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LES INCUNABLES

Revue congolaise des sciences de l’information


et de la communication

ISSN 2414-4290 N°05 - décembre 2020

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ISSN- 2414-4290 Les Incunables n°5 décembre 2020

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LES INCUNABLES
Revue congolaise des sciences de l’information
et de la communication

ISSN 2414-4290 N°05 - décembre 2020

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ISSN- 2414-4290 Les Incunables n°5 décembre 2020

LES INCUNABLES
Revue congolaise des sciences de l’information et de la communication
Université Marien Ngouabi
Faculté des Lettres, Arts et Sciences Humaines
Parcours Des Sciences et Techniques de la Communication
BP : 2642- Brazzaville (Congo)

Directeur de publication :
Jean-Félix MAKOSSO, Maître de conférences, Cames

Rédacteur en chef :
Dr François BIYELE, Maitre-Assistant, CAMES

Comité scientifique :
Abolou Camille Roger, Université Bouake, Marie-France Blanquet, Pro-
fesseur honoraire des universités, Kiyindou Alain, Université Bordeaux Mon-
taigne, Damome Etienne, Université Bordeaux Montaigne, N’goran Poame
Léa, Université Bouake, Chaudiron Stephane, Université Lille 3, Nanga Ad-
jaffi Angéline, Université Houphouet Boigny, Coutant Alexandre, Université
Besançon, Mombo Alain Michel, Université Marien Ngouabi, Tsokini Dieu-
donné, Université Marien Ngouabi, Nsonssissa Auguste, Université Marien
Ngouabi, Ntetani Lucien, ESG Paris, Ngassaki Basile Marius, Université Ma-
rien Ngouabi, Ngamountsika Edouard, Université Marien Ngouabi, Toa
Agnini Jules, Université Houphouet Boigny, Gakosso Jean-Claude, Univer-
sité Marien Ngouabi, Miyouna Ludovic Robert, Université Marien Ngouabi,
Boudimbou Bienvenu, Université Marien Ngouabi.

Comité de lecture :
Theodora Milly, Georges Madiba, Kouango Elie Roger, Ossombo Yombo
Remy, Nganga Elie Sosthène, Moussavou Ferdinand, Locko Arsene, Ismael
de Broux Koffi, Jean-Baptiste Boulingui, Thomas Atenga.

Comité de rédaction :
Passi-Bibene, Biyélé François, Ngoma Benjamin, Bossoto Idriss Antonin,
Boudimbou Bienvenu, Makosso Jean-Félix, Ndeke Jonas, Ngoma Seraphin,
Ngatse Lili Stephanie, Dimix Nicole Laure Theodora, Locko Davy.

ISSN 2414-4290

Couverture : Photo Josse Bade 1519


Conception maquette et mise en pages : Nkanakwono

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SOMMAIRE

AKÉ Affoué Hélène / KOUAMÉ Aya Carelle Prisca / OULAI Jean-Claude


Quelle sensibilisation sur la Covid-19 en Côte d’Ivoire face à l’explo-
sion des fake news ? ……………………………………………….. 7

BIBENE Passi
Place des langues vernaculaires dans les radios congolaises de proxi-
mité ……………………………………………………………….. 23

KRA Raymond Kouassi / KONAN Loukou


Communication publique et gestion de la pandemie du COVID-19 en
Côte d’Ivoire : de la communication de crise à la crise de la commu-
nication …………….……………………………………………... 35

LOCKO Davy Arsell


La Grande Bibliotheque Universitaire : cartographie d’une frequenta-
tion ………………………………………………………………... 53

NGOMA Séraphin / MAKOSSO Jean-Félix


La prise en charge du VIH/Sida : analyse de la métacommunication
des échanges entre le personnel soignant et les personnes vivant avec
le VIH en République du Congo. Cas de la commune de Sibiti ..…. 77

NGOYI Jean Thibaut


L’ethos des dirigeants du monde au travers de la communication pu-
blique dans le contexte Covid-19 ………………………………… 99

NIAMKEY Aka / SIBIRI Yeo


La théorie du complot et les représentations des innovations liées à la
pandémie du Coronavirus ……………….……………………..... 125

OULAI Jean-Claude
Développement glocal à l’ère du numérique en Côte d’Ivoire …… 143

VARIA

OUDENON Martine, épse BLEY / ATTA Kouadio Yeboua Germain /


SADIA Martin Armand
Bilinguisme en Côte d’Ivoire : état des lieux de l’apprentissage de la
seconde langue dans le primaire …………………………………. 159

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QUELLE SENSIBILISATION SUR LA COVID-19 EN CÔTE
D’IVOIRE FACE A L’EXPLOSION DES FAKE NEWS ?

