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Désinfodémie
Déchiffrer la désinformation sur le COVID-19
Note d’orientation 1
Auteures: Julie Posetti et Kalina Bontcheva
1. Introduction
Pour reprendre les mots du Secrétaire général des Nations Unies,
António Guterres, « notre ennemi est aussi la propagation croissante
de la mésinformation », lors de cette crise. L’Organisation mondiale de
la santé (OMS) a décrit la désinformation sur la pandémie de Covid-19
comme une “infodémie massive”, ce qui constitue un facteur important
dans la propagation de la pandémie. Si l’information
permet
l’autonomisation,
la désinformation
Cette note d’orientation—la première d’une série de deux— emploient le terme déresponsabilise
de désinformation pour parler en général d’un contenu erroné et qui a un
impact potentiellement négatif. Ces impacts peuvent avoir des conséquences
fatales durant une pandémie.
L’intention d’un individu qui produit ou partage du contenu erroné permet de
faire la différence entre désinformation et mésinformation. La production de
contenus promettant de faux remèdes en vue d’un profit privé, représente un
exemple de désinformation. Mais cela peut également être décrit comme de
la mésinformation lorsque le même contenu est considéré comme vrai et est
ensuite partagé avec l’intention d’être utile.
Dans le cas du COVID-19, les réponses peuvent varier selon les motivations
diverses de ceux qui sont complices de désinformation et de mésinformation.
Par exemple, l’éducation est un remède partiel à la mésinformation, alors que
la suspension des profits générés par les escroqueries représente l’un des
moyens pour réduire l’offre de désinformation. Cependant, l’impact du contenu
erroné, quelque que soit les intentions, reste le même. Dans les deux cas, les
personnes sont privées de leur pouvoir en étant activement désinformés, d’où
les impacts très graves qui peuvent en résulter.
C’est l’attention portée aux effets néfastes des informations fabriquées ou
trompeuses, plutôt que sur l’intention derrière leur création et leur diffusion,
qui explique l’utilisation répétée du terme désinformation dans cette note
d’orientation, ainsi que dans la note associée.
La désinformation existait bien avant le Covid- 19. Les contrevérités conçues
pour saper la validité de la science s’étendent de la résurgence du ‘mouvement
de la terre plate’ à ceux qui contestent le consensus scientifique sur le
changement climatique, généralement pour un gain politique ou économique
étroit. Les inventions qui contaminent aujourd’hui les informations
de santé publique reposent sur les mêmes outils de diffusion utilisés
traditionnellement pour désinformer. Ce qui est nouveau, ce sont les thèmes
et leurs impacts très directs.
La désinformation sur la COVID-19 crée une confusion sur la science médicale
avec un impact immédiat sur chaque personne dans le monde et sur toutes
les sociétés. Elle est plus toxique et plus meurtrière que la désinformation
sur d’autres sujets. Pour cette raison, dans cette note d’orientation, nous
employons le terme de désinfodémie.
Dans ce cadre, ce document permet d’analyser cette nouvelle menace et les
multiples types de réponses déployées à l’échelle internationale. Dans ce but,
nous étudierons neuf thèmes principaux et quatre formats dominants de
désinformation au sujet du COVID-19, puis nous présenterons une typologie
regroupant la gamme des réponses au problème en 10 catégories. Cette
analyse se base sur des recherches menées par la Commission sur le haut-
débit UIT-UNESCO et l’UNESCO, dont les résultats seront publiés plus tard en
2020, et qui abordent un grand nombre de sujets, types et réponses en lien
avec la désinformation.
