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Action gouvernementale face à la crise du COVID 19

au Maroc : Analyse, Impact et perspectives

CHAIOUI SAID, BOUFERMA YOUNES, ISMAILI NADIR.


Laboratoire d’Études et RecherchesJuridiques et Politiques et
Internationales, Université Moulay Ismail, Faculté des sciences juridiques,
économiques et sociales, B. P. 3102 Toulal, Meknès.

1
Résumé

Le choc de la Covid-19 est unique en son genre, et ce pour plusieurs raisons. Toutd’abord, il
s’agit d’un choc pandémique mais dont les ramifications transcendent lasphère sanitaire et
constituent un bouleversement économique et social inédit. L’arrêt de l’activité productive,
est particulièrement brutal et profond dans notre pays, le contexte de crise économique
mondiale, les déséquilibres structurels qui menacent désormais l’intégrité du marché
mondiale, ouvrent une phase de profonde incertitude, et peut-être de crise sociale majeure, sur
fond de chômage de masse. La réponse politique à une crise sanitaire qui se manifeste
pratiquement dans l’action gouvernementale, c’est en écoutant l’ensemble des acteurs de cette
réponse. Il est aussi de mettre en lumière les acteurs qui, devant l’urgence, ont été en mesure
de réagir, de prendre leurs responsabilités, et de reconstruire autour la confiance citoyens.
État, collectivités locales, entreprises, acteurs de la société civile se sont mobilisés pour
riposter par des mesures d’urgence ayant ciblé les dimensions sanitaire, sociale et économique
au profit des couches sociales les plus vulnérables et des entreprises les plus touchées.
Comme partout ailleurs, ces mesures ne prétendaient pas rétablir la situation économique du
pays, mais d’amortir, dans un premier temps, l’ampleur du choc sur l’économie marocaine et
de limiter en deuxième temps les séquelles sur les capacités productives du pays susceptibles
de compromettre le retour à la trajectoire de long terme. Néanmoins, le post COVID 19 peut
constituer une opportunité à saisir pour l’économie marocaine non seulement pour faire
entendre une série de revendications qui préexistaient à la crise, mais aussi pour procéder à
une évaluation renouvelée de celles-ci et, plus généralement, de l’ensemble des normes
sociales et juridiques qui encadrent la vie collective. Le but de ce travail est précisément une
analyse profonde et une synthèse de l’action gouvernementale face à la crise du COVID 19 au
Maroc.

Mots clés : COVID 19 - Crise économique - Crise sociale - Action gouvernementale - Post
COVID 19.

2
Abstract

The shock of Covid-19 is unique for a number of reasons. First of all, it is a pandemic shock
whose ramifications transcend the health sphere and constitute an unprecedented economic
and social upheaval. The cessation of productive activity, particularly brutal and deep in our
country, the context of global economic crisis, the structural imbalances that now threaten the
integrity of the world market, open a phase of deep uncertainty, and perhaps a major social
crisis, against a background of mass unemployment. The political response to a health crisis
that is practically manifested in government action is to listen to all the actors of this response.
It is also to highlight the actors who, faced with the urgency, were able to react, take their
responsibilities, and rebuild around the citizens trust. State, local authorities, businesses, civil
society actors have mobilized to respond with emergency measures that have targeted the
health, social and economic dimensions for the most vulnerable social strata and the most
affected businesses. As everywhere else, these measures did not claim to restore the country’s
economic situation, but to depreciate, as a first step, the magnitude of the shock on the
Moroccan economy and to limit in the second stage the consequences on the productive
capacities of the country likely to compromise the return to the long-term trajectory.
However, post COVID 19 can be an opportunity for the Moroccan economy not only to make
a number of claims that predated the crisis heard, but also to make a renewed assessment of
them and, more generally, all the social and legal norms that govern collective life. The aim of
the present work is precisely a meticulous analysis and synthesis of the government action to
face COVID 19 in Morocco.

Keys Words:COVID 19 - Economic crisis - Social crisis - Government action- Post COVID
19.

3
I. Introduction.

La maladie du nouveau Coronavirus (COVID-19) a obligé le monde entier à affronter l’un des
plus grands défis de l’histoire contemporaine, avec des millions de personnes contaminés et
des centaines de milliers de morts1. Les premières épidémies sont sans doute d’apparitions
très récentes dans l’histoire de l’humanité. En effet, jusqu’à la révolution néolithique,
l’homme était un chasseur-cueilleur et vivait en petits groupes mobiles. Ces derniers devaient
entrer rarement en contact avec d’autres groupes, ce qui rendait difficile la transmission des
maladies contagieuses. Mais la révolution néolithique, qui vit l’apparition de l’agriculture et
de l’élevage, il y a 12.000 ans, a transformé les conditions de vie. Les hommes se rassemblent
désormais en groupes de plus en plus nombreux et sédentaires, dans des villages et des cités
où la transmission des maladies est facilitée et où ils vivent au contact des animaux, qui
peuvent transmettre des virus mutants responsables de nouvelles maladies. Les plus anciennes
civilisations, comme l’Égypte pharaonique, la Mésopotamie et la Chine ancienne, ont sans
doute subi des épidémies, mais la première pandémie, répertoriée dans l’Histoire, est la peste
d’Athènes2.
Par contre, ce serait aujourd’hui une grave erreur de qualifier cetteépidémie de COVID 19
d’uniquement de crise sanitaire. Il s'agit d'une crise humaine à grande échelle qui provoque
une grande misère et des souffrances humaines et qui pousse le bien-être socio-économique
des gens au bord de l'effondrement. Au niveau national, les États ont mobilisé leurs ressources
pour faire face aux conséquences dévastatrices de la pandémie de COVID-19 sur la santé,
l'économie et les différents secteurs de la vie sociale en prenant des mesures immédiates et
décisives de prévention, de traitement et de sensibilisation pour freiner la propagation de la
maladie et protéger la population, en particulier les groupes vulnérables. Toutefois, à elles
seules, les mesures prises au niveau national ne suffiront pas pour faire face à l'ampleur et à la
complexité de la crise au niveau mondial.Pour être véritablement en mesure de faire face à
cette crise mondiale, la réponse doit tenir compte de la nature unique et de l'ampleur du
déclenchement de cette pandémie, car la situation exige de plus grands efforts coordonnés et
conjoints entre les paysdans les situations d'urgence humanitaire.

1Rapport du centre de recherches statistiques, économiques et sociales et de formation pour les pays islamiques :impacts socio-économiques de la pandémie de

covid-19 dans les pays membres de l’OCI : Perspectives et défis, May 2020, p 5.

2Jean-Paul Sardon, DE LA LONGUE HISTOIRE DES ÉPIDÉMIES AU COVID-19, Revue « Les Analyses de Population & Avenir », 2020/8 N° 26, p 3.

4
Depuis le 11 Juin 2020, le Maroc se déconfine. Face à un virus dont personne ne peut
savoir aujourd’hui s’il disparaîtra comme le SRAS, ou reviendra plus meurtrier encore comme
la grippe espagnole. Mais le Maroc, comme le reste dumonde, semble sortir peu à peu de
l’état d’urgence sanitaire. Dans le même temps, chacun en est conscient, elle rentre en état
d’urgence économique. L’arrêt de l’activité productive, particulièrement brutal et profond
dans notre pays, le contexte de crise économique mondiale, les déséquilibres structurels qui
menacent désormais l’intégrité du marché mondiale, ouvrent une phase de profonde
incertitude, et peut-être de crise sociale majeure, sur fond de chômage de masse.Avec un
nombre total de 25.574 membres du personnel de santé, selon la carte sanitaire du Ministère
de la Santé, y compris dans le secteur privé, le Maroc a pris des mesures rapides et efficaces
pour augmenter le nombre de lits de soins intensifs de 1.640 à 3.000 lits. La stratégie du pays
d’augmenter progressivement sa capacité à tester la population et à rechercher les contacts
potentiels, de mettre en œuvre des restrictions de voyage puis de fermer ses frontières,
d’exiger des citoyens de limiter leurs déplacements et de porter un masque, puis d’entrer et de
rester en confinement, s'est avérée efficace pour limiter la propagation du virus 3. Pour faire
face à ces défis, dans quel état économique notre pays se trouve-t-il après cet état de crise ? Et
quelles leçons tirer de cette période exceptionnelle, une expérience qui a mis à nu les forces et
les faiblesses de nos institutions, et transformé les rapports entre l’État et le corps social ?
L’urgence nous incite à mener, avec humilité et lucidité, un examen de l’action
gouvernementale et la manière dont chacun des acteurs de cette crise a répondu, à son niveau
ou à sa place, à ces circonstances exceptionnelles. C’est cette réponse collective qui a permis
au système de tenir, grâce à la mobilisation des soignants, à la réactivité des entreprises, au
civisme et à la solidarité de la société civile, et finalement à un processus de déconfinement
qui apparaît aujourd’hui plus au moins maîtrisé. Donc, quelles recommandations scientifiques
pour gérer la période de transition et permettre un retour au plutôt à la situation normale dans
notre pays ? C’est la question fondamentale qui nous intéresse dans ce travail.
Pour répondre à cette question, nous allons analyser, dans un premier temps, l’impact
économique et social du COVID-19 au Maroc, puis nous allons présenter les perspectives de
l’action gouvernementale face à cette crise, qui peut se concrétiser par des mesures
d’urgences et par une riposte économique efficace capable de saisir les opportunités de l’après
COVID 19.

