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1 AFRIQUE
2 AMERIQUE LATINE
Argentine........................................................................................................................................................................ 123
Bolivie .............................................................................................................................................................................. 127
Brésil................................................................................................................................................................................. 131
Colombie ....................................................................................................................................................................... 135
Costa Rica ..................................................................................................................................................................... 139
Cuba............................................................................................................................................................................... 143
Équateur......................................................................................................................................................................... 147
Mexique ......................................................................................................................................................................... 151
Pérou............................................................................................................................................................................... 155
3 ORIENT
4 TROIS OCEANS
Chaque fiche fait état de la note du pays pour chacun des trois classements et de
leur historique. Elle présente également un résumé sur la situation du pays, un tableau
des principales données macro-financières, et l’analyse synthétique des six dimensions
présentées ci-dessus.
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1. AFRIQUE
7
8
Fiche risque pays ISR/ECO – novembre 2023
Laura MARIE
Afrique du Sud (mariel@afd.fr)
Risque pays : RP3b Risque souverain : RC3 Risque T&C : 2 crans (éq. BB+)
Le risque pays, déjà élevé, s’accentue. L’Afrique du Sud est confrontée depuis plusieurs années à une dégradation
de sa situation économique, qui s’accompagne d’une crise politique et énergétique d’ampleur. Souffrant d’un
sous-investissement chronique depuis trois décennies, de mauvaise gestion et de corruption, la situation des grandes
entreprises publiques est devenue le symbole des difficultés du gouvernement à conduire des réformes, et pèse sur
la croissance et la situation budgétaire de l’Etat. La consommation est en berne et les délestages électriques, qui
se sont fortement intensifiés depuis le S2 2022, pèsent sur l’activité économique. Le taux de chômage record et les
pressions inflationnistes, bien qu’en recul, dans la société la plus inégalitaire au monde, pourraient encore attiser les
tensions sociopolitiques à l’approche des élections générales de 2024. Le risque souverain est assez élevé. Après
une détérioration sensible des finances publiques – déjà fragilisées – lors de la crise Covid-19, les autorités ont
annoncé une politique de consolidation budgétaire, dont la mise en œuvre fait face à de nombreux risques
(revendications salariales du secteur public, matérialisation des passifs contingents, coût de la dette, croissance
atone). La prise en charge d’une partie de la dette d’Eskom par le gouvernement pèsera lourdement sur la
trajectoire d’endettement du pays. Le taux d’endettement devrait finalement croître au moins jusqu’en 2025/26,
date à laquelle il atteindrait 73,6% du PIB selon les autorités. Après être ressorti exceptionnellement en excédent
durant la pandémie, le solde courant est revenu en territoire négatif dès 2022 (-0,4% du PIB) et cette tendance
devrait se poursuivre en 2023 (-2,5%), en raison notamment du renchérissement des importations (dépréciation du
rand) et des contraintes logistiques qui pèsent sur les exportations. Le secteur bancaire demeure solide, tandis que
le pays a été placé sur la liste grise du GAFI en fév. 2023. Le risque de transfert et de convertibilité demeure modéré.
Evolution de la note risque pays Evolution des notes risque souverain et plafond pays
RC2
BBB-
2b BB+
RP2
2b 2c
RC3
2c 3a 3b
3c
RC4
RP3
3a
3b
RC5
RP4
RC6
mai-15 mai-16 mai-17 mai-18 mai-19 mai-20 mai-21 mai-22 mai-23 mai-15 mai-16 mai-17 mai-18 mai-19 mai-20 mai-21 mai-22 mai-23
9
ENVIRONNEMENT POLITIQUE ET SOCIOECONOMIQUE
Contexte politique et gouvernance publique: A la fin de l’apartheid L’avance prise par l’Afrique du Sud en matière
en 1994, l’Afrique du Sud a opéré une transition politique majeure. de richesse par habitant tendant à s’estomper
Depuis, la vie politique de cette jeune démocratie est largement
800% 10000
dominée par l’African National Congress (ANC), dont la popularité 700%
s’érode à mesure que les scandales de corruption émergent et que la 600%
8000
situation économique se dégrade. L’arrivée de C. Ramaphosa au 500% 6000
pouvoir en 2018, sur la base d’un ambitieux programme orienté autour 400%
de la lutte contre la corruption, après la démission de J. Zuma – dont 300% 4000
les mandats ont été marqués par la capture de l’Etat (cf. rapports « 200%
2000
Zondo » publiés en 2022) – a temporairement rassuré les investisseurs, 100%
mais les dissensions au sein du parti perdurent. Sanctionné par les 0% 0
violentes émeutes de juillet 2021 et en pleine crise de confiance, l’ANC
1994
1996
1998
2000
2002
2004
2012
2014
2016
2018
2020
2022
1990
1992
2006
2008
2010
a réalisé le plus mauvais score de son histoire lors des élections du 1er RNB par habitant (Atlas, USD courant) Afrique du Sud, éch. D
novembre 2021 et voit son ancrage se réduire. C. Ramaphosa, qui RNB par habitant (Atlas) AfS/PRITI, éch. G.
était lui-même l’objet de suspicions de corruption (affaire « phala RNB par habitant (Atlas) AfS/PRITS, éch. G.
phala »), a été blanchi par la Banque centrale (SARB) en août 2023, Sources : Banque mondiale, calculs ECO
mais un procès pourrait se tenir. En vue des prochaines élections
générales de 2024, l’opposition s’organise avec la formation d’une coalition réunissant sept partis (Charte multipartite),
comprenant l’Alliance démocratique. Compte-tenu du mode de scrutin proportionnel qui caractérise le système
politique sud-africain, des reconfigurations politiques à l’occasion des prochaines élections ne sont pas à exclure.
Indicateurs socioéconomiques: La croissance est insuffisante pour créer des emplois et la situation socioéconomique
apparait particulièrement dégradée : baisse continue du revenu par habitant, taux de pauvreté très élevé (57% en
2014, 5,50 USD/j, PPA), inégalités de revenu les plus fortes au monde (Banque mondiale, 2022), taux de chômage très
élevé (32,7% au T4 2022). Les trois décennies d’ANC au pouvoir n’ont pas permis de gommer le poids de la couleur de
la peau dans le déterminisme socioéconomique et la reproduction des inégalités tant en termes de détention de la
richesse - les 10% des ménages les plus riches possèdent plus de 70% du total des richesses- qu’en termes de chômage
- les noirs/africains sont en effet surreprésentés parmi les chômeurs et le taux de chômage de cette population est
environ supérieur de 4 points à la moyenne nationale (38,6% au T1 2022), tandis que le taux de chômage parmi les
blancs, bien qu’en augmentation, est plus faible (10% au T1 2022). La Banque mondiale estime que le nombre de
pauvres aurait augmenté d’1,5 million entre 2019 et 2021, faisant remonter le taux de pauvreté à un niveau équivalent
à celui observé il y a une décennie (63,1% sous les 5,5 USD/jour).
infrastructures, notamment logistiques, liées à un sous-investissement -6 Taux de croissance du PIB réel (%)
chronique durant trois décennies, délestages volontaires liés au déficit -8
Taux de croissance annuel moyen (%)
Régime de croissance : Après une récession de 6,3% en 2020 sous l’effet de la pandémie, le rebond post-Covid (4,9%
de croissance) a été principalement tiré par la croissance des exportations de matières premières. En 2022 l’activité a
été relativement peu dynamique (1,9%), ayant souffert des inondations dévastatrices au KwaZulu-Natal en avril, d’une
consommation plombée par l’inflation et le chômage, des grèves, de la politique monétaire restrictive et de
l’intensification des délestages électriques. Les estimations de croissance ont été légèrement revues à la hausse pour
2023 mais demeurent faibles, principalement portées par une reprise de l’investissement, à 0,4% pour la SARB et 0,9%
pour le FMI (+0,6pp par rapport au WEO de juillet) et une légère reprise est attendue en 2024 (1% pour la SARB et 1,8%
pour le FMI). L’incertitude qui entoure les élections générales prévues en 2024 pourraient peser sur la croissance.
10
FINANCES PUBLIQUES
Comptes publics : L’économie sud-africaine est entrée dans la crise de
Covid-19 avec une situation budgétaire déjà dégradée depuis dix ans Une consolidation budgétaire très lente
en raison i) d’une faible croissance, ii) d’une explosion de la masse 2 40
2000
2003
2004
2005
2006
2009
2010
2011
2012
2015
2016
2017
2018
2021
2022
2023
2024
2001
2002
2007
2008
2013
2014
2019
2020
de 2 Mds USD pour la prochaine année fiscale, soit ~2% des dépenses).
Par ailleurs, les difficultés financières des grandes entreprises publiques, Source : FMI (WEO), calculs ECO
qui tardent à être réformées, font peser un risque significatif de
matérialisation des passifs contingents (estimés à 18% du PIB fin 2022
selon le MOFE, tirés à plus de 80% par Eskom). Légèrement revue à la hausse dans les dernières estimations FMI (WEO),
le déficit public devrait s’établir à 6,4% en 2023 (et -1,2% pour la balance primaire), mettant en exergue la charge
élevée des intérêts de la dette.
Endettement public : Résultat de l’accumulation de déficits primaires , Un endettement toujours croissant, mais
d’une croissance atone et d’un poids croissant du service de la dette, présentant une structure favorable et une
la dette du gouvernement a rapidement augmenté depuis 2008, base d’investisseur diversifiée
passant de 26% du PIB à 56,2% du PIB en 2019/20, pour ensuite bondir à
Banques domestiques (% du PIB)
~69% du PIB en 2020/21 sous l’effet de la crise Covid-19 et s’établir à 80
Créanciers officiels externes
73,7% du PIB en 2023. L’annonce de la prise en charge de la dette 70 Secteur financier autre (% du PIB)
Fonds de pension et assureurs (% du PIB)
d’Eskom (13,7 Mds USD, soit 3,6% du PIB), via le remboursement par l’Etat 60
Créanciers privés externe -ZAR&USD (% du PIB)
Dette publique totale (% du PIB)
du service total de sa dette (10 Mds USD) puis le transfert direct de sa 50
dette en 2025/26 (3,7 Mds USD), repoussera le point de retournement 40
de trois ans, avec un taux d’endettement qui devrait culminer à 73,6%
30
en 2025/26 selon les autorités, tandis que le FMI prévoit pour sa part une
hausse continue du ratio d’endettement qui dépasserait les 80% du PIB 20
non-résidents et 12% du total est libellé en devises (USD principalement), 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020 2021 2022 2023 2024
ce qui limite le risque de change dans un contexte de dépréciation du Source: FMI (WEO, Fiscal monitor)
rand et les maturités sont longues (12 ans en moyenne). Néanmoins, le
taux d’intérêt effectif moyen de la dette progresse (7,3% en 2023), en
lien avec l’appréciation continue du spread sud-africain depuis 2021 (398 pb au 4 octobre vs 300 pb début 2021), qui
augmente le coût de son refinancement sur les marchés obligataires, tandis que les hausses des taux d’intérêt
directeur décidées par la SARB renchérissent le coût de son endettement sur les marchés domestiques. Le service de
la dette publique devrait ainsi représenter 19,3% des recettes en 2023 et 21,3% en 2024.
taux d’inflation devrait atteindre 5,8% en g.a sur 2023 (5,7% en juillet). 20
Secteur financier : Le secteur bancaire est concentré autour de cinq 2016 2017
-10
2018 2019 2020 2021 2022 2023
22
banques principales (les « big five ») qui représentent environ 90% des Taux directeur SARB (%, éch gauche)
Inflation (g.a. %, éch gauche)
actifs. Les indicateurs de performance du système bancaire Evolution ZAR/USD (nominal, éch droite)
demeurent solides mais semblent pâtir de la détérioration de la Source : South African Statistics, BIS, calculs ECO
situation macroéconomique au S2 2022, avec une dégradation de la
rentabilité et de la qualité du portefeuille. Le secteur bancaire est de
plus en plus exposé aux créances de l’Etat (12% des actifs en 2021, contre moins de 5% en 2006) mais le risque demeure
contenu. En outre, l’Afrique du Sud a été placée sur la liste grise du GAFI en fév. 2023 en raison de l’absence
d’avancées significatives en matière de LCB-FT.
11
COMPTES EXTERNES
Balance des paiements : La position externe de l’Afrique du Sud,
Le compte courant, retombé en territoire
structurellement favorable, s’est dégradée à partir de 2022. Le
négatif en 2022, encore creusé en 2023
compte courant se caractérise par un excédent de la balance 8
commerciale moins important que le déficit de la balance des Revenus et transferts courants (% du PIB)
revenus et des transferts courants (rapatriement des dividendes des 6 Services (% du PIB)
Biens (% du PIB)
investisseurs étrangers, envois de fonds des migrants résidants). A partir 4
Solde du compte courant (% du PIB)
minières (barrières logistiques, grève de l’entreprise publique de Sources : FMI (WEO, BOPS), calculs ECO
transport ferroviaire et maritime Transnet en octobre 2022), qui
devraient se prolonger en 2023/2024. Ainsi, malgré des prix toujours élevés des matières premières, la SARB prévoit pour
2023 un creusement du déficit courant, qui devrait s’établir à 2,5% du PIB. L’Afrique du Sud reste une destination de
premier choix pour les investissements étrangers, grâce à d’importants liens commerciaux avec l’UE et les US. Les flux
nets d’IDE, bien que discontinus, ont enregistré une hausse au T2 2023, compensant entièrement le déficit du compte
courant. La détérioration du compte courant et l’augmentation du coût du refinancement contribuera à accroître
encore les besoins de financement externes du pays (25,5% du PIB en 2023 vs. 10% en 2021 – en lien avec la maturation
de nombreux titres, puis ~16% du PIB jusqu’en 2028 (FMI).
Soutenabilité et liquidité externes : En forte hausse depuis une dizaine d’années, la dette externe totale (critère de
résidence) a atteint un sommet au moment de la crise Covid-19 (50,5% du PIB), avant de retomber à 38,3% du PIB en
2021 grâce à l’augmentation de l’excédent courant et au rebond économique. Elle s’établirait à 40,6% du PIB fin 2022,
tandis qu‘une très faible part de la dette externe publique est exposée au risque de change. Le rand demeure très
volatil face à l’USD : s’il s’était apprécié début 2021 pour revenir à son niveau pré-pandémie, conséquence de
l’amélioration des termes de l’échange et de la hausse des taux directeurs de la SARB, cette tendance s’est inversée
au printemps 2022. A fin octobre 2023, il avait perdu 23% de sa valeur par rapport à avril 2022, malgré de nouvelles
hausses du repo par la SARB, témoignant de la confiance fragile des investisseurs. Conséquence de la hausse du coût
des importations, accentuée par la dépréciation du rand, les réserves ne couvraient plus que 5,2 mois d’importations
fin mars 2023 (SARB), contre 6,6 mois d’importations fin déc. 2021, et sont jugées insuffisantes par le FMI (juin 2023),
avec une métrique ARA estimée à 89%.
Transfert et convertibilité : Si le pays maintient des limites sur les sorties de capitaux des résidents (Chinn-Ito à 0,164), les
contrôles sur les flux de capitaux des non-résidents ont été complètement supprimés. Par ailleurs, les scores de
gouvernance au-dessus de la moyenne mondiale indiquent un risque interventionniste des autorités relativement
limité. L’indépendance de la Banque centrale, le régime de change flexible associé à un niveau de réserves
confortable et la position extérieure relativement favorable de l’Afrique du Sud sont des éléments de confort.
CLIMAT
Climat : Relativement à son niveau de développement, l’Afrique du Sud est le plus gros émetteur de GES des
émergents. Les émissions de GES sud-africaines (555 MtCO2eq) ont fortement augmenté jusqu’en 2008 et représentent
aujourd’hui environ 1,2% des émissions mondiales. L’Afrique du Sud est modérément vulnérable aux effets du
changement climatique mais son exposition aux phénomènes climatiques extrêmes s’accroît. Au printemps 2022 et
au début de l’année 2023, des inondations ont touché la province du KwaZulu Natal, reflétant une tendance à
l’accentuation des pluies extrêmes en Afrique australe.
Transition bas-carbone : La dépendance du pays au secteur des Le secteur de l’énergie est de loin le plus
mines et du charbon, qui représente 4% de l’emploi, 8,5% de la valeur émissif
ajoutée, 20% des IDE entrants et la large majorité des exportations, 600
accroit son exposition au risque de transition. De même, tandis que Transport
Energie
le pays est dépendant à 88% du charbon pour sa production Autres secteurs
Autre combustion industrielle
d’électricité, la transition énergétique fait face à de nombreux défis
Emissions de CO2 (en Mns)
400 Construction
(poids des lobby miniers, financement). C. Ramaphosa a créé le
PCC (Presidential Climate Commission) dans le but de faire
progresser le sujet de la transition. En 2021, à l’occasion de la COP 26
200
de Glasgow, l’Afrique du Sud a conclu un partenariat de transition
énergétique juste (JETP) pour un montant total de 8,5 Mds USD. Un
plan pour la transition juste prévoit près de 100 Mds USD
d’investissements sur 5 ans (2023-2027) dans l’électricité (captant la 0
1970
1973
1976
1979
1982
1985
1988
1991
1994
1997
2000
2003
2006
2009
2012
2015
2018
12
Fiche risque pays ISR/ECO – novembre 2023
Gaëlle Balineau
Angola (balineaug@afd.fr)
Risque pays : RP3c Risque souverain : RC4c Risque T&C : +1 cran (éq. B)
Le risque pays est élevé, en raison d’un modèle économique très dépendant du pétrole dont la production diminue
à un peu moins de 1,15 M de b/j en 2022 contre 1,8 M en 2015. Les relais de croissance sont incertains, en raison de
la forte exposition du pays aux risques climatiques et au risque de transition bas-carbone. Un tiers de la population
vit sous le seuil de l’extrême pauvreté. Les déséquilibres macroéconomiques nés du choc pétrolier de 2014 et
aggravés par la crise sanitaire (cinq années de récession entre 2016 et 2020) ont porté la dette publique de l’Angola
à 139% du PIB fin 2020. Les autorités ont dû négocier un allègement conséquent du service de la dette (6% du PIB)
auprès des créanciers chinois et dans le cadre de l’ISSD pour éviter une crise de liquidité. En 2021-22, le retour de la
croissance, l’appréciation du kwanza et le maintien des excédents budgétaire et courant ont allégé les contraintes
sur la liquidité et amélioré la soutenabilité de la dette publique. Le risque souverain reste élevé, les finances
publiques étant exposées au risque de change et à l’instabilité des cours du pétrole. Ainsi, en 2023, alors que le
service de la dette atteint un pic à 15,8 Mds USD, une moindre production pétrolière associée à un prix du baril
moins élevé entraînent une chute du kwanza (-38% entre avril et juin 2023), et augmentent le déficit budgétaire
(1,9% du PIB), les besoins de financement externe (5,8% du PIB) et public (13,5%), et la dette publique (85% du PIB
prévus en 2023). La soutenabilité du financement à moyen terme repose sur un accès aux marchés financiers
internationaux et sur une production de pétrole améliorée (1,24 M b/j) associée à un prix du baril autour de 71 USD.
Le risque de transfert et convertibilité s’est atténué car la position externe du pays s’est nettement améliorée grâce
à la hausse des cours du pétrole et à la flexibilisation du régime de change, permettant la stabilisation des réserves
à un peu plus de 7 mois d’importations (un niveau adéquat). Il reste cependant élevé, essentiellement en raison de
la vulnérabilité de la position externe du pays et de l’historique de restrictions sur les contrôles des capitaux.
Evolution de la note risque pays Evolution des notes risque souverain et plafond pays
Risque pays Risque souverain Plafond pays
RC1
RP1
RC2
RP2
RC3
3c
4a
B
4b B-
RC4
3c
RP3
CCC+
RC5
4c 4c
5
RP4
RC6
mai-15 mai-16 mai-17 mai-18 mai-19 mai-20 mai-21 mai-22 mai-23 mai-15 mai-16 mai-17 mai-18 mai-19 mai-20 mai-21 mai-22 mai-23
13
ENVIRONNEMENT POLITIQUE ET SOCIOECONOMIQUE
Contexte politique et gouvernance publique : L’Angola fut en Les récessions post-2014 ont entrainé une
guerre contre le Portugal pour l’indépendance du pays entre 1961 baisse du PIB par habitant
et 1975, puis en guerre civile entre 1975 et 2002. L’une des
10000 250%
premières conséquences de ces quarante années de guerre,
outre la désorganisation du pays et la détérioration des 8000 200%
infrastructures publiques, aura été de consacrer la mainmise du
6000 150%
MPLA (parti initialement d’inspiration marxiste) sur le pouvoir depuis
1975, incarnée par José Eduardo Dos Santos, président de 1979 à 4000 100%
2017. Le système politique mis en place pendant ces 38 années est
2000 50%
extrêmement centralisé, et organisé autour de la captation de la
rente pétrolière. Lourenço a succédé à Dos Santos au MPLA et en 0 0%
2001 2004 2007 2010 2013 2016 2019 2022
tant que président en 2017 et a été réélu en août 2022, avec une
PIB par habitant (PPA)
moindre majorité au Parlement (124 sièges contre 90 pour l’UNITA,
PIB par hab. Angola / ASS (%, éch. droite)
le principal parti d’opposition). Lourenço a amorcé dès 2017
PIB par hab. Angola / PRITI (%, éch. droite)
d’importantes réformes monétaires et financières (cf. infra) mais
aussi de lutte contre la corruption, d’amélioration de la gestion et Sources : Banque Mondiale (WDI), calculs ECO
de la transparence des finances publiques et de renforcement de
l’attractivité du pays. Certaines de ces réformes ont porté rapidement leurs fruits puisque selon Transparency
International, le pays est passé de la 167e place mondiale en matière de perception de la corruption en 2017 à la 116 e
place en 2022. L’indicateur de gouvernance de la Banque mondiale sur la qualité de la réglementation est également
passé du 13e percentile au 27e percentile sur la même période. En revanche, les efforts de transition vers un modèle
économique plus diversifié, plus soutenable et plus inclusif sont à ce stade embryonnaires ; et le poids des autorités
dans l’économie dans son ensemble est encore fort.
Indicateurs socioéconomiques : Le revenu par tête a dépassé 5 000 USD en 2011, mais les années de guerre et la
captation systématique de la rente pétrolière sous l’ère Dos Santos ont conduit à des indicateurs de développement
humain très faibles (148e pays sur 191 en termes d’IDH en 2021) et à un niveau d’inégalités élevé (coefficient de Gini
à 0,51 en 2018). Un sous-investissement dans l’éducation et la santé réduit l’espérance de vie en bonne santé à 62
ans, et le capital humain (20ème pays avec la mortalité infantile la plus élevée au monde). Cinq années de récessions,
puis le choc de 2020, ont conduit le PIB par habitant à retrouver en 2020 le niveau qu’il avait en 2005. Plus de 32,3%
de la population vit sous le seuil d’extrême pauvreté en 2023 (11,8 M de personnes), soit un taux en légère hausse. Par
ailleurs, le pays a connu en 2021 l’épisode de sécheresse le plus important de son histoire contemporaine, avec plus
de 1,5 M de personnes en situation d’insécurité alimentaire sévère (IPC).
14
FINANCES PUBLIQUES
Comptes publics : Après un déficit en 2020 sous l’effet de la crise Un solde budgétaire dépendant du pétrole
sanitaire et de la chute des prix du baril, les comptes publics se
12% 50%
sont redressés en 2021 avec un excédent de 3,8% du PIB. Il s’est
45%
réduit en 2022 (1,6% du PIB) sous l’effet d’une hausse des dépenses
7% 40%
publiques dans un contexte électoral, et alors qu’une partie des 35%
gains budgétaires potentiels liés à la hausse marquée des prix du 2% 30%
pétrole a été absorbée par la reprise anticipée des paiements 25%
(gagés sur la production pétrolière) aux créanciers chinois. Le -3% 20%
solde budgétaire devrait devenir déficitaire en 2023 (-2% du PIB) à 15%
cause de la baisse des recettes mentionnée précédemment mais -8% 10%
2010 2012 2014 2016 2018 2020 2022 2024
aussi d’une hausse des dépenses liée au changement de
méthode dans le calcul des subventions au pétrole. Le besoin de Solde budgétaire (% du PIB)
Dépenses (% du PIB, éch. droite)
financement public (BFP), important entre 2014 et 2017, a été Récettes (% du PIB, éch. droite)
couvert par des émissions d’eurobonds et surtout des
financements chinois. La hausse du service de la dette et du déficit Sources : FMI (WEO), calculs ECO
public en 2020 a nécessité un reprofilage massif de la dette
contractée auprès des créanciers chinois, le recours à l’ISSD, à un financement domestique croissant et à des
financements externes additionnels (programme FMI entre 2018 et 2021, BM, BAfD). Les excédents primaires de 2021
et 2022 (9% et 6% du PIB), l’allègement du service de la dette et les décaissements de bailleurs internationaux ont
depuis permis de consolider la position de l’Etat, d’apurer une partie des arriérés domestiques et de reconstituer des
réserves de trésorerie. Sous l’effet des difficultés de 2023, le BFP devrait atteindre 13,5% du PIB en 2023 et 7,5% en 2024
puis revenir à ~5,6% du PIB. Il est financé à 40% par la dette externe, 40% par de la dette domestique et 20% par de
l’épargne publique et des privatisations. La soutenabilité à 3 ans repose sur des hypothèses FMI de prix du baril à ~71
USD et une production à 1,24 M b/j, des taux d’intérêt domestiques en ligne avec l’inflation et des maturités allongées,
et une matérialisation des projets de la Banque mondiale pour 2023-24.
Endettement public : Après un pic à 138% en 2020, le retour de la
Malgré un rebond en 2023, une diminution de
croissance et d’excédents budgétaires conjugués à
l’endettement public est prévue sous conditions
l’appréciation du kwanza face au dollar ont permis de ramener la d’environnement externe favorable
dette à 66,1% du PIB fin 2022 – le stock diminuant par ailleurs avec
150%
la reprise des remboursements en principal aux créanciers chinois.
Le risque sur la soutenabilité de la dette s’est atténué, le nombre
d’indicateurs en risque élevé passant de 14 en 2021 à 8 en 2022 100%
15
COMPTES EXTERNES
Balance des paiements : Le solde courant est particulièrement Forte dépréciation du kwanza liée à des
sensible à l’évolution des cours du pétrole qui représente 95% des remboursements de dette et moins de recettes
exportations. Les sorties de capitaux et l’important service de la d’exportations de pétrole
dette externe ont engendré des tensions en 2020 et le besoin de
40 1000
financement externe (BFE) n’a pu être couvert que grâce à la
30
renégociation sur la dette externe (de l’ordre de 6% du PIB), une 800
20
hausse des financements FMI et bailleurs (2% du PIB) et une
600
ponction des réserves (5% du PIB). La reprise des cours du pétrole 10
Soutenabilité et liquidité externes : La hausse marquée de la dette externe (publique, les données sur la dette externe
privée n’étant pas disponibles), d’abord en volume puis en % du PIB en raison de la dépréciation marquée du kwanza,
a conduit la dette externe à représenter 101% du PIB en 2020. Son service s’est également accru et atteignait 15% du
PIB en 2020, à l’origine d’une crise de liquidité. Depuis le milieu de l’année 2021 les tensions sur la liquidité externe ont
disparu, tandis que la dette externe est revenue à 54% du PIB en 2023. La stratégie de gestion active de la dette
externe est également un facteur favorable (le pays a émis un eurobond de 1,75 Md USD début avril 2022 à 8,75%
pour refinancer par anticipation ses échéances à venir sur des titres émis à des taux légèrement plus élevés par le
passé). Les réserves de change se maintiennent à 14 Mds en 2023 soit 7,1 mois d’importations, un niveau adéquat
(~105% de la métrique ARA) au regard du régime de change flexibilisé. La fin du moratoire sur la dette en 2023, la
dépréciation du change (le kwanza a perdu 38% de sa valeur entre avril et juin 2023, atteignant un point bas
historique), et la croissance bien moindre qu’anticipée en 2023 dégradent les indicateurs externes.
Transfert et convertibilité : L’Angola a imposé des restrictions à la convertibilité et au transfert des capitaux jusqu’à
récemment. La chute des cours du pétrole en 2014 s’est traduite par un accès restreint aux devises pour limiter les
pressions sur le kwanza alors arrimé au dollar. Depuis 2017 et l’arrivée au pouvoir de Lourenço, la disparition des
restrictions ont accompagné la flexibilisation du taux de change. En 2020, la BNA a amorcé la libéralisation du compte
financier afin de favoriser l’investissement des non-résidents. Elle n’intervient officiellement plus sur le marché des
changes depuis fin 2021 – même si des interventions ponctuelles ont eu lieu en 2022 et 2023. Le risque de T&C reste
cependant élevé en raison du caractère récent de ces réformes et de l’amélioration des indicateurs de gouvernance,
et de la sensibilité de la position externe aux chocs sur le prix du baril, dans un contexte de dépréciation nominale
forte de la monnaie.
CLIMAT
Climat : L’Angola est le 41ème pays le plus vulnérable au changement climatique et le 13ème pays le moins prêt à y faire
face, à cause de faibles niveaux d’éducation et de capacités d’innovation (ND GAIN). L’agriculture, la santé, et
l’hydroélectricité sont les secteurs les plus vulnérables via l’impact des sécheresses sur la ressource en eau. En 2021, 3,8
M de personnes (11% de la population) manquaient de nourriture et 1,2 M d’eau. Les désastres naturels (crues,
inondations, sécheresses) ont coûté 1,2 Mds USD au pays entre 2005 et 2017 (BM, CCDR). Sans mesures d’adaptation,
le PIB se réduirait de 6% à horizon 2050.
L’économie entière est exposée au risque de
Transition bas-carbone : le risque de transition est très élevé, avant transition via sa dépendance au pétrole
tout du fait d’une exposition très élevée. L’intégralité de 15
120
l’économie dépend des hydrocarbures, qui représentent 95% des 100
10 80
exportations et 80% des réserves en devises, et l’ensemble des 60
indicateurs économiques et sociaux sont corrélés au prix du baril. 5 40
20
L’Angola émet 3,9 toCO2eq par habitant en 2019, soit 0,5to de 0 0
moins que la moyenne mondiale, et 0,2% des émissions de GES 2011 2013 2015 2017 2019 2021
-20
-40
mondiales. Elles sont dues aux hydrocarbures et au mode de -5 -60
-80
production du pétrole (émissions fugitives et torchage du gaz ; 25% -10 -100
des émissions), ainsi qu’à l’agriculture, au secteur forestier et à Taux de croissance du PIB réel, %, ech. g.
Solde budgétaire, % du PIB, ech. g.
l’utilisation des sols (49% des émissions, dues notamment à Solde courant, % du PIB, ech. g.
l’élevage, la déforestation et la culture sur brûlis). La réduction des Dépenses de protection sociale, % PIB, ech. g.
IDE, nets, % du PIB, ech. g.
émissions (qui ont doublé en 1990 et 2019) demande donc un Prix du baril de brut à l'export, USD, ech. d.
Indicateur de confiance dans l'économie, %, ech. d.
changement de modèle économique. La CDN est ambitieuse
Sources : FMI, BM, INE, calculs ECO
(nécessiterait 44 Mds USD) et probablement peu réaliste sur le volet
atténuation. Le mix énergétique repose pour 50% sur la biomasse et 10% sur l’hydraulique (dont provient 80% de
l’électricité) mais la consommation de pétrole augmente, tout comme l’intensité carbone de l’énergie. La
vulnérabilité de l’Angola est élevée à cause d’une économie faiblement diversifiée qui nécessite des moyens
immenses pour changer de trajectoire, et d’un faible niveau d’éducation et de compétences.
16
Fiche risque pays ISR/ECO – novembre 2023
Jade Castaner
Bénin (castanerj@afd.fr)
Risque pays : RP3b Risque souverain : RC4a Risque T&C : 3 crans (éq. BB+)
Le risque pays du Bénin demeure élevé. Depuis l'accession de Patrice Talon à la présidence en 2016, le Bénin semble
s'engager vers un régime de plus en plus autoritaire, fragilisant les principes démocratiques du pays. De plus, l'année
2022 a été marquée par une recrudescence des attaques terroristes dans le nord du pays. Après avoir fait preuve
d’une certaine résilience face à la pandémie, la croissance est restée robuste et devrait atteindre 5,5 % en 2023 et
se stabiliser à ce niveau à moyen terme selon le FMI. Cette dynamique est attribuable en partie grâce à la mise en
œuvre du Plan national de développement (PND) 2018-2025, appuyé par le programme FMI (FEC-MEDC de 638 M
USD sur 3 ans) signé en juillet 2022. En revanche, le déficit structurel du solde courant s’est accentué en 2022 (5,7%
du PIB) et devrait rester élevé en 2023 (6 % du PIB), en lien avec le renchérissement des importations et la baisse du
cours du coton. Le secteur bancaire béninois, malgré quelques améliorations récentes, demeure peu profond, peu
rentable et finance faiblement l’économie. Le risque souverain est également élevé. Le retour à une consolidation
budgétaire, initialement prévu en 2022, a été reporté à 2023 en raison des répercussions de la guerre en Ukraine. Le
déficit public devrait baisser à 4,3 % du PIB en 2023 contribuant à une réduction du taux d’endettement à 53 % du
PIB la même année. Les autorités misent toutefois sur un retour au critère de convergence de l’UEMOA (déficit < 3%
du PIB) dès 2025 grâce notamment à une meilleure mobilisation des recettes fiscales. La gestion proactive de la
dette publique a permis d’allonger sa maturité et d’en diminuer le coût. Ainsi selon la dernière AVD du FMI, le risque
de surendettement public demeure modéré. Cependant, le service encore élevé de la dette publique et la
faiblesse des recettes budgétaires constituent les principaux points de vulnérabilité. L’appartenance du pays à
l’UEMOA contribue à modérer les risques externes et confère au pays un risque de transfert et convertibilité faible.
Evolution de la note risque pays Evolution des notes risque souverain et plafond pays
Risque pays Risque souverain Plafond pays
RC1
RP1
RC2
BB+
RP2
BB
RC3
4a 4a
3b
RC4
RP3
4b
RC5
RC6
RP4
mai-15 mai-16 mai-17 mai-18 mai-19 mai-20 mai-21 mai-22 mai-23 mai-15 mai-16 mai-17 mai-18 mai-19 mai-20 mai-21 mai-22 mai-23
17
ENVIRONNEMENT POLITIQUE ET SOCIOECONOMIQUE
Contexte politique et gouvernance publique : Le Bénin, qui avait Vers un rattrapage du PIB/habitant vis-à-vis de
connu une stabilité démocratique, caractérisé par des alternances l’Afrique subsaharienne
politiques régulières depuis les années 1990, semble désormais 100 4000
basculer vers une dérive autoritaire depuis l'accession de Patrice
Talon à la présidence en 2016. Sa réélection en avril 2021 s'est 80
3000
déroulée sans véritable opposition, car les voix discordantes ont été
60
écartées par la Cour de répression des infractions économiques et 2000
du terrorisme (CRIET), une institution créée par le président lui-même. 40
Ainsi, les indicateurs de gouvernance du pays se sont détériorés
1000
selon Freedom House, passant d'un statut de « libre » à 20
aux restrictions des libertés qui se sont accumulées ces dernières années. En 2022, le nord du pays a été le théâtre
d'une recrudescence d'attaques, imputable au débordement de groupes islamistes en provenance du Burkina Faso.
En réponse, les autorités ont renforcé les effectifs militaires à la frontière. Cette insécurité croissante menace également
la stabilité économique, ces zones représentant l'essentiel de la production de coton, pilier majeur de l’économie.
Indicateurs socioéconomiques : En 2020, le Bénin est entré dans la catégorie des PRITI. Cependant, cette trajectoire
ascendante a été freinée par les multiples chocs économiques qui ont marqué les dernières années, dans un contexte
de forte pression démographique (+ 2,8 %). Suite à l'impact la crise de la Covid-19, le pays a été rétrogradé de huit
places dans le classement de l’IDH, se positionnant au 166e rang parmi 189 pays. L'éducation et la lutte contre les
inégalités demeurent les deux ODD pour lesquels le Bénin accuse le plus de retard, d'après le rapport du PNUD daté
de juillet 2022. En réponse à ces défis, le Plan National de Développement (PND) 2018-2025 met un accent particulier
sur le renforcement du capital humain. En 2022, grâce à la relative stabilité des prix des denrées alimentaires et à une
récolte fructueuse de produits locaux, le pays a enregistré une baisse du taux de pauvreté, passant de 50,5 % en 2020
à 47,2 % en 2022, au seuil de 3,65 USD par jour (Banque mondiale). Cependant, le retour de l'inflation en 2023 à 5 %,
les obstacles structurels dans le secteur de l'agriculture, tels que la faible productivité et la vulnérabilité aux aléas
climatiques, devraient ralentir les progrès réalisés dans la réduction de la pauvreté.
1,6
des bulles représente Agriculture
Nigeria, représentant près de la moitié des importations transitant 1,4 le poids moyen du
secteur dans le PIB Autres
par le port de Cotonou. Ainsi, la croissance du Bénin est étroitement 1,2 services
liée à l'évolution de la situation économique et aux politiques 1,0 Commerce,
commerciales de son voisin. Le secteur agricole, qui emploie 50 % hotellerie,
0,8 restauration
de la main-d'œuvre, souffre d’une productivité insuffisante, des Transport et
0,6
aléas climatiques et d’une forte dépendance aux fluctuations des Mines télécom
0,4 BTP
prix internationaux, en particulier pour le coton. Cette vulnérabilité Industrie
aux chocs extérieurs se traduit par une croissance relativement 0,2 manuf.
18
FINANCES PUBLIQUES
Comptes publics : L’embellie sur les finances publiques en 2019 a Une consolidation budgétaire à moyen terme
été de courte durée, la crise Covid-19 ayant conduit à une 1 22
détérioration significative du déficit budgétaire. En 2022, le déficit 0 20
public atteignait 5,6 % du PIB, reflétant le maintien des dépenses à
-1
un niveau élevé. Aidé par le programme FMI signé en juillet 2022 18
(FEC/MEDC de 638 M USD), le déficit serait ramené à 4,3 % du PIB -2
16
en 2023. Cette amélioration reposerait à la fois sur la hausse des -3
taxes prélevées sur le commerce international, une meilleure -4
14
l’assiette fiscale notamment en raison de la faible pression fiscale Sources : BM (WDI), calculs ECO
actuelle (11,5 % du PIB en 2022). Ces mesures visent à ramener le
déficit public en dessous du critère de convergence de l’UEMOA (< 3 % du PIB) d’ici 2025 (prévu initialement pour
2024). Enfin, les besoins de financement publics ont diminué, passant de 16 % du PIB en 2022 à 8,6 % en 2023 et cette
tendance à la baisse devrait se maintenir grâce à la réduction du déficit budgétaire.
Endettement public : Bien que le risque de surendettement soit La dette publique en baisse depuis 2022 qui
toujours considéré comme modéré (avec des marges limitées pour reste largement externe
absorber les chocs, AVD mai 2023), la dette publique a connu une 60
forte hausse à partir de 2020, sous l’effet de la crise de la Covid-19.
50
Elle devrait légèrement diminuer en 2023 (53 % du PIB) grâce aux
mesures d’assainissement budgétaire et cette tendance devrait se 40
maintenir en 2024. Au cours des dernières années, le pays a
30
diversifié ses sources de financement en émettant des eurobond
en 2019 (500 M EUR à 6 ans, coupon de 5,75 %) et en 2021 (700 M 20
EUR à 11 ans, coupon de 4,75 % et 300 M EUR à 31 ans, coupon à
10
6,75 %). En juillet 2021, le Bénin a par ailleurs été le premier Etat
africain à émettre un eurobond ODD. En 2023, une émission sur les 0
2012 2014 2016 2018 2020 2022 2024
marchés obligataires internationaux ne semble pas envisagée
Dette publique externe (% du PIB)
compte tenu des conditions plutôt défavorables. La part de la Dette publique domestique (% du PIB)
dette publique demeure toutefois majoritairement libellée en euros
Sources : BM (WDI), calculs ECO
ou en FCFA (~80 %), limitant le risque associé au taux de change.
Les autorités visent une réduction du financement extérieur au profit du domestique, en privilégiant les titres publics
de plus longue maturité sur le marché régional. Ainsi en 2022, un tiers de la dette libellée en FCFA avait une maturité
supérieure à 7 ans. Bien que la gestion proactive ait réussi à contenir les risques de refinancement jusqu'à présent, les
ratios du service de la dette publique (40,5 % des recettes en 2023, prévu à 34 % sur 2023-2026) et des intérêts (11,2 %
des recettes en 2023) demeurent des sources de vulnérabilité significatives à surveiller dans les mois à venir.
19
COMPTES EXTERNES
Balance des paiements : Le déficit courant est structurellement Dégradation du compte courant depuis 2020
élevé, principalement en raison des importations massives, en 2,5%
particulier des produits agricoles, qui se traduisent par des
réexportations, en partie informelles, principalement vers le Nigeria. 0,0%
CLIMAT
Climat : Le Bénin est particulièrement vulnérable au changement Stagnation des émissions de GES par tête
climatique (152e sur 181 selon ND-GAIN). Alors que ses effets sont 30 000 4,5
déjà persceptibles, dans un futur proche, le pays doit s’attendre à 4
25 000
des périodes de sécheresse plus longues et des saisons de pluie plus 3,5
intenses. Ces évènements entraineront d’importante pertes 20 000 3
agricoles, notamment une baisse attendue du rendement du maïs 2,5
de 22 % à l’horizon 2030 (CND, 2021). Cette situation risque 15 000
2
d’aggraver l’insécurité alimentaire, déjà importante (10 % en 2022). 10 000 1,5
Dans les zones côtières, la montée des eaux et l’intensité croissante 1
des inondations pourra menacer les habitations d’une large partie 5 000
0,5
des populations (10 % du territoire concerné représentant plus d’un
0 0
quart de la population béninoise). De plus, la population du Bénin 1991 1995 1999 2003 2007 2011 2015 2019
devrait doubler d’ici 2030 (5,1 naissances par femmes en 2023), Emissions de GES par habitant (tCO2eq, éch. G.)
avec plus de 50 % vivant dans les centres urbains du Sud du pays. Emissions de GES (KtCO2eq, éch. G.)
Sources : BM (WDI), calculs ECO
Transition bas-carbone : Le Bénin ressort, selon l’indicateur ND-
GAIN, comme l’un des pays les moins bien préparé au changement climatique (133 e place). Une grande partie du
mix énergétique béninois repose en effet sur les énergies fossiles : la biomasse couvre 66 % de l’approvisionnement en
énergie et les produits pétroliers 33 %, avec une hausse de la contribution du gaz naturel ces dernières années. Le
potentiel minier du pays (uranium, phosphate…), encore largement sous-exploité (moins de 1% du PIB), pourrait
s'avérer précieux à l'avenir à l’heure de la transition énergétique. Son plan d’action climatique national (CDN), révisé
en 2021, prévoit une baisse de 20 % des émissions de GES d’ici 2030 par rapport au scénario de référence.
20
Fiche risque pays ISR/ECO – novembre 2023
Benoît Jonveaux
Burkina Faso (jonveauxb@afd.fr)
Risque pays : RP4a Risque souverain : RC5 Risque T&C : +3 crans (éq. B+)
Le risque pays du Burkina Faso est très élevé. L’environnement sécuritaire est extrêmement dégradé depuis 2019 et
l’Etat a perdu le contrôle sur 40% de son territoire (et 75% est sous menace de groupes armés terroristes) entraînant
le déplacement de près de 2 millions de personnes. Dans ce contexte, une nouvelle période d’instabilité politique
s’est ouverte avec les coups d’Etat militaires successifs de janvier puis septembre 2022. Conjuguée aux perturbations
de l’économie mondiale depuis 2022, cette instabilité pèse sur les équilibres économiques : ralentissement marqué
de la croissance (1,5% en 2022 avant une reprise progressive), creusement des déficits jumeaux à des niveaux
élevés, hausse de la dette publique. C’est la raison pour laquelle les autorités et le FMI se sont accordés sur un
programme de quatre ans début octobre 2023, visant à rétablir les équilibres économiques du pays. L’instabilité
politique pourrait cependant retarder les réformes permettant de diversifier un modèle économique qui peine à
améliorer durablement le niveau de vie de la population. Le risque souverain est également très élevé en raison du
creusement du déficit budgétaire (10,7% du PIB en 2022), de l’augmentation de la dette publique (de 42% du PIB
fin 2019 à 61% du PIB d’ici la fin de l’année 2023) et de la hausse marquée des besoins de financement. Or, ceux-ci
sont historiquement couverts par les bailleurs et le marché régional de l’UEMOA. En dépit du récent programme FMI,
l’aide des bailleurs devrait ralentir en raison de l’incertitude forte et du positionnement géopolitique des autorités.
D’un autre côté, le marché régional des titres publics de l’UEMOA est sous tension en matière de liquidité depuis mi-
2022. Il pourrait manifester une moins forte appétence pour la dette burkinabè, contribuant à un risque élevé de
refinancement puisque la dette publique est désormais majoritairement libellée en monnaie locale. Le risque de
transfert et convertibilité demeure encore faible en raison de l’appartenance du Burkina Faso à l’UEMOA.
Evolution de la note risque pays Evolution des notes risque souverain et plafond pays
Ris que pays Ris que souverain Plafond pays
RP1
RC1
RP2
RC2
BB
BB-
B+
RC3
3b 4b
4c
RP3
3c
RC4
5
RC5
RP4
4a
RC6
mai-15 mai-16 mai-17 mai-18 mai-19 mai-20 mai-21 mai-22 mai-23 mai-15 mai-16 mai-17 mai-18 mai-19 mai-20 mai-21 mai-22 mai-23
21
ENVIRONNEMENT POLITIQUE ET SOCIOECONOMIQUE
Contexte politique et gouvernance publique : La situation politique Une situation sociale, sécuritaire et humanitaire
au Burkina Faso est extrêmement instable, comme l’illustrent les alarmante
coups d’Etat militaires successifs de janvier et septembre 2022. Ces 2,5 25%
putschs s’inscrivent dans un environnement sécuritaire dégradé, le
2 20%
pays faisant face depuis 2016 à une recrudescence d’attaques
terroristes dans les régions du nord et l’est, qui se sont 1,5 15%
progressivement étendues à l’ensemble du territoire. Celles-ci ont
provoqué une crise humanitaire sans précédent (15 000 morts civils 1 10%
peinent à maîtriser la situation sécuritaire. Par ailleurs, si les autorités Déplacés internes (millions de personnes, éch gauche)
Insécurité alimentaire sévère (% population, éch droite)
se sont initialement engagées vis-à-vis de la CEDEAO à organiser des
élections d’ici juillet 2024, le gouvernement a annoncé en septembre Sources : UNHCR, FAO, calculs ECO
2023 ne pas en faire la « priorité » du moment et ont ouvert la voie à un changement de constitution. Enfin, à la fois la
nature du pouvoir militaire non-démocratique et le positionnement géopolitique des autorités (rapprochement avec
la Russie) écartent le Burkina Faso de ses partenaires politiques et économiques traditionnels. Le soutien des bailleurs
(sous forme de dons et de prêts) aurait ainsi été ramené de 5,6% du PIB en 2021 à 2,6% du PIB en 2023.
Indicateurs socioéconomiques: Le Burkina Faso est l’un des pays les moins développés et les plus pauvres au monde.
Le PIB par habitant en PPA est inférieur de 40% à la moyenne de l’Afrique subsaharienne et ne dépasse pas 900 USD
courants, la convergence étant notamment freinée par une importante croissance démographique (2,8% par an). Un
tiers de la population vit sous le seuil d’extrême pauvreté (2,15 USD PPA par jour). Le pays est à la 184 e place sur 190
pays en matière d’IDH, avec des indicateurs de développement humain et social dégradés : l’espérance de vie, à 59
ans, diminue depuis 2018, le taux de mortalité infantile demeure élevé à 52‰ et le taux d’alphabétisation reste faible
(46% des adultes). Enfin, la conjonction des chocs exogènes depuis 2020, la dégradation de la situation sécuritaire et
une performance agricole volatile tirent l’insécurité alimentaire vers le haut : alors que 12% de la population était en
situation d’insécurité alimentaire sévère en 2017, le taux atteignait 24% en 2022 selon la FAO.
22
FINANCES PUBLIQUES
Comptes publics : Les finances publiques sont caractérisées par un Un objectif ambitieux d’ajustement budgétaire
faible niveau de recettes budgétaires (en particulier fiscales) et une après des déficits records
structure des dépenses rigides (la masse salariale absorbe 50% des 0% 35%
recettes). Ces dernières ont fortement augmenté ces dernières -2% 30%
années (de 23% du PIB en 2019 à 32% du PIB en 2022), sous le coup 25%
-4%
de la réponse à la crise sanitaire, de la hausse des subventions et
20%
transferts (+3 points de PIB entre 2021 et 2022, à 9,3% du PIB) en lien -6%
15%
avec l’inflation, et de la détérioration de l’environnement sécuritaire. -8%
Le déficit public est ainsi passé de 3,4% du PIB en 2019 à un record 10%
-10%
historique de 10,7% du PIB en 2022 (de loin le plus élevé de l’UEMOA). 5%
2008
2009
2010
2011
2012
2013
2014
2015
2016
2017
2018
2019
2020
2021
2022
2023
2024
banques régionales. La diminution du soutien des bailleurs à partir de
2022 et les tensions en matière de coût et de liquidité sur le marché Solde budgétaire (% du PIB, éch gauche)
Recettes budgétaires (% du PIB, ech droite)
régional ont conduit le FMI à octroyer un programme de quatre ans Dépenses publiques (% du PIB, ech droite)
(2023-2027) de 300 M USD. Celui-ci a pour objectif de catalyser les Sources : FMI (WEO), calculs ECO
financements des autres bailleurs et d’accompagner un ajustement
Une dette publique en hausse, tirée par de
budgétaire. Celui-ci est ambitieux dans la mesure où il vise
l’endettement local et régional
notamment à réduire les dépenses de 32% du PIB en 2022 à 25% en 70%
2027 (notamment par une réduction drastique des transferts et
subventions) et à accroître les recettes d’un peu plus de 2 points de 60%
pèse sur le profil de soutenabilité de la dette dans la mesure où elle Sources : FMI (WEO), calculs ECO
est émise à des maturités plus courtes et à des taux plus élevés (taux
effectif moyen de 7% sur la dette en monnaie locale contre 1,2% sur la dette en devises). Cette évolution, conjuguée
à la hausse des déficits publics, accroît le besoin de financement public, passé de 10% du PIB en moyenne jusqu’en
2019 à une estimation de 14% en 2023, alors que les sources de couverture sont incertaines. Le risque de
surendettement externe reste encore modéré selon le FMI, grâce à la part importante de dette multilatérale (le service
de la dette publique externe ne dépasse ainsi en 2023 et 2024 pas 1,4% du PIB soit 250-300 M USD). Toutefois, les fortes
incertitudes sur la trajectoire de consolidation budgétaire et sur les capacités de financement de l’Etat sont sources
de préoccupation, le programme FMI étant particulièrement optimiste sur les hypothèses retenues.
est adéquat (le CAR est passé de 11% en 2015 à 14% fin 2022), celui-ci Sources : FMI (IFS), BCEAO, calculs ECO
présente plusieurs fragilités. Le taux de PNP a progressivement diminué
(de 8,9% en 2015 à 5,6% fin 2022) et leur provisionnement s’est amélioré (de 67% à 80% sur la période), mais l’impact
des crises successives sur la qualité de l’actif est incertain. De plus, le faible nombre de données disponibles, fiables,
récentes et détaillées sur le système bancaire ne permet qu’une compréhension limitée du risque porté par le secteur.
L’activité de crédit est par ailleurs fortement concentrée (les prêts aux cinq expositions les plus importantes
représentent 80% des fonds propres). Enfin, la hausse des besoins de financement de l’Etat depuis 2020 conduit à une
exposition croissante des banques au risque souverain (le FMI estime que les titres publics représentent 25% de l’actif
consolidé des banques), ce qui contraint le crédit au secteur privé et pourrait accroître le risque systémique.
23
COMPTES EXTERNES
Balance des paiements : La hausse de la production et des cours de Diminution des transferts et baisse de la
l’or (80% des exportations) a permis de dégager des excédents production d’or pèsent sur le solde courant
commerciaux à partir de 2016 et de contribuer à une réduction du
12%
déficit courant, jusqu’à afficher un excédent record de 4,3% du PIB en
2020. Toutefois, la conjugaison de la hausse des prix des importations 8%
(+22% en valeur nominale) et de la crise sécuritaire (diminution de la 4%
production d’or dans les zones de conflit) a conduit à une réduction
% du PIB
du solde commercial (à son plus faible niveau depuis 2016) et à un 0%
CLIMAT
Climat : Comme les autres pays du Sahel (où il est estimé que le Un impact potentiellement élevé du
réchauffement y sera 50% plus élevé que celui observé au niveau changement climatique sur le niveau de PIB
mondial), le Burkina Faso est fortement exposé aux conséquences du
Scénario optimiste Scénario pessimiste
changement climatique : sécheresses, variabilité accrue des Ecart au PIB 2050 Ecart PIB 2050
précipitations, vagues de chaleur, dégradation des sols. Le pays est 0
travail, de l’effet sur les infrastructures (impact des inondations sur les -5
routes et ponts) et d’une diminution des rendements des cultures -6
pluviales (78% de la valeur ajoutée de l’agriculture). Le changement
-7
climatique devrait, pour les mêmes raisons, avoir un impact élevé sur Infrastructures Productivité du travail
Rendement des cultures pluviales Autres
la sécurité alimentaire et les équilibres sociaux et géographiques d’un Perte annuelle de PIB (%)
territoire déjà sous tension. Les besoins en matière d’adaptation (sur
Sources : BM (CCDR), calculs ECO
base des actions prévue dans les CDN) s’élèvent à 2% du PIB par an,
ce qui représente toutefois plus du tiers de l’investissement (domestique et externe) actuel.
Transition bas-carbone : Le Burkina Faso n’émet que 0,1% des émissions de GES au niveau mondial, et le niveau
d’émission par habitant est près de 10 fois inférieur à la moyenne mondiale. Le risque de transition existe cependant
et ne peut être négligé. D’abord parce que la production électrique repose à 70% sur les hydrocarbures et que les
émissions provenant du secteur électrique sont appelées à s’accroître avec l’électrification du pays (qui ne concerne
que 20% de la population à date). Ensuite parce que près de la moitié des émissions de GES proviennent de l’utilisation
des sols et de l’agriculture, qui emploie les trois quarts de la population en âge de travailler. Enfin parce que le pays
ne dispose pas de stratégie forte et contraignante, outre les axes généraux et projets particuliers identifiés dans les
CDN, de verdissement de son économie (qui ne figure pas, au regard de la situation politico-sécuritaire, parmi les
priorités du gouvernement) et que les sources de financement pour accompagner la transition sont limitées.
