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Études de communication
langages, information, médiations
53 | 2019
Florian Dauphin
p. 15-32
https://doi.org/10.4000/edc.9132
Résumés
☝🍪
Français English
L’objectif de cet article est de montrer que si la notion de « fake news » apparaît révélatrice d’enjeux
sociaux démocratiques, journalistiques et juridiques, particulièrement à l’ère des réseaux sociaux
Ce numériques,
site utilise elle
desn’en
cookies
demeure etpas moins une notion limitée pour les Sciences Humaines et Sociales
vous donne le contrôle sur les recherches antérieures sur les rumeurs et la propagande. Il s’agit
si elle ne prend pas en compte
donc de pointer l’intérêt et les critiques de ces notions, en sociologie, en histoire, en philosophie et
ceux que vous souhaitez
en psychologie sociale pour comprendre la complexité du phénomène et les limites de la notion de «
fake newsactiver
».
We argue that while the notion of “fake news” can shed light on democratic, journalistic and legal
✓ Tout
issues, particularly in the era of social networks, it is of limited value as a concept for the humanities
accepter
and social sciences as long as previous research on rumor and propaganda is not taken into account.
In order to understand the complexity of the phenomenon of “fake news” and the limits of the
✗ Tout
notion, refuser
it remains essential to examine how rumor and propaganda have been studied in sociology,
history, philosophy and social psychology.
Personnaliser
Entrées
Politique de d’index
confidentialité
Mots-clés : fake news, fausses nouvelles, rumeurs, propagande, information, désinformation
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3/21/22, 7:05 PM Les Fake News au prisme des théories sur les rumeurs et la propagande
Keywords: fake news, rumor, propaganda, information, misinformation
Texte intégral
Introduction
1 L’expression « fake news » a été largement médiatisée par les journalistes suite à deux
faits politiques majeurs sur le plan mondial dont les résultats vont à l’encontre des
prévisions journalistiques : l’élection du Président des États-Unis Donald Trump en 2016
et le référendum pour le retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne : le « Brexit » la
même année. Cette expression qui se démocratise dans le débat public apparaît
particulièrement polysémique et confuse (Tandoc et al., 2018). Nous pouvons distinguer
quatre types d’usage de la notion : un usage journalistique (professionnel), un usage du
sens commun, un usage politique et un usage scientifique. Pour les journalistes, face à la
méfiance, voire à la défiance de l’opinion publique envers les professionnels de
l’information1, les fake news apparaissent comme un moyen de rendre légitime leur
métier. Leur crédibilité dépend justement de leur capacité à démentir les « fausses
nouvelles »2 et à révéler leur naissance ainsi que les intérêts politiques et/ou économiques
des désinformateurs par les techniques professionnelles de « fact checking ». Par la
dénonciation des fausses nouvelles, les journalistes jouent donc leur rôle d’experts de
l’information et peuvent rendre légitime leur savoir être (posture, éthique et déontologie),
leur savoir-faire (investigation : recherche des faits et des sources) et leur faire savoir face
à une proportion croissante d’individus qui s’informent via les réseaux sociaux
numériques (RSN) : principalement Facebook et Twitter3. Chez les journalistes, la notion
reste floue, souvent employée comme synonyme de « rumeurs » comme nous le verrons.
Pour le « grand public », le concept de « fake news » semble également confus, comme en
témoigne une enquête menée aux États-Unis par Monmouth University en 2018. En
France, des entretiens qualitatifs montrent que l’expression n’est pas connue de tous, elle
est parfois comprise comme une information humoristique provenant de sites satiriques
ou comme une information non vérifiée qui circule sur les RSN4. Alors que le vocable a été
employé pour la première fois en 2014 par le journaliste Craig Silverman dans un tweet à
l’encontre de Trump pour dénoncer une rumeur colportée durant sa campagne, c’est le
Président américain lui-même qui le popularise. Sa célèbre invective à l’encontre d’un
journaliste de la CNN « You are fake news ! » le 11 janvier 2017, montre un usage politique
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de l’accusation de mensonge pour décrédibiliser les contradicteurs. Face au succès de la
notion, des chercheurs ont tenté de la définir et d’en comprendre les enjeux. Certains ont
Ce relativisé
site utilise
la des cookies
portée et nouveau phénomène (Sauvageau et al., 2018 ; Bourdin et
du supposé
vous donne2018).