3Rapport du Haut-Commissariat au Plan, Impact social et économique de la crise Covid 19 au Maroc, Juillet 2020, P 2

5
II. Analyse de l’impact économique et social du COVID-19 au Maroc.

Historiquement, les pandémies ont mis les sociétés à rude épreuve ; la crise de COVID-19 de
2020 ne fera pas exception. L'impact le plus immédiat et le plus visible est que de nombreux
gouvernements seront pris à partie, avec beaucoup de colère dirigée contre les décideurs
politiques et les personnalités politiques, dont les réponses à la gestion de la COVID-19 ont
semblé inappropriées ou mal préparées4.
L’économie du Maroc est d’ores et déjà affectée par l’effondrement économique global,
qui touche notamment l’Europe, son principal partenaire commercial. Les mesures de
confinement pour faire face à la propagation de la pandémie montrent elles aussi des effets
négatifs rapides sur l’économie. Ces circonstances se traduisent par des défis sans précédent
pour le pays qui devait déjà faire face à une année agricole marquée par la sécheresse et laisse
entrevoir que l’économie marocaine devrait fortement souffrir de l’impact négatif de la
pandémie.

II.1. Incidenceséconomiques du COVID 19.

Dans son remarquable ouvrage sur l’histoire des inégalités, Walter Scheidel nous rappelle que
la pandémie est l’un de ces quatre cavaliers de l’apocalypse, à côté de la guerre, de la
révolution et de l’effondrement des États, qui apportent le chaos, détruisent les sociétés et
leurs systèmes de valeurs, et égalisent les conditions par le bas. Après leur passage, tout est à
reconstruire et, pour cela, il faut parfois des siècles. Notre économie contemporaine diffère
radicalement de celle des siècles précédents. Elle est infiniment plus interconnectée, élaborée
et complexe. Elle se caractérise par une croissance exponentielle de la population mondiale,
par des avions qui relient en quelques heures n'importe quels points (permettant à plus d'un
milliard d'entre nous de franchir une frontière chaque année), par des humains qui empiètent
sur la nature et les habitats de la faune et de la flore, par des mégapoles omniprésentes et
tentaculaires qui abritent des millions de personnes vivant les unes sur les autres 5. Le degré
élevé d'incertitude qui entoure actuellement la COVID-19 rend incroyablement difficile
l'évaluation précise du risque qu'elle représente. Comme pour tous les nouveaux risques
source de peur, cela crée une grande anxiété sociale, qui se répercute sur le comportement
économique.
4Klaus Schwab et Thierry Malleret, COVID-19 : la Grande réinitialisation, Forum Publishing, juillet 2020, P. 64.

5Philippe Trainar, Les conséquences économiques du COVI19, Revue « commentaire », 2020/2 Numéro 170, Paris, P.255.

6
En réaction à l’apparition du Covid-19 au Maroc, les autorités ont opté très tôt pour le
confinement de la population, ce qui a conduit au gel partiel de l’appareil productif et à la
fermeture des lieux de consommation (magasins, restaurants, etc.) et à la suspension des
liaisons aériennes. Les conséquences économiques de ces décisions sont brutales, avec un
double choc sur l’offre (arrêt ou baisse de la production des unités économiques) et sur la
demande (baisse de la consommation et de l’investissement des agents économiques). La
situation s’est accentuée davantage avec la hausse du degré d’incertitude au sein de
l’économie et de la destruction d’une partie de ses capacités de production6.

II.1.1. Une récession profonde.

Selon le Haut-Commissariat au Plan, la croissance économique n’a pas dépassé 0,1% au


premier trimestre de l'année. Cette faible croissance est imputable à l'accentuation de la baisse
de la valeur ajoutée agricole à -5% et au ralentissement de l’industrie et des services
marchands.
Au deuxième trimestre 2020, l’économie marocaine, sous confinement strict de la
population pendant près de 10 semaines sur 13, a été confrontée à une baisse de la demande
intérieure. La consommation des ménages, en volume, se serait repliée de 6,7%. Cette baisse
aurait, particulièrement, concerné les dépenses des ménages en biens manufacturés,
notamment celles de l’habillement et d’équipement ainsi que celles du transport, de la
restauration et des loisirs. La demande extérieure aurait également flanché, entraînant une
baisse de 25,1% du volume des exportations. Les importations se seraient, pour leur part,
infléchies de 26,7%, impactées par le recul des achats des biens d'équipement, des produits
énergétiques, des biens de consommation, des produits bruts et des demi-produits. Dans ces
conditions, le repli du PIB aurait atteint -13,8% par rapport à la même période de 2019.
Par branche d’activité, la baisse de la valeur ajoutée se serait établie à -6,1% au deuxième
trimestre 2020, dans l’agriculture, sous l’effet de la sécheresse. Le secteur tertiaire, principal
moteur de la croissance économique, aurait régressé de 11,5%, pâtissant de la contraction des
activités commerciales, de transport, d’hébergement et de restauration. Dans le secteur
secondaire, les valeurs ajoutées de la construction, de l’électricité, du textile et des industries
électriques et mécaniques auraient sensiblement diminué. Cette situation aurait
particulièrement pénalisé les activités des très petites et moyennes entreprises. Selon l’enquête

6Fatima-Zahra Aazi, Martine Audibert, Crise sanitaire et répercussions économiques et sociales au Maroc, researchgate, Aout 2020, P.36.

7
première passage, réalisée par le HCP en avril 2020 auprès des entreprises, 72% et 26%
respectivement des unités de production en arrêt d’activité de façon temporaire ou définitive
en avril ont été des TPE (très petites entreprises) et des PME (petites et moyennes
entreprises).
Sur l’ensemble de l’année 2020, l’économie marocaine devrait connaître une récession, la
première depuis plus de deux décennies, sous l’effet conjugué de la sécheresse et de la
pandémie. En effet, selon les prévisions annuelles du HCP, le PIB connaîtrait une contraction
de 5,8% qui serait accompagnée par un creusement du déficit budgétaire à 7,4% du PIB. Le
déficit courant devrait également s’aggraver, pour atteindre 6,9% du PIB7.
La distribution régionale du choc n’est pas uniforme et indique une plus forte exposition
des régions du pays où le secteur informel est important, le taux du secteur public est faible et
les activités touristiques et manufacturières sont prépondérantes. Ainsi, les plus grandes pertes
économiques devraient être observées dans les régions de Casablanca-Settat, Tanger-Tétouan-
Al-Hoceima et Marrakech-Safi, alors que les régions les moins touchées, éventuellement, sont
celles de Dakhla-Oued Ed-dahab, Guelmim-Oued Noun et Laâyoune Sakia el-Hamra8.
Selon la Banque mondiale, le PIB réel diminuerait de 4% en 2020. Bien que peu de
secteurs soient épargnés, cette contraction est notamment due à la chute de la production des
biens et services, la réduction des exportations, la perturbation des chaînes de valeur
mondiales ainsi qu’au déclin du tourisme sous l’effet de la fermeture des frontières et des
mesures restreignant la mobilité. Les déficits jumeaux du Maroc devraient se creuser, mais
rester gérables. En dépit de la baisse des importations, le déficit du compte courant
s’accentuerait pour atteindre, selon les estimations de la Banque mondiale, 8,4% en 2020, en
raison du fort déclin des exportations, des recettes touristiques et des transferts de fonds.
L’enquête auprès des entreprises menée par la Banque mondiale au Maroc fournit de
nouveaux éléments sur l’impact important et persistant de la pandémie du COVID-19 sur le
secteur privé formel (Figure 1). Parmi ses résultats les plus pertinents, 6,1 pour cent des
entreprises du secteur formel auraient cessé leurs activités et 86,9 pour cent signalent une
baisse des ventes de 50,4 pour cent en moyenne par rapport à leur niveau pré-pandémique.
L’enquête fournit également des informations sur les stratégies d’adaptation des entreprises
marocaines, qui incluent une utilisation croissante des lignes de soutien du gouvernement, une
réduction du nombre d’heures travaillées (mais moins de licenciements en comparaison avec

7Impact social et économique de la crise Covid 19 au Maroc,Op cité, Juillet 2020, P 5.