24
Fiche risque pays ISR/ECO – novembre 2023
Alix Vigato
Cameroun (vigatoa@afd.fr)
Risque pays : RP3b Risque souverain : RC4c Risque T&C : 3 crans (éq. BB-)
Paul Biya (90 ans) dirige le Cameroun depuis 1982. Alors que la pauvreté et les inégalités ne reculent que lentement,
le risque sociopolitique est accentué par le conflit dans les régions anglophones et par les menaces sécuritaires
externes (incursions islamistes au nord, instabilité en Centrafrique voisine). Bien qu’élevé, le risque pays s’améliore
tendanciellement. Alors qu’elle devrait croître de 4,0 % en 2023, l’économie camerounaise – la plus diversifiée de la
CEMAC – présente des perspectives globalement positives et son taux de croissance devrait progressivement
accélérer jusqu’à atteindre près de 5 % à moyen terme, portée par le développement de nouvelles infrastructures,
une hausse des productions gazière et agricole et la mise en œuvre de réformes structurelles. Sur le plan des
comptes publics, le niveau d’endettement est modéré (42 % du PIB projeté fin 2023) mais il a fortement progressé
entre 2014 et 2021, d’où un risque souverain élevé. De conséquents et coûteux emprunts ont en effet été souscrits
sur cette période, auprès de la Chine, de créanciers privés internationaux et du secteur bancaire local notamment,
dégradant le profil d’endettement. De plus, la gestion des finances publiques est chroniquement entravée par une
mauvaise exécution budgétaire, des entreprises d’Etat peu productives, des dépenses extrabudgétaires et
l’accumulation d’arriérés. A l’été 2023, S&P et Moody’s ont ainsi dégradé la note souveraine du Cameroun suite à
des retards de paiement (à respectivement CCC+ et Caa1). Des efforts de consolidation et de transparence sont
toutefois observés sous l’impulsion du programme FMI conclu en 2021 (baisse des subventions aux carburants en
particulier), et le ratio d’endettement public a entamé une timide décrue. Les comptes extérieurs sont
structurellement déséquilibrés et la reconstitution des réserves de change est lente, mais ces risques apparaissent
modérés par l’appartenance du Cameroun à la CEMAC, lui conférant un risque faible de transfert et convertibilité.
Evolution de la note risque pays Evolution des notes risque souverain et plafond pays
Risque pays RC1
Risque souverain Plafond pays
RP1
RC2
RP2
RC3
BB-
3b 4b
RC4
4c
RP3
RC5
RP4
RC6
mai-15 mai-16 mai-17 mai-18 mai-19 mai-20 mai-21 mai-22 mai-23 mai-15 mai-16 mai-17 mai-18 mai-19 mai-20 mai-21 mai-22 mai-23
25
ENVIRONNEMENT POLITIQUE ET SOCIOECONOMIQUE
Contexte politique et gouvernance publique : Au pouvoir depuis Le PIB par tête (USD PPA) camerounais
1982, Paul Biya est à la tête d’un système politique verrouillé et sourd ne progresse que très lentement
à toute contestation. Réélu pour un 7e mandat en 2018, le président 7500
USD PPA
règne » nourrit, par conséquent, d’intenses spéculations. Depuis
octobre 2016, les régions anglophones de l’Ouest du pays 3000
commerce et du secteur agricole (cacao, café, coton, fruits) ainsi bulles représente le
poids moyen du secteur
Commerce
que sur le développement de la filière sylvicole, tirée par les 0,8 dans le PIB
26
FINANCES PUBLIQUES
Comptes publics : La gestion des finances camerounaises est Le solde budgétaire se rapproche
chroniquement entravée par une mauvaise exécution budgétaire, tendanciellement de l’équilibre
22
des entreprises publiques peu productives, des dépenses
0
extrabudgétaires et l’accumulation d’arriérés. Les comptes publics
20
sont ainsi structurellement déséquilibrés (déficit de 4,2 % du PIB,
moyenne 2015-2019) en raison de la faiblesse des recettes -2
18
% du PIB
budgétaires (omniprésence du secteur informel) qui sont
insuffisantes pour couvrir le niveau des dépenses. Entre 2014 et 2020, -4
16
les recettes pétrolières (20 % du total) ont, en outre, souffert de la
faiblesse du prix du baril, tandis que les tensions sociopolitiques -6 14
entravent la collecte de l’impôt et induisent une hausse des
dépenses de sécurité. Porté par les efforts de consolidation mis en -8 12
2010 2012 2014 2016 2018 2020 2022 2024
œuvre dans le cadre de deux programmes FMI (2017-2020 et 2021-
Solde budgétaire (ech. g.)
2024), le solde budgétaire se rapproche néanmoins Recettes (ech. d.)
tendanciellement de l’équilibre. A court terme, l’accélération de la Dépenses (ech. d.)
Sources : Ministère des finances, FMI, calculs ECO
croissance économique et la mise en œuvre de nouvelles mesures
devraient permettre une nette contraction du déficit (-0,8 % du PIB projeté en 2023). La progressive réduction des
subventions aux carburants jusqu’à l’atteinte de prix de marché (première hausse des prix de 21 % en février 2023) et
la restructuration d’entreprises publiques permettraient, en particulier, de dégager des recettes budgétaires et de
réduire la vulnérabilité des dépenses aux chocs externes. En contrepartie de ces mesures d’austérité, le salaire
minimum (+16 %) et le salaire des fonctionnaires (+5 %) ont récemment été rehaussés.
Endettement public : Après avoir bénéficié d’un allègement de Le ratio d’endettement public a rapidement
dette au cours des années 2000, le Cameroun s’est rapidement ré- progressé entre 2014 et 2021
50%
endetté afin de financer des investissements dans le secteur non-
45%
pétrolier. Le ratio d’endettement public – s’il demeure modéré – a
40%
ainsi nettement progressé à partir de 2014 jusqu’à un pic en 2021,
35%
passant de 21 % à 47 % du PIB. Sur la période, l’Etat camerounais a
30%
souscrit de conséquents et couteux emprunts externes (Chine et
% du PIB
25%
créanciers privés notamment) tout en mobilisant, dans une moindre
20%
mesure, le secteur bancaire local. La forte croissance de la dette
15%
combinée à des conditions d’endettement peu favorables ont in
10%
fine conduit le FMI à requalifier le risque de surendettement du
5%
Cameroun, d’initialement « faible » à « modéré » (2014) puis « élevé »
0%
(2015). Sous l’impulsion des mesures de consolidation budgétaire 2007 2009 2011 2013 2015 2017 2019 2021 2023
adoptées à partir de 2017, la croissance de l’endettement a Domestique Multilatéraux Club de Paris
toutefois sensiblement ralenti. Les risques associés au profil de la Chine Créanciers privés Autres externes
dette publique se sont, en outre, fortement atténués depuis Sources : Banque mondiale, FMI, CAA, calculs ECO
l’émission d’un eurobond (685 M EUR) à des conditions favorables à l’été 2021. Par conséquent, le FMI se montre
optimiste quant à l’orientation des finances du Cameroun, et estime que le ratio d’endettement public devrait
poursuivre sa décrue et passer sous la barre des 40 % du PIB dès 2024. A noter toutefois qu’en raison de divers retards
de paiement en 2022 (en particulier vis-à-vis de la filiale espagnole de Deutsche Bank), S&P et Moody’s ont dégradé
la note du souverain camerounais à l’été 2023 (respectivement à CCC+ et Caa1, contre un maintien à B pour Fitch).
20%
Secteur financier : Si le secteur financier camerounais détient près de
15%
la moitié des actifs de la zone CEMAC, il apparaît peu inclusif, avec
seulement 52 % de la population ayant accès à des services financiers 10%
formels en 2021 (Banque mondiale). Le crédit au secteur privé est 5%
également très faible, atteignant 14 % du PIB en 2022 – contre environ
0%
25 % en moyenne en Afrique subsaharienne – et ne progresse plus 2004 2007 2010 2013 2016 2019 2022
depuis 2014 (FMI). Les indicateurs de rentabilité, liquidité et Côte d'Ivoire Sénégal
Kenya Afrique subsaharienne
capitalisation du secteur bancaire camerounais se maintiennent à CEMAC Cameroun
des niveaux satisfaisants et ont globalement bien résisté à la baisse Sources : FMI, calculs ECO
des cours des matières premières à partir de 2014 puis à la pandémie.
En revanche, le taux de prêts non performants a progressé ces dernières années et demeure à un niveau élevé (13,0 %
fin 2022, après un pic à 14,2 % mi-2022). De plus, la hausse des besoins de financement des Etats de la CEMAC depuis
2014 a conduit les banques de la région à sensiblement augmenter leur exposition aux souverains d’Afrique centrale
(à hauteur de 35 % des actifs fin 2022 selon le FMI), renforçant le risque systémique. Le Cameroun a, par ailleurs, été
ajouté à la liste grise du GAFI en 2022 du fait de lacunes en matière de LCB/FT.
27
COMPTES EXTERNES
Balance des paiements : Bien que l’économie camerounaise soit Les exportations de biens se composent quasi-
relativement diversifiée, les hydrocarbures continuent de représenter exclusivement de matières premières
près de la moitié des exportations de biens, et le pays exporte, plus
globalement, quasi-exclusivement des matières premières. Le solde 5
CLIMAT
Climat : Bien qu’essentiellement tropical, le climat du Cameroun présente une poche équatoriale au sud-ouest et
devient de plus en plus aride à mesure que l’on progresse vers la bande sahélienne au nord. Si le pays est, pour l’heure,
relativement peu exposé aux effets du changement climatique, il présente de nombreuses fragilités, au premier lieu
desquelles la perturbation de son régime de précipitations. Dans les régions du nord, cela se traduit notamment par
des phénomènes conjoints de violentes crues et de désertification des terres, d’où une intensification des tensions pour
l’approvisionnement en eau et des effets dévastateurs pour le secteur agricole (un quart de la population étant
chroniquement en situation d’insécurité alimentaire sévère, FAO). Plusieurs régions sont également sujettes à des
glissements de terrain et à de violentes inondations, dont les effets sont amplifiés par l’urbanisation rapide et peu
réglementée du pays, induite notamment par la pression démographique et l’exode rural. Enfin, la montée du niveau
marin est un enjeu sensible pour les villes côtières, dont la capitale économique Douala (3,8 millions d’habitants).
Transition bas-carbone : Les Camerounais ont émis 4,8 tonnes La production pétrolière camerounaise
d’équivalent CO2 par habitant en 2020, un niveau 20 % inférieur à la décline depuis un pic atteint en 1985
200
moyenne mondiale (6,1 teqCO2, Climate Watch). Le pays apparaît
vulnérable au risque de transition bas-carbone dans la mesure où il 180
continue de s’appuyer sur son secteur pétrolier (bien qu’en déclin, 160
Milliers de barils par jour
28
Fiche risque pays ISR/ECO – novembre 2023
Morgane Salomé
République du Congo (salomem@afd.fr)
Risque pays : RP4a Risque souverain : RC6a Risque T&C : 3 crans (éq. B+)
Le risque pays reste très élevé, bien qu’en amélioration ces derniers mois. La mainmise sur le pouvoir par Denis
Sassou-Nguesso, président sans discontinuer depuis 1997 et réélu en mars 2021 pour un nouveau mandat de cinq
ans, s’est confirmée lors des législatives de juillet 2022. Malgré des défis socioéconomiques de taille (chômage,
pauvreté, inégalités, insécurité alimentaire), le risque sociopolitique semble contenu à ce stade. L’économie, très
dépendante du pétrole, bénéficie en 2023 de la reprise de la production pétrolière, après la signature courant 2022
de nouveaux contrats sur le partage de la production. Après avoir finalement peu augmenté en 2022 malgré la
hausse des cours (1,8 %, après 1,1 % en 2021), la croissance se rapprocherait ainsi de son potentiel en 2023 (4 %). Le
pays continue d’afficher des excédents budgétaire et courant (tous deux attendus à 4 % du PIB), même si ces
derniers sont en baisse par rapport à 2022 en raison de la modération des prix du pétrole. Alors que l’approbation
de la 2nde revue du programme FMI (FEC de 455 M USD sur 3 ans) avait été reportée et conditionnée à l’adoption
par les autorités d’une loi de finances rectificative pour 2023, la 3e revue a été approuvée en juillet 2023 sans retard
mais prend note de la faible performance du programme. Le Congo présente un risque souverain très élevé. Il reste
classé en « détresse de dette » selon le la dernière AVD du FMI (juillet 2023) compte tenu de la persistance d’arriérés
externes, qui s’affichent toutefois en baisse (à hauteur de 3,5 % du PIB, essentiellement vis-à-vis de créanciers
commerciaux). Néanmoins, la dette est considérée comme soutenable. Après avoir explosé à compter de 2010
jusqu’à atteindre un pic à 103 % du PIB, elle s’inscrit depuis 2021 sur une trajectoire baissière. Les réserves en devises
de la CEMAC ont augmenté en 2022, même si elles restent fragiles à ce stade, tandis que l’arrangement monétaire
de la Zone franc continue de conférer au Congo un risque de T&C faible.
Evolution de la note risque pays Evolution des notes risque souverain et plafond pays
Risque pays Risque souverain Plafond pays
RC1
RP1
RC2
RP2
RC3
B+
3c 4b
RC4
4a
RP3
5
RC5
6a
RP4
RC6
4a
mai-15 mai-16 mai-17 mai-18 mai-19 mai-20 mai-21 mai-22 mai-23 mai-15 mai-16 mai-17 mai-18 mai-19 mai-20 mai-21 mai-22 mai-23
29
ENVIRONNEMENT POLITIQUE ET SOCIOECONOMIQUE
Contexte politique et gouvernance publique : Indépendant depuis Un PIB par habitant inférieur depuis 2019 à la
1960, le Congo a connu une histoire politique mouvementée, moyenne d’Afrique subsaharienne
marquée notamment par deux guerres civiles dans les années 1990. Si 8000
le multipartisme est en vigueur depuis 1991, la corruption, les soupçons
réguliers de fraudes électorales et les indicateurs de gouvernance 7000
dégradés témoignent de l’absence de crédibilité du processus
6000
démocratique. Le Congo est donc de facto un régime autoritaire,
USD PPA
dirigé d’une main ferme par Denis Sassou-Nguesso, président de 1979
5000
à 1992 puis sans discontinuer depuis 1997. Après sa réélection en mars
2021 pour un nouveau mandat de cinq ans, avec 88 % des suffrages 4000
exprimés, le résultat des élections législatives de juillet 2022 a confirmé
sa mainmise sur le pouvoir. Ce résultat a toutefois été suivi d’un léger 3000
l’activité pétrolière). Le Congo possède toutefois certains atouts Agriculture Industrie Services
pouvant lui permettre de diversifier son économie, notamment des Sources : BM (WDI), calculs ECO
réserves de gaz naturel, des ressources minières abondantes, un
important bassin forestier et un potentiel hydroélectrique considérable.
Régime de croissance : Si un cycle favorable a permis au Congo
Une croissance en hausse en 2023, grâce à une
d’enregistrer une croissance assez soutenue entre 2000 et 2014 reprise de la production pétrolière
(+3,5 % en moyenne sur 2000-2009, puis +5,6 % sur 2010-2014), la 15
chute des cours du pétrole et la forte baisse des investissements
dans le secteur pétrolier à partir de 2014 ont plongé le pays dans 10
une profonde récession, de 4,8 % en moyenne sur 2015-2019. En
2020, l’économie congolaise a largement pâti du double choc 5
(sanitaire, chute des cours du pétrole), avec une contraction de
6,2 % de son activité en glissement annuel. En 2021, le Congo a
0
connu une croissance positive (+1,1 %), sous l’effet d’une 2000 2003 2006 2009 2012 2015 2018 2021 2024
progression de l’activité hors pétrole et malgré la contraction de
-5
l’activité pétrolière. En 2022, la croissance a été plus faible
qu’attendu initialement (1,8 % selon le WEO d’octobre, contre
-10
2,8 % anticipé dans le WEO d’avril), en raison d’un ralentissement Taux de croissance (%) TCAM (%)
de la production pétrolière (désaccords entre Etat et acteurs du
secteur). Elle est néanmoins repartie à la hausse en 2023 (attendue Sources : FMI (WEO), calculs ECO
à 4,0 %, soit au niveau de son potentiel), suite à la signature en 2022
de nouveaux contrats sur le partage de la production et se stabiliserait en 2024.
30
FINANCES PUBLIQUES
Comptes publics : La dépendance au pétrole (80 % des recettes Un solde budgétaire revenu à l’excédent en
budgétaires) est matérialisée par le caractère procyclique du 2021, grâce à la hausse des cours pétroliers
solde budgétaire, fortement corrélé à l’évolution des cours. Les 30 60
déficits publics très élevés en 2014-2016 (-14,7 % du PIB en
moyenne), enregistrés suite à la fin du super-cycle des matières 20
50
concessionnelle (la moitié de la dette publique externe). En raison Sources : FMI (WEO), calculs ECO
d’arriérés externes qui subsistent, bien qu’en baisse (3,5 % du PIB en
février 2023, vis-à-vis essentiellement de créanciers commerciaux, contre 4,4 % du PIB en février 2022), le Congo reste
en « détresse de dette » selon la dernière AVD du FMI (juillet 2023), même si la dette est par ailleurs jugée soutenable.
31
COMPTES EXTERNES
Balance des paiements : Le pétrole comptant pour 80 % des Une balance des transactions courante
exportations de biens, le solde des transactions courantes, lui aussi, est fortement volatile et liée à l’évolution des cours
structurellement lié à l’évolution des cours et donc très volatil. Il a ainsi 40
souffert de la faiblesse des prix du baril entre 2014 et 2020 (-7,5 % du
PIB en moyenne sur la période), avant d’enregistrer un net rebond en
20
2021 (excèdent de 14,2 % du PIB, après 12,3 % du PIB en 2020), qui s’est
accentué en 2022 (19,4 % du PIB). Le solde courant resterait
0
excédentaire en 2023 (prévision à 4,0 % du PIB), bien qu’en fort recul,
sous l’effet de la baisse des recettes d’exportations de pétrole et de
la hausse des importations en lien avec les investissements non -20
CLIMAT
Climat : Le Congo apparaît fortement exposé et extrêmement mal préparé au changement climatique : selon le ND-
GAIN, le pays se classe, en 2023, 152e sur 185 pays en termes de vulnérabilités et 185e sur 192 pays en termes de
capacité d’adaptation. Le changement climatique se traduit notamment par des épisodes d’inondations de plus en
plus fréquents et dévastateurs. Ainsi, les violentes inondations de fin 2019 ont fait 200 000 sinistrés selon les autorités et
ont conduit le gouvernement à déclarer l’état de catastrophe naturelle et d’urgence humanitaire. La multiplication
des épisodes de fortes pluies se traduit aussi par des érosions des sols de plus en plus fréquentes, en particulier dans les
zones urbaines de Brazzaville et de Pointe-Noire. Sur le plan économique, l’agriculture apparaît comme le secteur le
plus exposé au risque physique climatique, compte tenu de sa dépendance vis-à-vis de la pluviométrie.
Transition bas-carbone : Les Congolais n’ont émis que 1,3 tonne de Des émissions de gaz à effet de serre qui restent
CO2 par habitant en 2019, un niveau légèrement supérieur à la faible, bien qu’en hausse ces dernières années
moyenne d’Afrique subsaharienne mais inférieur à celle des PRITI. 20 2
Le mix énergétique congolais est en partie carboné : 58 % 18
biomasse (bois de feu et charbon de bois), 31 % pétrole et 8 % gaz 16
1,5
naturel. Néanmoins, compte tenu de la forte dépendance du pays 14
au pétrole, les risques associés à la transition bas-carbone sont 12
importants : selon le FMI, cette dernière devrait se traduire, sur la 10 1
période 2022-2040, par des pertes en termes de recettes 8
budgétaires comprises entre 25 et 30 M USD par an et par des 6
0,5
pertes en termes d’exportations entre 90 et 110 M USD. Le pays 4
pourrait par ailleurs tirer profit de son rôle de « piège à carbone » : 2
32
Fiche risque pays ISR/ECO – novembre 2023
Laura MARIE
Côte d’Ivoire (mariel@afd.fr)
Risque pays : RP3b Risque souverain : RC4a Risque T&C : 3 crans (éq. BB+)
Le risque pays de la Côte d'Ivoire demeure élevé. Le pays connait une normalisation progressive de son climat
politique, visible lors des dernières élections de septembre 2023 organisées avec la participation historique de tous
les partis d’opposition, facilitée par la présence faîtière de son Président A. Ouattara, au pouvoir depuis 2011, dont
le bilan économique positif contribue à sa popularité. La croissance économique ivoirienne demeure
particulièrement robuste à l’épreuve des chocs successifs (crise du Covid-19, guerre en Ukraine, sur fond de
ralentissement économique global), s’établissant autour de 6-7% depuis 2021, mais celle-ci apparaît peu inclusive
et les indicateurs sociaux restent très faibles. Le risque souverain est élevé. Le creusement des déficits budgétaires
depuis 2020, conséquence directe des mesures de soutien aux ménages (maintien des prix alimentaires et
hydrocarbures), ont alourdi la dette publique, qui représenterait 59,3% du PIB en 2023 (+22pp par rapport à la
période pré-Covid). Le risque de surendettement était néanmoins toujours jugé modéré malgré deux dépassements
de seuil de l’indicateur service de la dette publique/recettes en 2024 et en 2025, avec des marges de manœuvre
limitées selon le FMI (juin 2023). Le réalisme et le bon engagement des autorités dans le programme conclu en mai
dernier avec le FMI (FEC et MEDC de 3,5 Mds USD sur 40 mois axé sur la mobilisation des ressources intérieures),
confirmés en off lors de la première revue de septembre, est de nature à rassurer sur le retour à un excédent primaire
dès 2025. Le déficit du compte courant s’est creusé en 2022 (6,5% du PIB) du fait de l’impact de la guerre en Ukraine
sur la balance commerciale, et devrait rester élevé en 2023 (4,7% du PIB). Le besoin de financement externe sera
néanmoins comblé par les bailleurs internationaux (effet catalyseur du programme FMI) et soulagé à terme par une
reprise graduelle des IDE. Le risque de transfert et convertibilité reste faible en raison de l’appartenance à l'UEMOA.
Evolution de la note risque pays Evolution des notes risque souverain et plafond pays
RC2
BB+
RP2
RC3
4a
3b
RC4
RP3
3c 4b
RC5
RP4
RC6
mai-15 mai-16 mai-17 mai-18 mai-19 mai-20 mai-21 mai-22 mai-23 mai-15 mai-16 mai-17 mai-18 mai-19 mai-20 mai-21 mai-22 mai-23
33
ENVIRONNEMENT POLITIQUE ET SOCIOECONOMIQUE
Contexte politique et gouvernance publique: Les premières élections Le taux de pauvreté demeure élevé malgré
multipartites ont lieu en 1995, deux ans après la disparition de Félix les bonnes performances économiques
Houphouët Boigny, qui avait occupé une place centrale dans la vie 70
politique ivoirienne depuis l’indépendance du pays en 1960. La Côte
60
d’Ivoire, qui subit en 1994 la dévaluation du FCFA, voit son climat
politique se dégrader. Le coup d’Etat militaire de 1999 enlise le pays dans 50
une décennie de conflit militaire, marquée par la partition du pays en 40
deux zones dès 2002. Si un accord de paix est signé en 2007, A. Ouattara
30
et L. Gbagbo se déclarent tous deux vainqueurs de l’élection
présidentielle de 2010. Ce n’est qu’en 2011, après une grave crise 20
2015
2016
2017
2018
2019
2020
2021
2022
2023
2024
2009
2010
2011
2012
2013
2014
34
FINANCES PUBLIQUES
Comptes publics : Depuis 2012, les autorités ont augmenté la part
La consolidation budgétaire est mise à mal par
d’investissement public dans le cadre du PND, se traduisant par des
les effets de la guerre en Ukraine
dépenses d’investissement public annuelles à ~5/6% du PIB en
0 25
moyenne. Si le déficit budgétaire est repassé sous la barre des 3% du
PIB établie par l’UEMOA en 2018, les chocs répétés (crise Covid-19 puis
guerre en Ukraine), ont dégradé à nouveau l’équilibre budgétaire. Le -2
20
déficit a atteint 6,8% du PIB en 2022 (+1,9pp par rapport à 2021) en lien
avec les mesures compensatoires liées à la guerre en Ukraine 15
35
COMPTES EXTERNES
Balance des paiements : La balance commerciale des biens, Les équilibres extérieurs, fortement dégradés
excédentaire (+2,4% en 2023), repose en grande partie sur les depuis 2019, tendraient à s’améliorer, grâce à
exportations de cacao et de pétrole (respectivement 30% et 18,5% la forte remontée des cours du cacao
des recettes d’exportations en 2022), ce qui l’expose aux variations
des cours des matières premières. Sa dépendance aux importations 10 200
consolider sa position extérieure. Sources : FMI (WEO, articles IV), S&P, calculs ECO
Soutenabilité et liquidité externes : La dette publique en devises s’élève à 31,4% du PIB en 2022, tandis que la dette
externe totale est estimée à 40,2% du PIB en 2022. La zone UEMOA a assisté à un amenuisement important de ses
réserves consolidées, en raison des chocs consécutifs depuis 2020 (crise du Covid-19, impacts de la guerre en Ukraine),
qui atteignent 3,6 mois d’importation à fin août 2023, alors que le niveau cible de la zone s’établit à 6 mois. La
fragilisation de la position extérieure de la Côte d’Ivoire est principalement liée à l’inflation importée subie (y compris
sur les denrées alimentaires, les produits pétroliers – lié au choc inflationniste global et accentué par la dépréciation
du FCFA vis-à-vis de l’USD) et des performances à l’export plus moroses (excédent commercial en baisse). Compte
tenu d’un besoin de financement externe élevé et croissant du fait du creusement du déficit courant couplé à une
hausse du service de la dette externe (2,8% du PIB en 2023, 3,5% en 2024), les autorités ont fait appel au FMI pour un
programme d’ampleur (400% du quota, 3,5 Mds USD, soit 5 fois plus que les précédents programmes). Ce programme,
qui met la lumière sur les difficultés externes aigües du pays, permettra de catalyser les financements d’autres bailleurs.
Transfert et convertibilité : Le régime de change au sein de la zone est fixe, ancré à l’euro. La crédibilité de ce régime
de change est assurée par (i) la garantie de convertibilité illimitée que la France offre à la Banque centrale (BCEAO)
(i.e. découvert en euros, sans limite et sans conditionnalité en cas d’épuisement des réserves de change), et (ii) le fait
qu’un changement de parité ne peut intervenir qu’avec l’accord unanime de toutes les économies de la zone et de
la France et non sur simple décision individuelle. Ces caractéristiques apportent un environnement stable pour les
investisseurs internationaux dans la mesure où le régime de change fixe réduit significativement le risque de change.
CLIMAT
Climat : La Côte d’Ivoire est exposée au changement climatique et L’émission de CO2 (globale et par tête) en
son économie, qui repose en grande partie sur la production et Côte d’Ivoire est relativement faible
l’exportation de produits agricoles, est particulièrement vulnérable 1400 Mns/t 10
aux aléas climatiques (modification de la pluviométrie, sécheresses 9
Emissions de GES (Mns/t)
liées au phénomène El Niño, érosion côtière etc.). Son classement 1200 Mns/t
Ech. G 8
ND-GAIN, qui mesure sa vulnérabilité croisée à ses capacités de 1000 Mns/t Emissions par tête de GES 7
préparation, classe le pays à la 137e place au niveau mondial. (tonnes) éch. D
6
800 Mns/t
L’expansion de la filière cacao en Côte d’Ivoire s’est faite au
5
dépend de la préservation de ses couverts forestiers, ceux-ci ne 600 Mns/t
4
représentant plus que 9% du territoire en 2019 contre 50% en 1960.
400 Mns/t 3
Cette déforestation met en péril les puits de carbone naturels du
2
pays et affecte le soutenabilité des cultures, moyen de subsistance 200 Mns/t
1
majeur pour les populations rurales. La Côte d’Ivoire, qui s’est
0 Mns/t 0
engagé dans le cadre de l’initial REDD+ à protéger l’intégrité de ses Côte Ghana Nigeria Afrique Indonésie
forêts, doit adapter sa gouvernance climatique et accroître ses d'Ivoire du Sud
efforts pour réduire l’impact du changement climatique sur son Sources : Commission européenne (DG EDGAR)
territoire et sa population, dans la continuité des réformes engagées
(nouveau Code Forestier, initiative Cacao et Forêts etc.).
Transition bas-carbone : Les émissions de GES de la Côte d’Ivoire sont relativement faibles en comparaison mondiale
et le pays s’est engagé à réduire ses émissions de GES de 30,4% d’ici 2030. La Banque mondiale estime que le coût
total des investissements pour atteindre la cible visée dans la CDN représenterait 2% du PIB par an. Le pays devrait
être éligible au fonds fiduciaire pour la résilience et la durabilité (RST) du FMI d’ici à fin 2023, ce qui permettra
d’accélérer l’atteinte de cet engagement. L’économie du pays est relativement diversifiée et modérément exposée
aux industries en déclin dans un scénario de transition bas-carbone. La part des industries en déclin dans l’économie
ivoirienne est modérée (20% du PIB). Les industries en déclin (hydrocarbures, produits chimiques) produisent avant tout
des biens destinés à l’exportation (pétrole), tandis que le gaz naturel alimente les besoins électriques du pays. La mise
en exploitation récente de nouveaux gisements (Baleine) devrait retarder le pic de production gazière et pétrolière.
36
Fiche risque pays ISR/ECO – novembre 2023
Maxime Terrieux
Egypte (terrieuxm@afd.fr)
Risque pays : RP3b Risque souverain : RC4b4c Risque T&C : 1 cran (éq. B)
Les risque pays et souverain restent élevés et ne se sont pas améliorés malgré l’espoir qu’avait pu faire naître le
lancement du programme FMI début 2023. Les tensions sur la liquidité externe persistent, avec des implications
multiples, au premier rang desquelles des inquiétudes accrues sur le risque souverain. Si l’Etat devrait être en mesure
de faire face à ses échéances externes en 2024, ses marges de manœuvre se sont sensiblement réduites. La hausse
du risque souverain s’est matérialisée par les dégradations des trois agences de notations ces derniers mois. Pour
endiguer l’amenuisement des réserves, des restrictions aux importations ont été introduites, rappelant la propension
des autorités à instaurer divers contrôles, induisant un risque de T&C élevé et en hausse. Ces restrictions contribuent
à la réduction du déficit courant, attendu à -1,7% du PIB en 2023, mais freinent un peu plus une demande déjà en
berne dans un contexte d’inflation très élevée (35% en moyenne depuis janvier). La croissance devrait ainsi ralentir
à 3,9% en moyenne sur FY2023-2024, contre 6,7% en FY2022. Le secteur bancaire pourrait également être affecté,
avec une dégradation de sa solvabilité et de la qualité des actifs, alors que sa position nette de change est déjà
fortement négative. Si des avancées bienvenues ont été enregistrées sur le front des privatisations, le flottement de
la livre égyptienne (LE), condition sine qua non à la poursuite du programme FMI, se fait toujours attendre. Le
Président Sissi y est peu favorable, conscient de l’enjeu social (inflation), et donc politique, qu’il représente. Dans ce
contexte, l’élection présidentielle a été avancée à décembre 2023, en amont d’une nouvelle dévaluation et d’un
flottement désormais attendus au T1 2024. Ces engagements, s’ils sont remplis, ouvriront la voie à la validation des
revues et aux décaissements FMI (initialement prévus en mars et septembre 2023). Mais tout nouveau retard ne fera
qu’ajouter de l’incertitude et amplifier les risques d’une économie en crises successives depuis une décennie.
Evolution de la note risque pays Evolution des notes risque souverain et plafond pays
Risque pays RC1
Risque souverain Plafond pays
RP1
RC2
RP2
RC3
B+
B
3b 4c
RC4
RP3
4b
RC5
4c
RP4
RC6
mai-15 mai-16 mai-17 mai-18 mai-19 mai-20 mai-21 mai-22 mai-23 mai-15 mai-16 mai-17 mai-18 mai-19 mai-20 mai-21 mai-22 mai-23
37
ENVIRONNEMENT POLITIQUE ET SOCIOECONOMIQUE
Contexte politique et gouvernance publique: Après la courte
expérience démocratique sous les Frères musulmans en 2012-2013, Une convergence du PIB/hab au ralenti
les militaires reviennent au pouvoir dès 2014. Depuis, le régime 240 16 000
d’Abdel Fattah al-Sissi, plus répressif que celui de Moubarak (166e 200
sur 180 au classement 2023 de la liberté de la presse de Reporters 12 000
160
sans frontières), a renforcé sa mainmise sur la population grâce à
120 8 000
un discours ferme, la répression brutale de toute manifestation et
forme d’opposition, et les changements constitutionnels assurant 80
4 000
au Président actuel de rester en poste jusqu’en 2030. Le régime a 40
également bénéficié de la lassitude d’une population qui ne tient 0 0
pas à revivre la période révolutionnaire. Sa solidité s’est accrue lors 1990 1995 2000 2005 2010 2015 2020
de la crise de Covid-19, qui a permis à la fois un renforcement du Egypte/PRITI
contrôle de l’appareil sécuritaire à la faveur des mesures de Egypte/monde
Egypte/MENA (ho rs PRE)
distanciation sociale, et donné lieu à une expansion des dépenses
PIB/hab (PPA, U SD constants) - éch. Dte
sociales (élargissement de l’assiette des foyers les plus pauvres
Sources : BM (WDI), calculs ECO
bénéficiaires des programmes Takaful et Karama d’allocations en
espèces, hausse des retraites et des salaires des fonctionnaires,
etc.). Dans ce contexte, et malgré la crise économique et des indicateurs de gouvernance médiocres (27e centile le
plus faible des indicateurs BM), Sissi devrait remporter sans difficulté l’élection présidentielle de décembre 2023. La
faible participation à prévoir (41% lors de la dernière élection en 2018) ternira toutefois le plébiscite attendu. La
reconduction de son mandat devrait assurer une stabilité politique d’ensemble à moyen terme, que les manifestations
sporadiques d’une partie de la jeunesse ne devraient pas être de nature à remettre en cause. Le point de vigilance
à court terme viendra de la géopolitique externe : l’Egypte pourrait être directement affectée par le conflit entre le
Hamas et Israël voisin, même si elle pourrait aussi en ressortir grandie en jouant un rôle important de médiateur.
Indicateurs socioéconomiques: L’Egypte est une économie de la fourchette haute des pays à revenu intermédiaire
de la tranche inférieure (PRITI), qui peine toutefois à converger vers le niveau de vie moyen du reste du monde. En
effet, malgré la croissance économique assez robuste, la succession de crises économiques et politiques depuis une
décennie, ainsi qu’une croissance démographique toujours soutenue (~2% par an depuis trois décennies)
contraignent le rattrapage d’un pays aujourd’hui bloqué dans le piège des pays à revenu intermédiaire. La pauvreté
touche toujours près d’un tiers de la population, la classe moyenne a été compressée depuis 2016, rendant près d’un
autre tiers de la population à risque de retomber sous le seuil de pauvreté, et le chômage des jeunes (17,1% fin 2022)
atteint plus du double du reste de la population (7,2%). L’inflation à deux chiffres depuis 18 mois et qui ne fléchit pas,
et les risques sur la sécurité alimentaire sont des éléments supplémentaires susceptibles de déclencher des troubles
sociaux. Ceux-ci sont contenus à ce stade à la fois par la répression et par les programmes de subventions élargis
(deux tiers de la population bénéficient de pain subventionné) ou ciblés.
rente géopolitique) sont autant de freins structurels qui continuent Taux de croissance du PIB réel (%)
Taux de croissance annuel moyen (%)
de peser sur la croissance. Si elle est structurellement plutôt élevée
(croissance annuelle moyenne à 5% et 3,9% dans les années 2000 Sources : FMI (WEO), calculs ECO
et 2010 respectivement), elle est généralement inférieure à son
potentiel (~5,5-6%). Elle est en outre tirée par des projets intensifs en capital et donc peu inclusive, et crée
insuffisamment d’emplois pour absorber les 700 000 nouveaux entrants annuels sur le marché du travail.
Régime de croissance : Les réformes structurelles du programme FMI de 2016-2019 commençaient à porter leurs fruits
(croissance moyenne de 5% sur FY2017-19), mais la crise sanitaire a pesé sur la croissance en FY2020, essentiellement
à travers la chute du tourisme (-80% vs 2019). La consommation des ménages, principal moteur de croissance, a permis
une reprise dès le T3 2020, de sorte que l’Egypte est un des rares pays de la zone MENA à ne pas avoir enregistré de
récession sur FY2020-2021 (+3,4% en moyenne). Le rebond s’est poursuivi jusqu’en FY2022 (croissance de 6,7%), que les
répercussions de la guerre en Ukraine ont enrayé. La persistance de l’inflation depuis 18 mois, des taux d’intérêts très
élevés, les pénuries de devises et une confiance en berne pèsent désormais sur la demande interne. La croissance
aurait ainsi été limitée à 4,2% en FY2023, et dans un environnement très incertain, est projetée à 3,6% en FY2024.
38
FINANCES PUBLIQUES
Comptes publics : L’Égypte affiche un déficit budgétaire Les excédents primaires s’accumulent, mais le
structurellement élevé (au moins 10% du PIB entre FY2012 et FY2017) coût de la dette reste très élevé
mais a fourni des efforts substantiels de consolidation depuis le 2011 2013 2015 2017 2019 2021 2023
programme FMI de 2016-2019. Les subventions (dont celles au 4 35
2
carburant) ont notamment sensiblement baissé (-4,3pp en 4 ans), 0
30
augmenter les recettes et les rentrées de devises, ont été presque Solde budgétaire total (% PIB) - éch. G
Recettes publiques (% PIB) - éch. Dte
atteints : ventes pour 1,9 Mds USD (dont 1,6 en devises) contre une Dépenses publiques (% PIB) - éch. Dte
cible de 2 Mds USD à fin juin 2023. Toutefois, avec la hausse du taux Sources : FMI (WEO)
directeur, la charge d’intérêt continuera de peser lourdement sur le
budget, absorbant plus de 40% des recettes, de sorte que le solde public global devrait rester très élevé (-10,6% du PIB
en moyenne sur FY2024-2026).
Endettement public : L’endettement public, structurellement élevé, L’endettement public est stabilisé à un niveau
élevé
reste stabilisé autour de 90% du PIB. Les parts externes et en devises,
bien qu’en hausse ces dernières années suite au soutien du FMI et à 120
réussi à émettre un total de 1 Md USD d’obligations sur les marchés Dette publique en devises (% PIB)
chinois (taux à 3,5%, mais avec garanties BAD et AIIB) et japonais en Dette publique totale (% PIB)
septembre-octobre. Le souverain devrait pouvoir faire face à ses Sources : FMI (WEO, MEDC)
échéances en 2024, mais les marges de manœuvres se sont réduites :
le service de la dette publique externe absorbera près de 60% des réserves en devises, contre 20% en 2019. Le manque
d’avancées sur les réformes promises au FMI (notamment le flottement de la LE) augmente aussi les incertitudes. Ces
inquiétudes sont reflétées par les dégradations successives de la note souveraine par les 3 agences en moins de six
mois (Fitch et S&P en B-, et Moody’s en Caa1), et ne pourront être apaisées qu’à la faveur d’une crédibilité démontrée
des autorités, permettant notamment au FMI de valider les deux premières revues du programme.
39
COMPTES EXTERNES
Balance des paiements : L’Egypte est un importateur net de biens Les pressions sur la liquidité externe se sont
dont le solde courant est structurellement déficitaire. Il s’est creusé stabilisées mais restent élevées
avec la crise sanitaire (-3,6% du PIB en moyenne sur 2020-2021 contre
45 7
-2,6% les deux années précédentes), mais c’est surtout son
40
financement qui est devenu problématique. Les IDE, qui financent 35
6
légèrement desserrer l’étreinte des pressions externes. Sources : CBE, Macrobond, calculs ECO
Soutenabilité et liquidité externes : Les sorties massives de capitaux début 2022 (plus de 20 Mds USD sur l’année),
déclenchées par une perte de confiance sur les émergents dans un contexte de guerre en Ukraine, de resserrement
monétaire de la Fed, et pour l’Egypte en particulier, d’une baisse du taux d’intérêt réel, ont ravivé les tensions sur la
balance des paiement dont l’Egypte est coutumière. Les interventions de la CBE pour stabiliser le taux de change ont
également alimenté la chute des réserves en devises (-30% en 2022) et les pressions sur la LE, dévaluée trois fois en
moins d’un an (près de 50% de pertes face au USD). Les réserves sont désormais stabilisées à 25 Mds USD depuis mi-
2022, ayant même enregistré une légère amélioration à la faveur des privatisations conclues en juin 2023 (1,6 Mds USD
de ventes d’actifs en devises). Les réserves restent cependant assez faibles, couvrant tout juste 3,5 mois d’importations
(5,7 mois en moyenne sur 2017-2021) et à peine l’intégralité du BFE prévu en 2024 (20-25 Mds USD). Dans ce contexte,
le soutien du FMI, des autres bailleurs, et des voisins du Golfe (13 Mds USD de dépôts à la CBE rien qu’en 2022) reste
crucial. Le report à une date indéterminée (probablement vers mars-avril 2024) des deux premières revues du
programme FMI et les exigences accrues de rentabilité des investisseurs du Golfe ajoutent toutefois une incertitude
coûteuse qui ne permet pas d’alléger sensiblement, à ce stade, les tensions sur la solvabilité et la liquidité externe.
Transfert et convertibilité : Malgré une ouverture tendancielle du compte financier entamée en 2016-2017 suite au
flottement requis par le FMI, le régime de change hybride et l’historique de crise de balance des paiements (au moins
3 fois depuis 1990) favorise le risque structurel de mise en place de mesures restrictives de transfert et convertibilité
(T&C). Le flottement de la LE n’avait duré guère plus de six mois en 2017 avant que la CBE n’intervienne de nouveau
sur le marché des changes. Le flottement de la LE est à nouveau une condition sine qua non à la poursuite du
programme FMI en 2024, mais il est coûteux d’un point de vue économique et politique (frustration de la population
face à l’inflation importée). En attendant sa mise en œuvre effective, et face à la baisse des devises ne permettant
plus à la CBE d’intervenir sur le marché des changes, les restrictions sur les opérations en devises (rationnement des
importations, limites sur les retraits des cartes de crédit) se sont multipliées ces derniers mois. Elles devraient être
temporaires en attendant une nouvelle dévaluation de la LE (-20% à 30% attendus) et son flottement effectif en 2024.
Leur introduction confirme néanmoins que le risque de T&C en Egypte reste élevé.
CLIMAT
Climat : 94e à l'indicateur de vulnérabilité ND-Gain, l’Egypte est avant Des émissions de GES en nette hausse
tout sujette au stress hydrique qui constitue un risque susceptible
450 4,5
d’augmenter. L’aridité devrait en effet s’accentuer sous l’effet d’une
400 4
baisse des précipitations et d’une hausse des températures. Les 350 3,5
tensions sur l’accès à l’eau, potable et pour l’irrigation des cultures 300 3
agricoles, devraient ainsi devenir plus vives, alors que plus de 95% de 250 2,5
200 2
la population se concentre sur seulement 5% de la superficie du pays,
150 1,5
le long du Nil. La concurrence pour les ressources en eau augmente 100 1
le risque géopolitique (tensions avec l’Ethiopie), tandis que la montée 50 0,5
des eaux dans la plaine du Delta du Nil, principale zone de production 0 0
1990 1998 2006 2014 2022
agricole du pays, constitue une menace avérée. Les coûts liés au Emissions de GES (MtCO2eq. Éch. G)
changement climatique sont estimés entre 2% et 6% du PIB d’ici 2060. Emissions de GES par habitant (tCO2eq. Éch. D)
40
Fiche risque pays ISR/ECO – novembre 2023
Morgane Salomé
Ethiopie (salomem@afd.fr)
Risque pays : RP3c Risque souverain : RC6a Risque T&C : 0 cran (éq. CCC-)
Le risque pays demeure élevé. Au lendemain de la guerre avec l’Erythrée (1998-2000), l’économie éthiopienne,
fortement soutenue par l’investissement public, est devenue l’une des plus dynamiques d’Afrique. Afin de diversifier
les sources de croissance, le Premier ministre Abiy Ahmed, arrivé au pouvoir en 2018, a adopté plusieurs mesures
économiques ambitieuses. Si son programme a été freiné par le conflit avec les rebelles du Tigré fin 2020, les
tentatives de libéralisation de l’économie semblent se poursuivre. L’activité économique s’est montrée plutôt
résiliente durant le conflit, avec un taux de croissance qui s’est maintenu autour de 6 % entre FY2021 et FY2023. Les
belligérants ont signé un cessez-le-feu le 2 novembre 2022 et la route vers la paix se construit doucement. En outre,
le pays est en situation de surendettement avéré et le risque de défaut souverain s’accroît. Le déficit budgétaire a
atteint 4,2 % du PIB en FY2022 mais s’est réduit en FY2023, les autorités limitant les dépenses. Tandis que les
financements des bailleurs se sont taris suite au conflit, le pays ne compte plus que sur les financements domestiques
(bons du Trésor), les recettes de privatisations et les avances directes de la Banque centrale pour couvrir ses besoins.
Le taux d’endettement s’est réduit en FY2022 et FY2023, mais la capacité du pays à honorer sa dette extérieure
s’amenuise à mesure que le birr se déprécie et que les réserves fondent, et la dette doit être restructurée. Si
l’apaisement sécuritaire se confirme, un nouveau programme FMI pourrait être conclu et permettre de faire aboutir
le processus de restructuration de dette en Cadre commun. En attendant, le comité des créanciers officiels de
l’Ethiopie lui a accordé en novembre 2023 une suspension du service de la dette. Enfin, le risque de T&C est très
élevé : le conflit et le renchérissement des importations ont accentué les tensions sur les réserves et conduit les
autorités à imposer de nouvelles restrictions sur l’accès aux devises à l’automne 2022.
Evolution de la note risque pays Evolution des notes risque souverain et plafond pays
Risque pays Risque souverain Plafond pays
RC1
RP1
RC2
RP2
RC3
4b B
4c
RC4
3c B-
RP3
CCC-
RC5
RP4
RC6
6a
mai-15 mai-16 mai-17 mai-18 mai-19 mai-20 mai-21 mai-22 mai-23 mai-15 mai-16 mai-17 mai-18 mai-19 mai-20 mai-21 mai-22 mai-23
41
ENVIRONNEMENT POLITIQUE ET SOCIOECONOMIQUE
Contexte politique et gouvernance publique : Le Front Le rattrapage économique a été rapide
démocratique révolutionnaire du peuple éthiopien (EPRDF), au jusqu’en 2020, avant de marquer le pas
pouvoir à partir de 1991, a progressivement mis en place un 8000
contrôle du processus électoral afin de verrouiller le système 7000
politique. Dès 2015, les manifestations des Oromos et Amharas,
6000
deux groupes ethniques, ont reflété l’usure d’un pouvoir autoritaire
USD PPA
détenu par la minorité tigréenne. Ces conflits internes et les 5000
difficultés économiques ont conduit le Premier ministre H. Desalegn 4000
à démissionner en 2018. Il a été remplacé par A. Ahmed, qui a créé
3000
son propre parti et conforté sa position en remportant les élections
générales de juin 2021. Un violent conflit a éclaté fin 2020 entre 2000
l’armée fédérale et le Front de libération du peuple du Tigré (TPLF), 1000
faisant des millions de déplacés, au moins 600 000 morts (ce qui en
0
fait le conflit le plus meurtrier du 21 e siècle), et affamant la 1990 1994 1998 2002 2006 2010 2014 2018 2022
population du Tigré. Un accord de paix a été signé le 2 novembre Ethiopie PRITI PFR ASS
2022 entre les forces belligérantes, qui semble tenir et avancer Sources : BM (WDI), calculs ECO
selon les termes prévus. Il s’est notamment traduit par le retrait par
le Parlement éthiopien du TPLF de la liste des organisations terroristes et la nomination par le pouvoir fédéral d’un
ancien dirigeant du TPLF à la tête du gouvernement intérimaire du Tigré. Néanmoins, des zones d’ombres persistent
(questions des Erythréens ayant pris part au conflit et de la frontière entre le Tigré et l’Ahmara), tandis que le plan de
reconstruction et de reprise présenté en juin 2023 nécessitera le soutien des bailleurs. Par ailleurs, d’importants foyers
de tensions demeurent – dans les régions Ahmara et Oromia – et le sentiment d’identité national semble fragile.
Indicateurs socioéconomiques: Tandis que le PIB par habitant éthiopien ne représentait que 50 % du PIB par habitant
moyen des PFR en 2004, il l’a dépassé dès 2017. Le processus de convergence a toutefois ralenti depuis 2020 et le PIB
par habitant éthiopien reste sensiblement inférieur à celui d’Afrique subsaharienne et loin derrière celui des PRITI,
catégorie à laquelle l’Ethiopie entendait initialement appartenir d’ici 2025. L’accès aux services de base est très
insuffisant (1 Ethiopien sur 2 a accès l’eau). L’insécurité alimentaire demeure également un problème majeur,
alimentée par les sécheresses à répétition, le conflit au Tigré et l’inflation : aujourd’hui 20 millions d’Ethiopiens
dépendraient de l’aide alimentaire pour leur survie selon les Nations Unies. A noter que l’USAID et le PAM, qui avaient
suspendu l’aide alimentaire à l’été 2023 sur fond d'accusations de détournement au profit de soldats, ont annoncé
fin 2023 reprendre leurs livraisons à l’Ethiopie, après la conclusion d’un accord de surveillance.
43
COMPTES EXTERNES
Balance des paiements : La balance commerciale éthiopienne est Les réserves de la NBE, faibles depuis 2012, ont
structurellement déficitaire compte tenu de la grande encore fondu après le retrait des bailleurs
dépendance du pays aux importations (pétrole, biens 4 6
d’équipement) et de la faiblesse des exportations, qui sont freinées
5
par un taux de change surévalué. Ce déficit commercial n’étant
3
que partiellement compensé par l’excédent de la balance des 4
revenus et services, le solde courant est lui aussi structurellement
déficitaire. Le déficit courant s’est réduit à 3,2 % du PIB en FY2021 2 3
(après 4,6 % du PIB en FY2020), grâce à la hausse des exportations
2
d’or et de café. Néanmoins, le renchérissement des importations 1
(pétrole, céréales, fertilisants) – lié à la dépréciation du birr, la 1
hausse des cours mondiaux, la mauvaise récolte agricole et la
sortie de l’African Growth and Opportunity Act (AGOA) – a 0 0
2000 2002 2005 2007 2010 2012 2015 2017 2020 2022
contribué à un nouveau creusement du déficit courant en FY2022 Réserves (Mds USD, éch. g)
(à 4,3 % du PIB), qui se serait toutefois réduit en FY2023. Si le besoin Réserves (mois d'importations, éch. d)
de financement externe était jusqu’à présent couvert Source : NBG
essentiellement par le soutien des bailleurs internationaux, ces
derniers se sont retirés depuis le début du conflit. Afin d’attirer les IDE, les autorités ont annoncé début 2022 la création
d’un fonds souverain d’investissement, ainsi que la libéralisation des secteurs de la finance et de la vente au détail.
Soutenabilité et liquidité externes : La dette externe est presque exclusivement publique et s’élevait à 23 % du PIB en
2022. Le birr s’est fortement déprécié ces dernières années, dans le contexte de la crise de Covid-19 et du conflit (-
80% vis-à-vis du dollar entre fin 2019 et fin 2022), malgré les interventions de la NBE sur le marché des changes,
augmentant l’écart entre le taux de change officiel et le taux auquel le birr s’échange sur le marché parallèle. Le
déficit chronique de la balance courante, les interventions de la NBE pour limiter la chute du birr et l’importance du
service de la dette externe pèsent structurellement sur les réserves, qui oscillent autour de 2 mois d’importations depuis
2012. Le conflit au Tigré et la guerre en Ukraine ont encore aggravé la situation : le retrait des bailleurs, la dépréciation
du birr et le renchérissement des importations accentuent les pressions sur les réserves, qui couvriraient fin 2023
seulement 2 semaines d’importations selon le FMI. Si l’Ethiopie a longtemps continué d’honorer les échéances sur sa
dette externe, elle affiche ces dernières semaines des arriérés vis-à-vis de plusieurs de ses créanciers bilatéraux.
Transfert et convertibilité : Si le gouvernement appliquait déjà des restrictions pour faire face aux pénuries de devises
(dont l’absence de convertibilité du birr), ces dernières ont été renforcées depuis l’automne 2021. La part des avoirs
en devises que les banques commerciales doivent transférer à la NBE a été rehaussée de 30 % à 50 % en septembre
2021. Ces dernières sont également tenues, depuis janvier 2022, de transférer 70 % des devises tirées des exportations
et des transferts à la NBE (contre 50 % auparavant). Sur les 30 % restants, l’exportateur en conserve 20 % à sa disposition
(contre 40 % auparavant), tandis que le reste doit être immédiatement converti en birr au taux de change du jour.
Enfin, afin de préserver les rares devises restantes pour les importations essentielles, l’accès aux devises n’est plus
possible pour une liste de 38 produits non prioritaires publiée en octobre 2022.
CLIMAT
Climat : Pays enclavé, l’Ethiopie présente une géographie Le mix énergétique éthiopien est peu carboné
physique diverse, comprenant forêts humides, montages, zones et repose essentiellement sur la biomasse
désertiques, et son climat est essentiellement aride. Le pays 1% 3%
apparaît fortement exposé et extrêmement mal préparé au Charbon Hydro
9%
changement climatique : selon le ND-GAIN le pays se classe, en Pétrole
2023, 161e sur 185 pays en termes de vulnérabilités et 156e sur 192
pays en termes de capacité d’adaptation. Il connait une hausse
de sa température moyenne, tandis que la pluviométrie est de plus
en plus variable et imprévisible. En outre, les aléas climatiques
(sécheresses et inondations) se font de plus en plus fréquents. Le 87%
réchauffement climatique et l’augmentation de la fréquence des
Biomasse
évènements extrêmes pèsent sur la production agricole, qui
emploie 80 % de la population. L’agriculture éthiopienne étant
essentiellement une agriculture de subsistance, le changement
climatique risque d’accentuer l’insécurité alimentaire.
