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Collège
Mont-Saint-Louis
Monde contemporain
2023-2024

RICHESSE
Covid et inégalités de richesse

Dossier documentaire
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Table des matières

PARTIE 1 – État des lieux


Inégalités liées à la pandémie

1.
Les inégalités, l’angle mort de la pandémie ? 3
Mathieu Gobeil, Radio-Canada, 20 février 2021
Inégaux face à la pandémie
2. Marie-Pier Markon, Vicky Springmann et Valérie Lemieux, Feuillet « Le Point », Gouvernement du 7
Québec, 26 mai 2020

3.
Inégalités sociales dans les décès attribuables à la COVID-19 au Canada 9
Faits saillants, Gouvernement du Canada

4.
La Covid-19 fait exploser les inégalités 11
Vidéo : Émission Zone Économie, animée par Gérald Filion, 21 avril 2020

5.
La pandémie, miroir grossissant des inégalités 12
Line Lamarre, La Presse, 16 septembre 2020

6.
Les femmes moins nanties pendant la pandémie 13
Sandy Torres et Héloïse Michaud, Observatoire québécois des inégalités 19 septembre 2022

7.
La COVID-19 ne doit pas freiner les progrès des femmes 14
Louise Champoux-Paillé, La Presse, 17 avril 2021

8.
La pandémie a profité aux ultra riches 16
André Dubuc, La Presse, 3 juillet 2021

9.
Qui réglera l’addition de la crise de la COVID-19, selon Thomas Piketty? 17
Éric Desrosiers, Le devoir, 17 novembre 2020

10.
La COVID-19 creuse l’écart entre les riches et les pauvres au Canada 18
La Presse canadienne, Radio-Canada, 20 février 2021
3

Source 1

Publié le 20 février 2021

Les inégalités, l’angle mort de la pandémie ?

Une préposée aux bénéficiaires entre dans la zone chaude d'un CHSLD.
PHOTO : RADIO-CANADA / IVANOH DEMERS

MATHIEU GOBEIL

Alors que le confinement se prolonge et qu’on envisage l’après-crise, les pouvoirs publics ont
le devoir de soutenir adéquatement les plus vulnérables pour empêcher que les disparités
s’accroissent, rappellent des experts.

La hausse marquée de l’itinérance ces derniers mois et la controverse entourant l’application du


couvre-feu au Québec ont dévoilé au grand jour les difficultés à mettre en œuvre des mesures
sanitaires draconiennes qui visent tout le monde. Mais il reste que de larges segments de la
population sont frappés par des situations structurellement difficiles qui passent souvent sous le radar
dans le contexte actuel de la pandémie.

Quand on parle d'inégalités, on ne parle pas juste des gens en grande précarité. On parle de toute
l'échelle sociale, rappelle Louise Potvin, directrice scientifique du Centre de recherche en santé
publique et professeure à l’Université de Montréal. Des chercheurs recensent les effets des inégalités
dans la crise que nous vivons à la fois sur la situation économique, sur la détresse vécue et sur la
santé de différents groupes. Toutes les personnes qui sont à faible revenu font face à une multitude
d'enjeux, rappelle d’entrée de jeu Elmer van der Vlugt, chercheur à l'Observatoire québécois des
inégalités (OQI).

À la base, les études montrent que cela crée des disparités sur la santé. Déjà, quand on est en moins
bonne santé et qu'on entre dans une pandémie [ça diminue notre capacité à affronter la maladie].
Aussi, les personnes à faible revenu sont plus affectées par la réduction des heures et par les pertes
d’emplois. Les industries de services sont celles où il y a eu beaucoup de coupes. Et ces emplois-là,
qui sont souvent moins payés, se prêtent moins au télétravail, note-t-il. 60 % des emplois à bas salaire
sont occupés par les femmes. Et elles sont surreprésentées dans certains secteurs qui ont fermé, par
exemple la restauration, l'hébergement et le commerce de détail. Ça permet de comprendre pourquoi
elles ont été affectées de façon si disproportionnée dans la crise actuelle, souligne pour sa part Sandy
Torres, rédactrice-analyste à l’OQI. Elles sont aussi surexposées au risque d'infection, entre autres
parce qu’elles sont prédominantes en première ligne dans les professions de la santé, poursuit-elle.
Toutes les sphères de la vie des femmes ont été touchées. On pourrait parler de la conciliation travail-
famille, de la charge familiale qui s'est accrue, notamment à cause des fermetures des écoles.

« Des sous-groupes sont encore plus à risques. Je pense par exemple aux mères seules, qui, sur le
plan financier, se sont retrouvées très vulnérables, ou encore aux jeunes mères. »
— Une citation de Sandy Torres, rédactrice-analyste à l’Observatoire québécois des inégalités

Les nouveaux arrivants ou encore les personnes qui font partie des minorités visibles subissent aussi
plus durement les contrecoups de la pandémie que la population générale, signale M. van der
Vlugt. Des reportages ont montré comment les femmes d’origine haïtienne étaient surreprésentées au
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sein des préposés aux bénéficiaires [et des travailleurs de la santé] à Montréal, ce qui augmente aussi
les risques d'attraper le virus et de le transmettre à leur entourage.
En effet, les données montrent que les quartiers où vivent plus de personnes des communautés
culturelles ont été plus durement touchés par la COVID-19. Par ailleurs, beaucoup de gens, qui
bénéficient par exemple de l’aide sociale, n’ont pas eu accès à la PCU et à d’autres mesures d’aide
économique destinées aux personnes occupant ou ayant occupé un emploi récent, rappelle M. van der
Vlugt, ce qui peut accroître des inégalités en temps de crise. Les besoins de formation et de
requalification demeurent des enjeux importants.

Tous dans la même tempête, mais pas dans le même bateau


Les experts sont d’avis toutefois que les programmes d’aide financière des gouvernements ont été d’un
immense secours. Ils ont permis à l'économie et à bien des gens de survivre. Et, à mon avis, on s'en
va vers un revenu de citoyenneté. Ça permet à la majorité des gens d'encaisser des coups et de
rebondir, tout en agissant positivement sur les déterminants de la santé, mentionne Louise Potvin, qui
se spécialise dans les inégalités de santé.
Le problème, selon elle, est que la situation d’urgence qui s’est installée au printemps 2020 est en train
de devenir chronique, ce qui commande désormais une approche plus adaptée et réfléchie dans cette
crise à plusieurs facettes. Les groupes qui subissent les contrecoups économiques sont souvent les
mêmes pour qui les mesures sanitaires sont un plus grand fardeau.

Dans les situations d'urgence, des protocoles se mettent en place. Ceux-ci sont faits pour le gros de la
population. Mais c'est évident qu'il y a des gens qui sont à la marge et qui ne font pas partie du "mur à
mur", indique la chercheuse. [Ceux qui écopent le plus avec les mesures sanitaires] sont ceux en
emploi précaire, ceux qui n'ont pas le choix de se déplacer en transports en commun, ceux qui vivent
dans des endroits densément peuplés, etc. Et ça s'empile, rappelle-t-elle.

« De dire "je me lave les mains, je m'isole", c'est une chose. Mais quand tu vis à sept dans un quatre et
demi, c'est difficile. Il y a un paquet de barrières à l'implantation de ces mesures-là pour des gens qui
ne sont pas dans des bureaux, isolés, qui n’ont pas une voiture et une maison unifamiliale. »
— Une citation de Louise Potvin, directrice scientifique du Centre de recherche en santé publique et
professeure à l’Université de Montréal

Ces mesures-là sont faites pour des gens de classe moyenne, dont sont issus ceux et celles qui les
pensent, estime-t-elle, ajoutant que le gouvernement joue beaucoup sur la culpabilité dans ses
messages publics.

« Toutes les campagnes du gouvernement à l'heure actuelle visent à responsabiliser les individus. Il n'y
en a pas une, à mon avis, qui vise à soutenir les efforts des personnes pour qui les mesures sont plus
difficiles à opérer. »
— Une citation de Louise Potvin

Elle trouve également qu’on devrait accroître l’aide sur le plan sanitaire, et ce, peu importe le milieu de
vie ou de travail des personnes. Elle cite en exemple le fait qu’on fournisse, dans plusieurs entreprises
et institutions, des masques chirurgicaux pour protéger travailleurs et utilisateurs.

L’Université de Montréal, où je travaille, exige le port de


masques chirurgicaux. On distribue des masques à l’entrée,
payés par les fonds publics, relate-t-elle. Mais c’est sûr qu’avec
mon salaire, je peux m’en payer, des masques. Est-ce qu’on en
distribue dans les HLM, où on a beaucoup plus de chances de
se transmettre le virus dans les aires communes et les espaces
restreints? [...] Ils en ont pas mal plus besoin. Des
Les personnes vivant dans un HLM ou un immeuble à
regroupements réclament aussi depuis des mois de logements doivent souvent faire leur lavage dans des pièces
subventionner le désinfectant et les masques pour les communes, où l'on doit utiliser des pièces de monnaie, qui
représentent autant de vecteurs pour le virus, rappelle Louise
Potvin.
PHOTO : CBC
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personnes vivant de l’aide sociale ou disposant de faibles revenus, car il s’agit pour elles de dépenses
supplémentaires considérables.

Les organismes à l’œuvre


Beaucoup a été fait depuis mars 2020 : le secteur communautaire est à pied d’œuvre dans les milieux
pour amoindrir les impacts de la pandémie et des mesures sanitaires. Les gouvernements ont octroyé
des centaines de millions de dollars pour l’aide communautaire et de proximité. Par exemple, à
Montréal, la Croix-Rouge travaille de concert avec la santé publique pour aider des gens qui ne
peuvent pas s’isoler sécuritairement quand il y a un diagnostic positif de COVID-19 dans leur ménage,
car étant trop nombreux ou par manque d’espace. Elle fournit l’hébergement à l’hôtel et de l’aide
alimentaire.

Elle donne aussi des trousses de prévention, aide à faire les commandes de médicaments et offre un
service de traduction pour ceux qui ne parlent ni français ni anglais. Des interventions humanitaires
semblables à travers le monde ont montré qu’elles ont un impact significatif dans la lutte contre le
coronavirus.

Marie-Lyne Brunet, directrice de l’Impact dans les collectivités chez Centraide du Grand Montréal,
rappelle que toutes les ressources communautaires sont très sollicitées en ce moment : celles pour les
sans-abris, pour les jeunes, les refuges pour femmes, les
banques alimentaires, l’aide aux réfugiés et aux personnes
sans statut. Des inquiétudes sont manifestes quant aux aînés
isolés ou vulnérables, et relativement aux problèmes de santé
mentale.

La pandémie et les problèmes économiques qui en découlent entraînent une augmentation de


gens souffrant d'insécurité alimentaire.
PHOTO : LA PRESSE CANADIENNE / GRAHAM HUGHES

Les organismes communautaires ont été mobilisés, au front, dès le début de la pandémie. Et on
pensait tous que ça serait du court terme, mais là, les semaines, les mois se sont additionnés et les
ressources sont fatiguées. Elles ont perdu beaucoup de bénévoles, alors que les besoins sont plus
grands. On sent vraiment un épuisement et beaucoup de stress aussi, dit-elle. Louise Potvin juge pour
sa part qu’il faudrait plus de soutien aux intervenants communautaires de première ligne, pour qu’ils
puissent mettre de l’air dans le système. Mme Brunet et Potvin insistent pour que les gouvernements
écoutent et impliquent les organismes sur le terrain.

Il faut que le gouvernement s'entoure d'experts, d'acteurs qui connaissent bien la population qu'ils
veulent cibler. Et c'est le milieu communautaire qui l'a, cette expertise-là. C'est eux qui travaillent
directement auprès de la population vulnérable, à une échelle locale, très humaine. Il faut les impliquer
dans la prise de décision et leur donner les moyens de faire leur travail, signale Mme Brunet.

Le souci des enfants vulnérables


La fréquentation des écoles a été perturbée considérablement depuis un an. Des intervenants
s’inquiètent du devenir de plusieurs jeunes. Quand on parle d’inégalités, il ne faut pas oublier les
enfants. Parce qu'on sait que les écarts se creusent tout au long de la vie. Et l’école joue un grand rôle
d’égalisateur, rappelle Louise Potvin. Elle craint que beaucoup de situations vécues par des familles
plus vulnérables ne passent inaperçues, avec une résultante négative sur les jeunes.

Il y a toute une partie de la population qui oscille, des gens à emploi précaire, à emploi sous-payé, qui
y arrivent, et qui n'utilisent pas les banques alimentaires, qui ne sont pas dans les HLM, mais qui, d'une
semaine à l'autre, vivent dans des conditions incertaines et n'ont pas nécessairement le temps,
l'éducation et les ressources pour détecter des problèmes chez leurs enfants. Et qui n'ont pas non plus
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la capacité de les soutenir, résume-t-elle. Elle redoute qu’on ne voie que la pointe de l’iceberg en ce
moment.

À Centraide, on soutient beaucoup le secteur de la persévérance scolaire, renchérit Marie-Lyne


Brunet. Au début de la pandémie, il s’agissait plus d’une perte de repères chez les jeunes. Mais là, on
voit vraiment une démotivation, un désengagement, une fatigue de l'écran, aussi, pour certaines
populations.
« On le voit, déjà, il y a une différence de 10 points de pourcentage dans les taux de réussite entre les
milieux favorisés et les milieux défavorisés. C'est sûr que cet écart-là va s'accentuer à cause de la
pandémie. »
— Une citation de Marie-Lyne Brunet

En milieu défavorisé, souvent, il n’y a pas de


connexion Internet à domicile, un manque
d'espace de travail, les parents qui ne sont pas
disponibles pour soutenir les jeunes par rapport à
leur parcours scolaire, et parfois une
méconnaissance du système scolaire et de la
langue. Donc, tout ça vient accentuer la difficulté
de parcours scolaire de certains jeunes en ce
moment, décrit Mme Brunet.

Si on regarde au niveau populationnel, il y en a


Le Québec s'est doté d'un programme de tutorat par des étudiants, des
qui vont probablement s'en sortir très bien. Peut- employés et des retraités du réseau scolaire pour offrir un soutien
être même que certains vont en avoir des supplémentaire aux élèves pendant la pandémie.
bénéfices. Il y en a d’autres qui vont souffrir un PHOTO : ISTOCK
peu, moyennement, temporairement. Puis il y en
a qui vont avoir des problèmes à long terme plus sérieux qui auront des impacts sur leur trajectoire,
observe Sylvana Côté, professeure à l’École de santé publique de l’Université de Montréal qui est à la
tête du nouvel Observatoire sur l’éducation et la santé des enfants.

Ce qui m'inquiétait, c'était quand les écoles et les garderies étaient fermées. Le stress que vivaient les
familles, et le fait d'être ensemble 24 heures sur 24. Ça, c'est tellement exigeant sur toute la famille. Je
trouvais ça vraiment inquiétant pour celles qui vivent dans des conditions difficiles, de précarité
économique et de santé mentale, se souvient-elle.

« Je suis vraiment ravie des décisions du gouvernement de garder les écoles ouvertes. Si vous saviez
le nombre d'endroits dans le monde actuellement où les restaurants sont ouverts et les écoles sont
fermées! »
— Une citation de Sylvana Côté

L’école, c'est la mesure pour réduire les inégalités. Parce que tout découle de ça : les repas scolaires,
le soutien, l'environnement social, les enseignants. C'est une économie en soi et c'est le filet social le
plus important, souligne Mme Côté. Pour l’avenir, il faudra prioriser les besoins, insiste-t-elle, et mettre
en place des ressources plus légères qui s’adresseront à un plus grand nombre de jeunes, parce que
les défis seront grands.

Ce n’est pas tout le monde qui va pouvoir aller voir l'orthopédagogue, l'ergothérapeute. Déjà c'est
saturé, dit-elle. Alors, il s’agit d'avoir des mesures comme le tutorat, même si celle-ci est critiquée en
ce moment. Ça va aider. Mais il faudra faire un bon suivi des effets, poursuit-elle. Ce n’est pas la
première crise que les humains traversent. Mais il faut regarder tout ça de près pour offrir du soutien à
ceux qui vont en avoir besoin, pour être sûrs qu'il n'y en a pas qui aient écopé très dur sans qu’on ne
s’en soit occupés. Et ne pas trop s’en faire avec la performance scolaire.
7

Il ne faut pas oublier que les enfants d’aujourd’hui sont les parents de demain, conclut de son côté
Louise Potvin. Les inégalités et les vulnérabilités s'accroissant au fil de la vie [il faut que tous
acquièrent] les outils pour le monde qui est de plus en plus complexe.

Source 2

Inégaux face à la pandémie


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Source 3

Inégalités sociales dans les décès attribuables à


la COVID-19 au Canada
26 août 2022

Faits saillants de 2020 et du début de 2021


(Extraits)

Aperçu
Le fardeau de la COVID 19 n’est pas réparti également parmi les Canadiennes et les Canadiens.
Certaines personnes sont plus susceptibles de tomber malades ou de mourir en raison de leurs
conditions sociales et économiques.
Cette tendance n’est pas seulement observée dans le cas de la COVID 19. Bien avant la pandémie,
nous savions que les désavantages sociaux et économiques peuvent avoir une incidence sur :

 l'état de santé
 le risque d'infections et de maladies chroniques
 les comportements liés à la santé
 l'utilisation des services de santé

Les inégalités sociales contribuent aux différences observées dans les cas de COVID 19, et dans les
hospitalisations et les décès attribuables à la maladie. Cependant, peu des analyses menées sur la
COVID 19 à l’échelle nationale ont tenu compte de cette optique. […]

Principales constatations
De janvier 2020 à mars 2021, nous avons constaté des inégalités importantes dans les taux de
mortalité liés à la COVID 19 chez les personnes vivant dans les grandes villes, ainsi que chez celles
qui vivent dans :
 des appartements
 des quartiers à revenu plus faible
 des quartiers qui comptent davantage de personnes qui :
o appartiennent à une minorité visible
o ont récemment immigré au Canada
o sont nées à l'extérieur du Canada
o ne parlent ni l'anglais ni le français

Nous avons également constaté que les taux de décès liés à la COVID-19 étaient plus élevés chez les
hommes que chez les femmes, particulièrement dans ces quartiers. Les taux les plus élevés de décès
attribuables à la COVID-19 ont également été observés chez les groupes susmentionnés au début de
la pandémie. Nous avons observé une grande différence lorsque nous avons ajouté à l’analyse les
vagues subséquentes de la pandémie. La taille absolue de ces inégalités était supérieure à celle
observée au début de la pandémie.
11

Ces inégalités concordent avec ce que nous savons sur le genre et le sexisme, le racisme systémique,
l’inégalité économique et d’autres déterminants sociaux de la santé. Ces conditions ont une incidence
sur :
 le risque de contracter le virus
 la capacité de rester en santé
 l'accès aux services de santé et l'utilisation de ces services
Par exemple, l’outil de données sur les inégalités en santé du Canada révèle que les hommes et les
personnes qui vivent dans des quartiers à revenu plus faible :
 ont moins de contact avec des médecins
 ont des facteurs de risque de décès liés à la COVID-19 plus élevés, comme le diabète et le
tabagisme.
[…]
sante-infobase.canada.ca/covid-19/inegalites-deces
12

Source 4

La Covid fait exploser les inégalités


Émission Zone Économie animée par Gérald Fillion
21 avril 2020
6 :49 minutes

https://ici.radio-canada.ca/info/videos/media-8257511/covid-19-fait-exploser-inegalites
13

Source 5

Publié le 16 septembre 2020

La pandémie, miroir grossissant des inégalités

PHOTO DOUGLAS MAGNO, AGENCE FRANCE-PRESSE


« La situation catastrophique des soins de longue durée a été démultipliée par la pandémie et a
conduit des milliers d’aînés vulnérables à un aller simple vers leur dernier repos », écrit
l’auteure.