8Abdelaaziz Ait Ali, Karim El Aynaoui, Fayçal El Hossaini, Badr MandriImpacts, de la Covid-19 sur l’économie marocaine : Un premier bilan, Policy Center,
Décembre 2020, P2.

8
d’autres pays), l’utilisation de fonds internes pour faire face aux pénuries de trésorerie et un
accroissement de l’activité du commerce en ligne9.

Figure 1: Impact de la pandémie du COVID-19 sur le secteur privé.

II.1.2. Les équilibres macroéconomiques en épreuve.

Les équilibres internes et externes de l’économie marocaine seraient soumis à de


rudesépreuves durant cette crise. Les marges de manœuvre dont disposentles autorités,
budgétaire et monétaire, pourraient absorber partiellement le choc de laCovid-19 dans le court
terme mais seraient sous stress pour accompagner la relancesur les années à venir.Les
finances publiques seraient en première ligne de cette marée, et les recettesbudgétaires, qui
restent élastiques à l’activité économique, ne manqueraient pas de secompresser au regard de
la violence des chocs mais également des mesures déployéespar les autorités publiques pour
alléger la pression sur le tissu productif. Du côté desdépenses, la loi de Finances rectificative
est venue avec une principale vocation :réduire le train de vie de l’État et réaffecter les
enveloppes budgétaires, de telle sorte àprioriser les dépenses courantes qui ont trait à la lutte
contre la pandémie. Dans un telcontexte, et tenant compte de nos estimations de croissance,
nous devrions assisterà une détérioration du déficit budgétaire qui pourrait passer à 8% du
PIB, consécutiveà une chute des recettes ordinaires d’environ 15% par rapport à l’année 2019
et sousl’hypothèse d’une augmentation du niveau total des dépenses de 10 milliards de

9Rapport Banque Mondiale, Morocco Economic Monitor : From Relief to Recovery, 23 Décembre 2020, P 3.

9
dirhamspar rapport aux prévisions de la loi de Finances 2020. Par conséquent, la dette du
trésordevrait dépasser 76% du PIB, soit le plus haut ratio depuis 199710.
Le compte courant devrait se détériorer, à la suite de la récession sévère qui sévit dans les
pays partenaires du Maroc et la fermeture des frontières, la dynamique défavorable du déficit
du compte courant est de nature à peser sur les réserves de change malgré le fait que ces
dernières permettaient de couvrir 6 mois et 20 jours d’importation de biens et services à fin
juillet, une performance notamment due au tirage de la ligne de précaution et de liquidité
(LPL), ainsi qu’à l’impact de l’atténuation du déficit commercial. Selon les prévisions de la
Banque centrale, l’encours des avoirs officiels de réserve avoisinerait 295 milliards de DH au
terme de l’année 2020, soit le même nombre de jours d’importation susmentionné 11. Les
transferts des Marocains résidents à l’Étranger, quant à eux, devraient globalement maintenir
le même niveau de l’année précédente, malgré la profondeur de la crise frappant les pays
hôtes de notre diaspora. Le financement de ce déficit devrait se heurter à un reflux des entrées
nettes des IDE à près de 1% du PIB et des emprunts publics venant à échéance équivalents à
quasiment 3%.
De ce fait, l’endettement est devenu de plus en plus une solution et une nécessité pour le
Maroc à cause de la situation critique de l’économie marocaine à cause de la pandémie du
covid19. Une double urgence s’impose aujourd’hui pour le Royaume : soutenir les entreprises
et ménages face à l’arrêt partiel de l’activité, puis relancer l’économie lorsque la pandémie du
Covid-19 refluera. Seulement nombreux sont ceux qui craignent que lorsque la crise sera
derrière nous, le Maroc se retrouve alourdi par un endettement plus important. Cependant, il
est essentiel de rappeler que la situation initiale des finances publiques d’un pays revêt un
caractère déterminant pour reprendre le train de la relance. Or, la dette publique était déjà
importante et préoccupante en 2019. Comme en attestent les chiffres, au terme de l’année
2019, l’encours de la dette extérieure du Trésor s’est établi à 161,5 milliards DH. À fin
décembre 2019, l’encours de la dette extérieure hors Trésor s’est établi à 178,3 milliards DH.
Durant la même année, les ressources issues des emprunts extérieurs du secteur public ont
porté sur un volume global de 39,4 milliards DH : 25,5 milliards DH ont été mobilisés par le
Trésor et 13,9 milliards DH par les autres emprunteurs publics12.

10Les projections macroéconomiques sont fondées sur une contraction de l’activité économique de -7%.

11Rapport du Conseil Économique, Social et Environnemental, Les impacts sanitaires, économiques etsociaux de la pandémie de la “ Covid-19 ”et leviers

d’actions envisageables, 2020, P.51.

12ecoactu.ma, covid-19 : l’endettement, une solution à problèmes,consulté le : 15/03/2021.


12

10
À cause de la crise du covid19 sur l’économie marocaine et sur ces recettes en particulier,
le Maroc a débloqué un montant de 3 milliards de dollars auprès du FMI ce qui va alourdir le
montant des dettes pour cette année, certainement l’endettement est considéré aujourd’hui une
solution magique afin de relancer l’économie marocaine et les secteurs qui ont été plus
touchés par cette pandémie. La question qui se pose ici, c’est que ; est ce que le Maroc
pourrait réaliser un taux de croissance qui lui permettra qui lui permettra de payer ces
endettements.Ce tirage inédit est « remboursable sur cinq ans, avec une période de grâce de
trois ans », a indiqué dans un communiqué la banque centrale du royaume, Bank Al-Maghrib.
La LPL est un instrument conçu « pour servir d’assurance ou aider à résoudre les crises, et
ce, dans un large éventail de situations », dit aussi le FMI sur son site Internet. Entre-temps, le
royaume chérifien a reçu un prêt auprès de la Banque mondiale de 275 millions de dollars
destiné à la gestion des risques de catastrophe13.
Un grand montant et un endettement très sérieux, mais en tout cas, le système LPL du FMI
sert de garantie aux pays en voie de développement ou déstabilisés économiquement pour
calmerles marchés internationaux et surtout dans des situations de crises pareilles, et les pays
bénéficiaires ne sont pas obligés ou n’ont souvent pas besoin d’activer ces sommes14.
À cet égard, le Maroc et suite aux effets négatifs de l’épidémie du covid19 a décidé d’y
recourir au moment où « la pandémie du Covid-19, d’une ampleur sans précédent, laisse
présager une récession économique mondiale bien plus profonde que celle de 2009 », qui
impactera en conséquence l’économie locale, a fait valoir Bank Al-Maghrib. Ce recours «
contribuera à atténuer l’impact de cette crise sur notre économie et à maintenir nos réserves de
change à un niveau adéquat ». Cette somme sera « affectée essentiellement au financement de
la balance des paiements et n’impactera pas la dette publique, ce qui constitue une première
dans nos transactions financières avec le FMI », souligne encore l’institution marocaine.
Cette détérioration des conditions économiques n’a bien sûr pas manqué d’accentuer les
inégalités préexistantes et les vulnérabilités de la population, les personnes les plus gravement
touchées par la crise étant souvent celles qui subissent déjà de grandes discriminations comme
les femmes, les enfants et les personnes âgées. En outre, les mesures restrictives temporaires
adoptées durant le confinement ont restreint les déplacements des personnes, en même temps
que leur accès aux soins, au travail, à l’éducation, à la culture et aux loisirs15.

13www.lepoint.fr, Covid-19 : le Maroc débloque 3 milliards de dollars auprès du FMI, par le point Afrique, consulté le 15/03/2021.

14Dabnichi Youness, Effets économiques de la pandémie du Covid-19 et la question de la relance économique ; cas du Maroc, Democratic Arab Center,
International Journal of Economic Studies : Issue XII – August 2020.P. 161.