Transition bas-carbone : Les Ethiopiens n’ont émis que 1,4 tonne Source : EIA
de CO2 par habitant en 2021, un niveau légèrement supérieur à la moyenne d’ASS. Le mix énergétique est dominé
par la biomasse, suivie du pétrole. Le mix électrique repose quant à lui à 96 % sur l’hydraulique et est donc très
vulnérable au changement climatique. Dans ce contexte, les autorités cherchent à diversifier les sources d’énergie,
notamment via des PPP dans la géothermie, le solaire et l’éolien. L’économie est faiblement dépendante aux
industries en déclin et donc peu exposée au risque de transition. La CDN, mise à jour en juillet 2021, prévoit une
diminution inconditionnelle de 14 % et conditionnelle de 69 % des émissions de GES d’ici 2030. Elle est déclinée en
plans spécifiques, dont un plan d’adaptation national. Néanmoins, les immenses besoins de reconstruction et
d’assainissement des finances publiques pourraient faire passer les objectifs environnementaux au second plan.
44
Fiche risque pays ISR/ECO – novembre 2023
Cécile DUQUESNAY
Gabon (duquesnayc@afd.fr)
Risque pays : RP3c Risque souverain : RC5 Risque T&C : 3 crans (éq. B+)
Bien que plusieurs composantes se soient dégradées, le risque pays du Gabon demeure élevé. L’incertitude politique,
accrue à la suite du coup d’Etat militaire du 30 août 2023, pèse sur les perspectives économiques et le soutien financier
de la communauté internationale. Tirée par la production de pétrole et le secteur non pétrolier, la croissance
économique a accéléré en 2022 (3% contre 1,5% en 2021) et devrait atteindre son potentiel en 2023 (2,8%). Bien qu’elles
restent relativement favorables à court et moyen termes, les perspectives macroéconomiques ont néanmoins été revues
à la baisse, l’incertitude actuelle risquant de peser sur les exportations et l’investissement. De même, la position extérieure
devrait s’affaiblir en 2023 avec un déficit courant plus élevé qu’initialement projeté (à 0,8% du PIB). Très exposé aux
sociétés pétrolières et au souverain, le secteur bancaire voit la qualité de son actif diminuer depuis juillet 2022 mais les
niveaux de rentabilité se maintiennent. Le risque systémique resterait a priori contenu. En revanche, compte tenu des
fragilités structurelles du profil d’endettement public du pays et des tensions qui s’exercent sur la dette publique, le risque
souverain du Gabon demeure très élevé. En dépit des cours élevés du pétrole et d’une amélioration de la situation
budgétaire du pays, le pays a continué à accumuler des arriérés extérieurs en 2022 et 2023, ce qui suscite des inquiétudes.
De plus, le coup d’Etat a accru le risque de refinancement de la dette publique ainsi que les pressions sur sa liquidité
externe. Les BFPE, traditionnellement financés par les entrées nettes de capitaux (emprunts extérieurs, appui budgétaire
et financement du FMI), seront relativement contenus en 2023 et 2024 (~6 à 7% du PIB). Aussi, s’ils ne sont pas
significativement affectés par le coup d’Etat, les flux nets d’IDE (5% du PIB en 2022) devraient en couvrir la majeure partie.
En l’absence de sanctions régionales significatives et l'appartenance du Gabon à la CEMAC n’étant pas remise en
question, le risque de transfert et de convertibilité demeure faible,
Evolution de la note risque pays Evolution des notes risque souverain et plafond pays
Risque pays Risque souverain Plafond pays
RC1
RP1
RC2
RP2
3c
RC3
3a 4a B+
4b
RC4
3c
RP3
3b 5 5
RC5
6a
RP4
RC6
mai-15 mai-16 mai-17 mai-18 mai-19 mai-20 mai-21 mai-22 mai-23 mai-15 mai-16 mai-17 mai-18 mai-19 mai-20 mai-21 mai-22 mai-23
45
ENVIRONNEMENT POLITIQUE ET SOCIOECONOMIQUE
Contexte politique et gouvernance publique : Le risque sociopolitique Un revenu par tête qui a fortement diminué
s’est accru suite au coup d’Etat du 30 août 2023. Alors que la suite au choc pétrolier de 2014
commission électorale gabonaise a déclaré le président Ali Bongo 10 000
Ondimba réélu pour un troisième mandat avec 64% des voix, des
9 000
8 000
officiers militaires ont suspendu la Constitution et annulé l’élection. Les 7 000
USD/habitant
6 000
institutions (CTRI) et son chef, le général Brice Oligui Nguema, a prêté 5 000
2 000
coup d’Etat, sont considérés comme étant le catalyseur du putsch. Les 1 000
l'absence d'observateurs internationaux ainsi que les coupures de Source : Banque mondiale (WDI), calculs ECO
services Internet. De plus, c’est la troisième fois qu’Ali Bongo s’impose
lors d’élections contestées, sans compter le fait que celui-ci a procédé à plusieurs amendements constitutionnels en 2023
pour consolider son règne dynastique. Déjà en 2016, de nombreuses manifestations violentes avaient éclaté suite à sa
réélection. Le mécontentement généralisé à l'égard d’Ali Bongo et de son parti, le Parti démocratique gabonais, a été
alimenté par les réseaux politiques dynastiques de sa famille (au pouvoir depuis 1967), la nature autocratique du
gouvernement, la corruption endémique et les niveaux élevés d'inflation.
Indicateurs socioéconomiques : Sitôt après l’indépendance, le boom pétrolier des années 70 a propulsé le Gabon dans la
catégorie des pays à revenu intermédiaire de la tranche supérieure (PRITS) et a fortement contribué à faire progresser les
conditions de vie. Mais, au cours de la dernière décennie, faute de fondements institutionnels, les progrès économiques et
sociaux ont commencé à s’inverser. De fait, la prestation de services de base et les indicateurs de développement humain
sont aujourd’hui proches des moyennes des PRITI et nettement inférieurs aux moyennes des PRITS. En cinquante ans, le PIB
réel par habitant a été réduit de moitié. Le taux de chômage figure parmi les plus élevés d'Afrique (21% de la population
totale, 37% des moins de 25 ans en 2022) et de nombreux emplois sont informels et non productifs (50%). Un tiers de la
population gabonaise est pauvre (au seuil international de 5,5 USD – en PPA de 2011 – par habitant et par jour). De même,
l’IDH est faible (112e rang sur 189 en 2021). Aussi, en raison de la faiblesse de la gestion de ses finances publiques, le Gabon
n’a pas été en mesure d’orienter ses ressources vers le développement d’une croissance inclusive, accentuant de fait les
vulnérabilités socioéconomiques du pays.
46
FINANCES PUBLIQUES
Comptes publics : L’exécution budgétaire est fortement exposée à Les excédents publics s’amenuisent et les
l’évolution des cours du pétrole. Leur hausse ainsi que les ajustements perspectives à moyen terme se dégradent
budgétaires réalisés dans le cadre du programme FMI signé en 2017
avaient permis de résorber progressivement les déficits accumulés suite au
choc pétrolier de 2014. Le double choc de 2020 a mis à mal cette
dynamique. Soutenu par la remontée des cours, le déficit a diminué (1,9%
du PIB en 2021 contre 2,2% du PIB en 2020) et s’est transformé en surplus
(1,9% du PIB en 2022). En 2023, l’augmentation des prix du pétrole, la
dynamique des exportations minières et du bois devraient permettre de
compenser la hausse des dépenses budgétaires (19 % du PIB contre 16%
en 2022) liée aux mesures de soutien aux ménages et aux dépenses
engagées en amont des élections. Le déficit budgétaire est attendu à 0,4%
du PIB en 2023. Cependant, les perspectives à moyen terme se sont
dégradées. La consolidation budgétaire initiée dans le cadre du
programme FMI (MEDC de 36 mois signé en juillet 2021 pour 553,2 M USD)
devait permettre de réduire les besoins de financement. Or, Source : FMI (WEO-octobre 2023
l’avancement de celui-ci, qui a déjà connu des retards depuis La dette publique reste soutenable mais
l'achèvement des 1ère et 2ème revues, est susceptible de ralentir l’incertitude politique augmente les risques
davantage en lien avec le contexte politique actuel.
Endettement public : L’assainissement budgétaire effectué dans le cadre
du programme FMI, mais surtout la hausse des prix du pétrole, a permis de
replacer le ratio d’endettement public sur une trajectoire baissière (65,8%
du PIB en 2021 puis 57,7% du PIB en 2022). Principalement de nature
extérieure (57% de l’encours total de la dette publique sont libellés en
devises et 64% de l’encours total sont détenus par des non-résidents), la
dette publique du Gabon a été jugée soutenable en 2022 (AVD).
Toutefois, les marges de manœuvre du gouvernement sont limitées et les
tensions sur la liquidité ont augmenté. En dépit des cours élevés du pétrole
et d’une amélioration de la situation budgétaire, le Gabon a continué à
accumuler des arriérés extérieurs en 2022 et 2023. Fin mars 2023, ceux-ci
s’élevaient à 0,6% du PIB. Cette accumulation régulière d’arriérés suscite
Sources : WB (WDI) FMI (WEO, octobre 2023
des inquiétudes et accroît les risques pesant sur les coûts de
financement. De plus, l’incertitude politique actuelle risque de peser sur le soutien financier de la communauté internationale.
Le pays devra alors s'appuyer davantage sur le marché des capitaux régional de la CEMAC, peu profond, pour obtenir des
financements. Au final, le ratio d’endettement devrait atteindre 64,9% du PIB en 2023. Malgré une détérioration progressive
due au resserrement des conditions de financement régionale, l'accessibilité de la dette, mesurée par le ratio des paiements
d'intérêts sur les recettes publiques, devrait rester modérée en 2023 (à 15,9 %). Les besoins d’emprunts bruts, traditionnellement
financés par les entrées nettes de capitaux (emprunts extérieurs, appui budgétaire et financement du FMI), seront relativement
contenus en 2023 et 2024 (~6 à 7% du PIB, la hausse des prix du pétrole ayant favorisé la génération de recettes). Aussi, s’ils ne
sont pas significativement affectés par le coup d’Etat, les flux nets d’IDE (5% du PIB en 2022) devraient en couvrir la majeure
partie. Les paiements d'amortissement seront modérés jusqu'au remboursement de l'euro-obligation prévu en 2025 (605 Mns
USD). Une opération de rachat de dette menée le 8 août 2023 dans le cadre d'un échange dette-nature a permis au
gouvernement de racheter une partie de son encours d'euro-obligations arrivant à échéance en 2025 et 2031, atténuant ainsi,
bien que dans une mesure limitée, les risques de refinancement posés par le profil de remboursement à moyen terme du pays.
47
COMPTES EXTERNES
Balance des paiements : La position extérieure est très vulnérable aux Une balance courante dépendante de la
fluctuations des cours du pétrole et des matières premières. En effet, balance commerciale et les cours de pétrole
avec le manganèse (28%) et le bois (13%), ce sont près de 95% des
exportations de biens qui dépendent des ressources naturelles. Après
avoir atteint plus de 11% du PIB en 2016, le déficit courant s’est réduit
progressivement à 4,8% du PIB en 2018 à la faveur de l’augmentation
des prix du pétrole et des matières premières. Avec la pandémie et la
baisse des exportations de pétrole, il s’est creusé en 2019 et 2020 (resp. à
5% et 6,9% du PIB). Soutenu par l’augmentation des prix du pétrole, le
solde courant est brièvement devenu excédentaire en 2022 (1,6% du
PIB, après un déficit de 4,5% du PIB en 2021). Il devrait se contracter à
nouveau en 2023 (-0,8% du PIB), les exportations de matières premières
ne parvenant pas à compenser totalement la hausse de la facture
d’importations. Etant donné la baisse projetée des cours de pétrole, la
position extérieure du Gabon devrait s’affaiblir à moyen terme. Reflétant
l’appétence des investisseurs pour le secteur des hydrocarbures et
l’intérêt croissant pour les secteurs non pétroliers (infrastructures, Source : FMI (WEO, octobre 2023)
agroalimentaire, manganèse, huile de palme et bois), les flux nets d’IDE,
s’ils ne sont pas significativement affectés par le coup d’Etat, devraient se maintenir à 5% du PIB, soutenant ainsi la position
extérieure du pays. De même, ils soutiendront l’accumulation de réserves à moyen terme, également facilitée par une
réduction des remboursements de la dette jusqu’en 2025.
Soutenabilité et liquidité externes : Les réserves de change des pays de la zone CEMAC se seraient établies à un niveau
équivalent à 4,2 mois d’importations de biens et services fin 2022, soit un niveau inférieur à la recommandation du FMI de 5
mois d’importations. Les réserves ont progressé sur un an (3,0 mois d’importations fin 2021), du fait des prix élevés des matières
premières, de l’afflux de financements externes (décaissements FMI en particulier), du resserrement de politique monétaire de
la BEAC et d’une plus stricte application de la réglementation des changes. Grâce à la reprise économique, le ratio
d’endettement extérieur du Gabon a diminué en 2022 à 33% du PIB (contre 38% du PIB en 2021). Cependant, compte tenu
du contexte de resserrement des politiques monétaires et de l’augmentation de la défiance des investisseurs, la dette externe,
entièrement portée par le secteur public, est exposée à des risques accrus de liquidité et de refinancement. Une part
importante de la dette a été contractée sur le marché obligataire international (5 émissions depuis 2013 pour un montant
équivalent à près de 20% du PIB). Or, 32% de la dette libellée sous forme d’euro-obligations sont assortis de taux d’intérêt
variables. De plus, une part importante la dette s’est renchérie en 2022, suite à l’appréciation du dollar.
Transfert et convertibilité : Le régime de change au sein de la zone CEMAC est fixe, ancré à l’euro. La crédibilité de ce régime
de change est assurée par (i) la garantie de convertibilité illimitée que la France offre à la BEAC et (ii) le fait qu’un changement
de parité ne peut intervenir qu’avec l’accord unanime de toutes les économies de la zone et de la France et non sur simple
décision individuelle. La garantie de convertibilité est illimitée et fait, pour le moment, l’objet de contreparties. Les pays de la
CEMAC sont en effet tenus à une centralisation de leurs réserves de change auprès de la BEAC, qui doit en déposer 50% sur
un compte d’opération auprès du Trésor français. Dans le cas où les réserves de change seraient épuisées, la BEAC peut
bénéficier d’un découvert en euros, sans limite et sans conditionnalité, sur son compte d’opération. A noter que le faible niveau
actuel des réserves de change des pays de la CEMAC n’empêche pas les transferts et la convertibilité du Franc CFA, mais il
peut engendrer des tensions sur la liquidité et des retards d’exécution de transferts par contraintes administratives, tels que
constatés ces dernières années.
CLIMAT
Climat : Selon l’indice ND-GAIN de 2021, le pays se place 108e en matière Le Gabon a élaboré très tôt un ensemble
de vulnérabilité et 152e en matière de niveau de préparation au d’instruments institutionnels et législatifs afin
changement climatique, ce qui indique que le Gabon est moins de répondre aux risques climatiques
vulnérable et plus résilient au changement climatique que la plupart des
autres pays africains (130e position sur 185 pays recensés, la première
position étant le pays le pays le plus résilient au changement climatique).
Les villes côtières (essentiellement Libreville, Port Gentil et Franceville)
abritent 70% de la population nationale et concentrent l’essentiel de
l’activité économique. Aussi, avec ses 800 km de façade maritime,
l’activité économique du pays est exposée au risque d’élévation du
niveau de la mer mais également à l’intensification des inondations.
Risque pays : RP3c Risque souverain : RC6b Risque T&C : 0 cran (éq. CCC-)
Le Ghana est en défaut sur sa dette souveraine depuis déc. 2022 et présente des impayés réels matériels de plus
de 90 jours vis-à-vis de l’AFD. La politique de relance économique Ghana Beyond Aid financé par emprunt externe
non concessionnel conjugué à un déficit public élevé (-12% du PIB sur 2018-2022) a conduit le pays sur une trajectoire
d’endettement non soutenable révélée par les crises mondiales successives depuis 2020. Depuis fin 2022, les
autorités sont en discussion de restructuration avec les bailleurs externes bilatéraux et commerciaux et ont achevé
en août 2023 un programme d’échange de la dette domestique. En conséquence, le Ghana s’est vu octroyer par
le FMI en mai 2023 une facilité élargie de crédit de 3 Mds USD sur 3 ans pour assainir ses comptes publics afin de
rétablir la stabilité macroéconomique et la viabilité de la dette, et stimuler la croissance. Le risque pays est élevé.
La situation macroéconomique générale s’est dégradée tout au long de l’année 2022 et la croissance pourrait ne
pas dépasser 1,2% en 2023 malgré un 1er semestre particulièrement résilient. L’inflation qui a culminé à 54,1% en
décembre 2022 en g.a. – point le plus haut depuis 20 ans – décline lentement et reste élevée malgré la hausse sans
précédent des taux directeurs qui atteignent 30%. La dépréciation vertigineuse du cédi (-54% sur les 11 premiers
mois de 2022) a cessé en 2023 au fur et à mesure que les mesures liées à la restructuration de la dette se mettaient
en place. Malgré les mesures prises par la Banque centrale, le secteur bancaire, fortement exposé au souverain (un
tiers des actifs des banques), voit son ratio de solvabilité décliner alors que le taux de prêts non performants
augmente fortement en 2023. Enfin, les réserves en devises ont atteint un niveau inquiétant début 2023, à moins
d’un mois d’importations, contribuant à un risque de transfert et convertibilité devenu très élevé. Elles se consolident
peu à peu depuis lors (arrêt du paiement de la dette externe, versements du FMI et stabilisation du taux de change).
Evolution de la note risque pays Evolution des notes risque souverain et plafond pays
Risque pays RC1
Risque souverain Plafond pays
RP1
RC2
RP2
RC3
3b B
RC4
4c B-
RP3
3c
CCC-
RC5
6a
5
RC6
RP4
6a
6b
mai-15 mai-16 mai-17 mai-18 mai-19 mai-20 mai-21 mai-22 mai-23 mai-15 mai-16 mai-17 mai-18 mai-19 mai-20 mai-21 mai-22 mai-23
49
ENVIRONNEMENT POLITIQUE ET SOCIOECONOMIQUE
Contexte politique et gouvernance publique : Le Ghana est une Le dynamisme de la convergence économique
démocratie stable et pacifique qui a connu plusieurs alternances montre des signes d’essoufflement
politiques depuis l’avènement de la démocratie en 1992. Le pays a 6000
réélu au poste de président Nana Akufo-Ado du New Patriotic Party 5000
150%
1990
1992
1994
1996
1998
2000
2002
2004
2006
2008
2010
2012
2014
2016
2018
2020
2022
matière de gouvernance, le Ghana présente des scores
PIB/hab. Ghana (PPA) - éch G. (en USD)
significativement supérieurs à la moyenne des pays voisins, que ce soit PIB/hab. Ghana/ASS - éch D. (en %)
pour les indicateurs de gouvernance de la Banque mondiale (qualité PIB/hab. Ghana/moy. PRITI - éc h D. (en %)
PIB/hab. Ghana/moy. Afr occ. et cent. - éch D. (en %)
du cadre réglementaire, Etat de droit, stabilité politique, liberté PIB/hab. Ghana/Kenya - éch D. (e n %)
d’expression et responsabilité politique) ou ceux mesurés par l’indice PIB/hab. Ghana/Nigeria - éch D. (e n %)
PIB/hab. Ghana/Côte d'Ivoire - éch D. (en %)
Ibrahim sur la gouvernance africaine. Enfin, le Ghana est parmi les 10 Sources : BM (WDI), calculs ECO
pays africains les mieux classés et en progression en termes d’indice
de perception de la corruption de Transparency International (72e sur 180).
Indicateurs socioéconomiques : Pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure (PRITI), le Ghana a connu une
forte croissance de son PNB par habitant depuis le début des années 2000, qui a permis de diviser par près de deux le
taux de pauvres vivant avec moins de 3,65 USD par jour (47% en 2016 contre 89,5% en 1990) et a tiré à la hausse son
indice de développement humain (133e rang en 2021, parmi les pays les mieux classés d’Afrique subsaharienne). Dans
le même temps, les inégalités de revenu ont augmenté et le coefficient de Gini atteint 0,44 en 2016, l’un des plus
élevés d’Afrique de l’Ouest, avec de fortes disparités régionales. Le secteur informel est prépondérant (près de 90%
de l’emploi total) et le secteur formel ne parvient pas à générer suffisamment d’emplois pour absorber les nouveaux
entrants sur le marché du travail. La crise actuelle pèse sur le pouvoir d’achat des Ghanéens et le taux de pauvreté
est reparti à la hausse : il pourrait atteindre 59,7% l’an prochain. La population s’exprime de plus en plus dans la rue
pour protester contre la vie chère et critiquer les choix économiques des dirigeants.
la décennie précédente (5,5%) malgré une pause entre 2014 et 2016 Sources : FMI (WEO, Article IV), calculs ECO
(retournement des cours des matières premières). En quête de La consommation privée à la rescousse de la
diversification, le pays s’est engagé en 2018 dans un ambitieux croissance après la crise sanitaire
programme de transformation et de relance économique « Ghana
20%
Beyond Aid » financé par emprunts externes et visant à développer
l’agriculture, l’industrie et renforcer le capital humain. 15%
soutenue par une industrie extractive et un secteur des services très -5%
dynamiques. Au 1er semestre 2023, malgré un secteur industriel qui
-10%
tourne au ralenti, la bonne tenue de l’agriculture et des services aurait
permis à l’économie de croître de 3,3%. Ces bons résultats pourraient -15%
Conso privée Conso pub
améliorer les prévisions pour l’année qui sont bien en deçà, à 1,2% FBCF Com ext.
(WEO octobre 2023), du fait de la restructuration de la dette, de Var. stocks Croissance du PIB
Sources : BM (WDI), calculs ECO
l’inflation et de la dépréciation du cedi qui ont entraîné un
durcissement de la politique monétaire. En raison de la crise qui pèse sur le coût de la vie et contraint la politique
économique, ni la consommation privée, ni la consommation publique, ni l’investissement ne devraient jouer de rôle
moteur en 2023. Le commerce extérieur pourrait prendre le relais. Les perspectives à moyen terme dépendront de la
réussite des négociations avec les créanciers du pays.
50
FINANCES PUBLIQUES
Comptes publics : Le déficit public s’est élevé en moyenne à 6,8% du Le déséquilibre des finances publics conduit le
PIB au cours de la décennie passée. Les recettes fiscales (13% du PIB Ghana a un ajustement budgétaire significatif
en moy.) sont insuffisantes pour faire face à des dépenses 2 35
incompressibles : la masse salariale absorbait entre 45% et 50% des 0
ne plus financer le déficit public pendant la durée du programme FMI. Exposition souveraine des banques (% actifs)
Ses pertes sur l’exercice 2022 se montent à 5,2 Mds USD soit 7% du PIB. Taux d'inflation (%)
Taux directeur BoG (%)
Exposition souveraine de la BoG (% des actifs)
Secteur financier : La BoG avait entrepris, avant la crise Covid, un Taux de change GHS/USD (éch. droite)
chantier d’assainissement du secteur bancaire qui avait porté ses Sources : Banque centrale, FMI (WEO), calculs ECO
fruits. Le programme d’échange de dettes domestiques a depuis
pesé sur la profitabilité du secteur qui a enregistré des pertes significatives en 2022 (1,3 % du PIB) avant de se raffermir
au 1er trimestre 2023. Le ratio de solvabilité est passé de 21% en 2019 à 14,2% en août 2023 et le taux de prêts non
performants atteint 20%. Durant les 8 premiers mois de 2023, les banques ont effacé l’équivalent de plus de 200 MUSD
de créances irrécouvrables soit 36% de plus qu’en 2022. La mise en place d’un Fonds de stabilité financière abondé
par la Banque mondiale et la recapitalisation des banques devraient renforcer la stabilité du secteur.
51
COMPTES EXTERNES
Balance des paiements : Le déficit courant du Ghana s’est L’excédent commercial améliore le déficit du
tendanciellement réduit depuis 2013 (où il atteignait 9% du PIB), sous compte courant
l’effet combiné de l’augmentation de la production pétrolière et de
la hausse des prix de ses principales exportations (or, cacao et pétrole 4
pays ne peut plus emprunter, les entrées d’IDE se sont taries Reve nus et transferts courants (% du PIB)
Services (% du PIB)
(-39% entre 2021 et 2022) et les investissements de portefeuille ont fui Biens (% du PIB)
Solde du compte courant (% du PIB)
le pays. Depuis fin 2022, la situation s’améliore : le Ghana a enregistré Sources : FMI (BOPS, WEO), BoG, calculs ECO
un compte courant positif durant trois trimestres consécutifs jusqu’à
juin 2023. La balance commerciale enregistre un surplus de 1,8 Mds USD sur le premier semestre : les exportations sont
soutenues (or : +14%, cacao : +10%) et les importations sont en retrait (-13%) tandis que le déficit de la balance des
revenus primaires s’est dégonflé et que les transferts sont soutenus. Si les IDE ne sont toujours pas revenus, la fuite des
capitaux semblent se tarir : la restructuration de la dette et le programme FMI rassurent les marchés.
Soutenabilité et liquidité externes : Les réserves brutes de change diminuent rapidement depuis le 2e semestre 2021,
passant, selon la définition du FMI, de 5,2 Mds USD mi-2021 à 1,1 Md USD en février 2023, soit deux semaines
d’importations, en raison notamment des interventions de la BoG sur le marché des changes pour soutenir la monnaie
locale et de fuites de capitaux en lien avec la hausse des taux directeurs de la FED. Ces tensions sur la liquidité externe
ont motivé l’appel au FMI et la suspension du remboursement du service de la dette en déc. 2022 dans l’optique
d’une restructuration. Le Ghana doit en effet rembourser 15 Mds USD (dont 58% aux créanciers commerciaux et 23%
aux bailleurs bilatéraux) entre 2023 et 2026 au titre de la dette publique externe. Cela est incompatible avec les
réserves existantes – même si celles-ci s’affermissent logiquement depuis mai 2023 –, et avec le niveau des
financements externes anticipés (4,65 Mds USD sur la durée du programme FMI). La dette externe, essentiellement
publique, s’élevait à 48,1% du PIB fin 2022 (contre 21% en 2012).
Transfert et convertibilité : Dans le contexte de crise économique et financière, la BoG a mis en place des mesures de
contrôle des capitaux en 2022 (retrait du soutien en devises pour l’importation de certains produits, obligation de
cession temporaire de devises par les mines à la BoG) qu’elle lève progressivement depuis mai 2023, le cedi se
stabilisant face au dollar. Néanmoins, les pressions sur les réserves liquides sont toujours fortes (quelques semaines de
couverture d’importation) et l’inflation élevée. Enfin, le score Chinn-Ito du Ghana a toujours été faible (0 depuis 2012),
matérialisant un compte financier fermé.
CLIMAT
Climat : Le Ghana est confronté à la hausse des températures, à la Les émissions de gaz à effet de serre en forte
baisse des précipitations totales et à l’incidence élevée des croissance
événements climatiques extrêmes. Les données historiques montrent 40
M illions tCO2eq
52
Fiche risque pays ISR/ECO – novembre 2023
Jade Castaner
Guinée castanerj@afd.fr
Risque pays : RP4a Risque souverain : RC4c Risque T&C : +1 cran (éq. B)
La Guinée présente une situation sociale et politique fragile, matérialisée par la persistance de turbulences
sociopolitiques. Après le coup d’État de septembre 2021 et les menaces de sanctions par la CEDEAO, le chef du
gouvernement putschiste, Mamady Doumbouya a finalement accepté en octobre 2022, une transition de deux
ans avant le retour d’un régime civil – qui reste toutefois très incertain. Depuis la fin de l’épidémie d’Ebola en 2016,
l’activité économique a entamé une reprise dynamique grâce à la vigueur du secteur extractif, qui représente plus
de 90 % des exportations. Malgré les incertitudes politiques, la croissance économique devrait atteindre 5,9 % en
2023, stimulée par l’expansion minière, notamment grâce aux investissements en cours dans de nouvelles mines. Elle
devrait se maintenir à 5,6 % en 2024 à mesure que le secteur non minier se redresse. L’excédent courant, en baisse,
devrait atteindre 6,3 % du PIB en 2023 en raison de la chute des prix mondiaux des minerais, que ne devrait pas
compenser l'augmentation de la production de plusieurs exploitations majeures. Après s’être établie à 10,5 % en
moyenne 2022, augmentant l’insécurité alimentaire déjà alarmante, l’inflation devrait se stabiliser à 8,3 % en 2023.
Du fait de ces éléments et de l’instabilité socio-politique chronique, le risque pays demeure très élevé. Alors que la
réduction du déficit budgétaire était observée depuis 2020, 2023 s'annonce marquée par une augmentation des
dépenses globales. Cette hausse est en partie attribuable aux investissements substantiels dans la sécurité, liés au
régime militaire, ainsi qu'à de grands projets d'infrastructures. En conséquence, le déficit est projeté à 2,3 % du PIB.
La tendance baissière de la dette publique depuis 2021, sous l’effet de la contraction du déficit budgétaire, devrait
toutefois se maintenir, atteignant 31,6 % en PIB en 2023. En revanche, la part de la dette en devises a sensiblement
augmenté pour atteindre plus de 60 % en 2022. Le risque souverain est ainsi élevé. En hausse, le niveau des réserves
de change reste toutefois inférieur au seuil préconisé par le FMI, conférant au pays un risque de T&C élevé.
Evolution de la note risque pays Evolution des notes risque souverain et plafond pays
Risque pays Risque souverain Plafond pays
RC1
RP1
RC2
RP2
RC3
4c B
RC4
RP3
4a 5
RC5
RC6
RP4
mai-15 mai-16 mai-17 mai-18 mai-19 mai-20 mai-21 mai-22 mai-23 mai-15 mai-16 mai-17 mai-18 mai-19 mai-20 mai-21 mai-22 mai-23
Sources : FMI, BM, PNUD, Climate Watch, sources locales, calculs ECO ; * : prévisions ou estimations à meilleure date
53
ENVIRONNEMENT POLITIQUE ET SOCIOECONOMIQUE
Contexte politique et gouvernance publique : Depuis le coup d'État Une légère amélioration du niveau de vie
de septembre 2021 dirigé par Mamady Doumbouya, qui a mis fin à 80 3000
la présidence d'Alpha Condé, en place depuis 2010, la Guinée
traverse une période d'instabilité politique profonde. Bien que la 2500
60
population ait initialement accueilli favorablement le renversement 2000
d'A. Condé, les mesures de plus en plus autoritaires adoptées par la
40 1500
junte, incarné par le Comité national du rassemblement pour le
développement (CNRD), ont conduit à de nombreuses 1000
manifestations, réprimées de manière brutale par les forces militaires, 20
500
entraînant la mort de plusieurs civils. Fin 2022, la CEDEAO avait
imposé des « sanctions graduelles » à la junte, reprochant à celle-ci 0 0
1990 1994 1998 2002 2006 2010 2014 2018 2022
de ne pas préciser le calendrier visant au rétablissement d’un
PIB par habitant (PPA, USD courant éch. D.)
gouvernement civil. Face à la menace de sanctions plus sévères, les
PIB par habitant (PPA) Guinée / ASS (%, éch. G.)
deux parties ont finalement trouvé un accord en octobre : une PIB par habitant (PPA) Guinée / PRITI (%, éch. G.)
période de transition de 24 mois débutant le 1er janvier 2023. Source : BM (WDI)
Toutefois, cette phase de transition demeure particulièrement
incertaine. En effet, bien que la charte de transition interdise aux membres du gouvernement de transition (y compris
M. Doumbouya), de participer aux élections, il reste possible que la junte décide de revoir cette clause ou reporte les
élections, prolongeant l'instabilité politique. Toujours suspendue par la CEDEAO, la Guinée a récemment apporté son
soutien au Niger en condamnant les sanctions. Dans les mois à venir, on peut s'attendre à un renforcement des
relations diplomatiques et économiques entre les régimes militaires de la Guinée, du Mali, du Burkina Faso et du Niger.
Indicateurs socioéconomiques : Bien que la Guinée ait récemment obtenu la qualification de PRITI et enregistre une
amélioration du niveau de vie depuis 2015, le pays demeure confronté à d'importants défis économiques et sociaux,
se classant au 182e rang sur 191 en termes d’IDH (2021). Le secteur minier, qui joue un rôle prépondérant dans
l’économie du pays, demeure fortement capitalistique, limitant les opportunités en matière d’emplois et de
développement économique. Le taux de pauvreté est alarmant, avec en 2021, 52,6 % de la population vivant sous le
seuil de 3,65 USD par jour. L'insécurité alimentaire s'est considérablement aggravée en raison de l'augmentation des
cours mondiaux, plongeant la Guinée dans une crise alimentaire majeure. En 2022, 11 % de la population était en
situation d'insécurité alimentaire aiguë, contre 4 % en 2021. En réponse, les autorités ont obtenu un financement
d’urgence de 71 M USD auprès FMI en 2022, dans le cadre du guichet sur les chocs alimentaires.
Note : le diamiètre
producteur mondial) ainsi que d’importants gisements de minerai de des bulles
5
fer, d’or, de diamants et d’autres minéraux. Cependant elle exporte représente le poids
moyen du secteur
Secteur extractif
principalement ces ressources à l’état brut (90 % des exportations), 4 Pêche dans le PIB
54
FINANCES PUBLIQUES
Comptes publics : La faiblesse de l’administration fiscale limite le Le déficit budgétaire devrait se creuser en
recouvrement de l’impôt, maintenant les recettes en deçà de leur 2023 et 2024, à un niveau modéré
potentiel (12,8 % du PIB en 2023). Ce ratio progresse peu malgré 1
24
l’essor du secteur minier, qui bénéficie de généreuses exonérations 0
22
fiscales. En 2022, le financement d’urgence du FMI de 71 M USD, a -1
20
permis d’amortir le choc sur les prix alimentaires. Toutefois, les -2
subventions sur les prix des carburants ont eu un impact négatif sur le -3
18
dette publique et réduire le risque de refinancement à court terme. Dette publique externe (% du PIB)
Dette publique domestique (% du PIB)
Selon l’analyse de viabilité de la dette (AVD) conduite par le FMI en
décembre 2022, le risque de non soutenabilité de la dette publique Sources : FMI (Art. IV, janvier 2023), calculs ECO
de la Guinée est modéré avec une certaine marge d'absorption des chocs. Cela constitue une légère amélioration
par rapport à l’AVD de juin 2021, où la marge d’absorption des chocs était jugée restreinte.
hausse des prix des denrées alimentaires (16,5 % en g.a. en janvier Taux d'inflation (en g.a. %, éch. G.)
Taux directeur (éch. G.)
2023). La hausse des prix a nettement ralenti en 2023 et devrait se Taux de change GNF/USD (éch. D.)
stabiliser à 8,3 % en fin d’année (5 % en août 2023 en g.a.) avant de
Sources : FMI, BCRG, calculs ECO
diminuer à 7,9 % en 2024.
Secteur financier : La Guinée compte 18 établissements bancaires (contre 11 en 2010) et les 3 premières banques
concentrent environ 55 % des dépôts et des encours de crédit. Fin 2022, le secteur bancaire apparaît bien capitalisé
(CAR à 16,3 %) et affiche des ratios de rentabilité satisfaisants (ROA à 3 % et ROE à 17,7 %). Selon le FMI, seuls quelques
banques peinent à satisfaire aux exigences de liquidité. Toutefois, la qualité et la rentabilité des actifs se dégrade en
raison de la part importante des prêts non performants (10,9 %) en hausse depuis 2021 (9,2 %) tandis que leur niveau,
net de provisions, représentait 19,7 % des fonds propres. Les secteurs des transports et du commerce sont les plus gros
contributeurs à ce ratio élevé. En effet, les turbulences politiques font peser des risques sur des retards de paiements
(avec notamment le gel des comptes des entreprises publiques) entraînant des difficultés financières pour le secteur
privé et l’augmentation des PNP.
55
COMPTES EXTERNES
Balance des paiements : Le solde de la balance courante est La position externe devrait se dégrader en
étroitement lié à l’activité extractive guinéenne (95 % des 2023, tributaire du cours des minerais
exportations de biens en 2021) et aux variations du cours des produits 60% 10000
miniers - bauxite, or et diamant - sur le marché international ainsi que
de la Chine, qui importe près de la moitié de ses besoins en bauxite 40% 8000
CLIMAT
Climat : Classée 148e sur 181 pays (ND-Gain), la Guinée est Les émissions de GES par habitants sur une
considérée comme particulièrement vulnérable au changement tendance haussière
climatique. Dans un avenir proche, le pays devrait faire face à 3,3 45000
plusieurs défis majeurs, notamment une hausse des températures 3,2 40000
moyennes, des risques accrus d'inondations urbaines et côtières, ainsi 3,1 35000
3,0
qu'une élévation du niveau de la mer. Le secteur agricole joue un 30000
2,9
rôle essentiel dans la subsistance de près de 70 % de la population 25000
2,8
guinéenne et emploie environ 40 % de la main-d'œuvre nationale. Il 20000
2,7
est particulièrement sensible aux variations des précipitations. Cette 2,6
15000
vulnérabilité risque d'aggraver une insécurité alimentaire déjà 2,5 10000
préexistante et persistante dans le pays. 2,4 5000
2,3 0
Transition bas-carbone : La Guinée s'est engagée à réduire ses 2000 2004 2008 2012 2016 2020
émissions de GES dans le cadre de sa CDN de 9,7 % (objectif Emissions de GES par habitant (tCO2eq, éch. G.)
inconditionnel) avec la possibilité d'atteindre une réduction allant Emissions de GES (KtCO2eq, éch. D.)
jusqu'à 49 % d'ici 2030 en tenant compte de l'utilisation des terres et
Sources : Climate Watch, calculs ECO
de la foresterie. Cette trajectoire ambitieuse repose sur la nécessité
que 90 % des nouvelles capacités énergétiques soient d'origine renouvelable, alors que la biomasse et le pétrole
représentent respectivement 76 % et 24 % de la composition actuelle du mix énergétique. La capacité de la Guinée
à réussir cette transition semble fragile, principalement en raison son faible niveau de développement. Néanmoins, il
est important de souligner que la transition énergétique mondiale pourrait offrir des opportunités au pays. Les minerais
sont des composants essentiels des technologies liées aux énergies renouvelables et la demande mondiale devrait
augmenter à mesure que la transition vers des sources d'énergie à faible émission de carbone s'accélère.
56
Fiche risque pays ISR/ECO – novembre 2023
Gaëlle Balineau
Kenya (balineaug@afd.fr)
Risque pays : RP3a Risque souverain : RC4c Risque T&C : 1 cran (éq. B)
Le risque souverain et le risque pays du Kenya demeurent tous deux élevés et tendent à se dégrader. Un modèle
de croissance porté par la vigueur de l’investissement public, puis le Covid-19 et la guerre en Ukraine ont fragilisé les
équilibres budgétaires et accru le risque souverain. Une consolidation budgétaire est en cours dans le cadre du
programme FMI auquel le Président Ruto, élu en août 2022, continue de souscrire. Malgré des exportations
diversifiées, la balance courante est également structurellement déficitaire du fait des importations de pétrole, de
biens d’équipements, et aussi de biens alimentaires lors des épisodes de sécheresses récurrentes. La dette publique
totale représente 68% du PIB en 2022 dont la moitié est libellée en devises. Le risque de surendettement externe est
passé de faible à modéré en 2018 dans l’AVD du FMI, puis à élevé en 2020, du fait de la hausse de l’encours de
dette, d’un endettement croissant vis-à-vis des banques commerciales (sa part représentant 6,6% en 2011 vs 27%
en 2022) et donc plus coûteux ; et des intérêts de la dette qui absorbent 26% des recettes budgétaires en 2023. La
dette externe apparaît aujourd’hui très vulnérable aux chocs externes, de croissance et climatiques. La très forte
dépréciation du shilling kenyan par rapport au dollar renchérit le service de la dette et le coût des importations. Un
an après son élection, Ruto fait face à un tournant, chacun ayant les yeux tournés vers le remboursement de
l’Eurobond de 2 Mds USD en 2024, compliqué du fait de l’impossibilité d’émettre sur les marchés financiers
internationaux étant donné les taux trop élevés. Le Kenya conserve un soutien très fort du FMI qui catalyse le
financement des partenaires de développement. Le risque de T&C est actuellement élevé du fait de dépréciation
rapide du shilling et de la diminution des réserves.
Evolution de la note risque pays Evolution des notes risque souverain et plafond pays
Risque pays RC1 Risque souverain Plafond pays
RP1
RC2
RP2
BB-
RC3
3c
3a 4a B+
B
RC4
RP3
4b
RC5
4c
RP4
RC6
mai-15 mai-16 mai-17 mai-18 mai-19 mai-20 mai-21 mai-22 mai-23 mai-15 mai-16 mai-17 mai-18 mai-19 mai-20 mai-21 mai-22 mai-23
57
ENVIRONNEMENT POLITIQUE ET SOCIOECONOMIQUE
Contexte politique et gouvernance publique : Le Kenya est une Un décrochage continu par rapport au niveau
république fondée sur un régime présidentiel. Après de vie moyen des PRITI
l’indépendance (1963), les britanniques et leurs soutiens ont PIB/hab. USD ppa constant
préservé la structure des pouvoirs économiques et politiques. 6000 1,4
L’ethnie Kikuyu (21% de la population) en détient toujours une 1,2
5000
grande partie. Cette situation génère des inégalités et des conflits,
1
dont la base supposée « ethnique » est considérée comme 4000
0,8
instrumentalisée, comme suite à l’élection présidentielle de 2007. 3000
0,6
L’élection d’août 2022 était crainte, mais elle a finalement été 2000
0,4
davantage centrée sur des questions économiques et sociales. La
1000
victoire de l’outsider William Ruto, et sa confirmation par la 0,2
58
FINANCES PUBLIQUES
Comptes publics : Le budget de l’Etat est structurellement Une consolidation fiscale plombée par les
déficitaire depuis 2008 (-5,4% du PIB en moyenne jusqu’en 2019) du intérêts de la dette
fait de la vigueur de l’investissement public (8% du PIB sur la même 30 1
période) et d’une faible capacité à collecter les recettes. Durant 0
25 -1
la crise Covid-19, des exemptions d’impôts et taxes ont
20 -2
accompagné des dépenses accrues, et le déficit a atteint 8,1% du -3
PIB en 2020. La tendance s’inverse ensuite, la consolidation 15 -4
-5
budgétaire étant la priorité du gouvernement dans le cadre du 10 -6
programme FMI, qui note des résultats satisfaisants en la matière. -7
5
Les recettes ont ainsi atteint 0,4 pt de PIB de plus que les objectifs -8
0 -9
du programme FMI en 2022, et le déficit primaire s’est réduit à 1,4% 2008 2010 2012 2014 2016 2018 2020 2022 2024
du PIB. En revanche, les progrès en matière de collecte stagnent Déficit budgétaire, % du PIB (éch. d)
en 2023 (effet « faible » croissance), et c’est surtout la Déficit primaire (éch. d)
rationalisation des dépenses qui explique la réduction du déficit. La Recettes, % du PIB (éch. g.)
Dépenses, % du PIB (éch. g.)
5ème revue prévoit cependant un excédent primaire à horizon
Sources : IMF (WEO), calculs ECO
2024, grâce à une bonne application des réformes en matière de
TVA, l’arrêt des subventions à l’essence, une réforme des administrations fiscales. Le BFP (10% du PIB en 2023) a été
couvert par de l’endettement externe et domestique (notamment à court terme). Pour ce dernier, les taux sont à la
hausse (12-14%) pour les maturités courtes, ce qui complique la gestion du rollover pour le gouvernement.
Endettement public : Résultat d’une accumulation des déficits
L’endettement se maintient à 70% du PIB
primaires, la dette publique totale croît depuis 15 ans. Elle a
dépassé les 70% du PIB en 2023 à cause de la dépréciation du taux 80
59
COMPTES EXTERNES
Balance des paiements : Malgré des exportations dynamiques, le compte courant est structurellement déficitaire du
fait d’une dépendance aux importations d’énergie, de biens d’équipement et de biens alimentaires lors des
sécheresses récurrentes. Le déficit atteint 5,1% du PIB en 2022, et 4,8% en 2023, soit une légère contraction due surtout
à une baisse des importations. Les transferts de migrants (3,4% du PIB en 2021) sont devenus la principale source de
devises, devant le tourisme (0,4% du PIB) et les exportations de thé, de café et horticoles. Le Kenya attire moins d’IDE
(relativement au PIB) que le Rwanda, l’Ouganda, la Tanzanie, les pays PRITI, et l’Afrique Sub-saharienne en moyenne.
Le besoin de financement externe (BFE) est estimé à environ 6,7% du PIB en 2023 et 8,5% en 2024. Le pays devra puiser
dans ses réserves en 2023 pour en financer une partie (752 M USD soit 0,6 pt de PIB, moins que les 1,5 Mds utilisés en
2022) et faire également appel aux financements externes (multilatéraux) pour 1,7 pt.
Soutenabilité et liquidité externes : La hausse de la dette extérieure
Une dépréciation historique du shilling kenyan
(de 19% à 66,8% du PIB entre 2012 et 2022) à 60% publique, résulte
et une chute des réserves
majoritairement du programme d’investissements de l’Etat.
12 155
Le shilling se déprécie depuis mi-2021, et a perdu 22,5% de sa valeur
145
entre oct. 2022 et oct. 2023, à cause principalement de la 10
diminution des flux entrants de la balance des paiements (hausse 135
8
du coût de l’énergie et une baisse des IDE). Des pénuries de dollars 125
CLIMAT
Climat : Le Kenya est vulnérable au changement climatique : il est Un mix énergétique décarboné
classé 17ème pays le plus risqué en termes de conséquences Sources d’offre d’énergie, TJ
humanitaires sur 191 pays par l’indice INFORM. Le score ND-GAIN 1400000
est particulièrement mauvais en matière d’exposition au 1200000
changement climatique et de capacité d’adaptation à ce
1000000
dernier : il est ainsi classé 147ème pays le plus vulnérable sur 182. Le
800000
coût des sécheresses et inondations récurrentes est estimé à 2-2,4%
600000
du PIB/an. Sont particulièrement à risque les secteurs de l’énergie,
400000
du tourisme et agricole (pluvial à 98%, 84% des terres arides à semi
arides, ¼ du PIB, 40% de la force de travail et 70% population 200000
rurale). 0
1990 1995 2000 2005 2010 2015 2020
Transition bas-carbone : Le Kenya émet 1,6 MteqC02 par habitant Charbon Hydro
(vs 6,5 pour la moyenne mondiale). 57% des émissions viennent de Solaire et éolien Biofuels et déchets
Pétrole
l’agriculture, essentiellement de l’élevage, Le profil énergétique est
particulier, avec 2/3 de la consommation provenant de la Sources : IEA
biomasse et la géothermie qui représentent 44% de la production
d’électricité (le pays est le 9ème producteur mondial). 80% du mix énergétique est basée sur des ENR. Malgré cela, le
risque de transition bas carbone est modéré et non faible dans le contexte actuel car une partie des recettes
publiques et en devises dépendent des taxes sur les secteurs en déclin et des exportations de produits miniers et
chimiques. Par ailleurs, le Kenya a extrêmement peu de ressources pour se préparer à cette transition, tout comme
ses CND qui dépendent quasiment exclusivement des financements de bailleurs. Le RSF est donc bienvenu avec
comme priorité d’accroitre la gestion des catastrophes.
60
Fiche risque pays ISR/ECO – novembre 2023
Justine Mélot
Mali (melotj@afd.fr)
Risque pays : RP4a Risque souverain : RC5 Risque T&C : 3 crans (éq. B+)
Le Mali traverse depuis 2012 une période de forte instabilité, se traduisant par de fréquentes attaques terroristes et
d’importants conflits communautaires. En août 2020, le pays a fait l’objet d’un coup d’Etat militaire, et le non-respect
du calendrier de transition par la junte a contraint la CEDEAO et l’UEMOA à appliquer un dur train de sanctions
contre le Mali de janvier à juillet 2022, finalement levé suite à un accord prévoyant la tenue d’une élection
présidentielle début 2024. Malgré la lente normalisation des relations avec les pays voisins et avec les institutions
internationales (mission FMI en mars 2023), le risque souverain reste très élevé. En effet, les finances publiques sont
structurellement déséquilibrées et l’endettement s’inscrit en hausse (51,7 % du PIB en 2022). La levée des sanctions
a permis un dégel des avoirs de l’Etat, son retour sur le marché de l’UEMOA et le remboursement des arriérés
accumulés, mais le tarissement des flux externes concessionnels conduit à une dépendance croissante du pays à
de couteux flux domestiques, à l’origine d’une hausse sensible du service de la dette (qui atteindrait 9,9 % du PIB en
2023) et de craintes sur la liquidité. Par ailleurs, après l’annonce fin septembre d’un nouveau report du calendrier
électoral, un retour des sanctions n’est pas à exclure. Le risque pays est, en parallèle, très élevé. Peu diversifiée,
l’économie est exposée aux fluctuations des cours des matières premières, aux aléas climatiques et aux évolutions
de la situation politico-sécuritaire. Après une croissance de 3,7 % en 2022, le rebond anticipé en 2023 à 4,5 % (FMI)
apparaît incertain. Sur le plan externe, le pays affiche un conséquent déficit courant qui s’est creusé ces dernières
années du fait de la hausse de la facture énergétique et d’une baisse des dons. Si sa couverture (flux de dette et
IDE) est de plus en plus compromise, l’appartenance du pays à l’UEMOA modère les risques externes et lui confère
un risque faible de transfert et convertibilité.
Evolution de la note risque pays Evolution des notes risque souverain et plafond pays
Risque pays RC1
Risque souverain Plafond pays
RP1
RC2
RP2
RC3
BB-
B+
4c
RC4
RP3
RC5
B-
5 5
RC6
RP4
4a 6a
61
ENVIRONNEMENT POLITIQUE ET SOCIOECONOMIQUE
Contexte politique et gouvernance publique : Le Mali traverse une Le niveau de vie des Maliens (PIB/hab USD PPA)
période de forte instabilité politique et sécuritaire depuis le coup stagne depuis le début des années 2000
d’Etat de 2012 et l’occupation de sa moitié nord par des groupes 4500
nettement moins optimiste, avec une estimation de croissance de Croissance économique (%) TCAM (%)
1,8 % en 2022 et 4,0 % en 2023.
Sources : FMI, calculs ECO
62
FINANCES PUBLIQUES
Comptes publics : Les comptes publics du Mali sont structurellement
déséquilibrés en raison de la faiblesse des recettes budgétaires Afin de compenser le départ des bailleurs, le Mali
émet massivement sur le marché local depuis 2020
(poids de l’économie informelle, collecte entravée de l’impôt dans 8%
le Nord et le Centre) qui sont insuffisantes pour couvrir le niveau des 7%
dépenses, et ce malgré un flux annuel de dons d’environ 1,5 % du 6%
PIB jusqu’en 2021. La masse salariale de la fonction publique 5%
absorbe, à elle seule, 55 % des recettes fiscales en 2022 – contre 4%
42 % en 2018 – (un niveau bien supérieur au seuil de 35 % fixé par
% du PIB
3%
l’UEMOA), et les dépenses de sécurité tout comme la situation 2%
financière des entreprises publiques pèsent sur le budget. Après 1%
avoir atteint 3,0 % du PIB en moyenne sur la période 2015-2019, le
0%
déficit budgétaire s’est creusé ces dernières années en raison de la 2013 2015 2017 2019 2021 2023
-1%
pandémie, des sanctions et de la guerre en Ukraine, et aurait atteint
-2%
4,8 % du PIB en 2021 et 2022. Selon les prévisions du FMI, il serait stable
-3%
en 2023 et se réduirait légèrement en 2024. Les comptes publics
Prêts domestiques (nets) Prêts exterieurs (nets) Dons exterieurs
resteraient néanmoins déséquilibrés à moyen terme, avec un déficit
Sources : FMI, calculs ECO
demeurant au-delà du seuil fixé par l’UEMOA de 3 % du PIB à
l’horizon 2025 (3,6 % selon le FMI) et un besoin de financement
public augmentant à 13 % du PIB (contre 10 % du PIB en 2022 et Tirée par la croissance de sa part domestique,
environ 6 % avant pandémie). La réforme du code minier, votée en la dette publique s’inscrit en nette hausse
août 2023 et obligeant les exploitants à céder gratuitement 10 % de 60,0
déficit courant à 6,5 % du PIB en 2023 puis à 5,7 % en 2024 (FMI). Le Sources : FMI, calculs ECO
CLIMAT
Climat : Pays sahélien, le Mali présente un climat tropical dans ses La forte dépendance à la biomasse limite les
régions méridionales (concentrant 90 % de la population), qui tend émissions de GES
à devenir aride à mesure que l’on progresse vers le Sahara. Alors
que les tensions pour l’approvisionnement en eau sont déjà Hydroélectricité
2%
importantes, notamment entre agriculteurs et éleveurs
Pétrole
transhumants, la hausse des températures et la modification du 24%
régime des précipitations devraient augmenter l’occurrence des
épisodes de sécheresse et favoriser la desertification – alors même
que les terres arables couvrent déjà moins de 15 % du territoire –,
menaçant la fragile sécurité alimentaire du Mali. De même,
plusieurs régions sont sujettes aux glissements de terrains et à des Biomasse
innondations, amplifiés par une urbanisation rapide et non- 74%
réglementée. Entre 1970 et 2020, le Mali a connu 26 inondations et
9 sécheresses selon la Banque mondiale. Classé 176e/181 pays à 2019, hors importations d'éléctricité
l’indicateur de résilience ND-Gain en 2021, le Mali pourrait connaitre
Sources : IFDD, calculs ECO
une baisse de 11 % de son PIB dû au changement climatique à
l’horizon 2050 selon la Banque mondiale.
Transition bas-carbone : Les Maliens n’ont émis que 2,0 tonnes d’équivalent CO2 par habitant en 2020, un niveau trois
fois inférieur à la moyenne mondiale (6,1 teqCO2). Peu diversifiée, l’économie repose sur quelques secteurs (agriculture
de subsistance, coton, or, services) qui n’apparaissent pas ou peu exposés au risque de transition. De plus, en raison
d’un faible taux électrification (environ 50 %, seulement 16 % en zone rurale), le mix énergétique repose essentiellement
sur la biomasse, tandis que les énergies fossiles représentent moins d’un quart de la consommation. La Contribution
déterminée au niveau national du Mali vise une réduction des émissions de GES du pays de 40 % d’ici 2030, mais celle-
ci est exclusivement conditionnée à un soutien international (seul pays du Sahel à ne pas avoir d’objectif
inconditionnel). Surtout, l’instabilité politico-sécuritaire chronique, le fort taux d’informalité et la faiblesse des recettes
fiscales minent la capacité du pays à mettre en œuvre des politiques climatique ambitieuses et crédibles.