LINE LAMARRE PRÉSIDENTE DU SYNDICAT DE PROFESSIONNELLES ET


PROFESSIONNELS DU GOUVERNEMENT DU QUÉBEC

Au Québec comme dans de nombreux pays, la pandémie de COVID-19 s’est attaquée autant à la
démocratie qu’aux corps humains. Cette crise sans précédent nous a renvoyés à des
responsabilités, à des culpabilités et à des faiblesses qui n’ont pas encore trouvé écho dans le
débat public.

Au tout début, nous avons cru, naïvement, que le coronavirus frappait « démocratiquement » en ce
sens qu’il semblait toucher toutes et tous, sans distinction de classe, de statut, d’origine, de culture, de
genre, etc. C’était bien mal le connaître. En effet, car le virus s’est révélé un formidable miroir
grossissant des défaillances, inégalités et travers de notre société. Entre autres, les mesures de
distanciation physique, les restrictions de déplacements et les fermetures de centres de santé sexuelle
ont eu une incidence sur l’accès des femmes aux services d’interruption volontaire de grossesse.
Aussi, des études ont démontré que les Afro-Canadiens sont plus susceptibles de contracter la
COVID-19 que les autres Canadiens et de subir des licenciements en raison du virus.

Sans parler de la situation catastrophique des soins de longue durée qui a été démultipliée par la
pandémie et qui a conduit des milliers d’aînés vulnérables à un aller simple vers leur dernier repos.
Récemment, António Guterres, secrétaire général de l’Organisation des Nations unies, a affirmé :
« Alors que le monde est aux prises avec la COVID-19, la démocratie joue un rôle vital en ce qu’elle
assure la libre circulation de l’information, la participation à la prise de décision et l’application du
principe de responsabilité dans le cadre de la lutte contre la pandémie. » Cela ne saurait être mieux dit.

Cette épidémie s’avère un moment éminemment propice à poser des questions fondamentales de
justice sociale et d’égalité des chances, notamment sous l’angle de l’accès aux soins et aux services,
de la représentativité des personnes malades et de l’extrême fragilité du système de soins de longue
durée. À trop prioriser l’équilibre budgétaire et la gestion des risques, les gouvernements semblent
devenus aveugles aux graves inégalités qui gangrènent la démocratie. […]
14

Source 6

Les femmes moins nanties pendant la pandémie


Rapport de recherche publié le 19 septembre 2022
Sandy Torres et Héloïse Michaud

Ce rapport complète les résultats du Projet résilience sous l’angle de l’analyse différenciée selon les
sexes plus (ADS+). Il comprend aussi une revue de la littérature et une sélection de pistes d’action.

Quel constat?
Deux années de pandémie de COVID-19 ont affecté inégalement la population québécoise selon ses
conditions de vie et de travail. Les conséquences de la crise sanitaire ont été disproportionnées pour
plusieurs groupes dont les femmes. Les Québécoises ont été particulièrement touchées en raison de la
prédominance féminine dans les secteurs d’emploi plus exposés au risque d’infection (comme la santé)
ou plus susceptibles de subir des pertes d’emploi (comme les services et les emplois à bas salaire),
mais aussi à cause de responsabilités accrues pendant les fermetures d’écoles et de services de
garde, et plus largement du travail de soin qui relève très majoritairement des femmes.

Dans quelle mesure la pandémie a-t-elle particulièrement touché les femmes ?


À la différence des dernières crises économiques, la crise sanitaire liée à la COVID-19 a affecté plus
fortement les femmes et leur situation d’emploi par rapport à celle des hommes en raison des effets
des mesures préventives (p. ex. distanciation physique, confinement) et de la prédominance féminine
dans la santé, l’éducation et les services.
 Les pertes d’emplois enregistrées dans la première année de pandémie ont davantage touché
le temps partiel, le travail à bas salaire et les petites entreprises du secteur des services, où les
femmes sont en proportion plus nombreuses.
 Les femmes ont assumé une plus grande part de la garde d’enfants et de l’école à la maison,
ainsi que du travail de soin d’après la littérature examinée. C’est en particulier le cas des
femmes noires et philippines qui se trouvent surreprésentées dans le personnel aide-infirmier,
aide-soignant et préposé aux bénéficiaires.
 Dans un contexte de fermeture d’écoles et de services de garde, les responsabilités familiales
se sont alourdies, alors qu’elles incombaient déjà davantage aux mères. La situation spécifique
des femmes défavorisées est rarement prise en compte dans les études sur la conciliation
travail-famille.
 Le coup de sonde effectué à la fin de la troisième vague (été 2021) a révélé que 42 % des
femmes appartenant aux moins nanties étaient préoccupées par leur santé mentale contre 32
% des hommes sondés.
 Les entrevues réalisées par la suite auprès de quelques femmes montrent leur rôle invisible et
pourtant essentiel à plus d’un titre : comme grands-mères pour assurer la garde de leurs petits-
enfants (certaines ont même devancé leur départ à la retraite), en tant que mères par l’aide
apportée à leurs enfants adultes, ou encore comme citoyennes par le soutien manifesté à leur
voisinage ou communauté.
[…]
15

Source 7

Publié le 17 février 2021

La COVID-19 ne doit pas freiner les progrès des


femmes

PHOTO LEON KUEGELER, REUTERS


Travail de laboratoire à l’Université de la Ruhr à Bochum, en Allemagne

LOUISE CHAMPOUX-PAILLÉ ADMINISTRATRICE DE SOCIÉTÉS CERTIFIÉE

La crise sanitaire et économique que nous vivons actuellement menace de freiner les progrès
des dernières décennies en matière d’égalité des sexes et des droits des femmes ou, pire
encore, d’augmenter les inégalités et d’entraîner une régression de la participation féminine à la
vie économique. L’Organisation des Nations unies l’a mis en lumière dans un document sur les
objectifs du développement durable, dont l’un porte précisément sur l’égalité entre les sexes.

« Avec la propagation de la pandémie de COVID-19, même les progrès limités obtenus en matière
d’égalité des sexes et de droits des femmes pourraient être réduits à néant. La COVID-19 creuse des
inégalités déjà existantes dont souffrent les femmes et les filles dans tous les domaines, de la santé à
l’économie, en passant par la sécurité et la protection sociale », écrit L’Organisation des Nations
unies. 1

Un contexte périlleux
Les statistiques sur le chômage publiées par Statistique Canada ou l’Institut de la statistique du
Québec confirment que les femmes ont été davantage touchées que les hommes, tant dans la
première que dans la seconde vague de la COVID-19. D’une part, elles ont souffert davantage des
pertes d’emploi, notamment dans le commerce de détail, la restauration et l’hébergement, ou d’un
réalignement vers des emplois à temps partiel. D’autre part, parce qu’elles sont surreprésentées dans
les secteurs de la santé et des services sociaux, les femmes ont vécu un stress intense en première
ligne et une surcharge de travail importante depuis le début de la pandémie.

Dans un texte publié récemment, le chroniqueur économique Gérald Fillion a révélé que selon les
données de Statistique Canada pour janvier 2021, on dénombrait 33 500 pertes d’emploi chez les
hommes, mais 73 400 chez les femmes, dans le groupe des gens âgés de 25 à 54 ans au Canada. Il
s’agit d’un écart très considérable.

Les pertes d’emploi et la hausse des responsabilités domestiques ont exclu beaucoup de
femmes de la population active.

Dans ce contexte périlleux qui fragilise nos acquis, comment agissent nos gouvernements et nos
entreprises pour ne pas que les femmes soient pénalisées à long terme par cette situation, et pour
éviter qu’elles ne mettent en veilleuse leurs carrières ou leurs projets de développement professionnel
16

et de création d’entreprises ? Que fait-on pour s’assurer que celles qui occupent présentement des
fonctions dans des domaines touchés par la pandémie bénéficieront d’une formation leur permettant
de participer pleinement à la relance de l’économie, une fois que la crise sera derrière nous ?

Une étude de la firme McKinsey Global Institute2 révèle qu’une proportion importante des femmes dans
tous les pays du monde pourraient devoir changer de profession d’ici 2030, en évoluant notamment
vers des postes exigeant plus de qualifications technologiques. Pour composer efficacement avec ce
bouleversement, les femmes devront être qualifiées, mobiles et expertes en nouvelles technologies.
Les femmes seront confrontées à des obstacles importants ; elles auront besoin d’un soutien ciblé afin
de progresser dans le monde du travail de demain.

Au fil du temps, de nombreux arguments ont été déployés pour justifier une présence accrue des
femmes dans des postes de direction au sein des organisations. L’argument le plus souvent utilisé
encore aujourd’hui est celui de leur contribution à la performance de l’entreprise. Or, le plus récent
rapport publié par les autorités réglementaires canadiennes révèle que la présence des femmes au
sein des conseils d’administration est stagnante dans les grandes entreprises et n’augmente que
faiblement dans les petites et moyennes entreprises. Le rapport démontre également que la moitié des
entreprises ne disposent toujours pas d’une politique de représentation féminine et que très peu
d’entreprises se sont dotées d’objectifs précis, que ce soit en regard des conseils d’administration ou
des postes de direction.

En quête d’une nouvelle raison d’être


Nos sociétés demandent de plus en plus aux entreprises de se doter d’une raison d’être, au-delà de la
seule activité économique et de la course à la rentabilité. Comme il nous faudra bâtir sur de nouvelles
bases axées sur des valeurs d’inclusion, d’équité, de bienveillance et du droit de se réaliser
pleinement, il est temps de saisir l’occasion pour créer un monde reconnaissant l’égalité des deux
sexes.

Les femmes dirigeantes ont déjà démontré qu’elles étaient plus enclines à promouvoir
des politiques favorables au développement des talents et à défendre l’égalité des
chances pour les sexes.

Si nous souhaitons que des changements durables s’effectuent, il faut promouvoir dès maintenant plus
fortement l’égalité des chances. Trop souvent encore aujourd’hui, des biais et des stéréotypes freinent
le déploiement des talents féminins.

Comme l’ONU le note avec justesse dans le document cité précédemment, si l’argument économique
ne semble pas avoir l’impact souhaité pour changer la donne, c’est qu’il est peut-être temps de
s’attaquer à la source du problème, et promouvoir l’égalité des sexes pour sa véritable raison d’être,
soit non seulement un droit fondamental de la personne, mais aussi un fondement nécessaire pour
l’instauration d’un monde pacifique, prospère et durable.
1
Consultez le document de l’ONU sur l’égalité entre les sexes
2
Lisez « The Future of Women at Work : Transitions in the Age of Automation »
17

Source 8

Publié le 3 juillet 2021

La pandémie a profité aux ultra riches


ANDRÉ DUBUC

Contrairement à ce qui s’était passé lors de la crise financière de 2008, les ultrariches de la
planète ont amélioré leur sort pendant la pandémie de COVID-19, a constaté la firme de
consultants Capgemini dans son rapport 2021 sur la richesse dans le monde paru cette
semaine. Une conclusion qui s’explique par le rendement des marchés

Le nombre de personnes riches (high net worth individuals ou HNWI) a augmenté de 6,3 % en 2020 et
leur richesse totale a progressé de 7,6 %, d’après le rapport publié annuellement depuis 25 ans. Pour
être considéré comme riche, un individu doit posséder une valeur financière nette de 1 million US
(1,24 million CAN) excluant la maison familiale, les articles de collection et le mobilier.

Il y a 21 millions de ces millionnaires dans le monde, qui détiennent collectivement un patrimoine de


80 000 milliards de dollars, soit un 8 suivi de 13 zéros. On dénombre environ 6,6 millions de personnes
riches aux États-Unis et 403 000 au Canada. Le nombre de Canadiens fortunés a avancé de 3 % en
2020 et leur richesse a crû de près de 5 % par rapport à 2019. D’ailleurs, pour la première fois depuis
2015, la richesse et le nombre de riches en Amérique du Nord surpassent ceux d’Asie, au premier rang
des régions du globe.

Du lot, ce sont les ultrariches – les individus ayant un actif net supérieur à 30 millions US
(37,1 millions CAN) – qui se sont le plus enrichis durant la pandémie. Leur valeur nette a crû de 9,1 %
et le nombre d’ultrariches a bondi de 10 % pour atteindre 201 000 personnes dans le monde.

Le sort des millionnaires avait été tout autre lors de la crise financière de 2008. Leur nombre avait
chuté de 15 % et l’ensemble de leur avoir s’était dégonflé de 20 % cette même année. Pourquoi est-ce
différent cette fois ? Les marchés boursiers menés par les titres technologiques ont fracassé des
records en dépit de la récession économique.

Les Bourses ont notamment été soutenues par les bas taux d’intérêt et par l’injection de liquidités dans
les marchés par les gouvernements et les banques centrales. L’institut de recherche de Capgemini
souligne que les millionnaires ont en effet une plus forte propension à investir dans les actions que la
population en général. De leur côté, les ultrariches se démarquent aussi par leur capacité à investir
dans des catégories d’actifs alternatives comme les placements privés, les devises et les fonds de
couverture.
18

Source 9

Publié le 17 novembre 2020

Qui réglera l’addition de


la crise de la COVID-19,
selon Thomas Piketty? Photo: Luiz Munhoz Fronteiras do Pensamento
Éric Desrosiers

L’addition que laissera la pandémie de COVID-19 promet d’être élevée, dit l’économiste
français Thomas Piketty. En entretenant le flou sur la façon dont ils entendent la faire payer,
les gouvernements semblent, encore une fois, en voie d’enrichir les plus riches et de rater une
autre occasion d’amorcer la nécessaire transition vers un modèle de développement plus juste
et durable.

C’est du jamais vu, a dit en entrevue virtuelle au Devoir, lundi, le professeur à l’École
d’économie de Paris et expert mondial sur les inégalités. Les achats d’obligations
gouvernementales et autres actifs financiers par les banques centrales américaine,
européenne (et même canadienne) ont explosé à la faveur de leurs politiques d’injections
massives de liquidités dans l’économie afin de passer à travers la crise engendrée par la
pandémie de COVID-19. Ces milliers de milliards de dollars aident le financement des
programmes d’urgence des gouvernements, mais offrent aussi des taux d’intérêt imbattables à
ceux qui ont les moyens d’investir dans les marchés immobiliers et boursiers, c’est-à-dire
principalement les plus riches.

La juste part des riches


Les banques centrales ne pourront pas continuer éternellement à imprimer de l’argent, et tout
cela ne sera pas gratuit non plus, prévient Thomas Piketty. « Faire croire qu’il n’y aura pas
d’effort à faire, et que même personne n’aura à payer, je pense que ça ne fait qu’aiguiser la
suspicion. Les gens sentent bien qu’à un moment, il va falloir répartir cet effort et se disent
que, si les gouvernements ne veulent pas expliquer comment ce sera fait, c’est parce que ça
finira par leur retomber dessus, eux qui n’ont pas de fortune à déménager dans les paradis
fiscaux à l’étranger. »

Si au moins toutes ces dettes servaient à financer des dépenses susceptibles de profiter au
plus grand nombre, sous forme notamment d’investissements et de salaires en santé et en
éducation ou encore dans la transition vers une économie verte. […]

« À la fin des fins, il va falloir en venir à la seule solution à long terme qui soit vraiment juste,
soit mettre à contribution les uns et les autres en fonction de leurs capacités à contribuer ».
[…] Thomas Piketty est persuadé que le temps finira par lui donner raison. « Toutes ces crises
vont finir par contribuer à nous amener vers un autre système économique avec plus de
services publics, plus d’égalité et aussi plus de prospérité. Parce que, à long terme, c’est cela
qui marche, comme le montre toute l’histoire du développement économique et social des
pays industrialisés. »
19

Source 10

La COVID-19 creuse l’écart entre les riches et


les pauvres au Canada
La Presse canadienne
Publié le 20 février 2021

Les Canadiens qui ont perdu leur emploi en raison de la crise déclenchée par la pandémie de COVID-
19 avaient tous quelque chose en commun : ils gagnaient 27,81 $ l'heure ou moins. La plus forte
baisse du travail a été observée parmi les plus bas salariés du pays, avec un salaire horaire inférieur
à 13,91 $. Ces résultats sont inclus dans un rapport du service d'études économiques de la Banque
CIBC basé sur les données de Statistique Canada. Il montre que tous les emplois perdus en 2020
étaient ceux de travailleurs dont le salaire était inférieur à la moyenne.

La recherche s'écarte des fluctuations mensuelles du nombre d'emplois au Canada pour mettre en
évidence un élargissement spectaculaire de l'écart de revenu au pays en raison de la pandémie. Il
s'agit d'une crise très anormale et asymétrique. « C'est une crise axée sur les services et ce secteur
regorge d'emplois mal rémunérés » explique Benjamin Tal, auteur du rapport et économiste en chef
adjoint de la Banque CIBC. Le rapport révèle que plus le niveau de rémunération était bas, plus la
performance du marché du travail était mauvaise en 2020. Les pertes d'emplois les plus importantes
concernaient les travailleurs à temps partiel, les travailleurs temporaires et les travailleurs
indépendants, selon le rapport de la banque.

L'écart se creuse entre les riches et les pauvres


Pourtant, les Canadiens à revenu élevé ont en fait enregistré des gains nets d'emplois pendant la crise
de la COVID-19, une anomalie pendant une récession, note le rapport. La hausse du côté des emplois
mieux rémunérés a camouflé la forte baisse de l'emploi parmi les travailleurs à bas salaire, selon
l'étude.

En fait, la plus forte croissance de l'emploi s'est produite parmi ceux qui se situaient tout en haut de
l'échelle salariale, qui ont un salaire horaire de 41,73 $ ou plus, a précisé la CIBC. La surprise ici est
que non seulement les hauts salariés n'ont pas subi de pertes d'emplois, mais en fait ils ont gagné près
de 350 000 emplois au cours de l'année écoulée, indique le rapport. Pourtant, alors que les emplois les
mieux rémunérés se développaient, la capacité à dépenser le revenu disponible diminuait. Si vous ne
dépensez pas et que vos revenus augmentent, votre compte d'épargne grossit de plus en plus, a
expliqué M. Tal. Il y a près de 100 milliards de dollars de liquidités excédentaires sur la touche.

La recherche met en évidence l'impact inégal du ralentissement économique et l'écart grandissant


entre les riches et les pauvres du Canada. Chaque crise est un accélérateur de tendance et celle-ci
n'est pas différente. L'écart de revenu s'élargissait auparavant et il s'est clairement creusé pendant
cette crise », explique Benjamin Tal. Cette crise a révélé la vulnérabilité de notre système, en
particulier en ce qui concerne l'économie des petits boulots, a-t-il ajouté.

Malgré tout, il est possible que du bien puisse émerger de la récession, notamment grâce aux
améliorations apportées aux programmes d'aide sociale, a affirmé M. Tal. Mais l'écart grandissant
entre les riches et les pauvres pourrait d'abord s'accentuer. […] Il y a tellement de demandes refoulées,
a observé M. Tal. Tout cet argent supplémentaire ne sera pas dépensé, mais une grande partie ira au
20

secteur des services, ce qui est une bonne nouvelle, car c'est exactement là où nous avons besoin
d'emplois. C'est pourquoi nous allons assister à un si beau rebond de l'économie, conclut-il.

