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UNIVERSITE OMAR BONGO

Département des Sciences Economiques


Licence 3 EI/EME
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Economie de l’information
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Pr. ASSOUMOU ONDO

Email: assoumou7ondo@gmail.com

Maître de Conférences Agrégé (CAMES)

Sciences Economiques et Gestion (SEG)

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INTRODUCTION

« Bien informés, les hommes sont des citoyens ; mal informés, ils deviennent des sujets » (Alfred
Sauvy).

L'analyse économique moderne de l'information naît au début des années 1960 de la remise en
cause de l'hypothèse d'information parfaite du modèle économique standard autour duquel s'est
construite la théorie néoclassique aujourd'hui dominante. Certaines approches vont se situer en
rupture avec ce schéma canonique alors que d'autres se contentent de relâcher les hypothèses de
la concurrence parfaite dans une démarche d'approfondissement de la pensée néoclassique,
marquant un renouvellement fondamental de ce cadre conceptuel.

Section 1 : Analyse standard de l’information

Paragraphe 1 : Le concept d’information

0. Concepts Proches

0.1 Donnée

Notion de donnée
Les données décrivent un état. Ces données qui, après analyse, vont donner du sens à celles-ci, ce
qui s'appellera de l'information. Cette définition vaut pour tout document. Un simple papier, porteur
d'un texte peut aussi s'analyser comme porteur de données (les signes alphabétiques) interprétables de
manière à donner du sens : des mots du langage. Les signes sur le papier assemblés en mots sont
décryptés par toute personne possédant les clés : la capacité de lire et la maîtrise de la langue (et de
l'alphabet) en question. Il est donc un intermédiaire entre document et information, la donnée.

0.2 Information : un VECTEUR de données. Des données qui ont un SENS (orientées sur un
Concept, sur un Individu ou un Objet, et Pour une Personne : on distingue donc l’information
Objective et l’information PERCUE par la personne)

L'information est donc cet ensemble de données intelligible, qui prend un sens. À ce sujet, il est
possible de distinguer une définition objective et une définition subjective de l'information.

L’information est un concept de la discipline des « sciences de l'information et de la communication »


(SIC). Au sens étymologique, l'« information » est ce qui donne une forme à l'esprit (Emile Littré).
Elle vient du verbe latin « informare », qui signifie « donner forme à » ou « se former une idée
de ».
L'information désigne à la fois le message à communiquer et les symboles utilisés pour l'écrire. Elle
utilise un code de signes porteurs de sens tels qu'un alphabet de lettres, une base de chiffres, des
idéogrammes ou pictogrammes.
0.3 Connaissance

Une fois décryptées les données et après leur avoir restitué le sens informatif, il reste à
structurer ces informations en vue de leur conférer un sens plus large, le seul qui ait été vécu comme
tel et comme valable pendant des millénaires : la connaissance. L'information en soi n'a donc qu'un
intérêt très relatif. Elle ne vaudra que parce qu'elle sert de « marchepied » pour accéder à la
connaissance. L'information n'en est seulement que le vecteur ; tout comme le document est

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celui de l'information. Un faisceau d'informations permet de constituer, de reconstituer ou d'enrichir
une connaissance sur un sujet.

Cette notion recouvre aujourd'hui l'importance qu'elle avait eue pendant des millénaires ; elle s'était
éclipsée depuis l'isolement du concept d'information au milieu du XXème siècle. Et ceci pour des
raisons évidentes. Si l'on s'intéresse à l'information, si on bâtit une société mondiale sur ce
concept, ce n'est pas pour sa beauté, mais c'est bien parce qu'elle est porteuse d'un sens se
transformant en connaissance.

0.4 Savoir

Un ensemble organisé de connaissances constitue un savoir. Sur un plan de gestion de l'information


et des connaissances, si l'on parvient à modéliser cette organisation en un savoir identifiable, on est
capable de construire, par-delà des bases de connaissances, des systèmes experts, applications d'une
discipline plus large, appelée intelligence artificielle. On sait aujourd'hui que l'intelligence humaine
n'est pas, en l'état actuel des sciences et techniques, entièrement modélisable. Sur un plan purement
humaniste nous sommes tentés de dire : heureusement ! L'esprit humain ne peut être totalement
remplacé par un robot. D'ailleurs, l'être humain n'est pas remplaçable...

1. Définition de l’information

Hors contexte, elle représente le véhicule des données comme dans la théorie de l'information. Et
hors support, elle représente un facteur d'organisation, qui permet à chaque chose d'être reliée aux
autres par les informations échangées. On touche là à un sens fondamental, où une somme
d'informations agrégées devient un sujet. Une information peut être codée par différents moyens
comme des mots, des chiffres, des gestes, un programme informatique, des couleurs ou n'importe
quels autres moyens de communication.
Etant à la fois message (facteur d'organisation) et messager (véhicule), l'information pourrait être
définie comme « ce qui lie notre expérience du monde avec le monde lui-même ».
Définition au sens commun :
Le mot information est parfois utilisé pour théoriser des choses pratiques relevant en réalité de la
perception : un individu a faim parce que son estomac l'a informé de son besoin. La chaleur d'une
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flamme l'informe du risque de brûlure. Il est informé de la visite prochaine d'un ami. L'information
peut être parlée ou écrite et consiste à « savoir ce qui se passe », qu'il s'agisse de l'état du monde
ou dans la vie d'un interlocuteur, ce qu'on n'a ni vu, ni entendu directement.
Pendant des siècles, la rareté de l'information et la difficulté de sa transmission étaient telles « que l'on
croyait de bonne foi que l'information créait de la communication ». Inversement, dans un message
reliant deux êtres humains, l'information du message n'est qu'une toute petite partie de la
communication (manque le contexte, le langage corporel...), d'où la fréquence des malentendus.
Selon Dominique Wolton, le mot « information » est « d'abord lié à une revendication politique : la
liberté d'information comme condition de la démocratie et le complément de la liberté de
conscience », puis « le symbole de la presse » et du « droit de savoir ce qu'il se passe », avant d'être
repris dans l'informatique, pour parler de « système d'information » d'une entreprise.
Le développement d'Internet a multiplié les communications sous forme de blogs et de courrier
électronique, riches en commentaires, où la part d'information est dès le départ modeste et plus
faible (moins concentrée) que dans les « systèmes d'information » des entreprises.
Définition au sens pratique (information vs bruit) :
Une définition pratique et efficace (dans le domaine des systèmes d’information par exemple), est de
définir l'information comme étant une « connaissance pouvant avoir un effet ». Cette connaissance
doit être portée par un support et mise en présence d'une entité (un être humain ou un dispositif)
et que cette entité fasse quelque chose à partir de cette information.
On a donc : connaissance, support, communication, entité, action. On sait travailler sur les aspects
support et communication depuis Shannon, l'identification de la connaissance peut-être caractérisée
par le couple (entité, action).
Une information n'existe en pratique que par l'action qu'elle va susciter.
2. Opposition avec la communication
Les progrès technologiques ont dopé la communication (lien entre émetteur et récepteur et n’est pas
seulement écrite ou orale, elle peut être non verbale = gestuelle), par la rotative et le chemin de fer
au XIXe siècle (un message faisait des jours pour quitter de l’émetteur au récepteur), puis les ondes
hertziennes, le satellite et Internet. L'imprimerie et le train réduisant à une nuit la durée séparant la
production et la consommation de l'information, la presse écrite diffuse des contenus informatifs
beaucoup plus importants : quotidiens de 32 pages puis 64 pages, profitant de coûts moins élevés. La
croissance économique, la colonisation puis la décolonisation, le développement boursier, génèrent
une demande accrue d'information, essentiellement quantitative.

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L'audiovisuel et Internet ont encore abaissé les coûts de diffusion mais pour des contenus
informatifs plus restreints : le nombre de mots d'un journal télévisé est celui d'une page seulement de
journal écrit (cependant il véhicule des informations visuelles et sonores), et Twitter se limite à des
messages de 280 caractères. L'information et la communication, sœurs solidaires, sont devenues des
sœurs ennemies, luttant pour s'approprier un espace de contenu restreint, surtout quand les médias
touchent un public très large.
Le journalisme ne s'est que très progressivement adapté à ces nouvelles données. Au milieu des
années 1990 émerge d'abord le paradigme de « journalisme de communication », promu en 1996 par
les universitaires québécois Jean Charon et Jean de Bonville. Fournisseur de médias « omniprésents
dans la vie quotidienne » et « capables de couvrir en direct presque toutes les actualités », il adopte les
mimiques du « journalisme citoyen », sur le plan de l'hyper-subjectivité, non seulement assumée mais
affichée, quitte à se confondre avec les commentaires laissés par les internautes sous les articles ou sur
les blogs.
D'autres estiment que cette accumulation de commentaires, mais surtout de communications qui
viennent parfois « souiller » la qualité de l'information ouvre au contraire au journalisme un boulevard,
pour assumer son rôle très particulier de sélection et de validation des données, afin d'en faire des
informations. En recoupant et questionnant les sources officielles d'information, en recourant au
besoin à la protection des sources d'information des journalistes, il devient capable de transformer de
la pure communication en information et devenir ainsi le centre producteur de l'information. La
déontologie demande en particulier aux médias de « revendiquer le libre accès à toutes les sources
d’information ». La liberté d'accès aux documents administratifs et informations classifiées,
prévue aux États-Unis par le « Freedom of Information Act », est renforcée lorsqu'une source
interne peut orienter le journaliste, en étant protégée par l'anonymat. Ce sont alors des pans
entiers de données publiques qui sont susceptibles de se transformer en informations utiles,
susceptibles de valoriser, par la comparaison, d'autres stocks d'information plus accessibles, voire de
favoriser le travail des chercheurs dans les pays où la liberté d'accès aux documents administratifs
n'existe guère.

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3. Perception
On qualifie d'information toute donnée pertinente que le système nerveux central est capable
d'interpréter pour se construire une représentation du monde et pour interagir correctement
avec lui. L'information, dans ce sens, est basée sur des stimuli sensoriels véhiculés par les nerfs, qui
aboutissent à différentes formes de perception.
3.1 Administration publique
Dans le contexte de l’administration publique, on considère comme « information » toute donnée
pertinente dont la collecte, le traitement, l’interprétation et l’utilisation concourent à la réalisation
d’une mission gouvernementale, régionale, et départementale. Certaines de ces données sont des
données publiques. Elles « peuvent être utilisées par toute personne qui le souhaite à d'autres fins que
celles de la mission de service public pour les besoins de laquelle les documents ont été élaborés ou
sont détenus ».
Les informations d'autorité sont appelées à être gérées dans des registres de métadonnées.
Les autorités publiques sont responsables du processus d'attribution de certificats électroniques,
utilisant les critères communs.
3.2 Théorie de l’information
Selon la théorie de l'information, des données contiennent de l'information quand celles-ci ne sont
que peu compressibles et qu'elles sont complexes. En effet, l'information contenue dans un message
composé d'une seule lettre se répétant un grand nombre de fois tel que « AAAAAAAAA... » est
quasiment nulle.
La quantité d’information augmente avec la variation (Langage binaire = Deux Nombre : 0 et 1. Mais
qui varie. Le code morse international (Samuel Morse, 1832) qui permet de transmettre un texte à
l’aide de séries d’impulsions courtes et longues, qu’elles soient produites par des signes, une lumière,
un son ou un geste.
La conception la plus répandue de l'information est liée au couple « message + récepteur », le
dernier possédant des implicites valorisant le message (et, de fait, tout message est incompréhensible
sans ces implicites supposés ; ainsi un message en chinois pour qui ne comprend pas le chinois). Ainsi,
la phrase « Médor est un chien » contient plus d'information que « Médor est un quadrupède », bien
que la seconde contienne plus de lettres. La différence est à mettre au compte de la connaissance d'un
dictionnaire implicite et faisant partie du contexte, qui nous permet de savoir qu'un chien est
nécessairement un quadrupède, l'inverse n'étant pas vrai.
NB : plus de lettre ne signifie pas plus d’information
3.3 Théorie de la décision

Les erreurs de décisions (l’écart entre la « THEORIE » et le « REEL ou la VERITE ») ont deux
types principales origines différentes : sont soient d’origine INTERNE (lié au raisonnement, aux

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croyances a priori, à la perception, jugement, aux biais cognitifs, préjugés, etc.) ou EXTERNE
(hors de l’individu = les médias, systèmes éducatifs, stéréotypes, système informationnel). Soit du
BRUIT (Dispersion ou Concentration des données, des jugements professionnels autour du Réel,
sont-elles trompeuses ou pas, etc. Avec plusieurs données concentrées, plusieurs avis différents et
confrontées, on réduit le Bruit car en moyenne, le BRUIT EST NUL) ou du BIAIS (le Décalage de
toutes les données par rapport au Réel OU un décalage des jugements par rapport aux données.
Les indicateurs de mesure sont biaisés. Il y a donc un décalage global à corriger).
Nature de l’Erreur (dans nos DECISIONS « bonnes ou mauvaises ») = BIAIS + BRUIT
Le Dilemme « Biais-Variance » revient à arbitrer entre BIAIS et BRUIT2. Les techniques d’analyses
réduisent difficilement les deux problèmes à la fois.
Origine de l’Erreur = INTERNE + EXTERNE.
Souvent les BIAIS INTERNES sont compensés par les BIAIS EXTERNES. Ils ont tendance à
s’annuler de manière à nous rapprocher de la vérité.

