Archives des Maladies Professionnelles et de l’Environnement 83 (2022) 301—303

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ARTICLE ORIGINAL

Pandémie de Covid-19 et santé publique.

Comment se préparer à la prochaine crise ?
Covid-19 pandemic and public health. How to be better prepared for the next
crisis?

W. Dab

Cnam, laboratoire MESuRS, 75003 Paris, France

MOTS CLÉS Résumé La pandémie de Covid-19 a suscité une mobilisation scientifique sans précédent,
Pandémie ; notamment sur le plan épidémiologique. Malgré cela, le fardeau sanitaire est tel que l’on
Épidémiologie ; peut parler d’un échec de santé publique. Cet article discute les raisons d’hiatus. Il souligne
Prévention ; l’importance du rôle des médecins du travail dans ce contexte. Il présente les leçons à tirer
Médecine du travail pour l’avenir.

KEYWORDS Summary The Covid-19 pandemic has sparked unprecedented scientific mobilization, parti-
Pandemic; cularly in epidemiology. Despite this, the health burden is such that one can speak of a public
Epidemiology; health failure. This article discusses the reasons for this hiatus. It emphasizes the importance
Prevention; of the role of occupational physicians in this context. It presents lessons for the future.
Occupational
medicine

On peut considérer que l’épidémie de Covid-19 est un succès Succès scientifique

épidémiologique et un échec de santé publique. Pourquoi
en est-il ainsi et que faut-il faire pour mieux faire face à ce
type de menace, notamment dans le cadre de la médecine
du travail ?
Adresse e-mail : william.dab@lecnam.net
Dès janvier 2020, après un signalement émis par des cli-
niciens de Wuhan, les épidémiologistes chinois ont confirmé
l’émergence du problème, ce qui a permis d’isoler le virus et
de le typer, de comprendre ses principaux modes de trans-
mission, d’estimer le taux de reproduction de l’épidémie,

https://doi.org/10.1016/j.admp.2022.06.007
1775-8785/© 2022 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