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Contexte des droits de l’homme
DÉSINFODÉMIE:
Dissection des réponses à la
désinformation sur le COVID-19
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Désinfodémie: Déchiffrer la désinformation sur le COVID-19
La désinformation au sujet du COVID-19 est déjà La désinformation qui en résulte peut être
prolifique et menace non seulement les individus partagée par des individus, des groupes organisés,
mais les sociétés dans leur ensemble. Elle conduit certains médias d’information et des chaînes
les citoyens à s’exposer aux dangers en ignorant officielles -consciemment ou non.
les avis scientifiques, elle accroît la méfiance
Souvent, la désinfodémie cache des contrevérités
envers les décideurs et les gouvernements et
au sein d’informations véridiques et se déguise
détourne les efforts des journalistes vers une
sous des formats familiers. Elle utilise des
réfutation réactive des mensonges plutôt que vers
méthodes bien connues -qui vont des mèmes faux
un apport proactif de nouvelles informations. Tout
ou trompeurs et des fausses sources, aux pièges
le monde est alors sur la défensive.
incitant les gens à cliquer sur des liens liés à des
Les intentions derrière la désinformation sont opérations criminelles d’hameçonnage. Le résultat
diverses. Elles peuvent être d’ordre financier, est que la désinformation sur le COVID-19 affecte
politique, avoir pour but d’ébranler la confiance, de le contenu en général, dont celui sur l’origine, la
détourner les responsabilités, de diviser les gens propagation et l’incidence de la maladie, sur ses
et de discréditer les réponses à la pandémie. D’un symptômes et traitements et sur les réponses des
autre côté, certains facteurs de la désinformation gouvernements et des autres acteurs.
peuvent être l’ignorance, les égos individuels ou
une volonté dévoyée de se rendre utile.
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Désinfodémie: Déchiffrer la désinformation sur le COVID-19
3.1.b. Enquête
Les enquête vont au-delà du fait de savoir si un commencent à publier leurs premières découvertes.
certain contenu est (au moins partiellement) faux Cela inclut, par exemple, certaines ONG, des médias,
(vérification des faits) ou si la source est fiable et des ‘think tanks’, et des recherches conjointes entre
objective (étiquetage de crédibilité) et d’effectuer les universités et les médias indépendants.
l’exercice de démystification. Ces réponses Les sujets étudiés comprennent les campagnes de
creusent en profondeur le rôle des campagnes de désinformation sur le COVID-19 lancées par les médias
désinformation coordonnées, y compris celui des d’État, les mouvements extrémistes, les réseaux anti-
acteurs qui les ont créés, le degré et les moyens de migrants et d’extrême droite. Ces campagnes opèrent
propagation, les moyens financiers impliqués et les au sein des principales sociétés de communication,
communautés affectées. notamment Twitter (publications ouvertes et
En raison de la nature du journalisme d’investigation, messagerie directe), Facebook (les profils, les
plus profonde et plus couteuse en ressources, et de groupes, les pages et Messenger), YouTube (vidéos et
la chronologie de la pandémie, il y a moins d’enquêtes commentaires), WhatsApp, et Instagram (publications
à propos du COVID-19 que d’efforts plus directs de ouvertes et messagerie privée), malgré les efforts de
vérification des faits et de contrôle. Cependant, les ces sociétés pour lutter contre la desinfodémie.
organisations spécialisées dans les investigations
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Désinfodémie: Déchiffrer la désinformation sur le COVID-19
Quelques exemples:
L’Organisation mondiale de la
• Le Secrétaire général des Nations Unies a lancé
santé (OMS) répond activement à
l’Initiative de réponse des Nations Unies dans le
la désinformation sur le COVID-19 domaine de la communication « afin d’inonder
en publiant des listes de cas Internet de faits et de contenu scientifique »,
vérifiés et démentis. tout en luttant contre le fléau grandissant de la
mésinformation qu’il décrit comme « un poison
qui met encore plus de vies en danger ». Les
Nations Unies ont également appelé des créatifs
3.2.b. Campagnes nationales à produire des contenus qui incluent le terme
et internationales contre la ‘démystifier’.
désinformation • L’UNESCO a produit un contenu en langues locales
intitulé ‘Destructeur de mésinformation’.