1°) Origine Externe : problème de BRUIT = les Données par rapport au Réel, à la vérité (les
données fausses car ne décrivant pas le réel OU des données incomplètes qui ne décrivent pas
totalement le réel OU des données qui décrivaient le réel, mais que ce réel est dépassés, a changé)
La théorie de la décision ne considère comme « information » que ce qui est de nature à
entraîner ou modifier une décision. Dans le cas contraire, il s'agit d'un simple bruit. On pense
souvent que l'information peut être définie comme une donnée réductrice d'incertitude. Dans
bien des cas, pourtant, avec la mondialisation et le développement des réseaux internationaux, une
information juste peut remettre en cause une décision déjà prise. Il existe aussi des informations
fausses (hoaxes ou fake news), biaisées ou présentées de manière telle que les destinataires ont
tendance à prendre de mauvaises décisions. Il est donc vital de s'assurer de la pertinence des
informations, et d'organiser des circuits d'informations tels que les informations disponibles
soient bien traitées pour être distribuées aux bonnes personnes, au bon moment. C'est l'objet de
l'intelligence économique.
Une bonne méthode d'intelligence économique doit prendre en compte les informations issues du
contexte de l'entreprise. Il est de coutume de vérifier les sources de l'information régulièrement et
si possible en croiser plusieurs.
2°) Origine Interne : Problème de BIAIS (Problème de Logique = influencée par nos croyances,
ce que l’on considère comme vrai, notre éducation, etc.) : utilisation de l’analyse bayésienne.

Biais cognitifs : incapacité de traitement des informations, à raisonner de manière logique.

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La Rationalité limitée de H. Simon (1978), Economie comportementale (Richard Thaler, 2017) et
finance comportementale (Daniel Kahneman, 2002 ; Shiller, 2013).
Aversion au risque : l’investisseur préférera la certitude d’un moindre gain à un gain plus important
mais aléatoire. L’aversion au risque peut-elle être considérée comme un biais cognitif ? Oui, lorsque le
gain sûr sera préféré alors même que les probabilités de gain sont en faveur du gain risqué. Oui aussi,
si cette aversion au risque se transforme en refus de perdre (les individus sont beaucoup plus sensibles
aux perspectives de pertes que celles de gains).

Le biais rétrospectif est la tendance à rationaliser après coup un événement imprévu et le considérer a
posteriori comme plus probable ou prévisible qu’il n’était avant sa survenue. Il peut être résumé par la
formule « je le savais depuis le début ! » qui exprime une impression subjective.
Le biais de confirmation d’hypothèse : lorsque l’individu tente de rationaliser l’événement en
cherchant des « signes précurseurs » qui expliqueraient sa survenue, augmentant ainsi l’impression
toute subjective de sa prévisibilité (les signes annonçant un décès).
En science, on ne cherche pas à confirmer une hypothèse, mais on cherche à réfuter une théorie
(en procédant à l’expérimentation, à des tests). On cherche à contredire la théorie, même la nôtre.
Si personne ne parvient à prouver qu’une théorie est fausse alors on peut commencer à l’accepter.
L’excès de confiance correspond à une tendance à surévaluer ses capacités et à avoir une tendance
exagérée dans son jugement. Il se manifeste par le sentiment d’en savoir davantage que ce que l’on
sait réellement, l’impression d’être plus compétent que ce que l’on est réellement, une trop grande
confiance dans sa capacité à interpréter les informations dont on dispose, une surestimation de la
probabilité d’un ensemble d’événements incertains sur lequel on doit effectuer une prévision ou un
pari. Le biais de confiance excessive a aussi tendance à diminuer la capacité à apprendre de ses
erreurs.
Empêche de suivre la Foule (qui est sage = sans bruit en moyenne). Mais est indispensable si le Foule
a des BIAIS.
Le biais d’auto-complaisance : L’être humain a tendance à s’attribuer personnellement les succès et à
imputer les échecs aux autres (ou à la malchance),
Cela revient à croire que les Bonnes décisions sont INTERNES et les échecs (les mauvaises décisions)
sont EXTERNES. Alors que les victoires sont parfois EXTERNES et les erreurs sont INTERNES (nos
biais et bruits internes).
Le biais de confirmation est la tendance à être concentré sur l’information qui confirme une pensée
préexistante. Il fait référence à la pensée sélective, qui fait que quelqu’un a tendance à noter et à

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chercher ce qui confirme ses croyances, et à ignorer, ne pas rechercher, ou sous-estimer l’importance
de ce qui les contredit.
La démarche scientifique voudrait que l’on cherche constamment à tester nos croyances, en fonction
des nouvelles données, de nouveaux indicateurs, de nouvelles méthodes AU LIEU de ne chercher qu’à
les confirmer.
Le biais d’ancrage (ou parfois biais de point de départ) désigne la difficulté que l’on rencontre à se
départir de sa première impression. En se focalisant sur une première information, une première valeur
ou un premier élément, l’esprit n’arrive plus à apprécier et prendre en considération les nouvelles
informations.
La première impression était sur la base des données incomplètes OU statiques qui ne correspondent
plus à la réalité actuelle.
Le comportement moutonnier apparaît les investisseurs se laisser tenter et investir sur un nouveau
titre présenté (par les médias, des courtiers, des magazines, des sites Internet) comme meilleur que
ceux déjà en portefeuille. Décider d’acheter un titre « parce que tout le monde l’achète », cela relève
d’un comportement moutonnier.
Suivre la foule, suivre la majorité. Or, la majorité réduit le BRUIT (sagesse de la foule en moyenne),
mais pas le BIAIS (liés aux croyances, au système éducatif, etc.).

4. Systémique : les supports d’information.


L'information, souvent assimilée à la néguentropie, est un facteur d'organisation qui s'oppose à la
tendance naturelle au désordre et au chaos, souvent assimilés à l'entropie, même si des controverses
persistent encore entre les spécialistes à propos de toutes ces assimilations. Un organisme vivant,
comme le corps humain, ne peut rester organisé que par les informations qui le lient. Toute rupture
d'information (nerveuse, chimique, etc.) entraîne la dégénérescence d'une partie ou de l'ensemble.
4.1 Support de l’information (et rapidité dans la diffusion de l’information)
L'information elle-même est immatérielle. Lorsqu'elle est utilisée par les hommes, elle peut être
consignée sur un support qui porte alors la valeur de l'information : un document, un mur, un
objet. L'information toutefois est indépendante du support : elle existe indépendamment de lui et
peut le plus souvent être copiée sur un autre support. Le support d'information est l'objet matériel
sur lequel sont représentées les données (informatives). Le support d'information est la composante
matérielle d'un document, le papier, par exemple.
Le support lui-même peut d'ailleurs faire partie de l'information, par exemple, deux copies de statues
en plâtre et en bronze ne portent pas strictement la même information.

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On distingue différents supports d'information :
4.2 Supports matériel ou physique
Après la roche, Le papier est depuis longtemps l'un des supports les plus courants et les plus pratiques
de l'information. Les livres, périodiques, photos, affiches, documents imprimés (bons de
commande, bons de livraison, factures...). Dans l'économie moderne, il reste un support important.
D'autres supports peuvent « porter » de l'information : la pierre (la gravure), une pellicule (les films
et microfilms), la glace (la sculpture de glace), etc. Et même des molécules avec les manipulations
nanométriques.
4.3 Support technique (ou numérique) : Economie Numérique (les Technologies de l’information et
de la Communication, la Digitalisation).
Les supports techniques sont ceux des bases de données, des systèmes de gestion électronique des
données et documents techniques, des systèmes de gestion de contenu, de la gestion des
connaissances, etc. Bien que le support de ces informations soit immatériel, il ne faut pas oublier qu'il
y a également une infrastructure physique.
Le processus qui permet de faire passer des informations d'un support papier à un support
électronique est souvent appelé numérisation (ou dématérialisation, qui peut être considéré comme
abusive car le nouveau support d'information a également un sous-jacent matériel). Il a pris une
importance considérable dans les économies modernes, en raison de l'informatisation et de la
« numérisation des processus » croissantes des entreprises et des administrations. C'est la raison pour
laquelle on parle quelquefois d'économie numérique ou d'économie de l'information.
Les supports électroniques facilitent la diffusion et la dissémination de l'information. Les
technologies tentent vers plus d'interopérabilité afin de mieux échanger l'information. Cela
signifie qu'une information publiée sur un support est désormais facilement lisible par d'autres (et donc
reproductible). De plus en plus de sites sont pourvus de fonctions de partage (de l'information)
sur d'autres supports tels que Facebook, Twitter, Google+... fonctions connues sous le terme de
« Share this! »
5. Source de l’information

La source d'une information peut être auditive, visuelle ou sous forme d'une vidéo. L'enregistrement
peut être le fait d'une opération manuelle (caméra par exemple) ou automatique (vidéo surveillance par
exemple).
Le stockage et le transport historiquement limités à la transmission orale et écrite sont, depuis
l’avènement du numérique, divers tel qu'un enregistrement audio, vidéo ou une télédiffusion. La
capture, le stockage et la diffusion des informations se font de manière plus aisée.
La diffusion de l'information produite peut se faire au travers d'organes publics ou privés tel que les
journaux, les magazines, la radio, la télévision, etc. mais aussi à travers d'internet via des sites web ou
les réseaux sociaux.
Argument d’autorité = Les sources de scientifiques (avec un diplômes ou pas) indépendants sont
plus crédibles (car ils ont su corriger leurs biais et bruits).

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Paragraphe 2 : L’information Parfaite en théorie économique

Pas de BIAIS car les agents sont rationnels individuellement et pas de BRUITS car cette rationalité
se transmet à la foule grâce au marché (lieu d’échange de biens et d’informations) et le résultat de la
Sagesse de la Foule est observable par TOUS, sans coûts supplémentaires (gratuitement).

La démocratie réduit les BRUITS (l’isoloir qui évite d’interdépendance des erreurs entre individus et
la Majorité qui établit la sagesse de la Foule en moyenne et les médias qui permettent la correction
des erreurs dynamiques), mais pas les BIAIS. De sorte que le choix démocratique est surtout orienté
par les BIAIS (internes ou externes) = nos Croyances, nos idées reçues, etc. prenant la forme de partis
politiques. Mais certaines croyances ne sont pas encore représentées par des Partis (elles le sont par
des ONG, des associations, etc.). Pour éviter que les croyances erronées ne soient importantes, il faut
une éducation aux techniques de traitement des types de BIAIS : la démarche scientifique.