15Rapport des Nations Unies, COVID 19 et droits humains, Réagissons ensemble, avril 2020.

11
II.2. Incidences Sociales du COVID 19.

La pandémie de COVID-19 est bien plus qu'une crise sanitaire. C'est une calamité
humanitaire qui entraîne des altérations et des transformations qui s'attaquent au cœur des
sociétés. Les premiers éléments indiquent déjà que la charge des impacts sociaux du virus
repose de manière disproportionnée sur les pauvres et les personnes défavorisées du monde
entier, ce qui nécessite des mesures politiques correctives urgentes et efficaces.
Dans ces conditions, les équilibres sociaux seraient nettement fragilisés et le risque de voir,
en perspective, des taux plus élevés de vulnérabilité et de pauvreté est considérable.
Conjuguée aux restrictions qui n’ont pas facilité l’accès aux services de base et à la faiblesse
des filets deprotection sociale, la baisse de revenu ainsi relevée a contribué à accroître les
inégalités déjà existantes, constituant donc un facteur potentiel de basculement de franges de
la population dans la pauvreté. De même, dans le cas du secteur de l’éducation où une
certaine forme de continuité pédagogique a pu, plus ou moins, être maintenue, l’impact de la
fracture numérique entre le milieu urbain et rural, et surtout entre les familles aisées et
démunies, a altéré le levier classique d’ascension sociale en compromettant l’accès égalitaire
au droit à l’éducation16.

II.2.1. Une détérioration des conditions de vie de la population.

L'impact socioéconomique de la crise sera sans doute ressenti en premier lieu et durement par
les travailleurs du secteur informel qui représentent une grande majorité des marocains actifs
et populations étrangères (migrants, réfugiés), et qui sont généralement employés dans des
secteurs particulièrement vulnérables à la crise, comme le secteur du tourisme ou des
transports, la vente au détail, ou encore la « gig économie »17 mais également par tous ceux
dont le travail ne peut pas se faire à distance. Les retombées en matière de pertes d’emploi ne
se sont, bien évidemment, pas faites attendre. Fin mai 2020, près de 958.000 salariés formels
ont déclaré être en arrêt de travail dans le secteur formel et ont bénéficié de l’indemnité

16Rapport du Conseil Économique, social et environnemental, Op cité, 2020, P.13 et 14.

17Qui travaillent sur la base de courts contrats, à la demande.

18Loi de finances rectificative 2020.


17

12
COVID19. Ce nombre est revenu par la suite à 598.000 à fin juin 18.Globalement, deux actifs
occupés sur trois ont dû arrêter temporairement leur activité du fait du confinement 19. Bien
que le tiers des actifs occupés ayant temporairement arrêté de travailler aient repris leur
emploi avec le dé-confinement progressif, les prévisions du HCP laissent entrevoir une
explosion du taux de chômage qui risque d’atteindre 14,8% en 2020, soit une hausse de 5,6
points par rapport à 2019. S’agissant du deuxième trimestre 2020, le taux de chômage s’est
établi à 12,3% en comparaison avec le taux de 8,1% enregistré en 2019. Toutefois, ce chiffre
ne tient pas compte de la baisse du taux d’activité de 45,8% à 44,8%. Dans le même sens, le
taux d’emploi a diminué de 42,1% à 39,3% en glissement annuel, au moment où le taux de
sous-emploi a connu une forte hausse de 9% à 13%. La première conséquence de cette
réduction de l’emploi a été la perte de revenu et de pouvoir d’achat, comme le reflète le recul
de près de 50% du revenu mensuel moyen des actifs occupés, qui s’est traduite par une
contraction de la consommation finale des ménages de plus de 21,2% au deuxième trimestre
2020.
Il est vraie que dans le contexte actuel, une estimation de l’ampleur de l’impact de la
Covid-19 sur la pauvreté serait une tâche difficile, qui nécessite beaucoup d’hypothèses et
comporte quelques incertitudes. D’autant plus que les dernières mesures de la pauvreté et des
niveaux de vie au Maroc remontent à 2014, ce qui rend l’exercice encore plus délicat (Figure
2). Nous proposons, toutefois, d’exploiter les dernières estimations de la Banque mondiale
datant de 2018 et d’appliquer la méthode « Augmented Poverty Line » utilisée dans les
travaux de l’UNU- WIDER (Sumner et al. 2020)20. Sur la base d’un scénario de croissance
négative de 7%, nous estimons que le choc pourrait faire passer 1 million de Marocains au-
dessous de la ligne de pauvreté de 3,2$PPA par jour (13dh par jour) 21. Par conséquent, le taux
de pauvreté pourrait augmenter de 5,4% à 8,2% entre 2018 et 2020. Au même titre, la
population vulnérable vivant à moins de 4,8$/j (20dh par jour), devrait représenter 5,8
millions de personnes à la fin de 2020, en accroissement de 900.000 personnes.

18

19HCP (2020), 2ème panel sur l’impact du Coronavirus sur la situation Économique, sociale et Psychologique des ménages.

20Les auteurs de l’article utilisent un outil de simulation de la pauvreté mis en ligne par la Banque mondiale« PovcalNet » et qui permet d’estimer les taux de
pauvreté selon différents seuils. Ils partent de l’hypothèse qu’une contraction de la consommation ou du revenu des ménages d’une proportion donnée correspond
à une élévationdu seuil de la pauvreté de la même proportion.

21En se basant sur des élasticités estimées entre la dépense de consommation finale des ménages et la croissanceéconomique, une baisse de la croissance de 7,2%
impliquerait un recul de la dépense annuelle moyenne parpersonne (DAPM) des 4 premiers déciles de la population d’environ 10%.

13
Figure 2: Évolution du taux de chômage (en %)pour certaines catégories de la population aux
troisièmes trimestres de 2019 et de 2020.

En raison de l'augmentation des infections par la maladie Coronavirus (COVID-19) et de la


demande de traitements médicaux urgents, les systèmes de santé et d’éducation sont sous
d'énormes pressions.

II.2.2. Un accès difficile aux services sociaux.

L’émergence de COVID-19 est un test décisif pour la résilience des systèmes de santé et des
mécanismes de préparation et de réponse aux situations d'urgence des pays du monde entier.
En général, les systèmes de santé luttent pour retrouver, tester et traiter les personnes touchées
dans le monde entier, mais la situation est particulièrement critique dans les pays à faible et
moyen revenu, où les systèmes de santé sont faibles et déjà aux prises avec l'insuffisance des
travailleurs de la santé, des installations de diagnostic en laboratoire, des mécanismes de
surveillance des maladies, des stratégies de communication des risques et de la gestion
politique. La survenue de la pandémie a conduit à une orientation quasi-exclusive de
l’offredesoins publique vers la prise en charge des patients atteints de la Covid-19, ainsi qu’à
la lutte contre la propagation du coronavirus.

Le secteur privé qui, d’habitude, contribue à prendre en charge 90 % des citoyens assurés
et 50% de l’ensemble de la population a accusé, pour sa part, une baisse d’activité importante,
voire arrêté son activité. De leur côté, les contraintes du confinement, les restrictions des
déplacements- localement et entre villes et régions -, le manque de moyens et la crainte d’être
contaminés ont poussé de nombreux citoyens à renoncer aux soins, au risque d’aggraver leur
état de santé22.

22Rapport du Conseil Économique, social et environnemental, Op cité, 2020, P.48.

14
Accès aux Accès aux
Accès aux Accès aux Accès aux
services de santé services pour
services globaux services globaux services de
reproductive consultation
de santé encas de santé en cas vaccinationdes
prénatales et
de maladies de enfants
postnatales
chronique maladiespassa
gèrespassagère
Urbain
Rural

Ensemble

Figure 3: Proportion du non-recours des populations cible aux services globaux de santé.

Sur l’ensemble des ménages ayant un membre ou plus souffrant de maladies chroniques
(30%), près de la moitié (48%) n’a pas accédé aux services de santé, 46% en milieu urbain et
53% en milieu rural. Parmi les 29% des ménages concernés par les maladies ordinaires, 40%
n’ont pas accédé aux services de santé, 38% en milieu urbain et 44% en milieu rural. 11% des
ménages marocains ont des enfants à vacciner. 36% d’entre eux ont dû renoncer aux services
de vaccination, 43% en milieu rural et 31% en milieu urbain23.
D’autre coté, l’éducation est considérée par plusieurs analystes comme le secteur le plus
concerné par la crise, dans la mesure où il implique presque toute la population mondiale, et
où il est le pourvoyeur par excellence de ressources humaines qualifiées et éduquées, au sens
noble du terme. La décision de cesser d’aller à l’école24, prise par la plupart des

23Enquête surl’impact ducoronavirus surla situationéconomique,sociale etpsychologiquedes ménages, HCP, 14 au 23 avril 2020, P 24.