Affoué Hélène AKÉ / Aya Carelle Prisca KOUAMÉ /


Jean-Claude OULAI

Institut National Supérieur des Arts & de l’Action Culturelle (INSAAC),


Côte d’Ivoire / Université Alassane Ouattara, Côte d’Ivoire / Université
Alassane Ouattara, Côte d’Ivoire

affouehelenea@yahoo.com / carellepriscaayakouame@yahoo.fr / jean-


claudeoulai@uao.edu.ci

Résumé : Les Réseaux Sociaux Numériques (RSN) du point de vue des pro-
fessionnels des médias ne peuvent s’analyser que par rapport aux choix de
leurs contenus conformes aux normes dominantes et statistiquement plus pro-
bable. Aussi, leur évolution dans un monde en permanente mutation, comme
le nôtre doit-il se référer constamment aux valeurs qui régissent l’importance
et les règles de diffusion d’une information. Socrate préconisait de toujours
passer ce que l’on a à dire à travers le filtre de trois tamis : est-ce Vrai ? Bon
? Utile ?1 Voilà certainement trois questions qui pourraient servir de filtre à
la diffusion d’une quelconque information sur les réseaux sociaux numé-
riques. Relativement à la crise sanitaire occasionnée par la COVID-19, nous
assistons à un déferlement d’informations sur les RSN, associant à la fois
l’aspect informatif, la peur et la banalisation. Ce travail, se propose, au
prisme de la communication sociale, de réorienter les messages de sensibili-
sation pour qu’ils répondent au mieux aux politiques de maîtrise de cette
pandémie au regard de la propension des fakes news. Pour y parvenir, nous
avons opté pour la peur comme approche psychosociale. L’analyse de con-
tenu nous permet comprendre la question des fakes news sur leurs supports
de diffusion, l’environnement qui favorise leur émergence afin de créer un
cadre adéquat pour communiquer avec les populations tout en tenant compte
de leurs présences par le biais des focus groupe et l’observation.

Mots-Clés : Fake news – Sensibilisation – Covid-19 – Communication –


Santé – Réseaux

1 Marie-Pierre Gariel, Les défis de l’éducation aux et à l’information, éd., Les Journaux Offi-
ciels, Décembre 2019, p.10

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Abstract : From the point of view of media professionals, Digital Social Net-
works (DSN) can only be analyzed in relation to the choices of their content
that comply with the dominant standards and are statistically more
likely. Therefore, their evolution in a constantly changing world, as ours must
constantly refer to the values that govern the importance and the rules for
disseminating information. Socrates advocated to always pass what one has
to say through the filter of three sieves: is it True? Good? Useful ? Those are
certainly three questions that could be used as a filter for the dissemination
of any information on digital social networks. With respect to the health crisis
caused by COVID-19, we are witnessing a flood of information on NSN, com-
bining both informational, fear and trivialization. This work, from the per-
spective of social communication, aims to reorient awareness messages so
that they best respond to the policies of control of this pandemic with regard
to the propensity of fake news. To achieve this, we opted for fear as a psycho-
social approach. Content analysis allows us to understand the issue of fake
news on their broadcast media, the environment that promotes their emer-
gence in order to create an adequate framework for communicating with pop-
ulations while taking into account their presence through group focus and
observation.

Key-Words : Fake news – Awareness – Covid-19 – Communication – Health


– Networks

Introduction
Sans vouloir rechercher une improbable vérité, d’ores et déjà, nous pou-
vons comprendre que la révolution en matière de communication, d’interac-
tion s’est démocratisée au point de permettre à chacun de donner libre coup
à sa façon de penser, de transmettre des données sans parfois vérifier le con-
tenu. Cela a fait émerger de nouvelles formes d’informations dans cet univers
numérique que sont les fakes news. Certains écrits placent leurs naissances
depuis l’apparition de la manipulation de l’information, qui a commencé bien
avant la naissance des moyens de communication moderne et les règles im-
posés par ceux-ci en matière d’intégrité de l’information. Un exemple inté-
ressant remonte à la Rome antique et à la rencontre entre Antoine et Cléo-
pâtre : « l’adversaire politique d’Antoine, Octavien, orchestre la diffusion de
rumeurs à l’encontre du premier par de brefs slogans caustiques, imprimés
sur des pièces de monnaie, comme des sortes d’ancêtres des Tweets. L’auteur
de cette campagne de dénigrement deviendra le premier empereur romain :
c’est, donc, grâce aux fausses nouvelles qu’Octavien réussit à mettre fin, une

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fois pour toutes, au régime républicain ».2 Dans cette illustration, le terme
‘’fake news ou fausse information’’ n’a pas été considéré comme ayant une
signification unique ou partagée. Ceci, parce que le terme anglais ‘’news’’
désigne une information vérifiable, d’intérêt général, et que toute information
qui n’est pas conforme à ces critères ne mérite pas d’être appelée comme
telle. Dans cet ordre des choses, ‘’fake news’’ est un oxymore qui vise à mi-
ner la crédibilité de l’information qui se situe en marge de la vérifiabilité et
de l’intérêt général, donc de l’information vraie, ou ’’real news ’’. Dans un
tel contexte les fake news ne sont pas tant l’absence de faits. Mais plutôt la
véracité des faits dans un environnement qui favorise la manipulation, la mo-
dification des informations par des individus quelconques. Ainsi, les fakes
news crée chez les individus un véritable péril les soumettant à une régulation
injustifiable et les amènent à se méfier, de tous les contenus, y compris les
contenus de bonne qualité. Dans cet état des faits, les gens ont tendance à
croire ce que les réseaux sociaux leur présentent comme vrai ou faux et qui
correspond à leur sentiment dans l’immédiat, au lieu de chercher à réfléchir
de manière indépendante. Nous pouvons déjà voir l’impact négatif de cette
tendance sur les croyances du public en matière de sciences, de relations in-
terculturelles et de santé comme la pandémie dû au corona virus. Cet impact
sur le public est particulièrement préoccupant en période de pandémie où les
habitudes des individus ont été considérablement bouleversé par de nouveaux
comportements. Chaque communauté communique, informe, sensibilise à
travers tous les supports pour freiner au mieux la propagation de ce virus.
Malheureusement, l’omniprésence des fakes news se fait sentir au quotidien,
biaisant ainsi le poids, la teneur des messages et réduisant cette pandémie
dans certains pays à une simple ‘’maladie des blancs’’. Le but de la désinfor-
mation, en particulier en cette période pandémique, n’est pas nécessairement
de convaincre le public que son contenu est vrai, mais de réduire au mieux la
dangerosité de ce virus, sa capacité à détruire, à impacter négativement tous
les niveaux de notre société, à semer la confusion dans l’information, afin de
réduire le rôle que joue le facteur de rationalité dans le respect des nouvelles
normes sociales. La présente étude, qui est une contribution à la probléma-
tique des fakes news en Côte d’Ivoire, part du constat de leur omniprésence
sur les réseaux sociaux, leurs conséquences sur le contenu des messages de
sensibilisation, sur le comportement des populations dans leur ensemble. Elle