1. L'information parfaite du modèle économique standard : conception pauvre de l'information

La théorie néoclassique se fonde sur l'individualisme méthodologique et postule que les individus
obéissent au principe de rationalité : l’homo oeconomicus, l'individu type de la théorie standard, est un
être doté de la rationalité «substantive» qui lui permet de maximiser son utilité, sous la contrainte de
ses ressources. Guidés par ce principe, les agents économiques recherchent leur strict intérêt personnel
et parviennent, en régime de concurrence parfaite, à une situation optimale. L'équilibre obtenu dans
ces conditions est un «équilibre général», état dans lequel chaque agent maximise son utilité et
chaque marché est en équilibre. De plus, un optimum social, au sens de Vilfredo Pareto, est associé
à cet équilibre : Il n'est plus alors possible d'accroître l’utilité d'un agent sans réduire celle d'au moins
un autre agent. Cette correspondance entre équilibre concurrentiel et optimum parétien constitue
un théorème fondamental de l’«économie du bien-être» et explique pourquoi les économistes
néoclassiques se réfèrent au marché concurrentiel. La représentation du marché de concurrence
parfaite la plus universellement admise est donnée par le marché walrasien schématisé en 1877 par
Léon Walras et formalisé dans son expression la plus aboutie dans les années 1950 par Kenneth Arrow
et Gérard Debreu. Le modèle d'équilibre général élaboré par ces deux Nobel sert aujourd'hui encore de
référence à la théorie néoclassique.

L’«information parfaite» est sous-jacente à la réalisation de l'équilibre général. Cette hypothèse


fondamentale de l'univers walrasien signifie que l'information est libre d'accès, disponible
instantanément et sans coût, sa gratuité découlant de l'existence d'un «commissaire-priseur»,
agent fictif centralisateur et bénévole, chargé de « crier » les prix et d'équilibrer simultanément
l'ensemble des marchés. Cette hypothèse revient à considérer que tous les agents sont parfaitement
informés : l’homo oeconomicus est un être omniscient. Dans le modèle standard, toute
l'information pertinente à la prise de décision individuelle transite par les prix, indicateurs de
rareté, de qualité des biens et guides de la coordination des actions des agents économiques.

L’information en économie est produite par les interactions entre agents. Ce sont les actions de
chacun qui modifient la fonction de demande ou la fonction d’offre. Le prix d’équilibre sur le marché
se déplacera, générant à son tour une nouvelle information sur l’état de rareté du produit concerné.
Une fois l’action réalisée, l’information qu’elle génère est diffusée dans l’économie (par les cris du
commissaire-priseur). Et il n’est plus possible d’annuler cette information, même par une action
contraire, qui ne ferait que délivrer une nouvelle information.

Cette vision pauvre du rôle de l'information dans les processus économiques est illustrée par le « crieur
» de prix qui ajuste bénévolement l'offre et la demande sur la base des seuls « signaux prix ». En fait,

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le système des prix est porteur de toute l’information nécessaire aux agents pour que l’allocation
des ressources se réalise efficacement (F.A. Hayek, 1945). En matière stratégique, l’information qui
nous intéresse est celle qui motive les actions des agents économiques.

Ainsi, pour aborder l'économie de l'information, il convient de préciser la notion « d'information


parfaite ». Le mieux pour ce faire est de retourner aux sources, c'est-à-dire à F.A. Hayek (1945), qui
le premier a abordé la notion de l'utilisation de la connaissance (knowledge) dans la société. Il
souligne le caractère inévitablement imparfait des connaissances humaines et la nécessité en
conséquence de créer un processus par lequel la connaissance est constamment acquise et
communiquée. Ce processus est le système des prix, qui rend possible non seulement la division du
travail, mais également une utilisation coordonnée des ressources fondées sur une « connaissance
également partagée ». En d'autres termes, le système des prix transmet toute l'information nécessaire
et les agents se partagent également l'information ou, en d'autres termes, ont une même structure
d'information.

Section 2 : Analyse moderne de l’information : l’économie de l’information.

L'élimination, dans les représentations théoriques récentes, du « commissaire-priseur », encore


appelé « secrétaire du marché », laisse la place à informations privées et décentralisées, à des
échanges directs d'information entre agents. Ce renouvellement de la théorie a pour corollaire la
reconnaissance des imperfections informationnelles.

On appelle « information privée », toute information pertinente pour la détermination d’une


allocation efficace mais qui n’est connue que d’une partie des intéressés. L’existence d’informations
privée peut être une source d’incertitude et d’inefficacité. Si les agents économiques ne disposent pas
de la même information sur l’état de rareté d’un produit, l’équilibre entre l’offre et la demande peut ne
pas être stable. L’information délivrée par le système des prix sera moins efficace, mais s’affinera
dans le long terme à force d’essais-erreurs. En outre, l’information du système des prix, si elle est la
même pour tout le monde, ne sera pas perçue de la même façon. Et surtout, les réactions des agents à
cette information ne sont pas connues. Il s’agit d’informations privées sur des comportements futurs.
Cette asymétrie d’information génère de l’incertitude sur les résultats des actions qu’un agent peut
décider.

Les imperfections informationnelles sont essentiellement dues aux caractéristiques intrinsèques de


l'information, à savoir : son caractère partiel, son coût et son asymétrie, ainsi que son indivisibilité
et son inappropriabilité en tant que bien collectif. La prise en compte de l'imperfection de
l'information ouvre sur deux programmes majeurs au sein du courant néoclassique. Dans celui
impulsé par d’Ozga (1960), Georges Stigler (1961), l'information est considérée comme partielle et
coûteuse, mais tous les agents ont potentiellement accès aux mêmes informations (Paragraphe 1).
Dans le programme développé à la suite de l'article séminal de Georges Akerlof (1970), certains
individus disposent d'informations « privées » (information asymétrique) non directement
accessibles aux autres (Paragraphe 2).

Paragraphe 1. Le coût et la nature du bien informationnel

1. Les coûts du processus de recherche et de production d'information

La prise en compte de l'imperfection de l'information donne naissance à un ensemble de


développements théoriques qui mettent l'accent sur le comportement actif de recherche d'information.

Ce processus de search est coûteux en ressources.

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Exemple :
Dans le marché de biens et services, le consommateur peut connaître les différents prix fixés par les
entreprises mais il doit effectuer une quête coûteuse pour obtenir cette information.

On pourrait imaginer qu’il se rend dans un certain nombre de magasins et ensuite il choisit celui
qui a le prix le plus bas. Toutefois, cette solution n’est pas optimale car le consommateur devrait
chercher jusqu’au moment où le rendement marginal est égal au coût marginal.

Dans certains cas, on peut obtenir l’information en achetant un catalogue qui donne les prix d’un
certain bien (les voitures par exemple) dans tous les magasins.

Selon le système de quête envisagé, on obtient un modèle qui donne une explication de la solution
choisie par le consommateur.

Nous allons considérer ici un modèle simple proposé par Salop et Stiglitz (1976).

Il y a deux groupes de consommateurs. Chaque consommateur achète une unité du bien. Il y a « n »


magasins qui vendent ce bien et qui ont les mêmes coûts. Le magasin j vend le bien au prix 𝒑𝒋 (j =
1,2,..., n).

Le consommateur connaît les prix mais ne sait pas quel magasin applique le prix 𝒑𝒋 .

Stratégie 1 : Il peut faire une enquête sur les prix du bien qu’il désire acheter. Dans ce cas, il peut
acheter le bien au prix le plus bas (𝒑𝒎𝒊𝒏). Le coût total du bien est alors 𝒑𝒎𝒊𝒏 + 𝒄𝒊 , où 𝒄𝒊 est le coût
de l’enquête pour le consommateur 𝒊 (coût de la recherche de l’information).

Stratégie 2 : Si le consommateur choisit au hasard un magasin, il devra payer le prix moyen ou


espéré ̅𝒑.

̅ < 𝒑𝒎𝒊𝒏 + 𝒄𝒊 , en supposant que le consommateur soit neutre par rapport au


Il prendra la Stratégie 2 si 𝒑
risque.

Les magasins sont en situation de concurrence monopolistique. Ils savent que le consommateur doit
supporter un coût pour obtenir une information parfaite et ils en tiennent compte dans la
fixation des prix.

Comme l'information obtenue est utile pour prendre des décisions avantageuses, elle procure
également des gains et recouvre dès lors la qualité de bien rare, utile et pouvant faire l'objet d'échange,
c'est-à-dire le statut de bien économique.

Il apparait un besoin d’informations qui s’exprime par une demande informationnelle. Pour y
répondre, des institutions sont créées.

Des institutions sont créées dans le but de minimiser 𝒄𝒊 (un coût de transaction lié à la collecte de
l’information décentralisée). Cette institution de collecte, de tri, de production et de diffusion des
informations doit-elle être privée (par le marché) ou publique (l’Etat bienveillant). Ce service de
production de l’information se fera-t-il à un coût faible ?

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NB : Rôle de la banque : (i) gestion du risque de crédit ; (ii) production de l’information et (iii)
transformation d’actifs (A. Bédué, N. Lévy, 1997).

C'est Stigler qui a initié en 1961 cette orientation d'investigation dans un article fondateur qui intègre
l'information à partir de la notion de « coûts de transaction » liés à la collecte d'information. Dans le
prolongement, Armel Alchian défend en 1969 que la spécialisation dans la collecte d'information
est efficace. Cette idée fonde dans les années 1970 la théorie du « Job Search » selon laquelle les
travailleurs se mettent volontairement au chômage en vue de rechercher de l'information sur de
meilleurs emplois car ils ont une productivité supérieure en se spécialisant dans cette activité. L'article
de Ronald Coase de 1937 sur « La nature de la firme » est précurseur de ces travaux. Cet auteur a eu
le mérite de souligner, le premier, l'importance des « coûts de transaction » du marché, c'est-à-
dire des coûts d'utilisation du système de prix comme moyen de coordination de l'action des
agents. L'existence de coûts de marché explique l'émergence de la firme, lieu alternatif de
coordination des activités, à partir du moment où les coûts de transaction dépassent les coûts de
la coordination au sein de la firme. Cette approche a été étendue à l'organisation en général.

Oliver Williamson (1985) précise la nature des coûts de transaction en s'appuyant sur les notions
d'incertitude, de « rationalité limitée » et d'asymétrie d'information. La notion de rationalité
limitée, forgée par Herbert Simon à partir des années 1940, exprime l'idée que l'agent économique,
confronté à des connaissances partielles et doté de capacités cognitives restreintes pour traiter
l'information de manière fiable, ne peut conduire un programme de maximisation de son utilité comme
l'envisage le postulat de « rationalité substantive », ou « illimitée ». Il se contente d'un certain niveau
de «satisfaction» et applique pour y parvenir des procédures de prise de décisions routinières et
séquentielles, d'où l'expression également employée de «rationalité procédurale». Les réflexions de
Coase et de Simon prolongées par les travaux de Williamson se trouvent à l'origine de fructueux
développements théoriques qui prennent en compte les coûts d'information et ne font plus du
calcul de maximisation le fondement de l'action des agents (Rallet, 2000).

Nous en mentionnons trois.

La théorie néo-institutionnelle, dont O. Williamson est le chef de file, se construit à partir des
années 1975 sur la base de la « théorie des coûts de transaction ». Elle prend l'habitude d'appeler «
coûts de transaction » l'ensemble des coûts liés à l'échange et met l'accent sur les coûts découlant de la
rationalité limitée et des comportements opportunistes dus à l'asymétrie d'information. La théorie des
conventions se développe à partir des années 1985 en reconnaissant les apports des néoclassiques mais
en introduisant des formes non marchandes de coordination pour guider les décisions des individus.

La théorie évolutionniste prend pour référence l'ouvrage de Richard Nelson et Sidney Winter
(1982) et montre le rôle joué par les routines et l'apprentissage, donc par la transmission et la
transformation de l'information et des connaissances, dans l'évolution des entreprises et des
secteurs productifs. Dans les travaux fondateurs de l'économie contemporaine de l'information, celle-
ci cesse d'être une donnée exogène fournie par le « commissaire-priseur », pour être endogénéisée et
revêtir le statut de bien économique, ce qui pose la question de sa marchandisation et de sa valeur. Ces
développements théoriques entrent en phase avec un constat crucial sur l'environnement
économique contemporain : on assiste en effet au renforcement considérable du statut
économique de l'information en liaison avec le développement des technologies en réseaux qui
permettent d'en assurer la maîtrise technique, le traitement et le transport automatisés à coûts
quasi nuls. Considérée comme un facteur de productivité et de compétitivité, l'information entendue

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dans son sens générique fait ainsi l'objet d'une marchandisation croissante (Cohen et Debonneuil,
1998).