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 W. Dab
de guider les mesures préventives, d’identifier les facteurs
de risque de gravité, de lancer une alerte mondiale et de
suivre la progression de la maladie en temps quasi réel. La
reconnaissance du fait que l’on peut transmettre le SARS-
CoV-2 tout en étant asymptomatique a été un point majeur
pour comprendre qu’une pandémie était inévitable.
La mobilisation scientifique a également concerné
d’autres disciplines : virologie, immunologie, bio-
informatique, mathématique, statistique, etc. Les apports
concrets de ces recherches sont impressionnants : rapport
bénéfice-risque des vaccins et des traitements, effica-
cité des mesures de prévention, définition des scénarios
épidémiques. . . Jamais un ensemble de connaissances
n’avait été rassemblé aussi rapidement face à une nouvelle
maladie.
Échec de santé publique
Cette mobilisation scientifique sans précédent a certes
allégé considérablement l’impact sanitaire de l’épidémie,
mais celui-ci reste néanmoins très lourd au niveau mondial.
En France, au moins 150 000 décès ont été recensés en mai
2022, l’espérance de vie a reculé d’une demi-année en 2020,
des formes chroniques de Covid surviennent dans 5 à 10 %
des cas, on note un retentissement majeur sur la santé men-
tale [1], toutes ces conséquences étant caractérisées par un
fort gradient socio-économique.
Ainsi, sans même évoquer les retentissements éco-
nomiques et scolaires, ce tableau dessine une situation
d’échec de santé publique. C’est peu ou prou vrai dans
la plupart des pays et la situation française, malgré
l’excellence de la médecine et une bonne couverture mala-
die, se situe dans la moyenne des pays [2].
Décider sous incertitude
Avant de pointer les manques ou les erreurs qui expliquent
un tel échec, il est juste de reconnaître une difficulté
majeure liée aux incertitudes d’une épidémie liée à un nou-
veau virus. Car, malgré les avancées rapides de la science,
plusieurs questions importantes sont restées longtemps sans
réponse ou avec des réponses partielles. Soit que les études
nécessaires n’ont pas pu être faites, soit qu’elles ont donné
des résultats divergents.
Parmi les incertitudes qui ont généré et génèrent encore
des difficultés dans la gestion de l’épidémie, on note :
• l’absence de connaissances sur la dose minimale infec-
tante ;
• des connaissances lacunaires sur l’efficacité des diffé-
rents types de masques et la reconnaissance tardive
du rôle des aérosols dans la transmission du virus et
donc l’importance de la ventilation des locaux, même si
l’hypothèse a été soulevée très tôt [3] ;
• des observations divergentes sur le rôle des paramètres
météorologiques ;
• le peu d’analyses en France sur l’importance respective
des différents lieux de contamination ;
• des résultats contradictoires sur le rôle des enfants dans
la dynamique épidémique ;
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• les inconnues relatives à la capacité du virus de muter en
devenant résistant aux vaccins disponibles ;
• le manque de recul sur la durée de l’immunité conférée
par la maladie ou la vaccination ;
• le peu de données françaises sur les connaissances, atti-
tudes, croyances et pratiques de la population face à
cette menace.
Ces incertitudes exposent à deux effets indésirables :
surréagir, ce qui provoque un gaspillage de ressources ; ou
sous-réagir, ce qui alourdit le fardeau sanitaire. Ces deux
écueils ont été observés à un degré ou un autre dans les
différents pays. Les idéologies politiques ont joué un rôle
d’autant plus grand que les stratégies de lutte n’ont pas pu
être coordonnées au niveau mondial, même si l’Organisation
mondiale de la Santé a fait des recommandations générales
comme l’importance de la triade « tester—tracer—isoler »
[4].
Défaillances multiples
Sans minimiser cette difficulté de devoir prendre des déci-
sions dont les effets ne sont pas entièrement anticipables,
le constat est qu’en France, elles ont été systématiquement
prises avec un temps de retard : port du masque, confine-
ments, vaccination, tests, protection des élèves, tous les
rapports d’analyse l’ont souligné [2].
Ces retards sont d’abord liés à une impréparation qui
nous a laissés dépourvus en stocks de produits d’hygiène, de
matériel médical et de tests d’analyses biologiques. Tous les
efforts faits au moment de la pandémie grippale A H1N1 en
2009-2010 ont été perdus tout au long des années 2010. Il
s’en est suivi une première phase de sidération : après, nous
avoir dit que la France n’était pas l’Italie le 10 mars 2020,
nous étions confinés une semaine plus tard.
Ensuite, différentes stratégies de lutte ont été suivies
qui correspondent à des priorités successives : protéger la
santé « quoiqu’il en coûte » au printemps 2020, préserver
l’économie à l’automne 2020, laisser les écoles ouvertes au
printemps 2021, forcer la vaccination à l’été 2021. Qu’il
faille s’adapter à la situation et faire preuve de souplesse
n’est pas choquant, mais ce qui est plus regrettable est que
ces changements de priorités n’ont pas été ni explicités ni
débattus.
De façon plus structurelle, deux éléments ont manqué.
D’une part, des données permettant de réduire les incer-
titudes listées plus hautes. D’autre part, et ceci est lié