Table des matières

PARTIE 2 – Enjeu
L’efficacité des actions nationales

11.
La Suède et le Japon payent le prix de leur gestion de la Covid 20
Paul O’Shea, The Conversation, 23 décembre 2020

12.
Plus des deux tiers des Canadiens ont reçu de l’aide pendant la pandémie 23
Éric Desrosiers, Le Devoir, 3 août 2022
Avec le Covid-19, les Canadiens découvrent les bienfaits (et les limites) de l’État-
13. providence 25
Hélène Rouan, Le Monde, 1er septembre 2020

14.
PCU réclamée à tort : « C’est quoi la prochaine étape, un huissier? » 28
Christian Noël, Radio-Canada, 20 avril 2023
Entre inflation, concurrence et prêts à rembourser, des entrepreneurs sont sous
15. pression 30
Radio-Canada, 3 septembre 2023

16.
La PCU a aussi aidé des contribuables fortunés, selon une étude 31
La Presse canadienne, Les Affaires, 19 novembre 2020

17.
La fermeture complète des frontières a ralenti la transmission 32
Pierre Saint-Arnaud, La Presse, 8 mars 2023
Conséquences de la pandémie de COVID-19 : un retour sur certaines industries
18. du secteur des services en 2020 34
Marie-Christine Bernard, Graeme Fell et Vivian Lin, Statistique Canada, 21 mai 2021

19.
COVID-19 : révisionnisme associé au confinement 35
Blake Murdoch et Timothy Caulfield, Canadian Medical Association Journal, 19 juin 2023
La santé mentale : un enjeu majeur au cœur des préoccupations des politiques
20. publiques 36
Santé publique France, 6 décembre 2022

21.
Convoi de la liberté, un an après. Un mouvement qui a fait des petits 38
Mylène Crête et Lila Dussault, La Presse, 28 janvier 2023

22.
Covid-19 : après deux ans sans confinement, la Suède fait son autocritique 40
Émilie Cochaud-Kaminski, Ouest-France, 3 mars 2022
21
22

Source 11

La Suède et le Japon payent le prix de leur


gestion de la Covid
23 décembre 2020

Paul O'Shea,

L’un des aspects les plus frappants dans la pandémie de Covid-19, c’est la différence radicale des
stratégies mises en place d’un pays à l’autre. Un tel contraste n’était pas surprenant au début de
l’année, quand nous en savions très peu sur le virus. Aujourd’hui, quand des dizaines de milliers
d’articles scientifiques ont été rédigés et quand nous disposons de nombreux exemples de bonnes
pratiques, on s’attendrait à davantage de convergence.

Pourtant, certains pays résistent encore aux stratégies plébiscitées par la plupart des États de la
planète, comme les confinements, et s’obstinent dans leur voie… avec plus ou moins de succès. Parmi
ces réfractaires aux méthodes généralement utilisées, on trouve la Suède et le Japon, qui ont opté
pour une approche différente de celle de leurs voisins, et qui ont attribué leur succès initial aux
avantages présumés de leurs spécificités nationales. Les deux pays semblent aujourd’hui payer le prix
de cette stratégie.

Pays sans confinement


Les modèles japonais comme suédois s’appuient notamment sur le
concept d’exceptionnalisme national. J’entends par là un
consensus général selon lequel la population d’un pays se
distingue non seulement du reste du monde, mais lui est aussi,
d’une certaine manière, supérieure.

Les dirigeants de ces deux pays ont souligné que leur Constitution
empêchait de restreindre les libertés individuelles, notamment par
le biais de mesures de confinement ou des amendes. Ces deux
gouvernements ont préféré se baser sur le volontariat, la
Le port du masque n'a jamais été rendu
responsabilité individuelle et, surtout, le caractère exceptionnel de obligatoire en Suède. Ici, Stockholm, le 20
leurs citoyens. novembre 2020.
Fredrik Sandberg/EPA

La Suède n’a ainsi pas ordonné la fermeture de ses bars, restaurants et salles de sport durant la
pandémie, pas plus qu’elle n’a imposé le port du masque dans les espaces publics. D’ailleurs, le
discours officiel maintient que les masques sont susceptibles d’accélérer la propagation de la maladie.
Ce point de vue était partagé par de nombreux pays européens au début de la pandémie, mais la
plupart ont rapidement privilégié le port du masque obligatoire dans les lieux publics.

À l’instar de la Suède, le Japon a choisi l’option sans confinement et


refusé d’imposer des restrictions strictes, même si le pays a fermé ses
frontières il y a quelques mois. Cependant, contrairement à la Suède,
tous les Japonais ou presque portent d’eux-mêmes un masque, et le
gouvernement se livre à une véritable traque des cas-contacts.

En juillet, le Japon a lancé une campagne de tourisme intérieur, Go to


Un marché de Noël à Tokyo en Travel, afin d’encourager sa population à consommer et, ce faisant, de
décembre 2020. Kimimasa redynamiser l’économie. On craint désormais que cette initiative, qui a vu
Mayama/EPA
23

le gouvernement subventionner les déplacements touristiques intérieurs, soit à l’origine de la troisième


vague dans le pays.

Le Japon s’en est mieux tiré que certains pays, mais subit à présent une troisième vague.
(OurWorldInData)

Folkvett en Suède
Au lieu d’appliquer la moindre restriction, le premier ministre suédois, Stevan Lofven, a appelé la
population à se fier à son folkvett, un état d’esprit qui combine savoir-vivre, moralité et bon sens
supposément inné des Suédois respectables, afin de suivre les recommandations sur la base du
volontariat.

De son côté, Anders Tegnell, épidémiologiste du gouvernement et architecte de la stratégie nationale,


a qualifié les mesures de confinement des pays voisins de « folie » « ridicule ». Johan Giesecke, son
mentor et proche confident, qui est également conseiller auprès des autorités sanitaires suédoises,
s’est montré tout aussi véhément : « La Suède a raison » et « tous les autres pays se trompent ». L’un
et l’autre ont déclaré que la Covid-19 n’était pas plus dangereuse qu’une grippe saisonnière et les
autorités sanitaires ont affirmé (à tort) en avril, en mai et en juillet que Stockholm approchait de
l’immunité collective.
24

La stratégie de l’immunité collective n’a pas porté ses fruits en Suède.


(OurWorldInData)
Les médias locaux s’en sont fait l’écho, rappelant aux Suédois qu’ils pouvaient être « fiers de vivre en
Suède », et non sous les directives draconiennes et populistes en application dans le reste de l’Europe.
Contester cette approche revenait à douter de la science et de la raison elles-mêmes.

Suite à la publication d’un article où vingt-deux éminents scientifiques évoquaient les dangers de la
stratégie suédoise, la presse a tourné les auteurs en dérision. Chroniqueurs et critiques, comme Ida
Östenberg, Victor Malm et Alex Schulman ont lancé des attaques personnelles dans lesquelles M.
Schulman remettait même en cause la santé mentale des signataires. Même la plus célèbre et la plus
fiable des professionnels de la communication scientifique, Agnes Wold, a questionné leurs
motivations.

Alors que les décès repartaient à la hausse en juin et que le reste de l’Europe (et le Japon) avait repris
le contrôle de l’épidémie, seuls les Démocrates (un parti d’extrême droite) osaient critiquer Anders
Tegnell et les autorités sanitaires suédoises.

Fin juillet, le nombre de décès quotidiens en Suède est enfin redescendu sous la barre des dix. La
réaction n’a pas tant été un soupir de soulagement qu’une autocongratulation collective : la stratégie
suédoise était la bonne, on l’encensait d’ailleurs à l’étranger. De fait, il semblait alors que la moindre
couverture médiatique internationale complimentant la gestion de crise suédoise méritait d’être relayée,
comme l’article élogieux du tabloïd britannique The Sun, largement diffusé par des médias
suédois complaisants.

D’où le paradoxe de l’exceptionnalisme suédois, basé sur le folkvett inhérent de la population, alors
que le pays a fait l’article de la « stratégie suédoise » comme modèle scientifique dont tous les autres
États finiraient par s’inspirer.

Inertie exceptionnaliste
La Suède comme le Japon rencontrent à présent un problème d’inertie exceptionnaliste. D’autres pays
ont changé rapidement de tactique, s’adaptant à l’évolution de la pandémie et aux études scientifiques
à même de l’expliquer. Alors que la troisième vague menace de submerger le Japon, le gouvernement
n’a pas renoncé à sa campagne Go to Travel, ne concédant qu’une suspension du 28 décembre 2020
au 11 janvier 2021.

Pendant ce temps, les bars, restaurants et salles de sport restent ouverts en Suède, alors que le
nombre de décès quotidiens continue d’augmenter, même si un récent sondage publié par le
journal Dagens Nyheter montre que la cote de popularité de M. Tegnell n’a jamais été aussi basse.

La problématique de la Covid-19 ne se résume bien sûr pas à l’exceptionnalisme national et, pour
l’heure, le Japon a bien mieux réussi à contrôler l’épidémie que la Suède et bon nombre d’autres pays.
Toutefois, ces deux exemples suggèrent qu’associer la réussite (et, par extension, l’échec) d’une
politique de santé publique à une invocation des spécificités nationales n’est pas sans danger. Il
devient alors difficile d’apprendre des autres et le changement de cap, même face à des preuves
accablantes, devient plus douloureux, voire impossible.
25

Source 12

Plus des deux tiers des Canadiens ont reçu de


l’aide pendant la pandémie
Éric Desrosiers
3 août 2022

Plus des deux tiers des Canadiens ont reçu une forme
ou l’autre d’aide financière offerte par les
gouvernements pour amortir le choc de la pandémie à
sa première année.

Sur un total d’un peu plus de 30 millions de Canadiens


Premières touchées par la crise, les femmes ont
âgés de 15 ans et plus, 20,7 millions — ou 68,4 % — ont été proportionnellement plus nombreuses (75%)
bénéficié d’au moins un programme visant à atténuer que les hommes (62%) à recevoir de l’aide.
l’impact financier de la COVID-19 en 2020, a rapporté Photo: Graham Hughes La Presse canadienne
mardi Statistique Canada sur la base d’informations
recueillies lors du dernier recensement. En fait, cette proportion a été plus forte encore pour la plupart
des Canadiens (si l’on exclut les plus riches et les plus pauvres), de même que pour les femmes, les
personnes les plus jeunes et les plus âgées, ainsi que pour les Québécois.

En 2020, le Canada s’est classé au quatrième rang des

12,3 % pays du G20 pour ses dépenses d’aide liées à la


pandémie, à raison de 270 milliards de dollars en soutien
aux particuliers et aux entreprises, ou 12,3 % de son
C’est la proportion du PIB du Canada qu’ont
produit intérieur brut (PIB). Il n’était dépassé en cela que
représentée les dépenses d’aide pour amortir
par l’Australie (15,3 %), les États-Unis (14,4 %) et le
le choc de la pandémie. Japon (13,8 %),avait alors constaté le Fonds monétaire
international.

La PCU et les autres


Sur ces 270 milliards, la moitié (135,5 milliards) a été versée par les gouvernements fédéral et
provinciaux directement aux particuliers sous forme de nouvelles prestations d’urgence et de relance
(comme la Prestation canadienne d’urgence), de prestations complémentaires de programmes
existants (comme une allocation canadienne pour enfants et un crédit pour la TPS-TVQ enrichis) et
d’un programme d’assurance-emploi amélioré. L’autre moitié de l’aide financière des gouvernements a
pris la forme de subventions salariales et d’aides directes aux entreprises, dont Statistique Canada n’a
pas tenu compte dans son examen.

De toutes les mesures, c’est le versement supplémentaire du programme de remboursement de la


TPS-TVQ qui a bénéficié au plus grand nombre de Canadiens, soit à plus du tiers (36 %). Destiné aux
ménages à revenu faible ou moyen, il s’est élevé cette année-là à un montant médian de 424 $. La
PCU est arrivée en deuxième position, en touchant le quart des Canadiens avec les prestations
médianes les plus élevées de toutes, soit 8000 $ par bénéficiaire. En troisième position, on trouve la
prestation complémentaire unique de la Sécurité de la vieillesse de 300 $ versée à presque neuf
Canadiens âgés de 65 ans et plus sur 10.
26

Comme ces multiples mesures pouvaient se recouper, un peu moins de 10 millions de Canadiens ont
bénéficié d’un seul programme, 6,7 millions de deux programmes et 4,5 millions de trois programmes
ou plus.

Entre riches et pauvres


Premières touchées par la crise, les femmes ont été
proportionnellement plus nombreuses (75 %) que les
hommes (62 %) à recevoir de l’aide, notamment sous
71 %
la forme d’une allocation pour enfants améliorée (23 % C’est la proportion de Québécois qui ont reçu
contre seulement 1 %). de l’aide financière.

Frappés en masse par les pertes d’emplois, les jeunes de 20 à 24 ans ont aussi été beaucoup plus
nombreux (88 %) que les Canadiens de 25 à 54 ans (67 %) ou de 55 à 64 ans (50 %) à avoir droit à au
moins un programme d’aide, notamment la PCU (45 %) et le crédit pour TPS-TVQ (75 %). Ce sont
toutefois les personnes de 65 ans et plus qui ont été les plus nombreuses (92 %) à recevoir de l’aide.

Logiquement, les plus riches ont été moins nombreux à recevoir de l’aide financière spéciale de la part
des gouvernements, à raison de 27 % des Canadiens appartenant aux 10 % les plus fortunés, mais
avec une proportion qui augmente rapidement à 47 % et 64 %, respectivement, pour les 9e et
8e déciles, juste au-dessous.

Paradoxalement, les 10 % de Canadiens les plus pauvres ont aussi été moins nombreux (30 %) à
recevoir de l’aide, en partie parce que ces personnes « étaient moins susceptibles d’être admissibles
aux prestations d’urgence et de relance », note Statistique Canada.

Entre les deux extrêmes, la proportion n’a rien à voir et

88% s’élève entre 78 % (7e décile) et 93 % (4e décile). Allant de


sommes médianes de 640 $ (7e décile) à 2600 $
(2e décile), les montants ont représenté en moyenne plus
C’est la proportion de Canadiens âgés de 20 à de 13 % des revenus après impôt des Canadiens qui y ont
24 ans qui ont eu droit à au moins un eu droit, mais de 19 % à 58 % des revenus du tiers des
programme d’aide financière. plus pauvres.

Ces écarts sont presque aussi prononcés entre les groupes d’âge, l’aide financière apportée aux plus
jeunes comptant en moyenne pour 29 % des revenus de leurs bénéficiaires de 20 à 24 ans — et même
pour 43 % de ceux de 15 à 19 ans —, contre 11 % chez les 25 à 54 ans, 17 % chez les 55 à 64 ans et
seulement 6 % chez les 65 ans et plus.

Et le Québec
Avec une moyenne canadienne de 68 %, le Québec (71 %) est l’une des provinces où la plus forte
proportion de la population a reçu de l’aide pendant la pandémie, avec la Colombie-Britannique (75 %)
et le Nouveau-Brunswick (70 %). Ces écarts s’expliquent par une plus grande offre de programmes
dans certaines provinces, mais aussi par les revenus et la composition démographique des
populations, explique Statistique Canada. Le Québec est aussi l’un des endroits où le plus de citoyens
ont reçu des prestations d’urgence et de relance (29 % contre une moyenne canadienne de 25 %), aux
côtés de l’Alberta (29 %).
27

Source 13

Avec le Covid-19, les Canadiens découvrent les


bienfaits (et les limites) de l’État-providence
Hélène Rouan
Publié le 1er septembre 2020

Mise en place fin mars par le gouvernement de Justin Trudeau, la prestation canadienne
d’urgence, avec ses 2 000 dollars mensuels, a bénéficié à plus de 8,6 millions de Canadiens.
Mais elle n’est pas sans susciter des critiques, notamment de la part du patronat et des
politiques qui y voient un frein au retour à l’emploi.

« La prestation canadienne d’urgence [PCU] m’a sauvé la vie. Sans elle, je ne sais pas comment
j’aurais passé l’été. » Musicien, Samuel (qui préfère conserver l’anonymat) a vu à la mi-mars ses dates
de concerts annulées les unes après les autres et ses élèves, à qui il dispensait des cours de guitare
pour joindre les deux bouts, contraints au confinement. Du jour au lendemain, cet artiste montréalais a
perdu toutes ses sources de revenus, sans pouvoir recourir au régime de l’assurance-emploi canadien
au regard de son statut de travailleur autonome.

A l’autre bout du pays, en Colombie-Britannique, Karen (qui ne souhaite pas non plus apparaître sous
son vrai nom), mise à pied par sa boutique de vêtements de mode aux premiers jours de la crise, a
éprouvé le même soulagement : « 2 000 dollars [1 285 euros], ce n’est pas la panacée, mais ça m’a
permis de payer mon loyer, de faire l’épicerie tous les jours et de ne pas m’endetter. »

De Vancouver à Halifax, de Calgary à Winnipeg, cette aide mensuelle directe de 2 000 dollars
canadiens – imposable – annoncée par le premier ministre, Justin Trudeau, le 24 mars, a constitué une
bouée de secours pour ceux que l’arrêt brutal de l’économie plongeait dans l’angoisse du lendemain.
Les critères pour la percevoir étaient simples : être privé d’emploi en raison du Covid-19, voir ses
revenus largement amputés ou être obligé de rester chez soi pour s’occuper de ses enfants ou d’un
proche malade. Sa mise en place s’est avérée rapide et efficace, et son succès, fulgurant. Au total,
plus de 8,6 millions de Canadiens, soit près d’un sur quatre, en ont bénéficié depuis le printemps, et
plus de la moitié continuaient de la percevoir, fin août.

Alors que le chômage explosait, passant de 5,6 % de la population active en février à un pic de 13,7 %
en mai, cette allocation quasi « universelle » est venue resserrer les mailles d’un filet social plutôt
« tricoté lâche » : un rapport du ministère de l’emploi, publié en juillet, estimait que seulement 42 % des
personnes s’étant retrouvées sans emploi en 2019 avaient bénéficié d’indemnités chômage.

« Une mesure de soutien adéquate »


Les instances patronales canadiennes ont accueilli positivement l’annonce de la prestation. « On a
considéré, dans un premier temps, que c’était une mesure de soutien adéquate dans un contexte de
crise exceptionnelle », explique Karl Blackburn, président du Conseil du patronat du Québec. Les
dirigeants d’entreprise ont vu dans cette manne fédérale, sans précédent au Canada depuis la mise en
place des grands programmes sociaux des années 1960, un bon moyen d’atténuer la récession,
l’économie devant reculer de 7,1 % cette année selon les dernières prévisions de la Banque nationale
du Canada.

D’autres dispositifs, comme la subvention salariale d’urgence, venaient parallèlement directement en


aide aux entreprises. Mais lorsqu’en juin, alors que l’économie commençait doucement à se
« déconfiner », Ottawa choisit de prolonger de deux mois cette prestation annoncée comme
28

temporaire, l’humeur change. « Nous avons été irrités, reconnaît Stéphane Drouin, coprésident du
Conseil québécois du commerce de détail, car nos commerçants nous ont immédiatement alertés sur
leurs difficultés à recruter de la main-d’œuvre, et nous avons vite mesuré les effets pervers de la
pérennisation de cette allocation. »

« Le gouvernement aurait dû ajuster la mesure pour contraindre les employés à reprendre leur travail »
– François Vincent, vice-président de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante. « Avec
500 dollars gratuits par semaine qu’ils ne gagnent même pas quand ils sont au travail, comment
voulez-vous convaincre les gens de revenir au boulot ? », témoigne Josée Dubé. Vendeuse de glaces
à emporter sur une avenue commerçante de Montréal, elle n’a jamais fermé son commerce. Mais pour
garder derrière son comptoir le nombre d’employés suffisant, M me Dubé a dû accepter leurs conditions.
Augmenter leur nombre d’heures, faute de quoi ils refusaient de renoncer à la PCU, ou les calculer très
précisément afin qu’ils puissent cumuler leur job à temps partiel avec la prestation. Celle-ci se
déclenchant en deçà de 1 000 dollars de revenus mensuels.

