en passant par les douches froides,
à la piste de l’étiologie génétique, tandis que, le choc insulinique (la cure de Sakel, a été mise
pour l’origine de la schizophrénie, une sous- en place en 1933), ou encore la sismothérapie,
catégorie de troubles psychotiques, c’est l’étiolo- qui est toujours pratiquée (encore appelée élec-
gie du “facteur de stress” qui est mise en avant. trochoc ou électro-convulsivothérapie – ECT).
Dans le DSM IV, le délire est simplement défini [La révolution en matière de thérapeutique (mais
comme « des croyances fausses qui amoindrissent de non pas de psychothérapie) est venue de la décou-
façon significative la capacité à fonctionner d’une per- verte des neuroleptiques dans les années cin-
sonne »2, tandis que les hallucinations sont sim- quante. Ces derniers sont utilisés pour traiter les
plement définies comme de fausses perceptions. symptômes les plus flagrants des états schizoph-
La place particulière donnée dans le DSM IV à réniques et psychotiques. La chlorpromazine
« la folie à deux », un délire partagé avec autrui, est (Thorazine®), la thioridazine (Mellaril®), la
intéressante. fluphénazine (Proxilin®) appartiennent généra-
Les critères, explications et catégories du DSM IV, lement à la classe des phénothiazines. Elles
en ce qui concerne les troubles psychotiques, et agissent en bloquant l’action d’un neurotrans-
notamment la schizophrénie, sont actuellement metteur – la dopamine – dont elles vont prendre
très controversés aux États-Unis. Le débat porte la place sur les sites récepteurs.
sur la révision complète de la présentation de ces L’apparition des neuroleptiques a grandement
troubles dans la version DSM V qui devrait paraître réduit l’utilisation des formes les plus coercitives
en 2012. de traitement et permet de ne pas réduire la vie
des personnes délirantes à un enfermement
LES THÉRAPIES quasi-continu.
[Au fil des ans, les prétentions de la psycho-
L’auteur n’a pas déclaré thérapie face aux troubles délirants, aux halluci- CONCLUSION
de conflit d’intérêts. nations ou aux autres symptômes de la schizo- Le délire et les hallucinations sont, sans aucun
phrénie ou des psychoses, sont devenus plus doute, les symptômes les plus spectaculaires des
L’AUTEUR modestes. Si la psychothérapie, qu’elle soit ana- troubles psychotiques, ceux qui isolent le plus
lytique ou autre, peut aider, voire dénouer cer- radicalement un individu de son environnement
Patricia Cotti,
psychologue clinicienne en
tains aspects du délire en permettant au sujet humain. Le sens clinique des équipes de psy-
psychiatrie adulte, d’établir des liens et des associations quant aux chiatrie permet d’apprécier les variations de com-
Hôpital de Maison Blanche, représentations ou aux idées qui le hantent, la portement qui laissent présager du retour de ces
Paris (75), guérison par la seule approche psychothérapique symptômes chez les malades, ce qui permet quel-
docteur en psychopathologie
est exceptionnelle. En état de crise (c’est-à-dire quefois d’adapter les traitements médicamenteux
et psychanalyse, chargée
de cours à l’Université
sous l’emprise d’un délire ou d’hallucinations avant que les délires et les hallucinations ne
Paris 7- Denis Diderot trop envahissantes), la psychothérapie n’est pas prennent des proportions trop alarmantes et
pat-ricia@wanadoo.fr aisée et, selon certains, n’est pas recommandée. handicapantes. O

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