2 La chronologie consacrée à des exemples historiques de « désordres de l’information » – de


Cléopâtre à nos jours – dans le guide publié par l’International Center for Journalists (ICFJ)
Posetti, J & Matthews, A (2018) : https://www.icfj.org/news/short-guide-history-fake-newsand-
désinformation-new-icfj-learning-module [consulté le 23/07/2018]

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(cette étude) repose sur l’observation, le focus groupe pour recueillir les don-
nées passées au filtre de l’analyse de contenu et l’approche de la peur comme
stratégie de communication pour un changement social et comportemental.

I. Etat des lieux


La révolution du numérique dite Web 2.0 a considérablement transformé
l’usage de l’Internet. En presque deux décennies, archiver, transmettre des
messages à une masse, commenter, publier, partager des photos et des vidéos
et échanger des contenus de pair à pair sont devenus des activités relativement
communes pour de nombreux publics au moyen d’outils désormais intercon-
nectés grâce à la ‘’convergence numérique’’. Le développement des supports
adaptés n’est pas resté en marge pour faciliter l’accessibilité de ce nouveau
mode d’échange à toutes les populations sans distinction sociale et intellec-
tuelle. Dans cet univers où connaissances profanes, aguerries se chevauchent,
les professionnels de la communication ont perdu tout contrôle. Les normes
quant aux contenus des messages, les circonstances de leur diffusion, les au-
teurs semblent échappés à tous. C’est dans un tel contexte de liberté accrue
que les réseaux sociaux numériques se sont fait une place spectaculaire. Le
principe de base d’un réseau social numérique en effet, est de se construire à
partir de profils individuels autour desquels se tissent et s’exposent des rela-
tions, se créent ou se partagent des contenus soit dans le cadre d’un relais
pour informer le maximum de personnes en relation, soit influencer à travers
les contenus. Il ressort ici dans un premier temps, le désir de partager pure-
ment du contenu sans vérifier au préalable les sources, la véracité. Dans un
second temps, relayer l’information compte contenu de la solidarité qui existe
au sein du réseau et pour finir, transmettre du contenu pour influencer positi-
vement ou négativement. Il existe divers types de réseaux sociaux, leur utili-
sation sont fonction des contenus, des utilisateurs, même si les publics diffè-
rent souvent. Une de leurs caractéristiques communes et paradoxales réside
dans le fait que l’individu est au cœur de cette nouvelle forme de sociabilité.
En s’exposant, les socionautes peuvent se mettre en scène, révéler les traits
de leur vie, leur capacité à adhérer facilement aux différents messages diffu-
sés, à modifier leurs habitudes parfois à changer de comportements à travers
ce qu’ils reçoivent dans cet espace virtuel. Où chacun s’exprime sans toujours
prendre en compte l’état psychologique des partenaires. L’essentiel est de se
fabriquer une identité, dans l’espace numérique pour créer des liens avec les
autres. Les réseaux sociaux numériques constituent des outils extrêmement
puissants et attractifs en ce sens qu’ils permettent non seulement d’extériori-
ser l’état d’esprit des uns et des autres, mais surtout de transmettre des infor-
mations de tout genre, qu’elles soient erronées, vraies, mensongères, où ce

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que l’on appelle dans ce milieu fake news, toujours est-il qu’il faut trans-
mettre. Alors, qu’est-ce qu’un fake new ? D’où proviennent-ils ?
Fake new ou fausse nouvelle, intox, selon Michael M. Epstein (2018) est
tout simplement un « nouveau vin dans une vieille bouteille ». 3 En réalité, il
y a toujours eu de fausses nouvelles, des canulars en rapport avec certaines
campagnes de propagandes. Les fakes news de l’ère américaine n’est pas dif-
férente de la manipulation des informations que nous connaissons. Mais cette
fois le cadre est différent et lui donne plus de teneur et une propagation plus
rapide. Mathieu-Robert Sauvé met ce changement dans la manipulation des
informations en rapport avec son cadre conceptuel que sont les réseaux so-
ciaux. Il dit à ce sujet que : « La déferlante de fake news est à mettre en rela-
tion avec le changement de paradigme de la circulation de l’information ».4
Le changement de paradigme de la circulation dont il est question renvoie
dans un premier temps aux facilités, à l’aisance dans le traitement des infor-
mations que donne l’outil informatique à travers les logiciels. Chaque indi-
vidu est capable à partir de son terminal, son ordinateur de construire une
histoire avec des acteurs et la coller à la réalité. Les fakes news échappent le
plus souvent à la vigilance du public à cause du fait que leurs auteurs s’ins-
pirent des évènements qui prévalent.
Il est avant tout un emprunt de l’anglais et fruit d’une manipulation des
sources de diffusion de l’information sur les réseaux sociaux. Audureau Wil-
liams (2017) quant à lui stipule qu’« On les traduit souvent à tort par “fausses
informations” ou “faux articles”, ratant que la fake news n’est pas seulement
erronée : elle est volontairement trompeuse. C’est un faux, une imitation, une
contrefaçon [...] qui emprunte à la presse traditionnelle ses codes et sa pré-
sentation, pour se maquiller comme un exercice journalistique ».5 En ce sens
que les auteurs se servent toujours de la réalité, de l’actualité qui prévaut et
construisent autour de celles-ci des informations, des opinions personnelles
soit pour décrédibiliser certains auteurs soit pour une propagande. Elles se
basent sur une technologie très élaborée, mélange d’intelligence artificielle et
de reconnaissance faciale. Elles permettent de ‘’faire dire’’ ou de ‘’faire
faire’’ n'importe quoi à n'importe qui de façon hyperréaliste. Le but premier
ici, c’est de créer, de monter une information, une vidéo ou une opinion de
toutes pièces pour tromper ou manipuler son auditoire. Les fakes news met-
tent en avant deux entités dont parle Dominique Cardon (2019) en ces