« A la réouverture de l’économie, cette allocation est devenue un frein à la reprise du travail. Le


gouvernement aurait dû ajuster la mesure pour contraindre les employés à reprendre leur
travail quand leur patron le leur proposait », estime François Vincent, vice-président de la Fédération
canadienne de l’entreprise indépendante.

Une « contre-prime » dans le Manitoba


[… ] Certaines provinces ont réagi pour atténuer les effets supposés dissuasifs de l’allocation : le
Québec a offert un « bonus » de 100 dollars par semaine à ceux qui reprenaient leur emploi dans les
secteurs dits essentiels, espérant ainsi freiner la pénurie alarmante d’aides-soignants dans les maisons
pour personnes âgées. Le premier ministre conservateur du Manitoba, Brian Pallister, très opposé à la
PCU, a même promis une « contre-prime » de 2 000 dollars à tous ceux qui renonceraient à la
prestation du gouvernement fédéral.

France Bernier, conseillère à la Centrale des syndicats du Québec, conteste la réalité de l’effet
« farniente » prêté à la PCU et s’insurge contre le mythe du travailleur paresseux. « Aucune étude
sérieuse n’a été en mesure jusque-là de confirmer cet effet pervers, insiste-t-elle. Les entreprises qui
disent aujourd’hui avoir du mal à recruter du personnel depuis l’instauration de la prestation
appartiennent à des secteurs qui connaissaient une pénurie de main-d’œuvre avant l’arrivée du Covid,
souligne-t-elle. Cette crise a le mérite de poser la question d’un salaire minimum [de 12 à 15 dollars de
l’heure selon les provinces] trop faible pour être attractif. »

Manque de bras dans l’agriculture


Marie-Claude Larrivière, patronne d’O Casse-croûte, un restaurant saisonnier situé au cœur de Val-
David, un village touristique des Laurentides, doute que ce soit la faible rémunération donnée à ses
employés – « 25 dollars de l’heure avec les pourboires », obligatoires pour les clients au Canada – qui
a dissuadé certains de revenir faire la saison estivale. Pour elle, ce sont les règles d’hygiène
obligatoires, le port du masque et la distanciation physique impossible à respecter dans sa cabane en
bois, conjuguées à la dureté du travail dans sa petite cuisine surchauffée, qui ont encouragé les moins
motivés à réclamer l’allocation gouvernementale. « Si j’avais eu le choix, j’aurais peut-être fait comme
eux », avoue-t-elle en riant. Pour faire tourner la boutique, M me Larrivière a appelé sa fille à la
rescousse, mit son mari musicien à la confection des « patates frites », et réduit son menu et ses
heures d’ouverture.

L’agriculture a aussi souffert d’un manque de bras. Mais pour une raison bien spécifique : la main-
d’œuvre étrangère habituellement employée a fait défaut cet été. « Avec la fermeture de la frontière
avec les Etats-Unis le 18 mars, explique Mario Rondeau, producteur d’asperges installé à une
soixantaine de kilomètres de Montréal, seuls onze de mes travailleurs mexicains, sur les vingt-trois en
temps normal, se sont retrouvés aux champs. » Et rares ont été les candidats québécois à vouloir
prendre leur place. « Pas même les étudiants, peste le patron, je suis convaincu à 120 % que la PCU
29

nous a nui. » Une prime provinciale a finalement encouragé un dentiste retraité, une électricienne
inquiète de l’épidémie qui sévissait à Montréal, un cinéaste au chômage et un militaire en permission à
venir manier le couteau à asperge. Mais M. Rondeau estime avoir perdu une vingtaine de tonnes
d’asperges, faute de travailleurs.

La prestation canadienne d’urgence, qui devait prendre fin le 31 août, a une nouvelle fois été
prolongée d’un mois. Justin Trudeau, à la tête d’un gouvernement minoritaire, a choisi de réclamer un
vote de confiance à la Chambre des communes, le 23 septembre, afin de pouvoir y substituer ensuite
des dispositifs pérennes, tels qu’un assouplissement du régime d’assurance-emploi ou encore la
création d’une prestation pour les travailleurs autonomes.

Mais le renforcement de l’Etat-providence auquel il semble vouloir s’atteler coûte cher. 70 milliards de
dollars ont déjà été versés au titre de la seule PCU, participant à un déficit record de plus de
343 milliards pour l’année en cours.

Les conservateurs entendent profiter du débat parlementaire pour dénoncer la « fuite en avant
budgétaire » du premier ministre libéral, et se faire le relais des inquiétudes des patrons canadiens
convaincus qu’un filet social plus avantageux provoquerait un deuxième tsunami après celui du Covid-
19, sur leurs entreprises déjà à bout de souffle.
30

Source 14

PCU réclamée à tort : « C’est quoi la prochaine


étape, un huissier? »
Par Christian Noël
Publié le 20 avril 2023

Des Canadiens dénoncent l’insistance du gouvernement


fédéral à leur réclamer, à tort, des milliers de dollars en
PCU, alors que ces montants ont déjà été remboursés.
Du « harcèlement inacceptable » décrié par l’opposition.
« Qu’est-ce que je fais avec ça? » lance Pierre Tanguay-
Poliquin en montrant une pile de papiers sur sa table de
salon. Malgré son calme apparent, on sent une pointe de
frustration.

Tous les deux mois, depuis un an, Pierre Tanguay-Poliquin reçoit un avis de recouvrement du
gouvernement lui demandant de rembourser la Prestation canadienne d’urgence (PCU) perçue en trop
durant la pandémie. Sauf que l’avis en question est erroné. M. Tanguay-Poliquin n’a jamais reçu
de PCU du gouvernement. En fait, il n’a jamais encaissé son chèque. Il l’a même retourné par la poste,
ce que le gouvernement lui confirme depuis deux ans. Mais les lettres de recouvrement continuent
d’arriver chez lui, à intervalles régulier. « Je commençais à stresser, à m’inquiéter, à me faire du sang
de cochon. J’aime ça quand mes comptes sont à jour, et là, il y a clairement une erreur ». Pourtant, M.
Tanguay-Poliquin pensait avoir agi en bon citoyen. Au début de la pandémie, il a reçu à la fois un
chèque d’assurance-emploi et un chèque de PCU pour un arrêt de travail qui n’a duré que deux
semaines. « Je me suis dit : la PCU, je l’ai reçue en trop, c’est une erreur, raconte-t-il. Je vais juste leur
remettre le chèque. Affaire réglée? Pas tout à fait.

Pour Pierre Tanguay-Poliquin, c’était le début d’une aventure de deux ans dans des dédales
bureaucratiques où l’Agence du revenu (ARC) et Service Canada se renvoient la balle, sans régler son
problème. Chaque fois qu’il contacte l’ARC, on lui demande d’être patient. « C’est toujours la même
réponse : "Attendez, ça va se régler". Attendez quoi? Je n’ai pas envie que les mesures disciplinaires
augmentent. C’est un peu frustrant. »

Pendant que Pierre Tanguay-Poliquin attend encore que le gouvernement règle son dossier, les
mesures prises à son égard, comme il le craignait, ont monté d’un cran. Il dit avoir reçu un appel d’une
agence de recouvrement qui l’intime de payer ce qu’il doit au gouvernement d’ici six mois, sous peine
de conséquences. « Qu'est-ce qui va arriver dans six mois, quand le dossier ne sera pas réglé?
Quelles seront les conséquences? Est-ce que j'aurai un huissier à ma porte? Je veux que ça arrête. »
Par courriel, l’ARC indique qu’elle possède son propre système électronique de gestion du
recouvrement et ne sous-traite aucune charge liée à cet important travail. […] C’est ce que fait Pierre
Tanguay-Poliquin depuis deux ans. Il a l’impression d’être dans la maison des fous des Douze travaux
d’Astérix. C’est un chèque que j’ai renvoyé par la poste il y a trois ans. Trois ans! Qu’est-ce qui se
passe au gouvernement? Le pigeon voyageur ne s’est pas rendu?

Pierre Tanguay-Poliquin n’est pas le seul à vivre une situation semblable. De nombreuses personnes
ont contacté Radio-Canada pour raconter des histoires similaires : le gouvernement leur réclame à tort
des montants de PCU qu’ils ont déjà remboursés ou qu’ils n’ont jamais reçus.
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Tombé dans les craques du système


Maude et Corine Roy sont jumelles. Les deux jeunes femmes ont reçu la PCU par erreur en 2020.
Elles ont encaissé leur chèque. L’été dernier, elles ont remboursé le gouvernement par l’entremise de
leur institution bancaire. Le mois suivant, elles ont quand même reçu une demande de recouvrement
par la poste. Les filles étaient stressées! raconte leur mère, Priscilla Lapointe. Elles avaient peur de
devoir payer en double. C’est gros, le gouvernement. D’un coup qu’il a perdu notre argent?
L’incertitude et l’angoisse ont duré neuf mois. J’essayais de les rassurer. On a la preuve que les
paiements ont été faits, relate Mme Lapointe.

Malgré tout, les avis de recouvrement ne cessent pas. Pour éclaircir la situation, Maude Roy entame
alors une partie de ping-pong gouvernemental. Chaque personne à qui elle parlait lui donnait le
numéro de téléphone de la personne avec qui elle venait de parler juste avant. Bref, ça tourne en
rond! explique Priscilla Lapointe. Après cinq jours de démarches à parler avec cinq personnes
différentes, le mystère est élucidé. Le remboursement de PCU a été effectué au mauvais ministère. La
situation, promet le gouvernement, est sur le point d’être réglée. « On est tombés dans les craques du
système. Un agent du gouvernement nous a dit : "Vous n’êtes pas les seuls, il y en a beaucoup. On a
même dû créer une procédure spéciale à l’interne pour gérer des cas comme ça" Explique Priscilla
Lapointe. On ne savait pas. L’institution bancaire non plus ne savait pas. Imaginez quelqu'un qui n’est
pas trop débrouillard, on peut s’y perdre facilement, exprime Mme Lapointe. Quand le gouvernement
dit que 680 000 personnes n’ont pas remboursé leur PCU, j'aimerais savoir combien sont dans la
même situation que nous », se demande-t-elle. »

C’est quoi, ces deux systèmes qui ne se parlent pas?


Le gouvernement fédéral se défend de rendre la vie compliquée aux Canadiens qui ont déjà
remboursé leur PCU. L’ARC assure travailler avec diligence et empathie afin de régler ces situations
au cas par cas.
Ottawa rappelle que la PCU a été versée par deux ministères : l’ARC et Service Canada, qui est aussi
responsable de l’assurance-emploi. Une distinction peu connue du grand public et qui entraîne de la
confusion. Or, le gouvernement estime qu’il en va de la responsabilité des contribuables de faire la
différence. « Les particuliers doivent donc toujours s’assurer d’envoyer leurs remboursements au
ministère qui a émis la prestation », explique Sylvie Branch, agente de relations médias à l'ARC.
L’identité du ministère émetteur, ajoute l’ARC, devrait être indiquée sur l’avis de recouvrement.

Le bureau de circonscription du député conservateur de Mégantic-L'Érable, Luc Berthold, a reçu des


centaines d’appels de gens qui ont remboursé leur PCU, mais qui reçoivent toujours des avis de
recouvrement du gouvernement. Ils mettent la faute sur les citoyens, c'est inacceptable! s’insurge le
député conservateur Luc Berthold. C’est énorme pour le même dossier, assure-t-il. « Les gens se
disent : "Heille! J’ai envoyé 2000 $ au gouvernement, mais on me réclame encore de l'argent?" Les
gens sont inquiets! » Le gouvernement, selon lui, semble dépassé par la situation et est incapable de
suivre le rythme des réclamations. Et ça va s’empirer avec la grève, croit-il.

« C’est clairement le chaos au sein du gouvernement », lance pour sa part la députée néo-démocrate
Niki Ashton. Des gens vulnérables ont fait des sacrifices pour être en mesure de repayer ce 2000 $, et
le gouvernement continue de les harceler. »

« C’est quoi ces deux systèmes informatiques qui ne se parlent pas? s’insurge l’ombudsman des
contribuables, François Boileau. Ce genre de situation-là ne devrait pas arriver. Pour bien des gens,
2000 $, c’est beaucoup d’argent, poursuit François Boileau. Ça crée un stress énorme pour les gens,
pour mettre de la nourriture sur la table, payer son loyer ou faire avancer un paiement pour une
nouvelle maison. L’ombudsman des contribuables invite les gens qui se sentent dépassés ou floués à
contacter son bureau pour voir ce qu’on peut faire pour les aider. Un recours auquel songe notamment
Pierre Tanguay-Poliquin.
32

Source 15

Entre inflation, concurrence et prêts à


rembourser, des entrepreneurs sont sous
pression
D’après les informations de David P. Ball, Meegan Read et La Presse canadienne
Publié le 3 septembre 2023

Alors que des nuages se dessinent sur l’économie canadienne, la majorité des bénéficiaires du
programme d’aide fédérale aux petites entreprises n’ont toujours pas remboursé leurs prêts au
gouvernement. La Fédération canadienne de l'entreprise indépendante (FCEI) demande à Ottawa de
repousser la date limite de remboursement des prêts afin d’alléger le fardeau des entreprises.

Tamara Nowakowsky, propriétaire du magasin général Delish,


à North Vancouver, en Colombie-Britannique, l’admet sans détour :
elle est sur le point de mettre la clef sous la porte.
Dans sa boutique, où elle offre des réapprovisionnements en savons
et où elle vend des cadeaux et des articles ménagers locaux, les
clients réguliers commencent à se serrer la ceinture. Les gens sont
nerveux et réduisent leurs dépenses. Une fois le loyer, les
Tamara Nowakowsky, propriétaire distributeurs et les employés payés, il ne lui reste plus rien. Je suis
d'une boutique à North Vancouver, au bout du rouleau, ajoute-t-elle, les larmes aux yeux. La COVID-19
peine à rembourser son prêt fédéral. a commencé et, depuis, les choses se sont précipitées.
Source : Radio-Canada / Evan Mitsui

En plus des problèmes d’inflation qui font augmenter les coûts et


réduisent les marges de profit, des milliers d’entrepreneurs comme Tamara Nowakowsky doivent
maintenant rembourser le prêt obtenu du gouvernement fédéral durant la pandémie. Le Compte
d’urgence pour les entreprises canadiennes (CUEC), créé au début de la pandémie, a permis aux
petites entreprises et aux organismes à but non lucratif de contracter un prêt allant jusqu'à 60 000 $.
Selon le gouvernement fédéral, près de 900 000 entreprises à travers le pays ont obtenu un prêt
durant la pandémie, pour un total de 48,4 milliards de dollars.

Dans le cas de Tamara Nowakowsky, la facture s’élève à 52 000 $. Son prêt sans intérêt doit être
remboursé d’ici le 31 décembre. En juillet dernier, seulement 15 % des bénéficiaires en Colombie-
Britannique avaient remboursé leurs prêts, selon la FCEI. Les entrepreneurs qui ne réussissent pas à
rembourser d’ici la fin de l’année n’auront plus droit à une exonération partielle du prêt et devront payer
des intérêts de 5 %.

La FCEI fait appel à Ottawa


Ottawa avait déjà, l’année dernière, prolongé le délai de remboursement jusqu'à la fin de 2023. À
travers une pétition en ligne, la FCEI demande à Ottawa de repousser à nouveau cette date limite d'un
an ou deux, jusqu’à ce que l’inflation soit maîtrisée. La FCEI voudrait aussi que le gouvernement
transforme en subvention l'équivalent de 50 % des prêts obtenus. Un appel qui fait écho à une
demande similaire faite par un regroupement de 250 organismes pancandiens en juillet.
33

Selon la FCEI, près de 250 000 petites entreprises, soit près d’une entreprise sur cinq, pourraient
fermer leurs portes l’année prochaine si la date limite pour rembourser les prêts fédéraux n’est pas
repoussée. La FCEI demande au gouvernement de faire de la relance des PME une priorité. […]

Source 16

La PCU a aussi aidé des contribuables fortunés,


selon une étude
Publié le 19 novembre 2020
La Presse canadienne

Des données récemment publiées sur l’aide d’urgence du gouvernement fédéral pour les
travailleurs touchés par la pandémie montrent que certains bénéficiaires de la prestation
avaient gagné un revenu élevé l’année précédente.

Quelque 8,9 millions de personnes ont reçu à un moment ou l’autre la Prestation canadienne
d’urgence (PCU) de 2 000$ par mois entre le mois de mars et le début d’octobre, date à laquelle le
programme a pris fin. Un peu plus de 81,6 milliards de dollars ont été versés par l’entremise de cette
prestation.

La PCU était accessible à toute personne qui avait déclaré un revenu d’au moins 5 000$ au cours des
12 mois précédents et dont le revenu s’est effondré avec la pandémie, à cause d’une baisse du
nombre d’heures travaillées ou de l’incapacité de travailler.

Les principaux bénéficiaires de la prestation étaient des personnes ayant gagné moins de 47 630$ en
2019, selon les chiffres de l’Agence du revenu du Canada (ARC), mais le programme a aussi aidé des
contribuables plus fortunés.

Les données de l’ARC montrent qu’au moins 114 620 personnes qui ont gagné entre 100 000$ et
200 000$ l’an dernier ont demandé la PCU. De plus, 14 070 personnes qui avaient gagné plus de
210 000$ en 2019 ont demandé la prestation.
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Source 17

La fermeture complète des frontières a ralenti la


transmission
PIERRE SAINT-ARNAUD
Publié le 8 mars 2023

(Montréal) Fermer les frontières à tous les voyageurs


étrangers aura « significativement ralenti » la
propagation de la COVID-19, contrairement aux
fermetures partielles visant les pays où des éclosions
étaient rapportées, une mesure qui a eu peu ou pas
d’effet.
L'étude note que tant les fermetures totales que
C’est là la principale conclusion à laquelle en sont venus partielles ont eu un impact sur la réduction de la
des chercheurs de l’Université York, de Toronto, qui ont propagation, mais que les fermetures totales ont
analysé les effets des fermetures complètes et ciblées lors été plus efficaces.
de la première vague de la pandémie en février et PHOTO PATRICK SANFAÇON, ARCHIVES LA PRESSE
mars 2020. Les résultats de l’étude varient selon que l’on
analyse la propagation à l’échelle globale ou domestique dans les pays qui ont fermé leurs frontières
complètement ou partiellement et selon les pays eux-mêmes, a précisé le chercheur principal, Mathieu
Poirier, lors d’un entretien avec La Presse Canadienne.

Professeur adjoint en épidémiologie sociale et titulaire de la Chaire de recherche sur l’équité en santé
globale de l’institution, M. Poirier souligne toutefois que les résultats, publiés lundi dans la revue PLOS
Global Health, sont probants dans leur ensemble, bien qu’ils nécessitent d’importantes nuances.

Fermeture totale vs fermeture ciblée


Son équipe a analysé les informations disponibles de 166 pays afin de comparer les données de
transmission du coronavirus avant et après la fermeture partielle et complète à celles des pays dont les
frontières étaient demeurées ouvertes. À l’échelle globale, « la fermeture totale [des frontières] ralentit
la transmission mondiale et intérieure », conclut-il. À l’opposé, « nous n’avons vu aucune baisse
significative [de propagation] pour les fermetures ciblées à l’échelle mondiale. »

Les résultats à l’échelle domestique, c’est-à-dire à l’intérieur des pays, varient toutefois légèrement. On
note ainsi que tant les fermetures totales que partielles ont eu un impact sur la réduction de la
propagation, mais que les fermetures totales ont été plus efficaces. Les fermetures partielles, quant à
elles, ont été efficaces lorsqu’elles ont été implantées tôt et ciblaient un plus grand nombre de pays :
« Il s’est avéré plus efficace de cibler plus de pays que de cibler seulement les pays à risque plus
élevé. » En d’autres termes, la logique est respectée : plus la fermeture des frontières ratisse large,
plus elle est efficace.