64
Fiche risque pays ISR/ECO – novembre 2023
Laura Marie
Maroc (mariel@afd.fr)
Risque pays : RP2b Risque souverain : RC2c Risque T&C : 1 cran (éq. BBB)
Le risque pays et le risque souverain sont modérés. Le séisme du 8 septembre dernier, qui a causé d’importants
dommages physiques et de lourdes pertes humaines dans le Haut Atlas, a rappelé que le Maroc était peu préparé
aux catastrophes naturelles. Son impact sur l’économie demeurerait néanmoins limité, compte-tenu du fait que les
principaux centres productifs du pays ont été épargnés : la croissance économique devrait s’établir à 2,4% en 2023,
après avoir fortement ralenti en 2022 (1,3%), du fait d’importantes sécheresses. Afin de réduire la vulnérabilité au
changement climatique, les autorités se sont engagées fin septembre 2023 dans un ambitieux programme FMI au
titre de la facilité pour la résilience et la durabilité de 1,3 Md EUR (18 mois). Après un pic à 10% en g.a. en février
2023, l’inflation a ralenti à 4,9% en septembre, alors que la banque centrale a initié un resserrement tardif de sa
politique monétaire en septembre 2022. La crise du Covid-19 a accentué le risque souverain, souligné par la perte
du statut Investment grade par Fitch et S&P en 2020-21. La consolidation budgétaire a néanmoins repris dès 2022,
malgré les mesures mises en place par le gouvernement pour limiter l'impact du conflit russo-ukrainien sur la
consommation et éviter les tensions sociales. Le profil de la dette demeure favorable (majoritairement libellée en
monnaie locale et détenue par les résidents) et le pays peut compter sur la profondeur du marché domestique, le
soutien des bailleurs internationaux et des investisseurs pour couvrir ses besoins de financement (nouvelle émission
d'un Eurobond en deux tranches de 2,5 Mds USD en mars 2023). Après sa réduction en 2020-21, le déficit du compte
courant s’est creusé sous l’effet de la guerre en Ukraine (3,5% du PIB en 2022 et 3,1% anticipé en 2023), mais la
résilience des IDE et le niveau encore adéquat des réserves de change limitent les pressions externes. Le risque de
transfert et convertibilité demeure toutefois élevé, contraint par le manque de flexibilisation du régime de change.
Evolution de la note risque pays Evolution des notes risque souverain et plafond pays
BBB
2c
RC2
RP2
2b
RC3
RC4
RP3
RC5
RP4
RC6
mai-15 mai-16 mai-17 mai-18 mai-19 mai-20 mai-21 mai-22 mai-23 mai-15 mai-16 mai-17 mai-18 mai-19 mai-20 mai-21 mai-22 mai-23
65
ENVIRONNEMENT POLITIQUE ET SOCIOECONOMIQUE
Contexte politique et gouvernance publique: Le Maroc jouit Evolution du niveau de vie en ligne avec la
d’une relative stabilité au regard de ses voisins d’Afrique du Nord. moyenne PRITI
La transformation progressive du pays s’est accélérée suite aux
350
manifestations du Printemps arabe : une nouvelle Constitution, PIB par hab. Maroc
adoptée en 2011, visait un rééquilibrage au sein de la monarchie 300
PIB par hab. PRITS
(renforcement des pouvoirs du Premier ministre et du Parlement, 250 PIB par hab. PRITI
plus grande indépendance de la justice). Toutefois, l’essentiel des 200
prérogatives du Roi est préservé : il préside le Conseil des ministres
150
et de la justice, peut limoger les ministres, dissoudre le Parlement.
De 2016 à 2018, plusieurs mouvements de contestation pour la 100
-5 0% 13
2005
2006
2007
2008
2009
2010
2011
2012
2013
2014
2015
2016
2017
2018
2019
2020
2021
66
FINANCES PUBLIQUES
Comptes publics : Le Maroc a entamé une consolidation budgétaire
en 2013 qui a permis de ramener le déficit public autour de 3,5% du PIB La consolidation budgétaire se poursuit
en 2018-19. Après s’être creusé à 7,1% du PIB en 2020 compte-tenu de 2% 40%
la hausse des dépenses liées à la crise sanitaire, le déficit budgétaire 35%
s’est de nouveau réduit en 2021 (6% du PIB) et en 2022 (5,2% du PIB), 0%
30%
grâce à une augmentation des recettes (hausse de l’impôt sur le
revenu et sur les sociétés, bonne performance des entreprises -2% 25%
pour absorber de nouvelles émissions de titres publics. Après avoir émis Sources : FMI (Articles IV), Ministère des finances
un Eurobond en déc. 2020 à des conditions favorables malgré la
dégradation de la notation souveraine par Fitch, le Trésor a de nouveau levé 2,5 Mds USD en mars 2023 (deux tranches
de 5 et 10 ans aux taux de 6,2% et 6,6%), témoignant de la confiance des investisseurs dans l’économie marocaine et
de spreads modérés (231 pbs en moyenne entre janvier et octobre 2023).
67
COMPTES EXTERNES
Balance des paiements : La balance commerciale est structurellement Un déficit du compte courant qui se maintient
très déficitaire (~16% du PIB en moyenne sur 2016-19) du fait des 20
fragilités du modèle exportateur marocain (automobile, textile,
phosphate), dépendant de la conjoncture européenne, et du poids 10
des importations, notamment énergétiques (le pays importe 90% de
ses besoins en énergie). Le tourisme et les transferts des migrants
0
constituent deux sources importantes d’entrées de devises (~13% du
PIB en 2022) et de soutien au solde du compte courant. Le déficit de
ce dernier s’est creusé davantage en 2022 (4,3% du PIB vs 2,3% en -10
CLIMAT
Climat : Le Maroc est particulièrement exposé aux risques associés au
Le mix énergétique marocain est dominé
changement climatique, notamment à l’aggravation du phénomène
par des sources d’énergie fossiles
de stress hydrique (passage de 2560 m3 d’eau/pers à 620m3 entre 1960
et 2020), l’accentuation du stress thermique et la multiplication des
11%
phénomènes météorologiques extrêmes (chaleurs extrêmes et Pétrole
inondations). Le changement climatique au Maroc s’est déjà traduit
par une hausse des températures (+1,5 degré en un siècle) et une
diminution respective des précipitations annuelles (-20% en moyenne Gaz
annuelle sur 1960-2018). Le secteur agricole est particulièrement exposé
et le gouvernement a mis en place un ambitieux Plan national de l'eau 32% 54%
Charbon
(2020-2050) pour adapter le secteur de l’eau au changement
climatique. Le Maroc planifie de consacrer 15 à 20% des budgets
totaux d’investissement pour l’adaptation au cours des prochaines Renouvelable
années. 3%
68
Fiche risque pays ISR/ECO – novembre 2023
Jade Castaner
Mauritanie castanerj@afd.fr
Risque pays : RP3c Risque souverain : RC4c Risque T&C : +1 cran (éq. B)
Le risque pays est élevé, en partie attribuable à la forte dépendance économique de la Mauritanie vis-à-vis des
matières premières, notamment des secteurs extractifs et agricoles. Cette dépendance induit une économie
exposée aux fluctuations des cours internationaux et aux aléas climatiques, entrainant une grande volatilité de
l’activité. Ainsi, après un pic à 6,5 % en 2022, la croissance devrait atteindre 4,5 % en 2023 en raison de la baisse
attendue de la production de minerais de fer et d’or. En 2022, malgré la hausse des exportations soutenue par
l’augmentation de la production de certains minerais, les comptes externes ont été fragilisés par les prix élevés des
produits alimentaires et du pétrole, induisant un renchérissement des importations : le pays a affiché un déficit
courant de 15,3 % du PIB et un BFE à 12,5 % du PIB, qui devraient retombés à respectivement 9,9 % et 7,7 % en 2023.
Bien qu’en amélioration, le risque souverain demeure élevé. Le déficit budgétaire s'est établi à 3,0 % du PIB en 2022
en raison des mesures prises pour lutter contre la hausse des prix, mais il devrait diminuer à 2,7 % en 2023 grâce à la
baisse des dépenses courantes et malgré la hausse des dépenses d’investissements. La dette publique, a été
requalifiée en janvier 2023 en risque modéré de surendettement par le FMI (AVD) suite à des renégociations
bilatérales avec le Koweït et l’Arabie saoudite permettant une réduction du stock et du service de la dette publique.
Elle devrait atteindre 49,5 % du PIB en 2023 tandis que la majeure partie de cette dette est externe, détenue par
des créanciers multilatéraux et bilatéraux. Les perspectives sont, plus globalement, favorables. Le FMI a approuvé
un programme FEC en janvier 2023 (86,9 M USD) et les revenus émanant du projet gazier GTA, attendus à partir de
2024, contribueront à réduire les déficits jumeaux et à tirer la croissance économique. Cependant, le climat des
affaires et les indices de gouvernance restent dégradés, contribuant à l'appréciation d'un risque de T&C élevé.
Evolution de la note risque pays Evolution des notes risque souverain et plafond pays
Risque pays Risque souverain Plafond pays
RC1
RP1
RC2
RP2
RC3
3c B
RC4
B-
RP3
5
4c
RC5
6a
RP4
RC6
69
ENVIRONNEMENT POLITIQUE ET SOCIOECONOMIQUE
Contexte politique et gouvernance publique : La Mauritanie Dégradation relative du PIB/hab. à l’échelle
présente une histoire politique complexe, caractérisée par la régionale
prépondérance de régimes militaires et des divisions ethniques 200 6000
Commerce,
hotellerie,
en 2021). Cependant, ces ressources sont principalement dédiées restauration
0,8
à l’exportation (73 % des exportations totales) et génèrent Agriculture Transport et
relativement peu de valeur ajoutée locale en raison d’un faible 0,6 télécom
taux de transformation. Le secteur primaire repose principalement
sur l’élevage et la pêche et est confronté à des défis structurels liés 0,4
Mines
à la faible productivité de la main d’œuvre. Cette forte Industrie
Note : le diamiètre
dépendance aux matières premières expose le pays à des 0,2 BTP
manuf.
des bulles représente
le poids moyen du
vulnérabilités liées aux chocs externes et aux fluctuations des prix. secteur dans le PIB
Le faible développement de l’industrie manufacturière et la faible 0,0
-1% 1% 3% 5% 7% 9% 11% 13%
valeur ajoutée créée dans le secteur tertiaire, malgré son poids Taux de croissance annuelle moyen 2011-2021
relativement important dans l’économie, découle d'un manque Sources : BM (WDI), calculs ECO
d'infrastructures adéquates et d’un cadre réglementaire peu
favorable, malgré les efforts récents du gouvernement visant à Une croissance dynamique à moyen terme
20
améliorer le climat des affaires.
Régime de croissance : L’économie a traversé entre 2003 et 2025 15
principalement alimentée par une reprise robuste de la production Taux de croissance du PIB réel (%)
Taux de croissance annuel moyen (%)
d’or. La croissance devrait légèrement ralentir en 2023 pour
atteindre 4,5 % selon le FMI en raison de la baisse attendue de la Sources : FMI (WEO), calculs ECO
production de de fer et d’or. Toutefois, à moyen terme, les perspectives économiques et financières sont favorables.
La hausse de la production de métaux et minerais et surtout la mise en exploitation du gisement GTA au second
semestre 2024 (gaz naturel destiné à la fois au marché domestique et aux exportations) devraient engendrer une
accélération de la croissance à 5,3 % en 2024, selon le FMI.
70
FINANCES PUBLIQUES
Comptes publics : Le solde budgétaire est influencé par les Une récente dégradation qui cache une
fluctuations des cours internationaux des matières premières, meilleure exécution budgétaire
compte tenu de la part significative des recettes provenant du 4 27
secteur extractif (18 % entre 2010-2020 et 26 % en 2022). Alors que 3
25
le pays a maintenu un excédent entre 2016 et 2021, le solde 2
budgétaire s’est fortement détérioré en 2022 (-3 % du PIB). Les 1
23
À moyen terme, le déficit budgétaire devrait se réduire grâce à Sources : FMI (WEO), calculs ECO
l'augmentation progressive des recettes fiscales, tandis qu’un nouvel accord pour un programme FMI a été conclu en
janvier 2023, d'un montant de 82,6 M USD. En ce qui concerne les recettes extractives, les attentes sont grandes autour
du projet GTA, les autorités anticipant des revenus substantiels. Cependant, de nombreuses incertitudes subsistent,
aussi bien en termes de croissance que de revenus. Le projet d'expansion (phase 2 et 3), qui prévoit une production
accrue et, par conséquent, des revenus plus importants, pourrait faire face à de nouveaux retards.
Endettement public : En janvier 2023, le risque de surendettement Un endettement public essentiellement externe
de la Mauritanie a été ramené d'élevé à modéré par le FMI (AVD). 70
Cette amélioration est le résultat de négociations bilatérales
60
fructueuses menées par le pays avec plusieurs créanciers (Koweït
et Arabie saoudite) en vue de réviser les conditions de la dette 50
Secteur financier : Le secteur bancaire en Mauritanie est confronté à plusieurs défis majeurs, liés notamment à la
présence d'un grand nombre d'acteurs (18 banques), qui explique une partie des très faibles niveaux de rentabilité. En
2021, le ROE était de -0,1 %, tandis que le ROA était nul. La fragmentation du système financier entrave l'inclusion
financière, seulement 24 % de la population ayant accès à des services financiers formels. En outre, le ratio de prêts
non performants (PNP) demeure structurellement élevé, atteignant 21 % en septembre 2022. Cette situation est en
partie attribuable à la persistance d'anciennes créances douteuses non radiées. Cependant, il est important de noter
que les provisions pour ces créances se sont améliorées, atteignant 62,3 % en septembre 2022, contre 58,4 % à la fin
de 2021. Bien que les niveaux de liquidité (LCR à 119 %) et de capitalisation (CAR à 18 %) des banques mauritaniennes
soient satisfaisants, ils ont connu une détérioration en 2022.
71
COMPTES EXTERNES
Balance des paiements : La Mauritanie fait face à un défi de Un compte courant structurellement déficitaire
diversification de ses exportations, concentrées sur un nombre 5%
limité de produits : les métaux (73 % des exportations) et les produits
0%
de la pêche (26 % des exportations). Cette dépendance aux cours
internationaux augmente la vulnérabilité du pays. La balance des -5%
biens affiche un déficit structurel, qui s’est établi à 11 % du PIB en
moyenne sur la période 2010-2019. Malgré la hausse des -10%
CLIMAT
Climat : La Mauritanie se classe parmi les pays les plus exposés aux conséquences du changement climatique (165e
sur 185 selon le ND-Gain). Le pays est confronté à une escalade Une tendance baissière des émissions par tête
des impacts néfastes (crues, inondations côtières et urbaines, 4 14000
chaleurs extrêmes, pénuries d’eau, etc.). Les effets du 3,5 12000
changement climatique se manifestent déjà : en août 2019, 90 %
3
des stations hydrométéorologiques ont enregistré d'importants 10000
2,5
déficits pluviométriques par rapport à la moyenne de long terme 8000
(1981-2010). Alors que le pays est déjà fortement dépendant des 2
6000
importations alimentaires (27 % des importations), les aléas 1,5
climatiques peuvent entraîner des répercussions négatives sur 1
4000
l'agriculture domestique et la sécurité alimentaire, une grande 2000
0,5
partie de la population dépendant du secteur agricole (19 % du
0 0
PIB et 35 % des emplois en 2021). 1992 1996 2000 2004 2008 2012 2016 2020
Transition bas-carbone : Le mix énergétique de la Mauritanie est Emissions de GES (KtCO2eq, éch. D.)
Emissions de GES par habitant (tCO2eq, éch. G.)
très carboné, dominé par le pétrole (65 %), suivi par la biomasse
Sources : Climate Watch, calculs ECO
(32 %). Toutefois, l’exploitation des ressources en gaz naturel offre
la possibilité de réduire les importations pétrolières. En parallèle, le pays dispose de certains atouts qui minimisent le
risque de transition : le pays est riche en ressources minérales (fer, cuivre et or) et bénéficie d'un ensoleillement parmi
les plus élevés au monde, ouvrant ainsi la voie au développement de projets d'énergies renouvelables à grande
échelle. Bien que la part actuelle de la production électrique issue de ces énergies demeure modeste, le pays s'est
fixé un ambitieux objectif de porter cette part à 50 % de sa capacité totale d'ici 2030. La Mauritanie aspire également
à devenir un acteur majeur dans la production d'hydrogène vert, une solution décarbonée prometteuse. Cependant,
la technologie nécessaire à cette production en est encore à ses débuts à l'échelle mondiale et les coûts de
production demeurent élevés. Des questions subsistent également concernant les canaux d'exportation potentiels
pour cette ressource.
72
Fiche risque pays ISR/ECO – novembre 2023
Alix Vigato
Mozambique (vigatoa@afd.fr)
Risque pays : RP4a Risque souverain : RC6a Risque T&C : 1 cran (éq. B-)
Le risque pays est très élevé. Figurant parmi les pays les moins avancés (PMA), le Mozambique présente des
indicateurs de développement humain alarmants et sa population demeure marquée par des décennies
d’affrontement. Malgré un dynamisme économique certain depuis une trentaine d’années, le niveau de vie des
Mozambicains ne progresse que lentement et les inégalités sont conséquentes. Portée par la progressive entrée en
exploitation d’immenses gisements gaziers dans la province de Cabo Delgado au nord du pays (9e réserves
mondiales potentielles), la croissance économique devrait accélérer ces prochaines années, atteignant un pic à
7,0 % en 2023 avant de culminer à 13 % en 2027. Néanmoins, ces mégaprojets – menacés et retardés par la
récurrence d’attaques islamistes – sont également à l’origine d’un net creusement du déficit courant et devraient
exacerber la vulnérabilité de l’économie aux fluctuations des cours des matières premières, déjà significative
aujourd’hui (biens agricoles, charbon, aluminium, pierres précieuses, graphite, etc.). Sur le plan des comptes publics,
le Mozambique affiche l’un des ratios d’endettement les plus élevés d’Afrique, à 90 % du PIB fin 2023. En dépit de
récents efforts de consolidation, du soutien des bailleurs (programme FMI depuis mai 2022) et d’une hausse
attendue de la manne gazière, de conséquents déséquilibres devraient persister à moyen terme. L’accumulation
récurrente d’arriérés externes suggère, en outre, une situation de surendettement avéré. Enfin, de nombreuses
mesures viennent restreindre les transferts de capitaux et la convertibilité de la devise au Mozambique, d’où un
risque élevé de transfert et convertibilité. De surcroît, le risque d’instauration de mesures restrictives apparaît renforcé
par des indicateurs de gouvernance globalement dégradés, la parité de facto fixe du metical avec le dollar et le
conséquent besoin de financement externe du pays (en lien avec les mégaprojets gaziers).
Evolution de la note risque pays Evolution des notes risque souverain et plafond pays
Risque pays RC1
Risque souverain Plafond pays
RP1
RC2
RP2
RC3
3a
RC4
4a B-
RP3
3b 4b
3c
RC5
4c
RP4
RC6
4a 6a
mai-15 mai-16 mai-17 mai-18 mai-19 mai-20 mai-21 mai-22 mai-23 mai-15 mai-16 mai-17 mai-18 mai-19 mai-20 mai-21 mai-22 mai-23
73
ENVIRONNEMENT POLITIQUE ET SOCIOECONOMIQUE
Contexte politique et gouvernance publique : La vie politique Le niveau de vie des Mozambicains
mozambicaine est structurée par l’opposition entre le FRELIMO, parti stagne depuis 2014
au pouvoir depuis l’indépendance de 1975, et le RENAMO, ancien 4000
bulles représente le
2,0
infrastructures selon un axe Est-Ouest – afin d’exporter sous forme Agriculture
poids moyen du
secteur dans le PIB
1,8
brute les ressources du pays et des Etats enclavés voisins vers l’Océan
1,6
indien –, l’économie s’appuie avant tout sur l’exploitation de matières
1,4 Transport &
premières, pas ou peu transformées. Le secteur extractif (charbon, 1,2
télécom.
subsistance qui concentre 70 % des emplois (pour un quart du PIB), 0,2 Hotellerie-
restauration
BTP
(moins de 10 % du PIB). Un ralentissement de la croissance Sources : Instituto Nacional de Estatística, calculs ECO
économique a été observé ces dernières années, imputable au repli
des cours internationaux des matières premières à partir de 2014 puis à une série de chocs : scandale des « dettes
cachées » en 2016 (retrait des bailleurs, baisse des IDE) doublé d’un défaut souverain en 2017, deux violents cyclones
tropicaux en 2019 puis pandémie en 2020-2021.
Régime de croissance : Après une récession de 1,2 % en 2020, la Portée par l’exploitation gazière, la croissance
croissance économique mozambicaine a rebondi à 2,4 % en 2021 économique du Mozambique accélère
14,0
puis à 4,2 % en 2022. Malgré les dégâts causés par le cyclone Freddy,
12,0
la croissance devrait atteindre 7,0 % en 2023, portée par l’entrée en
10,0
production du projet de gaz off-shore de la société ENI (depuis
8,0
octobre 2022) et par une hausse des dépenses publiques
d’investissement, soutenue par le programme FMI conclu en mai 6,0
% du PIB
que le départ des bailleurs à partir de 2016 suite au scandale des -4 27
dettes cachées a poussé l’Etat à massivement recourir au marché
financier domestique – à des conditions peu favorables –, il profite -6 22
finances publiques bénéficient également de récentes mesures de Sources : FMI, calculs ECO
consolidation, parmi lesquelles une réforme de la rémunération des fonctionnaires (suppression du 13e mois, non
indexation des salaires sur l’inflation) et la réintroduction d’un mécanisme d’ajustement des prix des carburants. Un
fonds souverain recevant 40 % des recettes gazières devrait par ailleurs être créé. Le besoin de financement public
doit, par conséquent, progressivement décliner, de 14 % du PIB en 2022 à seulement 4 % à l’horizon 2028.
Endettement public : Le scandale des dettes cachées a porté le Le ratio d’endettement mozambicain
ratio d’endettement mozambicain jusqu’à un point haut à 126 % ne décroit que lentement
140
du PIB en 2016, avant que l’Etat ne fasse défaut sur un eurobond
en 2017. Il se stabilise depuis entre 90 et 120 % du PIB, soit l’un des 120
75
COMPTES EXTERNES
Balance des paiements : Depuis 2010 et la découverte d’immenses Le déficit courant devrait à
réserves de gaz naturel au nord du territoire, le déficit courant du nouveau se creuser dès 2024
10%
Mozambique s’est considérablement creusé, oscillant entre 20 et
40 % du PIB. Afin de permettre l’exploitation de ces gisements, le pays 0%
a en effet sensiblement augmenté ses importations de biens
d’équipement et de prestations de service. A partir de 2014, les -10%
comptes externes ont également été plombés par le retournement
% du PIB
-20%
des cours internationaux des matières premières exportées (charbon,
aluminium, hydrocarbures, pierres précieuses, graphite, biens -30%
agricoles). Malgré la hausse des prix des matières premières en 2022,
le déficit courant s’est creusé à 33 % du PIB du fait de l’importation -40%
CLIMAT
Climat : Le Mozambique présente un climat essentiellement tropical sur ses 2500 km de côtes, qui tend à devenir
subtropical (voire aride) au contact des reliefs de l’intérieur du pays. Sujet à de nombreux phénomènes
météorologiques extrêmes, il se positionne comme 5e pays ayant connu le plus de dégats humains et matériels du fait
d’aléas climatiques sur la période 2000-2019 (proportionnellement à sa population et à son PIB, German Watch). A
l’image du cyclone Freddy en février-mars 2023, la reccurence des cyclones le long du canal du Mozambique
constitue la principale menace climatique pour le pays, la Banque mondiale estimant que ceux-ci affectent en
moyenne deux millions de Mozambicains chaque année. Les régions côtières (accueillant les deux tiers de la
population) sont particulièrement exposées, également menacées par la montée du niveau marin. En sus de
déstabiliser un réseau d’infrastructures déjà sous-développé, ces cyclones ainsi que les fréquents épisodes de
sécheresse, la perturbation des cycles de précipitations et l’érosion des sols affaiblissent une agriculture avant tout
pluviale et qui concentre 70 % des emplois, minant la fragile sécurité alimentaire du pays.
Transition bas-carbone : Les Mozambicains ont émis 3,3 tonnes Le Mozambique présente l’un des taux d’accès
d’équivalent CO2 par habitant en 2020, un niveau près de deux fois à l’électricité parmi les plus faibles au monde
60%
inférieur à la moyenne mondiale (6,4 teqCO2). Le principal secteur
émetteur est – de loin – la déforestation (2/3 des émissions), induite 50%
par la croissance rapide des surfaces cultivées, l’exportation de bois
vers l’Asie et l’emploi de charbon de bois comme source d’énergie. 40%
En effet, en raison d’un taux d’accès à l’électricité parmi les plus
30%
faibles au monde (moins d’1/3 de la population), le mix énergétique
repose à près de 70 % sur la biomasse, suivi par les hydrocarbures 20%
(18 %) et l’hydroélectricité (12 %, en partie exportée vers les pays
voisins). Si la Contribution déterminée au niveau national (CDN) du 10%
de charbon et de la manne gazière amenée à se développer et à Sources : Banque mondiale, calculs ECO
76
Fiche risque pays ISR/ECO – novembre 2023
Vincent Joguet
Namibie (joguetv@afd.fr)
Risque pays : RP3a Risque souverain : RC3c Risque T&C : 1 cran (éq. BB)
Le risque souverain est assez élevé. Malgré une amélioration du déficit public au cours de l’année fiscale 2022/23
qui serait passé sous sa tendance de long terme de -7% du PIB, le taux d’endettement public a continué de se
creuser au cours de l’année et le gouvernement ne s’attend pas à une stabilisation avant 2024/25. La charge de la
dette est en augmentation et devrait dépasser 15% des recettes budgétaires cette année. Selon la dernière analyse
de viabilité de la dette du FMI (déc. 2022), la dette est soutenable avec des risques significatifs (11 indicateurs en
risque élevé) reflétant un taux d’endettement élevé et vulnérable à des chocs de croissance. La dette publique est
cependant domestique à 75% et la profondeur du marché local et régional permet de couvrir le besoin de
financement public élevé. Le risque pays est élevé. De moins en moins populaire, le parti au pouvoir depuis
l’indépendance, désuni et corrompu, n’a pas su redynamiser l’économie : le chômage a augmenté et le niveau
très élevé des inégalités, héritées de la période de l’apartheid, ne baisse que lentement. Les élections présidentielles
de 2024 feront figure de test. La croissance économique, après plusieurs années de marasme, a atteint 4,6% en 2022
en raison de la bonne tenue des cours des produits miniers mais devrait ralentir à 2,8% cette année. Le déficit courant
s’est lourdement creusé en 2022 entrainé par l’augmentation des prix mondiaux et la baisse des recettes douanières,
mais la situation devrait s’améliorer en 2023 et en 2024 du fait du redressement significatif de ces dernières. En outre,
les récentes découvertes de pétrole orientent les IDE à la hausse. Le risque de transfert et convertibilité est élevé. La
Namibie possède un compte financier relativement fermé et maintient un régime de change fixe avec le rand sud-
africain qui pèse sur le niveau des réserves internationales, à la limite de ce qui est préconisé par le FMI. La hausse
des taux directeurs de la FED pourrait occasionner des sorties de capitaux.
Evolution de la note risque pays Evolution des notes risque souverain et plafond pays
Risque pays RC1
Risque souverain Plafond pays
RP1
2a
RC2
2b 2c
BB+
RP2
2c BB
RC3
3a 3a 3b
3c
RC4
RP3
RC5
RP4
RC6
77
ENVIRONNEMENT POLITIQUE ET SOCIOECONOMIQUE
Contexte politique et gouvernance publique : L’Organisation du Un PIB par tête élevé mais qui ne converge plus
peuple du Sud-Ouest africain (SWAPO), ancien mouvement vers la moyenne mondiale
indépendantiste, domine la vie politique depuis l’indépendance en
12000 75%
1990. Sa popularité est en baisse depuis les élections législatives et
10000
présidentielles de 2019 et locales de 2020 : perte de la majorité des 70%
1990
1992
1994
1996
1998
2000
2002
2004
2006
2008
2010
2012
2014
2016
2018
2020
2022
corruption se dégrade : le pays est descendu à la 59e place en 2022
(52e en 2018) mais reste bien placé par rapport aux autres pays PIB/hab. Namibie (USD cons tant, PPA - éc h gauche )
africains. La gouvernance, mesurée par l’indice Ibrahim, décline PIB/hab. Namibie /Monde (PPA, %)
depuis 2015 passant de 65,2 à 64,1, un niveau inférieur à celui du
Botswana ou de l’Afrique du Sud. Mme Nandi-Ndaitwah, vice- Sources : BM (WDI), calculs ECO
première ministre, a été nommée en mars 2023 candidate du parti pour les présidentielles de 2024. Malgré le recul du
SWAPO dans les urnes, elle devrait être élue et mener la même politique que son prédécesseur.
Indicateurs socioéconomiques : Avec un revenu par tête de 4880 USD (méthode Atlas) en 2022, la Namibie se situe
dans la tranche supérieure des revenus intermédiaires. La crise économique à partir de 2015 a stoppé net la
convergence avec la moyenne mondiale entamée en 2001 : le PIB par tête a décliné de 16% entre 2015 et 2020 et
est aujourd’hui au niveau de celui de 2012. En outre, ce niveau de richesse masque une pauvreté importante, un
chômage structurel (21%) qui touche surtout les jeunes et des inégalités élevées. Ces dernières rapportées par l’indice
de Gini (0,59, dernières données 2015) placent le pays juste derrière l’Afrique du Sud, à l’avant dernière place
mondiale. Enfin, le niveau élevé de la prévalence du sida (11% des adultes) freine l’évolution de l’IDH.
(-8%) avec les mesures drastiques de confinement prises pour lutter -10%
contre l’expansion du Covid-19. Elles n’ont été levées définitivement -15%
qu’en 2022 ce qui explique qu’il n’y ait eu qu’un léger rebond de
croissance économique en 2021 (3,5%). Cependant, cette dernière
Conso privée Conso pub
s’affermit en 2022, le pays profitant de l’augmentation des cours du FBCF Com e xt.
diamant et de l’uranium et du redémarrage de l’activité industrielle et Var. stocks Croissance du PIB
des services, avant de ralentir en fin d’année du fait des Sources : BM (WDI), calculs ECO
conséquences de l’invasion de l’Ukraine par la Russie sur l’économie
mondiale (4,6% sur l’année 2022). La croissance devrait se tasser en 2023 (prévision de 2,8%), la bonne tenue de la
production minière (les exportations en volume de diamants et d’or augmentent de 32% au 1er semestre) et le retour
graduel des touristes ne permettant pas de compenser la baisse de la demande internationale en intrants miniers au
second semestre. Le FMI estime que la croissance économique à moyen terme ne devrait cependant pas dépasser
2,6% en l’absence de réformes structurelles sur le modèle.
78
FINANCES PUBLIQUES
Comptes publics : Stimulées par une politique expansionniste mise en La dérive du déficit public devrait être enrayée
place en 2010 pour relancer l’économie, les dépenses publiques ont à partir de 2023
connu une sérieuse dérive de 2013 à 2015 passant de 35% du PIB à 10% 45%
(5% en 2015). Le déficit devrait se réduire cette année pour atterrir à 60%
4,2% (fort rebond des recettes douanières). 50%
40%
Endettement public : Alors que la Namibie avait un taux
d’endettement contenu jusqu’en 2014 (24% du PIB), l’augmentation 30%
du secteur financier non bancaire près de 200% dont une caisse de Indice des prix à la consommation (en g.a %)
Taux directeur (%)
retraite à l’équilibre. Il est très développé comparativement à la Sources : Banque centrale, calculs ECO
moyenne africaine et des pays émergents, mais dépend étroitement
de l’Afrique du Sud où sont implantés la majorité des sièges des banques et sociétés gestionnaires d’actifs. Les ratios
de solvabilité, de rentabilité et de liquidité respectent les exigences réglementaires de Bâle III. Les prêts non
performants dépassent les 5% en 2022 et sont à surveiller car les mesures dérogatoires de remboursement autorisées
par la BoN en avril 2020 pour soutenir l’économie sont arrivées à échéance en avril 2023. Malgré les bonnes
performances du secteur financier, celui-ci contribue peu à la croissance de l’économie en raison d’un faible accès
au crédit (les crédits bancaires au secteur privé sont en net recul depuis 2020 et représentaient environ 54% du PIB en
2022), d’une concentration des prêts dans le secteur immobilier (les prêts immobiliers représentent la moitié des prêts
bancaires au secteur privé) et d’un effet d’éviction du fait de la forte concentration de la dette publique détenue
par les institutions financières locales.
79
COMPTES EXTERNES
Balance des paiements : Le solde courant de la Namibie est Le déficit du compte courant est entraîné par
structurellement déficitaire reflétant le déficit commercial récurrent. celui de la balance commerciale
Redressée en 2017, la situation s’est de nouveau dégradée en 2021
20
puis en 2022 : le déficit courant atteint -12,7% du PIB en raison de
l’augmentation des prix internationaux liée à la guerre en Ukraine qui 10
a pesé sur le montant des importations. Au cours du même exercice,
0
les droits de douane ont baissé (revenus secondaires) et cet effet
ciseau a dégradé le solde courant. La situation devrait s’améliorer à -10
partir de 2023 avec la baisse attendue des prix mondiaux, une hausse
des prix des exportations (la baisse de la demande dans les pays -20
CLIMAT
Climat : La Namibie, pays aride, alterne des épisodes de précipitations L’économie namibienne est peu carbonée
extrêmes et de sécheresses persistantes. Le gouvernement a ainsi
8,5
déclaré le pays en état d’urgence nationale à 4 reprises depuis 2012
8
du fait d’événements de sécheresse extrême. En 2019, le pays a subi 7,5
la pire sécheresse depuis 90 ans. En 2022, la Croix Rouge estimait à 750 7
000 le nombre de Namibiens en situation d’insécurité alimentaire (dix 6,5
fois plus qu’en 2013), soit 30% de la population totale et 60% de la 6
population rurale. Un réchauffement climatique mondial contenu à 5,5
2°C d’ici 2100 (objectif des accords de Paris sur le climat) aurait des 5
conséquences sérieuses sur l’environnement, l’économie et la santé 4,5
Selon la Banque mondiale les effets du changement climatique émissions de GES pour 10000 USD de PIB
pourraient entraîner une diminution du PIB de 6,5 % par an. Source : Commission européenne (EDGAR)
80
Fiche risque pays ISR/ECO – novembre 2023
Sylvain Bellefontaine
Niger (bellefontaines@afd.fr)
Risque pays : RP4a Risque souverain : RC6b Risque T&C : 0 cran (éq. CCC-)
Structurellement très élevé, le risque pays s’est dégradé suite au coup d’Etat militaire du 26 juillet 2023. Le Ministère
des finances s’est déclaré dans l’impossibilité d’honorer ses engagements auprès des bailleurs, du fait des sanctions
imposées par la CEDEAO et de l’UEMOA depuis le 30 juillet (suspension de toutes les transactions financières et
commerciales avec le Niger et le gel des avoirs auprès des banques centrales de la CEDEAO). De même, les
sanctions strictes fragilisent fortement le système bancaire et conduisent à une dégradation du risque de transfert
et convertibilité, d’un niveau faible dans le cadre « normal » de l’UEMOA à un niveau très élevé voire matérialisé en
ce qui concerne le risque de transfert. Le putsch est venu interrompre brutalement une trajectoire relativement
positive, marquée par une stabilisation de la démocratie élective au cours de la dernière décennie et des signaux
positifs sur le front sécuritaire national au cours des derniers mois. Dans un contexte régional d’instabilité politique et
de menace djihadiste, le Niger revêtait une importance géostratégique renforcée pour les pays occidentaux,
supposée ancrer le soutien financier des bailleurs et des perspectives macroéconomiques positives à l’appui de la
nouvelle manne pétrolière. Ces facteurs favorables, combinés à l’appartenance à l’UEMOA, l’encadrement des
politiques économiques par le programme FMI et l’appréciation d’un risque modéré de non-soutenabilité de la
dette publique (avec marges limitées pour absorber les chocs négatifs), avaient conduit à l’amélioration récente
de l’appréciation du risque souverain. La durée des sanctions et leur efficacité à fracturer le soutien populaire à la
junte demeurent centrales, dans un pays enclavé et parmi les plus pauvres au monde. Les sanctions ont généré
flambée des prix, spéculation, pénuries, coupures d’électricité et révision à la baisse des prévisions de croissance
économique à court terme, symbolisées par le report de la mise en exploitation de l’oléoduc Niger-Bénin.
Evolution de la note risque pays Evolution des notes risque souverain et plafond pays
Ris que pays Ris que souverain Plafond pays
RP1
RC1
RC2
BB-
RP2
RC3
B+
4c
RC4
RP3
5
RC5
CCC-
RP4
4a
RC6
6b
mai-15 mai-16 mai-17 mai-18 mai-19 mai-20 mai-21 mai-22 mai-23 mai-15 mai-16 mai-17 mai-18 mai-19 mai-20 mai-21 mai-22 mai-23
81
ENVIRONNEMENT POLITIQUE ET SOCIOECONOMIQUE
Contexte politique et gouvernance publique : La consolidation de la Paupérisation crainte suite au coup d’Etat
stabilité institutionnelle observée au cours des dernières années a été Taux d'extrême pauvreté
balayée par le coup d’Etat militaire du 26 juillet 2023, sur fond de 60
(%, seuil 2,15 USD en PPA 2017)
82
FINANCES PUBLIQUES
Comptes publics : Estimé à 6,8% du PIB en 2022, le déficit budgétaire Tarissement des ressources budgétaires
(base engagements, dons inclus d’≈ 5% du PIB) est projeté par le FMI Dette publique (%PIB, éch. D)
à 4,9% du PIB en 2023 et 4,1% du PIB en 2024, avant un retour vers la « Solde budgétaire (%PIB)
Recettes (%PIB, dons inclus)
cible UEMOA » de 3% du PIB en 2025, grâce notamment à des recettes Dépenses (%PIB)
45 90
pétrolières additionnelles de 2-3% du PIB en moyenne pluriannuelles.
40 80
Le gel des avoirs publics dans les banques centrales de la CEDEAO et 35 70
les banques commerciales, l’assèchement des financements (hors 30 60
humanitaires) dans un pays sous perfusion des bailleurs, la faiblesse 25 50
20 40
structurelle des recettes fiscales et les pertes de recettes pétrolières 15 30
affectent de façon immédiate les comptes publics. Une réduction de 10 20
40% du budget 2023 a été annoncée le 6 octobre, notamment face 5 10
0 0
aux difficultés de paiements des salaires des fonctionnaires. Un
-5 -10
ajustement des dépenses est donc prévisible : réduction des transferts, -10 -20
des dépenses sociales et de l’investissement public ; accumulation 2000 2003 2006 2009 2012 2015 2018 2021 2024 2027
d’arriérés envers les fournisseurs locaux ; défaut de paiement déjà Source : FMI (Fiscal monitor)
avéré vis-à-vis des bailleurs internationaux.
Interruption du remboursement du service de
Endettement public : Pré-coup d’Etat, les besoins de financements de la dette publique externe
l’Etat étaient estimés à ≈13% du PIB en moyenne en 2022-2024. Suite à 2023 2024 2025 2023 2024 2025
la suspension de toutes les transactions financières et commerciales Créanciers M USD % PIB
Total 1106 1457 1969 7,1 7,5 9,3
avec le Niger et le gel des avoirs auprès des banques centrales de la
Externes 378 314 337 2,4 1,6 1,6
CEDEAO, le Ministère des finances s’est déclaré dans l’impossibilité Multilatéraux 219 220 251 1,4 1,1 1,2
d’honorer ses engagements auprès des bailleurs multilatéraux et Bilatéraux 108 66 60 0,7 0,3 0,3
bilatéraux. Jusqu’au coup d’Etat, le risque de debt distress était CdP 0 0 0 0 0 0
considéré comme modéré par le FMI, avec marge limitée pour Hors CdP 108 66 60 0,7 0,3 0,3
Créanciers privés 51 28 26 0,3 0,1 0,1
absorber les chocs négatifs, notamment sur les termes de l’échange. Domestiques 728 1143 1632 4,7 5,9 7,7
Dans le scénario central du FMI, le ratio dette/PIB refluerait
Source : FMI (3e revue FEC, juillet 2023)
graduellement de 49% en 2023 (52% pré-putsch) à 43% en 2028 (46%
pré-putsch). Le fardeau de la dette est allégé par l’importance de l’APD (10% du PIB) et le taux élevé de
concessionnalité de la dette externe (i.e. en devises) qui représente 70% de la dette publique totale avec un taux
d’intérêt effectif de 1,2% et une maturité résiduelle de 23 ans, puisque contractée à près de 80% auprès de bailleurs
multilatéraux et à près de 20% auprès de bailleurs bilatéraux. L’ensemble des partenaires financiers a suspendu les
décaissements dans le cadre des programmes en cours, pour un montant estimé à 1,17 Md USD, soit 6,5% du PIB en
2023 (2,5% du PIB décaissé pré-coup d’Etat), dont le programme FEC du FMI, approuvé en décembre 2021, pour un
montant de 278 M USD et dont la 3e revue a été adoptée début juillet. L’accès au marché obligataire régional de
l’UEMOA a été bloqué. Les banques détentrices de titres publics de l’Etat du Niger ne percevront plus le versement
des coupons, ni le remboursement du capital (82 Mds FCFA en capital et 2 Mds FCFA d’intérêts pour les mois d’août
et septembre 2023). Les titres publics du Niger représentent 9% de l’encours global sur le marché de l’UEMOA. Le gel
des avoirs de l’Etat dans les banques commerciales et les entreprises publiques et parapubliques pourrait être difficile
à mettre en œuvre car les banques présentes au Niger pourraient être contraintes par les putschistes à continuer de
financer le régime (comme dans le cas du Mali), d’autant que l’Etat nigérien est actionnaire de 8 des 20 banques du
pays, qui représentent 60% des actifs bancaires.
83
COMPTES EXTERNES
Balance des paiements : Le profond déficit structurel du compte Réduction du déficit du compte courant
courant (15,6% du PIB en 2022) reflète un solde épargne-investissement attendu à court et moyen termes
de l’Etat négatif et le poids des importations de biens d’équipements Déficit du compte courant (% du PIB, éch. G)
et de consommation. Les exportations et les importations officielles 0
Termes de l'échange (base 100 = 2010, éch. D)
140
vont chuter drastiquement au second semestre 2023, voire de façon
plus prolongée si les sanctions commerciales perdurent. Le Niger a -4 130
CLIMAT
Climat : Le Niger est 183e sur 185 pays pour la vulnérabilité au changement climatique selon l’indice ND-GAIN, avec
65% du territoire désertique, un climat de type tropical semi-aride et une amplification des phénomènes climatiques
extrêmes (sécheresse, inondations) pour une économie et une population très dépendantes de l’agriculture (15% du
territoire) et de l’agro-pastoralisme (20% du territoire). Dans un contexte sécuritaire très dégradé, les conflits pour le
partage des terres et l’accès à l’eau se sont multipliés au cours des dernières années (conflits pastoraux et droits
d’usage prioritaire non respectés dans le sud-est). Le sous-sol nigérien regorgerait de réserves colossales d’eau douce,
notamment en zones désertiques, exploitables à travers de lourds investissements en forage et irrigation.
Transition bas-carbone : Les émissions nationales de gaz à effet de Forte vulnérabilité au changement climatique
serre (GES) ont doublé entre 2000 et 2018, mais elles demeurent très
faibles avec un niveau d’émissions de CO₂ par habitant 7 fois inférieur
à la moyenne des pays d’Afrique subsaharienne (ASS) en 2020. 71%
des émissions totales de GES proviennent de l’agriculture, 5% sont
relatives à l’UTCATF et 15% au secteur de l’énergie. La consommation
d’énergie par habitant est près de 10 fois inférieure à la moyenne
d’ASS et repose aux ¾ sur la biomasse (cuisine au bois toujours
prédominante même à Niamey). L’électrification est un défi majeur
avec un taux d’accès à l’électricité de 17% au niveau national et 3%
en milieu rural (à 70% importée du Nigeria et coupé depuis le coup
d’Etat), avec un objectif de 60% au niveau national à l’horizon 2030.
La quasi-totalité du mix électrique repose sur les énergies fossiles et la
stratégie du gouvernement destitué se fondait sur l’utilisation de toutes Source : Les sociétés rurales face aux changements
les sources locales, notamment le charbon, stable contrairement au climatiques et environnementaux en Afrique de l'Ouest
(Benjamin Sultan et al., IRD, 2015)
solaire et à l’éolien, avec tout de même un objectif de renforcer le mix
par les ENR (15% en 2025 et 30% en 2030). La dépendance croissante de l’économie au secteur pétrolier l’expose à
moyen-long terme à la transition bas carbone de l’économie mondiale, que contrebalance le potentiel du pays en
termes de minerais dits de la transition, nonobstant les risques environnementaux et sociaux associés. La CDN révisée
en 2021 pointe le manque de cadre institutionnel qui garantit l’opérationnalisation et le suivi de la mise en œuvre des
objectifs fixés, le faible niveau de mobilisation des partenaires et des ressources financières notamment la part
inconditionnelle des engagements, le plan de renforcement de capacités des acteurs institutionnels. Le coût total de
la mise en œuvre de la CDN du Niger est estimé pour la période 2021-2030 à 9,9 Mds USD dont 6,7 Mds USD pour
l’adaptation et 3,2 Mds USD pour l’atténuation. Sur ces 9,9 Mds USD, le coût inconditionnel serait de 2,6 Mds USD et le
coût conditionnel (c’est-à-dire conditionné à des financements externes) de 7,3 Mds USD.
84
Fiche risque pays ISR/ECO – novembre 2023
Sylvain Bellefontaine
Nigeria (bellefontaines@afd.fr)
Risque pays : RP3c Risque souverain : RC4c Risque T&C : 1 cran (éq. B)
Le risque pays est élevé, compte tenu des fragilités socio-économiques et macroéconomiques structurelles d’une
économie dépendante des hydrocarbures, accentuées par la succession de chocs depuis 2014 et la dégradation
des politiques économiques et du climat des affaires. Toutefois, la suppression des subventions aux prix des
carburants et surtout la libéralisation du régime de change, adoptées par le Président Bola Tinubu dès son
intronisation fin mai 2023, ont surpris favorablement par leur rapidité. Le rapport entre coûts à court terme et
bénéfices à moyen-long terme pousse à une forme d’optimisme mesuré quant à la trajectoire du Nigeria. Les risques
d’attentisme au niveau de l’économie réelle, d’instabilité financière, de pressions inflationnistes liées à la
dévaluation du naira surévalué et d’embrasement social doivent être endossés et gérés, pour récolter les effets
positifs escomptés. Un régime de change plus transparent et juste, sans distorsions et avec moins de spéculation,
devrait permettre de fluidifier les échanges commerciaux et financiers domestiques et internationaux, et à terme
de dé-dollariser l’économie par une confiance retrouvée des agents économiques dans le naira. La flexibilisation
de la politique économique, l’assouplissement des contrôles des changes et des restrictions aux importations
favoriseront la stabilisation macroéconomique, l’attractivité des investisseurs étrangers, la diversification
économique, le financement des projets dans les hydrocarbures et donc la croissance économique et la position
extérieure, avant une transition bas carbone mondiale résolue. Ceci concourrait à une amélioration du risque de
transfert et convertibilité toujours élevé, tout comme le risque souverain. Ce dernier pâtit d’un risque de liquidité lié
à la volatilité des recettes pétrolières et la faible mobilisation des recettes budgétaires, qui abaisse le seuil de
soutenabilité de la dette publique malgré un taux d’endettement modéré et un profil plutôt favorable.
Evolution de la note risque pays Evolution des notes risque souverain et plafond pays
Ris que pays RC1
Ris que souverain Plafond pays
RP1
RC2
RP2
RC3
4a
4b B
3c 4c
RC4
RP3
RC5
RP4
RC6
mai-15 mai-16 mai-17 mai-18 mai-19 mai-20 mai-21 mai-22 mai-23 mai-15 mai-16 mai-17 mai-18 mai-19 mai-20 mai-21 mai-22 mai-23
85
ENVIRONNEMENT POLITIQUE ET SOCIOECONOMIQUE
Contexte politique et gouvernance publique : La prise de fonction du Stagnation du niveau de vie
Président Bola Tinubu le 29 mai 2023 s’est faite sous le sceau des
PIB / habitant (USD courants)
réformes rapides, nécessaires mais risquées et peu populaires, en 14000
Chine
rupture avec l’inertie de l’administration sortante. Elu à la présidence 12000 Mexique
de la CEDEAO le 9 juillet, il a mené la riposte de l’organisation Turquie
10000 Brésil
régionale face au coup d’Etat au Niger (sanctions commerciales et Afrique du Sud
8000
financières strictes, menace d’intervention militaire). Sa posture de Indonésie
grand défenseur de la démocratie fait écho à son passé d'opposant 6000 Inde
Nigeria
politique sous la dictature militaire des années 1990, qui lui a valu un 4000
emprisonnement et un exil au Bénin. Ancien gouverneur de Lagos, 2000
Bola Tinubu est à la tête d'un pays à l'équilibre économique et
0
politique précaire, symbolisé par des arbitrages permanents entre ses
1980
1982
1984
1986
1988
1990
1992
1994
1996
1998
2000
2002
2004
2006
2008
2010
2012
2014
2016
2018
2020
obligés du Sud et ses opposants du Nord. Dans un contexte de
désenchantement voire de défiance de la population, notamment
Source : FMI (WEO)
des jeunes, vis-à-vis des élites politiques, les élections générales du 25
février 2023 ont finalement décidé d’une continuité politique. Dauphin du président sortant Muhammadu Buhari (parti
All Progressives Congress), Bola Tinubu a été élu avec seulement 37% des voix au 1er tour (mode de scrutin complexe)
et bénéficie d’une majorité parlementaire relative (44,2% à l’Assemblée et 50,4% au Sénat). Les violences sporadiques
et certaines irrégularités ayant émaillé les élections ainsi que la faible participation (27%) reflètent un jeune régime
démocratique encore immature. Les facteurs de risque sociopolitique demeurent prégnants : cohésion nationale
fragile, mauvaise gouvernance (20e percentile selon les indicateurs BM), faiblesse de l’Etat fédéral (forte autonomie
des 36 Etats fédérés) et stagnation du niveau de vie (PRITI). Début octobre 2023, le président Tinubu a réussi in extremis
à désamorcer un appel à la grève nationale, en annonçant des transports publics moins chers et une hausse
temporaire du salaire minimum pour les travailleurs les moins bien payés. Plus généralement, les antagonismes
ethniques, religieux et régionaux sclérosent la vie politique et font le terreau de mouvements sociaux récurrents et de
problèmes d’insécurité : conflits entre agriculteurs sédentaires et éleveurs pastoraux (nord et middle belt), banditisme
(racket, trafics, spoliation des populations locales), terrorisme islamiste (factions rivales Boko Haram et ISWAP au nord-
est), sabotages de sites pétroliers et agitations sécessionnistes persistantes (Biafra, sud).
Indicateurs socioéconomiques : La croissance économique poussive, peu inclusive et absorbée par la pression
démographique (+2,6%/an, 63% de moins de 25 ans), conjuguée à l’insécurité et à une inflation élevée du fait d’une
politique économique défaillante, se sont traduites par une absence de progrès socio-économiques depuis le choc
pétrolier de 2014. Le Nigeria se classe 163e sur 191 pays au titre de l’IDH, 63% de la population est en situation de
« pauvreté multi-dimensionnelle » (NBS) et 10% est confronté à une crise alimentaire aigue (FAO). Par ailleurs, 33,2% des
personnes en activité étaient à temps partiel (<40h/semaine) au T1 2023 et le taux d’emploi informel atteignait 92,6%.
le taux du marché parallèle, auquel fonctionne l’essentiel de 25 Taux de change nominal NGN/USD (éch.D) 500
Secteur financier : Les réformes et un retour très progressif de la confiance des agents économiques pourraient
permettre une formalisation accrue des transactions commerciales et financières et de l’épargne, soutenant la
liquidité et la dé-dollarisation (32% des crédits et 21% des dépôts en devises). Le risque systémique est modéré par la
faible pénétration du crédit au secteur privé (14% du PIB dont ¼ concentré dans le secteur énergétique) et la gestion
des risques conservatrice de la plupart des banques depuis la crise de 2009 et le choc pétrolier de 2014. Les ratios de
capitalisation sont satisfaisants (3 des 13 principales banques sous surveillance). La position longue nette ouverte des
banques en devises leur a été profitable dans le contexte de dévaluation du naira. Le taux de PNP est de 4%, mais les
stage 2 sont de 13% et le recouvrement des actifs bancaires en souffrance (6,7tn NGN) gérés par AMCON demeure
difficile. Par ailleurs, le Nigeria est sous surveillance renforcée du GAFI concernant la LCB-FT depuis février 2023.
87
COMPTES EXTERNES
Balance des paiements : Les réformes lancées par la nouvelle Besoin de financement externe modéré
administration interviennent à un moment où les prix élevés du Solde du compte courant Besoin de financement
Amortissement dette externe MLT
pétrole depuis 2021 ont permis de générer un léger excédent du Dette externe CT
externe (BFE)*
compte courant en 2022-2023, favorisé par les contraintes aux Flux nets d'IDE
Flux d'investissements de Portefeuille
importations (contrôle de changes et dévaluation). Le FMI prévoit le %PIB
Autres flux de capitaux (dt crédit commercial, erreurs & omissions)
Variation des réserves de change
maintien d’un excédent du compte courant autour de 0,6% du PIB 8
6
en 2024. Le pays dépend des importations de céréales, d’engrais et 4
de produits raffinés. L’ouverture en octobre 2023 de la méga- 2
raffinerie privée Dangote (650 000 b/j prévus à partir de mi-2024) 0
pourrait changer la donne et soutenir les comptes externes et le -2
CLIMAT
Climat : L’indice ND-GAIN positionne le Nigeria au 132e rang sur 185 pays en termes de vulnérabilité au changement
climatique et au 179e rang pour l’état de préparation. Les précipitations devraient augmenter dans les années à venir,
avec une hausse de fréquence des épisodes de précipitations intenses, et donc des risques d’inondations, notamment
dans les zones côtières (delta du Niger), alors que la saison des pluies serait retardée. La température devrait
augmenter de manière significative, notamment dans le nord sahélien, où le secteur agricole est prédominant avec
pour corollaire un risque accru sur la sécurité alimentaire dans un contexte de forte pression démographique.