24Selon l’Unesco, au 21 avril 2020, 191 pays avaient fermé leurs écoles, avec plus de 1,5 milliard d’élèves concernés par cette mesure, ce qui représente 90 % du
nombre total d’apprenants à l’échelle internationale.
24

15
gouvernements, et d’inviter la population à se réfugier chez soi, a généré une situation
nouvelle, autant inattendue que complexe. Face à une telle situation, personne ne s’attendait à
un miracle, en matière de qualité des apprentissages, puisqu’il a fallu passer du jour au
lendemain d’un enseignement qui se déroulait intégralement dans l’enceinte de ce qu’on
appelle l’école à un enseignement entièrement à distance de celle-ci. C’est un nouvel
apprentissage collectif qui s’est mis en place, avec ses réussites et ses échecs. La décision
prise par le gouvernement marocain d’assurer la continuité pédagogique à travers la formation
à distance a eu plusieurs effets à la fois sur les enseignants, les apprenants, les parents et les
établissements scolaires25. Tout d’abord, la création de classes virtuelles, qui permettent aux
étudiants de s’impliquer dans le processus d’apprentissage pédagogique, a conduit à
l’instauration de nouvelles règles d’échange et un passage à l’auto-formation, principalement
pour les étudiants des cycles supérieurs. Ensuite, la revue du planning journalier des
apprenants a fait ressortir une absence de maitrise de l’emploi du temps, une accumulation des
devoirs, ainsi qu’un manque de suivi pédagogique et d’évaluation régulière des enseignants,
des étudiants et des stagiaires. Enfin, l’apprentissage s’est effectué dans un environnement
familier avec peu ou sans contact humain à la fois professionnel et/ou personnel.
Pour faire face à ces défis, quelles leçons tirer decette période exceptionnelle, une
expérience qui a mis à nu les forces et les faiblesses de nos institutions, et transformé les
rapports entre l’État et le corps social ? L’urgence nous paraît de mener une projection des
perspectives de l’action gouvernementale. C’est cette réponse collective qui a permis au
système de tenir, grâce à la mobilisation des soignants, à la réactivité des entreprises, au
civisme et à la solidarité de la société civile, et finalement à un processus de dé-confinement
qui apparaît aujourd’hui plus au moins maîtrisé. Quelles recommandations scientifiques pour
gérer cette crise et permettre un retour au plutôt à la situation normale dans notre pays ?

III. Les perspectives de l’action gouvernementale face à la crise du


COVID19 au Maroc.

25Selon l’audition du MENFPESRS, deux processus d’évaluation ont été lancés par le Ministère en vue d’évaluer l’opérationde l’enseignement à distance :

- Une étude d’évaluation lancée par l’inspection des affaires pédagogiques ;


- Un sondage d’opinion pour les élèves, les parents et les enseignants ;
- Un sondage d’opinion pour les élèves, les parents et les enseignants.

16
La réponse politique à une crise sanitaire, c’est en écoutant l’ensemble des acteurs de cette
réponse. Il est aussi de mettre en lumière les acteurs qui, devant l’urgence, ont été en mesure
de réagir, de prendre leurs responsabilités, et de reconstruire autour la confiance citoyens.
Collectivités locales, entreprises, acteurs de la société civile se sont mobilisés souvent au-
delà des compétences qui leur étaient dévolues ou du rôle qui leur était attribué. Au sein de
l’État, des personnes et des entités ont aussi montré leur capacité à dépasser les blocages, et à
se réinventer pour parer à l’urgence et nous permettre d’agir collectivement. Les défis à venir
nous imposent de capter ces énergies au lieu de les disperser ou de les décourager. Il y a des
mesures d’urgence sur le court terme et des mesures qui doivent agir sur le moyen et le long
terme.

III.1. Les mesures d’urgences.

Le Maroc a engagé la bataille de cette crise de COVID19, selon une vision basée sur la
complémentarité entre les différentes composantes et départements concernées par cette lutte,
afin de préserver la santé des personnes et de la société. À cet égard, diverses mesures ont été
prises parmi lesquelles, l’élaboration des mesures légales et administratives requises pour
l’opérationnalisation de l’état d’urgence sanitaire dès les premières phases de la prise de
décision.

III.1.1. Organiser la gestion de crise.

Partout dans le monde, la réponse à la crise sanitaire de la part des autorités politiques relève
d’un paradoxe. D’un côté, elle implique un rôle central de chaque gouvernement, seul à même
de coordonner la lutte, de prendre l’initiative, de fixer la stratégie et de mobiliser les
ressources nécessaires. La pandémie a été un moment d’affirmation de la centralité du
politique, et aussi un moment de retour au national. On remarque ici un effacement brutal de
l’Union européenne et retour au premier plan de l’État-nation, jusqu’à l’acte souverain de la
fermeture des frontières; mais aussi recentralisation à l’échelon national, comme cela a été le
cas en Espagne, avec la suspension des autonomies régionales en matière de police et de
santé26, ou même en Allemagne, où la nouvelle répartition des compétences induite par la
Infektionsschutzgesetz rogne de façoninédite sur les pouvoirs des Länder. À Taïwan,
26Alexandre Robinet-Borgomano, « Les États face au coronavirus – L’Espagne : une guerre sans bombe », Institut Montaigne, 27 avril 2020,
https://www.institutmontaigne.org/blog/les-etats-face-au-coronavirus-lespagne-une-guerre-sans-bombe.

17
l’efficacité du dispositif de gestion de crise repose sur l’extrême centralisation de la décision
au sein du centre decommandement central des épidémies (CECC), activé dès le 20 janvier27.
Les procédures suivies ont tenu compte des dispositions constitutionnelles pertinentes,
entre autres l’implication de l’institution législative qui, sur le plan formel, a accompagné
cette dynamique, même si sa contribution en matière d’évaluation et d’interpellation est restée
faible et au-dessous à ce que l’on en attendait. La dimension sécuritaire propre à ces mesures
a reflété une nouvelle approche des institutions sécuritaires et a permis d’en révéler un aspect
jusque-là méconnu, sauf dans certains cas. Les institutions présentes sur le terrain, comme la
Sûreté nationale, la Gendarmerie, les Forces auxiliaires et l’Armée, se sont engagées de
différentes manières alliant la dimension purement sécuritaire (barrages, contrôles ...) à la
dimension de la communication et de la sensibilisation, ainsi qu’à l’aspect social, puisqu’elles
intervenaient aussi en tant que médiateurs dans un certain nombre de situations sociales. Les
réseaux sociaux et les médias ont d’ailleurs relayé certaines de ces interventions28.
LeCovid-19 est un mal que le Royaume aura choisi, très tôt, de combattre frontalement, à
tout prix et quels que soient les sacrifices, avec l’objectif suprême de garantir la sécurité
nationale au sens large du terme. Les mesures opportunes, très rapidement adoptées au niveau
de l’ensemble du territoire, visent toutes à contenir la propagation potentiellement dramatique
du fléau, qui, si aucune décision n’avait été prise, aurait inéluctablement généré un
bilan humain tragique, estimé à plusieurs centaines de milliers de décès. Toutes ces décisions,
difficiles mais indispensables, vise à aplanir dans la durée la fameuse courbe des patients
nécessitant une hospitalisation, et dans les cas les plus graves nécessitant une réanimation, en
fonction des capacités d’accueil de notre système de santé. Compte tenu de l’importance de la
menace, donc du risque inhérent et réel de saturation des structures de santé nationales, les
dispositions prises, qui ne se limitent pas au seul confinement puisque la capacité d’accueil
en lits de réanimation au sein des hôpitaux publics du Royaume a été doublée en quelques
semaines, dénotent de l’esprit de responsabilité de l’État, qui préfère prévenir, avant d’être
contraint de guérir massivement29. Placée au cœur de la bataille et constituant le fer de lance
contre la pandémie, la composante sanitaire a prouvé son aptitude à la mobilisation et à
l’intervention efficace en dépit des faibles capacités et moyens disponibles.
Ce secteur a bénéficié d’un important soutien apporté par le Fonds de lutte contre le
coronavirus, créé par décision royale et constituant le bras financier de cette bataille. Ce
27Nicolas Bauquet, L'action publique face à la crise du Covid-19, l'Institut Montaigne, Juin 2020, P.10.