Dans la théorie néoclassique, le prix de l'information reste déterminé sur le marché par la
confrontation de l'offre et de la demande, comme sur n'importe quel autre marché, sous la
condition que l'information soit un bien « privé » ou « privatif », c'est-à-dire parfaitement
divisible et appropriable. Cette démarche revient à considérer que les mécanismes du marché
permettent une recherche d'information qui satisfasse les conditions de l'équilibre. Mais cet équilibre
ne correspond plus qu'à un optimum de « second rang » puisque l'optimum parétien, optimum de «
premier rang » obtenu en information parfaite, ne peut être atteint car une partie des ressources doit
être utilisée à rechercher de l'information. Il y a donc « échec » ou « défaillance » du marché à
parvenir à la solution walrasoparetienne. De plus, il est difficile de préserver le caractère « privatif »
de l'information en raison de ses propriétés intrinsèques de «bien collectif».

2. L'information est un bien collectif : les paradoxes de l'information

Pour comprendre la théorie économique moderne de l'information, il faut bien saisir que l'information
est un bien collectif en raison de ses propriétés d'indivisibilité et d'inappropriabilité (Arrow,
1962; Stiglitz, 2002). Deux autres caractéristiques intrinsèques de l'information, à savoir sa valeur
incertaine et son asymétrie, contribuent à expliquer les paradoxes attribués à ce bien. L'indivisibilité,
ou non-rivalité, signifie que l'utilisation de l'information par un agent ne diminue pas les
possibilités d'usage de la même information par d'autres individus. L'inappropriabilité ou non-
exclusion de l'usage de l'information découle de son indivisibilité: dans la théorie «pure» des
biens collectifs, aucun agent ne peut empêcher un individu d'utiliser un tel bien car dès lors qu'il
est produit, il est potentiellement à la disposition de tous. En raison de ces deux propriétés,
l'information génère des « externalités » qui désignent toute relation économique directe entre agents
ne donnant pas lieu à un échange à travers les mécanismes du marché. Par exemple, une information
publique exerce une externalité positive si les individus en tirent une utilité sans avoir à la rétribuer
directement. Ces propriétés de l'information, qui gouvernent sa valeur, sa reproduction et sa
diffusion, apparaissent paradoxales par rapport aux lois dont dépendent les biens privatifs tels
que les biens matériels, en théorie rivaux, excluables et n'engendrant pas d'effets externes. Ces
propriétés entraînent trois phénomènes remarquables :

- la valeur et la qualité incertaines de l'information. La valeur de l'information n'est connue de


l'acheteur que lorsqu'il l'obtient (Arrow, 1962). La qualité de l'information est également incertaine et
ne se révèle qu'à l'usage (Shapiro et Varian, 1998) ;

- la reproductibilité à coût faible de l'information. Une même information est reproductible


indéfiniment, à coût faible, voire nul. En fait, l'information est coûteuse à produire, mais peu
coûteuse à reproduire. Par exemple, la copie du cédérom d'une encyclopédie ne coûte pratiquement
rien par rapport à la production du premier exemplaire (Thépaut, 2002).

- le phénomène du «passager clandestin». Comme on ne peut exclure un agent de la consommation


d'un bien collectif pur, les individus pris un à un n'ont pas intérêt à annoncer la vraie valeur qu'ils
attribuent à ce bien, pour ne pas avoir à payer en conséquence, puisque dès lors qu'il est produit, il est
en totalité à leur disposition, sans avoir à le payer, ou alors à le payer à un prix en dessous de sa
valeur. Ces paradoxes entraînent des difficultés à établir un marché optimal de l'information. D'une
part, l'incertitude sur la valeur et la qualité de l'information est une propriété gênante pour la
détermination de la demande puisque l'acheteur ne connaît pas la valeur réelle de l'information tant
qu'il ne l'a pas acquise. Il lui est donc difficile d'estimer la valeur de l'information et d'en proposer un

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prix. L'acheteur a en fait tendance à proposer un prix inférieur à la valeur de l'information en raison de
l'incertitude et du mécanisme du passager clandestin. Une étude expérimentale récente montre
qu'effectivement les individus ont tendance à sous-estimer la valeur des biens informationnels
d'environ 30 % par rapport à celle des biens matériels (Sakalaki et Thépaut, 2005). D'autre part, laisser
la production de biens informationnels au seul secteur marchand peut se révéler contreproductif. Dans
le modèle néoclassique canonique, le prix d'un bien doit se fixer à son coût marginal de production,
cette condition assurant la réalisation de l'optimum paretien. Or le coût marginal d'un bien collectif pur
est nul puisque sa consommation par un nouvel individu n'engendre aucun coût supplémentaire.
L'optimalité paretienne commanderait donc un prix nul pour ce bien, alors même que ses coûts fixes
seraient importants. En théorie, le bien risque donc de ne pas être produit par l'initiative privée. Les
solutions concrètes à ce problème peuvent consister en la mise en place de droits de propriété qui
permettent une appropriation privée du bien «information». Cependant, comme cette appropriation
n'est qu'imparfaite en raison du caractère de bien collectif de l'information, on court le risque de se
trouver dans une situation dans laquelle l'information devient artificiellement rare et socialement sous-
utilisée. Un cas représentatif de ce phénomène, faisant actuellement l'objet d'âpres débats, porte sur la
brevetabilité des gènes humains (Heller et Eisenberg, 1998). La reconnaissance des «échecs» du
marché en raison de la présence de biens collectifs justifie le recours à un mécanisme
d'allocation des ressources alternatif. La solution revient souvent à faire intervenir l'Etat. Mais
la fourniture de «biens collectifs» par les pouvoirs publics peut aussi générer des «maux
publics». Ces effets pervers, tels que les comportements opportunistes des bureaucrates, conduisent
les économistes néo-libéraux à préconiser de limiter au minimum l'intervention de l'Etat. Ces critiques
s'appuient en particulier sur la propriété d'asymétrie de l'information.

Cependant, l'analyse économique moderne de l'information, qui naît au début des années 1960,
procède de la remise en cause de l'hypothèse d'information parfaite du modèle économique standard
autour duquel s'est construite la théorie néoclassique aujourd'hui dominante. Les analyses modernes de
l’économie de l’information se situent donc dans un cadre d’information imparfaite.

L’information est dite imparfaite lorsque les agents de l’économie (entreprise, consommateurs, etc.)
ont accès à une information partielle ou coûteuse au cours de leur prise de décision. Cette définition
générale peut toutefois recevoir deux interprétations différentes.

L’information imparfaite peut tout d’abord être analysée dans le cadre d’une asymétrie de
l’information entre plusieurs individus. Il s’agit alors de décrire les relations entre deux agents ou
deux groupes d’agents aux intérêts divergents, qui se distinguent essentiellement par l’ensemble
informationnel à partir duquel ils prennent leurs décisions. Ainsi, un individu observera directement
un évènement ou une action, alors que l’autre individu doit s’en remettre aux indications
(éventuellement fausses) que lui transmet l’individu informé.

L’information imparfaite peut toutefois être analysée dans un second cadre. Certaines analyses traitent
en effet de l’incapacité des individus à recenser tous les évènements et actions, voire même de les
envisager. On parle alors d’incomplétude de l’information : il ne s’agit plus d’une différence
d’appréciation de l’information qui favorise certains individus par rapport à d’autres, mais d’une
incertitude globale qui affecte les individus dans leur ensemble, de manière égale à tous. Dans ce cas,
les ensembles d’information ne sont pas donnés, mais doivent être construits par les agents.

L’un des domaines privilégiés d’application de cette notion d’imperfection de l’information est sans
doute, la théorie de la firme. L’intérêt principal d’intégrer cette notion était, à l’origine, pour les
économistes, de se démarquer des analyses traditionnelles qui décrivent la firme comme une « boite

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noire » parfaitement efficiente, n’entretenant avec son environnement (fournisseurs, clients,
concurrents, banques) que des relations d’échange marchand. Cette conception technique était jugée
trop simpliste en regard des spécificités et des comportements concrets de la firme. L’enjeu théorique
a donc consisté, dans la littérature récente, à élaborer des hypothèses réalistes sur l’acquisition
et la transmission, nécessairement imparfaite, des informations, afin d’analyser le
fonctionnement de la firme tant au niveau interne (relations intra-firme) qu’externe (relations
inter-firmes, relations firmes-banques, etc.). Les analyses de la firme ont pu alors décrire
différents modes d’organisation (contrats de marché, partenariat, intégration, etc.) dont le rôle
est soit d’éliminer ou de gérer les effets de l’absence d’information, doit d’assurer la création
d’information.

Paragraphe 2 : Les asymétries de l’information.

L’économie de l’information est un vaste domaine de la science économique comprenant l’économie


de l’assurance, de la banque, de la finance … Elle traite du problème de l’asymétrie d’information
: les agents ne possèdent pas la même information, un agent sait quelque chose que l’autre
ignore. Par exemple ; un candidat à l’embauche connaît son capital humain, pas son employeur ; un
vendeur connaît la qualité de son produit, pas l’acheteur ; un assuré connaît son comportement face au
risque, sa prudence, pas l’assureur. Cette asymétrie d’information pose deux problèmes : celui de
la sélection adverse (asymétrie ex-ante) et de l’aléa moral (asymétrie ex-post). Ces problèmes sont
analysés dans des modèles particuliers.

Les problèmes de sélection adverse ou antisélection ou d’informations privées se posent quand,


avant la signature du contrat, un agent économique possède des informations que l’autre gagnerait à
connaître, mais qu'il ignore. Les solutions aux problèmes d’antisélection résident dans le signal et la
recherche d’information (expertise). Les problèmes d'aléa moral ou « d'action cachée » se posent
quand, après la signature du contrat (dans une transaction, par exemple) un agent économique peut
entreprendre certaine actions que l’autre ne peut observer. Les solutions à un problème d'aléa moral
sont de recourir aux contrôles (posant un problème de contrôle du contrôleur) et aux incitations.

1. Les problèmes liés aux asymétries d’information

L’asymétrie d’information est une source d’incertitude (incertitude ex ante et incertitude ex post). En
effet, elle génère des comportements d’opportunisme qui brouillent les décisions. Deux formes de
comportements sont la sélection adverse et l’aléa moral.

1.1 Le problème posé par la sélection adverse

Nous présentons ici, la contribution majeure de G. Akerlof (1970) qui a fourni une première analyse
formelle de l’importance de l’information dans les mécanismes de marché. Il a considéré les
questions de la détermination du prix d’équilibre et du volume des échanges dans un marché où
existe une asymétrie d’information entre les acheteurs et les vendeurs. Sa contribution capitale a
été de montrer qu’en l’absence de l’hypothèse de l’information parfaite, certaines conclusions
majeures de la théorie économique standard peuvent être remises en cause, notamment celles relatives
à l’équilibre de marché, au bien-être des consommateurs et au développement des échanges.

On parle d'anti sélection quand, parmi les parties prenantes à un échange, l'une possède une
information à laquelle les autres n'ont pas accès. Cette information privée, appelée « caractéristique »
ou « type », porte sur l'identité même de l'agent qui la détient ou la qualité du bien.