Transition bas-carbone : Les émissions nationales de gaz à effet de Baisse tendancielle des émissions par habitant
serre (GES) ne représentent que 0,8% des émissions mondiales. Elles Emissions de GES par habitant (t CO2 eq)
30
n’ont progressé que de 3% entre 2000 et 2022, contre une croissance
mondiale de 55% sur la période. Les émissions de CO2 par habitant 25
sont faibles (0,5t CO2 /habitant en 2020 vs. 1,5 pour les PRITI et 0,7
20
pour l’ASS) mais grimpent en intégrant l’UTCATF (2t/habitant, seuil Etats-Unis Chine
Afrique du sud Monde
limite de compatibilité avec une trajectoire 2°C en 2100). 15 Inde Nigeria
L’efficacité énergétique du PIB et l’intensité énergétique en énergie
primaire du PIB se sont améliorées au cours des deux dernières 10
Risque pays : RP3b Risque souverain : RC4b Risque T&C : 2 crans (éq. BB-)
Le risque pays est élevé. Le régime politique est stable (6e mandat du président Museveni), mais le pays fait face à
des défis socioéconomiques de taille (pauvreté, intégration des jeunes sur le marché du travail) et l’environnement
régional reste dégradé. Après une récession modérée en 2020 (-1,2 %), l’économie ougandaise a rebondi en 2021
(+5,7 %). La croissance a encore progressé en 2022 (+6,4 %) mais reculerait en 2023 (+4,6 %), compte tenu d’un
ralentissement dans le secteur agricole et d’une baisse de la consommation. Le pays affiche de larges déficits
jumeaux et sa capacité à les financer est mise sous pression, comme en témoignent les deux opérations de
conversion de dette menées en début d’année par la Banque centrale, justifiant un risque souverain élevé. Une
moindre disponibilité des financements multilatéraux a, en effet, conduit le pays à s’endetter de manière croissante
sur le marché domestique et auprès de créanciers commerciaux extérieurs à des conditions moins favorables (taux
d’intérêt élevés, maturités courtes), avec pour corollaire notamment une augmentation de la charges d’intérêts
(absorbant plus de 20 % des recettes depuis 2021). Dans ce contexte, S&P a dégradé, en octobre 2023, d’un cran
à B- la note souveraine de l’Ouganda, qui reste en perspective négative selon Moody’s et Fitch (respectivement à
B2 et B+). Le programme FMI (FEC de 1 Md USD sur trois ans conclu en juin 2021) soutient toutefois l’assainissement
des finances publiques, qui a permis une réduction du déficit budgétaire en 2022 (à 5,8 % du PIB). La dette publique
reste, en outre, modérée (48 % du PIB) et continue de présenter un profil favorable (essentiellement concessionnelle
et de long terme), bien qu’en légère détérioration. Le solde courant est resté élevé en 2022 (-8,2 % du PIB) mais
reculerait légèrement en 2023 (-7,1 % du PIB), tandis que les réserves de change ont fortement diminué à 3,2 mois
d’importations mi-2023, en-deçà du niveau recommandé par le FMI, ce qui contribue à un risque moyen de T&C.
Evolution de la note risque pays Evolution des notes risque souverain et plafond pays
Ris que pays RC1
Ris que souverain Plafond pays
RP1
RC2
BB+
BB
RP2
BB-
RC3
4a
3b 4b
RC4
RP3
4b
RC5
RP4
RC6
mai-15 mai-16 mai-17 mai-18 mai-19 mai-20 mai-21 mai-22 mai-23 mai-15 mai-16 mai-17 mai-18 mai-19 mai-20 mai-21 mai-22 mai-23
89
ENVIRONNEMENT POLITIQUE ET SOCIOECONOMIQUE
Contexte politique et gouvernance publique : Le régime politique Le PIB par habitant ougandais reste bien
ougandais, autoritaire, est stable depuis l’arrivée au pouvoir en inférieur à la moyenne d’Afrique subsaharienne
1986 du président Museveni. Aujourd’hui âgé de 79 ans, ce dernier
8 000
a été réélu pour un sixième mandat début 2021. Si l’opposition
existe, son poids électoral est faible. Le parti du président, le 7 000
USD PPA
5 000
l’armée et des indépendants, on peut considérer que les trois 4 000
quarts de l’Assemblée sont acquis au pouvoir en place. Cette
3 000
stabilité politique et la maîtrise sécuritaire du territoire – qui n’a plus
connu de conflit interne depuis les années 2000 – ont contribué au 2 000
L’environnement régional reste, par ailleurs, dégradé. Il se Ouganda PRITI PFR ASS
caractérise par un afflux ininterrompu de réfugiés et demandeurs Sources : BM (WDI), calculs ECO
d’asile (1,5 M), venant principalement du Soudan du Sud et de la
RDC et installés au nord du pays, la partie la plus pauvre. Malgré cela, la situation sécuritaire apparait globalement
maitrisée, même si le risque terroriste (attentats islamistes réguliers jusque dans la capitale) ne doit pas être sous-estimé.
L’adoption en mai 2023 par le Parlement d’une loi anti-homosexualité est venue exacerber les inquiétudes relatives à
l’état de la démocratie, des droits humains et de la corruption dans le pays. Elle s’est traduite par la suspension jusqu’à
nouvel ordre des financements de la Banque mondiale et par l’exclusion de l’Ouganda du programme commercial
américain African Growth and Opportunity Act (AGOA).
Indicateurs socioéconomiques : Deux décennies de croissance soutenue ont permis une nette amélioration des
indicateurs socio-économiques jusqu’en 2010. En revanche, les progrès enregistrés depuis ne permettent plus de
distinguer l’Ouganda par rapport aux pays pairs et la convergence continentale du PIB par habitant marque le pas.
Avec un revenu de 930 USD par habitant en 2022 (méthode Atlas, BM), l’Ouganda appartient toujours à la catégorie
des pays à faible revenu (PFR), même si son objectif est d’atteindre le statut de pays à revenu intermédiaire de la
tranche inférieure (PRITI) à horizon 2040. Le niveau de vie des Ougandais reste largement inférieur à la moyenne d’ASS.
Après avoir connu une forte baisse, passant de 63 % en 1993 à 36 % en 2012, le taux d’extrême pauvreté (seuil de 2,15
USD PPA) s’est stabilisé autour de 40 % sur la période récente. La crise de Covid-19 pourrait, en outre, avoir effacé les
gains des 15 dernières années en matière de réduction de la pauvreté. Enfin, dans un contexte de forte pression
démographique (+3 % par an), l’intégration des jeunes sur le marché du travail représente un enjeu de taille : le pays
devrait créer 600 000 emplois par an jusqu’à 2030, puis 1 M jusqu’à 2040 (contre 75 000 actuellement).
notamment par l’investissement public et privé : la croissance s’est Sources : BM (WDI), calculs ECO
établie à 5,7 %, un niveau bien supérieur à son potentiel (autour de
La croissance resterait inférieure à son niveau
4 % selon le FMI). Elle a encore progressé en 2022 (+6,4 %) mais
pré-Covid-19 en 2023 comme en 2024
ralentirait en 2023 (+4,6 %) en raison notamment de la baisse de la
12
production agricole. A moyen terme, la croissance bénéficierait
du projet pétrolier du Lac Albert, dont la mise en opération est 10
prévue en 2025. Le projet, mené par Total et le chinois Cnooc,
8
comprend deux sites d’exploitation et un oléoduc chauffé de
1 443 km (EACOP), pour acheminer le pétrole brut jusqu’au port de 6
Tanga en Tanzanie, afin de l’exporter. S’il devrait permettre au
4
pays d’enregistrer une croissance de 7 % en moyenne en 2025-
2027 selon le FMI, ce projet est très critiqué compte tenu de son 2
impact environnemental et sur les droits humains (déplacement de
0
populations, site d’exploitation situé en partie dans le parc naturel 2000 2003 2006 2009 2012 2015 2018 2021 2024
des Murchison Falls, etc.). -2
Taux de croissance (%) TCAM (%)
90
Sources : FMI (WEO), calculs ECO
FINANCES PUBLIQUES
Comptes publics : Le niveau des recettes publiques reste faible Le déficit public est depuis 2021 sur une
(15 % du PIB), même par rapport aux pays pairs, en raison d’effets trajectoire baissière
d’éviction importants liés à l’informalité et à une efficience 2 25
globalement mauvaise, bien qu’en amélioration, de la
mobilisation fiscale. La capacité des autorités à mener des 0 20
politiques publiques et à conduire les grands chantiers
d’infrastructures lancés à partir de 2012, est limitée par de fortes -2 15
Soutenabilité et liquidité externes : La dette externe a significativement augmenté depuis 2014 (+18 p.p) mais reste
relativement contenue à près de 45 % du PIB et devrait se maintenir à ce niveau à moyen terme selon le FMI. Elle est
principalement libellée en devises mais essentiellement portée par le secteur public (à hauteur de 70 %) et
concessionnelle. Les réserves de change, restées relativement robustes ces dernières années grâce au soutien des
bailleurs internationaux, se sont réduites en lien avec l’augmentation des importations, les interventions de la Banque
centrale sur le marché des changes et la hausse du service de la dette : elles se sont établies à 3,9 Mds USD en
septembre 2023, l’équivalent de 3,2 mois d’importations, un niveau relativement stable depuis début 2023. Ce niveau
est jugé insuffisant par le FMI – qui préconise un minimum de 4 mois d’importations – et largement inférieur au critère
de convergence de la Communauté des Etats d’Afrique de l’Est (fixé à 4,5 mois d’importations).
Transfert et convertibilité : L’Ouganda affiche un score Chinn-Ito de 1 depuis 2001, qui illustre l’absence de mesures
restrictives de change et la liberté effective des capitaux. Le régime de change est de facto flexible depuis les
années 1990, la Banque centrale intervenant sur le marché des changes seulement en cas de volatilité excessive,
comme cela a été le cas au second semestre 2022. En dépit de la récente détérioration de la qualité de la
régulation, les indicateurs de gouvernance restent supérieurs à la moyenne. Ces derniers, conjugués à une certaine
stabilité des institutions, incluant une banque centrale indépendante, limitent en théorie le risque d’emploi de
mesures restrictives de transfert et de convertibilité comme outil de politique économique. Néanmoins, l’ampleur du
BFE et la faiblesse des réserves créent un contexte favorable pour le recours à ce type de mesures à court terme.
CLIMAT
Climat : L’Ouganda apparaît fortement exposé et extrêmement L’Ouganda est déjà fortement impacté par le
mal préparé au changement climatique : selon le ND-GAIN, le changement climatique
pays se classe, en 2023, 171e sur 185 pays en termes de
vulnérabilités et 163e sur 192 pays en termes de capacité Tremblements 13,4%
d’adaptation. Le changement climatique se traduit notamment de terre Autres
par des épisodes d’inondation et de sécheresse de plus en plus 27,3%
fréquents et dévastateurs. Les inondations ont représenté près de 4,6% Inondations
30 % des catastrophes naturelles en Ouganda sur la période 1980-
2020, avec un effet cumulatif les coulées de boues, les glissements 8,2% Répartition
Glissements des
de terrain et les épidémies. Si elles ne représentent que 6 % des de terrain catastrophes
aléas observés sur les deux quatre dernières décennies, les 6,4% naturelles
sécheresses ont également été particulièrement fréquentes depuis Sècheresses
le début des années 2000, avec un épisode sévère en 2016/17 4,6%
ayant affecté plus d’1 million de personnes, créé une crise Tempêtes
humanitaire et mis en péril la sécurité alimentaire. Sur le plan 35,5%
économique, l’agriculture apparaît comme le secteur le plus Epidémies
exposé au risque physique climatique, compte tenu de sa
dépendance vis-à-vis de la pluviométrie.
Source: FMI (Climate Change Knowledge Portal)
Transition bas-carbone : Les Ougandais ont émis 1,1 tonne de CO2
par habitant en 2022, un niveau comparable à la moyenne d’Afrique subsaharienne (hors hauts revenus). Si
l’économie ougandaise est relativement diversifiée et peu dépendante des énergies fossiles (6 % des réserves en
devise, 22 % des recettes publiques), sa stratégie de développement du secteur pétrolier l’expose à un risque de
transition modéré à moyen terme. Le mix énergétique ougandais est peu carboné car reposant à 98 % sur la biomasse.
Les secteurs de l’agriculture et de l’utilisation de terres sont néanmoins exposés au risque de transition, en raison de
leur part importante dans les émissions de GES (près de 80 % à eux deux). Si le pays a mis en place des programmes
volontaires en termes d’adaptation et d’atténuation (stratégie pour la croissance verte, plan d’investissement dans
les forêts, etc.), il reste très dépendant des financements extérieurs pour atteindre les objectifs fixés dans sa Contribution
déterminée au niveau national, mise à jour en 2022 (-25 % des émissions de GES à horizon 2030 dont 6 %
inconditionnels), alors que le coût total des investissements associés est estimé à 28 Mds USD soit 60 % du PIB.
92
Fiche risque pays ISR/ECO – novembre 2023
Justine Mélot
République démocratique du Congo (melotj@afd.fr)
Risque pays : RP4a Risque souverain : RC4c Risque T&C : +1 cran (éq. B)
Plus grand pays d’Afrique Sub-saharienne, la République démocratique du Congo (RDC) est un pays à faible revenu
dont l’activité économique se concentre essentiellement autour de l’industrie extractive. Cette spécialisation de
l’économie affecte directement ses niveaux de croissance, ses équilibres budgétaires et sa position extérieure, la
rendant tributaire des variations des cours – notamment du cuivre et du cobalt. Par ailleurs, si le pays connaissait depuis
l’élection de Félix Tshisekedi en 2018 un environnement politique relativement stable, matérialisé en 2021 par un
nouveau programme FMI (FEC de 1,52 Md USD), l’approche des élections du 20 décembre 2023 marque le retour de
l’incertitude politique avec une répression de l’opposition et des troubles sociaux. En outre, la recrudescence depuis
2022 du conflit à l’Est avec les rebelles du M23 fait peser des risques sécuritaires aux conséquences humanitaires
majeures. Le risque pays est ainsi très élevé. Après une forte baisse en 2022 (-0,8 % du PIB), le solde budgétaire se
stabiliserait à 2 % du PIB en 2023 et 2024, les marges de manœuvre du gouvernement étant limitées et dépendantes
du secteur minier. L’endettement public – majoritairement externe et concessionnel – reste maitrisé (projeté à 21,5 %
puis 20,4 % du PIB respectivement en 2023 et 2024). L’économie a fortement rebondi post-pandémie (croissance
supérieure à 6 % depuis 2021), tirée par le boom minier. Sur le plan externe, la forte hausse des importations, couplée
à une légère baisse des cours du cuivre en 2023, a contribué à dégrader le déficit courant qui s’établirait à 6 % du PIB
et à une dépréciation du franc congolais. Le risque souverain reste élevé. Les réserves ont légèrement augmenté en
2022, et équivaudraient 1,5 mois d’importations en 2023, mais restent largement en dessous des recommandations.
Cependant, malgré une faible gouvernance, la prévalence du dollar, dans un contexte de quasi-absence de contrôle
de capitaux, limite le risque de transfert et convertibilité. Le risque de T&C est donc élevé.
Evolution de la note risque pays Evolution des notes risque souverain et plafond pays
Risque pays RC1
Risque souverain Plafond pays
RP1
RC2
RP2
RC3
4c 4c B
RC4
B-
RP3
RC5
4a 5
4b CCC+
RC6
RP4
93
ENVIRONNEMENT POLITIQUE ET SOCIOECONOMIQUE
Contexte politique et gouvernance publique : L’élection Le niveau de vie en RDC est faible par rapport à
présidentielle de décembre 2018 a marqué la première alternance la région
pacifique du pouvoir en désignant Félix Tshisekedi comme président. 80 1500
Ce dernier a déjà fait part de son intention de se représenter aux
élections du 20 décembre 2023, mais les dissensions au sein de son 60
parti et l’insécurité croissante pourraient peser sur sa réélection. 1000
sécuritaire s’est fortement dégradée en 2022. Dans l’est du pays, qui Sources : BM (WDI)
concentre plus d’une centaine de groupes armés, les combats entre l’armée congolaise et le groupe rebelle M23 ont
repris, faisant plus de 300 morts en 2022 selon Human Right Watch et obligeant des milliers de personnes à fuir les
affrontements, après l’échec d’une tentative de dialogue de paix en novembre 2022. Cette insécurité est amplifiée
par la faiblesse de l’État, la corruption et le commerce illicite de minerais et de ressources, notamment exploités par les
groupes armés pour se financer. Depuis, les relations avec le Rwanda se sont tendues, la RDC accusant son voisin de
soutenir la rébellion. Le gouvernement a par ailleurs demandé en septembre 2023 le retrait de la MONUSCO, présente
dans l’Est du pays depuis 25 ans, suite aux tensions avec la population locale.
Indicateurs socioéconomiques: La RDC est un des cinq pays les plus pauvres du monde, présentant des indicateurs sociaux
et humains dégradés par des décennies de conflits et un déficit d’infrastructures conséquent. Le pays est ainsi classé
179e / 191 pays au classement mondial en termes d’IDH, 62 % de sa population vit avec moins de 2,15 USD PPA par jour en
2022, et un tiers est confronté à l’insécurité alimentaire (IPC3) selon la FAO. L'indice de capital humain de la RDC s'établit
quant à lui à 0,37, en-dessous de la moyenne des pays d’Afrique subsaharienne (0,40). Le modèle de croissance peu inclusif,
couplé à une forte croissance démographique (3,2 % en 2021), engendre de fortes inégalités : la RDC – qui compte plus de
250 ethnies – est l’un des pays les plus inégalitaires d’Afrique, avec un indice de Gini qui s’établit à 51,2 en 2019, soit
seulement 0,1p d’amélioration depuis la fin de la deuxième guerre du Congo en 2003. En outre, selon le HCR, plus d’un
million personnes ont été déplacées depuis l’intensification des conflits dans le Nord-Kivu en 2022, faisant de la RDC le 3e
pays comptant le plus de déplacés internes au monde. La situation humanitaire s’est davantage aggravée en mai 2023,
avec de fortes inondations et des glissements de terrain, qui ont entrainé la mort de 400 personnes.
Régime de croissance : En 2022, la croissance économique s’est La reprise post pandémie est portée par la
établie à 8,9 %, portée par le dynamisme de la production de cuivre production minière
et de cobalt (+22,6 % par rapport à 2021) et la hausse des cours des 12
matières premières, qui a permis de compenser le ralentissement
10
de la demande chinoise. En parallèle, la croissance des secteurs
non miniers a ralenti à 3,1 %, contre 4,7 % en 2021, en lien avec 8
l’inflation qui a pesé sur la facture des importations. L’économie
6
devrait rester dynamique en 2023, avec une croissance atteignant
6,7 % (portée par le secteur extractif, +11,7 %) avant de ralentir en 4
2024 (à 4,7 % selon le FMI). Selon les projections du FMI, le taux de
2
croissance annuel moyen sur la période 2023-28 s’établirait à 5,5 %,
porté par la forte demande de métaux rares, en lien avec la 0
transition énergétique et le développement de nouveaux projets 2002 2004 2006 2008 2010 2012 2014 2016 2018 2020 2022 2024
pousserait à 19,1 % en 2023, selon le FMI. Afin d’atténuer les pressions Taux d'inflation (en g.a. %, éch. G.)
Taux directeur (éch. G.)
monétaires, la BCC a relevé en septembre 2023 son taux directeur Evolution CDF/USD (en g.a. %, éch. D.)
de 1400 pb, à 25 %. Par ailleurs, fin mars 2023 l’écart entre les taux de Sources : FMI, BCC, calculs ECO
change officiel et parallèle a atteint 14 % (FMI) poussant la BCC à
réaliser des opérations d’achat de dollars en mai 2023.
Secteur financier : La contribution du secteur bancaire au financement de l’économie reste très modeste, avec une
faible diversification des portefeuilles et une prédominance des prêts en devises. La faible capitalisation et le faible
niveau de crédit au secteur privé fait du secteur bancaire congolais l’un des moins rentables d’Afrique subsaharienne,
malgré des marges d’intérêts très élevées. La gestion des risques est entravée par une mauvaise qualité des données,
le taux de prêts non performants étant sous-évalué depuis la pandémie (7,4 % en 2022). De plus, la dollarisation et
l’absence de contrôle des capitaux poussent les filiales en RDC à centraliser leurs liquidités dans les holdings à
l’étranger. On estime ainsi que plus de 50 % des actifs financiers sont placés à l’étranger. Cette délocalisation minimise
l’exposition des banques en cas de baisse des réserves en devises de la BCC mais crée une dépendance à l'égard
des banques étrangères. De même, l’exposition souveraine des banques est faible – autour de 4 % de leurs actifs. La
loi bancaire de 2022 devrait permettre une meilleure gestion des risques, et les autorités ont entrepris des réformes
pour améliorer le cadre LCB/FT.
95
COMPTES EXTERNES
Balance des paiements : Structurellement déficitaire (4,6 % du PIB, La position externe se détériore malgré des
moyenne 2012-2019), le solde du compte courant est fortement cours favorables du cuivre
dépendant de l’évolution des cours des matières premières. Le secteur 10 10000
extractif représente ainsi 99 % des exportations de la RDC (dont 72 %
pour le cuivre et 16 % pour le cobalt en 2021), ce qui accentue la 5 8000
dépendance du pays aux fluctuations de la demande, notamment
chinoise (destination de 70 % des exportations congolaises en 2021) et 0 6000
aux flux entrants d’IDE dans le secteur minier. En 2022, tirée par le 2012 2014 2016 2018 2020 2022 2024
CLIMAT
Climat : La RDC se caractérise par sa richesse en ressources Les émissions de GES s’inscrivent en baisse
naturelles (forêts, mines, ressources hydriques, biodiversité, 14 800000
énergie), mais est en parallèle un des pays les plus vulnérables au
700000
changement climatique (135e / 180 pays selon le Climate risk 12
Transition bas-carbone : La RDC compterait environ 51 % des réserves mondiales de cobalt, ainsi que du cuivre et du
lithium, qui sont des matériaux privilégiés dans la transition énergétique. De plus, malgré sa dépendance aux industries
extractives, la RDC a des émissions de carbone très faibles et, à travers ses tourbières et ses forêts, contribue de manière
significative aux efforts d’atténuation mondiaux. Le pays pourrait donc être un des grands gagnants de la transition
bas-carbone si un cadre de gouvernance efficace était mis en place. En effet, la forte demande pour les produits
miniers ainsi que l’effet catalyseur de financement de ces derniers permettraient de bénéficier de la transition et
limiterait l’exposition des équilibres externes. Par ailleurs, le mix électrique se compose de 95 % d’hydroélectricité, mais
il apparait que l’immense potentiel hydroélectrique de la RDC (13 % du potentiel hydroélectrique mondial) demeure
sous-exploité. Moins de 10 % de la population congolaise dispose d’un accès à l’électricité, 35 % dans les zones
urbaines.
96
Fiche risque pays ISR/ECO – novembre 2023
Gaëlle Balineau
Rwanda (balineaug@afd.fr)
Risque pays : RP3c Risque souverain : RC4b Risque T&C : +1 cran (éq. B+)
Le risque pays est élevé. Le Rwanda a mis en place une gouvernance économique efficace, mais au
détriment des libertés publiques, dans un contexte de dérive autocratique du pouvoir. La forte
croissance (6,4 % en moyenne par an depuis 10 ans) ne permet toutefois pas au pays de converger
rapidement (le taux de pauvreté extrême est de 43 % en 2023). La capacité du pays à atteindre ses
ambitions de hub technologique, financier et commercial reste incertaine, particulièrement depuis la
crise Covid-19. Depuis 2022, l’inflation record (+30 % en g.a. en oct. 2022), bien que revenue à 13,3 % en
2023, affecte les ménages et les entreprises. Le risque souverain est élevé. La croissance étant
étroitement liée à des investissements publics, le déficit public est conséquent et structurel. Les dépenses
liées à la crise Covid-19 ont creusé la dette publique (65,6 % du PIB en 2020 vs 50 % du PIB en 2019),
conduisant le FMI à dégrader le risque de surendettement de faible à modéré en 2020. La hausse des
prix alimentaires et énergétiques, la forte demande interne et le durcissement des conditions de
financement externe dans un contexte de tarissement des flux concessionnels imposent au Rwanda de
maitriser ses besoins de financement public et externe. Or, les inondations de mai 2023 ont rappelé à
quel point le pays est vulnérable aux chocs climatiques, mais aussi externes et géopolitiques (les tensions
avec la RDC ont crû depuis un an). Souhaitant attirer les IDE, le Rwanda limite les restrictions aux sorties
de capitaux, mais la gouvernance autoritaire engendre un risque de transfert et convertibilité élevé.
Evolution de la note risque pays Evolution des notes risque souverain et plafond pays
Risque pays Risque souverain Plafond pays
RC1
RP1
RC2
RP2
RC3
4a B+ B+
B
RC4
3c 4a
RP3
4b 4b
RC5
RP4
RC6
mai-15 mai-16 mai-17 mai-18 mai-19 mai-20 mai-21 mai-22 mai-23 mai-15 mai-16 mai-17 mai-18 mai-19 mai-20 mai-21 mai-22 mai-23
97
ENVIRONNEMENT POLITIQUE ET SOCIOECONOMIQUE
Contexte politique et gouvernance publique : Le Rwanda est un
Le statut de PRITI, objectif 2035, semble encore
petit pays très densément peuplé, au cœur de la région des loin
Grands Lacs, caractérisée par des gouvernements autoritaires,
arrivés ou maintenus au pouvoir par les armes. Paul Kagamé, 1000 0,7
0,6
réfugié tutsi en Ouganda depuis 1959, envahira le Rwanda en 800
0,5
1990, soutenu par Museveni. Le génocide des Tutsis en 1994 fera
600 0,4
800 000 morts, et les 2 guerres du Congo (1996-2003) 2 millions de
0,3
déplacés. En 2022, les efforts visant à normaliser les relations avec 400
0,2
l’Ouganda, le Burundi et la RDC sont encourageants. Toutefois, la 200
0,1
région dont la richesse des sous-sols n’empêche pas la pauvreté
0 0
des populations aux historiques ultra-violents, peut vite s’embraser. 2000 2005 2010 2015 2020
Ainsi, les violences du M23 (groupe rebelle qui serait soutenu par le Rwanda, RNB/tête, USD courant
Rwanda) en RDC, et le tir de l’armée rwandaise sur un avion de Rwanda/ASS (PIB constant ppa)
chasse congolais qui volait près de la frontière en janvier 2023, Rwanda/PRITI (PIB constant ppa)
ravivent les conflits dans lesquels le Rwanda est pointé pour sa
Sources : BM (WDI), calculs ECO
responsabilité. Le pouvoir de Kagamé, dirigeant depuis 1994 et
reconduit chef du Front Patriotique Rwandais le 2 avril 2023, ne devrait pas être remis en cause avant 2030. Elu aux
présidentielles de 2003, 2010 et 2017 avec plus de 90 % des voix, il est candidat à sa propre succession en 2024. Les
élections législatives ont été repoussées de 2023 à 2024 pour être synchronisées. La répression politique est intense,
avec des disparitions d’opposants. Bien que la gouvernance économique du Rwanda soit meilleure que la moyenne
sub-saharienne selon les indicateurs de la Banque Mondiale, il est classé 131e (sur 180 pays) au classement mondial de
la liberté de la presse 2023 établi par Reporters sans frontières.
Indicateurs socioéconomiques : En déficit de légitimité « ethnique », le gouvernement fait le pari du développement
pour la construire. Il a mis en place une gouvernance basée sur le mérite et le contrôle des performances, au service
du développement du pays (et de bons résultats statistiques), qui ont permis une amélioration significative des
conditions de vie de la population. Le taux de pauvreté extrême (2,15 USD 2017 PPA), passé de 75 % en 2000 à 43 %
en 2023, reste neanmoins plus élévé que la moyenne des PRITI (statut souhaité en 2035). La croissance
démographique, à 2,5 % par an en moyenne, et qui ne faiblit que très légèrement, ralentit le processus de
convergence. Le doublement de la population à horizon 2050 pourrait entrainer un morcellement des terres agricoles,
voire des conflits liés à la propriété de la terre, et la persistance d’une faible productivité agricole. Les conséquences
sanitaires de la crise Covid-19 ont été contenues, mais le taux de pauvreté avait ré-augmenté de 2pts en 2020. Le
chômage demeure élevé car les niveaux de tourisme et de commerce n’ont pas retrouvé leurs dynamiques d’avant
crise. Il atteint 24,3 % au dernier trimestre 2022 (28,3 % chez les femmes) – le taux d’informalité étant de 94 %.
L’éducation et la qualification de la main d’œuvre sont des points faibles au Rwanda.
98
FINANCES PUBLIQUES
Comptes publics : Les recettes sont relativement élevées (~23 % du Des comptes publics déficitaires, creusés par le
PIB) et leur composition s’améliore. La dépendance aux dons se dynamisme des dépenses
réduit (passés d’un tiers à 20 % des recettes entre 2012 et 2022) et 35 0
les recettes fiscales progressent (de 14 % à 16 % du PIB). Les 30
-2
dépenses (~30 % du PIB) sont tirées par l’investissement public, 25
particulièrement élevé (~10 % du PIB), et les salaires des -4
20
fonctionnaires. Du fait de la forte concessionnalité des prêts
15
octroyés à l’Etat rwandais, les paiements d’intérêts restaient -6
10
contenus jusqu’à 2022. Ils devraient néanmoins croître et -8
5
représenter plus de 10% des recettes jusqu’en 2026 (cf. infra). Au
total, la tendance sur les dernières années est à un creusement du 0 -10
2010 2012 2014 2016 2018 2020 2022 2024
déficit public, passé de 5,1 % du PIB en 2019 à 9,5 % en 2020 sous
Déficit budgétaire, % du PIB (éch. d)
l’effet de la crise Covid-19. Il s’est réduit à 5,8 % en 2022 et 5,3 % en Déficit primaire (éch. d)
2023 malgré les mesures de lutte contre l’inflation post-guerre en Recettes, % du PIB (éch. g.)
Dépenses, % du PIB (éch. g.)
Ukraine et la sécheresse en Afrique de l’Est (suspension des taxes
sur l’essence, subvention des engrais et des transports, transferts Sources : FMI (WEO), calculs ECO
sociaux). Une moindre exécution des projets d’investissement, les
retards dans le recrutement d’enseignants et un versement anticipé des dons britanniques dans le cadre du projet
d’accueil des migrants ont ainsi contenu le déficit en 2022/2023. Une hausse des dépenses liées aux inondations
devrait le faire croître à 7,3 % en 2024 avant qu’il ne poursuive sa trajectoire à la baisse (4 % en 2025), à condition que
la consolidation fiscale, via notamment la meilleure gouvernance des entreprises publiques, continue. Le BFP est de
13-14 % du PIB en 2022-23, hausse temporaire également prévue en 2024 du fait de davantage de financements
domestiques à cause de retards dans les décaissements des bailleurs en 2022/23, et des dépenses de reconstruction
en 2023/24 à cause des inondations (coût estimé à 450 MUSD, soit 3,5% du PIB et 0,4% pts de croissance).
Endettement public : Suite à l’initiative PPTE, la dette publique a ré-
L’endettement public devrait être à plus de 72%
augmenté à partir de 2012 et devrait atteindre 63 % du PIB en 2023, du PIB au cours des 3 prochaines années
72 % en 2024. Elle est principalement externe et libellée en devises
80
(75 % du total), et détenue à 90 % par les bailleurs bi- et multi-
latéraux. Cependant, la part domestique augmente, et à des 60
maturités et des taux moins avantageux. Le risque de
40
surendettement est considéré comme modéré par le FMI depuis
juin 2020, du fait des risques pesant sur la solvabilité de l’Etat et 20
d’une plus forte sensibilité aux chocs externes et de croissance. En
0
août 2021, le Rwanda a émis un Eurobond de 620 M USD (à 5,5 % 2010 2015 2020
sur 10 ans). Il a remboursé celui de 400 M USD arrivé à échéance Dette domestique, % PIB
en 2023 (400 M USD). Afin de faire face à la crise Covid-19, le Dette externe, % PIB
Dette totale, % PIB
Rwanda a bénéficié d’un soutien financier du FMI (RCF pour 220 M
USD et CCRT pour 47,7 M USD) et des bailleurs bi et multilatéraux. Sources : FMI (WEO), calculs ECO
En décembre 2022, le FMI a approuvé un financement RSF pour un
montant de 319 M USD assorti d’un nouveau PCI (Policy Coordination Instrument) de 36 mois. Les objectifs sont de
favoriser les investissements verts, de réduire les déficits jumeaux et la dette publique, d’améliorer la protection sociale,
le capital humain et la diversification de l’économie. Le FMI prévoit que la dette publique reste à des niveaux élevés
(75 %+/- 2 pts) jusqu’en 2026/27. Elle devrait se stabiliser à 65 % en 2029/30 du fait de l’appréciation du taux de change
réel et d’une croissance dynamique. Le service de la dette compte pour 7,3 % du PIB en 2022 (8,9 % en 2023), et les
intérêts pour 11,5 % des recettes.
99
COMPTES EXTERNES
Balance des paiements : Le thé, le café et les minerais représentent
Le compte courant est structurellement
les 2/3 des exportations de biens, mais sont très dépendants des
déficitaire
cours internationaux et des aléas climatiques, tandis que les
20
importations de biens d’équipement intermédiaires sont
dynamisées par les grands projets d’infrastructures. Le solde du 10
compte courant est structurellement négatif. Alors que ce dernier
0
s’était stabilisé à -10% du PIB en 2017-18, il s’est de nouveau creusé,
exacerbé par la crise Covid-19, et devrait atteindre -11,3 % du PIB -10
en 2023, sous l’effet d’une hausse du prix des importations
-20
(alimentation, énergie) dans un contexte de demande interne 2010 2012 2014 2016 2018 2020 2022
dynamique, et d’une baisse des cours du thé et des métaux. Le Revenus et transferts courants (% du PIB)
financement du déficit courant est assuré principalement par les Services (% du PIB)
bailleurs internationaux, au travers d’appuis budgétaires et de Biens (% du PIB)
Solde du compte courant (% du PIB)
projets, représentant en moyenne près de 8 % du PIB. Le pays réussit
par ailleurs à attirer des IDE pour environ 2-3 % du PIB par an depuis Sources : FMI, calculs ECO
une décennie.
Soutenabilité et liquidité externes : La dette externe du Rwanda représenterait 72,5 % du PIB fin 2022, en augmentation
rapide depuis le début de la décennie, et atteindrait 81 % du PIB en 2025. Bien que majoritairement d’origine publique
(75 %), la dette privée externe progresse rapidement. Le besoin de financement externe passerait de 11 % du PIB en
2022 à 12,8 % du PIB en 2023, surtout à cause du déficit courant. Etant généralement couvert (pour moitié par des
emprunts publics auprès des bailleurs en 2022 et 2023), le Rwanda a pu consolider ses réserves de change. Après
plusieurs mois de baisse en 2021, elles ont été renforcées par l’émission de l’Eurobond de 2021 et l’allocation
généralisée de DTS du FMI, et atteignaient 1,8 Mds USD fin 2021. Le RSF devrait continuer de soutenir l’accumulation
des réserves en niveau absolu (1,51 Mds USD en août 2023), et permettre de couvrir quasiment 4,5 mois d’importations
en 2023, un niveau jugé adéquat. La dépréciation annuelle cible de 5 % du franc rwandais par rapport au dollar,
régulière et contrôlée par les autorités monétaires depuis plusieurs années, s’amplifie à 6,1 % en 2022 (le taux de
change réel s’est lui apprécié de 8,3 %). Le tarissement des flux d’aide (de 21 % du PIB en 2004 à 12 % en 2022) et
l’absence d’alternative commerciale dans un contexte de régime de change contrôlé (parité glissante) fait peser
une certaine préoccupation sur le niveau des réserves.
Transfert et convertibilité : Il existe un historique de sévères restrictions à la convertibilité et au transfert des capitaux au
Rwanda. La libéralisation rapide du compte financier sur les dix dernières années a permis une amélioration de la
situation. Ainsi, les IDE et le rapatriement des revenus issus de ces investissements ne sont soumis qu’à des autorisations
mineures, en lien avec la volonté des autorités de faire du Rwanda un pays très attractif pour les investissements. Le
pays est désormais particulièrement ouvert, mais la transition a été rapide et d’ampleur. Le régime de change de
facto ancré au dollar, la gouvernance autoritaire, et des réserves de change dépendantes de l’aide extérieure,
confèrent au Rwanda un risque de transfert et convertibilité élevé.
CLIMAT
Climat : Les inondations du mois de mai, dont le bilan est de 135 L’agriculture au cœur des ambitions climat
morts ; 6 000 maisons détruites ; 20 000 personnes évacuées ; et Contributions des secteurs aux émissions de GES
3 116 ha détruits, ont rappelé la vulnérabilité du Rwanda au
changement climatique, classé 125ème sur 182 pays recensés par UTCATF;
l’indicateur de résilience de ND-Gain. L’agriculture pluviale 19%
emploie 62 % de la population, et détermine les exportations de Agriculture;
36%
thé et de café. Reste
énergie;
Transition bas-carbone : Les émissions totales de gaz à effet de 9%
serre du Rwanda s’élèvent à 0,7 tCO2eq/hab, soit un niveau très
Transports;
faible. En 2018, les principaux secteurs émetteurs étaient 6%
l’agriculture (36 %), les déchets (24 %) et le secteur UTCATF (19 %). Electricité;
Le mix énergétique du Rwanda est peu carboné. La 2% Déchets;
consommation finale d’énergie est dominée par la biomasse Industrie; 24%
4%
(74 %), suivie du pétrole (21 %), et de l’électricité. 77 % de la
consommation finale provient du résidentiel en 2019. Le reste est Sources : EDGAR
consommé par les secteurs transports (17 %) et l’industrie 4 %. Les
industries en déclin représentent environ 40 % des exportations totales du pays (23 % or, 7 % pétrole, 8 % minerais), leur
part étant dépendante des cours mondiaux. 24% des devises dépendent de ces exportations. En revanche, la part
des recettes fiscales générée par les industries en déclin est modérée (17 %). Le Rwanda a mis en place de nombreuses
stratégies dédiées ou prenant en compte l’adaptation au changement climatique et l’atténuation, mais les ressources
sont extrêmement limitées, accentuant la vulnérabilité du pays. Le risque de transition est ainsi modéré. La réalisation
de la CDN coûterait 10% du PIB par an selon la BM, et nécessite donc l’engagement des partenaires de
développement.
100
Fiche risque pays ISR/ECO – novembre 2023
Benoît Jonveaux
Sénégal (jonveauxb@afd.fr)
Risque pays : RP3a Risque souverain : RC4b Risque T&C : +3 crans (éq. BB)
Le risque pays demeure élevé. Les tensions politiques se sont intensifiées à l’approche des élections de février 2024,
notamment face à la concentration des pouvoirs et au musèlement des principales figures d’opposition. Ces
tensions sont accentuées par une détérioration des conditions de vie depuis 2020 (dans un pays où les indicateurs
sociaux et humains étaient déjà en retrait) et avec une inflation qui reste supérieure à la moyenne de
l’UEMOA. Structurellement en hausse depuis le lancement du Plan Sénégal Emergent en 2014, la croissance s’est
établie en 2022 et 2023 sous son potentiel de long-terme en raison des chocs exogènes. Elle devrait cependant
sensiblement accélérer en 2024 et 2025 (9,5% en moyenne) avec la phase finale des investissements dans les
hydrocarbures et le début de la production des nouveaux champs. Ces ressources devraient contribuer à réduire
des déficits jumeaux élevés (déficit public à 5% du PIB et déficit courant à 15% du PIB en 2023), même si cela
nécessitera aussi des réformes plus structurantes engagées dans le cadre du programme FMI mis en place en juin
2023. Le programme FMI (par son volet RSF) vise en outre à accompagner l’adaptation au changement climatique,
qui fait peser un certain nombre de risques sur l’économie. Le risque souverain reste également élevé en raison
d’une lourde dette publique (le FMI l’attend à 80% du PIB d’ici fin 2023) qui contribue à un besoin de financement
important alors même que les conditions financières se sont durcies depuis début 2022. La soutenabilité des comptes
publics nécessite donc un ajustement budgétaire fort et durable, passant par des réformes parfois impopulaires
(réforme des subventions). Le risque de transfert et convertibilité est faible en raison de l’appartenance du Sénégal
à l’UEMOA dont il est l’une des locomotives. Les perspectives d’amélioration des comptes externes du pays
devraient contribuer à reconstituer les réserves de change de la BCEAO, en diminution depuis deux ans.
Evolution de la note risque pays Evolution des notes risque souverain et plafond pays
Ris que pays Ris que souverain Plafond pays
RP1
RC1
RC2
RP2
BB
RC3
3a
3b 4b
RC4
RP3
4a
RC5
RP4
RC6
mai-15 mai-16 mai-17 mai-18 mai-19 mai-20 mai-21 mai-22 mai-23 mai-15 mai-16 mai-17 mai-18 mai-19 mai-20 mai-21 mai-22 mai-23
101
ENVIRONNEMENT POLITIQUE ET SOCIOECONOMIQUE
Contexte politique et gouvernance publique : Démocratie stable, le Une croissance insuffisante pour assurer une
Sénégal est l’un des rares pays d’Afrique à ne pas avoir connu de convergence économique
coup d’Etat depuis son indépendance. Cet environnement politique 9000
se traduit notamment par des indicateurs de gouvernance 8000
Macky Sall en 2019 et à l’approche des élections de février 2024, dans 2000
fragmentée et l’est d’autant plus depuis l’incarcération en 2023 du Sources : BM (WDI), calculs ECO
principal opposant Ousmane Sonko. Son arrestation a conduit à
d’importantes manifestations en juin 2023, dont la répression a fait une quinzaine de victimes et suscité des
condamnations de l’ONU, de l’UA, de la CEDEAO et de la France. Enfin, le fait que Macky Sall ne se représente pas à
l’élection de 2024 permet de respecter l’ordre constitutionnel, mais pourrait fragiliser la coalition du BBY qui s’était
formée autour de sa personne à partir de 2012.
Indicateurs socioéconomiques: Classé parmi les PRITI depuis 2019, le Sénégal présente certains indicateurs
socioéconomiques plus proches de ceux des pays à faible revenu. La croissance économique y a notamment été
plus faible en moyenne qu’en Afrique ou qu’au sein des autres PRITI entre 2000 et 2015, et le PIB par habitant en PPA
ne s’élève par exemple qu’à 60% de celui de la Côte d’Ivoire (en raison également d’une importante croissance
démographique à 2,7%). Si les indicateurs de développement sont comparables ou meilleurs (notamment en matière
de santé) que ceux des autres pays de la région, l’IDH reste très faible (170 e/191 pays) et plus du tiers des Sénégalais
vit encore sous le seuil de pauvreté des PRITI (3,65 USD PPA par jour). Enfin, les chocs liés au conflit en Ukraine et
l’inflation, plus élevée que dans la moyenne de l’UEMOA, pèsent sur la sécurité alimentaire : le PAM estime que 13%
de la population souffre de malnutrition aigüe et que l’insécurité alimentaire a augmenté de près de 80% en 2022.
TCAM 2011-2021
5%
investissements réalisés dans le cadre du Programme Sénégal
Emergent ont permis de tirer le taux de croissance annuel moyen à
0%
plus de 6% sur la période 2014-2019. L’investissement a ainsi été le
premier moteur de la croissance économique au cours des dix
-5%
dernières années, suivi par la consommation des ménages. Toutefois,
ce modèle de croissance révèle une faible productivité totale des -10%
facteurs et induit un important déficit commercial (creusé 2012 2014 2016 2018 2020
récemment par les importations de biens et services des projets de Conso. privée
Investissement
Echange de biens
Var. stocks
développement des hydrocarbures). Les découvertes offshore de Dép. publiques Croissance du PIB
pétrole et de gaz (estimées respectivement au 50e et 27e rang des Sources : FMI (WEO), ANSD, calculs ECO
réserves mondiales) pourraient transformer le modèle économique à
moyen-terme, le début de la production ayant toutefois été Une accélération attendue de la croissance
repoussé de 2023 à 2024. économique à partir de 2024
12%
Régime de croissance : Le rebond économique post-pandémie
(croissance à 6,5% en 2021) a été suivi d’un ralentissement en 2022 10%
et 2023 (4% et 4,1% respectivement) sous l’effet de l’inflation élevée,
8%
du durcissement des conditions financières et d’un environnement
politique régional mouvementé (sanctions de la CEDEAO contre le 6%
Mali et le Burkina Faso). Plusieurs fois reportée, la mise en production
des champs de pétrole et de gaz (Sangomar et GTA) pourrait porter 4%
102
FINANCES PUBLIQUES
Comptes publics : Avec les conséquences de la pandémie, le déficit Un objectif ambitieux de consolidation
public a atteint un niveau record en 2020 (-6,4% du PIB), bien supérieur budgétaire après des déficits records
au niveau observé au cours de la décennie passée. Il s’est maintenu 0% 30%
à un niveau similaire en 2021 et s’est creusé en 2022 avec la mise en -1% 25%
place de mesures visant à protéger la population de l’inflation (les -2%
subventions à l’énergie atteignant 4% du PIB). Le programme FMI mis 20%
-3%
en place pour trois ans en juin 2023 vise à accompagner l’ajustement 15%
budgétaire, et le déficit public prévu en 2023 (5% du PIB) est en ligne -4%
10%
avec la cible du programme (4,9%) dont l’objectif à horizon 2026 est -5%
de le ramener à 3% du PIB. Si les recettes du pétrole et du gaz (estimées -6% 5%
2011
2012
2013
2014
2015
2016
2017
2018
2019
2020
2021
2022
2023
2024
2025
impôts et de l’administration fiscale, une diminution progressive des
Solde budgétaire (% du PIB, éch gauche)
subventions (électricité et carburants) ainsi qu’une rationalisation de Recettes budgétaires (% du PIB, ech droite)
l’investissement public. Ces mesures sont nécessaires pour contenir le Dépenses publiques (% du PIB, ech droite)
besoin de financement public (BFP), qui est passé de 10% du PIB en Sources : FMI (WEO), calculs ECO
2019 à près de 15% du PIB en 2023. Dans un contexte de conditions
Une hausse marquée de l’endettement public,
financières moins favorables, l’ajustement budgétaire est
toujours en attente d’une décrue annoncée
indispensable pour garantir la soutenabilité des finances publiques. Il 90%
reste cependant incertain dans le contexte des élections de 2024. 80%
Endettement public : Le niveau de dette publique du Sénégal a connu 70%
une forte augmentation, passant de 35% du PIB en 2010 (post-PPTE) à 60%
77% en 2022. Il devrait encore augmenter d’ici fin 2023 (81% du PIB 50%
2010
2011
2012
2013
2014
2015
2016
2017
2018
2019
2020
2021
2022
2023
2024
programme FMI. Outre son niveau élevé, le profil de la dette présente
plusieurs vulnérabilités. La première tient aux fait qu’elle est libellée Dette publique domestique (% du PIB)
pour trois quarts en devises (mais essentiellement en euro, limitant le Dette publique externe (% du PIB)
risque de change). La seconde provient du niveau croissant du BFP et Sources : FMI (WEO), calculs ECO
du service de la dette, nécessitant des refinancements importants
dans un contexte financier moins porteur (durcissement des conditions internationales et régionales). Le Sénégal
bénéficie toutefois de sources de financement diversifiées, auprès des bailleurs à des conditions favorables (facilitées
de plus par le programme FMI de 1,8 Md USD) et sur le marché régional de l’UEMOA, que le pays n’a jusqu’à présent
que relativement peu sollicité et où les émissions sénégalaises restent très largement sursouscrites. En 2023, le BFP
devrait être couvert à 50% par les bailleurs, à 15% auprès de banques internationales et à 35% sur le marché régional.
Le risque de surendettement reste modéré selon le FMI, même si la dette est exposée aux chocs exogènes, à une
croissance moins élevée que prévue (par exemple en raison de retards dans les projets d’hydrocarbures) et surtout
au risque d’une consolidation budgétaire moins ambitieuse que celle envisagée dans le programme FMI.
20%
premières, devrait permettre un apaisement des tensions sur les prix.
L’inflation (5,3% en g.a. au mois d’août 2023) reste cependant plus 15%
élevée que dans le reste de l’UEMOA (tirée notamment par une 10%
demande domestique dynamique. Cela explique un taux de
croissance du crédit au secteur privé encore énergique (+26% en 5%
2022, +21% en 2023) même si celui-ci reste faible (32% du PIB fin 2022) 0%
en raison, entre autres, d’un effet d’éviction par le secteur public,
-5%
d’une bancarisation limitée et d’une forte informalité de l’activité. 2015 2016 2017 2018 2019 2020 2021 2022 2023
Secteur financier : Si le niveau de capitalisation du secteur bancaire Total Sénégal
est adéquat (sans être extrêmement confortable, avec un CAR à Total UEMOA
Biens alimentaires Sénégal
12%), il présente plusieurs fragilités. Le taux de PNP est encore élevé Biens alimentaires UEMOA
(11,2% des prêts bruts fin 2022) et ils ne sont provisionnés qu’aux deux Sources : BCEAO, calculs ECO
tiers, portant leur part non provisionnée (OCER) à 35% des fonds
propres. La qualité de la supervision et de la réglementation permet toutefois une lente amélioration de ces indicateurs
(PNP à 19% et OCER à 61% en 2015) et les niveaux de liquidité et de rentabilité sont satisfaisants. La mise en place des
nouvelles normes bâloises devrait se poursuivre d’ici la fin de l’année 2023 et les autorités ont fait du renforcement du
cadre de supervision des risques LCB/FT leur priorité afin d’assurer la sortie du Sénégal de la liste grise du GAFI. Enfin,
l’exposition souveraine des banques constitue un point d’attention, les titres publics étant passés de 12% des actifs
consolidés du secteur en 2018 à plus de 20% fin 2022.
103
COMPTES EXTERNES
Balance des paiements : Le solde courant est structurellement Un creusement du déficit courant lié aux
déficitaire (-6,8% du PIB en moyenne sur 2010-2018) en raison du grands projets et financé par des IDE
niveau élevé des importations de biens et services (énergie et produits 0,2
alimentaires notamment) et d’un secteur exportateur peu développé
et peu compétitif. Le déficit courant s’est particulièrement creusé sur 0,15
la période 2019-2021 (10% du PIB en moyenne), en lien avec les
importations de biens et services liées aux projets de développement 0,1
CLIMAT
Climat : Le Sénégal est particulièrement exposé aux risques physiques Une hausse attendue de la production
climatiques, en particulier la diminution des précipitations, d’hydrocarbure
l’augmentation des températures et la hausse du niveau de la mer. Les 100 10
évaluations les plus récentes estiment que le stress hydrique projeté
dans le scénario de base (lié aux faibles précipations et températures 80 8
élevées) pourrait faire chuter la productivité agricole de 50% (avec un
60 6
impact sur les exportations mais surtout sur la sécurité alimentaire et la
pauvreté) tandis que l’érosion des côtes pourrait avoir un coût de 500 à 40 4
700 M USD par an (2% du PIB de 2022). Les mesures d’adaptation restent
embryonnaires, mais seront soutenues dans les prochaines années par 20 2
le FMI (qui a adossé une partie du programme mis en place en juin 2023 0 0
à une Resilience and Sustainability Facility) et les bailleurs. 2020 2025 2030 2035 2040
Transition bas-carbone : Les émissions de GES totales du Sénégal ont Production de pétrole (kbj, éch gauche - estimations AIE)
Production de gaz (mmc, éch droite - estimations AIE)
presque doublé depuis 1990, passant de 16 MtCO2eq à 30 MtCO2eq en
Sources : AIE, calculs ECO
2018 mais les émissions par habitant restent bien inférieures à la
moyenne mondiale, à 1,9 tCO2eq. L’agriculture représente la première source d’émissions de GES avec 37 % des
émissions totales, suivie de l’utilisation des sols (15 %), de l’industrie (12 %) et des transports (11 %). La stratégie
énergétique du pays mise désormais sur le « gas to power » (Plan Sénégal Emergent 2) qui permettrait de remplacer
des centrales électriques au fioul par celles au gaz, mais pourrait limiter l’ambition de décarbonation de l’énergie du
pays. La consommation d’énergie primaire repose principalement sur le pétrole (57 %) et la biomasse (34 %) mais le
gaz (quasi-nul aujourd’hui) pourrait en représenter en 15% et 25% d’ici 2030 selon l’AEI. Le Sénégal est l’un des premiers
pays de l’Afrique de l’Ouest à avoir soumis une CDN révisée en décembre 2020, qui comprend notamment
l’intégration des émissions issues de l’industrie pétrolière et gazière. Toutefois, le développement des hydrocarbures,
censé apporter indépendance énergétique et accès à l’électricité pour tous, devrait rester prioritaire.
104
Fiche risque pays ISR/ECO – novembre 2023
Vincent Joguet
Tanzanie (joguetv@afd.fr)
Risque pays : RP3a Risque souverain : RC4a Risque T&C : 1 cran (éq. BB-)
Le risque souverain est élevé. Le FMI a requalifié en avril 2023 le risque de surendettement de « modéré avec marge
limitée d’absorption des chocs » à « modéré avec capacité d’absorption ». Le risque de refinancement de la dette
publique externe s’est en effet atténué en lien avec la progression du secteur touristique, principale source de
devises, et la hausse du volume d’or exporté et ce, malgré l’impact de la guerre en Ukraine sur les recettes
extérieures. Les comptes externes se sont néanmoins dégradés en 2022. Le déficit courant restera élevé ces
prochaines années en raison du volume et du coût des importations liées à la politique de grands travaux. En
conséquence, les réserves de change subissent une pression exacerbée par les ventes de devises pour soutenir la
monnaie dans le cadre d’un régime administré. Le risque de liquidité externe est cependant tempéré par un niveau
de réserves confortable. Le déficit budgétaire est contenu et le ratio de dette publique est stable à environ 41% du
PIB depuis 2015. L’amélioration de la gestion des finances publiques est liée au programme de la Facilité élargie de
crédit de 1,1Md USD octroyée par le FMI mi-2022. Le risque élevé de transfert et convertibilité se justifie par les
contrôles de capitaux en place, l’interventionnisme étatique et les risques de fuite de capitaux. Le risque pays est
élevé. Stable sur le plan socio-politique, la Tanzanie a connu un tournant autoritaire et nationaliste en 2015 lors de
la présidence de John Magufuli. L’actuelle présidente, arrivée au pouvoir après le décès de son prédécesseur, a
rouvert le pays à l’international, amélioré le climat des affaires et lancé un processus d’assouplissement
démocratique. L’économie est diversifiée et dynamique. Malgré le ralentissement international, la croissance
économique, qui stagnait à 4,8% en moyenne depuis 3 ans, devrait dépasser 5% en 2023 portée par les dépenses
publiques, une inflation modérée et les investissements liés aux grands projets (oléoduc, aéroport, train, ponts…).
