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Rarement une maladie, le coronavirus aura autant rimé avec espace et géographie. Partie de la
Chine, elle se retrouve désormais dans le monde entier.
Dans les lignes qui suivent, le Docteur Jérémi Rouamba, géographe de la santé et chef du
département de géographie de l’Université Joseph Ki-Zerbo de Ouagadougou, nous donne à
comprendre un autre aspect de la vision scientifique de la pandémie actuelle.
Jérémi Rouamba : La géographie de la santé est une branche de la géographie. Elle fait partie
des sciences humaines. Henry Picheral, (géographe de la santé français) a défini la géographie
de la santé comme étant une « étude globale et spatiale de la qualité de la santé des
populations, de leurs comportements et des facteurs de leur environnement (physique,
biologique, social, économique, culturel) qui concourent à la promotion ou à la dégradation de
leur santé ».
En d’autres termes, la géographie de la santé recherche le rôle pathogène du milieu en étudiant
les discontinuités spatiales des phénomènes liés à la santé des populations. A la différence de la
médecine, la géographie à l’instar des autres sciences humaines (Histoire, Sociologie,
Psychologie, Philosophie…) met la santé et non la maladie au milieu de la réflexion.
Quelle que soit la maladie, le questionnement principal en géographie de la santé est le suivant :
où ? Pourquoi, ici et pas ailleurs ? La géographie de la santé a trois objets d’étude que sont :
La santé (en partage avec la médecine)
L’homme (en partage avec les autres sciences humaines)
L’espace (qui lui est propre)
L’essor de la Géographie de la santé dans le monde date du 19è siècle. Au Burkina Faso la
géographie de la santé est relativement récente (années 1990).
Oui à travers les enseignements, de plus en plus d’étudiants s’intéressent à cette discipline et
choisissent des thèmes en rapport avec la santé dans le cadre de leurs travaux de mémoire de
Master ou de thèse de doctorat.
Et les décideurs ? Je veux parler des gouvernants : sont-ils sensibles à votre démarche et
aux résultats issus de vos travaux de recherche ?
Les outils d’aide à la décision que sont les SIG, systèmes d’information géographique, offrent une
bonne lisibilité aux travaux de recherche dans le domaine de la santé. Les gouvernants ont
souvent recours aux travaux de cartographie, cependant l’approche géographique de la santé ne
se résume pas uniquement à la production de cartes.
Dans un contexte de crise sanitaire mondiale tel que celui du covid-19, quel peut-être
l’apport de la géographie de la santé ?
Cet apport peut être important. Dans ce sens, nous avons dans une initiative portée par notre
Laboratoire d’Etudes et de Recherche sur les Milieux et Territoires (LERMIT), élaboré un
protocole en vue de proposer une contribution géographique (analyse spatiale des cas de
COVID19) dans la lutte contre la maladie.
Ce n’est pas la première fois dans l’histoire de l’humanité que le monde fait face à des
crises de ce genre. Quelle est selon vous la particularité de celle-ci et comment le
géographe que vous êtes, voit l’après covid-19 ?
La particularité de cette crise réside dans le fait que les positionnements géopolitiques ont pris le
pas sur la gestion sanitaire au début de la crise. Dès l’apparition de la maladie, le virus est
qualifié de" virus chinois". C’était donc l’affaire des Chinois. Les pays occidentaux ont eu la
mauvaise idée de rapatrier leurs ressortissants, oubliant que le virus est hautement transmissible
et sans frontière. Pour nous, l’après covid-19 ouvrira une autre perspective dans la marche du
monde. Nous sommes dans un monde planétaire et une crise sanitaire devient l’affaire de tous.
Personne n’oubliera cela !
Pour l’Afrique l’après covid-19 doit être une victoire contre la fatalité, une sorte de renaissance
car pour une fois, on aura déjoué les pronostics.