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 La rente informationnelle

Chaque agent qui possède une information privée peut en profiter pour modifier les termes de
l’échange à son avantage.
Il obtiendra ainsi un surplus positif qu'on appelle la « rente informationnelle ».
Dans tous les exemples précédents, la nécessité d'obtenir que chaque agent révèle son information le
protège en interdisant aux autres parties de s'approprier tout le surplus de l'échange.
Exemple 1 : La théorie nous enseigne ainsi que la compagnie aérienne devrait ouvrir deux classes
dans ses avions : une première classe et une classe économique. La première classe sera très
confortable, tandis que la classe économique le sera moins, mais sera meilleur marché. Compte tenu
de la différence de prix entre les billets, les riches seront indifférents quant au choix entre la première
classe et la classe économique ; mais ils préféreront l'avion à un autre moyen de transport. En
revanche, les pauvres préféreront voyager en classe économique, mais leur surplus net (par rapport au
train, par exemple) sera nul. Les riches sont ici les seuls à obtenir une rente informationnelle qui
les dissuade de mentir. Sinon, ils pourraient toujours se faire passer pour des pauvres, tandis
que les pauvres perdraient à se faire passer pour des riches (ils paieraient plus cher des billets dont
le niveau de confort ne les attire pas particulièrement).
Exemple 2 : En ce qui concerne l'assurance en cas de décès, l'assureur devra aussi proposer deux
contrats. Le premier contrat comportera un versement important en cas de décès et une prime élevée.
Le second spécifiera un versement en cas de décès et une prime plus faibles. À l'équilibre, les mauvais
risques choisiront le premier contrat et les bons risques le second. Les mauvais risques bénéficieront
d'une rente informationnelle.
Exemple 3 : En Economie publique, dans la théorie du vote, on peut reprendre la citation d’Alfred
Sauvy qui dit : « bien informés, les hommes sont des citoyens ; mal informés, ils deviennent des
sujets ».
 Illustrations
En considérant à titre illustratif l’exemple du marché des voitures d’occasion, la caractéristique
centrale introduite par Akerlof est celle de l’asymétrie de l’information existant entre l’acheteur
et le vendeur, les vendeurs étant mieux informés que les acheteurs sur les caractéristiques de
l’objet de la vente. Cet exemple est assez éloquent car lors de l’achat d’une voiture d’occasion,
l’acheteur est généralement confronté au problème de l’incertitude sur la qualité de la voiture. Akerlof
a ainsi montré que l'existence de cette asymétrie de l'information sur la qualité des biens en vente peut
provoquer l'exclusion du marché des biens de bonne qualité et le maintien des biens de mauvaise
qualité.

L’impossibilité pour les acheteurs de distinguer les biens de bonne qualité des biens de mauvaise
qualité ne permet pas l’émergence d’un système de prix différenciés selon le niveau de qualité.
En raison de la non-observabilité de la qualité, le prix de marché d’un bien devient indépendant
de sa qualité. L’existence d’un même prix pour plusieurs niveaux de qualité représente en fait une
sous-évaluation des biens de bonne qualité et une surévaluation des biens de mauvaise qualité. Cette
situation déclenche un processus de réactions dans lequel, pour un prix donné, les vendeurs de
biens de bonne qualité se retirent du marché. A l’équilibre, ne restent que les biens de mauvaise
qualité et les quantités échangées sont inférieures à celles du cas de l’information parfaite.

C’est le phénomène de sélection adverse défini comme étant la situation dans laquelle la partie
informée, en se basant sur l’information détenue de façon privée, prennent des décisions de

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transactions qui affectent de façon négative (adverse) le bien-être de la partie non informée et
d’un segment de la partie informée.

Comme dit précédemment, l’anti sélection est due à un problème d’asymétrie d’information qui se
déclare au moment de la signature du contrat (asymétrie ex-ante). Lorsque les acheteurs observent
imparfaitement la qualité de biens qu’ils désirent acquérir, les vendeurs ont intérêt à surestimer la
qualité de leurs produits afin de les vendre au prix le plus élevé possible. Les acheteurs ne
peuvent donc ni avoir confiance dans les déclarations des vendeurs, ni déduire qu’un prix élevé
signifie une bonne qualité. Dans un tel cadre, les vendeurs de biens de bonne qualité, qui valent
effectivement un prix élevé, peuvent être dans l’impossibilité de vendre leur produit à leur véritable
prix dans la mesure où les acheteurs doutent de sa qualité. Le prix n'est plus un parfait signal de la
valeur du bien, puisque, pour un même prix, il est possible d'obtenir des biens de qualités
différentes. Le prix ne peut plus jouer son rôle d’information. Dans ces conditions le marché
concurrentiel ne peut plus fonctionner efficacement. L’agent victime d’un manque d’information
risque de sélectionner un produit qui ne correspond pas au prix affiché, ou demande un prix si
bas que les bons produits sont retirés du marché.

D’autres exemples permettent d’illustrer les effets de l’anti sélection : (1) le cas du marché des
voitures d’occasion et (2) celui du marché des assurances.

Exemple 1 : Akerlof, dans "The market for lemons" (1970), considère le marché des voitures
d'occasion. Sur ce marché, il y a asymétrie d'information : les vendeurs ont l'information sur la qualité
de leur voiture, pas les acheteurs qui n’ont d’information que celle donnée par le prix.

Dans son modèle, il y a quatre types de voitures: des voitures neuves de bonne qualité, des voitures
neuves de mauvaise qualité, des voitures d’occasion de bonne qualité et des voitures d’occasion de
mauvaise qualité. Supposons que le 20% des voitures fabriquées soient de mauvaise qualité. La
probabilité d’acheter une voiture neuve de mauvaise qualité est alors de 20%. Après avoir conduit la
voiture un certain temps, on peut déterminer sa qualité. Par conséquent, le vendeur d’une voiture
d’occasion a beaucoup plus d’information sur la qualité de la voiture que l’acheteur. Cette
asymétrie de l’information a des conséquences très importantes sur le marché des voitures d’occasion.

Les valeurs de réservation des agents sont les suivantes : Les vendeurs de voitures d’occasion de
mauvaise qualité en veulent 3000 FCFA, les acheteurs sont prêts à mettre 5000 FCFA. Les vendeurs
de voiture d’occasion de bonne qualité en veulent 7 000 FCFA, les acheteurs sont prêts à mettre 10
000 FCFA. Donc un acheteur est en principe disposé à payer un prix de réservation moyen de 0.20* (5
000) + 0.8* (10 000) = 9000 FCFA.

Toutefois, ce prix est satisfaisant uniquement pour les vendeurs de voitures de mauvaise qualité. Par
conséquent, dans le marché des voitures d’occasion on ne trouve que des voitures de mauvaise qualité.
On dit qu’il s’agit d’un cas de sélection adverse ou d’antisélection.

Or, la demande en voiture d'occasion dépend de deux variables : (1) le prix et (2) la qualité moyenne.

Plus la proportion de voitures de mauvaise qualité est forte sur le marché d'occasion, plus la
demande baisse ce qui entraîne une baisse du prix des voitures d'occasion. Le prix faible amène
les vendeurs de voitures de qualité à se retirer du marché, ce qui augmente alors la proportion
de vendeurs malhonnêtes. On refait alors un nouveau tour, avec une baisse de prix sur le marché
d'occasion via la baisse de la qualité moyenne, ce qui écarte les vendeurs "à peu près honnêtes"...
jusqu'au moment où il n'existe finalement plus aucun marché d'occasion. Au final, seul le vendeur

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avec la voiture ayant le plus de vices cachés est prêt à vendre, et il est possible qu'il n'y ait alors
pas d'équilibre entre l'offre et la demande. Les voitures de mauvaise qualité ont chassé celles de
bonne qualité comme dans la loi de Gresham où la mauvaise monnaie chasse la bonne.

Exemple 2 : Akerlof prend ensuite l'exemple du marché de l'assurance aux États-Unis dans les années
1960. Sur ce marché, il existe aussi une asymétrie d'information : en tant qu'assuré, vous connaissez
beaucoup mieux que l'assureur votre état de santé réel et la probabilité de recours à des soins
médicaux dans le futur. Pour pallier à cette sélection adverse (ou antisélection), l'assureur va alors
augmenter le prix de l'assurance, ce qui va sortir du marché les gens les plus en forme (car
l'assurance devient trop cher par rapport à ce qu'ils anticipent comme besoin) et donc faire
diminuer la « qualité moyenne » des personnes souhaitant être assurées. Ceci va alors augmenter la
prime d'assurance et ainsi de suite, jusqu'au moment où seule la personne la plus pessimiste sur sa
santé trouvera l'assurance attractive (Rothschild et Stiglitz, 1976). La fréquence des sinistres
augmentera, les pertes réelles seront supérieures aux pertes attendues et les assureurs relèveront le
montant de la prime. Le processus se répétera jusqu’à ce que seuls les mauvais risques
s’assurent : « les mauvais risques chassent les bons ». Cette réaction en chaîne est donc à l’origine
de la non-assurabilité de certains risques.

Exemple 3 : Les relations financières sont intrinsèquement entachées d’asymétries d’informations (W.
Diamond, 1984 ; E. Fama, 1985). En réalité et sur le plan pratique, le choix entre soutien (financer
l’emprunteur) et abandon n’est plus réalisé au moment du défaut de paiement, mais initialement, à la
signature du contrat de dette (P. Charlier, 1998, Diamond, 1984 ; J.E Stiglitz et A. Weiss, 1981). En
effet, lorsqu’un demandeur de financement contacte une banque ou tout autre établissement financier
pour un emprunt, l’emprunteur potentiel est plus informé sur ses qualités personnelles (crédibilité,
capacité à rembourser, nature risqué ou non risqué du projet envisagé) que le prêteur. Lorsque
l’information reste bruitée, le prêteur risque de soutenir des emprunteurs non viables et, au contraire, à
rationner les emprunteurs viables (ce qui peut conduire au dépôt du bilan des entreprises saines).

Exemple 4 : Dans le marché de l’emploi. Les ouvriers à forte productivité peuvent produire pour 300F
à l’heure (ce qu’ils gagneraient sur un marché où leur productivité serait connue). Ceux à faible
productivité peuvent seulement produite l’équivalent de 100F à l’heure. Si l’employeur ne peut pas
distinguer les bons et les mauvais employés, la rémunération sera la même. Par exemple, si le
pourcentage d’employés à forte productivité est de 30%, le salaire sera de : 0.30 (300F) + 0.7 (100F) =
170 F. Les employés à faible productivité se trouvent surpayés alors que les autres sont sous-payés.
Ces derniers refuseront le poste. Seuls les employés à faible productivité accepteront une telle
rémunération.

L’asymétrie d’information est ici à l’origine de la sélection adverse, qui aboutit à n’échanger in fine
que des biens de mauvaise qualité, et surtout à diminuer globalement le volume des échanges.

1.2 Les solutions au problème de sélection adverse

Face à cette asymétrie d’information, les agents économiques ont mis en place des stratégies pour
forcer les intervenants à révéler l’information dont ils disposent.

2.1.1 L’intervention des autorités publiques

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Face à l’asymétrie d’information, les pouvoirs publics sont intervenus pour forcer les agents
économiques à équilibrer les informations.

Exemple 1 : L’Etat peut intervenir au travers des politiques de la consommation. Dans le domaine de
l’information directe, de nombreux pays, de l’OCDE notamment, mènent ainsi des politiques actives
qui concernent l’étiquetage, par exemple en contrôlant l’utilisation de l’argument de santé sur
l’étiquetage de produits alimentaires ou l’inscription correcte de la date de péremption sur ces
étiquettes. On peut également citer l’introduction de labels tels que le label rouge pour les volailles et
les appellations d’origine contrôlée (AOC).

Exemple 1 : pour vendre une voiture d’occasion, le vendeur doit avoir passé un contrôle technique
il y a moins de deux ans pour limiter les vices cachés.

Exemple 2 : Dans le domaine des assurances, l’autorité publique a rendu obligatoire un certain
nombre d’assurances pour faire face à la sélection adverse (l’assurance santé, l’assurance automobile
ou moto, l’assurance habitation, etc.).

L’information peut être révélée par différents mécanismes (le recours à un expert dans la
collecte d’information, signaux, incitations).

2.1.2 Les Experts dans la collecte et émission d’information

La banque, de par son expertise dans la production de l’information financière, peut avoir un avantage
informationnel, par rapport aux autres créanciers (marchés financiers et EMF). En effet, la banque
est confrontée à un problème d’asymétrie d’informations dû à l’opacité informationnelle des
emprunteurs. Pour résoudre ce problème d’asymétrie d’informations, la banque peut acquérir
deux types d’information : l’information Hard, en externe, par le biais de l’information publique
(Rating, Score…) [ces procédures visent essentiellement à quantifier le risque des clients par des
méthodes statistiques (données de bilan, rating, score…). Les technologies d’octroi de crédit sont dans
ce cadre des modèles de score (Feldman, 1997)] et l’information Soft, en interne, par le biais de la
relation de clientèle [la relation bancaire qu’entretient le banquier avec son client implique des
interactions banque-emprunteur. La banque collecte ainsi de l’information privée et non financière
concernant la situation professionnelle de l’emprunteur, sa réputation, sa capacité et sa qualité de
gestion et son positionnement sur le marché]. Cela suppose deux méthodes d’attribution des prêts :
la banque à l’acte versus, la banque de relation (M.A. Petersen, 2004). En effet, pour prendre une
décision de crédit, la banque a besoin d’effectuer un diagnostic qui nécessite le traitement de
l’information. Plusieurs auteurs tel que J.D. Guigou (1999) concluent que la banque s’engage dans le
traitement et la production d’informations coûteuses, seulement si cela est rentable. Donc, la
banque a intérêt à réaliser un traitement et une production d’information si son coût est inférieur à la
perte induite par un mauvais choix entre soutien et abandon (M. Berlin et J. Loeys, 1988).