3 networks.h-net. org/node/73374/announcements/190005/fake-news-and-weaponizeddefama-
tion-global-perspectives, Michael M. Epstein, «New wine in old bottles? », Janvier 2018.
4 Mathieu-Robert Sauvé, Quelle société de l’information ? Pour quelles bibliothèques/ser-
vices d’archives ?, Volume 64, Numéro 4, Octobre–Décembre 2018, p. 12–18
5 Audureau, W., Faits alternatifs, fake news, post-vérité… petit lexique de la crise de l’informa-
tion, 2017. www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2017/01/25/faits-alternatifs-fake-news-post-
verite-petit-lexique-de-la-crise-de-l-information_5068848_4355770.html

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termes : « la panique sur les effets des fake news est très largement exagérée
et les technologies numériques, à elles seules, ne peuvent être rendues res-
ponsables de phénomènes politiques globaux ».6 Les technologies numé-
riques traduits par les réseaux sociaux et les acteurs connus et invisibles sont
les responsables dont il parle. Les acteurs visibles ceux qui diffusent les fakes
news et parfois les politiques qui sont en arrière-plan ou acteurs invisibles
pour présenter leurs idéologiques, comme ça été le cas de la campagne du
président américain Donald Trump lors de la présidentielle de 2016. C’est à
partir de cette date d’ailleurs que le concept a pris de l’ampleur, bien qu’il
existait déjà. C’est ce que l’on a vu également avec la pandémie à COVID-
19 en Côte d’Ivoire où de nombreux posts, vidéos ont fait le tour des réseaux
sociaux mettant en péril les messages de sensibilisation sur les nouvelles ha-
bitudes à adopter. Des messages visant à réduire la maladie à un simple ma-
laise et l’assimilant à l’Européen ont assailli les médias sociaux. Les auteurs
invitaient leurs ‘’amis’’ à partager au maximum dans les différents groupes
et pages. En effet, au cœur de la crise sanitaire, les réseaux sociaux étaient
envahis par des messages, des vidéos expliquant aux ivoiriens et par ricochet
aux africains que la COVID-19 était une politique européenne pour déverser
le surplus de leur production pharmaceutique en Afrique. Ces messages ou
vidéos à caractère incitatif présageaient d’ores déjà un échec des campagnes.
Nous avons eu des exemples notamment au niveau des masques et des tests
de dépistages qui selon ces internautes étaient déjà contaminés, un virus fa-
briqué dans des laboratoires européens en vue de décimer tout le continent
africain. Des campagnes de vaccination-tests étaient semblent-ils program-
mées pour les Africains. Il fallait se méfier de tout ce qui provenait des pays
du nord. Conséquences, les nouvelles habitudes pour freiner la propagation
du virus étaient difficilement respectées et respectables. Tous ces fakes news
ont constitué de véritables freins à la plupart des campagnes de sensibilisa-
tions pour le changement. Du point de vu comportemental, les fakes news
représentent une construction purement psychologique, basée sur des faits
réels. Mais, dont les origines retentissent dans la portée du réseau qui est so-
cial comme support privilégié de sa diffusion. Leur sociabilité réside dans les
liens que développent les membres du réseau et des règles que requièrent
ceux-ci, à savoir : certaines valeurs, habitudes, traits caractéristiques que par-
tagent les membres d’un même groupe dans le réseau. Ces éléments créent
une certaine confiance qui donne une caution morale à ces fakes news, d’où
leur omniprésence et leur capacité à toujours déferler l’actualité et à influen-
cer les comportements des individus, comme le cas des nouvelles habitudes
face au corona virus, qui tournait parfois au ridicule par la population. Des

6 D. CARDON, Pourquoi avons-nous si peur des fakes news, in AOC (Analyse, Opinion, Cri-
tique), Juin 2019

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réactions des populations qui ont conduit à de vives tensions surtout dans la
construction des centres de dépistages dans certaines communes de la Côte
d’Ivoire.