Evolution de la note risque pays Evolution des notes risque souverain et plafond pays
Risque pays RC1
Risque souverain Plafond pays
RP1
RC2
RP2
RC3
BB-
3a
RC4
RP3
4b 4a
RC5
RC6
RP4
mai-15 mai-16 mai-17 mai-18 mai-19 mai-20 mai-21 mai-22 mai-23 mai-15 mai-16 mai-17 mai-18 mai-19 mai-20 mai-21 mai-22 mai-23
105
ENVIRONNEMENT POLITIQUE ET SOCIOECONOMIQUE
Contexte politique et gouvernance publique : Le Chama Cha La convergence du revenu par tête vers la
Mapinduzi (CCM, parti de la révolution) domine la vie politique. Parti moyenne africaine s’essouffle depuis trois ans
unique jusqu’en 1992, il a remporté l’ensemble des élections qui se
sont tenues depuis. La parenthèse autoritaire engagée en 2015 lors de 3000 80%
1990
1992
1994
1996
1998
2000
2002
2004
2006
2008
2010
2012
2014
2016
2018
2020
2022
en 2016. En mars 2023, le gouvernement a annoncé qu’il réviserait la
PIB/hab. Tanzanie (PPA, USD constant) - éch G.
loi sur les élections nationales, celle sur les autorités locales et la PIB/hab. Tanzanie/ASS (en %)
commission électorale nationale. Enfin, après des années de refus du PIB/hab. Tanzanie/Afr. orient. e t austr. (e n %)
CCM, la présidente et le parti semblent avoir accepté la demande Sources : BM (WDI), calculs ECO
récurrente de l’opposition de doter le pays d’une nouvelle
constitution. Sur le plan de la gouvernance publique, de gros efforts sont attendus : pour tous les indicateurs mesurés
par la Banque mondiale, la position du pays est médiocre. La Tanzanie reste cependant l’un des mieux classés
d’Afrique de l’Est en termes de perception de la corruption (94e sur 180).
Indicateurs socioéconomiques : Avec 5 ans d’avance par rapport à la stratégie nationale, la Tanzanie a intégré en
juillet 2020 la catégorie des pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure (PRITI), son revenu national brut par
habitant atteignant 1 080 USD et se rapprochant de la moyenne de ses voisins de la Communauté d’Afrique de l’Est
(EAC). Malgré le passage en PRITI, les défis socioéconomiques restent importants : les trois-quarts des Tanzaniens vivent
avec moins de 3,65 USD par jour et 45% continuent de vivre en-dessous du seuil d’extrême pauvreté soit dix points de
plus que la moyenne d’Afrique subsaharienne. Mais l’enjeu le plus important à gérer pour le futur reste la
démographie : le taux de croissance de la population urbaine est supérieur à 5% par an depuis 20 ans, l’un des plus
élevés d’Afrique, posant des défis considérables en termes de planification urbaine et d’emplois.
nouveau la barre des 5%. Le pays fait figure d’exception parmi ses 6%
5%
pairs tant il a su absorber les différents chocs externes depuis 2020. La
4%
croissance s’est stabilisée autour de 4,8% sur les trois derniers
3%
exercices, le gouvernement ayant fait le choix de ne pas imposer de
2%
restrictions majeures lors de la pandémie pour ne pas freiner
1%
l’économie. En outre, la chute des arrivées de touristes (-60% et -40 %
0%
respectivement en 2020 et 2021 par rapport à 2019) a été compensée
par l’augmentation des exportations d’or (hausse des cours). A court
Taux de croissance du PIB réel (%)
et moyen terme, l’économie devrait profiter de la reprise du tourisme Taux de croissance annue l moye n (%)
(les arrivées sur l’année fiscale 2022/23 ont dépassé 1,65 millions, un Sources : BM (WDI), calculs ECO
niveau jamais atteint avec des recettes qui ont triplé depuis juillet
2021), d’une hausse des dépenses publiques et d’une progression des IDE, d’importants projets d’infrastructures étant
en cours. Le FMI estime le potentiel de croissance à 7% à moyen terme, qui ne prend pas en compte l’impact de la
mise en exploitations des réserves gazières compte tenu des incertitudes quant au calendrier.
106
FINANCES PUBLIQUES
Comptes publics : Le déficit budgétaire était resté contenu (2,2% du Le déficit public est en phase de résorption
PIB en moyenne) entre 2015 et 2020 en raison du maintien des 0% 21%
dépenses publiques à un niveau bas (17% du PIB en moyenne). Il s’est 20%
creusé en 2021 (- 3,4%) et 2022 (-3,7%) suite au plan de réponse à la -1%
19%
pandémie décidé par la présidente Samia Hassan, du maintien des -2% 18%
dépenses liées aux grands travaux à un niveau élevé et des 17%
subventions aux hydrocarbures pour limiter l’impact de la hausse des -3% 16%
la Chine est le premier bailleur bilatéral mais sa part a été divisée par Dette publique domestique (% du PIB)
Dette publique exte rne (% du PIB)
deux depuis 2015. Ces dernières années, la Tanzanie recourt toutefois
Sources : BM, Ministère des Finances, calculs ECO
de manière accrue à des flux de dette commerciale (23,5% du stock
de dette publique totale et plus de 30% des versements en FY2021/22) afin de financer les grands travaux publics
(Standard Gauge Railway, barrage hydroélectrique Julius Nyerere), ce qui entraîne une hausse du service de la
dette : le ratio de ce dernier sur les revenus a été multiplié par deux depuis 2016 pour atteindre 43,3% en FY2021/22
mais devait redescendre à 31,7% en FY2022/23. En avril 2023, dans sa dernière analyse de viabilité de la dette, le FMI
a requalifié le risque de surendettement de « modéré avec marge limitée d’absorption des chocs » à « modéré avec
capacité d’absorption ». En effet, les indicateurs liés à la dette extérieure continuent à dépasser les seuils en cas de
chocs mais dans une moindre ampleur et plus tardivement que lors de l’analyse précédente du fait de la forte
progression des exportations. Certains scénarios montrent cependant qu’une base d’exportation étroite et une
dépréciation ponctuelle de la monnaie pourraient poser des risques.
comparativement aux pics enregistrés dans les pays voisins. Les taux 0
2018 2019 2020 2021 2023
directeurs sont restés stables à 5% depuis début 2020. Tanzanie - IPC (en g.a %)
Kenya - IPC (en g.a %)
Secteur financier : Le secteur financier tanzanien est en voie de Ouganda - IPC (en g.a %)
Mozambique - IPC (en g.a %)
transformation à l’aide du numérique. Si seulement un quart des Tanzanie - Taux directeur
Tanzaniens disposent d’un compte auprès d’une institution financière Sources : Banques centrales, calculs ECO
et moins d’1% d’une carte de crédit, les deux tiers de la population
utiliseraient le paiement par téléphone mobile en 2023, assurant l’inclusion financière de la population jusqu’en milieu
rural. Le secteur bancaire est bien capitalisé et stable. Grâce notamment à la mise en œuvre récente de plusieurs
directives (accélération du remboursement d’arriérés par le gouvernement et de la TVA, renforcement de la gestion
des risques de crédit), le taux de prêts non performants enregistre une décrue tendancielle depuis 2017 (5,5% en avril
2023) et les prêts au secteur privé ont cru rapidement depuis fin 2021. Le ratio de solvabilité (autour de 20%) est
supérieur aux exigences règlementaires et ceux de rentabilité poursuivent leurs progressions. Le FMI recommande de
renforcer la supervision du secteur et signale que l’importante dollarisation du système bancaire (près de 30% des
crédits et des dépôts sont libellés en dollars) constitue une vulnérabilité latente.
107
COMPTES EXTERNES
Balance des paiements : Entre 2012 et 2020, les comptes extérieurs de Vers une résorption progressive du compte
la Tanzanie ont connu un net rééquilibrage et le déficit courant s’est courant alourdi par la balance commerciale
résorbé, passant de 12% à moins de 2% du PIB, sous l’effet d’une
5
contraction des importations du pays (substitution du pétrole importé
par du gaz naturel domestique notamment) et de la progression des
0
recettes touristiques (≃35% des recettes en devises en 2019).
Conséquence d’un secteur touristique déprimé et d’une hausse des
-5
importations de biens d’équipement (grands projets
d’infrastructures), le déficit courant s’est creusé en 2021, à 3,4% du
-10
PIB, et ce malgré un cours élevé de l’or (≃50% des exportations de
biens en 2021). En 2022, l’augmentation de la facture énergétique et
-15
les importations massives de biens intermédiaires dans un contexte
d’inflation mondiale ont pesé fortement sur le déficit courant, qui a
atteint 5,4% du PIB. Il devrait se résorber très progressivement du fait Reve nus et transferts courants (% du PIB)
Services (% du PIB)
de la facture liée aux importations qui continue à s’alourdir (+18% en Biens (% du PIB)
glissement annuel en mars 2023) malgré une reprise forte des Solde du compte courant (% du PIB)
Sources : FMI (BOPS), calculs ECO
exportations : vigoureuse activité touristique (+20% de recettes en
juillet 2023 par rapport à 2019) et hausse des volumes d’or (+64%). Le besoin de financement externe est
traditionnellement couvert par des dons, des emprunts concessionnels et des IDE (1,6% du PIB). Il a cependant doublé
en 2022 (5% du PIB) par rapport à la moyenne des 5 années précédentes en raison de la hausse du déficit courant et
du service de la dette externe. Sa couverture est de plus en plus assurée par des emprunts publics non concessionnels.
Soutenabilité et liquidité externes : La dette externe tanzanienne atteignait 38,2% du PIB fin 2022. Elle est
majoritairement publique (73,6% du total en juin 2023) et concessionnelle (60% de la dette externe publique est
détenue par les bailleurs multilatéraux). En 2021, les réserves de change ont profité de l’allocation exceptionnelle de
DTS (540 M USD) et des financements d’urgence du FMI (RCF et RFI). Entre fin 2021 et juin 2023, les réserves ont
cependant chuté de 1,1 Md USD pour atteindre 5,2 Mds USD (financement des importations et du service de la dette
externe). Les réserves couvrent cependant 4,8 mois d’importations de biens et services, reflétant un niveau supérieur
aux seuils fixés par le gouvernement (4 mois) et la CEA (4,5 mois) et en phase avec les recommandations du FMI.
Transfert et convertibilité : Malgré les efforts d’amélioration du climat des affaires, l’instabilité juridique,
l’interventionnisme étatique et la faible indépendance de la justice suggèrent un risque d’imposition de mesures
restrictives de transfert et de convertibilité. En outre, la Tanzanie est exposée aux chocs exogènes via la dépendance
de ses comptes extérieurs aux recettes touristiques et aux exportations d’or, même si le risque de liquidité externe
s’éloigne. Le régime de change est de facto un flottement administré et l’indépendance de la BoT est limitée. Le
secteur bancaire se distingue par un taux de dollarisation important (30% des dépôts en USD), renforçant le risque de
sortie de capitaux. Depuis mai 2022, avec la forte hausse des taux directeurs de la FED, le shilling s’est déprécié de 8%
face au dollar, la BoT ayant mis un frein à ses interventions sur le marché des changes pour préserver les réserves.
CLIMAT
Climat : En raison de l’importance de son agriculture, la Tanzanie
présente une exposition aux aléas climatiques que sont le stress Les émissions de gaz à effet de serre ont été
thermique et les précipitations extrêmes et, dans une moindre multipliées par 2 en 20 ans
mesure, le stress hydrique. Une hausse des températures d'environ 3 à 100
M illions
Tanzanie se classe 145e sur 182 pays en termes de résilience aux effets
0
du changement climatique. La vulnérabilité du pays est très élevée
et se dégrade tout comme sa capacité à optimiser ses
Agriculture (tCO2eq) Energie (tCO2eq)
investissements et à les convertir en mesures d'adaptation.
Industrie (tCO2eq) Déchets (tCO2eq)
Transition bas-carbone : Les émissions de GES par habitant Source : Climate Watch
108
Fiche risque pays ISR/ECO – novembre 2023
Justine Mélot
Tchad (melotj@afd.fr)
Risque pays : RP4a Risque souverain : RC5 Risque T&C : +3 crans (éq. B+)
Suite au décès du président Idriss Déby, mort au combat le 19 avril 2021, un Conseil militaire de transition dirigé par son fils,
Mahamat Idriss Déby, devait initialement assurer la transition pour 18 mois. Les délégués, réunis dans le cadre d’un dialogue
de réconciliation nationale, ont néanmoins décidé en septembre 2022 de reconduire M. I. Déby au pouvoir pour deux ans,
l’autorisant également à briguer la présidence lors de prochaines élections, prévues en 2024. Peu diversifiée, l’économie est
exposée aux fluctuations des cours des matières premières, aux aléas climatiques et aux évolutions de la situation politico-
sécuritaire. Profitant de la reprise des cours, la croissance atteindrait 4 % en 2023 et s’établirait à 3,7 % en 2024 (FMI). Le Tchad
présente donc un profil de risque pays très élevé. Malgré un niveau modéré (48,8 % du PIB en 2022), le ratio d’endettement
avait été qualifié d’insoutenable par l’AVD de novembre 2021, en raison d’un service de la dette externe important,
notamment en proportion des recettes publiques. Fin 2022, la remontée des cours du pétrole a permis, selon le FMI, de
combler le gap de financement du Tchad et ainsi de conclure un accord avec au titre du Cadre commun visant à se
prémunir contre un nouvel épisode de baisse des cours. Après 43,2 % du PIB en 2023, le ratio d’endettement atteindrait
38,7 % du PIB en 2024, permettant au pays de passer de la catégorie « détresse de dette » à un « risque du surendettement
élevé ». Cependant, tous les revenus exceptionnels liés à la hausse des cours du pétrole auraient été dépensés, selon le FMI,
et des emprunts supplémentaires auraient été pris pour l’équivalent de 3 points de PIB. Le risque souverain est donc très
élevé. Sur le plan externe, les fluctuations du solde courant sont à l’image de la dépendance de l’économie aux cours du
pétrole : après avoir atteint un excédent en 2022, l’excédent courant s’établirait à 0,2 % du PIB en 2023 avant de repasser
en territoire négatif en 2024. Le secteur bancaire est, comme le reste de l’économie, très exposé au souverain, en plus d’être
concentré et peu liquide. Cependant, l’appartenance du Tchad à la CEMAC lui confère un risque faible de T&C.
Evolution de la note risque pays Evolution des notes risque souverain et plafond pays
Risque pays RC1
Risque souverain Plafond pays
RP1
RC2
RP2
RC3
B+
RC4
RP3
4a 5 5
RC5
6a
RP4
RC6
6a
mai-15 mai-16 mai-17 mai-18 mai-19 mai-20 mai-21 mai-22 mai-23 mai-15 mai-16 mai-17 mai-18 mai-19 mai-20 mai-21 mai-22 mai-23
109
ENVIRONNEMENT POLITIQUE ET SOCIOECONOMIQUE
Contexte politique et gouvernance publique : Au pouvoir depuis Un faible niveau de vie, en baisse par rapport à
1990, Idriss Déby venait de remporter l’élection présidentielle d’avril la région
2021 quand il a été assassiné au front par un groupe politico- 150 2000
militaire rebelle du FACT (Front pour l'alternance et la concorde au
Tchad). Un Conseil national de transition dirigé par son fils, le 1500
100
militaire Mahamat I. Déby, a aussitôt pris le pouvoir et s’est accordé
l’éligibilité aux élections, qu’il s’était engagé à organiser en 2022. 1000
110
FINANCES PUBLIQUES
Comptes publics : La position budgétaire demeure extrêmement Un solde budgétaire désormais en excédent
corrélée aux recettes pétrolières et contrainte par l’étroitesse de 10 30
8
l’assiette fiscale, en particulier par le faible niveau des recettes hors 6 25
pétrole (6,8 % du PIB en 2022 – un des niveaux les plus faibles de la 4
20
2
CEMAC). Les recettes budgétaires auraient ainsi augmenté de 15 0
15
points de PIB entre 2021 et 2023, alors que les dépenses sont restées -2
-4
stables. Après un déficit de 2,0 % du PIB en 2021, la hausse des recettes -6
10
de l’insuffisance des sources de financements domestiques et Sources : FMI (Art. IV, juin 2022), calculs ECO
111
COMPTES EXTERNES
Balance des paiements : Très dépendant de l’évolution des cours Un déficit du compte courant fortement
du pétrole, le compte courant est en déficit depuis 2009 (moyenne dépendant des cours du pétrole
de -7,7 % du PIB sur la période 2010-2019). La balance 120 10
CLIMAT
Climat : Le Tchad est composé pour moitié d’une zone saharienne, Une hausse des émissions de GES liée à la
et pour l’autre moitié d’un secteur sahélien, semi-désertique (au croissance de la population
Nord du pays) et d’une zone tropicale (région méridionale). Dernier 8 120000
(185ème) du classement ND-GAIN en 2021, le Tchad se caractérise
7
par une forte vulnérabilité au changement climatique 100000
Transition bas-carbone : L’économie du Tchad repose quasi-exclusivement sur la production pétrolière et agricole.
Par conséquence, elle est très exposée au risque de transition bas-carbone. D’après la BP Statistical Review, les
réserves actuelles en pétrole (1,6 milliard de barils, soit 0,1 % du total mondial) devraient permettre de poursuivre la
production pendant encore 39 ans. Signataire des accords de Paris, le Tchad s’est engagé à réduire ses émissions de
GES de 71 % d’ici 2030 (CDN, 2015). Alors que le pays a été confronté ces dernières années à une croissance du
secteur pétrolier, il parvient difficilement à faire émerger de nouveaux leviers de croissance pour assurer sa transition.
112
Fiche risque pays ISR/ECO – novembre 2023
Jade Castaner
Togo castanerj@afd.fr
Risque pays : RP3c Risque souverain : RC4c Risque T&C : +3 crans (éq. BB-)
Le risque pays est considéré comme élevé. Le président Faure Gnassingbé, au pouvoir depuis 2005, a été réélu pour
un troisième mandat en février 2020, tandis que les libertés publiques restent bafouées et l’opposition réprimée.
Depuis 2008, le pays a enregistré une trajectoire de croissance ascendante (TCAM de 5,7 % entre 2008 et 2018),
temporairement interrompue par la crise de Covid-19. La croissance économique serait de nouveau robuste en
2023 (5,4 %), et devrait rester soutenue en 2024 (5,3 %). Toutefois, malgré un secteur tertiaire dynamique et des
infrastructures de transport solides, le pays continue de faire face à un climat des affaires relativement dégradé et
à des problèmes de gouvernance. En 2022, les dépenses militaires élevées et la forte hausse des prix des denrées
alimentaires et du pétrole ont contribué à creuser le déficit budgétaire, le portant à 8,3 % du PIB en 2022. Il devrait
se réduire à 6,6 % du PIB en 2023, bien que certaines mesures anti-inflation persistent. La dette publique serait
désormais stabilisée autour de 67 % du PIB, mais avec une forte pression sur le service de la dette, d’où un risque
souverain élevé. Malgré plusieurs visites du FMI en 2022, les perspectives de conclure un nouvel accord FEC dans
les prochains mois s’éloignent. Lors du dernier programme FEC (2017-2019) tous les objectifs avaient été respectés,
sauf la privatisation de l’Union togolaise de Banques (UTB), qui devrait être l’un des points centraux de négociation
d’un nouveau programme. Par ailleurs, le déficit du compte courant devrait être stable en 2023, attendu à 3,1 % du
PIB, malgré une croissance moins favorable des principaux partenaires commerciaux, qui ont ralenti le rythme des
exportations. Le risque lié au système bancaire reste un point de vigilance (quelques banques publiques et taux de
PNP élevé), en particulier en l’absence de données récentes. Toutefois, l’appartenance du Togo à l’UEMOA modère
les risques externes et confère un risque faible de transfert et convertibilité.
Evolution de la note risque pays Evolution des notes risque souverain et plafond pays
Risque pays RC1
Risque souverain Plafond pays
RP1
RC2
RP2
BB-
RC3
3c 4c
RC4
RP3
RC5
RP4
RC6
mai-15 mai-16 mai-17 mai-18 mai-19 mai-20 mai-21 mai-22 mai-23 mai-15 mai-16 mai-17 mai-18 mai-19 mai-20 mai-21 mai-22 mai-23
113
ENVIRONNEMENT POLITIQUE ET SOCIOECONOMIQUE
Contexte politique et gouvernance publique : Au pouvoir depuis Un rattrapage progressif du niveau de vie par
2005, le président Faure Gnassingbé a suscité de vives controverses rapport à l’Afrique subsaharienne
en faisant réviser la constitution en 2019 pour lui permettre de se 150 2500
Régime de croissance : Après une période marquée par une Une croissance dynamique à moyen terme
croissance volatile, attribuable à l'instabilité politique et aux 8
fluctuations des cours des matières premières, la croissance
6
moyenne a atteint 5,7 % entre 2008 et 2018, reflétant notamment la
mise en œuvre de politiques gouvernementales visant à améliorer le 4
114
FINANCES PUBLIQUES
Comptes publics : Soutenue par le programme FMI (FEC de 244,8 M Le solde budgétaire en légère amélioration
USD sur 2017-2019), le Togo avait réussi à considérablement réduire 2 30
son déficit budgétaire avant la pandémie de Covid-19. Il s’est
0 25
toutefois nettement dégradé depuis (6 % du PIB en moyenne sur
2020-2023). En 2022, en réponse à l’aggravation de l’insécurité dans -2 20
le nord du pays, les dépenses militaires ont considérablement -4 15
augmenté (de 3,1% du PIB en 2021 à 5,4 % en 2022). Parallèlement,
pour faire face à la montée de l’inflation et aider la population, le -6 10
relativement important, estimé à 12,5 % du PIB en 2023. Il est couvert par le marché régional, la BCEAO et les bailleurs
internationaux et devrait le rester à moyen terme. Les perspectives de finaliser rapidement un nouveau programme
FMI s’éloignent. Cela serait lié à la privatisation de la banque UTB, objectif non respecté lors du dernier programme,
qui semble être un préalable indispensable, le FMI ayant estimé que cette privatisation était essentielle pour garantir
la stabilité financière et prévenir les risques sur le budget de l'État. Le FMI serait également réticent au vu de l’important
déficit budgétaire, loin de la cible de l’UEMOA de 3 % prévue pour 2026 (annoncé en 2024 dans un premier temps).
Endettement public : En 2019 et 2020, le Trésor avait pratiqué un La dette publique est en majorité domestique
reprofilage d’une partie de la dette publique, remboursant ainsi une 80
partie de sa dette domestique (3 %) au profit d’un endettement 70
externe aux maturités plus longues (10 ans) et au taux d’intérêt plus 60
faible (4,6 %). Cette initiative a eu pour effet d’allonger la maturité
50
moyenne de la dette (6,3 ans fin 2023 contre 5 ans à 2019). Malgré
40
ce reprofilage, le BFP reste structurellement important et l’encours
30
de la dette arrivant à échéance fin 2023 représenterait 11,2 % de
l’ensemble de la dette (7,6 % du PIB). Cette situation pourrait exercer 20
14,2 % des recettes (contre 12,6 % en 2021), constitue une autre Dette publique externe (% du PIB)
Dette publique domestique (% du PIB)
source de vulnérabilité. La dette publique est en hausse depuis 2019
en lien avec la dégradation des finances publiques : en 2023, le taux Sources : FMI (WEO, 6e revue 2020), calculs ECO
d’endettement public a atteint 67,2 % du PIB (contre 52,4 % en 2019). Ces éléments ont conduit Moody’s à réviser sa
perspective de stable à négative en mai 2023. En revanche, la dernière AVD du FMI indique une dette publique
soutenable avec un risque modéré (datant toutefois de 2020), en grande partie libellée en monnaie locale (~70 %),
constituée de titres d’Etat émis sur le marché régional, tandis que la dette externe reste largement concessionnelle.
son taux directeur deux fois en 2023, portant la hausse totale à 125 400 -2
points de base depuis juin 2022, pour atteindre 3,25 % en septembre 2012 2013 2014 2016 2017 2018 2020 2021 2022
2023. L'inflation devrait ralentir en 2023 (5 %) et 2024 (2,8 %). Taux d'inflation (en g.a. %, éch. G.)
Taux de change XAF/USD (éch. D.)
Taux directeur (éch. G.)
Secteur financier : Les données récentes font globalement défaut
dans ce domaine. En 2022, le secteur bancaire togolais était Sources : FMI (IFS), BCEAO, calculs ECO
composé de 14 banques et 3 établissements financiers. Les indicateurs de stabilité bancaire s'améliorent et sont en
conformité avec les normes de Bâle II/III adoptées en 2018 dans l'UEMOA. Le ratio de solvabilité a notamment
progressé pour atteindre 14,3 % fin 2022, mais trois banques présentent encore des risques de solvabilité supérieurs aux
normes prudentielles. Le secteur reste vulnérable également en raison d'un taux de PNP élevé avant la crise de la
Covid-19, atteignant 17,8 % en 2018, principalement concentrés dans les banques publiques. Ce taux s'est légèrement
amélioré en 2021, se situant autour de 16 % selon la BAD, un ratio qui reste élevé dans l’UEMOA. En 2021, 5 banques
ne respectaient pas le ratio de capitalisation minimum de la BCEAO, fixé à 9,5 %. En outre, les retards dans la
privatisation de l'UTB (21 % du total des actifs du secteur bancaire avec la BTCI – privatisée en décembre 2021)
pourraient poser un risque pour la stabilité globale du système financier.
115
COMPTES EXTERNES
Balance des paiements : Compte tenu de sa position géographique Le déficit courant se creuserait en 2023 mais
stratégique, le pays a saisi l’opportunité de devenir un centre de des perspectives favorables à moyen terme
réexportation pour la région, notamment de pétrole, vers les pays de 15%
l’hinterland. Cependant, la valeur ajoutée du Togo reste faible et 10%
l’effet de ces réexportations sur la croissance, les revenus et l'emploi
5%
demeure limité. La balance commerciale du Togo est excédentaire
en matière de services, tandis que celle des biens affiche un déficit 0%
élevé (respectivement +1,5 % et -12,7 % du PIB en moyenne sur 2012- -5%
2021). Les transports et la construction constituent les principales
-10%
exportations, mettant en évidence le rôle du Togo en tant que pôle
régional. Le solde du compte courant s’était nettement amélioré -15%
CLIMAT
Climat : Le Togo se trouve dans une position de vulnérabilité face au Les émissions de GES par habitant restent
changement climatique (132e sur 181 selon ND-Gain). Cette stables et faibles depuis les années 2000
vulnérabilité est particulièrement préoccupante en raison de 2,0 10000
Transition bas-carbone : Les émissions totales de gaz à effet de serre Sources : Climate Watch, calculs ECO
(GES) du Togo demeurent relativement faibles, plaçant le pays au 144e rang mondial avec 10,5 MtCO2eq en 2018
(1,3 tCO2eq par habitant). La consommation énergétique du pays est faible et elle repose principalement sur la
biomasse mais les importations de pétrole sont en hausses depuis 2000 (+ 41 %). L’exposition au risque de transition
apparait modérée en raison de la faible importance des industries vulnérables dans l’emploi et le PIB. Toutefois, les
finances publiques sont structurellement fragiles, peu à même de financer la transition bas-carbone. La vulnérabilité
du Togo provient principalement de son faible niveau de développement. Bien que le potentiel solaire du pays soit
prometteur, il ne représentait encore qu'une part inférieure à 1 % de la production totale d'électricité en 2019.
Cependant, le Togo s'est engagé de manière ambitieuse à atteindre d'ici 2030 les objectifs suivants : i) parvenir à ce
que 50 % de sa production énergétique provienne de sources renouvelables ; ii) réaliser une réduction inconditionnelle
des GES de 20,5 % et une réduction conditionnelle de 30 % par rapport au scénario de référence.
116
Fiche risque pays ISR/ECO – novembre 2023
Alix Vigato
Tunisie (vigatoa@afd.fr)
Risque pays : RP3b Risque souverain : RC5 Risque T&C : 0 cran (éq. CCC+)
Depuis la révolution de 2010-2011, la Tunisie souffre de déséquilibres macroéconomiques majeurs, matérialisés par
le décrochage de son rythme de croissance et la dégradation de ses comptes publics et externes. Dans un contexte
social tendu (chômage élevé, inflation à un niveau record, pénuries épisodiques), la Tunisie a adopté en juillet 2022
une nouvelle constitution venant considérablement renforcer les pouvoirs du président Kaïs Saïed. Alors que
l’économie ne redémarre que très lentement depuis la pandémie (croissance projetée à 1,3 % en 2023), le PIB réel
pourrait ne retrouver son niveau pré-Covid qu’en 2024. Le risque pays tunisien est par conséquent élevé. Sur le plan
des finances publiques, un important déficit budgétaire couplé à un amortissement de dette historiquement élevé
porte le besoin de financement public à un niveau inédit (environ 15 % du PIB sur la période 2020-2023, contre moins
de 10 % du PIB pré-pandémie). Sa couverture s’avérant de plus en plus complexe (réticence des bailleurs, spreads
prohibitifs des marchés financiers), le risque souverain est très élevé et la Tunisie mobilise de plus en plus son secteur
bancaire domestique pour couvrir les besoins de l’Etat. Si un accord préliminaire avait été trouvé avec le FMI en
octobre 2022 en vue d’un programme visant à pallier ces différents déséquilibres, plusieurs points de blocage
persistent (subventions et gestion des entreprises publiques en particulier), tandis que la dérive autoritaire de K. Saïed
apparaît comme un frein important à la conclusion d’un accord définitif. Enfin, les comptes extérieurs,
structurellement déséquilibrés, sont fragilisés par les prix élevés des matières premières (importations de blé et
d’énergie en particulier). Les pressions induites sur les réserves de change (à 3,7 mois d’importations fin octobre 2023)
ainsi que la dégradation de la gouvernance depuis l’élection de Kaïs Saïed (remise en cause de l’indépendance
de la Banque centrale en particulier) justifient un risque de transfert et convertibilité désormais très élevé.
Evolution de la note risque pays Evolution des notes risque souverain et plafond pays
Risque pays Risque souverain Plafond pays
RP1
RC1
RC2
RP2
2c
3c
RC3
3a B
RP3
RC4
4a B-
3b 4b
4c
RC5
5 CCC+
RP4
RC6
117
ENVIRONNEMENT POLITIQUE ET SOCIOECONOMIQUE
Contexte politique et gouvernance publique : Depuis la révolution Le PIB par tête tunisien stagne
de 2010-2011 qui a chassé du pouvoir Zine el-Abidine Ben Ali depuis la révolution de 2010-2011
(président de 1987 à 2011), la Tunisie connait une instabilité politique 17500
USD PPA
10000
considérablement renforcé par l’adoption d’une nouvelle
constitution présidentialisant le régime en juillet 2022. Ces derniers 7500
mois, la dérive autoritaire et l’isolement de K. Saïed à la tête de l’Etat
se sont accentués avec l’arrestation d’opposants politiques et de 5000
président ciblant les migrants subsahariens et à la qualification des Egypte Tunisie Maroc
demandes de réformes du FMI de « diktats venus de l’étranger ». Ces Sources : Banque mondiale, calculs ECO
relations se sont toutefois récemment apaisées, le président jouant notamment de la « rente géopolitique » de la
Tunisie et de la question migratoire pour obtenir des financements externes. Si l’action de K. Saïed conserve un certain
soutien populaire, les élections législatives (décembre 2022-janvier 2023) ont confirmé la lassitude et le désintérêt
grandissant d’une large part des Tunisiens vis-à-vis de leur système politique. Le taux d’abstention a en effet atteint
89 %, sans que les partis d’opposition – qui ont largement boycotté le scrutin – ne parviennent, pour autant, à mobiliser
massivement lors de manifestations. Acteur central de la démocratie tunisienne, l’Union générale tunisienne du travail
(UGTT) présente, par ailleurs, un positionnement ambigu vis-à-vis de la politique de K. Saïed. La prochaine élection
présidentielle est théoriquement prévue à l’automne 2024.
Indicateurs socioéconomiques : Depuis une dizaine d’années, le PIB par habitant (USD PPA) stagne et le chômage se
maintient à un niveau structurellement élevé (environ 15 % de la population active), en particulier chez les jeunes.
Alors que la question des prix alimentaires est explosive en Tunisie et a historiquement été le déclencheur de plusieurs
mouvements sociaux, le risque sociopolitique est exacerbé par une inflation élevée (proche de 10 %, niveau record
depuis les années 1980), les pénuries épisodiques et l’effondrement de la production céréalière 2022/2023 du fait de
la sécheresse (-66 % sur un an). Bien que stable – voire en repli – ces dernières années, l’indice de développement
humain tunisien demeure supérieur à la moyenne des pays de la région (classé 97e/191 pays en 2021).
0,3 Agriculture
(hôtellerie-restauration, transports, commerce, etc.). Ils côtoient une Commerce
118
FINANCES PUBLIQUES
Comptes publics : Alors que la Tunisie affichait une bonne maîtrise Le besoin de financement public se maintient
de ses comptes publics jusqu’en 2010, les mesures d’apaisement à un niveau historiquement élevé
18%
social décidées post-révolution ont conduit à un net creusement du
déficit budgétaire (≈ 5 % du PIB, moyenne 2011-2019). Si quelques 15%
mesures de consolidation avaient permis une légère résorption en
12%
2018-2019, la pandémie en 2020-2021 puis la hausse des cours des
% du PIB
matières premières en 2022 (doublement des subventions sur un an) 9%
ont entrainé un nouveau dérapage. Bien que demeurant important,
6%
le déficit budgétaire retrouverait en 2023 des standards pré-
pandémie, à 5,2 % du PIB selon le FMI (mais 7,7 % selon le 3%
gouvernement). Couplé à un amortissement de dette important, le
0%
besoin de financement public se maintient ainsi à un niveau inédit, 2010 2012 2014 2016 2018 2020 2022
de l’ordre de 15 % du PIB sur la période 2020-2023 (contre moins de Amortissement de dette publique externe
Amortissement de dette publique domestique
10 % pré-pandémie). La couverture de ce besoin s’avère, en outre, Deficit budgétaire
de plus en plus complexe : les sources de financement externes se Besoin de financement public
Sources : Ministère des finances, FMI, calculs ECO
tarissant (réticence des bailleurs, spreads prohibitifs des marchés
financiers), le souverain sollicite massivement le marché domestique, y compris via des prêts en devises de banques
locales aux contours flous. Dans ce contexte, les pressions gouvernementales visant à favoriser un financement
monétaire du déficit (après le financement exceptionnel accordé par la BCT en 2020) devraient s’accentuer.
Endettement public : Si le ratio d’endettement public sur PIB a près Le ratio d’endettement public a
de doublé depuis la révolution (80 % du PIB fin 2022), la Tunisie a, doublé depuis la révolution
depuis une dizaine d’années, largement su profiter de sa « rente » 90%
119
COMPTES EXTERNES
Balance des paiements : Malgré un secteur touristique dynamique et Le conséquent déficit de la balance
de substantielles remises de migrants qui génèrent à eux deux des des biens pèse sur le solde courant
flux entrants de devises de l’ordre de 10 % du PIB en moyenne 8%
% du PIB
-4%
déficit courant s’est élevé à 8,6 % du PIB en 2022. Combiné à des
échéances de dette importantes, le besoin de financement externe -8%
atteint ainsi un niveau record (pic à près de 15 % du PIB en 2022). Si
ce besoin de financement devrait progressivement décroitre ces -12%
CLIMAT
Climat : Alors que le territoire tunisien est très largement aride ou semi-aride, la zone cotière de la Tunisie concentre les
deux tiers de la population et 80 % de l’activité économique. Le pays est ainsi fortement exposé à la montée du niveau
marin, à l’érosion des sols et aux innondations. La desertification et, plus globalement, la rarification des ressources en
eau constitue néanmoins la principale menace climatique. En situation régulière de stress hydrique, l’Afrique du Nord
devrait en effet être l’une des régions les plus affectées par la hausse de température et la baisse de précipitations à
l’échelle mondiale. Comme l’illustre l’effondrement attendu de la production céréalière en 2022/23 (-66 % sur un an)
du fait de la sécheresse, la sécurité alimentaire – déjà fragile – de la Tunisie est ainsi fortement menacée.
Transition bas-carbone : Les Tunisiens ont émis 3,1 tonnes Le mix énergétique tunisien se compose
d’équivalent CO2 par habitant en 2020, un niveau deux fois inférieur largement de ressources fossiles
à la moyenne mondiale (6,4 teqCO2) et proche de celui des autres ENR
pays de la région (hors Etats pétroliers). En dépit d’un potentiel Biomasse 1,2%
conséquent en énergies renouvelables, le mix énergétique demeure 10,3%
120
2. AMERIQUE LATINE
121
122
Fiche risque pays ISR/ECO – novembre 2023
Maxime Terrieux
Argentine (terrieuxm@afd.fr)
Risque pays : RP3c Risque souverain : RC5 Risque T&C : 0 cran (éq. CCC+)
Le risque pays de l'Argentine est élevé et s’est accentué ces derniers mois. D’une part, car les élections générales
(présidentielle et législative) d’octobre-novembre 2023 ont occupé tous les esprits, et leur issue incertaine a alimenté
l’instabilité politique et économique. La victoire de Javier Milei, candidat radical d’extrême droite sans majorité
nette au Congrès, pourrait conduire à des blocages politiques ainsi qu’à des épisodes d’instabilité attisés par
l’opposition et les syndicats. D’autre part, une sécheresse historique au T1 a aggravé une situation économique déjà
très difficile : récession à venir (projection 2023 à -2,5%), inflation à trois chiffres, pressions accrues sur les réserves de
change, différentiel élevé entre le taux de change officiel et le marché parallèle, et doutes sur l’atteinte des
objectifs budgétaires en période préélectorale. Dans ce contexte, le programme FMI lancé en mars 2022 est
considéré off-track : les objectifs de solde primaire, d’accumulation des réserves nettes, ou encore de monétisation
du déficit public, ont été assez largement ratés. Un nouveau paquet de mesures a été conclu par les autorités avec
le FMI afin de remettre le programme sur la trajectoire initialement prévue. Cela passera notamment par un respect
beaucoup plus rigoureux des objectifs de solde budgétaire et l’élimination des régimes de change multiples. En
attendant, les pressions sur les réserves en devises, qui ont diminué de plus de 40% depuis le début 2023, continueront
de fragiliser la position souveraine, dont le risque reste très élevé. L’Etat n’enregistre pas d’arriérés, mais les
opérations d’échange de dette domestique, et la hausse attendue des coupons sur les Eurobonds lors des trois
prochaines années, viennent rappeler les risques pesant sur la solvabilité publique à court-moyen terme. Enfin, avec
un régime de change officiel désormais en parité glissante, et des réserves sous pression, les autorités ont renforcé
les mesures de contrôles de capitaux afin de préserver les devises, accentuant ainsi le risque de T&C déjà très élevé.
Evolution de la note risque pays Evolution des notes risque souverain et plafond pays
Risque pays RC1
Risque souverain Plafond pays
RP1
RC2
RP2
RC3
3b
RC4
RP3
4c
6a
5
5 5
RP4
RC6
6a
mai-15 mai-16 mai-17 mai-18 mai-19 mai-20 mai-21 mai-22 mai-23 mai-15 mai-16 mai-17 mai-18 mai-19 mai-20 mai-21 mai-22 mai-23
123
ENVIRONNEMENT POLITIQUE ET SOCIOECONOMIQUE
Contexte politique et gouvernance publique : Depuis la fin de la Le PIB/hab. argentin perd progressivement son
dictature militaire en 1983, l'Argentine est redevenue une avance sur les autres PRITS
démocratie gage de stabilité politique, bien que les indicateurs de
gouvernance soient largement perfectibles (59e centile des 350
250
contrôlé par un Congrès bicaméral doté de contrepouvoirs
importants, le système politique incite à la formation de coalitions, 200
mais a été dominé pendant trois décennies par deux partis : le 150
pouvoir une troisième voie en raison de la dégradation PIB par hab. Argentine / PIB par hab. moye nne ALC (%)
économique à partir de 2018. Le retour au pouvoir des justicialistes PIB par hab. Argentine / PIB par hab. Monde (%)
en 2019 n’aura cependant été qu’un court intermède : l’élection Sources : BM (WDI), calculs ECO
présidentielle d’octobre-novembre 2023 a porté au pouvoir Javier
Milei, l’imprévisible candidat d’extrême droite, ultra-conservateur et libertarien. Profitant de l’incapacité du
gouvernement péroniste d’Alberto Fernandez à enrayer une crise économique aggravée par la crise sanitaire, il a
joué une carte populiste pour attirer un électorat frustré par des années de crise économique et une perte significative
de pouvoir d’achat (à juin 2023, les salaires réels étaient en baisse de 3,2% depuis le début de l’année). Sa victoire est
toutefois source d’instabilité politique accrue. D’une part car sa coalition libertarienne (La liberté avance) n’aura pas
de majorité au Congrès, ce qui limitera la possibilité de réformes structurelles. D’autre part, car son programme ultra-
libéral économiquement (il veut dollariser l’économie, supprimer la Banque centrale, et promet surtout des coupes
budgétaires drastiques) et conservateur socialement (il souhaite retirer le droit à l’avortement), pourrait donner lieu à
d’importantes manifestations des syndicats et mouvements d’opposition de gauche. Point positif à ce tableau : le
nouveau gouvernement devrait favoriser la poursuite du programme FMI en cours.
Indicateurs socioéconomiques: L’Argentine fait partie des pays à revenu intermédiaire de la tranche supérieure (PRITS)
et son PIB par habitant figure parmi les plus élevés d’Amérique Latine. La trajectoire de croissance des trente dernières
années n’a cependant pas permis d’améliorer les indicateurs de développement humain. En outre, le taux de
pauvreté a fortement augmenté avec la dégradation de la situation économique et la crise sanitaire (32% au seuil
national en 2018 ; en hausse à 40,1% au S1 2023).
forte inflation, creusement des déficits jumeaux financés avec les -15
réserves de change). Depuis 2015, le modèle de croissance se
voulait davantage axé sur le libéralisme économique et la relance Taux de croissance du PIB réel (%)
de l’investissement, structurellement faible (18% du PIB en moyenne Taux de croissance annuel moyen (%)
sur 2005-14 contre 22% sur le continent). Ce modèle est remis en Sources : FMI (MEDC), calculs ECO
cause depuis le retour du centre gauche au pouvoir en 2019. Dans
ce contexte, l’économie reste aujourd’hui assez primarisée (agriculture, ressources minières), tandis que son industrie
manufacturière, bien qu’assez diversifiée, est peu dynamique et repose sur quelques secteurs (transformation
alimentaire, production et assemblage automobile). L’instabilité économique (notamment l’inflation) et politique, les
nombreuses taxes, contrôles des prix, de changes et des capitaux, sont autant d’éléments qui pèsent sur la confiance
des investisseurs et contraignent le potentiel de croissance. Estimé autour de 3% par an avant la pandémie, il se
situerait désormais à ~2%.
Régime de croissance : Malgré la volonté de modernisation de l’économie sous la présidence Macri (essor des
nouvelles technologies), la croissance reste volatile. La crise sanitaire est venue aggraver la récession liée à la double
crise de change de 2018-2019. L’économie a ainsi enregistré trois années consécutives de récession, qui ont fait place
à un rebond à plus de 10% en 2021 (effets de base, hausse des prix des matières premières). Celui-ci s’est timidement
poursuivi en 2022 : croissance ralentie à 4%, contrainte par la baisse de la demande mondiale et le resserrement des
politiques monétaire et budgétaire. 2023 devrait marquer une nouvelle année de récession, l’économie étant
fortement marquée par une sécheresse historique qui a notamment réduit la production agricole de 40%. Le FMI (5e
et 6e revues du MEDC) prévoit ainsi une contraction de -2,5% en 2023, avant un léger rebond à 2,8% en 2024, à mesure
notamment que la production agricole revient à la normale.
124
FINANCES PUBLIQUES
Comptes publics : Depuis le début de la décennie 2010, le déficit Un déficit public difficile à résorber
public consolidé s’est creusé jusqu’à atteindre -6,7% du PIB en 2017. Il 2011 2013 2015 2017 2019 2021 2023
est pénalisé par un niveau élevé de dépenses (38% du PIB en 2 50
d’alimenter une inflation désormais à plus de 100% (g.a) depuis début 100 300
250
2023, son plus haut niveau depuis trente ans. Les anticipations 80
200
d’inflation n’ont désormais plus aucun ancrage, en lien notamment 60
150
avec les pressions sur les réserves de change et les possibles nouvelles 40 100
dévaluations du peso. Un début de désinflation n’est pas à attendre 20 50
avant le T1 2024 et le retour à une certaine stabilité post-élections. Dans 0 0
ce contexte, la Banque centrale (BCRA) a augmenté son taux 2018 2019 2020 2021 2022 2023
directeur de 4300 pbs depuis début 2023 à 118% - la dernière hausse Inflation (g.a. %, éch. G)
de 2100 bps ayant accompagné la dévaluation nominale du peso de Taux directeur (%) (éch. G)
21% en août. Taux de change nominal (ARS/USD, éch. Dte)
125
COMPTES EXTERNES
Balance des paiements : Structurellement déficitaire sur la décennie Les pressions sur les réserves demeurent
2010, le solde courant est devenu légèrement excédentaire en 2020- significatives malgré les contrôles de capitaux
21 (1% du PIB en moyenne), porté notamment par un secteur agricole
70 12
dynamique, la hausse des cours des matières premières, ainsi qu’une
compression des importations liée à la dépréciation continue du taux 60 10
de change. Le retour en territoire négatif en 2022 (hausse des prix de 50
8
l’énergie importée) devrait se poursuivre en 2023 : la sécheresse aurait 40
6
fait perdre 3% de PIB d’exportations par rapport à 2022, et le déficit 30
courant est désormais prévu à -0,6% du PIB. Le déficit courant n’est 4
20
plus financé que par les entrées d’IDE, encore limitées (1,5% du PIB en 2
10
moyenne depuis 2017), tandis que les flux nets de portefeuille et les
0 0
autres investissements continuent d’être négatifs témoignant
2010 2012 2014 2016 2018 2020 2022
d’importantes sorties de capitaux.
Réserves (Mds USD, éch gauche)
Soutenabilité et liquidité externes : Le déficit courant structurel Réserves (mois d'imports, éch droite)
combiné aux importantes sorties de capitaux complique
Sources : BCRA, Macrobond, calculs ECO
l’accumulation des réserves de change. La BCRA intervient
également régulièrement sur le marché des changes pour stabiliser le
taux de change, de sorte que les réserves en devises ont sensiblement baissé depuis la crise de change de 2018-2019,
et sont désormais en nette baisse tendancielle, bien loin de l’objectif du programme FMI. Elles ont diminué de 17 Mds
USD depuis le début 2023 (-40%) et ne couvrent plus que 4 mois d’importations, contre près de 8 mois pré-pandémie.
Une ligne de swap de 20 Mds USD avec la Banque centrale de Chine représente une portion importante de ces
réserves : son récent renouvellement jusqu’en août 2026 constitue un élément rassurant. De même, les décaissements
du FMI à l’occasion du passage des 5e et 6e revues offrent un répit temporaire. Les réserves couvrent à ce stade le
BFE sur 2024, mais les tensions sur la liquidité et solvabilité externe seront persistantes en l’absence d’unification des
régimes de change et de réforme fiscale structurelle.
Transfert et convertibilité : L’Argentine a un historique de restrictions importantes aux transfert et à la convertibilité des
capitaux. Si le score d’ouverture financière de l’économie était élevé en 2018, l’Argentine a réintroduit d’importantes
mesures de contrôle de capitaux en septembre 2019 suite à la crise de change. Ces mesures concernent
essentiellement i) des restrictions sur les achats de devises et les transferts de fonds à l’étranger au-delà de 2 M USD
pour les entreprises, ii) des limites d’achat de devises à 200 USD par mois pour les individus résidant dans le pays, et iii)
l’obligation pour les entreprises d’échanger les fonds reçus de l’étranger en pesos dans un délai de 5 jours. A ce jour,
les entités non souveraines continuent d’avoir accès à de la devise dans le cadre du remboursement de leurs
échéances de dette en devises. Toutefois, les nombreuses mesures temporaires introduites ces derniers mois pour
contenir la chute des réserves augmentent le risque de transfert et convertibilité, déjà très élevé : taux de change
préférentiel aux exportations agricoles, mesures dissuasives d’importations et d’achat de devises notamment. La
dévaluation d’août devrait permettre une convergence des taux de changes officiel et parallèle. Mais c’est surtout
l’augmentation des réserves de change, combinée à une dépréciation contrôlée du taux de change officiel (parité
glissante) qui sera nécessaire avant d’envisager un relâchement progressif des mesures de contrôle des capitaux.
CLIMAT
Climat : Classée 85ème sur 191 pays par l'indicateur de résilience ND-Gain, l’Argentine est considérée comme fortement
exposée au risque climatique. Par rapport à d'autres pays, ses vulnérabilités actuelles sont gérables : l’Argentine est le
75ème pays le moins vulnérable. Mais l’amélioration de sa préparation au changement climatique demeure
essentielle pour s’adapter aux défis futurs : l'Argentine est le 84ème pays le moins préparé aux changements
climatiques. Les conséquences macroéconomiques et sociales de ces risques physiques climatiques se matérialiseront
avant tout dans le secteur agricole. Par ailleurs, le risque sociopolitique pourrait être exacerbé par l’augmentation des
dégâts humains et matériels liés aux risques d’inondations et à la littoralisation des populations urbaines. Les autorités
argentines sont néanmoins proactives et présentes sur l’agenda international climatique.
Transition bas-carbone : L’Argentine est un pays peu émissif de GES. Des émissions par habitants stables et
En 2020, ses émissions de GES étaient estimées à 176,51 mégatonnes, modérées
plaçant le pays en 153ème position (sur 184). Une transition bas
450 10
carbone aurait des implications sur plusieurs piliers de l’économie. La 9
400
part de la production nationale liée aux industries en déclin demeure 350 8
toutefois contenue, à 17,5%. Sur les équilibres externes, l’exposition à 300
7
une telle transition est relativement élevée : plus d’un quart des 250
6
5
réserves en devises sont générées par les secteurs en déclin, en raison 200
4
de l’activité pétrolière et minière. Sur les finances publiques, 150 3
l’exposition est légèrement moins élevée: environ 23% des recettes 100 2
proviennent des secteurs en déclin mais les recettes publiques 50 1
0 0
demeurent relativement diversifiées. Sur le plan socioéconomique, 2010 2012 2014 2016 2018 2020
l’impact d’une transition bas-carbone est limité, la part des emplois et Emissions de GES (MtCO2eq. Éch. G)
des salaires générés par les industries en déclin étant faible (9,1% et
Emissions de GES par habitant (tCO2eq. Éch. D)
14,3%). Compte-tenu de ces éléments, la vulnérabilité de l’Argentine
au risque de transition peut être considérée comme modérée. Source : Commission européenne
126
Fiche risque pays ISR/ECO – novembre 2023
Vincent Joguet
Bolivie (joguetv@afd.fr)
Risque pays : RP3c Risque souverain : RC5 Risque T&C : 0 cran (éq. CCC+)
Le risque souverain continue de se dégrader à un niveau désormais très élevé. La Bolivie traverse une crise de
liquidité : en période de remontée des taux de la FED, l’arrimage du boliviano au dollar a conduit la Banque centrale
(BCB) à revendre des dollars pour soutenir la monnaie ce qui a asséché les réserves de change alors même que les
entrées de devises se font rares et que le compte courant se dégrade (baisse des exportations de 25% au 1er
semestre 2023). Avec l’adoption de la loi sur l’or en mai 2023, la BCB a monétisé 17 t d’or pour renforcer les réserves
liquides réduites à 311 MUSD fin avril 2023, dernières données officielles. En août, iI ne resterait que 4 t d’or
monétisables. Les recettes fiscales ont décliné au 1er semestre 2023 tandis que la masse salariale a augmenté ce
qui pourrait pousser le pays à prendre des mesures de consolidation pour éviter de creuser le déficit public. En
conséquence, le taux d’endettement public ne devrait s’améliorer ni en 2023 ni en 2024 et les risques associés à sa
soutenabilité restent significatifs, le pays étant toujours exclus des marchés internationaux. Le besoin de financement
externe est cependant atténué par l’absence d’amortissement d’eurobond avant 2026. Le risque pays est élevé.
Avec un modèle de croissance structuré autour de son secteur extractif, la Bolivie n’a su ni diversifier son économie
pour trouver de nouveaux relais après la détérioration des termes de l’échange, ni investir pour renforcer les réserves
et la production de gaz sur le déclin. En conséquence, la croissance devrait être poussive en 2023-2024. En outre, la
situation sociopolitique se dégrade depuis la crise politique de 2019 et le niveau de vie reste l’un des plus faibles
d’Amérique du Sud. Le risque de transfert et convertibilité est très élevé. Le système de change est aux abois alors
qu’aucune solution de long terme ne se profile pour restaurer la stabilité macroéconomique et éviter une crise de
la balance des paiements. Il semble difficile pour la BCB d’éviter une dévaluation dans les prochains mois.