Le Bras, le contrôle
Mais lasur
majorité des travaux ne rendent pas précisément compte des
ceux que vous souhaitez
études antérieures sur les rumeurs et la propagande qui nous semblent pourtant
activer
incontournables pour comprendre le développement des dites « fake news ».
✓ Tout accepter
1. Les fake news au prisme des rumeurs
✗ Tout refuser
2 Les fausses nouvelles ne représentent ni une rupture, ni une révolution par rapport aux
rumeurs. Les travaux sur les rumeurs remontent à plus d’un siècle ; elles sont un enjeu
Personnaliser
politique et de recherche depuis l’apparition de la presse. Comme le rappelle Kapferer
(1987), la
Politique derumeur circulant de bouche à oreille constitue le plus vieux media du monde. La
confidentialité
transmission de la rumeur orale a été étudiée dès 1902 par William Stern qui a proposé un
protocole expérimental (Froissart, 2002, 62-68), mais c’est à la fin de la Seconde Guerre
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mondiale que la rumeur est devenue, plus que jamais, un enjeu scientifique. À cette
époque, les psycho-sociologues Allport et Postman (1945) réalisent une étude en
laboratoire et montrent les processus de transformation des messages (réduction,
accentuation, assimilation). Les expérimentations sur les rumeurs ont suscité de
nombreuses critiques (Bloch, 1999 ; Reumaux, 1996). Dès la démocratisation d’internet en
France, des recherches (Dauphin, 2002 ; Taïeb 2001) ont interrogé l’impact du nouveau
média sur la circulation des rumeurs, improprement appelées hoax5. À cette époque, il
s’agissait de rumeurs et de légendes urbaines colportées de façon massive par courrier
électronique, avec des variantes internationales. Mais cela ne constituait en rien une
révolution. Une typologie révélait que leur contenu était sensiblement le même que les
rumeurs classiques et légendes urbaines transmises par le bouche à oreille, et les « chaînes
magiques » (Rouquette, 1994) circulant antérieurement par courrier postal. La seule
nouveauté de contenu était les rumeurs liées à l’informatique et en particulier aux virus.
La « rumeur électronique » subissait moins de transformation par rapport à celles se
diffusant de bouche à oreille. Autre différence notable, elles étaient majoritairement créées
intentionnellement dans le but de désinformer, via de fausses sources officielles. Mais la
rumeur échangée par email est devenue aujourd’hui minoritaire par rapport aux rumeurs
qui s’échangent sur les RSN et par les messageries privées mobiles comme WhatsApp.
L’effet de la participation en ligne des acteurs dans la diffusion de contenus informatifs
(like, retweet, repost, commentaires) concourt probablement au sens que prend
aujourd’hui l’expression « fake news », associée à internet et principalement aux médias
sociaux. Dans ce contexte, le mode d’accès et de transmission de l’information évolue. Les
RSN favoriseraient « l’entre soi » (Pariser, 2011) et la « polarisation » (Sunstein, 2017).
Par ailleurs, les fake news s’inscriraient selon Bronner (2013) dans un dérèglement du
« marché cognitif » abondant et concurrentiel de l’information.