II. Analyse des messages et des facteurs favorables aux fakes news
« Chers parents, n’acceptez pas les masques et les tests qui vien-
nent de l’Europe, ils ont été déjà contaminés par la COVID-19 ».
« Les blancs, ont en tête de décimer toute l’Afrique. La nouvelle
parade qu’ils ont trouvée c’est ce virus. Soyons vigilants, ne nous
laissons pas distraire. »
« J’ai des amis médecins Français qui m’ont dit que les vaccins
seront imposés à nos dirigeants au prix de leur pouvoir pour que
nous puissions leur servir de cobayes. Ils sont toujours prêts à col-
laborer avec nos chefs d’Etats qui servent leurs intérêts pour offrir
nos parents comme du bétail pour leur sale besogne. Cette fois
nous ne nous laisserons pas faire. Trop c’est trop. Disons non à
leurs ambitions sadiques ».
« Cette affaire de corona virus là, c’est un grand n’importe quoi.
Les Blancs sont revenus encore avec une autre forme de domina-
tion. Pendant que nous serons en train de nous occuper du virus,
eux ils gèreront nos affaires ».
« Le corona virus n’est pas mortel, il fonctionne comme le palu.
Juste des racines dans la liqueur ou les feuilles de nime suffisent
pour se remettre sur pieds. Ce virus ne peut pas nous tuer. Nous
sommes habitués au palu. En plus, il ne résiste pas à la chaleur dit-
on ».
« Que les Européens arrêtent de nous faire peur avec un virus
qu’eux-mêmes ont fabriqué de toutes pièces et qu’ils ont laissé
s’échapper de leurs laboratoires. Cette fois-ci, ce sont eux-mêmes
que ça tuera ».

Les fakes news, ont inondé les réseaux sociaux pendant plusieurs mois
aux premières heures de l’apparition de la pandémie. Cependant, nous avons
choisi de travailler sur ces six posts recueillis sur Facebook et WhatsApp.
Nous les avons passé en revue, et il en ressort d’abord une récurrence en rap-
port avec le contient européen notamment : Europe, Blancs, Français, Blancs,
Européens, Eux-mêmes, ils, leur, leur, leurs, leurs, eux, ils, leurs. Ensuite, la
deuxième prépondérance renvoie à l’Afrique traduit à travers : parents,
Afrique, nous, j’, dirigeants, nous, chefs d’Etats, leurs, parents, nous, nous,
affaires, nous, nous, nous. Enfin, COVID-19, corona virus, vaccins, corona
virus, virus, virus, virus, il, virus, ça, voilà le lexique qui désigne la pandémie

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de la COVID-19. Ces trois éléments définissent chacun une réalité à savoir :


l’Europe comme l’origine de la pandémie, la COVID-19 le virus et l’Afrique,
la destination du virus. Il ressort de ce décryptage une corrélation entre ces
trois éléments. Elle laisse entrevoir clairement un complot de l’Europe contre
l’Afrique assisté par les dirigeants africains. Cette opinion de complot semble
être une idée préconçue des Africains en général et des ivoiriens en particulier
qui tire leurs origines de plusieurs évènements endogènes et exogènes.
Les fakes news dépendent généralement des conditions, de l’environne-
ment dans lequel ils apparaissent et se définissent à chaque période comme
un savoir certes erroné, mais transmis par les réseaux sociaux au moyen des-
quels leur rapport au public est conditionné. Le rôle des conditions d’appari-
tion est en ce sens fondamental à toute saisie de leur impact réel sur les indi-
vidus. Or l’environnement n’existe pas indépendamment de tout un univers
de sens (en constant changement, en ce moment c’est la COVID-19 après un
autre évènement avec ses acteurs…) incarné dans les symboles, des idées,
des opinions, des idéologies lesquels sont essentiels à la présence de fakes
news, autant dans leur capacité à envahir les médias sociaux et à faire écran
aux messages de sensibilisation de cette pandémie. Les conditions de leur
influence négative surtout en cette période de corona virus sont en fait cons-
titutifs à l’horizon significatif dont tout un chacun en a conscience. C’est ce
soutient Jacques Walter (2019) en ces termes : « L’erreur ne se propage, ne
s’amplifie, ne vit enfin qu’à une condition : trouver dans la société où elle se
répand un bouillon de culture favorable ».7 Les fakes news naissent et évo-
luent selon l’environnement. Mais que certains politiques ont voulu engager
dans une transformation en fonction du clivage qui existait déjà entre l’Etat
et les populations ivoiriennes datant de la crise post-électorale de 2011 et bien
d’autres faits socio-économiques tels que : le taux de chômage élevé, la mau-
vaise répartition des biens. Ces faits ont occasionné le démantèlement de cer-
tains centres de test de la COVID-19 dans des communes. Ainsi, qu’il soit
question des évènements qui prévalent, des acteurs visibles ou invisibles à
proprement parler, le rôle des fakes news dans la gestion de la COVID-19 en
Côte d’Ivoire se pose de la même façon, c’est-à-dire que les raisons sous-
jacentes sont intrinsèques à leur degré de manipulation accrue par laquelle
advient le rapprochement entre la population et l’Etat dans la gestion de cette
crise sanitaire dans un premier temps. Cette mise en relation que rend possible
les effets négatifs des fakes news, la population, l’Etat et à l’Europe (l’origine

7 Jacques Walter, (Réed.), Réflexion d’un historien sur les fausses nouvelles de la guerre, éd.,
Allia, 2019, https://www.editionsallia.com/fr/livre/268/reflexions-dun-historien-sur-lesfausses-
nouvelles-de-laguerre