28Gestion de l’état d’urgence sanitaire au Maroc Gouvernance sécuritaire et droits humains, Rapport du Centre pour la gouvernance du Secteur de la Sécurité
Genève (DCAF) et Centre d’Études en Droits Humains et Démocratie (CEDHD), juillet 2020, P. 12 et 13.

29Brahim Fassi Fihri, Le Maroc à l’épreuve du Covid-19 : de l’État Nation à l’État Social, Institut AMADEUS, 2020, P 2 et 3.

18
Fonds a ainsi fourni environ deux milliards de dirhams au secteur de la santé pour
l’acquisition des équipements et des médicaments nécessaires (Figure 4).

Figure 4: Ressources mobilisées en % du PIB pour faire face au COVID 19.

III.1.2. Associer les territoires et la société civile.

La crise du COVID19 a mis en évidence la dimension territoriale. Les administrations


infranationales - régions et communes - sont en première ligne de la gestion de la crise et de la
relance, de même qu’elles sont confrontées à l’asymétrie des effets de l’épidémie sur le plan
sanitaire, économique, social et budgétaire - non seulement entre les pays, mais aussi à
l’échelle régionale et locale. À titre d’exemple, la population peut être plus touchée par la
maladie dans certaines régions que dans d’autres. Les grandes zones urbaines ont été
durement frappées, mais en leur sein, les quartiers défavorisés le sont plus que les autres. Au
cours des derniers mois, l’épidémie s’est propagée au sein des régions les moins peuplées de
certains pays30. Les risques sont très variables selon les lieux de vie. Cette variation régionale
de l’incidence de la maladie appelle à une approche territoriale des réponses apportées par les
pouvoirs publics sur les fronts sanitaire, économique, social et budgétaire, ainsi qu’à une
solide coordination entre les administrations.
30Aux États-Unis, par exemple, la plus forte hausse du nombre de décès en octobre a été enregistrée dans les comtés ruraux éloignés des centres urbains.

19
Les administrations qui, à différents niveaux, ont réagi rapidement en adoptant une
approche territorialisée et en prenant des mesures nationales et infranationales pour faire face
à la crise du COVID-19 :
 Dans le domaine sanitaire : l’action gouvernementale adopte des approches
territorialisées, par exemple en ce qui concerne les masques ou le confinement ;
 Dans le domaine socioéconomique, les administrations débloquent des fonds publics
considérables pour protéger les entreprises, les ménages et les populations vulnérables.
Elles ont ainsi déboursé globalement plus de 30 milliards dedhs depuis mars 2020. De
nombreux pays, ainsi que l’UE, ont réaffecté les fonds publics au profit des priorités
de la crise, à savoir la santé, les PME, les populations vulnérables et les régions
particulièrement frappées par l’épidémie ;
 Renforcer l'aide nationale et infranationale aux groupes vulnérables pour éviter que
leur situation ne se dégrade encore plus et accroître son caractère inclusif, notamment
en simplifiant et en facilitant l’accès aux programmes d'aide, en proposant des services
bien ciblés, en mettant en place des programmes de relance budgétaire adaptés et/ou
innovants et en définissant les besoins de révision des politiques de péréquation ;
 Encourager un dialogue permanent entre les administrations nationales et
infranationales au sujet des conséquences de la crise du COVID-19 sur les budgets
infranationaux en partageant des informations et des données et en prenant en
considération l’hétérogénéité des effets de la crise. Aider les autorités infranationales à
réduire l’écart entre la baisse des recettes et la hausse des dépenses qu’entraîne la crise
afin d’éviter l’insuffisance et l’absence de financement de certaines missions ainsi que
d’éventuelles coupes dans les dépenses infranationales. L’octroi de subventions
spéciales pourrait permettre de combler cet écart31.

Les associations de la société civile marocaine ont été fortement impliquées dans les
efforts visant à juguler la propagation du coronavirus (Covid19). Elles ont, en effet, initié ou
pris part à des campagnes de sensibilisation, en coopération avec les autorités locales, depuis
le début de cette crise sanitaire, dans de nombreuses villes, villages et quartiers dans le but
d’attirer l’attention des citoyens sur l’importance du strict respect des règles préventives
qu’imposent l’état d’urgence sanitaire. Les initiatives sont légion à cet égard. Nous nous

31Rapport de l’OCDE, L’Impact territorial du Covid-19 : Gérer la crise entre niveaux de gouvernement, 10 Novembre 2020 P.2 et 3.

20
contentons ici de citer l’exemple des jeunes acteurs associatifs, membres du Collectif «
Morocco l’Ghedd », qui se sont mobilisés en vue de contribuer aux efforts menés à tous les
niveaux pour la sensibilisation et la prévention contre le coronavirus (COVID19) 32. Ces
jeunes militants associatifs ont réalisé un flyer rassemblant les différentes consignes des
autorités sanitaires pour éviter la propagation du coronavirus. L’implication de la société
civile et des acteurs économiques a été diverse dans ses formes et ses moyens. Des entreprises
citoyennes (publiques et privées) ont aménagé des services hospitaliers et des centres de
consultation. Des unités hôtelières et de restauration se sont portées volontaires pour offrir des
chambres d’accueil et les prestations de restauration aux patients convalescents ou aux
personnels de santé. Le bénévolat s’est manifesté par différentes actions : constitution de
réseaux de fournisseurs/donateurs de denrées alimentaires, mobilisation des élèves des écoles
spécialisées de l’hôtellerie et de la restauration, des collectifsde citoyens et de professionnels
de l’événementiel et de la production artistique. Des chercheurs universitaires se sont
impliqués dans l’élaboration de modèles mathématiques de prédiction de la propagation du
Covid-19 au Maroc33.

II.2. La riposte économique et les opportunités de l’avenir.

La résilience économique peut être définie comme la capacité de l'économie à rebondir


compte tenu de l'ampleur d'un choc (dans le cas présent, COVID-19). Le degré de résilience
d'une économie est donc déterminé par la vitesse à laquelle le processus de reprise se produit
et par le moment où l'ensemble des activités économiques reviennent à leur niveau de pré
choc. Dans son article intitulé : « L'être, l'avoir et le pouvoir dans la crise », Dominique
Strauss-Kahn34 affirme que au cours de la crise du COVID 19 et contrairement à la crise de
2008, La riposte a commencé et les banques centrales jouent leur rôle en inondant le marché
de liquidités.La réaction de l’action gouvernementale au Maroc face à la pandémie commence
donc par prendre des mesures économiques à un moment où le Maroc aspire à un nouveau
modèle développement35.Mieux encore, la crise a révélé de nouveaux atouts qui devraient
pousser le pays à être encore plus ambitieux pour saisir toutes les opportunités qui s’offrent à
lui. Autorisons-nous un optimisme légitime mais mesuré ?
32Voir, à titre d’exemple, l’article publié le 12 mars 2020 sur télégramme.info, intitulé : « Essaouira : de jeunes acteurs associatifs se mobilisent pour la
sensibilisation contre le coronavirus ».

33La stratégie du Maroc face au COVID-19, Rapport de Policy Center for the New South, Avril 2020, P 11.

34Publié dans Politique internationale le : 7 avril 2020, P.3.

35http://www.cese.ma/Documents/PDF/NMD/CESE-Nouv_Modele_de_Devt-f.pdf.