Feldman (1997) montre que le Scoring permet de réduire le coût d’octroi de crédit et d’accroître
la vitesse de prise de décision en augmentant le volume des prêts accordés, ainsi que la
tarification ajustée au risque, réduisant ainsi le rationnement de crédit. Toutefois, l’information
Soft possède une certaine particularité. En effet, la relation bancaire, par le biais d’interactions
multiples dans le temps, donne accès à de l’information plus confidentielle et supérieure à celle
disponible publiquement. Selon, Boot (2000) ; Berger et Udell (2002) : l’information Soft présente
l’avantage de pouvoir renforcer la puissance de prévision de l’information Hard mais a l’inconvénient

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d’être difficilement vérifiable. Le type d’information et l’organisation du processus de décision de
crédit influencent la prise de risque.

2.1.3 Les signaux

2.1.3.1 Les signaux EXOGENES et les prix

Dans le cas des voitures d’occasion, on avait supposé que les agents ne pouvaient pas connaître la
qualité des voitures. Toutefois, on peut demander une expertise qui représente une estimation de
la qualité.

Dans certains marchés les signaux existent.

En présence d’asymétries d’information, il faut s’attendre à ce que les agents non informés
cherchent à découvrir les informations des agents informés en observant des variables révélatrices
du comportement de ces derniers, notamment les prix. Il se pose alors les questions d’efficacité des
marchés, d’agrégation de l’information par les prix et des équilibres avec attentes rationnelles
(Jordan et Radner, 1982).

La notion selon laquelle les prix courants peuvent transmettre de l’information courante a été utilisée
pour la première fois par Lucas (1972). Dans son modèle, Lucas envisage une économie où existe un
bien stockable (la monnaie). Le prix de ce bien p est déterminé par une variable a qui représente les
accroissements permanents de l’offre du bien, ainsi que par la demande temporaire courante du bien,
désigné par b. On a donc une fonction de prix p (a, b). Les agents n’observent directement ni a ni b,
mais ils aimeraient connaître a, car cette variable influe sur la valeur future du bien stockable. Dans
cette approche à anticipation rationnelles, les agents prévoient a et b pour en déduire p. Lucas a
inversé la logique de cette approche et a avancé que si les agents pouvaient observer le prix courant p
et qu’ils connaissaient la relation entre p et a, b, ils pouvaient utiliser leur observation de p pour en
déduire la réalisation de a et b.

Green (1973) a utilisé le même concept d’équilibre mais avec des agents ayant des informations
différentes. Dans le modèle de Green, il existe deux catégories d’agents : les agents informés, qui ont
une information (a) sur la valeur future du bien, et les agents non informés qui ne connaissent pas a.
D’autres facteurs temporaires b peuvent influencer sur le prix courant du bien. Le prix courant est
donc une fonction p (a, b). Comme Lucas, les agents non informés observent le prix courant p et
essaient de s’informer sur a.

Grossman (1976) et Grossman et Stiglitz (1976, 1980) ont prolongé les modèles de Green et Lucas
et ont avancé et vérifié un certain nombre de conjectures sur la nature de l’équilibre lorsque les prix
transmettent de l’information.

Exposons un de leurs modèles …

Exemple : Prenons le cas des marchés des actions. Supposons que le rendement de l’action (y)
dépende d’un signal observable (s) et d’une variable aléatoire e (y = s + e). Par exemple, s pourrait être
le bénéfice de la société anonyme. Supposons qu’il y ait deux sortes d’acheteurs : des acheteurs

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informés (les experts) qui connaissent s et des acheteurs non informés. La demande moyenne des
premiers est q1 (p, s) et celle des autres est q2 (p) (p est le prix de l’action).

La proportion d’acheteurs informés est de α.

L’équilibre implique que:

A l’équilibre, on a : 𝒒𝒅 = 𝒒𝟎
Avec : 𝒒𝒅 = 𝜶𝒒𝟏 (𝒑, 𝒔) + (𝟏 − 𝜶)𝒒𝟐 (𝒑)
𝜶𝒒𝟏 (𝒑, 𝒔) + (𝟏 − 𝜶)𝒒𝟐 (𝒑) = 𝒒𝟎
Où : 𝑞 0 est la quantité moyenne offerte.

Le prix dépendra de la valeur s observée par les acheteurs informés. Les autres acheteurs
comprendront qu’il y a un lien entre le prix et s (p(s)), ils vont alors déduire la valeur de s en
observant le prix d’équilibre. Le marché donne l’information nécessaire.

Ce raisonnement suppose toutefois que l’équilibre existe et ceci n’est pas toujours le cas.

(A) Supposons qu’il soit coûteux d’observer s (il faut lire le rapport annuel).

[1] S’il n’y a pas d’acheteur informé et le coût de l’information est bas, on aura certains
acheteurs qui vont se procurer cette information (entrainant des coûts supplémentaires).

Par conséquent α = 0 n’est pas un équilibre Pareto optimal.

[2] Par ailleurs, si certains acheteurs sont renseignés, le prix d’équilibre permet alors
d’estimer cette information. Par conséquent, on va observer le prix plutôt que de se procurer
l’information (il est moins couteux d’observer le prix que de rechercher l’information sur s).
Toutefois, si tout le monde fait le même raisonnement (passagers clandestin), on a α = 0 et on a
vu que ceci n’est pas un équilibre Pareto Optimal.

On dit qu’il est impossible d’avoir des marchés efficients lorsque l’information est coûteuse. Un
arbitrage parfait ne peut pas exister si cette activité n’est pas gratuite. On retrouve le cas de
l’inexistence du marché des voitures d’occasion de bonne qualité, étudié par Akerlof.

Le paradoxe mis en évidence par Grossman et Stiglitz (1976 ; 1980) peut se formuler ainsi : « si le
prix transmet toute l’information disponible, il n’y a pas lieu d’acheter l’information. Mais si
personne n’achète l’information, le prix ne peut pas la transmettre. »

(B) Supposons maintenant que l’information obtenue par le prix est imparfaite.

Il faut donc introduire d’autres sources d’incertitude, par exemple, en rendant aléatoire l’offre
𝟎
𝒒 , pour que le prix ne transmette qu’une information imparfaite. Ainsi, un prix d’équilibre élevé
peut indiquer l’observation par l’agent informé d’une valeur élevée de s ou encore une offre
restreinte. Dans ce cas, les consommateurs peuvent observer la valeur du signal à partir du prix du
marché, étant donné les valeurs possibles de 𝒒𝟎.

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Par exemple, l’offre peut être aléatoire et alors le prix peut être élevé à cause d’une offre faible et
non pas à cause d’une valeur élevée de s. Le prix sera alors une fonction de s et de qo.

On écrira p* = p(s, qo)

Les acheteurs non informés auront une distribution de probabilité des différentes valeurs de q o. Dans
ce cas, Grossman et Stiglitz (1976 ; 1980) montrent que sous certaines conditions concernant le
coût d’acquisition du signal s, un équilibre existe où les agents sont indifférents au fait d’être
informés ou non. Un tel équilibre est appelé dans la littérature équilibre à attentes rationnelles.

2.1.3.2 Les signaux endogènes ou mécanismes d’auto-sélection

Dans certains marchés la qualité des signaux est endogène.

Exemple 1 : Prenons le cas du marché du travail étudié par Spence (1974).

Le modèle de Spence (1974) a le premier résolu le problème de la sélection adverse sur le marché du
travail. Supposons une entreprise qui embauche 2 catégories de travailleurs : les bons (input 2) et les
mauvais (input 1), mais l’entreprise ne connaît pas la qualité du candidat à l’embauche. Elle
connaît seulement la proportion générale λ de bons et (1 - λ) de mauvais.

La productivité marginale des bons est notée 𝑃𝑚2 , celle des mauvais est notée 𝑃𝑚1 , avec évidemment
𝑃𝑚1 < 𝑃𝑚2 . La fonction de production est : 𝑄 = 𝐿𝛼1 𝐿1−𝛼 2 = 𝑃𝑚1 𝐿1 + 𝑃𝑚2 𝐿2 (car la fonction est
homogène de degré 1).

D’après le théorème d’Euler : Pour une fonction de production (𝑄 = 𝑓(𝑥1 ; 𝑥2 )) homogène


de degré k (𝑓(𝑚𝑥1 ; 𝑚𝑥2 ) = 𝑚𝑘 𝑓(𝑥1 ; 𝑥2 )), on vérifie l’égalité suivante :

𝑘𝑄 = ∑ 𝑥𝑖 𝑓𝑖′ (. ) Avec i =1,2.

Si l’entreprise pouvait distinguer les travailleurs, elle paierait à l’équilibre concurrentiel w2 = 𝑃𝑚2 les
bons et w1 = 𝑃𝑚1 les mauvais. Cet équilibre serait optimal au sens de Pareto. Mais elle ne peut pas
distinguer entre bons et mauvais travailleurs elle ne connaît pas 𝑃𝑚1 et 𝑃𝑚2 . Elle ne peut payer qu’un
salaire moyen :

𝑤
̅ = (1 − 𝜆)𝑃𝑚1 + 𝜆𝑃𝑚2 avec 𝑤2 > 𝑤
̅ > 𝑤1

Les bons sont payés en dessous de leur productivité, les mauvais au-dessus. Il y a sélection
adverse : on a une fuite des bons et l’entreprise « sélectionne » les mauvais. Cet équilibre
concurrentiel n’est pas un optimum de Pareto.

Pour résoudre ce problème, il faudrait que quelque chose signale les bons travailleurs. Mais pour que
ce signal fonctionne, il faut que seulement les bons puissent l’émettre et pas les mauvais. On
cherche donc un équilibre séparateur. Pour l’obtenir on doit faire une hypothèse forte : le coût pour
se procurer le signal est plus faible pour les bons que pour les mauvais. Supposons que ce signal
soit un diplôme. Les bons peuvent montrer un diplôme, pas les mauvais. Alors le problème serait
résolu. Les diplômés seraient payés w2 les non diplômés seraient payés w1. Mais il ne faut pas que les
mauvais puissent montrer un diplôme, donc il faut supposer qu’ils ne peuvent l’obtenir.

Hypothèse : Le signal est plus coûteux à obtenir pour les mauvais travailleurs : c1 > c2.

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Soit ci le coût d’acquisition d’une année d’étude, alors c1 > c2.
On appelle e le nombre d’années d’études. Par hypothèse : e.c1 > e.c2

Pour obtenir notre résultat nous faisons l’hypothèse forte que : e.c1 > Pm2 – Pm1 > e.c2

Le problème des agents est le suivant :


L’entreprise doit choisir le taux de salaire : w*
Le travailleur doit choisir le nombre d’années d’études : e*

Considérons les choix suivants : Les bons vont à l’école pour avoir un diplôme, pas les mauvais et
l’entreprise rémunère les diplômés w2 et les non diplômés w1.

S’agit-il d’un équilibre et est-il optimal ?

1/ Pour l’entreprise, si le signal est crédible, les salaires sont égaux aux productivités marginales,
donc c’est un équilibre concurrentiel et optimal au sens de Pareto ;
2/ Pour les travailleurs, le signal qu’ils émettent est-il crédible, ont-ils intérêt à modifier leur choix ?