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elle-même allusion à un compte offshore aux Bahamas qu’aurait son adversaire
Emmanuel Macron. Des journalistes du Monde affirment que la rumeur « est apparue
Ce moins de deux
site utilise heures avant
des cookies et le débat, sur un espace du forum américain 4chan,
conservateurs pro-Trump
vous donne le contrôle sur de l’alt-right [expression pour qualifier l’extrême droite
américaine], et a été
ceux que vous souhaitez ensuite partagée par des journalistes de cette mouvance, avant d’être
activer
relayée dans la “fachosphère” française, mais aussi par des comptes pro-russes »6. Il s’agit
donc de ce que l’on qualifie d’une rumeur « provoquée » à dessein de nuire, ici au candidat
Macron. Les adversaires qui ont créé et ont relayé massivement cette rumeur sont donc
✓ Toutetaccepter
multiples la situation correspond à l’usage de la rumeur comme outil de « propagande
politique » (Ellul, 1990). Dans ce cas, l’expression « fausse nouvelle » apparaît comme un
✗ Toutderefuser
synonyme « rumeur provoquée » pour désigner l’intentionnalité d’un message faux. La
notion de fake news suggère une intentionnalité, c’est-à-dire une information créée dans
Personnaliser
le but de duper un public (un fake : un faux qui ressemble à un vrai, un truquage). Les
fausses nouvelles peuvent provenir d’un groupe d’individus ou d’un seul individu, via des
Politique
médias de confidentialité
traditionnels ou numériques. L’intentionnalité va de pair avec la question des
intérêts. La volonté d’induire en erreur par une « infox » s’effectue dans le but d’en tirer
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journalistes de « fake news ». Par exemple, un article du Parisien intitulé « Notre-Dame :
une fake news fait d’une statue et d’un pompier des “pyromanes” »9, du 16 avril, fait état
Ce des
site rumeurs
utilise des circulant
cookiessuret Twitter s’appuyant sur une photo d’origine inconnue sur
laquelle l’on pourrait
vous donne le contrôle sur apercevoir un individu contemplant le feu, juché sur la coursive de la
tour que
ceux de lavous
cathédrale (cf. Figure 1). L’Agence France-Presse va aussitôt démentir cette
souhaitez
rumeur :activer
ce que l’on pourrait prendre pour un individu n’est autre qu’une statue. Le
« grand public » ne voulant pas croire à la thèse accidentelle, de fil en aiguille les rumeurs
et les théories du complot vont surgir : les fomentateurs sont tour à tour des gilets jaunes,
des✓terroristes
Tout accepter
islamistes, des hommes politiques10, etc. De nombreuses autre rumeurs
s’appuyant sur d’autres photos ou vidéos vont s’opposer à la version officielle de l’accident.
« Il ✗
n’yTout
pas de refuser
fumée sans feu » comme dit le proverbe, ou bien la question « à qui profite
le crime ? » permettent de comprendre le raisonnement de causalité. Mais la rumeur
Personnaliser
spontanée peut prendre un caractère de propagande lorsqu’elle est relayée par exemple
par le chef du parti « Debout la France », Dupont-Aignan dans le but de faire parler de lui
Politique
pendantde confidentialité
la campagne des élections européennes11.
6 Par ailleurs, dans sa définition, une fake news ne pourrait pas être non intentionnelle,
ce qui exclut l’apparition de fausse nouvelle spontanée. Ainsi, le faux serait le propre de la
manipulation et ne pourrait pas être une invention du sens commun. Ce présupposé
renvoie à une conception de la démocratie où le faux proviendrait nécessairement d’une
manipulation de l’opinion publique. Enfin, la distinction entre « fausse nouvelle »
(provoquée) et « rumeurs spontanées », soulève au final les mêmes problématiques que
l’adhésion aux croyances fausses. L’intentionnalité de la rumeur, incluant le mensonge (ou
fake news) n’empêche pas que pour fonctionner elle doit paraître plausible afin de se
propager. Dans cette forme de transmission, le colporteur ne pense a priori pas diffuser
un mensonge, il transmet une information qu’il pense vraie ou du moins qu’il ne considère
a priori pas comme fausse. Autrement dit, une rumeur provoquée par des individus doit
pour fonctionner avoir une part de véracité et de crédibilité. La fausse information peut
émaner d’individus ayant de « bonnes raisons » (Boudon, 1990, 1995) de croire à
l’information qu’ils diffusent.