21
II.2.1. L’action gouvernementale économique face à la crise du COVID 19.

Le temps nécessaire pour atteindre le niveau des activités économiques qui prévalait avant le
choc ne sera pas le même. Néanmoins, les décideurs politiques dépendent de leurs ressources
financières disponibles (réserves financières excédentaires, stocks de fonds souverains, etc.),
de leurs structures économiques (dépendance à l'égard des transferts de fonds et du tourisme)
et de leurs capacités institutionnelles (notamment, les systèmes centralisés de paiement en
ligne du gouvernement, les applications douanières électroniques, etc.) ont mis en œuvre des
mesures économiques visant à réduire les pertes directes (parexemple, la perte de revenus et
de production) et indirectes (réduction de la valeuréconomique des ménages, augmentation
des scores de risques dans le pays, etc.) résultantde la pandémie et à réduire au minimum le
temps nécessaire à une reprise complète des activités économiques36.
Au Maroc, il est important de souligner que l’action gouvernementale doit porter sur
plusieurs niveaux et d’une manière simultanée à savoir :
-Le plan de relance post-Covid a mobilisé près de 120 milliards de dirhams, soit l'équivalent
de 11 % du PIB. Cette somme devrait être en partie allouée via le Fonds d'investissement
stratégique, une entité nouvellement créée avec une dotation initiale de 45 milliards de
dirhams. Ce fonds a pour mission de soutenir les partenariats d'investissement public-privé
dans les infrastructures, les industries exportatrices, l'agriculture, l'immobilier et le tourisme,
tout en soutenant le tissu de PME. En outre, 75 milliards de dirhams supplémentaires seront
gérés par la CCG dans le cadre de programmes de prêts garantis par l'État, en vue de faciliter
l'accès du secteur privé au crédit 37. Le plan de relance accorde une attention particulière aux
jeunes à travers la promotion du programme « Intelaka », une initiative destinée à faciliter
l’accès au financement aux jeunes entrepreneurs à travers des prêts garantis par l'État. Le
projet de loi de finances 2021 prévoit par ailleurs des mesures spéciales visant à promouvoir
l’emploi des jeunes. Ainsi, les salaires versés aux travailleurs de moins de 30 ans lors de leur
première embauche en contrat à durée indéterminée bénéficieront d'une exonération d'impôt
sur le revenu pendant deux ans. Cette disposition a évolué suite aux discussions
parlementaires, et il a été proposé d'étendre la mesure aux travailleurs âgés de 35 ans ou

36Impacts socio-économiques de la pandémie de covid-19 dans les pays membres de l’OCI, Op cité, P56 et 57.

37Ministère des Finances, « Note de présentation du projet de loi de finances rectificative pour l’année budgétaire 2020 », juillet 2020.
37

22
moins et pendant une période de trois ans 38. Enfin, des plans de relance sectoriels ont été
conçus pour soutenir les secteurs les plus touchés par la crise. À ce jour, les secteurs
concernés sont le tourisme, l'événementiel et les traiteurs ainsi que les parcs d'attractions et de
loisir. Le programme le plus conséquent est destiné au secteur du tourisme, comme nous le
verrons plus loin. Les mesures prévues par les autres plans sectoriels sont globalement
alignées sur celles prévues dans le plan pour le tourisme, à ceci près que les prestations sont
prévues pour une période plus courte, entre septembre et décembre 2020. Celles-ci
comprennent un transfert monétaire mensuel de 2.000 dirhams à destination des travailleurs à
l’arrêt, le report des cotisations sociales pour les entreprises, le report des échéances de
remboursement des prêts et des contrats leasing ainsi qu’une prorogation pour le
remboursement des prêts octroyés dans le cadre du dispositif « Damane Oxygène ».
- Élaboration d’un nouveau modèle d'équilibre économique et de développement durable,
aligné avec la réalisation des objectifs de développement durable et appuyé par un suivi des
indicateurs déjà disponibles : Alors que le Maroc élabore un nouveau modèle de
développement, le système des Nations Unies et ses partenaires proposent d’apporter un
soutien et un accompagnement à cette réflexion autour d’un nouveau modèle d'équilibre
économique et de développement durable, aligné avec la réalisation des ODD, en tirant les
leçons de la crise actuelle et en ne laissant personne pour compte39.
- Innover dans la collecte et l’analyse des données contextualisées afin de ne laisser personne
pour compte : par la mise en place de méthodes innovantes pour collecter, analyser et tirer des
informations utiles des données socio-économiques marocaines, afin d’accompagner au
mieux la prise de décision de manière éthique, scientifique et contextualisée. La digitalisation,
l’Intelligence Artificielle et les nouvelles technologies en général sont déjà au centre de la
compréhension de la crise à travers le monde et généreront aussi des enseignements selon
l’expérience qui en est faite par les services gouvernementaux, les entreprises et la société
civile marocaine ;
- Maintenir un policy-mix optimisé entre la politique monétaire et la politique budgétaire,
afin d’éviter un affaiblissement de l’effort de relance. Cela requiert de :
- Continuer à déployer une politique monétaire accommodante, parallèlement à l’effort
budgétaire, pour signaler aux agents économiques que les autorités monétaires ne

38https : //www.lesechos.fr/, « PLF 2021 : L’essentiel des amendements introduits par la Commission des finances », 3 novembre 2020. Consulté en Novembre

2020.

39Louise Paul-Delvaux, Bruno Crépon, FlorenciaDevoto, Kacem El Guernaoui, Fatine Guedira, Rema Hanna, impact de la pandémie de covid-19 sur le marché
dutravail marocain et réponse publique face à la crise, Lab de l’emploi Maroc, 28 Octobre 2021. P 39 et 40.
39

23
ménageraient aucun effort pour offrir des conditions de financement suffisamment favorables
à la reprise, etpour éviter tout problème de manque de liquidité ;
- Éviter à court terme toute normalisation précoce des conditions monétaires (éviter de
rétablir rapidement le taux directeur aux niveaux d’avant crise, ou de resserrer les conditions
l’offre de liquidité, etc.) à la moindre réapparition de signaux inflationnistes, afin de ne pas
freiner la reprise une fois enclenchée. Les enseignements sur les effets pénalisants d’une
normalisation précoce de la politique monétaire sont à tirer de l’expérience de la Banque
Centrale Européenne après la crise de 2008 ;
- Adapter les mesures de relance à l’évolution de la situation de chaque secteur. Sur ce point,
il est à rappeler que des contrats programmes de relance sectoriels sont prévus par les
pouvoirs publics conformément à ce qui a été annoncé dans le cadre du nouveau pacte pour la
relance, conclu entre l’État, la CGEM et le GPBM, avec à titre d’illustration l’élaboration de
contrat-programmes pour les secteurs de tourisme, de l’évènementiel, des parcs d’attractions
et de jeux ;
- Compléter les instruments de dette proposés, notamment les crédits garantis par la CCG, par
des financements en fonds propres (prise de participation pendant une durée limitée de 3 à 5
ans) ou en quasi-fonds propres (prêts participatifs, obligations convertibles, etc.) qui
pourraient être avantageux en termes de coût de financement, dans la mesure où la charge à
rembourser par l’entreprise variera en fonction des résultats qu’elle aura réalisé40 ;
- Limiter la fuite par l’import pour maximiser les effets de la relance et réduire les sorties de
devises en ciblant parmi les industries de substitution à l’import celles qui bénéficient d’une
demande potentielle importante sur le marché international. Cela permettrait aux entreprises
nationales exerçant dans ces industries de profiter des économies d’échelle favorisant
l’amélioration de leur compétitivité ;
- Poursuivre le processus de révision déjà entamé des différents accords commerciaux
conclus par le Maroc, afin de préserver les intérêts de l’industrie nationale contre les pratiques
abusives et inéquitables des partenaires, et mieux exploiter les clauses de protection que lui
permet la réglementation mondiale du commerce de l’OMC pour protéger légalement son
industrie: normes, étiquetage, règles phytosanitaires, règles d’origine, règles d’antidumping41.

40Il est à souligner toutefois que le Fonds d’investissement stratégique initié par Sa Majesté dernièrement peut, entre autres, utiliser des financements par prise de
participation.

41Rapport du Conseil Économique, social et environnemental, Op cité, 2020, P.116 et 117.

42Benjamin Biard, Serge Govaert, Vincent Lefebve, penser l’après-corona. Les interventions de la société civiledurant la période de confinement causée par la
pandémie decovid-19, Courrier hebdomadaire du CRISP, (mars-mai 2020), P 8.