- Les mauvais ont-ils intérêt à faire e* années d’études ? S’ils le faisaient, ils auraient une
augmentation de salaire de (w2 – w1) mais une augmentation de leur coût d’études de (e*.c1). Or par
hypothèse e*.c1 > Pm2 – Pm1. Le coût est plus fort que le gain. Les mauvais n’ont donc pas intérêt à
faire e* années d’études. Le coût (e*c1) de e année d’étude est plus grand que le gain ;

- Les bons ont-ils intérêt à faire 0 année d’études ? Leur perte de salaire serait de (w2 – w1) et la baisse
de leur coût d’étude serait (e*.c2). Or, par hypothèse Pm2 – Pm1 > e*.c2. Leur perte est plus forte que
le gain. Les bons ont donc bien intérêt à faire e* années d’études.

Il s’agit donc bien d’un équilibre séparateur (seuls les bons acquièrent le signal) et cet équilibre
est optimal.

Exemple 2 : En assurance, dans un contexte de sélection adverse, il est possible d’utiliser des contrats
dits révélateurs. L’asymétrie d’information est essentiellement défavorable aux bons risques. Ceux-ci
souhaiteraient pouvoir « signaler » leur qualité à l’assureur pour pouvoir bénéficier d’une
tarification plus basse. Mais ce signal doit être crédible. Il faut que l’assureur soit certain que seul
un vrai bon risque à intérêt à se désigner comme tel. Laisser aux agents le choix entre divers
contrats c’est leur donner l’occasion d’envoyer un signal de ce type. Par exemple, certains contrats
spécifient que la couverture ne s’applique pas dans toutes les circonstances (par exemple, le contrat
d’assurance décès ne fonctionne pas pour les accidents consécutifs à la pratique de sports
dangereux…). Ils incitent les assurés à se révéler en proposant un contrat d’assurance standard
(avec une franchise élevée) surtout destiné aux bas risques et des contrats plus globaux ou sans
franchise (et donc plus chers) choisis par les individus concernés. Selon le choix de l’assuré,
l’assureur peut identifier son niveau de risque. L’assuré va s’auto-sélectionner. La crédibilité est

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garantie par la présence d’une franchise qu’un mauvais risque n’aurait aucun intérêt à accepter même
en échange d’une réduction tarifaire.

Exemple 3 : De même, les employeurs doivent distinguer les bons des mauvais travailleurs. Comme
ils ne peuvent pas, ils offrent le même salaire à tous (salaire reflétant la productivité moyenne de tous
les travailleurs de la population). Mais un tel salaire peut être trop faible pour attirer les bons
travailleurs : seuls les mauvais travailleurs accepteront. Nous allons montrer qu’une politique
salariale qui n’offre qu’une partie de salaire en fixe, l’autre partie étant basée sur les pourboires
reçus permet à l’employeur de distinguer les bons des mauvais serveurs. Seuls les bons serveurs
resteront : les salariés vont s’auto-sélectionner (Schotter, 1996).

Un restaurateur engage de nouveaux serveurs. Il ne peut pas distinguer les bons serveurs qui
peuvent s’occuper de 10 tables dans la soirée et les mauvais qui ne peuvent en servir que 5. Le
restaurant sert 100 repas par soir. Si le restaurant embauche 10 bons serveurs, il n’y aura pas de
problème pour traiter la charge de travail. Par contre, si le restaurateur engage des mauvais
serveurs, le mauvais service pourrait ruiner sa réputation. Il va donc chercher à pratiquer une
politique salariale qui n’attire que les bons serveurs. Il va permettre au serveur de recevoir un
pourboire en plus de son salaire fixe. Sans pourboire, le salaire est égal à S qu’il s’agisse d’un bon ou
d’un mauvais serveur. On suppose que le pourboire est égal à 10 % du prix du repas, quel que soit
le serveur.

La rémunération de chaque serveur va dépendre du montant du salaire fixe et du nombre de tables


servies :

R = S + [n x (0,10 P)]

Ainsi, pour chaque type de serveur on a :

RBS = S + [10 x (0,10.P)]

RMS = S + [5 x (0,10.P)]

Les opportunités de salaires extérieurs peuvent être meilleures pour les bons serveurs.

Si le restaurateur veut attirer des bons serveurs, il doit offrir un salaire au moins égal au salaire des
bons serveurs sur le marché 𝑤𝐵𝑆 .

Mais cela va aussi attirer les mauvais serveurs (car 𝑤𝐵𝑆 > 𝑤𝑀𝑆 ). Le restaurateur va déterminer un
salaire fixe suffisamment bas pour que seuls les bons serveurs, qui pourront avoir suffisamment de
pourboire, trouvent avantage à y travailler. Le salaire de base doit vérifier la contrainte de participation
du bon serveur :

S + (10 x (0,10.P)) ≥ 𝒘𝑩𝑺 .

Mais le mauvais serveur ne doit pas être attiré (contrainte de non-participation)

S + (5 x (0,10.P)) < 𝒘𝑩𝑺 .

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Si 𝒘𝑩𝑺 = 𝟐𝟎𝑭, 𝒘𝑴𝑺 = 𝟏𝟓𝑭 et P = 10F. Un SB = 5F peut permettre de n’attirer que les bons serveurs
car ils gagneront 20F ce qui est égal à leur salaire sur le marché alors que les mauvais ne gagneront
que 12,5F avec ce système.
Le pourboire est un mécanisme qui permet de distinguer les bons et les mauvais serveurs.
Toutefois, le restaurant ne mettra en place cette politique salariale que si elle lui permet de faire des
profits plus importants.

1.2.4 Diffusion explicite de l’information privée

La partie qui détient les informations privées gagnerait parfois à ce qu’elles soient connues.

Par exemple, un ouvrier particulièrement productif aimerait en informer ses employeurs potentiels. Le
problème est qu’il n’est pas simple de divulguer de telles informations et que les révélations ne sont
pas toujours crédibles. Il faut donc chercher à crédibiliser l’information. Se pose alors la question de
la réputation de l’émetteur.

Les employeurs aimeraient aussi accéder à ce type d’information pour faire le meilleur choix. Ils vont
donc chercher à accéder aux informations privées. Dans certains cas, il est possible d’accéder aux
informations privées qui sont à l’origine de la sélection adverse.

NB : Les tests d’aptitude et de compétence peuvent fournir des informations sur les candidats à
l’embauche ou l’analyse graphologique… Mais leur utilisation a des coûts.

1.2.5 La publicité

La publicité peut être un véhicule de l’information par un mécanisme de « signal » : le simple fait
pour une marque de faire sa publicité constitue en soi un signal efficace, indépendamment du contenu
des messages publicitaires. Ainsi une marque qui investit massivement dans une campagne
publicitaire a plus de chances de proposer un produit de qualité qu’une autre. En effet, seul le
producteur de biens de qualité a économiquement intérêt à lancer cette campagne puisque le
client, satisfait par son achat, est susceptible de rester fidèle à la marque. A l’inverse, s’il est déçu
par un achat de qualité médiocre, il abandonnera la marque au profit d’une marque concurrente ; le
producteur ne retirera pas le bénéfice de son investissement publicitaire. La publicité agit alors comme
un signal de la qualité des produits.

Critique et conclusion : l’hypothèse implique directement le résultat, elle est ad hoc et très forte. Si
elle n’était pas satisfaite, nous n’obtiendrions pas d’équilibre séparateur, il n’y aurait pas de possibilité
de discriminer les bons et les mauvais, tous seraient payés au salaire moyen et l’équilibre ne serait pas
optimal. On voit la difficulté pour résoudre le problème de sélection adverse. D’un point de vue
décentralisé, il faut qu’un mécanisme concurrentiel puisse réaliser un équilibre séparateur. Que
seuls les bons produits puissent acquérir un signal, qui signale leur qualité. Ce n’est pas toujours
possible. D’un point de vue centralisé, le dictateur bienveillant peut distribuer des garanties, des
rapports d'expertise (contrôle technique, certificat médical…) donner des labels de qualité.

2. Le problème posé par l’aléa moral

2.1 Définition de l’aléa moral

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On parle de hasard moral lorsqu’il est impossible de contrôler si l’une des parties d’un contrat
agit correctement et ses actions ont des répercussions sur la valeur de la transaction pour l’autre
partie.

2.2 Le modèle Principal-Agent : relation d’agence.

Examinons le modèle principal (ou mandant)/agent (ou mandataire) ou théorie de l’agence.

Selon Jensen et Meckling (1976), puis Ross (1973) « Une relation d'agence est un contrat par lequel
une personne (le principal) engage une autre personne (l'agent) pour réaliser un service pour son
compte impliquant la délégation d'une certaine autorité de décision ». Elle analyse les contrats par
lesquels une entité (le principal) fait appel à une autre personne (l’agent) pour exécuter, en son
nom, une tâche quelconque impliquant une délégation de pouvoir de décision à l’agent (relation
d’agence). De plus, la relation d’agence est caractérisée par l’incertitude et l’asymétrie d’informations
entre le principal et l’agent. Cette divergence d’intérêt est généralement formalisée à travers le modèle
principal-agent, considéré comme un cas particulier de la théorie des contrats dont l’objet principal est
d’analyser les relations d’échanges entre des parties en tenant compte des contraintes institutionnelles
et informationnelles dans lesquels elles évoluent (Salanier, 1994).

En analysant les échanges bilatéraux, ce modèle P-A présente l’avantage d’intégrer la complexité des
comportements stratégiques des agents au sein de liens institutionnels définissant les possibilités
de leurs actions dans le processus contractuel (Holmstrom et Milgrom, 1991 ; Grossman et Hart,
1983).

Les conditions d’une relation d’agence peuvent être résumées comme suit :

 L’agent a le loisir de choisir un comportement parmi plusieurs possibilités ;


 L’action de l’agent affecte le bien-être des deux parties ;
 Les actions entreprises par l’agent sont difficilement observables par le principal :
- Soit parce que le contrôle des actions ou la vérification des informations s’avère couteux =
coût de supervision prohibitif ;
- Soit parce que l’observateur est incompétent.

Exemple 1 : Considérons une délégation de pouvoir au sein de l’entreprise dès lors que le propriétaire
n’est plus le seul apporteur de capitaux, ni le seul à prendre les décisions de gestion. Dans la relation
actionnaire/manager, le propriétaire ne peut observer parfaitement l’effort que consent le manager. Ou
bien, le propriétaire peut observer cet effort mais avec un coût exorbitant. Ce type d’asymétrie est
appelé « action cachée » (hidden action). De même, après la signature du contrat, le manager peut
devenir mieux informé que le propriétaire sur les opportunités et les risques de l’entreprise. Ce type
d’asymétrie est appelé « information cachée » (hidden information).

Exemple 2 : L’aléa moral a été particulièrement étudié dans le domaine de l’assurance. L’acheteur
est ici l’assuré qui cherche à se prémunir contre un risque en souscrivant une police d’assurance. Le
vendeur est ici la compagnie d’assurance qui se retrouve dans une situation où elle doit couvrir un
risque dont la probabilité d’occurrence peut être mesurée ex ante par des analyses reposant sur la loi
des grands nombres. Cependant, une fois la police souscrite, l’acheteur du contrat peut changer
de comportement. Il peut relâcher sa vigilance. Le vendeur du contrat risque alors de voir ses coûts
augmenter considérablement.

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Exemple 3 : En économie publique, le travail de Loeb et Magat (1979) ou de Baron et Myerson
(1982) montre clairement la difficulté essentielle de la règlementation des monopoles naturels qui
provient de l’information asymétrique existant entre le régulateur et le monopole, en particulier en ce
qui concerne la fonction de coût. Le problème est formalisé sous la forme de modèle principal-agent,
dans lequel le principal est le régulateur et l’agent l’entreprise. Dans Laffont-Tirole (1986), ce modèle
a été généralisé en supposant une double asymétrie d’information : un paramètre de coût qui, comme
dans celui de Baron et Myerson, représente une information cachée et une variable de risque moral
(l’effort de l’entreprise qui lui permet de diminuer le coût).

Une des conclusions de la théorie de l’agence est que la présence post contractuelle d’asymétrie
en information entraîne une diminution du bien-être des parties contractantes par rapport à un
état où l'information est parfaite.

L’asymétrie d’information est ici liée à la nature opportuniste des contractants qui sont libres de
changer de comportements.