Evolution de la note risque pays Evolution des notes risque souverain et plafond pays
Risque pays RC1
Risque souverain Plafond pays
RP1
RC2
RP2
RC3
3c
3a 4a B+
3b B B-
RC4
CCC+
3c
RP3
4b
4c
RC5
5
RC6
RP4
mai-15 mai-16 mai-17 mai-18 mai-19 mai-20 mai-21 mai-22 mai-23 mai-15 mai-16 mai-17 mai-18 mai-19 mai-20 mai-21 mai-22 mai-23
127
ENVIRONNEMENT POLITIQUE ET SOCIOECONOMIQUE
Contexte politique et gouvernance publique : Après la crise politique Depuis 2019, le niveau de vie des Boliviens ne
de 2019 qui a conduit Evo Morales, président depuis 2006, à la converge plus vers celui de leurs voisins
démission et à l’exil, le retour au pouvoir du Mouvement vers le
socialisme (MAS) avec l’élection fin 2020 de Luis Arce, ancien ministre 9000 55
1990
1992
1994
1996
1998
2000
2002
2004
2006
2008
2010
2012
2014
2016
2018
2020
2022
dépit d’une interrogation sur son éligibilité) ; iv) contestation de
PIB par habitant (PPA, USD)
l’hégémonie du MAS dans les zones urbaines, notamment à Santa PIB par hab. Bolivie/ALC (%, éch.d)
Cruz, capitale économique. Le pays est classé 126 sur 180 en termes
e PIB par hab. Bolivie/Monde (%, éch.d)
Taux de pauvreté (<3,65 USD/j, éch. d)
de perception de la corruption par Transparency International (seuls Sources : BM (WDI), calculs ECO
le Venezuela et le Paraguay sont moins bien classés en Amérique du
Sud). Freedom House estime que le régime politique est « partiellement libre » à l’instar des voisins paraguayens et
péruviens, du fait d’un faible Etat de droit, d’une justice dépendante du pouvoir et d’harcèlement des médias. Les
indicateurs de gouvernance de la Banque mondiale pointent également le faible niveau d’Etat de droit et de la
qualité de la régulation.
Indicateurs socioéconomiques : Conséquence de la crise économique qu’a connue le pays dans les années 1980 et
d’un modèle de croissance non-inclusif, le niveau de richesse par habitant a stagné entre 1980 et 2003. À la faveur
d’un rythme de croissance du PIB soutenu et d’une politique sociale redistributive, le PIB/habitant a été multiplié par
1,4 entre 2004 et 2016 en termes réels, élevant la Bolivie au rang de pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure
(PRITI) sans toutefois rejoindre ses pairs sud-américains. Le taux de pauvreté au seuil de 3,65 USD par jour en PPA a
significativement diminué depuis le pic de 35,4% atteint en 2000 pour s’établir à 5,4% de la population vingt ans plus
tard, tout comme les inégalités de revenu (Gini de 41 en 2021 contre 62 en 2000). L’impact social de la crise sanitaire
est sévère : chute de 10% du PIB/hab. entre 2019 et 2020 à son niveau de 2014, rebond de la pauvreté et des inégalités.
stratégie du gouvernement est l’industrialisation par substitution aux Sources : FMI (WEO), calculs ECO
importations en augmentant les volumes de production, en
remontant les filières et en les diversifiant, avec un focus sur les La consommation privée, principal moteur de
hydrocarbures, les mines et l’énergie. Or les investissements requis la croissance (contributions au PIB)
10%
dépassent de beaucoup la capacité de financement du pays.
Régime de croissance : En 2019, la crise politique a accentué le 5%
128
FINANCES PUBLIQUES
Comptes publics : Conséquences de la dépendance des recettes La succession de déficits publics élevés gonfle
publiques au secteur extractif (35%) et de la politique publique l’endettement public
interventionniste, les déficits budgétaires n’ont jamais été inférieurs à
10% 50%
7% du PIB depuis le retournement des termes de l’échange en 2015.
En 2020, la crise sanitaire a creusé d’avantage le déficit à 12,7% du 5%
45%
PIB. Il s’est maintenu à un niveau élevé en 2021 (9,3% du PIB) avant de 40%
baisser à 7,1% du PIB en 2022, l’ambitieux programme d’investissement 0%
35%
public (5 Mds USD soit 11,5% du PIB) n’ayant été exécuté qu’à moitié
-5%
et les recettes gazières étant soutenues par la hausse des cours. 30%
L’ampleur du subventionnement du pétrole (1,7 Md USD, environ 4% -10%
25%
de PIB) et des produits alimentaires pèse lourdement sur les dépenses.
Les données publiées par la Banque centrale (BCB) pour le 1er -15% 20%
bailleurs multi (69% du total) et bilatéraux (15%), à moyen et long Sources : FMI (WEO), calculs ECO
terme et à coût limité (même si la dette concessionnelle ne représente
plus que 12% de l’encours en 2022). La dernière AVD du FMI (août 2022) souligne les risques élevés associés à la
soutenabilité de la dette publique avec 10 indicateurs (niveau de dette et BFP) en risques élevés. Le ratio dette
publique sur PIB approcherait 90% en 2027 dans le scénario central et plus de 100% dans l’hypothèse d’un choc négatif
sur l’activité économique en 2023, ce que renforce la situation de crise larvée de la balance des paiements.
en octobre 2023 malgré des pressions sur les prix des produits 6%
alimentaires (5,5% en moyenne depuis un an mais en forte baisse en 5%
octobre). La BCB mène une politique expansionniste, imposant depuis 4%
2013 au système financier des quotas de crédits à taux bas à octroyer 3%
aux secteurs non-traditionnels (hors hydrocarbures). Cette mesure a 2%
soutenu une croissance du crédit au secteur privé dynamique (+15% 1%
par an en moyenne en valeur entre 2014 et 2019 pour atteindre 71% 0%
du PIB). Pour faire face à la pandémie, cette politique a été
-1%
renforcée : mesures de soutien à la liquidité, octroi de crédits à taux
juil.-21
juil.-22
juil.-23
nov.-21
nov.-22
mars-21
mars-22
mars-23
mai-21
mai-22
mai-23
janv.-21
janv.-22
janv.-23
sept.-21
sept.-22
sept.-23
129
COMPTES EXTERNES
Balance des paiements : La base exportatrice de la Bolivie, peu Les réserves en devises au plus bas
diversifiée aussi bien en termes de produits (80% d’hydrocarbures et 16 14
mai-12
mai-14
mai-16
mai-18
mai-20
mai-22
janv.-11
janv.-13
janv.-15
janv.-17
janv.-19
janv.-21
janv.-23
sept.-11
sept.-13
sept.-15
sept.-17
sept.-19
sept.-21
enregistré en 2021 un excédent du compte courant (2,1% du PIB). En
2022, la hausse des importations, stimulées par la surévaluation du Réserves en de vises (Mds UDS), éch. d.
boliviano, a limité l’amélioration du solde commercial et le compte Réserves en mois d'import., é ch. g.
courant a été légèrement déficitaire (-0,4% du PIB). Au cours du 1er Sources : FMI (IFS), calculs ECO
semestre 2023, toutes les catégories d’exportations sont en retrait
(-25% en g.a.) tandis que les importations ont augmenté de 2,3% tirés par les produits de consommation et les biens
d’équipements. Le déficit du compte courant atteindrait 2,7% en 2023 selon le FMI (le double selon EIU).
Soutenabilité et liquidité externes : Fortement sollicitées depuis le retournement des termes de l’échange en 2014, les
réserves internationales hors or et DTS sont passées de 13,6 Mds USD fin 2014 à 276 MUSD en mars 2023 couvrant
seulement 10 à 20 jours d’importations. La BCB a ensuite cessé de communiquer jusqu’en juillet déclenchant une crise
de confiance et une ruée vers le dollar. Les dernières données publiées indiquent qu’en avril 2023 les réserves
atteignaient 311 MUSD et les DTS étaient quasiment tous consommés. Cette situation de crise sur la liquidité externe a
été sanctionnée par les agences de notation (B à B- pour Fitch et S&P, B2 à Caa1 pour Moody’s). Elle est la résultante
du régime non soutenable de change fixe, de la hausse des importations encouragées par la surévaluation du
boliviano, de l’assèchement des IDE lié au climat des affaires (désinvestissements dans le secteur des hydrocarbures)
et du financement monétaire du déficit. Le pays étant exclu des marchés internationaux (spreads souverains à 1700
pb en oct. 2023), la seule solution de couverture du besoin de financement externe (BFE) trouvée par le pays, qui
refuse idéologiquement d’appeler le FMI à la rescousse, a été de promulguer en mai une loi permettant à la BCB de
monétiser ses réserves d’or et d’en acheter sur le marché domestique. En septembre 2023, la BCB a annoncé avoir
vendu 17 t pour une valeur d’1,1 Md USD dont une partie a été utilisée pour payer le dernier amortissement d’un
eurobond (189 MUSD). Il ne resterait que 4 t d’or à monétiser et les achats sont limités (205 kilos en deux mois). A fin
août 2023, les réserves nettes seraient de 2,15 Mds USD dont 438 MUSD de devises. Le BFE reste cependant contenu à
7% du PIB en moyenne sur 2023-24 en l’absence de nouvelles échéances d’eurobond avant 2026, mais
l’amortissement de dette externe représente tout de même 900 MUSD par an soit 200 à 300% des réserves en devises.
Transfert et convertibilité : Le régime de change bolivien – un ancrage au dollar mis en place en 2009 dont le taux est
resté inchangé depuis la fin de l’année 2011 – est non soutenable compte tenu des déséquilibres externes. Le maintien
de ce régime précipite le pays vers une crise de la balance des paiements. Du fait de cette situation, un regain de
tensions sur la liquidité externe pourrait contraindre le pays à imposer des contrôles de capitaux. En outre, une
dévaluation soudaine voire incontrôlable du boliviano n’est pas à exclure.
CLIMAT
Climat : Les principaux risques auxquels le pays est exposé sont les Les émissions totales de GES stagnent et
inondations, les glissements de terrain, le stress hydrique, les chaleurs décroissent par habitant depuis 2016
extrêmes et les feux de forêts. Les différentes régions sont inégalement 5,5
Millions de tCO2eq/an
soumises à ces risques. Les centres urbains sur les plateaux andins sont
50
exposés à la réduction de la disponibilité de l'eau dans les bassins 5,0
alimentés par les glaciers. La plupart des secteurs de l’économie 40
montrent des signes de vulnérabilité, notamment l’agriculture (une
30 4,5
baisse de rendement des céréales dans un contexte de technicité
agricole limitée). La Bolivie est classée 135e pays le plus vulnérable sur 20
4,0
182 par l’indicateur ND gain. La 2e CDN (2022) propose des actions 10
d’atténuation et d’adaptation dans 4 secteurs : eau, énergie, forêt et
agriculture. Néanmoins elle n’inclut pas d’objectif national de 0 3,5
2000 2002 2004 2006 2008 2010 2012 2014 2016 2018 2020 2022
réduction d’émissions. Déchets Transport
Electricité Industrie
Transition bas-carbone : En dépit d’une contribution modérée des Exploitation produits fossiles Construction
Agriculture Total tCO2eq/hab. (éch. D)
industries en déclin dans le PIB (environ 7% aujourd’hui), l’exposition du
Source : Commission européenne (EDGAR)
pays est élevée : première source de devises, contribution essentielle
aux recettes publiques et à la mise en œuvre de la politique sociale du pays. Une politique expansionniste fondée sur
l'investissement public vise à prendre le relais des exportations gazières mais elle reste à financer et à concrétiser. Alors
que la situation des finances publiques et des comptes externes est dégradée, la vulnérabilité de la Bolivie est élevée.
Le pays n’a pas intégré le risque de transition bas carbone dans ses politiques publiques, ce qui n’est pas de nature à
atténuer ces risques. Les émissions de GES atteignent 4,9 tCO2eq/habitant en 2022 (hors utilisation des terres,
changement d'affectation des terres et foresterie), en deçà de la moyenne mondiale de 6,8 tCO2eq/habitant.
130
Fiche risque pays ISR/ECO – novembre 2023
Maxime Terrieux
Brésil (terrieuxm@afd.fr)
Risque pays : RP2c Risque souverain : RC3c Risque T&C : 2 crans (éq. BB+)
Le risque pays reste modéré, mais a diminué ces derniers mois. Pour la deuxième année consécutive, la croissance
en 2023 devrait être de l’ordre de 3%, bien au-delà des prévisions initiales (0,9% au WEO d’avril), notamment grâce
au secteur agricole. La nouvelle règle budgétaire proposée en avril 2023 a été définitivement adoptée en août. Elle
devrait continuer d’assurer la crédibilité budgétaire des autorités, et sera accompagnée d’une réforme fiscale
qu’aucun gouvernement n’avait osé initier depuis trente ans. Les attaques de début d’année de Lula contre
l’indépendance de la Banque centrale ont cessé, et dans un contexte désinflationniste, elle a entamé un cycle de
baisse des taux directeurs (-150 pbs depuis août). La position externe reste solide, avec un déficit courant qui devrait
diminuer (projection à -1,9% du PIB en 2023) et reste amplement couvert par des IDE dynamiques. Des réserves en
devises toujours élevées (11 mois d’importations) et un régime de change flottant justifient un risque de T&C modéré.
La solidité du secteur financier, encore mise à l’épreuve lors de la crise de Covid-19, demeure un autre atout de
l’économie brésilienne. Ce tableau positif, et le pragmatisme et l’élan réformateur de la nouvelle administration
Lula, ont été salués par les agences de notations (notamment avec l’amélioration de Fitch à BB). Si les inquiétudes
sur la crédibilité budgétaire se sont dissipées, le risque souverain reste toutefois assez élevé, notamment en raison
d’un taux d’endettement public qui devrait rester très élevé à moyen terme (95% du PIB). Le FMI continue de juger
le risque de surendettement public modéré, mais des intérêts élevés et la discipline budgétaire sont à surveiller en
2023 et 2024. Enfin, pour sortir le Brésil du piège des pays à revenu intermédiaire, et relever les nombreux défis
auxquels le pays fait face (pauvreté encore élevée, inégalités, risques climatiques), Lula devra composer avec un
Congrès dont l’extrême fragmentation continuera d’alimenter les risques d’immobilisme.
Evolution de la note risque pays Evolution des notes risque souverain et plafond pays
Risque pays RC1
Risque souverain Plafond pays
RP1
RC2
2b BB+
2c 2b
RP2
RC3
3a
3b
3c
RC4
RP3
RC5
RP4
RC6
mai-15 mai-16 mai-17 mai-18 mai-19 mai-20 mai-21 mai-22 mai-23 mai-15 mai-16 mai-17 mai-18 mai-19 mai-20 mai-21 mai-22 mai-23
131
ENVIRONNEMENT POLITIQUE ET SOCIOECONOMIQUE
Contexte politique et gouvernance publique : Jeune démocratie
« imparfaite » depuis la chute des militaires en 1985, le Brésil Une convergence du PIB/hab au ralenti
connaît, depuis une décennie, une vie politique mouvementée et 240 20 000
une polarisation de plus en plus forte : manifestations de 2013, 200 16 000
destitution de Dilma Rousseff en 2016 pour manipulation des 160
comptes publics, scandale Lava Jato (corruption à grande 12 000
120
échelle), arrivée au pouvoir fin 2018 de Jair Bolsonaro, président 8 000
d’extrême droite aussi populiste qu’imprévisible. Les élections 80
4 000
générales d’octobre 2022 ont confirmé cette polarisation, centrée 40
sur des questions avant tout politico-sociétales (élites vs anti- 0 0
establishment). L’ancien Président Lula l’a en effet emporté par la 1990 1995 2000 2005 2010 2015 2020
132
FINANCES PUBLIQUES
Comptes publics : Les inquiétudes sur le maintien de la crédibilité Le creusement du déficit public en 2023
budgétaire suite aux dépenses électorales engagées par Bolsonaro devrait être temporaire
en fin de mandat, puis à l’arrivée de Lula, ont été dissipées : une 2011 2013 2015 2017 2019 2021 2023
nouvelle règle budgétaire, en remplacement du plafonnement des 4 55
2
dépenses en vigueur depuis 2017, a été entérinée en août 2023. Si elle 50
0
permet une hausse des dépenses et est critiquée pour sa complexité, 45
-2
elle vise surtout un équilibre primaire (nouveau point d’ancrage) dès -4 40
2024, qui devrait éviter les dérapages et maintenir la crédibilité -6 35
chèrement restaurée depuis cinq ans. Elle est accompagnée d’une -8
30
ambitieuse réforme fiscale qui visera (i) une simplification tant -10
25
attendue du système fiscal, notamment par l’introduction d’une TVA -12
duale (contre cinq taxes indirectes actuelles) et (ii) une hausse -14 20
Solde primaire (% PIB) - éch. G
structurelle des recettes, par l’introduction d’un impôt direct sur les Solde budgétaire total (% PIB) - éch. G
dividendes et d’une plus grande progressivité de l’impôt sur le revenu. Recettes publiques (% PIB) - éch. Dte
En attendant, pour financer la hausse des programmes sociaux en Dépenses publiques (% PIB) - éch. Dte
2023, plusieurs mesures ont été introduites (fin d’exemptions fiscales Sources : FMI (WEO)
liées à la pandémie, double taxation de biens et services), devant
dégager 1,6% du PIB de recettes permanentes. Le creusement du déficit en 2023 (projection à -7,1% du PIB), après les
bonnes surprises de 2021-2022 (deux excédents primaires consécutifs, solde total moyen à -2,8% du PIB), devrait être
temporaire : l’entrée en vigueur de la nouvelle règle budgétaire en 2024 devrait lui faire gagner une trajectoire plus
soutenable (solde primaire à l’équilibre, déficit total réduit à -6% du PIB).
Endettement public : Sur une trajectoire haussière depuis 2015, la dette L’endettement public est élevé mais le risque
publique a culminé à 96% du PIB en 2020 (effet crise de Covid-19), de surendettement reste modéré
avant de retomber à 85% fin 2022 grâce à une consolidation et à un 120
différentiel taux d’intérêt-croissance favorable. Malgré la nouvelle 100
règle budgétaire, le FMI prévoit une stabilisation à un niveau élevé,
80
autour de 95% du PIB à horizon 2026, en raison de taux réels nettement
positifs. Les parts très élevées détenues par les résidents (~90%) et 60
sur les neuf premiers mois de 2023) grâce à cette politique restrictive
mais aussi au renversement des cours et à l’allègement des contraintes Inflation (g.a. %, éch. G)
d’offre. Ce contexte a permis d’entamer un cycle baissier (-150 pbs sur Taux directeur (%) (éch. G)
Taux de change nominal (BRL/USD, éch. Dte)
le taux directeur depuis août, à 12,25% en octobre). Les taux réels
restent encore largement positifs, mais la fin des attaques frontales de Sources : BCB, calculs ECO
Lula contre l’indépendance de la BCB, et le vote de la nouvelle règle
budgétaire ont fait refluer les craintes de désancrage des anticipations d’inflation.
Secteur financier : Le système financier, profond (200% du PIB), a bien résisté à la crise sanitaire et reste robuste. Les
banques sont bien capitalisées (ratio de solvabilité à 17,4% en mars 2023), rentables (RoE à 12,3%) et liquides (LCR bien
au-dessus de 100%). Les PNP restent modérés (2,9% de l’encours) et sur-provisionnés (à 210%). Les derniers stress tests
publiés en juillet confirment la résilience des banques en cas de chocs de crédit, de marché, de liquidité et climatique.
Environ un quart de l’actif bancaire est exposé au souverain, mais le risque lié au nexus souverain-bancaire est atténué
par une gestion du risque de taux jugée adéquate par le FMI. L’endettement élevé des ménages devra toutefois être
surveillé ; un programme public d’aide à la restructuration des dettes a récemment été lancé pour y faire face.
133
COMPTES EXTERNES
Balance des paiements : Structurellement déficitaire depuis la fin des Des IDE toujours très robustes pour couvrir le
années 2000, le solde courant s’est tendanciellement amélioré depuis déficit courant
son point bas de 2014 (-4,5% du PIB). Après une nette réduction en
8
2020 (contraction des importations sous l’effet Covid-19), le déficit s’est
creusé en 2021 et 2022 (-2,8% du PIB en moyenne), mais devrait se 6
réduire en 2023 : il est projeté à -1,9% du PIB (WEO octobre 2023), grâce 4
se confirmer pour 2023 (3,2% du PIB enregistrés sur 12 mois glissants à Erreurs et omissions (% PIB) Autre dette externe nette (% PIB)
août 2023). Le Brésil reste en effet un marché très attractif en raison de Flux de portefeuilles nets (% PIB) IDE nets (% PIB)
sa taille (plus de de 200 millions d’habitants), et attire notamment des Solde courant (% PIB)
IDE dans les énergies renouvelables et dans le secteur des engrais. Sources : FMI (IFS), calculs ECO
CLIMAT
Climat : Classée 86e sur 181 pays par l'indicateur ND-Gain, le Brésil est principalement vulnérable à deux aléas
climatiques : inondations et sécheresses. Ces événements toucheraient de plus en plus de Brésiliens (7% de la
population en 2013, 18% en 2022) et ont des répercussions économiques d’ampleur, comme l’a rappelé la grave crise
hydrique de 2021 (inflation, baisse des exportations agricoles et perte de PIB) : les catastrophes naturelles couteraient
au pays en moyenne plus de 2 Mds USD par an, soit 0,15 point de PIB. Ces deux phénomènes climatiques extrêmes
sont directement liés à la déforestation de l’Amazonie, lieu de capture naturelle de carbone. L’atténuation des risques
climatiques comme de la transition bas carbone impliquerait avant tout un changement des pratiques agricoles
(élevage du bétail), une réduction de l’exploitation des mines, et donc un arrêt de la déforestation. A ce titre, la
nouvelle CDN soumise en 2022 vise un arrêt de la déforestation illégale d’ici 2030.
Transition bas-carbone : Malgré sa diversification, 31% de la Des émissions de GES liées avant tout à la
production nationale serait liée aux industries en déclin, dont déforestation et l’agriculture
l’extraction minière et l’industrie pétrolière. Les équilibres externes
4 000
seraient particulièrement exposés à une transition bas-carbone, les
secteurs en déclin générant un tiers des réserves en devises. La
3 000
transition serait moins problématique pour les finances publiques
MtCO2eq.
134
Fiche risque pays ISR/ECO – novembre 2023
Gaëlle Balineau
Colombie (balineaug@afd.fr)
Risque pays : RP2b Risque souverain : RC2c Risque T&C : +2 crans (éq. BBB+)
Le risque pays s’est légèrement dégradé ces deux dernières années, mais reste modéré. L’année 2021 a été
marquée par la perte du statut d’Investment Grade. L’élection présidentielle de mai 2022 a été remportée par
Gustavo Petro, marquant un tournant historique vers la gauche radicale. Ses annonces (arrêt progressif de
l’exploitation du pétrole, taxation plus forte, critique de la hausse des taux par la Banque centrale) ont émoussé la
confiance des marchés en 2022. À la forte reprise post-Covid de 2021-22 (11% et 7,5% de croissance) succèdent
des prévisions à 1,4% en 2023, du fait de la baisse de la consommation (fin des stimulus post-Covid et politique
monétaire restrictive) et des exportations qui ne croissent que moitié moins que les importations (normalisation du
prix du baril, tourisme encore affecté). La position est devenue difficile pour Petro qui a perdu ses alliances au
Congrès, pris dans des scandales concernant son financement de campagne par ailleurs. L’évolution du déficit
public (projeté à 3,8% du PIB en 2023) dans un contexte de budget record pour 2023 dépendra de l’efficacité de
la réforme fiscale. Les réactions internes (population en attente) et externes (marchés très attentifs) aux réformes en
cours sont clés pour la stabilité socio-politique et l’accès continu de la Colombie aux financements externes. Fin
2023, l’équilibre semble tenir. Les vulnérabilités externes restent contenues, grâce notamment à des réserves de
change à près de 8 mois d’importations, et un régime de change flottant qui contribuent à un risque de T&C
modéré. Le peso a par ailleurs stoppé sa dépréciation. Le renouvellement, en avril 2022, de la ligne de crédit
modulable du FMI, constitue un élément de confort. Malgré la hausse du coût de l’endettement qui a découlé de
la perte du statut d’Investment grade, le risque de détresse de dette est modéré selon le FMI en 2023, et la dette
publique est repassée sous la barre des 55% du PIB en 2023. Le risque souverain reste donc modéré.
Evolution de la note risque pays Evolution des notes risque souverain et plafond pays
Risque pays Risque souverain Plafond pays
RC1
A-
RP1
BBB+
RC2
2a
2a 2b
2c
RP2
RC3
2b
RC4
RP3
RC5
RP4
RC6
mai-15 mai-16 mai-17 mai-18 mai-19 mai-20 mai-21 mai-22 mai-23 mai-15 mai-16 mai-17 mai-18 mai-19 mai-20 mai-21 mai-22 mai-23
135
ENVIRONNEMENT POLITIQUE ET SOCIOECONOMIQUE
Contexte politique et gouvernance publique : La Colombie est
Une stagnation relative du PIB/tête qui a mené
marquée par un historique de fortes violences multiformes et
la gauche radicale au pouvoir
complexes associées aux cartels de la drogue, aux mouvements 180 18
de guérillas (notamment les FARC, Forces Armées Révolutionnaires 160 16
14
de Colombie, et l’ELN, Armée de Libération Nationale), et aux 140
120 12
groupes paramilitaires contre-insurrectionnels. 5 millions de 10
100
déplacés internes et un rythme de 12 000 à 30 000 homicides par 80
8
6
an caractérisent la Colombie depuis 60 ans. Le pays est ainsi classé 60 4
140ème pays le moins sûr (sur 163) en 2023, et les coûts directs et 40 2
20 0
indirects de la violence représenteraient 23% du PIB (Institute for 1990 1995 2000 2005 2010 2015 2020
Economics and Peace). Paradoxalement, le pays bénéficie d’une Colombie/PRITS
démocratie stable aux institutions fortes depuis 1957. Cela dit, la Colombie/moyenne monde
Colombie/moyenne Am. Lat
corruption reste endémique et les inégalités très fortes. Cela a Colombie, PIB/tête PPP constant, milliers d'USD (éch. D.)
contribué à mener un gouvernement de gauche radicale
Sources : BM (WDI), calculs ECO
emmenée par le président Gustavo Petro (ex-guérillero) au pouvoir
en août 2022, tournant majeur dans l’histoire du pays. Ses réformes ambitieuses concernant la transition bas carbone
(arrêt des explorations pétrolières), la justice sociale (réformes de la santé, des retraites, du travail), et la « Paix Totale »
sont scrutées à la fois par les marchés (la dépréciation du peso de 16% en 2022 est attribuée en partie à l’arrivée de
la gauche au pouvoir) et par la population qui a de fortes attentes. Il avait réussi à s’assurer une coalition de soutien
au Congrès jusqu’au printemps 2023. Mais après un an au pouvoir, confronté aux résistances des élites économiques
(la réforme des retraites entraînerait une migration de milliards de dollars de fonds privés vers le fonds de pension
détenu par l’Etat) et pris dans un scandale impliquant son fils sur son financement de campagne, Petro s’est éloigné
du discours de consensus vers davantage de polarisation. Il a parlé de « soft coup », contre son gouvernement (les
militaires à la retraite l’ont, quant à eux, menacé du même sort que celui réservé à Castillo, Président destitué du
Pérou). Son parti a obtenu un score médiocre aux élections régionales du 29 octobre 2023 remettant en cause l’assise
politique nécessaire pour mener ses réformes à bien, mais rassurant a contrario les marchés.
Indicateurs socioéconomiques : Le climat social est tendu, du fait des niveaux persistants de pauvreté et d’inégalités,
d’emplois informels, de violation des droits fonciers et de différence d’accès aux services de base. Le taux de pauvreté
à 39,3% en 2021 a cru de 4 points depuis la pandémie de Covid-19 (seuil national), dans un contexte général de
stagnation des conditions de vie. 10% de la population détient 42,8% de la richesse nationale. Sept millions de
personnes ont demandé réparation à l’Etat dans le cadre des restitutions des terres. Les violentes manifestations en
mai-juin 2021 ont traduit un besoin d’amélioration de ces conditions, mais aussi des revendications contre les violences
policières, la corruption, ou la déconnexion des élites. Combinées à la hausse de l’inflation depuis fin 2021, ces
préoccupations sociales furent au centre de la campagne pour l’élection présidentielle de mai 2022 qui a mené la
coalition de Petro au pouvoir. La frustration des électeurs en attente de réformes pourrait peser sur le climat social.
programme d’infrastructures routières en cours depuis 2014 répond Taux de croissance annuel moyen (%)
partiellement aux défis du modèle colombien. Malgré un cadre
Sources : FMI (WEO), calculs ECO
macroéconomique favorable et du fait de ces faiblesses, la
croissance potentielle est plafonnée à 3,5%.
Régime de croissance : La reprise initiée en 2018-19 a été entravée par la crise de Covid-19, l’économie enregistrant
en 2020 la plus forte récession de son histoire (-7%). En 2021, le stimulus budgétaire et monétaire et la fin des restrictions
sanitaires ont permis de soutenir la consommation privée. En dépit des émeutes, la croissance a ainsi rebondi à 11%
(niveau équivalent au Pérou et Chili) et est estimée à 7,3% en 2022 (grâce également à des termes de l’échange
favorables). À cette « surchauffe » tirée par la demande, devrait succéder une croissance fortement ralentie, à 1,4%
en 2023, la dépréciation du peso et l’inflation pesant sur la demande interne et les exportations nettes. Le FMI prévoit
2% pour 2024, mais du fait de l’essoufflement de la demande (effet retour à la moyenne, resserrement monétaire) et
des récoltes agricoles qui devraient être moins bonnes, la croissance pourrait être plus faible.
136
FINANCES PUBLIQUES
Comptes publics : Le déficit budgétaire est passé de 1,1% du PIB
en moyenne sur 2011-14 à 3,3% sur 2015-19, et 6,9% sur 2020-21 Les déficits publics élevés de 2020-2021
devraient se réduire, mais moins rapidement
avec la pandémie de Covid-19. Le gouvernement prévoyait une
que prévu
trajectoire de consolidation après la crise sanitaire au moyen
notamment de l’élargissement de l’assiette de la TVA (régressive), 35 4
2
ce qui a déclenché une vive contestation sociale en mai 2021.
30 0
L’actuelle réforme, basée sur une hausse de l’imposition des
-2
sociétés, table sur une hausse des recettes de +3,8pp pour
25 -4
atteindre 31,4% du PIB dès 2023 (actuellement estimées à 31,1%)
-6
dont 3,6pp liés aux impôts sur les sociétés, notamment pétrolières, 20 -8
dans un contexte de hausse du prix du baril en 2022. Le déficit
2010
2011
2012
2013
2014
2015
2016
2017
2018
2019
2020
2021
2022
2023
2024
public, estimé à 6,2% du PIB en 2022, se réduirait à 3,4% en 2023, et
Solde primaire (% du PIB), éch. g.
à environ 2% à moyen terme, en dessous du plafond à 3% fixé par Solde budgétaire (% du PIB)
la règle budgétaire. Le BFP estimé à 9,6% du PIB en 2022 se réduirait Dépenses primaires (% du PIB)
ainsi à 5,8% sur 2023-25 grâce à la réforme fiscale, et les Recettes (% du PIB)
performances économiques, et sera financé avec l’aide des Sources : FMI (WEO), calculs ECO
multilatéraux si besoin. La volonté d’accroître la couverture et le
montant des retraites et d’engager la transition bas carbone font peser un risque sur la crédibilité du gouvernement à
maintenir une gestion prudente des finances publiques. Malgré son impopularité, la suppression progressive des
subventions à l’essence devrait toutefois reprendre, après une pause électorale.
Endettement public : Stabilisée autour de 50% du PIB depuis le
choc de 2014 sur les cours des matières premières, la dette La dette publique est soutenable mais le pays a
publique a atteint 66% du PIB en 2020 avec la crise sanitaire. La perdu son statut d’Investment Grade en 2021
trajectoire haussière de l’endettement public, l’érosion de la 70
crédibilité des autorités, et le profil risqué de la dette (sujette au 60
risque de change et au retrait des non-résidents qui en
50
détiennent 60%), ont conduit à la perte du statut Investment
40
Grade mi-2021. La Colombie est depuis notée BB+ par Fitch et
30
S&P (outlook stable, Moody’s est resté à Baa2 depuis 2014).
Cependant, à 60% du PIB en 2022, elle passe sous la barre des 20
devises devrait notamment retrouver son niveau historique Dette en monnaie locale (% PIB) Dette en devises (% PIB)
(autour de 20% du PIB) à long terme. Les spreads sont revenus au
niveau pré-2022 (303 pb début novembre), et la Colombie Sources : BM (WDI) & IMF (WEO), calculs ECO
continue à émettre sur les marchés en 2023.
137
COMPTES EXTERNES
Balance des paiements : Structurellement négatif, le solde courant
s’était amélioré en 2020 (-3,4% du PIB contre -4,4% en moyenne sur La reprise de 2021-22 a creusé le déficit
2018-2019) avec la compression des importations. Il s’est détérioré courant, financé par un niveau élevé d’IDE
10,0
en 2021, à -5,6% du PIB, et est estimé à -6,3% du PIB en 2022. Le fort
rebond de la demande interne a nettement compensé 5,0
l’amélioration des termes de l’échange de la Colombie. La
0,0
couverture du déficit reste notamment assurée par les IDE (qui ont
doublé entre 2021 et 2022), les flux de portefeuille (plus sensibles à -5,0
l’instabilité et la hausse des spreads) ayant reflué. Le FMI prévoit un
déficit à 4,9% du PIB en 2023, en lien avec la rigueur monétaire et -10,0
2010 2012 2014 2016 2018 2020 2022
fiscale, financé par des IDE et des investissements de portefeuille.
Réserves et éléments associés
Le BFE estimé à 17,6% du PIB en 2022 (18,3% en 2023) sera en partie Erreurs & omissions
couvert par 2 émissions de bons obligataires pour 3,8 Mds de USD Autres Investissements
Investissements de portefeuille
en novembre 2022 et janvier 2023, dont le coût s’est néanmoins IDE Nets
Solde courant
avéré élevé (resp. 8,125% et 7,5% à 10 ans).
Sources : IMF, calculs ECO
Soutenabilité et liquidité externes : La hausse de l’endettement
externe en 2020, à un pic à 66,6% du PIB, était largement Le peso revient à des niveaux pré-guerre en
imputable à la contraction du PIB et la dépréciation du peso. Ukraine
Avec l’accumulation des déficits courants et des IDE insuffisants, 5000
la dette externe ré-atteindrait plus de 68% sur 2023-25. Les 4500
maturités longues, et l’accès à la ligne de crédit modulable (FCL) 4000
du FMI renouvelé en avril 2022 (9,8 Mds USD) apportent des 3500
éléments de confort. Les réserves de change sont à un niveau 3000
adéquat (135% de la métrique ARA), et retrouvent leur moyenne 2500
historique à ~8 mois d’importations après les pics à 10-13 mois 2000
durant la pandémie.
Transfert et convertibilité : L’économie présente plusieurs
Taux de change, COP/USD
vulnérabilités externes liées à sa dépendance aux hydrocarbures
et au compte courant structurellement négatif. Il n’existe pas de
Sources : IMF, calculs ECO
mesures de restrictions au transfert et à la convertibilité des
capitaux en Colombie. La gouvernance est stable et la Banque
centrale indépendante. Le régime de change est flottant (même si la Banque centrale intervient). Le niveau assez
élevé des réserves, ainsi que la ligne de crédit modulable du FMI apportent des éléments de confort. Le risque de
transfert et de convertibilité est donc modéré.
CLIMAT
Climat : La Colombie est le 98ème pays le plus vulnérable et le 111ème le plus près à y faire face, soit des scores le
positionnant en milieu de tableau sur les deux dimensions. Elle est particulièrement exposée à des baisses de
rendements céréaliers, une perte de biodiversité marine, et un endommagement des infrastructures (route de
campagne et de montages par exemple). Les pertes potentielles de PIB sont estimées à 0,7 points de PIB par an
jusqu’en 2100. Pour l’atténuation seulement (-20% d’émissions de GES d’ici 2030), les ressources nécessaires sont
estimées à 1 Mds USD par an soit 0,3% du PIB par an.
par ailleurs 22% des recettes fiscales et 14% des salaires. La 10%
Déchets
Electricité et chauffage
Manufacture et construction
pourrait fragiliser les plus importantes mesures, comme Emissions fugitives Industrie
poursuite de l’arrêt des subventions au carburants malgré leur Sources : Climate Watch, calculs ECO
caractère impopulaire donne des éléments de confort quant à la
volonté de poursuivre le programme (qui pourrait toutefois être
remis en cause en 2026).
138
Fiche risque pays ISR/ECO – novembre 2023
Morgane Salomé
Costa Rica (salomem@afd.fr)
Risque pays : RP3a Risque souverain : RC4a Risque T&C : 2 crans (éq. BB)
Le risque pays du Costa Rica est élevé. Le président R. Chaves, élu en avril 2022, a démontré sa volonté de
poursuivre, voire intensifier, les réformes engagées par le précédent gouvernement. Après avoir connu un fort
rebond en 2021 (+7,8 %), soutenue par la reprise des exportations et de la demande domestique, l’économie a à
nouveau crû en 2022 (+4,3 %), et se stabiliserait en 2023. Alors qu’il se détériorait tendanciellement depuis 2008 et
avait atteint 8,4 % du PIB en 2020 sous l’effet des mesures prises face à la crise sanitaire, le déficit budgétaire s’est
réduit en 2021 comme en 2022, mais augmenterait légèrement en 2023 en raison d’une hausse des intérêts sur la
dette publique. Le besoin de financement public (11,4 % du PIB en 2023) reste élevé en raison de l’ampleur du
service de la dette, bien qu’en baisse par rapport au pic de 2020, ce qui contribue à un risque souverain élevé. Il
sera financé en partie sous forme d’émissions d’eurobonds, le gouvernement ayant obtenu l’approbation de
l’Assemblée pour de nouvelles émissions sur 2023-2025 (à hauteur de 5 Mds USD au total, 1,5 Md USD ayant déjà été
émis en mars). Le programme FMI (EFF d’1,8 Md USD sur trois ans, approuvé en mars 2021 et complété en novembre
2022 par une RSF de 725 M USD) devrait, par ailleurs, permettre de catalyser les financements des bailleurs
internationaux. Dans ce contexte, les principales agences de notation ont relevé depuis fin 2022 la note souveraine
du pays (+2 crans selon Fich et S&P et +1 cran selon Moody’s depuis fin 2022). Le système bancaire semble avoir
résisté à la crise, mais sa dollarisation demeure un point d'attention. Après s’être creusé à 3,7 % du PIB en 2022 en
lien avec la hausse des prix alimentaires et de l’énergie, le déficit courant se résorberait progressivement à moyen
terme. Les réserves de change s’affichent en hausse depuis début 2023 et atteindraient 4 mois d’importations, un
niveau jugé adéquat par le FMI, de telle sorte que le risque de transfert et convertibilité reste modéré.
Evolution de la note risque pays Evolution des notes risque souverain et plafond pays
Risque pays Risque souverain Plafond pays
RC1
RP1
1
RC2
RP2
BB BB
2b BB-
RC3
2c 3a 3b
3c
RC4
3a
RP3
4a 4b 4a
RC5
RP4
RC6
mai-15 mai-16 mai-17 mai-18 mai-19 mai-20 mai-21 mai-22 mai-23 mai-15 mai-16 mai-17 mai-18 mai-19 mai-20 mai-21 mai-22 mai-23
139
ENVIRONNEMENT POLITIQUE ET SOCIOECONOMIQUE
Contexte politique et gouvernance publique : Le Costa Rica se Le PIB par habitant costaricien est supérieur
distingue par sa stabilité politique au sein de la région. Depuis 1949 depuis 2000 à la moyenne d’Amérique latine
et l’adoption d’une constitution encore en vigueur à ce jour, les
25 000
différentes élections sont libres, transparentes et ne font pas l’objet
de contestation, tandis que le multipartisme est ancré dans la vie 20 000
politique. Le président de la République, à la fois chef de l’Etat et
USD PPA
chef du gouvernement, est élu au suffrage universel direct pour 15 000
une durée de quatre ans avec un mandat renouvelable une fois.
Le pouvoir législatif est détenu par le Parlement qui est constitué 10 000
d’une chambre unicamérale de 57 députés élus à la
proportionnelle. Si le nouveau président, Rodrigo Chaves (Progrès 5 000
total, dont 3 Mds USD ont déjà été émis en 2023), alors que les 0
2010 2012 2014 2016 2018 2020 2022 2024
spreads se situent à un niveau favorable (autour de 250 pdb fin Dette publique externe (% du PIB)
2023). Le programme FMI (EFF d’1,8 Md USD sur trois ans, conclu en Dette publique domestique (% du PIB)
mars 2021, et complété en novembre 2022 par une RSF de 725 M Sources : FMI (WEO), calculs ECO
USD) devrait, par ailleurs, permettre de continuer de catalyser les
financements des bailleurs internationaux. L’amélioration des équilibres budgétaires a conduit S&P et Fitch à relever
la note souveraine du Costa Rica de deux crans depuis fin 2022, à BB-, et Moody’s, d’un cran à B1. La dernière analyse
de viabilité de la dette du FMI (novembre 2022) note que la dette reste soutenable, pointant des risques modérés sur
la matérialisation de passifs contingents et de chocs de taux d’intérêts et de change.
141
COMPTES EXTERNES
Balance des paiements : Le compte courant est structurellement Les réserves de change de la BCCR s’affichent
déficitaire, les balances des biens, des revenus et des transferts en hausse depuis début 2023
courants affichant des déficits, qui ne sont que partiellement 10 7
compensés par l’excédent de la balance des services (recettes 9
6
touristiques). Le déficit s’est creusé à nouveau en 2021(2,5 % du PIB, 8
après 1,0 % du PIB en 2020) et en 2022, jusqu’à atteindre 3,7 % du 7 5
PIB, impacté par la lente reprise du tourisme et l’augmentation des 6
4
prix de l’énergie. Il se résorberait toutefois à 2,8 % du PIB en 2023 et 5
2,3 % en PIB en 2024. Les entrées nettes d’IDE sont restées soutenues 4
3
CLIMAT
Climat : Territoire de 51 100 km2, bordé par la mer des Caraïbes et
Le Costa Rica est déjà fortement impacté par le
l’océan pacifique, le Costa Rica est marqué par un climat changement climatique (1980-2020)
essentiellement équatorial et tropical et par une topographie
Activité 6%
variée, comprenant des plaines côtières, des montagnes, des volcanique Autres
volcans, et des forêts tropicales. Le pays présente de nombreuses
Epidémies 5%
vulnérabilités, en premier lieu desquels l’occurrence du 41%
5%
phénomène El Niño (hausse des températures, intensification des 7%
Inondations
précipitations, perturbation de l’activité halieutique), qui a affecté Sècheresses
300 000 personnes en 2022. Un autre facteur de vulnérabilité est le
risque d’élévation du niveau de la mer. Le pays compte aussi des
zones sujettes aux éruptions volcaniques et des terrains instables –
16%
dégradés par l’élevage extensif de bétail ou par des implantations
Tempêtes
mal planifiées – sujets aux glissements de terrain et aux inondations.
Transition bas-carbone : Les Costariciens ont émis 1,5 tonnes de 20%
CO2 par habitant en 2021, un niveau près de trois fois inférieur à la Tremblements
de terre
moyenne mondiale. Diversifiée et peu dépendante des énergies
fossiles, l’économie est faiblement exposée au risque de transition
Source: Banque mondiale (Climate Change Knowledge
bas-carbone, bien que certains secteurs soient concernés
Portal)
(agriculture, pêche, sylviculture). Le mix électrique repose quasi-
exclusivement sur des sources propres (hydraulique, éolien, géothermie) et, si le transport et stockage représentent
près de la moitié des émissions de GES, ces secteurs ne comptent que pour 5 % du PIB et de l’emploi. Le Costa Rica
est leader en termes de politiques environnementales et de résultats, avec la mise en œuvre de programme pionniers
tels que le PES (Paiement pour les services environnementaux). Le Contribution nationale déterminée du pays (MAJ
en 2020) est ainsi ambitieuse (ex : production électrique 100 % renouvelable en 2030, taux 0 de déforestation en 2025
et +10 % de surface forestière en 2030) et en ligne avec l’objectif de zéro émission nette 2050 du Plan de
Décarbonation National 2018-2050, qui a été publié en 2019. Enfin, le Costa Rica est le tout premier pays à avoir
bénéficié de la facilité résilience et soutenabilité (RSF de 725 M USD), lancée en 2022 par le FMI, qui devrait permettre
de catalyser des financements additionnels dans les domaines de l’adaptation et de l’atténuation.
142
Fiche risque pays ISR/ECO – novembre 2023
Laura Marie
Cuba (mariel@afd.fr)
Risque pays : RP4a Risque souverain : RC5 => RC6a1 Risque T&C : 0 cran (éq. CCC-)
Le risque pays de Cuba est très élevé. Le manque de transparence et les faiblesses de l’appareil statistiques cubains
rendent l’analyse macroéconomique parcellaire. La succession de chocs externes (crise sanitaire puis guerre en
Ukraine), couplés à un retour des sanctions américaines en 2019 sous l’administration Trump, ont fortement affaibli
l’économie cubaine, extrêmement dépendante de l’extérieur. Déjà structurellement fragile, elle fait face à une
crise inflationniste, de change et budgétaire d’ampleur. La croissance, durement affectée par la crise sanitaire (-
11,3% en 2020), atteindrait 3,8% en 2023, soutenue par la reprise très progressive du tourisme, mais Cuba n’a toujours
pas retrouvé son niveau de PIB réel d’avant-crise. Les autorités, qui avaient tenté d’unifier les deux monnaies
officielles en 2021, ont réintroduit la dualité cambiaire en août 2022, mais le taux de change sur le marché informel
retranscrit la forte dépréciation du peso cubain. Les hausses de salaires et de retraites décidées par les autorités
n’ont pas suivi la forte progression de l’inflation, contribuant à éroder le pouvoir d’achat des ménages. Le
surenchérissement du prix des importations (70% des produits de consommation courante sont importés) a creusé
davantage le déficit budgétaire, l’Etat cubain conservant une place prépondérante dans l’économie. Le
financement du compte courant demeure sous pression, alors que le pays connaît un assèchement de ses
principales entrées de devises, compliqué par le manque d’accès aux financements des bailleurs multilatéraux. Les
répercussions sont nombreuses: le pays connait une émigration massive de sa population jeune et diplômée et le
mécontentement social est grandissant. La dette publique représenterait 122% du PIB, et Cuba présente des arriérés
de paiement conséquents (envers le Club de Paris, les créanciers privés et les fournisseurs) contribuant à dégrader
le risque souverain, déjà très élevé. Pour toutes ces raisons, le risque de transfert et convertibilité est très élevé.
Evolution de la note risque pays Evolution des notes risque souverain et plafond pays
Risque pays Risque souverain Plafond pays
RC1
RP1
RC2
RP2
RC3
RC4
RP3
4a 5 CCC+ CCC-
RC5
RP4
RC6
6a
mai-15 mai-16 mai-17 mai-18 mai-19 mai-20 mai-21 mai-22 mai-23 mai-15 mai-16 mai-17 mai-18 mai-19 mai-20 mai-21 mai-22 mai-23
1 En l’absence de régularisation de ses impayés à la date de rédaction de la présente note, Cuba serait amené à être dégradé en RC6b au 31/12/23.
143
ENVIRONNEMENT POLITIQUE ET SOCIOECONOMIQUE
Contexte politique et gouvernance publique: Depuis son Une dégradation relative de l’indicateur de
indépendance, la République de Cuba a connu des séquences développement humain (IDH) depuis 2008,
politiques mouvementées, entre élections démocratiques, luttes accentuée en 2021
sociales et coups d’Etat. L’année 1959 est marquée par une révolution
50ème
socialiste, la formation d’un parti unique, l’exode des classes 0,80
55ème
possédantes, l’introduction du rationnement et l’installation de Fidel
Castro au pouvoir. L’expropriation et les nationalisations des 0,75
60ème
entreprises américaines et le rapprochement de Cuba avec l’URSS 65ème
conduisent à la rupture avec les Etats-Unis et la mise en place d’un 0,70 70ème
embargo en 1962. L'exercice du pouvoir présidentiel est établi en
75ème
accord avec le parti communiste cubain (PCC). L’organisation des 0,65
congrès du parti oriente les plans de développement économiques 80ème
1990
1992
1994
1996
1998
2000
2002
2004
2006
2008
2010
2012
2014
2016
2018
2020
2018 puis premier secrétaire du Parti en 2021, amorçant une transition
Index IDH - Ech. G. Rang mondial IDH - ech. D.
générationnelle. Il doit affirmer sa légitimité, alors que Cuba affronte
une de ses pires crises en 30 ans (chocs successifs du Covid-19 et de Sources : BM (WDI), calculs ECO *A noter que le revenu
national brut par habitant, utilisé pour le calcul de l’IDH,
la guerre en Ukraine, sanctions américaines). Cuba, qui n’est pas
se base sur les chiffres pré-réforme monétaire (7819 USD/t)
membre des institutions financières internationales (FMI, BM etc.), a
été placé en 2021 sur la liste des Etats soutenant le terrorisme par les Etats-Unis. Un processus de normalisation de ses
relations avec l’UE s’est enclenché en 2016, dans la foulée de la visite de l’ancien Président B. Obama sur l’île et Cuba
peut compter sur quelques partenaires, tels que la Chine ou encore la Russie.
Indicateurs socioéconomiques: Les réformes sociales des dernières décennies (gratuité de l’éducation, de la santé)
avaient placé Cuba comme pays précurseur, avec un indice de développement humain (IDH) parmi les plus avancés
des PED. Les crises socioéconomiques traversées pendant la « période spéciale » et depuis 2020 ont néanmoins ralenti
son développement (83ème sur 191 en 2021 – soit 10 places de moins qu’en 2020). Les conditions de vie se sont
nettement dégradées à Cuba depuis la pandémie : pénuries de biens de première nécessité, flambée des prix sur les
marchés « non étatiques » et rationnement dans les magasins d’Etat. La réévaluation du PIB nominal (en USD) à la suite
de la réforme monétaire a conduit à sa division par 5 (estimé à 25,3 Mds USD en 2022), faisant passer Cuba de PRITS à
PRITI (RNB/habitant passant de 7919 USD à ~1930 USD). L’absence d’opportunités dans les secteurs à forte valeur
ajoutée (par opposition aux secteurs du tourisme et de l’agriculture) engendre une émigration massive des jeunes
Cubains, notamment les plus diplômés. Combinée à une faible natalité, cette émigration devrait peser
structurellement sur l’économie cubaine, qui aura perdu 10% de sa population d’ici à 2050 (Banque mondiale).
L’arrivée de la 3G en 2018 a permis à la population d’exprimer ses revendications. Les tensions sociales se sont ainsi
accentuées depuis 2021.
années 90, dite « période spéciale »). Les services dominent la structure
3
productive à hauteur de 75%, la moitié résultant des services publics
(santé publique, transport). L’Etat et les entreprises publiques sont -2
prépondérants dans tous les secteurs et représentent plus de 70% de
l’emploi total : les incitations à l’investissement privé sont très faibles et les -7
1996
1998
2002
2004
2008
2010
2014
2016
2020
2022
1994
2000
2006
2012
2018
2024
144
FINANCES PUBLIQUES
Comptes publics : Le solde budgétaire est structurellement déficitaire
La consolidation budgétaire progresserait en
(-6,3% du PIB en moyenne depuis 2012). En raison de la place centrale
2023 mais les comptes publics restent fragiles
de l’Etat dans l’économie, ses dépenses s’élèvent à 63% du PIB en
2007
2008
2010
2011
2014
2015
2017
2018
2020
2021
2022
2024
2006
2009
2012
2013
2016
2019
2023
moyenne depuis 2013, tirées par les dépenses courantes, et ses
0 100
recettes budgétaires sont élevées, à 57% du PIB, notamment
composées des transferts des entreprises publiques (versements des
80
rendements sur l’investissement public et des dividendes). Le déficit -5
budgétaire s’est fortement dégradé en 2020-21 (-14,7% du PIB en
60
moyenne) et aurait amorcé une légère décrue en 2023 (attendu à
-10
-8,3% du PIB), masquant néanmoins l’accumulation massive d’arriérés
envers ses fournisseurs, difficilement évaluable. 40
Effet dénominateur
alourdir la dette domestique, même si les données de EIU font état 130
120
d’une dette publique domestique modérée. La dette publique 110
100
externe, détenue à 41% par des créanciers bilatéraux et 59% par des 90
créanciers privés, est aussi difficile à estimer. Une partie est détenue 80
70
par les créanciers du Club de Paris (11,1 Mds USD) et a bénéficié d’un 60
50
accord de restructuration en 2015, qui avait permis l’apurement de 40
30
tous les arriérés dus aux créanciers du CdP (8,5 Mds USD), l’Etat cubain 20
10
s’engageant à continuer de régler le principal. Néanmoins, les 0
discussions entre le Club de Paris et Cuba au sujet du non-paiement 2016 2017 2018 2019 2020 2021 2022 2023 2024
d’arriérés dus en octobre 2022 (30 M USD), ne progressent pas et des Dette publique externe (% du PIB) (axe de d.)
Dette publique domestique (estimation)
craintes émergent au sujet du remboursement du stock de dette dû Dette publique totale (% du PIB) (axe de d.)
aux créanciers du CdP sur la période 2023-2026 (467,3 M USD) et 2027- Sources : EIU, calculs ECO
2033 (1,15 Md USD).
rétablissant la dualité cambiaire. Le taux de change sur le marché Sources : EIU, calculs ECO
noir se déprécie s’établissant à 225CUP=1USD à fin août 2023, retranscrivant la forte dépréciation du peso cubain. La
masse monétaire a crû significativement depuis 2018 (x10), en lien avec la réforme monétaire. EIU table sur une inflation
de 62% en 2023, pour revenir autour de 6% dès 2025. Un nouveau moyen de paiement scriptural, la monnaie librement
convertible (MLC), adossé à l’USD, a fait son apparition en 2019 et rétablit une segmentation du marché domestique
entre marché en monnaie local et marché en devises. La Banque centrale de Cuba (BCC) ne dispose pas de cible
d’inflation (80% des prix sont régulés) ni de taux d’intérêt directeur. Les principaux instruments de politique
actuellement à la disposition de la BCC sont le contrôle direct des taux d'intérêt et les réserves obligatoires.
Secteur financier : La supervision du système financier est assurée par le bureau de la supervision bancaire intégré à
la BCC. Le secteur financier est largement sous-développé (on dénombre neuf banques commerciales publiques et
quelques institutions financières). Les principes de Bâle II ont été mis en place et l’adoption des normes de Bâle III a
débuté. Les intrications entre le souverain et le secteur bancaire sont systémiques : le surdimensionnement des
garanties génèrerait des risques de liquidité et de solvabilité pour les banques publiques et la large détention de titres
publics par les banques, qui génère un effet d’éviction pour les PME, est source de vulnérabilités. Les autorités
souhaitent favoriser la numérisation des transactions financières mais le manque d’équipement freine cette
dynamique.