au point précédent, suffisamment de professionnels de ter-
rain pour recueillir et traiter des données, accompagner les
personnes confinées dans le besoin, organiser un traçage
efficace et mener des campagnes d’éducation à la santé sur
le terrain. En France, chaque fois que l’on dépense 100 D
pour la santé, 97 vont aux soins individuels et 3 à la préven-
tion collective, ce qui inclut la médecine du travail. Ce qui
nous amène à discuter son rôle.
Rôle des médecins du travail
Après le premier confinement au cours duquel la plupart
des entreprises étaient fermées, de nombreux témoignages
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illustrent la part importante qu’aient pris les médecins du
travail auprès des entreprises et des employés : conseils
pour la reprise de l’activité [5] ; accompagnement du télé-
travail [6]; mise à jour du document unique; protection des
travailleurs essentiels ; investigation des clusters et vaccina-
tion ; conduite à tenir devant un employé suspect de Covid.
La Société française de Médecine du Travail a montré ici sa
réactivité.
Alors que les liens entre la médecine du travail et la santé
publique font encore débat [7], l’épidémie a montré le côté
artificiel d’une telle distinction. Le Covid n’a pas été créé
par l’activité des entreprises, mais il a fortement retenti sur
elles. Dans un second temps, les expositions professionnelles
ont aussi contribué à la progression épidémique.
Une des rares opportunités de cette crise est le chan-
gement de regard vis-à-vis de la médecine du travail et la
santé au travail en général. Trop souvent perçue comme une
contrainte improductive résultant des injonctions externes à
l’entreprise, la santé au travail a pu montrer sa contribution
à l’activité de production. C’est une avancée importante.
Leçons pour l’avenir
Plusieurs leçons devraient être tirées sur différents aspects,
ce que les retours d’expérience disponibles permettront de
préciser, espérons-le.
Un premier point est d’améliorer les capacités
d’anticipation, ce qui passe par une préparation orga-
nisationnelle, le développement de la surveillance
épidémiologique en milieu professionnel [8], une meilleure
compréhension des notions de risque et de bénéfice—risque,
des efforts de formation et d’entraînement ainsi que la
constitution de stocks de précaution [9].
Un deuxième point est d’approfondir l’hybridation entre
la prévention des risques professionnels et les risques
externes à l’entreprise sans bien sûr diluer les premiers
dans les seconds. Il faudra penser à une transformation des
métiers de la santé publique qui ne peut pas être traitée
dans le cadre de cet article [7]. De même, un renforce-
ment des liens entre les services médicaux et les services
d’hygiène, sécurité et environnement est nécessaire.
Un troisième point est de nature sociale. En situation
d’incertitude, les gens ont besoin d’être rassurés sans tom-
ber ni dans le fatalisme ni dans le déni. La parole médicale
est ici irremplaçable. Face aux informations erronées que
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suscitent de genre de situations et la montée des théories
complotistes, l’éducation à la santé doit être renforcée.
Le médecin du travail peut être vu comme un créateur
de confiance et ce rôle est appelé à grandir à l’aune des
menaces qui pèsent sur le monde d’aujourd’hui.
Ainsi, l’épidémie de Covid constitue une double épreuve ;
une épreuve sanitaire, évidemment ; mais aussi une épreuve
organisationnelle en tant qu’elle révèle les forces et les
faiblesses des organisations et des collectifs de travail. Au
niveau individuel comme au niveau populationnel, cette épi-
démie nous invite à repenser et à renforcer nos rôles de
protecteurs de la santé.
Déclaration de liens d’intérêts
L’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêts.
Références
[1] Dab W. La santé mentale fragilisée. https://www.red-on-
line.fr/hse/blog/2022/03/08/covid-19-la-sante-mentale-
fragilisee-role-hse-008587.2022.
[2] Pittet D. Mission indépendante nationale sur l’évaluation de la
gestion de la crise Covid-19 et sur l’anticipation des risques
pandémiques-rapport final. 2021:1-179.
[3] Fantoni-Quinton S, Bonneterre V, Esquirol Y, et al. Arguments
pour une possible transmission du SARS-CoV-2 dans la crise
Covid-19. Arch Mal Pro Environ 2020;81:306—15.
[4] Stefanati A, D’Anchera E, De Motoli F, et al. Evaluation and
review of preventive measures applied during Covid-19 pande-
mic: strategies adopted by European countries. J Prev Med Hyg
2021;62:E6—17.
[5] Gehanno JF, Bonneterre V, Andujar P, et al. Retour au travail
dans le cadre de l’épidémie de Covid-19. Arch Mal Pro Environ
2020;81:327—32.
[6] Bouziri H, Smith DRM, Deschata A, et al. Working from home in
the time of Covid-19: how to best preserve occupational health?
Occup Environ Med 2020;77:509—10.
[7] Deschata A, Dab W. Santé au travail et santé publique, santé
globale du travaillant? Arch Mal Pro Environ 2022 [sous presse].
[8] Dab W. Les fondamentaux de l’épidémiologie. Rennes: Presses
de l’EHESP; 2021.
[9] Ingram C, Downey V, Roe M, et al. Covid-19 prevention and
control measures in workplace stings: a rapid review and meta-
analysis. Int J Environ Res Public Health 2021;18:7847.