7 Le caractère spontané d’une rumeur pose une question complexe. Les rumeurs peuvent
naître spontanément sans être orchestrées et conscientisées en tant que désinformation
dans le but d’agir sur l’opinion publique. C’est le cas des légendes urbaines – elles trouvent
un écho dans les représentations sociales préexistantes chez les individus qui les relaient.
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Selon Fargette, « Les rumeurs spontanées naissent d’événements fortuits, mal interprétés
et déformés, ou purement imaginaires. Par son effet rassurant et explicatif, la rumeur
Ce répond à la des
site utilise perplexité
cookiesde et
la population » (2007, 313). Il s’agit en somme de la création
vous donne le contrôle surCe qui est pertinent pour expliquer la naissance des rumeurs
d’une croyance collective.
spontanées
ceux que vouspeutsouhaitez
l’être dans le cas des rumeurs provoquées (et donc des fake news) pour
expliqueractiver
l’adhésion. Marc Bloch (1999, 48-49), l’un des premiers historiens à rendre
légitime l’étude de la rumeur dans sa discipline, emploie à ce titre l’expression de « fausse
nouvelle » comme un synonyme de « rumeur », écrivant : « Une fausse nouvelle naît
✓ Tout
toujours deaccepter
représentations collectives qui préexistent à sa naissance ». L’adhésion à la
rumeur spontanée ou provoquée pose de nombreux problèmes épistémologiques d’analyse
✗ Tout
similaires refuser des croyances aux fake news. Le « paradigme psychopathologique »
à l’analyse
(Aldrin, 2005), considère la rumeur comme anomique et s’inspire des travaux sur la foule
Personnaliser
(la contagion, l’irrationalité et l’inconscient collectif). Le « paradigme transactionnel »
(Aldrin, 2005) apparaît plus stimulant, dans la mesure où dans une perspective
Politique de confidentialité
microsociologique, il s’intéresse à la rumeur comme un phénomène normal de
communication dans lequel les acteurs sont actifs et pas nécessairement crédules. Dans
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cette perspective, Shibutani (1966) considère que la rumeur n’est pas forcément l’objet de
croyance mais peut être un moyen de socialiser, de donner du sens collectivement à un
évènement et d’envisager des versions alternatives. De même, la propagation de rumeurs
peut s’effectuer dans le but de négocier sa place au sein d’un groupe (Elias et Scotson,
1997). A contrario, les rumeurs dites « négatrices » (Renard, 2006) qui nient la réalité de
faits avérés, peuvent susciter une pleine adhésion à la croyance en une vérité cachée,
propre aux théories du complot (Taïeb, 2010), où l’individu se sent dépositaire d’un secret,
d’une vérité contre la vérité officielle en proposant une nouvelle réalité/vérité. Ces
rumeurs négatrices apparaissent largement minoritaires par rapport aux rumeurs dites
« affirmatives » qui témoignent de « faits imaginaires » (Rouquette, 1975, 1990).
2. Personnaliser
Les fake news au prisme de la
propagande
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priori moral ou politique » (6). Le fait que l’opinion courante considère la propagande
comme un mal ne permet pas d’envisager son existence dans les démocraties – ce qui est
la thèse du philosophe : la propagande est consubstantiellement liée à l’information et à la
technique. Selon lui, en démocratie comme en dictature, les techniques de propagande
existent. Ainsi, « la propagande est dans le monde actuel une nécessité à laquelle il n’est
guère possible d’échapper » (11). Dans cette perspective, les analyses attribuant aux fake
news l’avènement de l’ère de la « post-vérité »14 (Keyes, 2004) nous semblent peu
pertinentes et sont symptomatiques d’une conception démocratique des sociétés au sein
desquels l’individu est pensé comme un être purement rationnel et indépendant.