Ce type de réponses se concentrent sur le
• Le gouvernement sudafricain a décrété que tout
développement de récits contraires pour contester
site Web fonctionnant avec un nom de domaine
la désinformation sur le COVID-19 et cherchent à
de premier niveau zaDNA doit avoir une page
mobiliser les communautés en ligne pour aider à
de destination avec un lien visible vers www.
diffuser des informations officielles sur la santé
sacoronavirus.co.za (site national sur le COVID- 19).
publique, ainsi que pour démentir le contenu
considéré faux. Des partenariats ont été créés • Le gouvernement britannique dispose d’une
entre différentes entreprises du secteur de la ‘cellule contre la désinformation’ composé
communication Internet et les autorités pour d’experts du gouvernement et du secteur des
garantir des canaux interactifs pour le contenu technologies. Il comprend une ‘unité de réponse
officiel. Les mesures dans cette catégorie rapide’ conçue pour « mettre fin à la propagation
comprennent des campagnes et la création d’unités de contrevérités et de rumeurs qui pourraient
spéciales chargées de produire du contenu pour coûter des vies ».
lutter contre la désinformation.
• Le gouvernement indien a lancé un chatbot
WhatsApp conçu pour lutter contre la
désinformation liée au COVID-19.
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4. Conclusion
Cette note d’orientation a présenté deux typologies pour comprendre la désinfodémie:
• Premièrement, cette analyse a identifié neuf thèmes
clé et quatre types de formats principaux qui
prévalent dans la désinformation sur la crise du
COVID-19. Ces thèmes vont des fausses informations
sur les origines du virus, son incidence, les symptômes
et les remèdes jusqu’aux attaques politiques contre
les journalistes. Les formats utilisés comprennent des
modalités familières : des constructions narratives
très fortes émotionnellement et des mèmes, des
images et vidéos inventées, frauduleusement
modifiées ou décontextualisées, des campagnes
organisées d’infiltration et de désinformation et de
faux sites Web, ensembles de données et sources.
• Deuxièmement, afin de comprendre l’éventail des Le Programme de communication et
réponses à la désinfodémie, cette analyse regroupe d’information pour lequel l’UNESCO est
ces interventions en 10 catégories. Celles-ci, à leur mandaté semble plus pertinent que jamais en
tour, se répartissent en quatre catégories principales: ce qui concerne la désinfodémie. Le travail en
cours implique:
»» Suivi et enquête (qui aident à identifier
la désinformation sur le COVID-19, à la • la liberté d’expression et la sécurité des
démentir et à l’exposer) journalistes – il s’agit de promouvoir un
journalisme de qualité libre, pluraliste,
»» Lois, règlementations et réponses des indépendant et sûr, antidote à la
États visant à combattre la désinfodémie désinformation (et également aux réactions
(qui représentent ensemble la excessives qui peuvent restreindre
gouvernance des écosystèmes) l’expression de manière injustifiée).
»» Curation, réponses technologiques et • l’accès à l’information – il s’agit de
économiques (pertinentes pour les favoriser la transparence et la divulgation
politiques et pratiques des institutions de proactive par les gouvernements, ce qui
médiation de contenu) permet de produire des informations
»» Réponses normatives et éthiques, éducatives, d’origine officielle faisant autorité, comme
de responsabilisation et de crédibilité (ces alternative aux rumeurs et aux mensonges.
réponses sont spécialement destinées aux • les innovations numériques et les
publics cibles de la désinformation). technologies – il s’agit d’examiner
Le but de cette note d’orientation est de présenter comment la technologie produit,
une structure pour comprendre la désinfodémie sur hiérarchise, partage et évalue les
le COVID-19 et les réponses possibles, en mettant informations (et la désinformation).
en évidence les pratiques liées aux Objectifs de • le développement des médias et de
développement durable (ODD) des Nations Unies, le la société – il s’agit de favoriser la
droit à la santé et le droit à la liberté d’expression. résilience grâce à l’éducation aux médias
L’ODD 16.10 appelle à « un accès public à l’information et et à l’information, en faisant progresser
aux libertés fondamentales ». l’égalité des genres dans et par les médias,
Pour poursuivre l’analyse et l’évaluation des types de et les médias communautaires, vecteurs
désinformations présentés ici, l’UNESCO a élaboré une essentiels du pluralisme des médias.
note d’orientation connexe à celle-ci.