2.3 Les solutions aux problèmes d’aléa moral.

2.3.1 Le Contrôle ou la Surveillance.

La surveillance est souvent coûteuse (le problème du « contrôle du contrôleur ») et de plus en plus
difficile pour le travail qui implique un degré élevé d'incertitude et de comportement discrétionnaire.

Une autre solution consiste à mettre en place un mécanisme incitatif.

2.3.2 Les incitations : un mécanisme de révélation d’informations privées prenant la forme d’un
contrat.

La solution au problème d’aléa moral réside dans la recherche d’un mécanisme incitatif adapté
(à insérer dans les contrats de manière explicite ou implicite) pour remettre le contractant dans le
« droit chemin ».

Exemple 1 : Etant donné le problème de non observabilité de l’effort du manager, l’actionnaire (le
propriétaire individuel ou le conseil d’administration) aura à prévoir des mécanismes incitatifs pour
amener indirectement l’agent à fournir l’effort nécessaire à la réalisation de l’objectif assigné.
L’un des thèmes majeurs de la théorie de l’agence est précisément d'étudier ce type de mécanismes
incitatifs.

Exemple 2 : Il faut que l’assureur maintienne des incitations suffisantes à ce que le comportement de
l’assuré ne devienne pas opportuniste. Les mécanismes de franchises en sont un exemple.

Prenons le cas de l’assurance contre l’incendie. La personne assurée peut ne pas prendre toutes les
précautions lorsqu’elle allume un feu de cheminée et ceci implique que la compagnie d’assurances
doit payer plus de dommages qu’en cas de comportement prudent. Dans le cas d’une location de
voiture ou d’un travail difficile on a le même problème. L’autre partie du contrat peut exiger certaines
précautions mais il est impossible de contrôler si elles sont respectées.

Par exemple, le contrat d’assurance peut prévoir des inspections de la police du feu, le contrat de
location peut exiger que des contrôles soient effectués, un contremaître peut surveiller que le travail
soit bien fait. Par ailleurs, on peut formuler le contrat de telle sorte que l’autre partie agisse comme on

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le désire. Par exemple, l’assurance peut ne couvrir que le 90% de la valeur d’une maison ou on
peut récompenser un travail bien fait. En d’autres termes, on peut introduire des incitations afin que
le comportement de l’autre partie soit aussi dans l’intérêt de la première.

 La théorie (ou l’économie) des incitations : une théorie des contrats.

L’une des façons de limiter l’asymétrie d’information est d’insérer dans le Contrat des clauses qui
limitent l’action de l’un des intervenants si l’autre intervenant a dissimulé des informations ou a eu un
comportement inadéquat.

Rappel sur la théorie des contrats.


La théorie des contrats est le corollaire de la théorie des droits de propriété (on ne peut signer un
contrat que si on est propriétaire d’un bien). En économie, la théorie des contrats étudie les relations
d'échange entre des agents économiques, en tenant compte des contraintes institutionnelles et
informationnelles qui s'imposent à eux. La théorie des contrats (Arrow, 1960 ; Hart et Holmström,
2016) étudie comment les acteurs économiques peuvent et passent des arrangements contractuels,
généralement en présence d’information asymétrique. En raison de ses liens avec les théories de
l'agence et des incitations, la théorie des contrats est souvent classée à l'intérieur d'un domaine
connu comme l'analyse économique du droit. Elle est aussi classable dans le domaine de l'économie
publique.
Objet d’étude (entre Epoux, entre Entreprise et Fournisseur, entre Propriétaires et les gestionnaires de
l’Entreprise, entre un Directeur et ses agents, entre les Citoyens et le Représentants = Présidents élus,
les membres du parlement, etc. = plusieurs acteurs en interactions). Les termes optimaux d’un
contrat : (1) les agents, (2) la nature des interactions, (3) l’objet du contrat, (4) les taches à
effectuer (la délégation), (5) les incitations, (6) les options, (7) les exceptions, (8) les contingences,
etc. Les terminologies : (1) Les contrats implicites (des arrangements) ou (2) Explicites (sont écrits
sur un texte). Un contrat explicite sera généralement garanti par une « tierce partie », telle qu'un
tribunal ou un conciliateur, ou simplement par le désir qu'ont les agents de maintenir leur bonne
réputation. Le contrat peut aussi n'être qu'implicite, comme un système de normes de
comportement dont la violation est supposée donner lieu à des représailles non nécessairement
codifiées à l'avance : un chef d'entreprise peut ainsi être mis au ban par ses pairs s'il adopte un
comportement jugé déviant. La bonne exécution d'un tel contrat implicite devra alors se perpétuer
comme un équilibre dans l'interaction entre les parties. Il existe d’autres terminologies, telles que : (1)
Contrat Complet ou (2) Incomplet (Williamson, 1985 suggère que les contrats sont incomplets du
fait de la rationalité limitée des agents. Pour Grossman, Hart et Moore, les contrats sont incomplets
dans la mesure où certains engagements ne sont pas vérifiables (même s’ils peuvent être parfaitement
observables par les parties contractantes, c’est-à-dire même s’il n’y a pas asymétrie d’information
entre elles) ; (1) Contrats Optimaux (conduit et maintient l’optimalité de Pareto) ou (2) Sous-
Optimaux.
En économie industrielle (Michael Jensen et Meckling = L'entreprise est définie comme un « nœud
de contrats » spécifique entre les détenteurs des facteurs de production (le capital et le travail) et leurs
« clients ».) ; Economie Publique (le contrat social), etc.
Le développement de la théorie des incitations a été une avance importante en économie pendant plus
de trente années.

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Pour J-J. Laffont (2006), « l’économie des incitations peut être décrite comme l’étude de l’élaboration
de règles et d’institutions qui induisent les agents économiques à exercer des niveaux d’effort élevés et
à transmettre correctement toute information privée qu’ils possèdent qui est socialement pertinente ».

L’Economie des incitations se caractérise par deux hypothèses principales.

En premier lieu, dans l'ensemble des théories contractuelles, la théorie des incitations est probablement
celle qui se rapproche le plus, dans ses fondements, du modèle néoclassique [Dubrion, 2004], parce
que la théorie des incitations suppose que les agents soient dotés d'une rationalité économique
substantive identique à celle de l'homo oeconomicus de la théorie néoclassique [Baudry, 2003].
Ils disposent d'une capacité de calcul illimitée, ainsi que d'une information complète qui leur
permet de connaître dans tous les cas la structure des problèmes auxquels ils sont confrontés
l'information de ces agents est complète au sens où, même s'ils ne peuvent pas anticiper avec
exactitude un avenir qui reste aléatoire, les agents connaissent la structure de tous les problèmes
auxquels ils pourraient faire face. Ce qu'ils peuvent ne pas connaître, le cas échéant, c'est la liste des
problèmes qui vont effectivement survenir et leur enchaînement. Ils se représentent alors l'avenir à
partir de lois de probabilité. Ceci renvoie à un univers probabilisable, les agents imaginent les
solutions les plus efficaces en fonction des différents états possibles de la nature et calculent des
espérances de résultats. De tels calculs sont réalisables parce que les agents disposent de compétences
illimitées en la matière, c'est-à-dire que calculer ne leur coûte rien, ni en temps ni en ressources.

En second lieu, contrairement à la théorie néoclassique, les agents ne partagent pas la même
information sur les variables qui déterminent leur choix - hypothèse d'asymétrie d'information.
Certains individus, les « principaux », sont sous-informés par rapport à ceux qui vont agir pour eux,
les « agents ».

Comme chez O. Williamson, les individus sont supposés opportunistes, c'est-à-dire qu'ils sont prêts
à tricher pour satisfaire au mieux leur intérêt personnel.

Puisque l'agent est supposé posséder des informations qui ne sont pas connues du principal, le
problème à résoudre consiste à expliciter comment le principal (l'employeur) peut concevoir un
système de rémunération (un contrat) qui incite un autre individu, son agent (l'employé), à agir
dans l'intérêt du principal.

 Application en économie industrielle : la théorie de la firme

L'article de 1972 d'Alchian et Demsetz est à l'origine du courant qui considère la firme comme un
« nœud de contrats ». Cet article a ensuite été prolongé en 1976 par Jensen et Meckling, véritables
fondateurs de la conception de la firme comme nœud de contrats. La théorie des incitations constitue
le support théorique principal de cette conception. Selon Jensen et Meckling [1976], la firme abrite
l'ensemble (un nœud) des contrats bilatéraux conclus entre elle-même et ses fournisseurs, ses
salariés, ses managers, ses investisseurs, ses clients.

Etant donné l’avantage informationnel de l’agent et la divergence d’intérêts entre le principal et


l’agent, il s’agit de définir un système d’incitation (au bénéfice de l’agent) qui préserve la
maximisation de la fonction d’utilité du principal. « Le principal peut limiter les divergences
d’intérêts en proposant un système d’incitation approprié pour l’agent ainsi que des moyens de
surveillance visant à limiter les comportements aberrants des gens » (Jensen et Meckling, 1976).

 Le schéma incitatif repose sur deux conditions

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Le schéma d'incitation repose, pour eux, sur une rémunération conditionnelle à des « signaux »
résultant du comportement de l'agent (comme le choix d'une option sur une liste de propositions
qualifiée de « menu » de contrats ou comme le résultat apparent de son effort lorsque cet effort lui-
même n'est pas observable).

L'existence d'un tel schéma d'incitation repose sur deux hypothèses importantes.

[1], bien que le principal soit sous-informé, puisqu'il ne sait pas quelle est la valeur réelle de la
variable cachée, il connaît à la fois la loi de probabilité qui affecte cette variable et la fonction de
préférence de l'agent. Le principal peut donc se mettre à la place de ce dernier pour anticiper ses
réactions aux différents schémas de rémunérations concevables, et sélectionner le schéma qu'il préfère
parmi les schémas acceptables par l'agent.

[2], il existe un cadre institutionnel dissimulé, mais compétent et bienveillant, assurant le respect
des engagements pris par le principal. Ainsi toute proposition formulée par le principal est crédible
pour l'agent. D'autre part, le schéma de rémunération proposé repose sur une information dite
vérifiable, c'est-à-dire observable par un tiers.

La théorie du principal-agent suggère que les incitations monétaires jouent un rôle très fondamental
dans la motivation et le contrôle de la performance. Divers mécanismes monétaires peuvent être
utilisés pour aligner les intérêts de l'agent avec ceux du principal, tels que :

- Le salaire à la performance ;
- Le modèle à paiement différé ...

En résumé, la théorie des incitations avec le modèle Principal-Agent met en lumière clairement les
problèmes d'incitations des salariés au travail au sein de la firme et puis donnent les mécanismes par
lesquels les incitations monétaires sont supposées générer l'augmentation de l'effort des salariés. En
effet, les incitations monétaires affectent l'attractivité ou l'utilité de divers résultats et l'effort
affecte la probabilité de réaliser ces résultats. Ainsi, les incitations monétaires augmentent le
désir d'un individu d'accroitre la performance et le salaire concomitant. Alternativement, ce désir
motive les individus à exercer l'effort coûteux parce que les augmentations de l'effort sont présumées
mener directement aux augmentations de la performance prévue.

Cependant, la mise en place d’un tel mécanisme de contrôle et d’incitation fait apparaître des coûts
appelés « coûts d’agence ». La forme organisationnelle qui s’impose est celle qui assure la survie de la
firme par la minimisation de ces coûts d’agence.

La théorie de l’agence propose alors une analyse des modalités de réduction de ces coûts d’agence par
la définition de contrats efficients ex ante. La vocation du contrat est de spécifier les droits de chaque
agent au sein de la firme, les critères de performance sur lesquels chacun est jugé et les rémunérations
auxquelles ils peuvent prétendre (Fama et Jensen, 1983). La passation d’un contrat doit permettre de
limiter les risques encourus par chaque membre apporteur de capital (humain ou financier).

L’entreprise efficiente sera donc celle qui, grâce à la spécification des pouvoirs centraux (propriété,
management et contrôle) et grâce à des incitations adéquates (rétribution en fonction de l’intérêt même
du principal ou mandant) parviendra à minimiser les coûts d’agence.

Les contrats sont vus comme un moyen de coordination permettant d’atténuer les divergences
d’intérêt entre les membres de la firme.

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