Deuxième incertitude selon Ellul, « la propagande consiste principalement dans la
diffusion de “bobards”, par le moyen de mensonge ». Si la notion de mensonge (de faux)
est au cœur des fake news, la propagande est plus large. En effet, Ellul distingue deux
types de propagande, la « propagande politique », déjà ancienne et largement étudiée et la
« propagande sociologique », propre aux démocraties, que Troude-Chastenet (2006)
résume de la manière suivante :
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l’émetteur, qui désire noyer toute résistance [...] elle ne permet pas de comprendre les
actes du récepteur qui dispose de capacité de fuite et de contradiction ». C’est tout l’enjeu
de la compréhension de la réception des fake news. Comme nous l’avons vu, les
motivations à diffuser des rumeurs sont nombreuses et ne signifient pas nécessairement
des changements d’attitude et de comportement chez les individus qui les propagent ou
ceux qui cliquent (retweet, like, tag...). Le numérique permet de retracer le succès du
partage de fake news sur les RSN mais cela n’induit pas nécessairement des effets
significatifs sur les croyances. Maigret (2015, 50) conclut en affirmant que « Utilisé
souvent dans un sens très large qui en trahit le véritable sens – l’idée que les médias
manipulent les gens – le concept de propagande est en fait un concept limité, peu
opératoire en tant que tel ». Ainsi, « le mot [propagande] pourrait être réservé aux sociétés
totalitaires où il n’y pas de pluralisme ni même de pluralité des messages et aux situations
de contrôle extrême de la communication publique, par exemple les guerres. Mais, là
encore, la question de l’effet des médias est à nuancer » (Maigret, 2015, 50). En effet, le
terme de propagande fait davantage consensus dans les dictatures au sein desquelles
l’information est contrôlée par le pouvoir. La notion de fake news apparait dans les
démocraties pluralistes où l’information émane des médias publics et privés. Si les
objections à l’usage du terme de propagande nous semblent judicieuses, comment peut-on
qualifier la manipulation d’informations en démocratie, particulièrement avec le
développement du numérique ? Les fake news remettent au goût du jour la propagande
contemporaine en démocratie quand le terme apparait délaissé. L’expression « fausses
nouvelles », à l’image de la propagande, peut servir à qualifier une action délibérée ayant
un caractère institutionnel dans le but de manipuler l’opinion publique par des mensonges
ou de la désinformation15. De même, à l’instar de la propagande, les fausses nouvelles
visent l’efficacité et l’obtention ou le maintien du pouvoir par un ensemble de techniques,
comme ce fut le cas pour le Brexit et l’élection de Donald Trump. Néanmoins, inférer
qu’une propagande a fonctionné parce que les effets se sont produits n’exclut pas que la
communication a simplement fait écho à des représentations préexistantes (confusion de
l’effet et de la cause). De fait, à l’instar des critiques que l’on peut émettre à l’encontre des
théories sur la propagande, les fake news ne sont pas toutes-puissantes, quelles que soient
leurs propriétés technologiques. Enfin, à l’image de la propagande, les fake news peuvent
être retournées contre leur détracteur. C’est le cas de Trump accusant les médias de
diffuser des fausses nouvelles alors que le terme a d’abord été employé à son encontre.
Dans ce cas, il s’agit de relever une supposée vérité en pointant un supposé mensonge de
l’autre camp.
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Conclusion
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13 vousCet
donne le n’a
article contrôle
pas la sur
prétention de faire un état de l’art exhaustif des travaux sur les
ceux que vous souhaitez
rumeurs et sur la propagande, mais il permet de relativiser la prétendue nouveauté des
fake news.activer
En occultant les travaux antérieurs et donc par son a-historicité conceptuelle,
l’expression de « fake news » apparaît polysémique, confuse, simpliste et peu opératoire.