Les travaux des chercheurs ont confirmé une réalité déjà constatée dans le passé, précise le
professeur Poirier : « Ce n’était pas la première fois que l’on tentait de cibler des pays et ce n’était pas
la première fois que l’on constatait que ce n’était pas efficace. »

Un ciblage erroné
La raison, dit-il, en est fort simple : ce qu’on croit savoir ne correspond habituellement pas à la
réalité. « Même si vous croyez savoir où il y a un point chaud ou qu’une éclosion est en cours, il est
très probable que ça se passe également dans d’autres pays où ce n’est pas aussi évident, là où l’on
rapporte moins bien [les données épidémiologiques]. C’est exactement ce que l’on a vu lors des
fermetures ciblant les pays du sud de l’Afrique avec Omicron. » De plus, ajoute-t-il, ce ciblage, en plus
35

d’être inefficace, est néfaste : « Je veux insister sur le fait que les fermetures ciblées étaient non
seulement moins efficaces au niveau domestique et au niveau mondial, mais qu’elles punissent les
pays qui rapportent ouvertement et avec transparence les éclosions et que cela peut mener à une
réponse globale moins efficace et moins rapide à ce genre de menace. Cela peut aussi entraîner des
conséquences économiques et sociales réelles pour le pays ciblé. »

Efficace au Canada
Le Canada n’échappe pas à la règle, mais Mathieu Poirier souligne qu’Ottawa n’a pas mis de temps à
passer à une étanchéité complète : « Le Canada a connu une transition rapide de pays ciblés à la
fermeture totale. La fermeture totale mise en place au Canada a été suivie d’une réduction significative
de la transmission de la COVID. »

Dans tous les cas, on notera que les chercheurs ne donnent pas de chiffres précis sur cette réduction :
« Notre niveau de confiance n’est pas assez élevé pour aller jusqu’à chiffrer ces réductions. Par contre
il est très élevé quand vient le temps d’affirmer qu’il s’agit de réductions significatives. » Cependant,
même si un pays met en place une fermeture totale, « cela pourrait n’avoir aucun effet parce que ce
n‘est pas assez strict, que par malchance le trafic international entre quand même, que le pays n’a pas
les moyens de faire le dépistage ou d’instaurer des mesures de santé publique adéquates. » Une
fermeture totale, « ce n’est pas une garantie », avertit-il.

Fermetures légales ou pas ?


L’étude soulève également, sans toutefois la solutionner, la question de la légalité de ces fermetures
de frontières, partielles ou totales. Bien que les pays soient souverains en ce qui a trait au contrôle de
leurs frontières, une pandémie renvoie les décisions qui ont une incidence internationale au Règlement
sanitaire international (RSI) qui est juridiquement contraignant pour l’Organisation mondiale de la Santé
(OMS) et 196 pays, dont le Canada.

Un des principes du RSI est qu’une mesure ne devrait pas être plus restrictive que nécessaire et que
les décisions doivent être basées sur la science. Or, fait valoir le chercheur, « avec une pandémie qui
se répand aussi rapidement, nous n’avons pas d’informations fiables au moment de prendre ces
décisions. » Et dans ce cas-ci, ajoute-t-il, au moment de fermer les frontières, « il n’y avait pas de
données scientifiques pour dire si ces fermetures fonctionnaient ou pas. »

D’autres options
D’après Mathieu Poirier, il n’est pas du tout impossible, justement, que ces fermetures aient été
illégales en vertu du RSI : « Il y avait de meilleures options pour plusieurs pays, bien que les
fermetures complètes étaient efficaces, comme on le sait maintenant. »

Certains pays, par exemple, auraient pu imposer des quarantaines strictes et d’autres mesures de
santé publique internes musclées pour contrôler la transmission tout aussi bien que la
fermeture. « Ç’aurait été moins perturbateur et, donc, une meilleure mesure. » En même temps, dit-il, il
y a des pays qui ont pu bénéficier du temps additionnel offert par le ralentissement de propagation
causé par une fermeture totale, notamment les pays avec moins de trafic international et moins de
ressources pour lutter contre la propagation intérieure de manière efficace : « Il y a certainement des
avantages à obtenir plus de temps pour se préparer à l’interne. »

Une zone grise


Des discussions internationales sont en cours pour tenter de raffiner les lois régissant ces décisions,
notamment sur la base de données comme celles fournies par les chercheurs de l’Université York. « Il
faut bâtir ces données pour qu’à l’avenir les pays puissent dire : selon la science disponible, il y a
certaines situations où fermer la frontière est légal et défendable. »
Toutefois, comme tout le reste concernant la COVID-19, ce virus que les scientifiques peinent toujours
à cerner, les aspects légaux donnent aussi du fil à retordre aux experts : « La légalité change en
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fonction de la science. C’était une zone grise et ça continue d’être une zone grise », soupire le
chercheur.
37

Source 18

Conséquences de la pandémie de COVID-19 : un retour


sur certaines industries du secteur des services en 2020
Par Marie-Christine Bernard, Graeme Fell et Vivian Lin
Publié le 21 mai 2021

Au Canada, ce sont les industries des services d'hébergement et des services de restauration, ainsi
que celles liées aux voyages et à la culture, qui ont été les plus touchées, au chapitre de l’activité
économique, par la pandémie de COVID-19. Les fermetures obligatoires, les fermetures des frontières
et les recommandations de rester à la maison ont entraîné une réduction de la demande de services
liés au tourisme pendant la majeure partie de l’année 2020 et ont empêché les industries concernées
de fonctionner à plein régime. De plus, la récession provoquée par la pandémie a perturbé l’activité
commerciale dans l’ensemble des autres industries de services, dont les services professionnels et
administratifs à l’intention des entreprises et des consommateurs.

De nombreuses entreprises ont subi des revers financiers, même une fois que les restrictions ont été
levées. Les entreprises des industries de services ont adapté leurs méthodes d’exploitation, ont accru
leur utilisation des technologies numériques, ont misé sur le télétravail, ont fourni des services par
d’autres moyens et ont eu recours aux programmes gouvernementaux afin de poursuivre leurs
activités. En 2020, environ les deux tiers des demandes de soutien présentées au programme de
Subvention salariale d'urgence du Canada, et approuvées, provenaient d'entreprises des industries de
services. Néanmoins, les pertes financières découlant de la pandémie de COVID-19 sont
considérables. La présente étude, fondée sur d’autres méthodes et sources de données, donne un
aperçu des estimations préliminaires des revenus d’exploitation de certaines industries clés qui ont
fourni des services professionnels et administratifs aux entreprises et aux consommateurs au Canada
en 2020 Note . Ces estimations permettent d’explorer les tendances en temps opportun, pendant que
l’information est toujours actuelle, mais avant que les estimations réelles ne soient accessibles.

https://www150.statcan.gc.ca/n1/pub/45-28-0001/2021001/article/00020-fra.htm

Source 19
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COVID-19 : révisionnisme associé au confinement


Par Blake Murdoch et Timothy Caulfield
Publié le 19 juin 2023
(Extraits)

Confinement
Le sentiment anticonfinement est répandu dans les médias sociaux, le discours politique et les articles
de nouvelles. […] Dans certaines formes de discours populaire, les mesures de confinement ont été
qualifiées d’imprudentes et de non scientifiques, de pseudoscience, d’excuse pour opprimer les
populations de façon permanente et de tentative de détournement cognitif par la modification
incessante des règles; elles ont même été intégrées à des théories du complot plus saugrenues les
unes que les autres. La notion que « le confinement est inefficace » a été internalisée par certains
comme une vérité évidente. Des publicités payées sur le confinement et des publications sur les
médias sociaux ont suscité un intérêt massif. […]

Évaluation des effets des mesures sanitaires


[…] Certains ont qualifié les vaccins contre le SRAS-CoV-2 d’inefficaces, malgré des preuves
irréfutables qu’ils avaient évité des millions de décès mondialement. Maintenant que l’évolution des
variants a mené à une diminution de la capacité des vaccins à prévenir la transmission virale, certains
ont commencé à affirmer que les exigences vaccinales […] avaient des visées discriminatoires et ne
contribuaient pas à la santé publique. Certes, le sujet des exigences vaccinales est indubitablement
socialement et scientifiquement complexe, mais il a été démontré qu’elles améliorent les taux de
vaccination contre le SRAS-CoV-2. Par ailleurs, une étude du National Bureau of Economic Research
des États-Unis a conclu que les exigences vaccinales mises en place dans les universités et collèges
américains auraient sauvé environ 7300 vies sur une période de seulement 13 semaines à l’automne
2021.

[…] Les masques et les politiques associées continuent d’enflammer les débats, tant scientifiques que
publics. Il est pourtant évident que le port d’un masque de grande qualité peut réduire la propagation
des agents pathogènes et prévenir l’infection. Une étude cas–témoins regroupant 1828 individus,
menée par les Centers for Disease Control and Prevention des États-Unis et publiée en 2022, a conclu
que l’utilisation autodéclarée de masques de protection respiratoire filtrants dans les espaces publics
intérieurs était associée à une baisse de 83 % de la probabilité d’obtenir un résultat positif au test de
dépistage du SRAS-CoV-2 en Californie. De plus, une étude comparant des hôpitaux anglais a conclu
que le passage de l’équipement de protection individuelle de base (p. ex., masque chirurgical) à une
protection respiratoire contre les agents aéroportés (p. ex., masques de protection respiratoire filtrants
FFP3) chez le personnel soignant des personnes atteintes de la COVID-19 était associé à une
diminution de 33 % du risque d’infection nosocomiale durant la vague Delta. Enfin, une analyse par
méthode des doubles différences de la mise en œuvre décalée des politiques dans les districts
scolaires du Massachusetts a montré que 29,4 % de tous les cas de COVID-19 sur une période de 15
semaines après la fin de la politique étatique de port du masque obligatoire en 2022 étaient associés à
la fin du port universel du masque.

Les mesures sanitaires ont accompli l’essentiel des objectifs visés par leur application, à quelques
exceptions près. Malgré les prédictions de préjudices économiques généralisés, les données liées à
cette question sont ambiguës, et d’autres études sont nécessaires. […] Une revue a conclu que la
stratégie de santé publique notoirement plus décontractée adoptée par la Suède, qui a mené à des
taux d’hospitalisation et de décès relativement élevés, n’a pas eu d’avantages économiques à court
terme, comparativement aux autres pays nordiques. […]
39
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Source 20

Publié le 6 décembre 2022

La santé mentale : un enjeu majeur au cœur des


préoccupations des politiques publiques
Impact de la pandémie COVID-19 sur la santé mentale des Français. Le dossier
de La Santé en action n°461, septembre 2022
Santé publique France publie, dans sa revue trimestrielle La Santé en action du mois de septembre
2022, un dossier consacré à la santé mentale de la population française largement dégradée depuis le
début de la crise et les premières mesures sanitaires mises en place pendant la pandémie de COVID-
19.

La crise sanitaire liée à la Covid-19 a mis en lumière la santé mentale en tant qu’enjeu public qui
concerne l’ensemble de la population, et pas seulement « une personne sur cinq », comme indiqué
généralement en référence au nombre de personnes pouvant être concernées par des troubles
psychologiques sévères. La crise a accentué de façon aiguë les problèmes de santé mentale mais en
a aussi provoqué de nouveaux. Les confinements successifs, la peur d’attraper le virus, le
ralentissement de l’économie, la réduction de la vie sociale, la précarisation ou perte d’emploi et bien
d’autres facteurs déterminants ont plongé une grande partie des Français dans un état émotionnel et
psychologique fragilisé. Ceci constitue un tournant : la préoccupation des politiques de santé mentale
ne concerne plus uniquement l’organisation des soins en psychiatrie mais englobe les actions de
prévention et de promotion de la santé : déploiement de dispositifs de prévention du suicide, des lignes
d’écoute, mais aussi mobilisation de tous les acteurs susceptibles d’intervenir en faveur de la santé
mentale, du secteur social, du logement, de l’éducation (voir l’article Covid-19 : L'irruption de la santé
mentale dans le débat public).

Mobiliser des ressources locales


Les actions menées pendant une crise sont d’autant plus pertinentes que les liens entre acteurs sont
déjà tissés, comme dans le cadre des conseils locaux de santé mentale ou des groupes d’entraide
mutuelle. La pandémie a rudement mis à l’épreuve le système de santé et a révélé des fragilités
préexistantes – dont celles du secteur de la psychiatrie, tant à l’hôpital qu’en libéral. Il s’agit aujourd’hui
de poursuivre les transformations dans la manière de promouvoir la santé mentale et de mieux
comprendre ses déterminants, préalable indispensable à la prévention et à la promotion de la santé.

Le poids des inégalités sociales et territoriales de santé, accentué par la


crise de la COVID-19
L’épidémie et les mesures prises pour l’endiguer ont révélé des vulnérabilités, des inégalités au sein de
la population concernant l’exposition au virus, les conditions de vie et les difficultés psychiques
engendrées. Elle a affecté différemment les personnes selon leur logement et la possibilité de
poursuivre ou non leur activité professionnelle. L’impact de la crise a fortement varié en fonction des
ressources financières, relationnelles et sociales des individus, de leur accès aux produits de première
nécessité, aux loisirs ou aux soins. Ce numéro explore les effets de la crise sur la santé mentale de
différentes populations : soignants, personnes âgées, étudiants, handicapés, etc., vivant et travaillant
41

dans différents milieux de vie (maisons de retraite, hôpitaux en particulier les services de psychiatrie,
etc.).

Les enjeux éthiques soulevés


De nombreuses questions éthiques ont été soulevées tout au long de l’épidémie. Il s’agit notamment
des tensions possibles entre protection de la santé et respect des droits ; des priorités et des
interdépendances entre santé physique et santé mentale – voire entre la santé et d’autres enjeux
collectifs (comme l’économie ou l’éducation) ou entre protection individuelle et collective. Sur un plan
éthique, comme l’analyse une universitaire, « la crise a aussi été révélatrice de la stigmatisation des
personnes ayant des troubles psychiques ».

Le cas des enfants et adolescents


Face à la COVID-19, les enfants font preuve de résilience s’ils sont accompagnés par leur famille,
l’école ou des professionnels. Comme le décrypte une pédopsychiatre, la santé psychique des enfants
et adolescents a été et continue d’être affectée par l’épidémie Covid-19. À l’automne 2020, des
professionnels de la pédopsychiatrie ont vu arriver dans leurs services des enfants dans des états de
crise aiguë (anxiété généralisée, crise suicidaire, etc.). Ces professionnels soulignent que les enfants
sont particulièrement sensibles à l’anxiété de leurs proches et mettent en garde contre les effets du
huis-clos familial lors des confinements (avec une augmentation des violences intrafamiliales) ; contre
les conditions de scolarité altérées (suppression d’activités à l’école, accès restreint aux cours de
récréation, etc.) et contre les protocoles sanitaires changeants qui provoquent de fortes tensions. Ces
mesures ont fait l’objet de débats éthiques et politiques sur la balance bénéfices/risques pour les
enfants.
42

Source 21

Publié le 28 janvier 2023

Convoi de la liberté, un an après. Un mouvement


qui a fait des petits

PHOTO SARAH MONGEAU-BIRKETT, ARCHIVES LA PRESSE


Le centre-ville de la capitale s’est transformé en un gigantesque stationnement pour camions,
l’hiver dernier, lorsque les manifestants du « convoi de la liberté » ont occupé Ottawa durant
près de deux mois.

MYLÈNE CRÊTE

LILA DUSSAULT

Des milliers de camionneurs ont utilisé leurs véhicules pour paralyser le centre-ville d’Ottawa,
l’hiver dernier, pour s’opposer à la vaccination obligatoire et aux mesures sanitaires. Un an plus
tard, quelles leçons tire-t-on du « convoi de la liberté » ?

Un évènement susceptible de se reproduire « assez rapidement »


On aurait tort de limiter le « convoi de la liberté » à un évènement anecdotique lié à la pandémie,
avertissent des experts. Un an plus tard, le mouvement témoigne encore de la méfiance d’une partie
de la population envers les institutions et d’une mouvance globale à la droite de la droite.

Il y a un an, ils ont déferlé par milliers à Ottawa, certains à pied, d’autres au volant de leur véhicule.
Pendant près d’un mois, ces manifestants ont occupé le centre-ville de la capitale canadienne. Une
majorité exigeait la fin des mesures sanitaires liées à la COVID-19. D’autres, la fin du gouvernement
libéral de Justin Trudeau. Ailleurs au pays, comme à Windsor, en Ontario, et à Coutts, en Alberta, ils
ont aussi bloqué les postes frontaliers avec les États-Unis, soulevant la grogne de Washington. Avec
du recul, le « convoi de la liberté » s’inscrit dans une mouvance plus large vers la droite politique,
estiment plusieurs experts consultés par La Presse.

Au Québec, cela s’est traduit par la montée en popularité du Parti conservateur d’Éric Duhaime, note
en exemple Pascale Dufour, spécialiste des mouvements sociaux à l’Université de Montréal. « Est-ce
que c’était conjoncturel ou une transformation de fond, j’aurais de la difficulté à répondre, affirme-t-elle.
Mais sur le court terme ou le moyen terme, le mouvement a légitimé une position politique publique
plus à l’extrême droite. »

Pour Joao Velloso, professeur de droit à l’Université d’Ottawa, le convoi fait aussi partie d’un
« mouvement de conservatisme global anti-establishment ». En ce sens, il y voit des similitudes avec
les mouvements pro-Trump, aux États-Unis, ou pro-Bolsonaro, au Brésil.

Ce genre de mouvements d’occupation par des groupes extrémistes sont devenus une
inquiétude un peu partout en Occident. Et d’une certaine façon, le "convoi de la liberté"
a contribué à un éveil, politique et juridique, à ce type de phénomène.
- Joao Velloso, professeur de droit à l’Université d’Ottawa
43

Là pour de bon
L’impulsion qui a mené au « convoi de la liberté » ne disparaîtra pas de sitôt, malgré la fin des mesures
sanitaires liées à la pandémie, avertit aussi David Morin, cotitulaire de la Chaire UNESCO en
prévention de la radicalisation et de l’extrémisme violent. « Il y a eu une forme de mise en contact de la
droite alternative canadienne et de la droite identitaire au Québec, observe-t-il. [Ces groupes] vont
rester, avec d’autres revendications, que ce soit en lien avec l’identité numérique, la guerre en Ukraine
ou le réchauffement climatique. » À son sens, des gens qui n’allaient pas bien l’an dernier ne vont pas
nécessairement mieux aujourd’hui.

Dans les démocraties libérales, il y a une vague de contestation de gens qui s’estiment
mal servis par les institutions démocratiques, qui ont moins confiance et qui sont plus
prompts à légitimer la violence et, à l’occasion, à y recourir. Si on n’a pas une réflexion
de fond, ça va se reproduire assez rapidement.
- David Morin, cotitulaire de la Chaire UNESCO en prévention de la radicalisation et
de l’extrémisme violent

Des effets concrets


L’augmentation de l’intimidation envers les élus est aussi un autre élément nouveau dans le paysage
politique canadien, soutient pour sa part Michel Juneau-Katsuya, ancien cadre et agent de
renseignements senior au Service canadien du renseignement de sécurité. Il cite en exemple
l’intensification des mesures de sécurité fournies aux candidats lors des élections québécoises
l’automne dernier, en raison d’importantes menaces.

