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Transcription
- C’est un phénomène dont on parle de plus en plus, une fatigue que les vacances n’auront sans doute pas
suffi à combler : la fatigue informationnelle. Bonjour David Medioni. Vous êtes journaliste, directeur de
l'Observatoire des médias de la Fondation Jean Jaurès, et vous publiez un ouvrage sur le sujet, Quand l'info
épuise, coécrit avec Guénaëlle Gault, aux éditions de l'Aube, une synthèse d'une enquête menée à la
Fondation Jean Jaurès. La fatigue informationnelle, d’abord, David Medioni, qu’est-ce que c’est précisément ?
- Pour définir la fatigue informationnelle, nous sommes partis de la notion qu'avait créée Edgar Morin de
nuages informationnels, qu’il avait créée au début des années 1980, qui était cette impression de ne plus y
voir clair dans l'information. La fatigue informationnelle, en fait, ajoute une dimension de ressenti, cette idée
que finalement le citoyen, le consommateur d'informations, est noyé sous un flux d'informations continues,
qu'il n'arrive plus à y voir clair, qu'il n'arrive plus à se faire une idée précise du monde. Donc finalement la
fatigue informationnelle, c’est cette idée que le nuage informationnel, il nous a d’abord aveuglés, et
aujourd'hui, il nous tombe dessus, un peu comme le ciel d’Astérix, c’est-à-dire que le nuage informationnel
nous tombe dessus, et nous épuise, c’est pour ça qu’on ressent la fatigue informationnelle, qui est finalement
ressentie par 53 % des Français, c’est le chiffre qu’on avait publié l’année dernière avec la Fondation Jean
Jaurès. Et surtout, qui est encore plus intéressant à mon avis comme chiffre, c’est 38 % des Français déclarent
la ressentir de manière intense souvent, très souvent. Donc c’est vraiment un phénomène important
aujourd'hui dans notre univers informationnel.
- Et comment ça se manifeste, concrètement ? Est-ce que ça veut dire que de plus en plus de Français arrêtent
de lire les journaux, éteignent la radio, la télé, au moment des infos ?
- Oui oui tout à fait, ça c’est vraiment les phénomènes de retrait. D’abord, la première manifestation, c’est
cette idée qu’on va arrêter d’avoir des notifications sur notre téléphone portable. C’est vraiment la première
manifestation du retrait. La deuxième manifestation du retrait, c’est cette idée que on va s’arrêter de
s'informer, parce qu’il y a plusieurs interrogés qui nous ont dit de manière un peu qualitative que finalement
ça les déprimait sur l'état du monde. Moi c’est quelque chose qui m'a vraiment interpellé en tant que
journaliste, c’est-à-dire : comment il est possible que l'information nous déprime sur l'état du monde, et nous
déprime sur l’état de l'humanité ? Et donc finalement c’est cette idée qu’il y a à la fois de l'anxiété au niveau de
ce que sont les informations, mais aussi une façon de, dans le traitement des informations par les médias,
qui est à mon avis très importante et très intéressante de questionner.
- Et le phénomène s'est aggravé ces dernières années avec une actualité aussi de plus en plus anxiogène : on
a quand même des crises économiques à répétition, on a une pandémie, une guerre en Ukraine, c'est vrai
qu'il y a quand même une succession d'actualités dramatiques.
- C’est vrai qu’il y a une succession d’activités dramatiques, mais il y a aussi cette question du flux, c’est-à-dire
on est chacun d'entre nous est soumis à 8,3 canaux d'informations en moyenne pour s'informer. Donc c'est
vraiment énorme, c'est vraiment quelque chose de très important, et il y a cette forte prédominance des
réseaux sociaux dans la façon de s'informer des Français. Et donc il y a cette idée qu’on est dans un flux
permanent, et en fait on ne voit plus quelles sont les bornes, quelles sont les limites, quel est le début, quelle
est la fin… Et finalement, il n'y a plus de hiérarchie des choses qui sont importantes pour nous. Et c'est ça qui
conduit à ressentir cette fatigue, à ressentir du stress, à ressentir de l’anxiété, et certainement aussi à se dire
que les médias, la façon dont les médias nous informent n'est pas une façon, une bonne façon de nous
informer, c’est vraiment ce qui ressort aussi des études. Et le Covid, notamment, a été une des formes
d'accélération chez ces populations qui recherchent des récits alternatifs. Souvent parfois du fact-checking et
souvent du conspirationnisme ou du complotisme.
Compréhension générale : lisez les questions, écoutez l'audio une fois, puis répondez.
Écoutez l'audio une seconde fois, et complétez vos réponses.
Les journalistes David Medioni et Guenaëlle Gault se sont intéressés à une idée expérimentée à
l'université de Pensylvanie en 2018. Pour cette expérience, environ 200 personnes ont été tirées au sort. À
une partie du groupe, on a communiqué la consigne suivante : « Vous, vous n'avez pas le droit d'utiliser
les réseaux sociaux plus de 30 minutes par jour ». L’autre partie de l’échantillon faisait ce qu’elle voulait
pendant deux heures et demie maximum. Et il est sorti de cette étude que les facteurs de stress,
d'anxiété, de peur de rater une information, étaient beaucoup moins importants chez ceux qui avaient
utilisé les réseaux sociaux pendant 30 minutes seulement que chez les autres, qui avaient utilisé les
réseaux sociaux de manière « irraisonnée ».
MÉDIAS ET INFORMATIONS
Complétez avec les mots suivants (en gras dans la transcription du document) :
enquête flux s’informer traitement canaux d’information
récits alternatifs le fact-checking le complotisme.
7. Il faut trier les choses qui nous intéressent dans le d’information qu’on
reçoit chaque jour.
« ça nous tombe dessus » : quelque chose se passe, nous arrive, et ce n’était pas attendu/prévu. Il y
a des effets négatifs. Ce projet nous tombe dessus alors que nous sommes dans une période déjà
stressante.
se manifester : quelque chose apparaît, devient visible, se montre. Le Covid se manifeste d’abord par
de la toux et de la fièvre.
l’état du monde : comment est le monde actuellement, en général. Je suis inquiète pour l’état du
monde : entre les crises économiques et sanitaires et le réchauffement climatique, je ne suis pas très
optimiste.
anxiogène : qui provoque de l’anxiété, de l’angoisse, une forme d’inquiétude stressante. Lire autant
de mauvaises nouvelles, c’est anxiogène.
à répétition : qui s’enchaîne, qui arrive de manière successive. Ce client se plaint de pannes à
répétition avec sa nouvelle voiture.
conduire à : amener à faire quelque chose. Les mauvaises nouvelles qu’on entend chaque jour l’ont
conduite à arrêter de regarder les infos.