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de la pandémie) donne plus de caution à ce type d’information erronée. Dans


un second temps les raisons de la confiance délétère entre les pays du nord et
la population africaine et leur hégémonie. L’Europe considérée comme le
continent qui caractérise tous les maux de l’Afrique à travers le néocolonia-
lisme, les relations économiques qui profitent semble-t-il seulement à l’Eu-
rope etc. Tout ceci apparait alors comme des éléments déclencheurs de cette
manipulation des informations sur les réseaux sociaux. Il s’ensuit que ces rai-
sons se présentent autant comme ce qui présuppose, crée l’ouverture de con-
naissance erronée de cette pandémie au sein de la subjectivité individuelle, et
ce par la voie des socionautes qui assurent la transmission des fakes news sur
les réseaux sociaux. Les supposés informations sur cette maladie a mis à nu
l’incapacité, la fragilité des systèmes de communication au sein des popula-
tions et des comités de gestion de la pandémie mis en place par l’Etat. Certes,
il existe d’autres sources de motivations des acteurs qui semble-t-il échappe
à une analyse à cause du fait que tous les individus utilisant les réseaux so-
ciaux n’ont pas la maitrise de l’outil internet. Cependant, la manière dont les
premières raisons ont participé à inonder les réseaux sociaux de fakes news
sur les campagnes mis en place par l’Etat participe à construire un monde
abondamment influencer par un système de communication avec certaine-
ment peu d’attention eu égard aux proportions que prennent les nouveaux
médias quant à leur utilisation. Au-delà de cette dichotomie, affirmer la pré-
supposition de ce phénomène sans le connaitre réellement ne signifie pas que
la saisie du réelle heurte qu’a connue les messages de sensibilisation pour le
changement de comportement en période pandémique devrait rester sans ana-
lyse de ces fakes news. Mais, au contraire, cela devait pourvoir servir de sup-
port d’étude pour mieux formuler les messages et les insérer dans cet univers
virtuel préalablement biaisé par ce phénomène. De cette façon, aborder ces
supports de communication révèlerait certainement les principes de retourner
cette situation en faveur des messages de sensibilisation sur les réseaux so-
ciaux à l’avenir.

III. La peur comme approche de communication et de sensibilisation


1. La peur en question
Le philosophe allemand Hans Jonas semble se résigner à solliciter ce ni-
veau infra-humain en élaborant ce qu’il nomme une “ herméneutique de la
peur ”, cette compréhension du risque aiguisée par le sentiment d’une catas-
trophe imminente. Mais qui parle “ herméneutique ” dit “ compréhension ”,
et que peut-on appréhender sous l’effet de la peur ? La première réponse qui
nous vient dans l’immédiat est que : nous ne sommes pas des êtres surnatu-
rels, que notre espèce est fragile, que notre humanité semble parfois tellement
accomplie qu’il est bien meilleur de s’en remettre à l’ordre spontané qui nous

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invite à cesser de vouloir l’impossible dans la nature. Nous comprenons en


réalité que nous sommes vecteurs de désordre, d’égoïsme et nous nous en-
trainons nous-même à des fins suicidaires. On voit donc que, la peur est une
faculté d’a uto-réflexion et de connaissance, qu’elle est l’objet d’un devoir
moral, qu’elle est un sentiment moral, qu’elle est enfin une méthode d’appel
à l’ordre, là où la responsabilité est trop faible. C’est pourquoi certains au-
teurs se serviront d’elle pour véhiculer des messages de sensibilisation, sur-
tout là où l’adhésion du public cible par l’éducation a échoué. Car, en réalité,
notre responsabilité est en effet trop faible, en ce sens que nous ne pouvons
pas toujours prévoir les effets à long terme de nos actions techniques, comme
dans le cas des fakes news. Nous ne savons pas également, ou plus très bien,
ce qui a vraiment besoin d’être protégé et sauvegardé dans la situation ac-
tuelle que l’humanité toute entière traverse. Pour ces socionautes ivoiriens,
tant que le péril des actions sont des pays du nord, on ignore ce qui doit être
protégé et pourquoi il le doit : contrairement à toute logique et à toute mé-
thode. Finalement, le savoir à ce sujet de ce que nous voulons protéger, pro-
cède de ce contre quoi il faut se protéger. C’est ce péril qui nous apparaît
d’abord et nous apprend, par la révolte du sentiment qui devance le savoir, à
voir la valeur dont le contraire nous affecte de cette façon, pourrait souvent
nous plonger dans un chaos. Parfois, nous connaissons seulement ce qui est
en jeu, non pas ce qui pourrait avoir comme conséquence comme le cas de la
COVID-19. Alors que l’ignorance des enjeux sanitaires réels peut nous cou-
ter la fin de notre société. Voilà aussi ce qui humilie la raison humaine : le
mal est beaucoup plus lisible, beaucoup mieux connu que le bien. C’est donc
notre peur du danger qui pourrait dans ce cas d’espèce, avant tout nous ap-
prendre quelque chose sur la question. Le sentiment en réalité précède, sus-
cite et donc accroît le savoir. Ainsi, explique encore Hans Jonas (1979), «
c’est seulement la prévision d’une déformation de l’homme qui nous procure
le concept de l’homme qu’il s’agit de protéger, et nous avons besoin de la
menace contre l’image de l’homme et de types tout à fait spécifiques de me-
nace pour nous assurer d’une image vraie de l’homme grâce à la frayeur éma-
nant de cette menace ».8 Voilà l’importance d’user de la peur en de telles
circonstances. C’est d’ailleurs la première obligation de l’éthique de la res-
ponsabilité que nous devons avoir face à une situation bien donnée comme le
cas du corona virus. Malheureusement, cette imagination à elle seule n’est
pas suffisante. Il nous faut donc convoquer des sentiments qui soient l’ex-
pression de ces maux (fakes news) : c’est la seconde obligation morale que
nous devons avoir. Cette obligation est appréhendée par Bernard Sève (1990)
sous cet angle : « nous devons nous faire peur, non comme les gosses avec