« Des organisateurs [du convoi] ont profité d’une opportunité très ponctuelle, estime-t-il. Le fait de
capitaliser sur les consignes sanitaires, sur la frustration et l’écœurantite aiguë des gens, ça leur a
donné l’opportunité de rassembler autour de ça. » Et l’objectif de certains manifestants était « ni plus ni
moins qu’un renversement du gouvernement du Canada par une révolution interne, et par la
violence », soutient l’expert en sécurité nationale, faisant référence aux armes saisies et aux
personnes arrêtées au poste frontalier de Coutts, le 14 février. […]

Des revendications fondées


Selon Pascale Dufour, il n’en demeure pas moins que les revendications des manifestants concernant
les mesures sanitaires étaient légitimes. « Cette revendication de liberté, elle était complètement
fondée, parce qu’on faisait face à des mesures qui remettaient en cause les droits fondamentaux »,
rappelle-t-elle, citant notamment des rapports de l’Association canadienne des libertés civiles.

Les manifestants demandaient de pouvoir choisir : de porter un masque, de se faire vacciner et de


décider pour soi-même. « La frontière est mince entre une position libertarienne extrêmement
individualiste et plutôt à droite traditionnellement, remarque la chercheuse, et en même temps la
critique objective de la privation de libertés civiles, politiques, et de droits fondamentaux. »
[…]
44

Source 22

Covid-19 : après deux ans


sans confinement, la Suède
fait son autocritique En avril 2020, alors qu’une bonne partie de la planète était
strictement confinée pour tenter de freiner l’expansion de la
pandémie de Covid-19, les Suédois, eux, étaient encouragés au
Par Émilie Cochaud-Kaminski télétravail mais sans contrainte obligatoire ni port du masque. Ici,
à Stockholm le 22 avril 2020, ils pouvaient librement s’installer en
Publié le 3 mars 2022 terrasse pour profiter du soleil printanier.
| VIA REUTERS
Deux ans après le début de la pandémie, la Suède fait le
bilan de sa gestion très singulière du Covid-19. La Suède a fait le bon choix en ne confinant pas. Mais
elle aurait dû réagir plus rapidement et de façon plus stricte au début de la pandémie. C’est, en
substance, la conclusion d’une commission indépendante mandatée par les autorités suédoises pour
évaluer la gestion du Covid-19.
Il faut dire que depuis le début de la crise, le royaume scandinave est un cas d’école. À contre-courant
des autres pays européens, le gouvernement n’a jamais imposé de confinement. Dans son rapport
final, publié le 25 février, la « Commission Corona » (c’est son nom), estime que c’était la bonne
décision. Lorsqu’ils sont longs et récurrents, les confinements restreignent la liberté des personnes, de
sorte qu’ils sont difficilement défendables en dehors de menaces très extrêmes, assure-t-elle.
L’absence de masques critiquée
Face au virus, la Suède a préféré s’appuyer sur les recommandations plutôt que sur la contrainte. En
substance, le message était le suivant : restez à la maison si vous avez le moindre symptôme, limitez
les interactions, télétravaillez au maximum, évitez les transports en commun, et faites-vous vacciner.
Une approche fondée sur la responsabilité individuelle, que la commission approuve. D’autant que ces
recommandations ont été, dans l’ensemble, suivies par la population.
Mais elle épingle le laxisme du gouvernement sur certains points, comme sur le port du masque. Car
en pratique, très peu de personnes l’ont porté, que ce soit dans la rue ou les lieux clos. Le rapport est
catégorique : l’agence de santé publique suédoise a eu tort de ne pas recommander son utilisation.
Les critiques les plus sévères concernent la stratégie au début de la pandémie, en février-mars 2020 ,
résume Carl Dahlström, professeur de Sciences politiques à l’université de Göteborg. À cette période,
les mesures adoptées par la Suède étaient trop peu nombreuses et trop tardives, ce qui n’a pas permis
de protéger les plus vulnérables, juge la commission, et notamment les personnes âgées, qui ont payé
un lourd tribut. Entre le début de la pandémie et début décembre 2020, plus de 7000 personnes sont
mortes du Covid-19 en Suède. Parmi elles, 90 % avaient 70 ans et plus, soulignait la commission fin
2020.
Une approche globalement soutenue par la population
Deux ans après, quel est le bilan ? Avec 17 000 morts liés au Covid-19 pour 10 millions d’habitants, le
pays affiche un taux de mortalité légèrement inférieur à la moyenne européenne. Mais le tableau est
nettement moins reluisant si on le compare à celui de ses voisins nordiques. Proportionnellement à sa
population, la Suède totalise deux fois plus de décès qu’au Danemark, quatre fois plus qu’en Finlande
et six fois plus qu’en Norvège.
Malgré ces chiffres, 68 % des Suédois disent faire confiance à la stratégie de leur agence de santé
publique, selon une récente enquête de l’Institut Kantar. La majorité des gens soutiennent cette gestion
du Covid-19. De façon générale, les Suédois ont une confiance élevée envers leurs institutions,
45

rappelle Nicholas Aylott, professeur de sciences politiques à l’université de Södertörn. Et sur ce point,
dit-il, le rapport a peu de chance de changer la donne.

Table des matières

PARTIE 3 – Enjeu
Inégalités internationales, entre pays

Vaccins contre la Covid-19 : les inégalités se creusent et des millions de


23. personnes sont vulnérables 42
ONU, 20 septembre 2021

24.
Répartition mondiale des vaccins : la grande injustice 45
Binh An Vu Van, Radio-Canada, 23 octobre 2022

25.
La Chine a exporté plus de 200 milliards de masques l'an dernier 53
Le Figaro et AFP, Le Figaro, 29 janvier 2021
Cuba, modèle de lutte contre l’épidémie ?
26. Nils Graber et Blandine Destremau, L’École des hautes études en sciences sociales, 15 54
décembre 2020

27.
Le patron de l’OMS dénonce la diplomatie vaccinale
Agence France-Presse, La Presse, 10 mai 2021
46

Source 23

Publié le 20 septembre 2021

Vaccins contre la Covid-19 : les inégalités se


creusent et des millions de personnes sont
vulnérables
© UNICEF/Laxmi Prasad Ngakhusi

Une femme est vaccinée contre le COVID-19 dans un


poste de santé du district reculé de Darchula, au Népal.

Les responsables de la santé s'accordent à dire qu'un monde sans Covid-19 ne sera
possible que lorsque tout le monde aura un accès égal aux vaccins. Plus de 4,6 millions
de personnes sont mortes du virus depuis qu'il a déferlé sur le monde au début de
l'année 2020, mais on s'attend à un ralentissement du taux de mortalité si davantage de
personnes sont vaccinées.

Les pays développés sont beaucoup plus susceptibles de vacciner leurs citoyens, ce qui
risque de prolonger la pandémie et de creuser les inégalités dans le monde. Alors que des
hauts fonctionnaires des Nations Unies se réunissent ce lundi au Siège de l’ONU pour discuter
de la question, ONU Info explique l'importance de l'équité vaccinale.

C’est quoi l'équité vaccinale ?


L'équité vaccinale signifie tout simplement que toutes les personnes, où qu'elles soient dans le
monde, devraient avoir un accès égal à un vaccin qui offre une protection contre l'infection par
la Covid-19. Selon l’objectif mondial fixé par l'Organisation mondiale de la santé (OMS), 70%
de la population de tous les pays devrait être vaccinée d'ici à la mi-2022. Mais pour atteindre
cet objectif, il faudra un accès plus équitable aux vaccins.

Le Directeur général de l'OMS, Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus, a déclaré que l'équité en


matière de vaccins n'était « ni de la science infuse, ni de la charité. C'est de la santé publique
intelligente et dans l'intérêt de tous ».

Pourquoi est-elle si importante ?


Mis à part l'argument éthique selon lequel aucun pays ou citoyen ne mérite plus qu'un autre,
qu'il soit riche ou pauvre, une maladie infectieuse comme la Covid-19 restera une menace
mondiale, tant qu'elle existera où que ce soit dans le monde. Une distribution inéquitable des
vaccins ne laisse pas seulement des millions ou des milliards de personnes vulnérables au
virus mortel, elle permet également à des variants encore plus mortels d'émerger et de se
propager à travers le monde.

En outre, une distribution inégale des vaccins creusera les inégalités exacerbant le fossé entre
les riches et les pauvres, et annulera des décennies de progrès durement acquis en matière
de développement humain.
47

Selon les Nations Unies, l'inégalité en matière de vaccins aura un impact durable sur le
redressement socio-économique des pays à revenu faible et moyen inférieur et fera reculer les
progrès accomplis dans la réalisation des Objectifs de développement durable (ODD).

Selon le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), huit personnes sur
dix poussées directement dans la pauvreté par la pandémie vivraient dans les pays les plus
pauvres du monde en 2030. Les estimations suggèrent également que les impacts
économiques de la Covid-19 pourraient durer jusqu'en 2024 dans les pays à faible revenu,
tandis que les pays à revenu élevé pourraient retrouver les taux de croissance du PIB par
habitant d'avant la Covid-19 dès la fin de cette année.

Est-ce qu’elle marche ?


[…] Les recherches suggèrent que suffisamment de vaccins seront produits en 2021 pour
couvrir 70% de la population mondiale de 7,8 milliards d'habitants. Toutefois, la plupart des
vaccins sont réservés aux pays riches, tandis que d'autres pays producteurs de vaccins
limitent l'exportation de doses afin de s'assurer que leurs propres citoyens soient vaccinés en
premier, une approche qui a été baptisée « nationalisme vaccinal ».

La décision de certains pays d'administrer un vaccin de rappel à leurs citoyens déjà vaccinés,
plutôt que de donner la priorité aux doses destinées aux personnes non vaccinées dans les
pays pauvres, est un exemple de cette tendance. Néanmoins, la bonne nouvelle, selon les
données de l'OMS, est qu'au 15 septembre, plus de 5,5 milliards de doses ont été
administrées à travers le monde, même si, étant donné que la plupart des vaccins disponibles
nécessitent deux injections, le nombre de personnes protégées est beaucoup plus faible.

Quels sont les pays qui reçoivent les vaccins en ce moment ?


Pour faire simple, ce sont les pays riches qui reçoivent la majorité des vaccins, tandis que de
nombreux pays plus pauvres peinent à vacciner ne serait-ce qu'un petit nombre de leurs
citoyens.

Selon le tableau de bord mondial de l'équité vaccinale (établi par le PNUD, l'OMS et
l'Université d'Oxford), au 15 septembre, seuls 3,07% des habitants des pays à faible revenu
ont reçu au moins une dose de vaccin, contre 60,18% dans les pays à revenu élevé.

Au Royaume-Uni, le taux de vaccination des personnes ayant reçu au moins une dose de
vaccin est d'environ 70,92%, tandis qu'aux États-Unis, il est actuellement de 65,2%. D'autres
pays à revenu élevé ou intermédiaire ne font pas aussi bien ; la Nouvelle-Zélande n'a vacciné
que 31,97% de sa population relativement petite d'environ cinq millions d'habitants, alors que
le Brésil est actuellement à 63,31%.

En revanche, les statistiques de certains des pays les plus pauvres du monde ne sont pas
réjouissantes. En République démocratique du Congo, seulement 0,09% de la population a
reçu une dose ; en Papouasie-Nouvelle-Guinée et au Venezuela, le taux est respectivement
de 1,15% et 20,45%.

Combien coûte un vaccin ?


Les données de l’UNICEF montrent que le coût moyen d'un vaccin contre la Covid-19 est de 2
à 37 dollars (il existe 24 vaccins qui ont été approuvés par au moins une autorité
réglementaire nationale) et le coût de distribution par personne est estimé à 3,70 dollars. Cela
48

représente une charge financière importante pour les pays à faible revenu, où, selon le PNUD,
les dépenses de santé annuelles moyennes par habitant s'élèvent à 41 dollars.

Le tableau de bord de l'équité vaccinale montre que, sans un soutien financier mondial
immédiat, les pays à faible revenu devront augmenter leurs dépenses de santé de 30 à 60%
pour atteindre l'objectif de vaccination de 70% de leurs citoyens.

Que fait l'ONU pour promouvoir un accès plus équitable aux vaccins ?
L'OMS et l'UNICEF ont travaillé avec d'autres organisations pour créer et gérer le Dispositif
mondial d'accès aux vaccins Covid-19, connu sous le nom de COVAX. Lancé en avril 2020,
l'OMS l'a qualifié de « collaboration mondiale inédite pour accélérer le développement, la
production et l'accès équitable aux tests, traitements et vaccins contre la Covid-19 ».

Son objectif est de garantir un accès juste et équitable pour chaque pays du monde en
fonction des besoins et non du pouvoir d'achat.

Actuellement, le COVAX compte 141 participants selon l'alliance Gavi, soutenue par les
Nations Unies, mais ce n'est pas le seul moyen pour les pays d'accéder aux vaccins puisqu'ils
peuvent également conclure des accords bilatéraux avec les fabricants.

L'égalité d'accès aux vaccins mettra-t-elle fin à la pandémie ?


C'est une étape cruciale, évidemment, et dans de nombreux pays riches, la vie revient à une
certaine normalité pour beaucoup de gens, même si certains protocoles de pandémie sont
encore en place.

La situation dans les pays moins développés est plus difficile. Alors que la livraison de
vaccins, fournie dans le cadre du mécanisme COVAX, est accueillie favorablement dans le
monde entier, la faiblesse des systèmes de santé, notamment la pénurie de personnel de
santé, contribue à aggraver les problèmes d'accès et de distribution sur le terrain.

Et les problèmes d'équité ne disparaissent pas une fois que les vaccins sont physiquement
livrés dans le pays ; dans certains pays, riches ou pauvres, les inégalités de distribution
peuvent encore persister.
I
l est également utile de rappeler que l'impératif de fournir un accès égal aux soins de santé
n'est, bien sûr, pas une question nouvelle, mais qu'il est au cœur des Objectifs de
développement durable et plus précisément de l'ODD 3 sur la bonne santé et le bien-être, qui
appelle à la mise en place d'une couverture sanitaire universelle et de médicaments et vaccins
essentiels abordables pour tous.
49

Source 24

Répartition mondiale des vaccins :


la grande injustice
Binh An Vu Van
Publié le 23 octobre 2022

Pendant la pandémie, les grandes organisations internationales œuvrant


en santé ont tenté d’éviter la grande injustice; ils ont mis en place des
projets ambitieux afin de distribuer équitablement les biens médicaux et les
vaccins contre la COVID-19. Mais le chacun pour soi l’a emporté sur l’appel
à la solidarité, et les conséquences se font aujourd’hui sentir partout, y
compris dans les pays riches. Bilan d’une difficile lutte contre l’iniquité.

Deux ans après l’homologation des vaccins contre la COVID-19, l’iniquité entre les nations riches et
pauvres persiste : alors que près de 75 % de la population des pays riches est au moins doublement
vaccinée, dans les pays pauvres, environ 20 % de la population seulement l’est, et ce taux stagne
depuis le début de l’année.

Au printemps dernier, Joanne Liu, ex-présidente de Médecins sans frontières


(MSF), réclamait encore avec conviction que le Canada et les autres pays riches
partagent leurs doses excédentaires de vaccins avec COVAX, la plateforme
internationale qui devait redistribuer les vaccins aux pays pauvres. Aujourd’hui,
dans ce café, elle fait plutôt un constat d’échec : Ça ne marche pas. Nous avons
investi des sommes publiques considérables dans cette plateforme [COVAX] qui n’a
pas livré, observe-t-elle. Ses constats sont confirmés par les conclusions d’une
évaluation indépendante publiée le 10 octobre sur le programme parent de
COVAX : Un modèle différent de réponse à la pandémie sera nécessaire à l'avenir. Dre Joanne Liu
Photo : Radio-Canada

On a souvent parlé de la compétition féroce entre les pays pour obtenir les vaccins – ce que certains
ont appelé le nationalisme vaccinal –, car les doses distribuées dans la plupart des pays sont chiffrées.
L’iniquité est flagrante. Mais les vaccins ne sont que la partie visible d’une injustice plus vaste : le
partage inéquitable des ressources médicales, des masques, des tests diagnostiques, des
respirateurs, des outils thérapeutiques, et de toutes ces ressources nécessaires pour contenir la
propagation de la COVID-19 et freiner la pandémie. Nous avons autant dû gérer une pénurie de
ressources et de moyens qu'une pandémie, résume la Dre Joanne Liu. « Ce qui me déçoit le plus,
c’est que, cette fois-ci, j’aurais cru qu’on aurait pu faire mieux, qu’on avait appris des épidémies
passées, qu’on aurait pu éviter cette grande injustice. » Sa déception est grande, car dès le départ, les
espoirs étaient immenses.

L’espoir de mieux faire


La grande injustice, les experts l’ont vue venir dès le premier printemps de la pandémie. Dès lors, les
signes avant-coureurs étaient déjà là. La demande de tests, de masques, d'oxygène surpasse de loin
la production. On s'en souvient encore; entre les pays, ça joue dur : fraude, entrave à la circulation des
produits médicaux et détournement de cargaison. Selon l'Organisation mondiale du commerce, plus de
70 pays ont limité l’exportation de fournitures médicales et de médicaments liés à la COVID. Dans ce
contexte, les pays les plus pauvres n’ont aucune chance de mettre la main sur les produits médicaux
de base. […]
50

En Afrique du Sud, le docteur Salim Abdool Karim est l’épidémiologiste qui a mené la guerre contre la
COVID-19. Il est chef du Comité consultatif ministériel d’Afrique du Sud sur la COVID-19 […]. Le pays
constate son premier cas en mars 2020 : Nous savions alors que la grande priorité était de mettre la
main sur des tests diagnostiques, se souvient le Dr Abdool Karim. Mais nous avons immédiatement
frappé un mur de briques. Bien que plusieurs des grands manufacturiers de tests diagnostiques ont
des bureaux locaux ici au pays, nous n’avons pas pu nous en procurer pendant plusieurs mois. Le
marché était tout simplement trop compétitif.

C’est un avant-goût de la compétition qui s’annonce : toute la planète attend désespérément le


développement des premiers vaccins; les dirigeants de toutes les nations sont sous haute pression
pour vacciner leur population et réouvrir leur économie. Les experts en santé mondiale anticipent déjà
le pire : une ruée sauvage vers les vaccins. On l’a vu dans les crises passées : nous n’étions pas prêts
à nous concerter pour nous partager les ressources, explique la Dre Joanne Liu.

Gavin Yamey, directeur du Centre pour l'impact des politiques en santé mondiale de
l’Université Duke en Caroline du Nord fait partie de ceux qui, très tôt, ont levé le
drapeau rouge : En 2009, lors de la pandémie de H1N1, les nations riches ont
accaparé les stocks. Ils ont conclu des accords d'achats directs, dits bilatéraux, avec
les fabricants de vaccins. Ils ont obtenu plus de doses, et ce, plus rapidement. Et
ces doses n’ont été repartagées aux autres pays qu’une fois la crise passée. Gavin
Yamey conclut : C’était donc écrit dans le ciel, nous savions que les pays riches
risquaient de recommencer, d’accaparer les vaccins. Gavin Yamey
Photo : Radio-Canada

Pour éviter le pire, de toute urgence, un regroupement extraordinaire d’organismes mondiaux œuvrant
dans le domaine de la santé, des gouvernements de pays riches, des regroupements publics et privés,
avec la collaboration de l’OMS, s’unissent pour créer, en avril 2020, l’Accélérateur ACT-A. C’est un
programme pour développer les produits essentiels pour combattre la COVID-19 et s’assurer qu’ils
soient distribués de manière équitable. Le docteur Tim Evans a été sous-directeur général de l’OMS et
un des cofondateurs de GAVI, l’Alliance du vaccin, un des organismes qui a mis en œuvre
l’accélérateur. Aujourd’hui, professeur à l’Université McGill, il peut poser un regard plus critique sur la
situation : L’idée derrière ce programme était d’obtenir une efficacité d’échelle pour accélérer l’accès
aux outils comme les tests et les vaccins en misant sur une collaboration mondiale, explique-t-il. Dans
une urgence pandémique, il fallait poser des actions extraordinaires.