24
II.2.2. Les opportunités du post-COVID 19.

Le post COVID 19 a établi le constat général suivant : le« moment corona » est perçu très
largement comme uneopportunité à saisir, non seulement pour faire entendre une série de
revendications quipréexistaient à la crise, mais aussi pour procéder à une évaluation
renouvelée de celles-ciet, plus généralement, de l’ensemble des normes sociales et juridiques
qui encadrent la viecollective42. La perspective d’un Maroc post Covid-19 ne se fera pas sans
adaptation, innovation, agilité, créativité et efficacité.
Premier pilier donc : l’adaptation. C’est la mise en place d’une économie forte ''en
encourageant la consommation et l’investissement''. Dans le cadre de la relance de l’économie
à travers la consommation, le rapport propose d’injecter des liquidités dans l’économie à
travers ''un endettement raisonnable et limité afin d’éviter une situation de non-solvabilité''.
La consommation des produits locaux a également un rôle important à jouer dans la reprise de
la production nationale : des subventions étatiques ciblées, directes ou indirectes, ainsi que
des incitations fiscales liées à ces produits (à la production comme à l’achat), peuvent être
instaurées afin de rendre ces produits plus accessibles aux consommateurs marocains. De
plus, l’adaptation passera nécessairement par le fait de répertorier et de structurer le secteur
informel, qui emploie au Maroc plus de 5 millions de personnes. Dans ce sens, le rapport
recommande d’intégrer le Registre social unifié (RSU) au sein des outils permettant de
répertorier les opérateurs du secteur informel.
Deuxième pilier : l’innovation, et la nécessité de favoriser l'émergence d'une nouvelle
forme de souveraineté industrielle. Comment ? En s’affranchissant progressivement de
l’importation et en ciblant les secteurs à fort potentiel de développement, entre autres. Il s’agit
de classifier les produits importés à travers la mise en place de trois critères communs : la
nécessité du produit importé, le degré de besoin des consommateurs et la présence d’un
produit local similaire.
L’agilité, c’est le troisième axe de développement du Maroc post-Covid-19.Faire preuve
d’agilité, c’est investir dans l’intégration africaine et diversifier les partenariats. Dans le cadre
de la redéfinition de nouvelles chaînes de valeur et d’approvisionnement, et dans une logique
de diversification des partenariats, il serait pertinent de développer de nouvelles voies.
L’agilité, c’est aussi construire et façonner le label Maroc, notamment à travers la création de
l’Agence de la ''Marque Maroc'' qui aurait vocation à porter et à coordonner toutes les
stratégies et les initiatives liées au ''Label Maroc''. Objectif : mettre en avant les avantages
42

25
concurrentiels et comparatifs du Maroc, tout en exploitant les atouts du capital immatériel du
royaume et les perspectives de déploiement de son ''soft-power''.
Le Quatrième axeest de favoriser la créativité et enrayer la fuite des cerveaux. Encore
faudra-t-il ''libérer le capital humain''. Pour cela, le positionnement du marché du travail au
cœur de l’enseignement est absolument nécessaire. Le marché du travail doit en effet s’insérer
directement dans l’enseignement afin de limiter la fuite des cerveaux, des talents, sous
d’autres cieux et d’encourager les jeunes talents à rester au Maroc.
Cinquième et dernier pilier : l’efficacité.C'est-à-dire la nécessité de faire émerger un ''État
social'' : ''La pandémie accentue la nécessité de généraliser et de renforcer les filets sociaux
qui sont, in fine, les principaux outils de ''sécurité'' indispensables pour faire face à une crise
de l’envergure de celle que nous vivons actuellement.''Dans ce cadre, l’État pourrait repérer
les associations à forte utilité publique dans une logique de partenariat avec la société civile,
afin d’intégrer celles-ci à l’action sociale de l’État et de maximiser ainsi ses efforts pour le
développement humain43.

IV. Conclusion.

La théorie économique et le champ des politiques publiques fournissent des cadres d’analyse
utiles à la prédiction et à l’examen de l’impact de la pandémie de la Covid-19 sur la structure
socio-économique, tout comme ils nous informent sur les outils et politiques pouvant en
atténuer les effets négatifs. Les modèles économiques peuvent nous aider à prédire la façon
dont les chocs de l'offre et de la demande sont susceptibles d’affecter l’économie nationale
dans un contexte de pandémie, et les données collectées sur le terrain peuvent être utilisées
pour vérifier ces prédictions ainsi qu’en quantifier la magnitude. Face à la hausse continue des
nouveaux cas de Covid-19, les décideurs publics ont été contraints d’ajuster les politiques
existantes et de mettre en place de nouvelles mesures de soutien à la population, sans toujours
disposer d’une grande visibilité quant à l’évolution de la pandémie qui peut, malgré
l’incertitude de l’avenir, présenter quelques opportunités pour placer le Maroc parmi les pays
émergeantsqui ont pu réagir à cette catastrophe humaine et que l’espoir selon Edgar Morin est
dans la poursuite du réveil des esprits qu’aura stimulé l’expérience de la méga crise mondiale.
Il devient vital de changer de voie44.

43Instituts Amadeus, Nouveau modèle de développement, covid-19, 18 Août 2020.

44Edgar Morinavec la collaboration deSabah Abouessalam, Changeonsde voie : Les leçons du coronavirus, éditions Denoël, Paris, 17-06-2020, P17.

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V. Références bibliographiques.

Ouvrages et articles :

1. Abdelaaziz Ait Ali, Karim El Aynaoui, Fayçal El Hossaini, Badr Mandri, Impacts, de la
Covid-19 sur l’économie marocaine : Un premier bilan, Policy Center, Décembre 2020.

2. Alexandre Robinet-Borgomano, « Les États face au coronavirus – L’Espagne: une guerre


sans bombe », Institut Montaigne, 27 avril 2020.

3. Benjamin Biard, Serge Govaert, Vincent Lefebve, penser l’après-corona. Les interventions
de la société civile durant la période de confinement causée par la pandémie de covid-19,
Courrier hebdomadaire du CRISP, mars-mai 2020.

4. Brahim Fassi Fihri, Le Maroc à l’épreuve du Covid-19: de l’État Nation à l’État Social,
Institut AMADEUS, 2020.

5. Dabnichi Youness, Effets économiques de la pandémie du Covid-19 et la question de la


relance économique ; cas du Maroc, Democratic Arab Center, International Journal of
Economic Studies : Issue XII – August 2020.

6. Edgar Morin, Sabah Abouessalam, Changeons de voie: Les leçons du coronavirus, éditions
Denoël, Paris, 17-06-2020.

7. Fatima-Zahra Aazi, Martine Audibert, Crise sanitaire et répercussions économiques et


sociales au Maroc, researchgate, Aout 2020.
8. Jean-Paul Sardon, de la longue histoire des épidémies au covid-19, Revue « Les Analyses
de Population & Avenir », 2020/8 N° 26.

9. Klaus Schwab et Thierry Malleret, COVID-19: la Grande réinitialisation, Forum


Publishing, juillet 2020.

10. Louise Paul-Delvaux, Bruno Crépon, Florencia Devoto, Kacem El Guernaoui, Fatine
Guedira, Rema Hanna, impact de la pandémie de covid-19 sur le marché du travail marocain
et réponse publique face à la crise, Lab de l’emploi Maroc, 28 Octobre 2021.

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11. Nicolas Bauquet, L'action publique face à la crise du Covid-19, l'Institut Montaigne, Juin
2020

12. Philippe Trainar, Les conséquences économiques du COVI19, Revue « commentaire»,


Paris, 2020/2 Numéro 170.

Rapports :

1. Rapport du centre de recherches statistiques, économiques et sociales et de formation pour


les pays islamiques : impacts socio- économiques de la pandémie de covid-19 dans les pays
membres de l’OCI : Perspectives et défis, May 2020.

2. Rapport du Haut-Commissariat au Plan, Impact social et économique de la crise Covid 19


au Maroc, Juillet 2020.

3. Rapport Banque Mondiale, Morocco Economic Monitor : From Relief to Recovery, 23


Décembre 2020.

4. Rapport du Conseil Économique, Social et Environnemental, Les impacts sanitaires,


économiques et sociaux de la pandémie de la “ Covid-19 ”et leviers d’actions envisageables,
2020.

5. Rapport des Nations Unies, COVID 19 et droits humains, Réagissons ensemble, avril 2020.

6. Rapport HCP 2ème panel sur l’impact du Coronavirus sur la situation Économique, sociale
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7. Rapport d’enquête sur l’impact du coronavirus sur la situation économique, sociale et


psychologique des ménages, HCP, 14 au 23 avril 2020.

8. Rapport du Centre pour la gouvernance du Secteur de la Sécurité Genève (DCAF) et Centre


d’Études en Droits Humains et Démocratie (CEDHD), Gestion de l’état d’urgence sanitaire au
Maroc Gouvernance sécuritaire et droits humains, juillet 2020.

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9. Rapport de l’OCDE, L’Impact territorial du Covid-19 : Gérer la crise entre niveaux de
gouvernement, 10 Novembre 2020.

10. Rapport de Policy Center for the New South, La stratégie du Maroc face au COVID-19,
Avril 2020.

11. Rapport de l’institut Amadeus, Nouveau modèle de développement, covid-19, 18 Août


2020.

Webliographies :

http://www.cese.ma
https://www.ecoactu.ma
https://www.institutmontaigne.org
https://www.lepoint.fr
https://www.lesechos.fr

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