8 HANS J., Le principe responsabilité, une éthique pour la civilisation technique, Cerf, 1979, p.
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des histoires de fantômes, mais avec d’inquiétants futurs possibles. La peur


est le vrai sentiment moral (elle joue chez Jonas le rôle du respect chez Kant)
– mais c’est une peur délibérée »9 qui se révèle donc instructive et mobilisa-
trice. Nos questions pourront donc se poser comme telles : l’usage de la peur
peut-il permettre aux ivoiriens de s’engager résolument dans ce processus de
sensibilisation sur les réseaux sociaux déjà envahi par les fakes news ? L’ap-
proche de la peur pourra-t-elle aider dans le changement de comportement
face à la pandémie ?

2. L’usage de la peur comme approche de sensibilisation


Quelle confiance accorder à la peur ? Est-il efficace de recourir à la peur
dans les campagnes de sensibilisation sur la COVID-19 sur les réseaux so-
ciaux avec la présence de fakes news ? A quel degré “ faire peur ” permettra-
t-il de “ faire face ” à cette pandémie en Côte d’Ivoire, vue le déni provoqué
par les fakes news ? Des pistes de réponse probables s’offrent à nous : dans
la mesure où l’on évitera la fascination qu’exerce sur nous la COVID-19,
dans la mesure où l’amour de la vie en nous sera entier vue le nombre élevé
de décès dû à ce virus présenté déjà sur certaines chaines de télévisions, dans
la mesure où la spectacularisation des messages pourra susciter l’empathie et
non pas la neutralisation des affects si souvent constatée par les psychologues
des médias. Il faudrait dans ce cas que la peur instruise nos populations. L’ex-
périence de certains concitoyens de l’étranger : des témoignages de personnes
condamnées à mort à cause de ce virus, est-il porteur de leçons ou de pitié ?
Invite-t-il à se tourner vers soi-même ou à se projeter sur l’autre que soi tout
en mettant en cause des messages mensongers sur la maladie circulant sur les
réseaux sociaux ? Appelle-t-il la compréhension et l’auto-réflexion ou le
tremblement ? Les terrains d’expérimentation de cette approche résident dans
sa capacité à amener les individus à connaitre la finalité de leurs mauvaises
pratiques ou leurs entêtements comme dans cette étude sur le changement de
comportement en cette période pandémique. Dernier espace où cette ap-
proche de la peur pourrait se faire est celui de l’information et les médias
sociaux. Dans la mesure où Jean-Michel Besnier dit qu’« internet nous ouvre
à tous les délices ».10 Ce laisser-aller débouche sur cette liberté qu’on les in-
ternautes au point de modifier les informations sans tenir compte des consé-
quences sur le public. Dans un tel univers Jean-Michel Besnier affirme que :
« sur ce terrain, la peur me semble requise pour ne pas céder à l’irrationnel et
à la déréalisation du réel ».11 La peur est donc salutaire, parce qu’elle alerte
et ramènent à soi celui qui s’abandonne aux vertiges de l’insignifiant que sont

9 B. SEVE, Hans Jonas et l’éthique de la responsabilité, in Esprit, Octobre 1990, p. 109


10 J.-M. BERNIER, La peur en question, Bruxelles santé, 2003
11 Idem

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les fakes news. « Au moins doit-elle inciter à braver les discours euphoriques,
du type de ceux que tiennent bruyamment les ‘’prophètes de l’Internet’’ »
Jean-Michel Besnier (2003). Pour présenter de façon explicite cette approche
de la peur comme modèle pour la sensibilisation sur la COVID-19 avec la
prépondérance des fakes news, nous nous servirons du modèle d’action de la
peur de Witte K., et Allen M. Les messages du schéma sont en rapport avec
les fakes news recueillies sur les réseaux sociaux.

MODÉLISATION DE L’ACTION DE LA PEUR

1ère EVALUATION

Message de menace

La population ivoirienne (le sujet)

Menace faible Protégeons-nous contre la COVID-19, en res-


pectant les mesures barrières.

Non porteuse de sens ignoré

Menace sérieuse Le corona tue, gardons nos distances

Implication Peur

2e EVALUATION

Réponse recommandée Réponse rcommandée


Perçue comme efficace pas de respect Perçue comme non efficace
des mesures, une mort certaine. pas de respect des mesures, possi-
bilité d’être exposé à une contami-
nation.
Et Et/ou

Sentiment d’être capable Sentiment d’être incapable


de la mettre en œuvre de la mettre en œuvre

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Motivation et passage à l’action Tentative d’élimination de la peur


(déni, évitement défensif rejet)

Source : Modèle proposé par Witte K., coauteur avec Allen M. de A meta
analysis of fear appeals : implications for effective public health campaigns.
Health Education and Behavior 2000 ; 27 (5) : 591-615.