L’accélérateur ACT-A agit sur quatre fronts : les traitements, les diagnostics, les systèmes de santé, et
les vaccins. Ce dernier volet, celui qui a fait le plus couler d’encre, est appelé COVAX. Gavin Yamey
fait alors partie d'un groupe d’experts-conseils bénévoles qui a réfléchi à la création de ce volet. Il
explique l’intention de départ : Nous cotiserions tous de manière solidaire afin que les personnes les
plus à risque, celles médicalement vulnérables, les personnes âgées et les travailleurs de la santé de
chaque pays, riche comme pauvres, soient vaccinés en premier. Il ajoute : Il n'y avait jamais rien eu de
tel. C’était une belle idée. Le club de solidarité de COVAX est né du meilleur de nous.

L’objectif de COVAX : assurer un accès équitable aux vaccins à tous et vacciner en priorité 20 % de la
population la plus à risque, où qu’elle soit. La Dre Liu raconte : Initialement, on se disait que tout le
monde était dans le même panier, qu’on allait tout mettre en commun, qu'on allait se partager les
choses équitablement. Pour cela, COVAX agirait comme une sorte de vaste plateforme d’achat pour
tous les pays. Grâce à la force du nombre, cette plateforme d’achat offrirait ce qui serait le plus large
éventail de vaccins au monde. Mais pour atteindre ses objectifs, COVAX doit convaincre les pays
riches d’acheter leurs vaccins par cette plateforme. Nous voulions que les pays riches se rendent
compte qu’il était dans l'intérêt de tous que les doses de vaccins soient partagées équitablement à
travers le monde, explique Gavin Yamey.

Pour les pays riches, COVAX propose un avantage important en offrant une façon d’acheter des
vaccins moins risquée que par les ententes bilatérales. Car, en concluant ces ententes directement
51

avec les compagnies pharmaceutiques avant l’homologation des vaccins, les pays risquent gros. Si ce
vaccin échoue aux essais cliniques, l’argent est perdu. Historiquement, la plupart des vaccins échouent
aux essais cliniques, ou n’ont pas l’efficacité requise. L’incertitude était incroyable, rappelle Tim Evans.
En achetant leurs doses via COVAX, même si certains vaccins échouent, les pays recevraient quand
même les doses payées, grâce aux quelques vaccins efficaces et homologués.
Ensuite, COVAX recueillerait des dons monétaires de fondations privées et de différents
gouvernements pour acheter des doses pour les 92 pays à bas revenus, via cette même plateforme
d’achat. Le pouvoir d'achat de ce pool serait énorme, espérait Gavin Yamey. Il pourrait faire baisser les
prix des médicaments et subventionnera les doses des pays moins riches.

Le projet suscite beaucoup d’enthousiasme et rallie 182 pays. Je crois que nous étions
bien partis, que la volonté de partager les ressources était sincère, observe le
Dr Tim Evans. Les pays à faibles et moyens revenus comptent alors sur COVAX pour
vacciner leurs travailleurs de la santé : COVAX nous semblait sensé. Il réduit notre
risque individuel, pour en faire un risque collectif, résume le Dr Abdool Karim. L'Afrique
du Sud était un fervent partisan de COVAX. Nous comptions sur COVAX pour fournir les
vaccins à une première tranche de 10 % de notre population, ce qui, selon nos calculs,
devait couvrir nos travailleurs de la santé et la plupart de nos personnes âgées. Mais
nous étions loin de nous douter qu’à ce stade, COVAX ne serait pas en mesure de
Tim Evans
Photo : Radio-Canada sécuriser rapidement des vaccins, déplore le Dr Abdool Karim.

Promesses déçues
Mais la grande vision de COVAX ne s’est pas réalisée. Comme chaque pays avait un grand problème
à gérer au niveau national, ça, c'était la priorité, avant la solidarité internationale, constate le docteur
Tim Evans. Gavin Yamey est plus sévère : Les pays riches ont dit : "Non, nous ne sommes pas
intéressés. Moi seulement, moi d'abord. Vous vous occupez de vous. Et nous, de nous-même".

Au moment où COVAX est lancé, en juin 2020, deux pays avaient déjà conclu des ententes bilatérales
pour réserver des vaccins : les États-Unis avec AstraZeneca, 1,2 milliard de dollars en échange de
300 millions de doses, si leur vaccin passe avec succès les essais cliniques. Le Royaume-Uni fait de
même pour 90 millions de doses. Même après la création de COVAX, les pays riches ont continué de
multiplier les ententes, chacun avec plusieurs compagnies pharmaceutiques. Environ trois douzaines
de pays ont contourné COVAX, dans une sorte de rush : "Moi seulement, moi d’abord", pour
complètement vider les tablettes, s’insurge Gavin Yamey.

Si les pays sont si pressés de conclure des ententes, c’est qu’il y a une lutte pour obtenir les meilleures
places dans la file d’attente pour recevoir les vaccins les premiers. Cette compétition internationale se
joue à travers des négociations directes entre les pays et les compagnies pharmaceutiques, qui se
concluent par des ententes, dont les prix et les clauses sont souvent tenues confidentielles. On s'est
bien rendu compte que c'était au plus fort la poche, résume la Dre Joanne Liu. C'est le pays qui offre le
plus cher et les meilleures clauses, c'est lui qui se retrouve en haut de la liste pour obtenir les livraisons
le plus rapidement possible, dans cette dynamique de nationalisme vaccinal, explique Marc-André
Gagnon, spécialiste en politiques pharmaceutiques à l’Université Carleton. Donc, on se retrouve avec
un système global de prix où, finalement, l'ensemble des transactions se font sous la table. On est
dans une opacité qui mine la confiance du public. On ne parle pas de hot-dogs, on parle des
médicaments, on parle de soins de santé essentiels en temps de crise sanitaire et de pandémie!

Tim Evans ajoute : COVAX n’avait selon moi pas une bonne compréhension du
marché. Ils avaient l’impression qu’avec une forte participation des
gouvernements, ils pourraient négocier avec quelques milliards de dollars, un
poids financier considérable. Oui, en temps normal, c’est beaucoup. Mais en fait,
c’était insuffisant en comparaison avec ce que les pays riches ont
négocié. Joanne Liu reprend : COVAX s’est retrouvé à négocier avec les
compagnies pharmaceutiques, mais avec un pouvoir d'achat moindre que certains

Marc-André Gagnon
Photo : Radio-Canada
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autres pays. COVAX s’est alors retrouvé en fin de file d’approvisionnement. On se retrouve finalement
avec des grandes compagnies qui décident qui va recevoir ces livraisons et quand, et qui peut
négocier de manière confidentielle avec chaque pays, aller avec le plus offrant pour décider qui va
avoir accès aux livraisons, observe Marc-André Gagnon.

Comme à ce moment-là personne ne sait combien de vaccins seront homologués, pour s’assurer de
mettre la main sur des vaccins assez rapidement, certains pays réservent assez de doses pour
vacciner plusieurs fois leur population. Au sommet de cette liste, le Canada avec 9,6 doses par
habitant. Le docteur Tim Evans commente : Alors une fois qu'on fait l'addition de tous ces contrats, il
ne restait à peu près aucune production pour COVAX, ou très peu. Selon une compilation menée par
le Duke Global Institute, peu après les premières homologations, en janvier 2021, au total, 7 milliards
de doses avaient été vendues. Les pays riches s’en étaient réservé 4,2 milliards. 16 % de la population
mondiale avait accaparé 60 % des vaccins.

Cette inégalité se concrétise dès le début de la distribution des vaccins. En avril 2021, 87 % des doses
sont distribuées dans les pays riches et 0,2 % dans les pays à faible revenu. Alors que les mois
passent, le nombre de vaccins produits croît à grande vitesse, atteignant plus d’un milliard de doses.
Pourtant, le fossé continue de se creuser.

L’Afrique du Sud, comme beaucoup d’autres pays à bas et moyens revenus


déçus par COVAX, doit alors se résoudre à négocier ses propres ententes
avec les compagnies pharmaceutiques. Mais alors, la file est déjà très
longue. Il était profondément blessant de voir des pays qui avaient déjà
vacciné 90 % de leur population encore être priorisés pour
l'approvisionnement de vaccins, observe le Dr Abdool Karim. « Je crois qu’il
était naïf de la part de COVAX d’imaginer que les pays riches ralentiraient
leurs campagnes de vaccination après avoir immunisé 20 % de leur
population », analyse le Dr Evans. Aucun pays n’allait accepter ça. C’est
pour ça que COVAX n’a pu obtenir le pouvoir d’achat qu'il espérait, et par Dr Salim Abdool Karim
conséquent les doses nécessaires. Photo : Radio-Canada

Face à l’échec de son plan initial, COVAX mise sur un plan B : un programme pour recevoir des dons,
des doses excédentaires des pays riches pour les redistribuer aux pays à bas revenu. En juin 2021,
lors du sommet du G7, plusieurs pays riches promettent de donner généreusement avant la fin de
l’année. Pendant les sommets, des chefs d'État disent : "Oui, oui, on va donner 100 millions de doses
de vaccins." C’est bon pour les journalistes et Twitter… mais en fin de compte, ce n’était pas très
sérieux, observe le docteur Tim Evans. En fait, très peu de pays ont partagé des doses avec COVAX.
De nombreux pays riches ont fait des promesses à COVAX qui ne sont toujours pas tenues à ce jour.

En octobre 2021, selon un rapport de ONUSIDA, sur les 1,8 milliards de doses promises à COVAX par
les pays riches, seulement 261 millions de doses, soit 14 %, ont été livrées. De plus, les réserves de
vaccins s’accumulent dans les congélateurs des pays du G7 et de l'Union européenne. En fin 2021,
ces surplus totalisent 1,2 milliards de doses. Finalement, les premiers pays à avoir eu accès aux
vaccins sont ceux qui en produisaient, comme les États-Unis, le Royaume-Uni, la Russie, la Chine.
Ensuite, il y a eu ceux qui ont réussi à se procurer des vaccins par diplomatie, en négociant avec la
Chine et la Russie. Puis, il y a ceux qui ont pu se permettre de conclure de multiples ententes, et payer
avant même de savoir si les vaccins allaient fonctionner. Le reste du monde a dû attendre que ces trois
premiers groupes priorisés se servent en premier. Le rapport conclut : Alors vous avez tout un
ensemble de mécanismes complexes qui déterminent qui auront les vaccins les premiers. Mais
ultimement, ça se résume à deux choses : votre capacité de négocier par diplomatie des vaccins, ou
votre capacité à négocier avec des compagnies pharmaceutiques en faisant valoir votre influence
financière ou la valeur du marché de votre pays.
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La grande vision solidaire de COVAX était de partager des vaccins entre tous, pays riches comme
pauvres, selon les priorités mondiales. Pour les experts en santé publique que nous avons rencontrés,
le programme en est réduit à un mécanisme de charité pour les pays les plus pauvres, abandonnant
finalement les pays à moyens revenus, livrés à eux-mêmes.

Joanne Liu le dit et le répète : Le modèle de redistribution sur


la charité a toujours un mauvais timing d'une part, et est
condescendant. Ce n'est pas durable. Le Dr Abdool Karim
affirme pour sa part que nous avons une situation où les
pauvres doivent se passer de vaccins jusqu'à ce que le reste
du monde ait obtenu ses doses. Et pour empirer la situation,
les pays riches en sont à administrer leur troisième ou
quatrième dose alors qu’au même moment, en Afrique, moins
d'un travailleur de la santé sur quatre est vacciné. C’est
inacceptable. Il n’y a aucune chance qu’on ait un mécanisme
juste et équitable de distribution des vaccins tant que les
sociétés pharmaceutiques et les organes politiques décident
de qui recevra en premier les vaccins.

Décentraliser la production
C’est pour échapper à cette dépendance des pays riches
que, très tôt dans la pandémie, plusieurs compagnies La chaîne de production du vaccin
biotechnologiques des pays à faible et moyen revenu ont AstraZeneca, à l'Institut Serum, à Pune,
demandé à produire elles-mêmes des vaccins pour pallier les en Inde, le plus grand fabricant de
pénuries dans leurs pays. Nous devons tous être maîtres et vaccins du monde.
maîtresses de notre propre destin, explique la docteure PHOTO : GETTY IMAGES / PUNIT PARANJPE
nigériane Ayoade Alakija, envoyée spéciale de l’ACT-A pour
l’OMS. Nous devons nous assurer que ces outils soient produits partout dans le monde, au niveau
régional, là où on en a besoin.

En 2021, 96 % des doses ont été produites et distribuées par trois groupes pharmaceutiques. Dans
des usines concentrées dans une poignée de pays. On ne peut pas avoir qu’une poignée d’entreprises
dans quelques endroits dans le monde être responsables de la production des vaccins, et de recueillir
tous les profits, s’indigne la Dre Alakija. Or, Médecin sans frontières a recensé plus d’une centaine de
firme en Asie, en Afrique et en Amérique latine qui ont le potentiel de produire des vaccins à ARN
messager.

Ce qui empêche ces compagnies de produire des vaccins, c’est d’abord, un obstacle légal : les brevets
sur les vaccins donnent à leurs créateurs l’exclusivité de leur commercialisation sur 20 ans. C’est pour
ça que, dès octobre 2020, l’Inde et l’Afrique du Sud demandent à l’Organisation mondiale du
commerce, l’OMC, de lever temporairement l’application des brevets sur les vaccins et sur les autres
produits médicaux essentiels pour contenir la pandémie. Ils réclament la levée des Accords sur les
aspects de propriété intellectuelle, les ADPIC. Ce qui permettrait à d’autres compagnies de produire
des vaccins sans risque d’être poursuivies par les détenteurs des brevets. L’appel était clair : il était
inacceptable que les entreprises bénéficient de protections de propriété intellectuelle pendant que des
millions de personnes meurent sans accès aux traitements, explique le Dr Abdool Karim.

Gavin Yamey est du même avis : Plutôt que d'attendre des doses données par le monde riche, par
charité, idéalement, nous aurions une initiative urgente pour permettre la fabrication mondiale de doses
dès que possible. Nous devons sortir de ce modèle colonial.

À l'origine, les brevets ont été créés pour être une sorte de police d'assurance pour les inventeurs et
leurs investisseurs, afin de rentabiliser leurs efforts : parfois des milliards de dollars et des années de
recherche. Mais pour les vaccins contre la COVID-19, la situation est différente, selon Marc-André
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Gagnon : La recherche qui a été faite pour les vaccins de la COVID-19 a été entièrement essuyée par
le secteur public. C'est-à-dire qu'on a financé la recherche pour développer le vaccin pour la plupart
des compagnies et même pour celles pour qui n'ont pas fait ça, on a mis en place d'autres
mécanismes financiers pour complètement dérisquer. Donc, on n’a enlevé absolument aucun incitatif à
la recherche.
Les vaccins contre la COVID-19 sont le fruit d’une collaboration scientifique ouverte et d’un
investissement public sans précédent : entre 20 à 40 milliards de dollars, si on tient compte seulement
des investissements récents pour l’accélération du développement et la fabrication des vaccins.

Il faut aussi se rappeler que la technologie ARN messager a été produite d’abord et avant tout par des
fonds publics, mais qui ne sont pas comptabilisés comme somme investie pour la recherche pour ce
vaccin, explique Marc-André Gagnon. La question est donc : doit-on laisser aux investisseurs le
monopole technologique de la COVID-19 afin que sa production et sa distribution soient gérées dans le
but de continuer à maximiser le rendement actionnarial plutôt que de servir les priorités de la santé
publique globale? La réponse est claire pour le docteur Abdool Karim : Nous pensons que les vaccins
ne sont pas la propriété privée d'entreprises individuelles et doivent être considérés comme un bien
public mondial.

La demande de levée des brevets reçoit l’appui du secrétaire général de l’OMS et des grands
organismes de santé. Parmi les membres de l’OMC, une centaine de pays sont en faveur. Mais ils font
face au refus de dizaines de pays riches. Il aurait fallu une unanimité des pays pour pouvoir lever les
accords ADPIC au sein de l'OMC et les autres pays riches et les pays européens se sont
systématiquement opposés, rapporte Marc-André Gagnon.

Ceux opposés à la levée des brevets s’inquiètent de créer un précédent, de décourager les
investissements dans de futurs produits thérapeutiques. Mais pour beaucoup d’experts, l’argument
n’est plus valide, comme le défend un article récent publié en octobre dans Nature Biotechnology qui
s’attaque au mythe des brevets en temps de pandémie. Les compagnies pharmaceutiques n’ont pas
les joues creuses, ajoute la Dre Liu. En 2021, Pfizer a rapporté des profits nets de 22 milliards de
dollars, plus du double de l’année précédente. En réponse aux pressions pour lever les brevets sur les
vaccins, Moderna s’est engagé à ne pas mettre en application ses brevets pendant la pandémie.

Mais il y a un autre obstacle important : même si les recettes des vaccins à ARN sont rendues
publiques, publiées dans les brevets, elles ne contiennent pas toutes les informations nécessaires pour
reproduire le vaccin. Il manque un savoir-faire spécialisé, souvent non écrit, que seuls détiennent les
producteurs de vaccins. Je considère que c'est un tout. Il faut d’abord et avant tout la levée sur des
brevets, mais aussi le transfert technologique, le partage du savoir-faire. Donc, c'est comme faire un
gâteau, ça prend la recette, mais aussi un pâtissier, son savoir-faire, la cuisine, les bons ingrédients, dit
Joanne Liu. Et pour le moment, malgré les demandes répétées de l’OMS et des scientifiques, ces
connaissances demeurent bien gardées par ces entreprises créatrices des vaccins. Oui, on peut dire
que le brevet n'est pas respecté, c'est-à-dire qu'on ne garde pas le monopole légal donné par le brevet,
mais on s'assure un contrôle sur la technologie, explique Marc-André Gagnon.

Les compagnies pharmaceutiques soutiennent qu’il est long et complexe de


transmettre ce savoir-faire vers des pays qui n’en ont pas l’expertise, et qui ont
une assurance qualité peu développée. À cela, la Dre Alakija s’insurge : C'est
raciste, c'est insultant et c'est grossier. C'est ma réponse. Que veulent-ils dire…
par l'Afrique n'en a pas la capacité, que veulent-ils dire, que c'est complexe? Ce
n'est pas vrai que nous ne sommes pas capables de fabriquer des vaccins.
Dre Ayoade Alakija
Toute cette infantilisation de l'Afrique doit cesser! Photo : Radio-Canada

Pendant toute cette pandémie, nous avons eu plusieurs occasions de faire participer des entreprises
manufacturières à l’effort collectif de production de vaccins, et qui n’ont pu être mises à contribution,
selon Marc-André Gagnon. Nous avons les outils pour freiner la pandémie, mais ils sont verrouillés par
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des obstacles légaux. Il résume : On parle d'autorités publiques qui financent le développement d’un
produit, qu’ils achètent ensuite, et qui pourtant n'ont toujours pas le contrôle sur le produit qu'ils ont
financé et acheté eux-mêmes. Cet été, les membres de l’OMC en sont arrivés à une entente pour la
levée temporaire des brevets liés aux vaccins, mais pour beaucoup d’observateurs, c’est trop peu, trop
tard. Car aujourd’hui, les vaccins ne manquent plus. Le problème n’est plus là. Le défi est à présent de
passer les vaccins des grandes villes vers les postes régionaux, jusqu’au bras des patients. Le
problème aujourd’hui n’en est plus un de vaccins, mais de vaccination, résume la Dre Alakija. Aussi,
dans bien des pays, la pire de la crise est passée, d’autres maladies meurtrières redeviennent plus
pressantes, comme la malaria, la pneumonie, etc.
Les conséquences de l’iniquité vaccinale
Alors, pourquoi se soucier encore aujourd’hui d’iniquité vaccinale? Si on avait vacciné toute la planète,
on n’en serait pas là où on en est aujourd’hui, croit la Dre Ayoade Alakija. La Dre Liu est du même
avis : On ne peut combattre la pandémie que dans certains endroits, et laisser les choses aller sans
contrôle, sans frein ailleurs. Ça finit par revenir, ce sont des vases communicants.