Cette deuxième note d’orientation suggère des options
d’action pour les États, les médias, la société civile et
les chercheurs.
Ensemble, ces deux documents sont conçus pour aider
les organisations intergouvernementales, les États,
la société civile, les médias d’information et autres, à
faire face à la désinfodémie qui nourrit la maladie et le
désarroi aujourd’hui dans le monde.
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L’action de l’UNESCO
contre la désinfodémie
En réponse à la crise, le Secteur de la communication et de l’information
de l’UNESCO a intensifié ses travaux concernant les dimensions « offre », «
demande » et « transmission » de la « désinfodémie ».
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En conséquence, nous travaillons avec les sociétés Internet, les
gouvernements, la société civile et d’autres acteurs pour garantir que
l’Internet respecte les droits de l’homme, soit ouvert, accessible à tous et
régi par des processus multipartites. La série de publications de l’UNESCO sur
la liberté d’Internet fournit des indications sur la manière dont les réseaux
numériques peuvent respecter la liberté d’expression et la vie privée, tout en
évitant les discours de haine et la radicalisation de l’extrémisme violent qui
se combinent avec la désinformation.
À bien des égards, l’UNESCO fait valoir que les droits à la liberté
d’expression et à l’accès à l’information sont de puissants remèdes aux
dangers de la désinformation.
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Méthodologie
Les résultats présentés ici sont le résultat professionnels de santé, les ONG, les think tanks
d’une recherche documentaire effectuée par les et les publications universitaires. Les mots clés
auteurs, avec des contributions fournies par les utilisés étaient les suivants : désinformation,
collaborateurs de recherche suivants : Denis mésinformation, COVID-19, coronavirus, épidémie
Teyssou (AFP), Clara Hanot (EU Disinfo Lab), Trisha et pandémie.
Meyer (Vrije Universiteit Brussel), Sam Gregory La recherche visait à inclure des sources
(Témoin) et Diana Maynard (Université de Sheffield). provenant de pays de tous les continents,
L’ensemble de données sur lequel les résultats y compris si possible (selon les capacités
sont basés se compose d’un échantillon de plus linguistiques des chercheurs), des documents
de 200 articles, notes d’orientation et rapports de dans d’autres langues que l’anglais. Ces sources
recherche. Cet ensemble de données a été identifié collectées ont maintenant été regroupées dans
par les chercheurs, qui ont systématiquement une base de données qui sera continuellement
recherché les bases de données publiques mise à jour au cours des prochains mois et qui est
sélectionnées par le Réseau international de accessible au public en cliquant ici . Bien que la
vérification des faits (IFCN) du Poynter Institute, désinfodémie évolue rapidement et soit de grande
et l’Index sur la censure, l’Institut international envergure, cette note d’orientation représente
de la presse (IPI) et First Draft News, ainsi que les des conclusions basées sur un instantané des
sites d’information en ligne, les gouvernements, matériaux sources contenus dans cette base de
les organisations intergouvernementales, les données, au 10 avril 2020.
Les auteurs
Note d’orientation 2
DÉSINFODÉMIE:
Dissection des réponses
à la désinformation sur le Cette note d’orientation a été soutenue par le
COVID-19
Centre international des journalistes (ICFJ), qui
soutient les journalistes travaillant en première
ligne de la désinfodémie dans le monde entier,
afin de garantir que des informations de santé
publique précises, fiables et vérifiables atteignent
les communautés partout dans le monde.
Publié en 2020 par l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture, 7, place de Fontenoy,
75352 Paris 07 SP, France© UNESCO. Cette note d’orientation est disponible en Accès Libre sous la licence Attribution-
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