Le message de menace atteint la “ cible ”, qui procède à une première


évaluation. La perception qu’il a de la menace est tributaire d’une part de la
susceptibilité perçue vis-à-vis de cette menace (suis-je concerné ?) et d’autre
part de la sévérité perçue (est-ce vraiment grave ?). A ce stade, soit l’individu
considère la menace faible, ou non porteuse de sens pour lui : dans ce cas, il
ignore le message. Exemple le premier message : protégeons-nous contre la
COVID-19, en respectant les mesures barrières. Un tel message communique
une prise de responsabilité qui ne peut pas contrer les fakes news. Dans la
mesure où la peur n’est pas explicite. Soit, au contraire, la menace est ressen-
tie comme sérieuse et impliquante ; elle éveillera la peur qui poussera à l’ad-
hésion. Comme le message du modèle qui transmet d’emblée la peur à travers
le vocable ‘’tue’’. Ce vocable transcrit l’intention du message clairement :
pas de respect des mesures barrières, il y a la mort. Alors l’individu sera cap-
tivé par le second message et procéder ainsi à une seconde évaluation. Il ana-
lyse la réponse qui lui est recommandée pour éviter la menace. S’il la perçoit
comme efficace (est-elle crédible, me paraît-elle efficace ?) et s’il a le senti-
ment d’être capable de la mettre en œuvre, il sera motivé à changer de com-
portement. Ce procédé nous aide à passer des messages de sensibilisation
pour contrer les fakes news. Cela, nécessite un éveil permanant sur les ré-
seaux sociaux, surtout que les auteurs de ces messages erronés sont très actifs.
Exemple : « Ce virus n’est pas mortel, il fonctionne comme le palu. Juste des
racines dans la liqueur suffisent pour se remettre sur pieds. Ce virus ne peut
pas nous tuer. Nous sommes habitués au palu. En plus, il ne résiste pas à la
chaleur dit-on » exemple message de peur : « Le corona virus résiste à tous
types de climat et il n’y a aucun traitement contre ce virus ». Par ailleurs, si
la réponse présentée est considérée comme non efficace et/ou s’il le sent in-
capable d’adhérer, l’individu essayera d’effacer de sa mémoire la peur par un
déni, un évitement défensif ou un rejet du message que nous lui proposerons.
Ici, il importe de s’assurer que le message est une contre-offensive aux fakes
news auxquelles, il constitue un élément de réponse. Dans cette méta-analyse,
il est nécessaire d’insister, logiquement, sur les propositions suivantes :
- Il faut développer des messages provoquant la peur en augmen-
tant les références d’une part à la sévérité de la menace en tenant

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toujours compte des fakes news. D’autre part à la susceptibilité de


la population vis-à-vis de la menace, surtout que les fakes news
dans le cadre de la campagne sur la COVID-19 ont pour objectif
majeur de créer un réel déni de la maladie chez nos populations.
- Les messages induisant une peur forte ne fonctionnent que s’ils
sont accompagnés de messages traduisant une efficacité forte (per-
ception d’une efficacité forte de la solution proposée et sentiment
fort de capacité d’agir). Cela sous-entend que bien, l’objectif prin-
cipal de cette approche est de créer une adhésion du public cible à
travers des messages sur la peur, il ne faut occulter qu’ils doivent
être sensés et réalistes. Un article de Florence Chauvin (2001) les
présente de manière assez complète. Reprenons-en quelques-unes
: « – Ce modèle est théorique, les messages ont été testés en labo-
ratoire ou en expérimentation : le sujet “ doit ” participer, ce qui
représente un biais (le spectateur en conditions réelles ne détourne-
t-il pas le regard d’une affiche, ne zappe-t-il pas vers un autre pro-
gramme télévisé ?).
- Le récepteur du message peut contrôler sa peur par d’autres voies
que la recommandation de l’émetteur. Il peut notamment s’ap-
puyer sur de fausses croyances (par exemple, “ se laver les parties
génitales au savon prévient une MST et l’usage d’un préservatif
est donc inutile”) ». C’est pourquoi, nous avons choisi dans le
cadre de notre campagne de changement de comportemental de
répondre parfois directement aux fakes news en plus des autres
messages.
- Généralement, le recours à des situations chargées émotionnelle-
ment et aux messages de menace éveille des sentiments mêlés des
individus. La peur coexiste par exemple avec l’étonnement, la co-
lère, la tristesse, le désarroi, etc. Il importe de faire attention aux
réactions des uns et des autres.

Conclusion
Parler de fakes news, renvoie forcément à la manipulation de l’informa-
tion. Ainsi, il existe un prolongement entre cette activité numérique et les
comportements du public-cible. Soient ils appellent un changement profitable
ou nuisible selon leurs contenu et leur capacité à modifier l’actualité et le
comportement des populations, c’est bien le cas en cette période de pandémie
à COVID-19. En d’autres termes, la prépondérance des fakes news a conduit
indubitablement au cours de cette catastrophe sanitaire les populations ivoi-
riennes dans un déni, pourtant le danger sanitaire est réel. Dans un tel envi-

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ronnement où les fakes news au travers des réseaux sociaux ont contré énor-
mément les messages de sensibilisation visant a modifié les comportements
des populations pour freiner la propagation de la pandémie, il fallait avoir
recours à d’autres moyens pour instaurer un climat sécuritaire d’où le choix
de l’approche de la peur dans cette étude. Au terme de notre étude, notre pro-
pos n’est pas de combattre ce phénomène. Mais, il s’agit plutôt pour nous, à
travers cet article, d’amener les populations à percevoir la subtilité ou claire-
ment les influences des fakes news sur les comportements et revisiter les mes-
sages de sensibilisation pour qu’ils atteignent au mieux nos populations cible.

Références Bibliographiques
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