Si l’unification d’une théorie sur les rumeurs n’est pas évidente (Froissart, 2002), il y a un
✓ Tout accepter
consensus relatif sur la définition du terme et les travaux apparaissent heuristiques.
Comme on l’a vu, l’histoire des rumeurs montre que les distinctions entre les rumeurs
✗ Tout et
spontanées refuser
provoquées, et entre vérité et fausseté, sont complexes alors que la
définition de la notion de fake news signifie exclusivement l’intentionnalité et la fausseté.
Personnaliser
De même, les théories sur les rumeurs permettent d’éviter certains présupposés. Le
paradigme transactionnel, s’opposant au paradigme « psychopathologique », relativise la
Politique de confidentialité
crédulité totale de l’individu contaminé par la fausse information et considère que la
rumeur n’est pas pathologique mais qu’elle est normale et donc intemporelle dans la
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Notes
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1 Selon le 32e baromètre de la confiance accordée par les Français aux médias réalisé par Kantar,
en 2019, la crédibilité accordée aux médias diminue (50 % de confiance en la radio, 44 % à la presse
écrite, 38 % à la télévision et 25 % à internet). Cf. https://www.la-
croix.com/Economie/Medias/Barometre-medias-journalistes-sommes-remettre-question-2019-01-
24-1200997667?from_univers=lacroix
2 Par commodité, nous traduirons l’expression de « fake news » par « fausses nouvelles », même s’il
est nécessaire de préciser que le terme existe depuis longtemps dans la langue française. Marc Bloch
(1999) l’emploie dès 1921 et le terme a également une existence juridique. Cf. article 27 de la « loi du
29 juillet 1881 » sur la presse, à l’époque où elle émerge conjointement à l’opinion publique (Tarde,
1989).
3 Ce constat est particulièrement avéré pour les jeunes de 15 à 34 ans. En France, ils sont 71 % à
privilégier les réseaux sociaux comme moyen d’information et seulement 14 % à consulter la presse
papier ou en ligne. Cf. Médiamétrie, Les jeunes et l’information, Synthèse, Juillet 2018 :
http://www.culture.gouv.fr/Presse/Communiques-de-presse/Les-jeunes-et-l-information-une-
etude-du-ministere-de-la-Culture-vient-eclairer-les-comportements-des-jeunes-en-matiere-d-acces-
a-l-information
4 Des entretiens menés dans le cadre d’un cours d’initiation aux méthodes qualitatives sur les usages
sociaux de l’information par des étudiants de Licence 3 Sciences de l’éducation à l’Université de
Picardie Jules Verne (2018-2019) en attestent.
5 Le terme « hoax », que l’on peut traduire par « canular », n’apparaît pas pertinent dans la mesure
où il réduit l’ensemble des rumeurs qui circulent entre les internautes à des messages intentionnels
créés dans un but ludique.
6 Samuel Laurent et Adrien Sénécat, « Présidentielle 2017 : une campagne plombée par les rumeurs,
les intox et les fausses “informations” », Le Monde, Les décodeurs, 5 mai 2017 :
https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2017/05/05/une-campagne-plombee-par-les-
rumeurs-et-les-fausses-informations_5122623_4355770.html
7 On constate ici un paradoxe : plus l’information est relayée, plus elle semble vraie. Le phénomène
d’influence normative prend le pas sur la recherche de la vérité. La psychologie sociale montre que
face à la complexité du traitement de l’information, croire en la majorité paraît plus fiable et plus
rentable.
8 Boris Johnson, qui a mené à bien la campagne « Vote Leave » (pour la sortie de l’UE) lors du
référendum de 2016 sur le Brexit, a répété à maintes reprises que la contribution hebdomadaire du
Royaume-Uni à l’UE était de 350 millions de livres et que cette somme pouvait être utilisée pour
financer le NHS (équivalent britannique de la Sécurité sociale). Le message a été placardé sur les bus
de campagne de « Vote Leave » faisant le tour du pays.