Aujourd’hui, environ le tiers de la planète n’a encore reçu aucune dose du vaccin. Le virus y court sans
frein depuis trois ans. Plus il se réplique, plus il a d’occasions de muter, d’échapper aux protections
immunitaires, aux vaccins. On redoute encore à tout moment l’apparition de nouveaux variants. Dans
une modélisation menée l’année dernière et dont l’analyse a été publiée dans Nature Human
Behaviour, des chercheurs de l’Université municipale de Hong Kong ont comparé l’évolution de la
pandémie dans un monde où la distribution des vaccins est inéquitable avec celle d’une distribution
plus équitable dictée par les besoins et les lieux d’éclosion. Si nous avions distribué les vaccins de
manière plus équitable au cours de la dernière année, nous aurions eu plus de chances de mettre fin à
cette pandémie dès la première année. Il n'y aurait donc pas de deuxième, troisième et énième
vagues, observe Qingpeng Zhang, un des auteurs de l’article.

Bref, la distribution inéquitable des vaccins a fort probablement prolongé la pandémie. Pour les pays à
revenu élevé, il est en fait préférable de faire des dons de vaccins pour réduire le nombre de morts
total à moyen et long termes et protéger leur propre population.

Et l’iniquité vaccinale coûte cher. À Londres, Agathe Desmarais est directrice des prévisions mondiales
à The Economist Intelligence Unit. Avec son équipe, elle a modélisé les pertes économiques liées à
l’iniquité vaccinale sur le PIB de tous les pays. Selon leurs calculs, les inégalités vaccinales coûteront
deux fois plus à l’économie mondiale que la guerre en Ukraine : Ce sont des chiffres énormes. Les
retards dans la vaccination mondiale vont coûter environ 2300 milliards de dollars américains à
l'économie mondiale d'ici 2025. Et environ un tiers de ces coûts sont portés par les pays riches. Ces
retards vaccinaux auront aussi d’autres répercussions : Le PIB de l'Afrique subsaharienne serait 3 %
plus élevé d'ici 2025 si on avait pu résoudre cette question d'inégalité vaccinale. Certains pays gardent
un ressentiment à l’égard de l'Occident, l’essor de l’hésitation vaccinale, les difficultés de voyager, etc.
Ce qu'on pense, c'est que cette iniquité vaccinale va redessiner, remodeler le paysage économique,
politique, géopolitique, mondial.

Enfin, bien sûr, l’iniquité vaccinale a fait des morts. Dans certains pays, la population marquera d’une
pierre noire le printemps 2021. En Inde, par exemple, le variant Delta a frappé une population peu
vaccinée. Les autorités ont recensé 481 000 morts. Mais l’OMS, en accord avec d’autres évaluations
scientifiques, évalue que ces nombres seraient dix fois plus élevés. La façon de mesurer l’impact de
cette maladie, la métrique est elle-même inéquitable : l’admission en soins intensifs, les débordements
des systèmes hospitaliers. Mais que se passe-t-il dans un endroit où il n'y a pas de systèmes de santé
à submerger? demande la Dre Alakija. Comme il n'y a pas de morgues, les corps sont enfouis en
silence dans le sol. Comme il n'y a pas de tests diagnostiques, personne ne sait qu'ils sont morts de la
COVID. Toute l’affaire est injuste.

Sans systèmes de santé robustes, et sans tests diagnostiques, il est difficile d’évaluer les
répercussions réelles de la COVID-19 sur chaque population. Plusieurs scientifiques et organisations
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ont cependant tenté de le faire à l’aide de modèles statistiques et d’indicateurs indirects, dont l’OMS,
qui a calculé ce printemps la surmortalité mondiale. Le nombre total de décès associés directement ou
indirectement à la pandémie entre le 1er janvier 2020 et le 31 décembre 2021 est estimé à
14,9 millions. Leur conclusion converge avec les résultats de plusieurs autres études : ce sont les pays
à revenu moyen, peu vaccinés, qui ont été de loin les plus touchés par habitant : 53 % dans les pays à
revenu moyen de la tranche inférieure; 28 % dans les pays à revenu moyen de la tranche supérieure
(pour un total de 81 % pour les pays à revenu moyen). C’est bien davantage que les pays à revenu
élevé (15 %). Les pays à faible revenu, quant à eux, ont connu une surmortalité plus faible (4 %) en
partie parce que cette population est beaucoup plus jeune – l’espérance de vie actuelle y est de 64
ans – et ce virus tue surtout les personnes âgées, au-delà de 70 ans.
Et les pandémies futures?
Les pays à faible revenu semblent avoir été moins touchés… cette fois-ci. Mais il y aura d’autres virus,
et hélas probablement d’autres pandémies. Faudra-t-il alors tout recommencer? Renégocier les
ententes avec les compagnies pharmaceutiques, débattre des brevets? Nous devons tirer les leçons
de la COVID-19 pour faire mieux la prochaine fois, affirme le Dr Abdool Karim. Je crois que,
fondamentalement, nous avons eu un échec de gouvernance mondiale. Nous avons échoué en ne
reconnaissant pas que les vaccins contre la COVID-19 et autres outils médicaux étaient un bien
commun public, essentiels pour combattre la pandémie. Il est inconcevable de combattre une
pandémie en ne vaccinant que les pays riches, tout en laissant courir le virus dans tout le reste du
monde.

Il y a plus d’un an, le directeur général de l’OMS avait formé un panel indépendant chargé d’examiner
la gestion de la pandémie et d’en tirer des leçons. Il est composé d’une dizaine d’experts, dont la
docteure Joanne Liu. On se rend compte aujourd'hui [...] que dans la dynamique planétaire des
relations, on a beaucoup de difficultés à travailler ensemble. La présidente du panel Helen Clark,
anciennement première ministre de la Nouvelle-Zélande, affirmait : Le point de vue du panel n’est pas
que l’OMS a laissé tomber le monde. Non, ce sont les pays membres qui ont laissé tomber l’OMS,
c’est clair. L’OMS a besoin de plus de pouvoirs pour affronter les pandémies. Le panel indépendant
recommande aussi de créer un mécanisme international pour financer une préparation permanente en
cas de pandémie, mobilisant 5 à 10 milliards de dollars par an en partie destiné au financement et à
l’achat de vaccins.
Et qu’arrivera-t-il à l’accélérateur ACT-A, et à COVAX? Deux ans après avoir réfléchi à la création de
COVAX, Gavin Yamey est à présent forcé d’admettre : Les nations riches ont rejeté ce plan. Il faudra
faire les choses différemment pour la prochaine pandémie.

Cette semaine, une évaluation de ACT-A a conclu que COVAX était trop ambitieux et que Le modèle
de coordination informelle d'ACT-A est insuffisant pour la future réponse à la pandémie. Un modèle
sera nécessaire pour faire face aux futures pandémies. La Dre Joanne Liu, qui encore en début
d’année appelait à contribuer à COVAX, est aussi déçue des résultats sur le terrain : Il faut repenser,
réimaginer ce à quoi ressemblerait une plateforme de recherche et développement qui donnerait au
bout de la ligne un bien commun pour tous, accessible pour tous. Et tout ça ne se fera jamais sans
volonté politique à l'échelle mondiale. C'est important de le nommer parce que la politique a joué un
rôle très important dans la réponse à cette pandémie.

Pour le Dr Tim Evans, le changement devra être plus profond et passer par le monde pharmaceutique
pour accroître les capacités de production partout dans le monde. C’est l’opportunité de repenser le
marché global, non pas en fonction des 2 millions de personnes qui peuvent payer, mais pour
7 milliards de personnes. La Dre Joanne Liu conclut : J'espère qu'un des legs de cette pandémie, c’est
qu’on aura compris notre interdépendance. On aura aussi compris que pour combattre ce genre de
menace existentielle, qu’on parle de pandémie ou de changement climatique, il faut absolument,
absolument être ensemble, solidaires. »
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Source 25

La Chine a exporté plus de 200 milliards de


masques l'an dernier
Publié le 29 janvier 2021
Par Le Figaro avec la collaboration de l’AFP

Pékin a annoncé avoir envoyé des masques dans plus de


50 pays, en plus des respirateurs et kits de détections.

La Chine a vendu depuis début mars près de quatre milliards


de masques à des pays étrangers luttant contre la pandémie
liée au nouveau coronavirus, ont annoncé dimanche les
autorités, soucieuses parallèlement de dissiper des craintes à La Chine a également exporté 37,5 millions de
propos de la qualité du matériel médical exporté. vêtements de protection
Photo : Thomas Paudeleux ECPAD/AFP

16 000 respirateurs
Malgré le recul du nombre de cas sur son territoire, Pékin a encouragé les usines à accroître leur
production d'équipements médicaux au moment où d'autres pays affrontent une pénurie. La pandémie
de Covid-19 a tué plus de 65 000 personnes dans le monde.

Depuis le 1er mars, la Chine a exporté vers plus d'une cinquantaine de pays 3,86 milliards de
masques, 37,5 millions de vêtements de protection, 16 000 respirateurs et 2,84 millions de kits de
détection du Covid-19, a déclaré Jin Hai, une responsable des services douaniers. Au total, ces
exportations sont évaluées à 10,2 milliards de yuans, soit 1,33 milliard d'euros.

Certains pays se sont toutefois plaints de la qualité des équipements médicaux importés de Chine. Les
Pays-Bas ont ainsi annoncé le 28 mars le rappel de 600 000 masques provenant d'une cargaison de
1,3 million venue de Chine car ils ne correspondaient pas aux normes de qualité, ne se fermaient pas
correctement sur le visage et avaient des membranes (filtres) ne fonctionnant pas correctement. La
Chine a répondu que le fabricant avait «clairement indiqué que (les masques) n'étaient pas
chirurgicaux».

L'Espagne a également renvoyé fin mars des milliers de tests de détection défectueux expédiés par
une compagnie chinoise ne bénéficiant pas des autorisations nécessaires. Des responsables chinois
ont riposté dimanche aux informations de presse concernant la qualité des équipements médicaux
chinois en assurant qu'elles «ne reflètent pas l'intégralité des faits».

Normes différentes
«Il existe en réalité plusieurs facteurs, tels le fait que la Chine a des normes et des habitudes
d'utilisation différentes des autres pays. Un usage inapproprié peut susciter des doutes sur la qualité»,
a observé Jiang Fan, responsable au ministère du Commerce. Ces remarques font écho aux propos
tenus la semaine passée par Hua Chunying, porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères,
qui à plusieurs reprises a demandé aux médias occidentaux de ne pas «politiser» la question ou «faire
de battage» à son propos.

Pékin vient de renforcer les réglementations concernant les exportations d'équipements médicaux liés
au coronavirus pour exiger que les produits répondent tant aux normes chinoises qu'à celles des pays
destinataires. La Chine a également augmenté ses capacités de production de tests pour le Covid-19 à
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plus de quatre millions par jour, a indiqué Zhang Qi, un responsable de l'Administration nationale
chargée des équipements médicaux.
Source 26

Cuba, modèle de lutte contre l’épidémie ?


Publié le 15 décembre 2020
Par Nils Graber et Blandine Destremau

Les images ont fait le tour du monde. Le 19 mars 2020, 53 médecins et infirmières cubains
débarquaient sur le tarmac de l’aéroport de Milan, brandissant un portrait de Fidel Castro, pour prêter
main forte aux institutions sanitaires lombardes submergées par l’épidémie de Covid-19. Depuis le
début de la pandémie, le gouvernement cubain cherche à faire rayonner sa diplomatie médicale,
notamment par l’envoi d’importants effectifs de professionnels de santé, comme cela avait été le cas
lors des épidémies de virus Ebola ou de catastrophes naturelles.

Dans la constitution du modèle sanitaire cubain, la diplomatie médicale est indissociable de l’affichage
des performances de contrôle de l’épidémie. Alors que de nombreux pays d'Amérique latine
s'enfoncent dans une crise de la Covid qui fait des ravages durables dans leur population, Cuba affiche
des chiffres très faibles de contamination et de mortalité : 5845 cas diagnostiqués et 123 morts depuis
le mois de mars ; par contraste, la République dominicaine, île caribéenne à la population comparable,
comptait 115 054 cas et 2144 décès. Comment Cuba, un pays appauvri par une crise économique
durable, aggravée par la mise à l’arrêt du tourisme et le renforcement des sanctions états-uniennes,
est-il parvenu à juguler l'épidémie et à faire encore rayonner son modèle sanitaire ?

Ce résultat est tout d’abord celui d’un système de santé construit dès le début de la révolution selon
des principes d’universalité et de gratuité, de formation massive de professionnels de santé, de
prévention, de mobilisation et participation communautaire. Dès les premiers cas répertoriés fin mars,
les institutions de santé primaire, socle du système de santé cubain avec ses quelques 11 000 postes
de santé de quartier et 450 polycliniques, jouent un rôle de première ligne. Médecins et infirmières de
la famille, épaulés par des milliers d’étudiants en santé, mettent en œuvre une politique de recherche
active : ces professionnels se rendent dans les centres de travail et domiciles pour repérer les
personnes affectées de symptômes respiratoires et retracer les chaînes de contamination. Des points
de contrôle systématique de la température des passants sont installés. Les cas suspects sont mis en
isolement dans des unités de soin dédiées. Les déplacements sont restreints et les masques rendus
obligatoires dès le début de la pandémie, la population étant incitée à les confectionner elle-même en
se basant sur des instructions diffusées à la télévision. Pour orienter ces politiques sanitaires, les
autorités cubaines épousent d’emblée l’impératif de l’OMS de « tester, tester, tester ». À cette fin, le
pays s’appuie sur ses collaborations internationales : plateformes PCR et réactifs sont notamment
fournis par l’OMS, la Chine et des réseaux de solidarité politique.

À ces interventions sanitaires sont rapidement associés des programmes de recherche biomédicale et
de production industrielle. Cette stratégie est décidée dans le cadre d’un comité spécial se réunissant
de façon hebdomadaire associant le gouvernement – y compris le président Miguel Díaz Canel –, le
ministère de la Santé et l’industrie pharmaceutique du pays. Des projets de production locale de tests,
réactifs et respirateurs sont rapidement décidés. Il s’agit autant de répondre aux besoins sanitaires que
d’innover pour augmenter le rayonnement scientifique et favoriser des échanges commerciaux. Ainsi,
l’industrie pharmaceutique d’État – spécialisée dans les biotechnologies et l’immunologie – développe
une palette de traitements, dont certains recoupent des tendances internationales, mais dont
l’intégration dans la politique sanitaire est tout à fait inédite. Aux cas graves sont administrés des
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anticorps monoclonaux, aux cas modérés des interférons, tandis que les personnes asymptomatiques
se voient proposer des produits immunomodulateurs et traitements homéopathiques. Ainsi, Cuba
assume une politique thérapeutique répondant aux différents stades de la maladie, en se basant sur de
petits essais cliniques réalisés localement ou à l’étranger dans le cadre de partenariats commerciaux
(interférons en Chine et anticorps monoclonaux en Inde). Le projet le plus récent concerne le
développement d’un vaccin, dénommé Souverain 1 (Soberana 1), conçu par deux centres de
biotechnologie du pays. La souveraineté – ici technologique – pourrait bien être l’un des maîtres-mots
de la politique sanitaire cubaine.

Ces politiques publiques de recherche et de prise en charge sanitaire doivent aussi leur efficacité à une
forte intériorisation de valeurs de santé collective, forgée dans le giron de la révolution, qui va de pair
avec un effort important d’information. Si l'État prend soin de ses habitants, avec fermeté, les Cubains
ont acquis l'habitude, voire la discipline, de prendre soin d’eux-mêmes. Toutefois, l’épidémie met à
l’épreuve la relation entre l’État et les citoyens. La quantité de nourriture accessible via la carte de
rationnement (libreta) dans les épiceries de quartier a été augmentée, mais les files d’attente sont
interminables. Les suspensions de transports en commun mettent en tension l’économie des familles,
bien qu’un service de bus soit mis à disposition des personnes requérant des soins au long cours. Les
mesures de lutte contre l’épidémie touchent particulièrement les personnes vivant du tourisme, de
petites activités marchandes ou du marché informel.

Assurément Cuba a fait de la lutte contre la Covid un objectif de légitimation politique en s’appuyant sur
son système de santé universel et son industrie biopharmaceutique. Toutefois, cette souveraineté
sanitaire et technologique est mise à l’épreuve par la capacité de l’État à éviter l’augmentation des
inégalités produites par les mesures sanitaires. Elle dépend aussi de la capacité de la diplomatie
médicale cubaine à renforcer les relations à l’échelle du continent américain, alors que le repli national
et l’hostilité des politiques états-uniennes entravent la coordination des efforts face à l’épidémie.
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Source 27

Le patron de l’OMS
dénonce la diplomatie
vaccinale Le patron de l’OMS a dénoncé lundi la diplomatie vaccinale
Publié le 10 mai 2021
dans laquelle il voit des « manœuvres géopolitiques », qui
Par Agence France-Presse ne font que retarder la fin de la pandémie.

Lors de son point de presse bihebdomadaire, Tedros Adhanom Ghebreyesus, le patron de l’OMS, a
aussi mis en garde contre toute complaisance dans les régions où la situation sanitaire s’améliore,
mais reste « sur un plateau à un niveau inacceptable ».

« Dons » avec contreparties


« Le seul choix que nous ayons pour mettre fin à cette pandémie, c’est la coopération », a déclaré le
directeur général, interrogé sur les pratiques de certains pays comme la Chine ou la Russie qui
donnent accès à leurs vaccins anti-COVID-19 à des pays qui en sont dépourvus ou auraient du mal à
se les procurer, mais avec des contreparties.

La diplomatie vaccinale, ce n’est pas de la coopération, c’est de la manœuvre géopolitique.


« Nous ne pouvons pas battre ce virus en nous faisant concurrence. Si nous sommes en compétition
pour les ressources ou pour un avantage géopolitique alors c’est le virus qui prend l’avantage », a-t-il
insisté.

« Et s’il y a confrontation, c’est encore pire » a-t-il mis en garde, rappelant que l’an dernier « la
confrontation a miné » la stratégie de lutte contre la maladie, dans une allusion qui semble clairement
faire référence à l’administration Trump.

En dehors de la coopération et la solidarité mondiale, il n’y a pas de salut « et pour cela il faut désigner
le virus comme l’ennemi commun ».

90 000 morts la semaine dernière


Le Dr Tedros a souligné que, durant la seule semaine qui vient de s’écouler, la pandémie a encore tué
presque 90 000 personnes et que quelque 5,4 millions ont été infectées. Des chiffres dus en grande
partie à l’explosion de la maladie en Inde.

Mais même dans les pays où la situation s’améliore comme en Europe et aux États-Unis, et malgré les
campagnes de vaccination qui ont permis d’immuniser déjà une bonne proportion de la population, il
faut rester vigilant.

« On a déjà vécu ça », a-t-il rappelé pour mieux mettre en garde. « Durant l’année écoulée, de
nombreux pays ont affiché une baisse du nombre de cas et ont relâché trop rapidement les mesures
de santé publique, et les gens ont baissé la garde et le résultat c’est que tous les progrès si coûteux se
sont évaporés », a dit le directeur général.
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Compléments de recherche
(Notes personnelles, recherches extérieures, etc.)

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