9 http://www.leparisien.fr/faits-divers/notre-dame-une-fake-news-fait-d-une-statue-et-d-un-
pompier-des-pyromanes-16-04-2019-8054823.php
10 La thèse de l’islamisme est largement reprise. Suite à la photo citée précédemment, un internaute
demande qui est cet homme en djellaba. L’accusation des islamistes ira jusqu’aux États-Unis où Alex
Jones, influenceur complotiste de l’extrême droite américaine, pense que l’incendie de Notre-Dame
de Paris est un acte de terrorisme islamique. Certains gilets jaunes accusent le Président Macron,
l’un d’entre eux poste sur Facebook : « Un jour de bilan de grand débat... le hasard fait décidément
bien les choses... ». Enfin, les gilets jaunes sont également accusés, à la suite d’une vidéo montrant
☝🍪
des individus avec des gilets jaunes pendant l’incendie.
11 Il déclare : « dans un pays comme le nôtre, où il y a plus de 1000 incidents ou actes de
Ce malveillance
site utilise anti-chrétiens
des cookiesqui etsont cachés volontairement [...], c’est le devoir d’un homme politique
vous donne
de poser unele contrôleCf. l’article
question ». sur de Leia Hoarau et Benjamin Sportouch, « Notre-Dame : Nicolas
Dupont-Aignan
ceux continue de s’interroger sur l’hypothèse d’un attentat », 21/04/2019,
que vous souhaitez
https://www.rtl.fr/actu/politique/notre-dame-nicolas-dupont-aignan-a-un-doute-sur-l-origine-de-
activer
l-incendie-7797475340
12 http://www.leparisien.fr/faits-divers/notre-dame-une-fake-news-fait-d-une-statue-et-d-un-
pompier-des-pyromanes-16-04-2019-8054823.php
✓ Tout accepter
13 Une organisation américaine à but non lucratif créée en 1937 dans le but d’« apprendre aux gens
comment penser plutôt que quoi penser ». Malgré le succès de cet institut, il dut suspendre ses
✗ Tout
opérations carrefuser
« [il] fut placé devant un dilemme : en plus d’analyser la propagande de l’ennemi, il
aurait dû, afin d’être objectif, étudier également la propagande américaine, et du même coup lui
faire perdre de son efficacité en révélant ses secrets aux adversaires des États-Unis » (Augé, 2007,
11). Personnaliser
14 Le terme de « post-truth » fait son entrée dans le Oxford Dictionary en 2016. Il apparaît à la suite
Politique de confidentialité
des attentats du 11 septembre 2001 et devient populaire en même temps que l’expression de fake
news.
https://journals.openedition.org/edc/9132 12/13
3/21/22, 7:05 PM Les Fake News au prisme des théories sur les rumeurs et la propagande
15 Augé distingue cependant la propagande de la désinformation : « La désinformation emploie des
informations délibérément fausses, alors que la propagande joue sur l’apparence de
l’information [...]. En fonction de ses objectifs, la désinformation présente donc : une information
fausse comme vraie ; une information vraie comme fausse ; une partie d’information vraie comme
une totalité indépendante et vraie pour elle-même » (2007, 17-18).
Référence électronique
Florian Dauphin, « Les Fake News au prisme des théories sur les rumeurs et la
propagande », Études de communication [En ligne], 53 | 2019, mis en ligne le 01 janvier 2022,
consulté le 15 mars 2022. URL : http://journals.openedition.org/edc/9132 ; DOI :
https://doi.org/10.4000/edc.9132
Segault, Antonin. (2021) Du tritium dans les gros titres. RESET. DOI:
10.4000/reset.3185
Giry, Julien. (2020) Les fake news comme concept de sciences sociales. Questions
de communication. DOI: 10.4000/questionsdecommunication.24263
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