145
COMPTES EXTERNES
Balance des paiements : Le solde courant cubain est historiquement La balance courante se détériore depuis 2016
proche de l’équilibre, grâce au mécanisme d’ajustement par les 40
importations qui permet de faire face aux chocs extérieurs, et ainsi
limiter les tensions sur la liquidité en devises. Malgré ses exportations
de nickel, le solde commercial de Cuba est structurellement 20
déficitaire (-9,6% du PIB en moy. sur 2012-2018), l’île étant très
dépendante des importations de biens essentiels (machinerie et
équipements, énergie, produits alimentaires). Le déficit commercial 0
est compensé par un excédent de la balance des services (13% du
PIB en moy. sur 2012-2018), les exportations de services médicaux et le
-20
tourisme (~60% et ~15% des exportations respectivement) constituant Solde des revenus primaires (% du PIB)
Solde des revenus secondaires (% du PIB)
les principales entrées de devises du pays. Ces deux postes ont subi Solde des services (% du PIB)
de plein fouet la crise sanitaire, contraignant le gouvernement à Solde des biens (% du PIB)
-40
pratiquer une politique de priorisation des importations afin de 2012 2014 2016 2018 2020 2022
maintenir un léger excédent courant en 2020. Le solde courant est Sources : EIU, ONEI, calculs ECO
toutefois devenu déficitaire en 2021-2022 (-5,9% et -6,4% du PIB), sous
l’effet de la baisse des exportations et de la réforme monétaire. Il devrait commencer à se réduire légèrement en
2023. Depuis 2014, le gouvernement a adopté une politique d’ouverture aux IDE, en proposant des avantages fiscaux
aux entreprises étrangères et en ouvrant une zone franche. Les flux d’IDE varient entre 0,6 Md USD et 1 Md USD par an,
loin de l’objectif de 2,5 Mds USD du gouvernement. Le pays n’a pas accès aux financements multilatéraux et son
historique de paiement compliqué ainsi que sa relation très tendue avec les États-Unis limitent son accès aux
financements bilatéraux.
Soutenabilité et liquidité externes : En raison de l’absence de données sur l’amortissement de la dette externe, les flux
de capitaux et les réserves en devises, le besoin de financement externe ne peut être estimé. Le niveau de dette
externe est estimé par EIU, sur la base partielle de données officielles, à 28,9 Mds USD en 2022, soit 114% du PIB. Les
réserves, estimées à 6,3 mois d’importations de biens et services par EIU en 2023, tendent à se reconstituer après avoir
atteint 5,2 mois en 2022 sous l’effet de la reprise du tourisme. Cuba connaît des tensions récurrentes sur sa liquidité
externe et a expérimenté une forte diminution des flux entrants de devises du fait des sanctions américaines (Western
Union n’est plus présent à Cuba) et des chocs externes mondiaux (Covid, guerre en Ukraine). D’après la Banque du
Canada, Cuba serait en situation de défaut vis-à-vis de plusieurs de ses créanciers privés (2,4 Mds USD) et bilatéraux
hors Club de Paris (2,3 Mds USD) et le pays accumulerait d’importants arriérés de paiement vis-à-vis de ses fournisseurs
depuis 2021.
Transfert et convertibilité : Cuba, peu intégré dans les chaînes de valeur internationales, présente un historique de
contrôle des capitaux important. Bien que son cadre institutionnel soit stable, les scores de gouvernance de l’île sont
faibles et la Banque centrale n’est pas indépendante. Elle finance notamment le déficit public et a recours à des
mesures restrictives de transfert et convertibilité comme outil de politique économique, qui pourraient s’accentuer au
vu des tensions sur la liquidité en devises. Les autorités n’ont pas exclu une potentielle dévaluation de l’ancrage au
dollar au fil du temps, mais aucun calendrier n’a été communiqué. Cela pourrait s’accompagner par la mise en place
de mesures additionnelles de transfert et convertibilité.
CLIMAT
Climat : L’île de Cuba est relativement exposée au changement Le nombre de personnes affectées par des
climatique (88ème pays le plus exposé selon l’indice ND-Gain), évènements climatiques extrêmes, lié notamment
comme l’ont démontré les récents évènements climatiques au phénomène El Niño, est très élevé
extrêmes qui ont frappé le pays (ouragans à forte intensité, épisodes
de sécheresse etc.), et sa capacité d’adaptation est faible (125ème 1 200 k
10 Mns
rang). L’exposition grandissante des habitats humains et des 5,9 Mns 2,6 Mns
infrastructures à des inondations urbaines et côtières en lien avec 1 000 k
l’élévation du niveau de la mer accroît encore sa vulnérabilité. La
800 k
baisse des rendements céréaliers représente également un facteur
de vulnérabilité significatif pour l’agriculture. 600 k
146
Fiche risque pays ISR/ECO – novembre 2023
Benoît Jonveaux
Équateur (jonveauxb@afd.fr)
Après une période d’embellie macroéconomique et financière en 2021 et 2022 (retour de la croissance, excédents
budgétaires et externes, reconstitution des réserves de change), la situation de l’Equateur est fragilisée depuis début
2023. La réalité du jeu politique a freiné les efforts de réformes entrepris dans le cadre du programme FMI (2019-
2022) et ouvert une nouvelle phase d’instabilité avec la démission du Président Lasso et la dissolution du Parlement
en mai 2023 à mi-mandat. Cela explique tout à la fois une partie du ralentissement de la croissance (ramenée de
3% en 2022 à 1,4% en 2023), la sous-performance budgétaire attendue en 2023 (qui se traduit d’ores et déjà par
l’accumulation d’arriérés domestiques) et la diminution des réserves de change (-28% entre janvier et octobre 2023).
L’incertitude politique ne permet pas non plus l’adoption de mesures visant à régler les fragilités structurelles du
modèle équatorien, notamment la faible productivité et compétitivité de l’économie, la dépendance à
l’exploitation pétrolière et l’anticipation des effets du changement climatique et de la transition bas-carbone
auxquels le pays est très exposé. Le risque pays est par conséquent élevé. Il est aggravé par une incertitude sur la
capacité du pays à couvrir ses besoins de financement dans un contexte où les bailleurs multilatéraux (qui ont
fortement soutenu le pays de 2020 à 2022) devraient réduire leurs engagements et où le pays n’a pas retrouvé
l’accès aux marchés internationaux depuis le défaut de 2020. L’absence de visibilité sur la capacité ou la volonté
du nouveau gouvernement à poursuivre la consolidation budgétaire, cruciale pour assurer la soutenabilité de la
dette, contribue à un risque souverain élevé. Il l’est d’autant plus si les autorités venaient à mobiliser les réserves de
change pour financer l’Etat, ce qui induirait d’importants déséquilibres macroéconomiques et des tensions sur la
liquidité domestique pour cette économie dollarisée, conduisant à un risque élevé de transfert et convertibilité.
(2015-2020) de déséquilibres macroéconomiques très marqués, la situation économique et financière de l’Equateur
s’est améliorée Evolution de la note risque pays Evolution des notes risque souverain et plafond pays
Le risque pays est élevé, conséquence Ris que pays des déséquilibres macroéconomiquesRispersistants que souverain depuis 2015 et accentués
Plafond pays
en 2020. La situation socioéconomique s’est détériorée ces dernières années, comme en témoignent la stagnation
RP1
RC1
de l’IDH et du PIB par habitant et la dégradation des indicateurs de pauvreté et d’emploi avant même la crise
sanitaire. Cette situation contraint les marges de manœuvre du Président Lasso, qui ne dispose par ailleurs que d’une
RC2
assise politique et sociale très fragile. Le système bancaire est en revanche relativement robuste et ne présente pas
RP2
de vulnérabilité majeure tandis que la dollarisation reste un pilier important de l’économie et n’est pas menacée.
RC3
Les comptes 3b externes bénéficient de facteurs conjoncturels positifs4bqui ont permis une hausse sensible desBréserves
de change. La position extérieure du pays reste3ccependant fortement exposée4c B-
RC4
à un risque élevé de transfert et convertibilité. Après un épisode de forte tension sur la liquidité en 20204c(ayant
RC5
conduit à un défaut partiel sur des Eurobonds), les finances publiques s’améliorent grâce à la restructuration 5 de la
RP4
dette avec les créanciers étrangers privés (2020) et chinois (2022) et au soutien de la communauté internationale.
RC6
147
ENVIRONNEMENT POLITIQUE ET SOCIOECONOMIQUE
Contexte politique et gouvernance publique : L’action politique est Les indicateurs socioéconomiques se
contrainte par une importante fragmentation entre les différents partis dégradent depuis 2015
ainsi que par une contestation populaire forte, comme en témoignent
les nombreuses grèves et manifestations depuis 2019. Confronté à 0,78
148
FINANCES PUBLIQUES
Comptes publics : Après une période de détérioration des finances Une situation budgétaire nettement moins
publiques liée aux politiques expansionnistes sous l’administration favorable qu’attendu
Correa puis à la chute des prix du pétrole, certaines mesures des 2% 50%
gouvernements Moreno et Lasso (soutenues par le FMI) ont permis de 0%
45%
ramener le solde budgétaire d’un déficit de 9,6% du PIB en 2016 à -2%
l’équilibre en 2022. Au-delà de la volatilité liée au cours du baril (le -4% 40%
pétrole représentant un tiers des recettes publiques), les efforts -6% 35%
structurels des autorités peuvent être mesurés par l’amélioration du -8%
déficit budgétaire primaire hors pétrole, passé de 12% du PIB en 2016 30%
-10%
à 2,7% du PIB en 2022. Cependant, la hausse des taux d’intérêts et le
-12% 25%
fléchissement des cours du pétrole en début d’année ont pesé depuis
2010
2011
2012
2013
2014
2015
2016
2017
2018
2019
2020
2021
2022
2023
2024
début 2023 sur les comptes publics, tandis que le gouvernement est
revenu sur certaines mesures fiscales du programme FMI (2019-2022). Solde budgétaire (% du PIB, éch gauche)
Recettes budgétaires (% du PIB, ech droite)
Alors que le FMI projetait, à la fin du programme en décembre 2022, Dépenses publiques (% du PIB, ech droite)
un excédent budgétaire de 1,6% du PIB pour 2023, les dernières
Sources : FMI (WEO), calculs ECO
estimations font état un déficit de l’ordre de 1% du PIB. Dans un
contexte de sources de financements contraintes, cette évolution Vers une stabilisation du ratio d’endettement à
explique également l’accumulation d’arriérés domestiques (estimés à un niveau historiquement élevé
70
1,5% du PIB à fin août 2023) et la diminution de 60% des dépôts de
60
l’Etat à la Banque centrale. Cette situation budgétaire moins
favorable pourrait se poursuivre en 2024, en raison de l’échéance 50
149
COMPTES EXTERNES
Balance des paiements : Malgré ses ressources pétrolières, l’Equateur Une soutenabilité externe dépendante des
a rarement été en mesure de dégager un excédent de sa balance cours du pétrole et du niveau des réserves
courante (cinq fois seulement entre 2000 et 2019) en raison de son
14
faible secteur productif domestique, de sa compétitivité limitée et de 12
sa dépendance aux importations. Depuis fin 2020, l’allègement des 10
intérêts de la dette publique externe, la hausse en volume des 8
6
exportations (aussi bien pétrolières que non-pétrolières) et des prix du 4
pétrole ont permis de dégager des excédents courants (2,2% du PIB 2
0
en 2022 et 1,5% en 2023). Conjuguée aux rééchelonnements de la -2
dette externe, cette évolution a contribué à ramener le besoin de -4
-6
financement externe (BFE) de 8,5% du PIB en 2019 à moins de 4% du
PIB en 2021 et 2022, largement couvert par la communauté
internationale (FMI, BM, BID, CAF) qui a compensé l’interruption des Service dette externe, Mds USD
Compte courant (- = excédent) hors intérêts, Mds USD
financements de marché. La diminution progressive du soutien des Besoin de financement externe, Mds USD
multilatéraux (dont les financements devraient être divisés par deux Réserves de change, Mds USD
entre 2022 et 2025) et la reprise des paiements rééchelonnés pourrait Sources : FMI (IFS, WEO), BM (IDS), BCE, calculs ECO
induire des tensions sur le niveau et la couverture du BFE si le pays ne retrouvait pas son accès aux marchés
internationaux d’ici 2025 et/ou si le solde du compte courant se creusait sous l’effet d’une baisse des cours du pétrole.
Soutenabilité et liquidité externes : La dette externe est passée de 30% du PIB en 2015 à 49% du PIB fin 2022, en raison
de la hausse de l’endettement public externe en majorité non-concessionnel. C’est ce qui a contribué à accroître le
niveau de l’amortissement de la dette et le besoin de financement externe (BFE), et explique la stagnation des réserves
de change jusqu’en 2020. Toutefois, les décaissements de la communauté internationale et les excédents courants
ont depuis permis de les porter d’un point bas historique de 1,9 Md USD en mars 2020 à 8,5 Mds USD fin 2022. Dans un
contexte d’assèchement des flux de financement externes et de diminution des dépôts de l’Etat, elles ont diminué de
près de 28% entre janvier et octobre 2023 (6 Mds USD). Ce niveau est trop faible pour le FMI, dont la métrique spécifique
à l’Equateur positionne les réserves « nettes » de la BCE (qui correspondent à ses avoirs liquides et effectivement
mobilisables) en territoire négatif depuis 2016, et sa métrique ARA à moins de 40%. Elles ne couvrent en effet pas le
passif de court terme de la BCE et de l’Etat, ce qui témoigne de la vulnérabilité de cette économie dollarisée en cas
de choc exogène, d’assèchement complet des financements externes ou de dérapage des finances publiques.
Transfert et convertibilité : En dépit de la dollarisation du pays, qui limite le risque de convertibilité, la fragilité des
comptes externes de l’Equateur et le niveau inadéquat des réserves de change induisent un risque élevé de T&C. Le
principal facteur de vulnérabilité concerne en effet le rôle de la Banque centrale (BCE) dans l’économie et le pilotage
des réserves de change. Le vote de la modernisation du code monétaire et financier (COMYF) en avril 2021 a renforcé
l’indépendance (fortement fragilisée jusqu’alors) de la BCE et proscrit le financement par la BCE du déficit budgétaire.
Cette loi pourrait cependant être remise en cause par les candidats à l’élection d’octobre 2023 (l’un des candidats
l’ayant explicitement mentionnée) afin de mobiliser les réserves de la BCE dans un contexte de sources de
financements alternatives limitées. Cette politique avait été menée entre 2014 et 2016 et avait fortement pesé sur la
liquidité domestique comme sur les comptes externes. Cela est d’autant plus préoccupant que la situation extérieure
de l’Equateur reste encore fragile au regard de sa dépendance aux cours du baril et de la reprise des paiements de
dette externe à partir de 2025.
CLIMAT
Climat : La diversité géographique et climatique de l’Equateur (région Une économie dont la consommation
côtière aride, région andine montagneuse et région tropicale de énergétique reste encore très carbonée
l’Amazonie) multiplie l’exposition du pays aux chocs climatiques de 100
différentes natures. La diminution des ressources en eau devrait affecter
80
le secteur agricole dans les régions andines et côtières, alors que
l’agriculture représente un tiers de l’emploi. Surtout, l’Equateur est l’un 60
des deux pays au monde où le phénomène El Niño est le plus prononcé,
entraînant des évènements climatiques extrêmes (inondations 40
catastrophiques de 2017) et des tensions sur les ressources halieutiques
20
(les crevettes représentant 25% des exportations). L’indicateur ND-GAIN
de risque climatique place ainsi l’Equateur parmi les pays les plus 0
exposés et les plus vulnérables, au 113e rang sur 180 pays.
Transition bas-carbone : Les émissions de GES s’élèvent à 5 tonnes de Energies fossiles (% conso. finale énergie)
CO2eq par habitant, soit le troisième niveau par habitant parmi les Hydroélectricité (% conso. finale énergie)
Autres (% conso. finale énergie)
principales économies d’Amérique latine. Elles proviennent pour plus de
Sources : AIE, calculs ECO
moitié du secteur de l’énergie (dont 10-15% liées aux émissions de gaz
issues de la production pétrolière), pour 10% du secteur agricole et 25% de l’utilisation des sols et de la déforestation.
En dépit de lois et d’annonces visant à protéger l’environnement (à l’image du référendum interdisant l’exploitation
des ressources pétrolières du parc Yasuní), peu de mesures ont été entreprises pour anticiper la transition bas-carbone.
Le pays reste en effet très dépendant de ses ressources pétrolières et de l’agriculture, les deux principaux secteurs
d’activité les plus émissifs en Equateur. Dans ce contexte, les réformes pour amorcer une diversification de l’activité
sont limitées. Le verdissement du mix électrique (par le développement de centrales hydroélectriques) entrepris depuis
2012 reste par exemple à ce stade insuffisant (la consommation totale d’énergie primaire restant carbonée à 65%).
150
Fiche risque pays ISR/ECO – novembre 2023
Sylvain Bellefontaine
Mexique (bellefontaines@afd.fr)
Risque pays : RP2a Risque souverain : RC2b Risque T&C : 3 crans (éq. A-)
Le risque pays est modéré. Face à la succession de chocs exogènes depuis 2020, le mantra de la stabilité
macroéconomique modère les risques de liquidité et de solvabilité publique et externe. Le choc récessif historique
de 2020 (-8,7%) n’a pas généré de déstabilisation macroéconomique majeure, témoignant d’une économie flexible
et résistante, mais aussi de mesures contra-cycliques très limitées. L’environnement des affaires, traditionnellement
pro-marché, pâtit de fragilités institutionnelles (état de droit, justice, corruption, violence et insécurité). La
gouvernance publique a été érodée par l’approche frontale du président Andrés Manuel Lopez Obrador (dit
AMLO) envers les milieux d’affaires et son souverainisme quant aux ressources naturelles complexifiant l’équation
croissance économique - pétrole - finances publiques - développement - transition énergétique. Près de 30 ans
après l’intégration dans l’ALENA (devenu T-MEC en 2020) et l’OCDE, le Mexique demeure bloqué dans une trappe
à revenu intermédiaire. En cause, l’échec à assurer la convergence avec les pays avancés d’un modèle
économique fondé sur le triptyque rigueur du policy mix, libéralisme économique et arrimage aux Etats-Unis, sans
réformes ni État providence. Encore modéré à moyen terme, le risque souverain s’est tendanciellement dégradé au
cours des dernières années. La faible base fiscale et la déliquescence de la compagnie pétrolière nationale PEMEX,
passif contingent matérialisé pour le souverain, pèsent sur les finances publiques dans un contexte de resserrement
des conditions de financement et de dérapage budgétaire pré-électoral (juillet 2024). Le risque de transfert et
convertibilité est faible de jure et de facto, conforté par des comptes externes plutôt solides (déficit du compte
courant structurellement modéré et couvert par les IDE), un compte financier ouvert, un régime de change flexible
absorbant les chocs externes, des réserves en devises confortables et un endettement externe modéré.
Evolution de la note risque pays Evolution des notes risque souverain et plafond pays
Ris que pays Ris que souverain Plafond pays
A-
RP1
RC1
2a
2a 2b
RC2
RP2
RC3
RC4
RP3
RC5
RP4
RC6
mai-15 mai-16 mai-17 mai-18 mai-19 mai-20 mai-21 mai-22 mai-23 mai-15 mai-16 mai-17 mai-18 mai-19 mai-20 mai-21 mai-22 mai-23
151
ENVIRONNEMENT POLITIQUE ET SOCIOECONOMIQUE
Contexte politique et gouvernance publique : Toujours populaire, le Relative stagnation du niveau de vie
président AMLO ne pourra se représenter pour un second mandat en 14000
PIB / habitant (USD courants)
juillet 2024. La coalition gouvernementale Morena a encore renforcé
12000 Chine
son ancrage régional en juin 2023 (Etat de Mexico), détenant les deux- Mexique
tiers des 32 Etats, suggérant une dynamique favorable pour sa 10000 Turquie
candidate à la présidentielle Claudia Sheinbaum, dans un duel féminin 8000
Brésil
Afrique du Sud
face à la candidate de l’opposition de centre droit. Le populisme et la Indonésie
6000
démocratie directe prônée par le président AMLO s’accompagnent Inde
1980
1982
1984
1986
1988
1990
1992
1994
1996
1998
2000
2002
2004
2006
2008
2010
2012
2014
2016
2018
2020
2022
chrétien (approche « assistancialiste » des questions sociales). Son
rapport frontal avec les milieux d’affaires et son nationalisme-
Source : FMI (WEO)
souverainisme quant à la gestion du secteur énergétique (détricotage
de la réforme de 2014 ouvrant le secteur pétrolier aux investisseurs privés et étrangers ; « rachat forcé » des actifs de
la société espagnole Iberdrola en avril 2023) pèsent sur le climat d’investissement et précarisent le respect des contrats,
à l’origine de différends avec les Etats-Unis et le Canada et d’un risque de sanctions dans le cadre du T-MEC.
Indicateurs socioéconomiques : L’alternance politique de 2018 a sanctionné deux décennies d’échec à endiguer les
inégalités, la pauvreté, la corruption et le crime organisé (l’insécurité aurait coûtait 1,1% du PIB en 2022). Pays à revenu
intermédiaire supérieur (PRITS) depuis 1990, le Mexique est bloqué dans une trappe à revenu intermédiaire et son
économie est confrontée à une quadruple dualité entre : i/ secteurs exportateurs et domestiques, ii/ travail formel et
informel, iii/ Nord et Sud, et iv/ libéralisme économique et protectionnisme-étatisme. Malgré les transferts directs aux
populations défavorisées, la crise économique et sanitaire combinée au choc inflationniste mondial a encore souligné
les carences de l’Etat providence et la faiblesse des filets sociaux. 38,5% des Mexicains disposaient en 2022 de revenus
du travail inférieurs au coût du panier alimentaire (CONEVAL) et les inégalités demeurent fortes (indice Gini de 45,4).
Pourtant, les revendications sociales sont moindres que dans nombre de pays latino-américains, en lien notamment
avec une perception positive (mais surestimée) de la mobilité sociale, à l’instar des voisins nord-américains.
152
FINANCES PUBLIQUES
Comptes publics : L’administration AMLO s’est inscrite dans la tradition Relâchement budgétaire en 2024
de discipline budgétaire ancrée depuis la crise de 1994-1995, mais un Dette publique (éch.G) Solde budgétaire (éch.D)
dérapage est attendu en 2024, année électorale. Le déficit public est Solde primaire (éch.D)
Dépenses (éch.D)
Recettes (éch.D)
moitié chacune). Le chemin vers un retour à la règle budgétaire de 3% Dette publique soutenable hors scénario
du PIB dès 2025 est étroit compte tenu i) d’une collecte fiscale limitée macroéconomique très défavorable
(13% du PIB en 2022) dans un pays marqué par un très faible
Stress test d'endettement public (% PIB)
consentement à l’impôt, appelant une réforme fiscale repoussée ad Scénario de base (FMI, WEO oct. 2023)
Choc de croissance (-1pp chaque année vs. scénario de base)
vitam aeternam (hausse de TVA, de l’impôt sur le revenu, la propriété Choc de taux d'intérêt (+200pb vs. scénario de base)
Choc de change (dépréciation MXN/USD de 30% en 2024)
et les bénéfices, notamment en réduisant les exemptions) ; ii) de la Choc sur le solde primaire (-1pp chaque année vs. scénario de base)
Scénario adverse (choc combiné)
volatilité des recettes pétrolières (22% des recettes totales en 2022), en 80%
153
COMPTES EXTERNES
Balance des paiements : Depuis la crise de 1995, l’économie Bonne tenue des comptes externes
mexicaine a résorbé ses déséquilibres externes et ne présente plus les Composantes du compte courant et IDE (%PIB)
caractéristiques et fragilités propices aux crises de balance des 10
Solde des transferts
paiements typiques des PED dépendants des matières premières ou 8 Solde des revenus
Solde des services
affectés par des chocs et retournement de confiance excessifs. 6 Solde commercial (biens)
Solde du compte courant
Structurellement modéré (1,3% du PIB en moyenne en 2010-22), le 4 Flux nets d'IDE
déficit du compte courant pourrait se maintenir autour de 1-1,5% du 2
PIB en 2023-2028 selon le FMI. Profitant de la manne des recettes
0
touristiques (2% du PIB en 2022) et des transferts de la diaspora (4% du
-2
PIB en 2022), le Mexique peine à générer des excédents commerciaux
-4
pérennes du fait de la structure de son commerce extérieur :
importantes importations en biens intermédiaires (77% des importations -6
2016 2017 2018 2019 2020 2021 2022
totales en moyenne depuis 2010) dans le cadre des chaines de
Source : CBRT, calculs ECO
production nord-américaines limitant la valeur ajoutée nette ;
importations nettes de produits pétroliers depuis 2015. Le Mexique a profité des tensions commerciales sino-
américaines pour devenir le 1er fournisseur des Etats-Unis (15,3% de parts de marché sur janvier-août 2023 vs. 14% pour
la Chine). Un décret a été promulgué en octobre 2023 pour encourager le nearshoring à travers des incitations fiscales
ciblant les semi-conducteurs, l’automobile, l’électricité et l’électronique, le secteur médical et pharmaceutique,
l’agro-industrie et l’alimentaire. L’objectif (très ambitieux) est de plus que doubler les IDE entrants à 80 Mds USD par an
d’ici 2030 (35,3 Mds USD en 2022, soit 2,4% du PIB). Les flux d’investissements de portefeuille ont fléchi courant 2023.
Soutenabilité et liquidité externes : Les ratios de liquidité externe demeurent adéquats pour une économie opérant en
régime de change flexible. Les réserves de changes (stables en 2022-2023 à 181 Mds USD en août) couvrent 3,3 mois
d’importations de biens et services (observées) en août 2023. Jamais utilisée, la Ligne de Crédit Flexible du FMI a été
renouvelée pour une dixième fois en novembre 2023 (2 ans et 35 Mds USD). Aux ⅔ privé, l’endettement externe est
modéré (42% du PIB en 2022). Son service est faible, à moins de 15% des recettes d’exportations de B&S, contribuant,
avec le déficit modéré du compte courant, a un besoin de financement externe lui aussi modéré (≈7% du PIB en 2023).
Transfert et convertibilité : Le compte financier est largement ouvert, les contrôles de capitaux sont limités et la Banque
centrale est indépendante. Le peso est l’une des rares devises émergentes complètement convertibles. Le flottement
pur du peso (hors interventions de la Banque centrale sur le marché des dérivés) l’expose à des accès de volatilité,
parfois sans rapport objectif avec les fondamentaux macro-financiers du pays. Toutefois, il opère comme une variable
d’ajustement macroéconomique efficace, atout face aux chocs exogènes et aux turbulences financières.
CLIMAT
Climat : Du fait de sa situation géographique, entre les tropiques et la zone subtropicale et deux océans, le Mexique
est vulnérable aux effets du changement climatique (72e sur 185 pays selon l’indice ND-GAIN). Surtout, il se classe 138e
pour la préparation de la gouvernance, en contraste avec le leadership dont le Mexique avait fait preuve au sein des
pays émergents lors de la négociation de l’accord de Paris en 2015. Parmi les aléas physiques associés au
changement climatique, le Mexique apparait très exposé aux évènements climatiques extrêmes. En termes de stress
hydrique, le pays subit des sécheresses entre novembre et juin qui se sont intensifiées ces dernières années. Le Mexique
pourrait subir une hausse des températures extrêmes de 6% à l’horizon 2030-2040. Les risques cyclonique et de montée
des eaux sont élevés dans le golfe du Mexique mais aussi sur la côte Pacifique (cf. ouragan Otis du 25 octobre 2023).
Transition bas-carbone : Le Mexique est exposé directement à la Une économie modérément émissive
transition énergétique mondiale compte tenu de l’importance des Emissions de GES par habitant (t CO2 eq)
30
recettes budgétaires liées au pétrole et d'un mix énergétique quasi-
exclusivement dépendant des combustibles fossiles (pétrole, gaz, 25
charbon), pour un pays importateur net de produits pétroliers. Etats-Unis
Chine
Cependant, l’efficacité énergétique du PIB s’est tout de même 20 Afrique du sud
Turquie
améliorée depuis 2000 à un niveau supérieur à la moyenne mondiale Monde
et celle des PRITS. L’intensité carbone du PIB est en repli sur trois 15 Mexique
Indonésie
décennies. Les émissions de GES représentent 1,5% des émissions Inde
mondiales et ont progressé de 29% entre 2000 et 2022, contre une 10
21% au cours des deux dernières décennies. Dans sa CDN mise à jour
0
en novembre 2022, le Mexique a augmenté ses objectifs d'atténuation, 1970 1975 1980 1985 1990 1995 2000 2005 2010 2015 2020
visant une réduction de 35% des émissions de GES d'ici 2030 (22% dans Source : Commission européenne (EDGAR)
la CDN 2020). La vulnérabilité du pays est modérée en présence d’une
économie diversifiée et industrialisée, de fondamentaux macroéconomiques plutôt solides, de politiques
économiques orthodoxes et d’indicateurs de développement socio-économique relativement corrects.
L’administration AMLO a privilégié la sécurité énergétique aux questions environnementales. Le Mexique souffre du
manque de financements pour des projets de grande envergure et du manque de capacités techniques au niveau
local, malgré des villes et états fédérés généralement plus engagés dans les politiques d’adaptation et l’atténuation
que le gouvernement fédéral. Toutefois, les autorités ont introduit une taxe carbone et défini une stratégie pour lutter
contre la déforestation, augmenté la part des ventes de véhicules électriques à 50% des ventes totales de voitures
d'ici 2030, créé un marché pour les obligations vertes et établi un système d'échange de quotas d'émission.
154
Fiche risque pays ISR/ECO – novembre 2023
Alix Vigato
Pérou (vigatoa@afd.fr)
Risque pays : RP2b Risque souverain : RC2a Risque T&C : 3 crans (éq. A-)
La solidité du cadre macroéconomique du Pérou tranche, au moins depuis 2016, avec l’instabilité chronique de son
système politico-institutionnel polarisé, rongé par la corruption et rejeté par la population. Cette instabilité a atteint
un sommet en décembre 2022 avec la destitution du président Pedro Castillo par le Congrès : portant à six le nombre
de présidents s’étant succédé entre 2018 et 2022, cet épisode a conduit à plusieurs mois de violentes manifestations,
à l’origine d’au moins 49 morts. Bien qu’affectés par l’instabilité politique, les risques pays et souverain du Pérou
demeurent modérés. L’économie est en effet robuste et dynamique sur longue période, et peut notamment
s’appuyer sur un secteur minier porteur, des comptes publics tenus rigoureusement, une banque centrale reconnue
pour son degré d’indépendance et de solides comptes externes. Malgré un ralentissement conjoncturel (croissance
projetée à seulement 1,1 % en 2023), les effets de la crise politique sur l’activité devraient demeurer limités, à l’instar
de ce qui a pu se passer ces vingt dernières années. Une certaine dichotomie entre une sphère politique
chroniquement instable et une sphère économique remarquablement résiliente prévaut en effet traditionnellement
au Pérou. À plus long terme, les perspectives économiques sont toutefois moins favorables car la persistance de
nombreux freins structurels à la croissance – fortes inégalités, haut degré d’informalité, faible inclusion financière,
déficit d’infrastructures, ultracentralisation, corruption endémique, etc. – fait craindre un ralentissement durable de
l’activité. In fine, l’impuissance des autorités à mettre en œuvre des politiques fortes et ambitieuses, à même de
lever ces différents freins, met sous pression les notations risque pays et risque souverain. Par ailleurs, la quasi-absence
de restrictions sur les transferts de capitaux, le régime de change flottant du PEN, le haut degré d’indépendance
de la Banque centrale et la solidité des comptes externes confèrent un risque faible de transfert et convertibilité.
Evolution de la note risque pays Evolution des notes risque souverain et plafond pays
Risque pays RC1
Risque souverain Plafond pays
RP1
A-
RC2
2a
2a
RP2
2b
RC3
RC4
RP3
RC5
RP4
RC6
mai-15 mai-16 mai-17 mai-18 mai-19 mai-20 mai-21 mai-22 mai-23 mai-15 mai-16 mai-17 mai-18 mai-19 mai-20 mai-21 mai-22 mai-23
155
ENVIRONNEMENT POLITIQUE ET SOCIOECONOMIQUE
Contexte politique et gouvernance publique : Le paysage politique Le niveau de vie des Péruviens converge
péruvien est marqué depuis au moins 2016 par une forte instabilité, vers la moyenne latino-américaine
conséquence de la défiance de la population vis-à-vis de sa classe 28000
production (cuivre, or, argent, étain, plomb, etc.) et la relative 0,2 Secteur
primaire
diversification de l’économie hors secteur extractif (agriculture, Industrie Note : le diamiètre des
pêche, tourisme) assurent une certaine résilience, le Pérou demeure 0,1 manuf. bulles représente le
poids moyen du
exposé aux chocs externes, à l’image du ralentissement observé BTP secteur dans le PIB
0,0
post-2014 suite au retournement des cours internationaux ou de la -1% 0% 1% 2% 3% 4% 5% 6% 7% 8%
récession historique enregistrée en 2020 du fait de la pandémie. -0,1
Taux de croissance annuel moyen 2014-2019
Régime de croissance : Après un puissant rebond en 2021, le PIB a
Sources : INEI, calculs ECO
crû de seulement 2,7 % en 2022, soit un niveau inférieur à la moyenne
d’Amérique latine, pour la première fois depuis 2004 (exception faite De 2005 à 2019, la croissance du Pérou a
de 2020). Un nouveau repli est attendu en 2023, à 1,1 % selon le FMI, systématiquement dépassé la moyenne d’AML
15,0
malgré un stimulus fiscal non-négligeable et l’entrée en service de la
12,5
mine de cuivre Quellaveco en septembre 2022. L’activité devrait, en
10,0
particulier, souffrir des conséquences de la crise politique et des
7,5
blocages, destructions, fermetures de sites touristiques ou reports de
5,0
projets induits, mais aussi des effets du phénomène El Niño sur
2,5
l’agriculture (représentant environ 7 % du PIB) et les infrastructures. A 0,0
moyen terme, si l’ouverture de nouvelles mines tirerait le PIB, la -2,5 2000 2004 2008 2012 2016 2020 2024
persistance de freins structurels à la croissance fait craindre un -5,0
ralentissement plus durable de l’activité : fortes inégalités, haut -7,5
degré d’informalité, faible inclusion financière, déficit -10,0
d’infrastructures, ultracentralisation, corruption endémique, etc. Si -12,5
Croissance économique, Pérou (%)
ces freins sont largement identifiés et, à première vue, surmontables,
Croissance économique, Amérique latine (%)
leur levée nécessite la mise en œuvre de politiques fortes et
Sources : FMI, calculs ECO
ambitieuses. Or l’Etat péruvien manque de leviers sur l’économie, les
réformes libérales menées à partir des années 1990 ayant eu pour objectif de limiter au maximum l’interventionnisme
étatique. Par manque de prises sur l’économie, l’Etat péruvien apparaît aujourd’hui trop faible, incapable de sortir le
pays de son modèle rentier, d’où un ralentissement quasi-inévitable du rythme de croissance économique à moyen
terme. La croissance potentielle est ainsi estimée à seulement 3 % par le FMI, un niveau légèrement supérieur à la
moyenne régionale (environ 2,5 %) mais qui demeure loin du niveau des années 2000, proche des 7 %.
156
FINANCES PUBLIQUES
Comptes publics : La fin du super-cycle des matières premières a Bien que restant faible, le déficit
conduit le solde budgétaire péruvien – excédentaire jusqu’alors – à budgétaire devrait se creuser en 2023
5,0 29
afficher un déficit modéré à partir de 2014. Si un net creusement a
été observé en 2020 (-9,0 % du PIB), le déficit s’est rapidement 2,5 27
résorbé en 2021 et 2022 (-2,5 % puis -1,4 %). Comme l’illustrent les 25
difficultés rencontrées par Pedro Castillo pour mettre en œuvre son 0,0
% du PIB
programme en 2021-2022, les finances publiques sont marquées par -2,5
23
spreads souverains parmi les plus faibles de la région (180 points en 30%
octobre 2023). Alors que l’essentiel du besoin de financement public 25% % du PIB
entre juillet 2021 et janvier 2023 (18 hausses de taux directeur), elle a 7
effectué trois baisses de taux entre septembre et novembre 2023 (à 6
7 %) afin de soutenir l’activité. Si elle ralentit ces derniers mois, 5
l’inflation demeure largement au-delà de la borne supérieure de la 4
cible fixée (3 %), qui est constamment dépassée depuis juin 2021.
3
Secteur financier : Le crédit au secteur privé péruvien a connu une 2 Cible d'inflation
croissance vigoureuse au cours des années 2000 mais plafonne à un 1
niveau inférieur à 50 % du PIB depuis 2015 (moyenne basse
0
d’Amérique latine). L’inclusion financière a également réalisé des 2015 2016 2017 2018 2019 2020 2021 2022 2023
progrès substantiels mais la profondeur du secteur demeure limitée, Taux d'inflation (g.a., %) Taux directeur (%)
la part de Péruviens ayant accès à des services financiers restant Sources : BCRP, calculs ECO
l’une des plus faibles de la région (58 % en 2021). Bien que fortement
concentré autour de quatre entités (≈ 80 % de l’actif), le système bancaire péruvien est globalement sain et ses
indicateurs de stabilité ont, dans l’ensemble, retrouvé leurs niveaux pré-pandémie. A mars 2023, le secteur est ainsi
solide (CAR de 16 %), le taux de prêts non performants reste contenu (4,2 %, très largement provisionnés) et la
supervision du secteur financier est bonne (l’ensemble des directives de Bâle III devrait être globalement en place
d’ici 2026). En revanche, le degré relativement élevé de dollarisation du secteur bancaire (environ un tiers des dépôts
et un quart des prêts) constitue une vulnérabilité notable, bien qu’il soit en repli depuis une quinzaine d’années grâce
à une hausse de la crédibilité des institutions et à des mesures incitatives.
157
COMPTES EXTERNES
Balance des paiements : La balance courante est fortement Les exportations de biens se composent quasi
dépendante des matières premières : exportations de produits essentiellement de matières premières
miniers et agricoles (90 % des exportations), cours internationaux et 60
flux de rapatriements de bénéfices des multinationales opérant dans
50
ce secteur. Mécaniquement, le solde courant a atteint un point bas
autour de 2014 du fait du retournement des cours, à près de -5 % du 40
PIB, avant de progressivement se rapprocher de l’équilibre. Si un
Mds USD
léger excédent de crise a été observé en 2020, le solde est retourné 30
CLIMAT
Climat : Le Pérou est traversé par une vaste diversité de climats : la bande pacifique est largement désertique bien
qu’accueillant près des deux tiers de la population, les régions andines ont un climat qui varie selon l’altitude (tempéré
à montagnard) et la forêt amazonienne a un climat équatorial et tropical. Le pays présente de nombreuses
vulnérabilités, en premier lieu desquels l’occurrence du phénomène El Niño (hausse des températures, intensification
des précipitations, perturbation de l’activité halieutique), dont les effets sur l’activité sont estimés à 0,5 point de PIB en
2023 puis à 0,6 point en 2024 par la BCRP. Le Pérou est, plus globalement, affecté par le déréglement de ses cycles
hydrologiques, comme l’illustrent les dégâts occasionnés par la saison des pluies et le cyclone Yaku début 2023 (près
de 100 morts), ayant indirectement conduit à une épidémie de dengue. La hausse des températures et le rapide recul
des glaciers devraient, en outre, accentuer les tensions pour l’approvisionnement en eau entre les populations des
régions les plus arides, le secteur minier, l’agriculture et les barrages hydroélectriques. Enfin, les populations et activités
concentrées le long de la zone cotière de plus de 2000 km sont menacées par la montée du niveau marin.
Transition bas-carbone : Les Péruviens ont émis 5,4 tonnes La déforestation est – de loin – la
d’équivalent CO2 par habitant en 2020, un niveau inférieur de 12 % première cause d’émission de GES
à la moyenne mondiale. Si le mix énergétique est issu à 71 % de Industries
3%
ressources fossiles (gaz naturel domestique promu par les autorités Autres
9%
notamment), le principal secteur émetteur est – de loin – la
Déchets
déforestation, induite notamment par certaines cultures agricoles 6%
(cacao, café). Bien qu’énergivore et polluant, le secteur minier Electricité Utilisation
présente des perspectives très favorables car plusieurs métaux et 7%
Emissions de des sols et
GES en 2020 : agriculture
minerais exportés sont essentiels à la transition bas-carbone 180 MteqCO2 47%
mondiale (cuivre et lithium en particulier), faisant de celle-ci une Transport
source d’opportunité majeure. En matière de politique climat, le 14%
158
3. ORIENT
159
160
Fiche risque pays ISR/ECO – novembre 2023
Justine Mélot
Albanie (melotj@afd.fr)
Risque pays : RP3a Risque souverain : RC4a Risque T&C : 2 crans (éq. BB)
Le risque pays et le risque souverain sont élevés. En avril 2021, le parti socialiste d’Albanie du Premier ministre Edi Rama
a remporté les élections législatives pour la troisième fois consécutive, malgré les atteintes croissantes à la liberté de la
presse témoignant d’un affaiblissement des contre-pouvoirs. Si la corruption et le crime organisé sont encore très
répandus, les réformes adoptées en matière de système judiciaire et de processus électoral ont permis l’ouverture en
juillet 2022 des négociations relatives à l’adhésion de l’Albanie à l’UE. Après le double choc séisme-pandémie en 2019-
20, la croissance économique a rebondi à 8,5 % en 2021, puis à 4,8 % en 2022 et devrait s’établir à 3,6 % en 2023, suite
aux effets récessifs de l’inflation et aux difficultés des partenaires commerciaux. Elle reste toutefois au-delà de son
potentiel (3,4 %), grâce aux performances records du tourisme en 2022 et 2023. Le déficit budgétaire a amorcé une
baisse (3,7 % du PIB en 2022 après 6,7 % en 2020 sous l’effet du séisme et de la pandémie) qui devrait se poursuivre en
2023 à -2,5 % grâce à la stratégie d’assainissement budgétaire adoptée par les autorités. Celle-ci a permis de réduire le
taux d’endettement public à 65,5 % du PIB en 2022 (après 75,8 % en 2020), ratio qui devrait atteindre 62,9 % en 2023. Le
besoin de financement public reste élevé, mais inférieur aux niveaux pré-crise. Les conditions de marché favorables et
l’appréciation du lek limitent les risques de refinancement et de change à moyen terme. Après avoir retrouvé son niveau
d’avant crise en 2021 (-7,7 % du PIB), le solde courant s’est redressé à -6 % du PIB en 2022 (la hausse du tourisme ayant
été compensée par le renchérissement des importations) et devrait rester stable à moyen terme. Le besoin de
financement externe demeure important (16 % du PIB en 2022) mais couvert par les IDE et le recours aux marchés
internationaux, maintenant les réserves de change à un niveau confortable (7,1 mois d’importations en 2023). Le secteur
bancaire reste bien capitalisé et relativement liquide mais il est très euroïsé et les fragilités en matière de LCB-FT
demeurent malgré la sortie de la liste grise du GAFI, d’où un risque modéré de transfert et de convertibilité.
Evolution de la note risque pays Evolution des notes risque souverain et plafond pays
Risque pays RC1
Risque souverain Plafond pays
RP1
RC2
RP2
BB BB
RC3
2b
4a 4a
BB-
RC4
RP3
3a 4b 4b
RC5
RC6
RP4
mai-15 mai-16 mai-17 mai-18 mai-19 mai-20 mai-21 mai-22 mai-23 mai-15 mai-16 mai-17 mai-18 mai-19 mai-20 mai-21 mai-22 mai-23
161
ENVIRONNEMENT POLITIQUE ET SOCIOECONOMIQUE
Contexte politique et gouvernance publique : Pendant près d’un Le niveau de vie des Albanais (USD PPA)
demi-siècle, l’Albanie a été tenue à l’écart du reste du monde par la augmente depuis le début des années 2000
dictature communiste du Parti du travail albanais d’Enver Hoxha. 20000
18000
Depuis la chute du régime et les élections multipartites de 1991, la vie 16000
politique albanaise est marquée par une certaine instabilité. Le Parti 14000
socialiste (PS) d’Albanie du Premier ministre Edi Rama a remporté les 12000
10000
élections législatives pour la troisième fois en avril 2021, malgré des taux 8000
de participation historiquement bas. Par la suite, l’accent a été mis sur 6000
connu des manifestations en 2022 déclenchées par une forte hausse 2000
0
des coûts de l’énergie et des biens alimentaires, et les tensions restent 2000 2002 2004 2006 2008 2010 2012 2014 2016 2018 2020 2022
vives avec le Parti démocratique (PD, principal parti d’opposition), qui PIB/hab en PPA ($) - PRITI
PIB/hab en PPA ($) - PRITS
conteste fréquemment la régularité des scrutins, provoquant la
PIB/hab en PPA ($) - Albanie
démission de nombreux parlementaires de l’opposition en 2019. La Sources : Banque mondiale, calculs ECO
création récente de plusieurs agences « ad hoc » de l’Etat – dont une
agence de l’information et des médias en septembre 2021 – menacent le fonctionnement des institutions et la liberté de
la presse (l’Albanie est considérée comme partiellement libre selon la classification de Freedom House). Les lacunes en
matière d’infrastructures, un cadre juridique relativement faible, la corruption (101e rang en matière de perception de la
corruption selon Transparency International), le crime organisé continuent d’entraver l’économie albanaise. Néanmoins,
le pays a pris récemment des mesures progressives pour surmonter ses obstacles structurels : les réformes visant à renforcer
l’infrastructure juridique lancées en 2016 et soutenues par l’UE, ainsi que celles concernant le processus électoral ont
permis l’ouverture des négociations d’adhésion à l’UE en juillet 2022.
Indicateurs socioéconomiques : Le PIB/habitant a été multiplié par quatre depuis les années 1990, permettant à
l’Albanie de rejoindre la catégorie des PRITS en 2019. Néanmoins, le PIB par habitant de l’Albanie était de 16 000 USD
PPA en 2021, soit le niveau le plus faible des Balkans occidentaux après le Kosovo (12 800 USD) et loin derrière le
Monténégro (22 600 USD). L’Albanie conserve le taux de pauvreté le plus élevé des Balkans occidentaux, mais ce
dernier a significativement diminué grâce au rebond post-pandémie (19,4% en 2022 contre 28,1% en 2019). Le taux
de chômage reste important, en particulier chez les jeunes (29% en 2021). Ces difficultés encouragent l’émigration
massive de ces derniers, ce qui participe à la diminution de la population active et au vieillissement de la population.
En outre, le caractère peu inclusif de la croissance n’est pas compensé par la politique sociale et de redistribution. Le
système d’imposition est peu redistributif, les impôts sur la consommation (TVA et droit d’accises) contribuant à 44%
des recettes fiscales en 2021.
croissance serait portée par une forte consommation (soutenue par 30%
les neufs premiers mois de 2023, l’Albanie a accueilli 8,3 millions de 10%
période en 2022.
Agriculture Industrie Services
Sources : INSTAT, calculs ECO
162
FINANCES PUBLIQUES
Comptes publics : La part importante d’informalité ainsi que les L’assainissement budgétaire progresse
nombreuses fraudes et exonération fiscales contribuent à un faible 2
ratio de recettes publiques / PIB (27 % en 2022, soit le plus faible des 1 34
163
COMPTES EXTERNES
Balance des paiements : La balance courante de l’Albanie est Le solde courant est structurellement déficitaire
structurellement déficitaire en raison d’une base exportatrice très mais s’inscrit en baisse
étroite (essentiellement habillement et produits minéraux) et de sa 25
forte dépendance aux importations (pétrole, biens 20
15
d’équipements). Les exportations nettes de services et les remises 10
de migrants ne suffisent pas à combler l’important déficit 5
commercial (15% du PIB en moyenne entre 2015 et 2020), mais le 0
-5
développement du secteur touristique a tout de même contribué -10
à réduire le déficit courant depuis 2008. La reprise de la demande -15
italienne et du tourisme régional a permis à ce dernier de s’établir -20
-25
à 6 % du PIB en 2022 (la hausse du tourisme ayant été compensée -30
par renchérissement des importations de biens). Il devrait rester -35
stable à moyen terme, Les arrivées de touristes étrangers ont atteint -40
Biens (% du PIB)
un niveau record de 5,2 millions entre janvier et juillet 2023, soit une Services (% du PIB)
Revenus et transferts courants (% du PIB)
augmentation de 31 % par rapport à la même période en 2022 (et Solde du compte courant (% du PIB)
contre un total de 3,3 millions pour la même période en 2019). Le Sources : FMI, calculs ECO
besoin de financement externe (BFE) représentait 16% du PIB en
2022 et devrait rester proche de ce niveau à moyen terme. Celui-ci est couvert essentiellement par les entrées d’IDE
(65% du BFE entre 2018 et 2022) et, dans une moindre mesure, par des émissions sur les marchés internationaux (20%
du BFE sur la même période).
Soutenabilité et liquidité externes : Après avoir augmenté durant la pandémie (69,1% du PIB en 2020) en lien avec la
forte dépréciation du lek, la dette extérieure totale est redescendue à 56,6% du PIB en 2022, grâce au raffermissement
de la monnaie. Elle reste majoritairement détenue par les bailleurs multilatéraux et les agences de développement
bilatérales même si la part de la dette commerciale devrait augmenter. La dette externe atteindrait 57,9 % du PIB en
2023 avant de descendre à 55,6 % en 2024. Les réserves de change demeurent confortables et couvraient 6,3 mois
d’importations fin 2022. Ces dernières augmenteraient légèrement à 7,1 mois et 6,6 mois d‘importations
respectivement en 2023 et 2024 selon le FMI. L’importance du déficit courant structurel et de la dette externe ainsi que
la forte euroïsation du secteur financier nécessitent de conserver des réserves abondantes.
Transfert et convertibilité : L’Albanie présente un degré d’ouverture commerciale modéré (30 %), des indicateurs de
gouvernance plutôt dégradés et un déficit structurel de sa balance courante. Toutefois, le compte financier demeure
globalement ouvert, le pays n’imposant pas de restrictions majeures sur la convertibilité de la devise et peu sur les flux
de capitaux. En outre, les aspirations du pays à rejoindre l’UE ne laissent pas présager de durcissement en la matière.
Le régime de change de flottement administré est jugé crédible et la Banque centrale n’intervient sur le marché des
changes qu’en cas de forte variation du taux de change.
CLIMAT
Climat : C'est principalement à travers le secteur agricole et sa Les émissions de GES sont dominées par
dépendance à l’hydroélectricité que l'Albanie subit les effets du l’énergie et l’agriculture
changement climatique. L'augmentation des températures 10
moyennes et la fréquence accrue des phénomènes
8
météorologiques extrêmes risquent de peser lourdement sur le
secteur agricole, qui est très fragmenté et ne dispose pas des 6
réchauffement climatique risque de peser lourdement sur la Sources : FMI (CCID), calculs ECO
balance commerciale du pays. *Utilisation des terres, changement d’affectation des terres et forêts
164
Fiche risque pays ISR/ECO – novembre 2023
Gaëlle Balineau
Arménie (balineaug@afd.fr)
Risque pays : RP3c Risque souverain : RC4a Risque T&C : +1 cran (éq. BB-)
Le risque pays est élevé. En septembre 2023, l’Azerbaïdjan a envahi victorieusement le Haut-Karabakh, mettant un
terme à la série d’affrontements avec l’Arménie qui durait depuis 2020, les deux Etats se disputant ce territoire non
reconnu par la communauté internationale depuis le début du 20ème siècle. Une partie des Arméniens considère
que Nikol Pachinian, Premier ministre au pouvoir depuis 2018 et la « révolution de velours », a abandonné le territoire.
Il n’a par ailleurs pas reçu d’aide de la Russie, garante du cessez-le-feu entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan depuis 2020.
La contestation est néanmoins en sourdine pour le moment, les habitants étant concentrés sur l’accueil de 100 000
réfugiés (3,4 % de la population). Les tensions restent vives avec l’Azerbaïdjan et la Turquie, Aliev et Erdogan
souhaitant réunir leurs Etats via le corridor de Zanguezour au sud de l’Arménie. Le risque souverain demeure élevé.
L’afflux de migrants Russes depuis 2022 a eu des effets positifs : croissance à 12,6 % en 2022 et 7 % en 2023,
appréciation du dram, diminution du ratio dette publique sur PIB de 63,5% en 2020 à 49,6 % en 2023. Combinés aux
améliorations récentes des finances publiques obtenues dans le cadre du programme FMI (Stand-by Arrangement
2019-2022, renouvelé en décembre 2022), ils ont conduit Fitch et S&P à améliorer la note souveraine de B+ à BB- à
l’été 2023. La situation demeure toutefois fragile à cause du coût lié à l’accueil des réfugiés du Haut-Karabakh, qui
pèsera à moyen terme sur les finances du gouvernement. Le pays a réalisé un excédent courant en 2022, en lien
avec l’effet positif de la hausse des recettes touristiques et de celle des exportations vers la Russie. Les réserves en
devises couvrent 4,5 mois d’importations, un niveau adéquat selon le FMI. Quoiqu’il s’atténue, le risque de transfert
et convertibilité reste élevé du fait d’une vulnérabilité externe structurelle importante : déficit structurel du compte
courant, dette externe à 78 % du PIB et 146 % des exportations en 2022, forte dollarisation du système bancaire.
Evolution de la note risque pays Evolution des notes risque souverain et plafond pays
Risque pays Risque souverain Plafond pays
RC1
RP1
RC2
RP2
RC3
BB-
4a
3a
RC4
RP3
RC5
3c
RP4
RC6
mai-15 mai-16 mai-17 mai-18 mai-19 mai-20 mai-21 mai-22 mai-23 mai-15 mai-16 mai-17 mai-18 mai-19 mai-20 mai-21 mai-22 mai-23
165
ENVIRONNEMENT POLITIQUE ET SOCIOECONOMIQUE
Contexte politique et gouvernance publique : L’Arménie est au
Un statut de PRITS depuis 2017
carrefour de trois anciens empires, et les tensions géopolitiques
associées pèsent sur la stabilité du pays. L’Azerbaïdjan et l’Arménie 100% 6 000
166
FINANCES PUBLIQUES
Comptes publics : Le solde budgétaire est structurellement
déficitaire (-3 % du PIB en moyenne en 2010-19) mais reste contenu Un solde budgétaire structurellement déficitaire
hors périodes de crise. La crise du Covid-19 et la guerre dans le 40 0
Haut-Karabakh ont entrainé une augmentation des dépenses en -2
30
2020 et 2021 et un déficit autour de 5 % du PIB. En 2022, en lien avec
-4
l’afflux de réfugiés russes, une amélioration du déficit budgétaire à 20
2,1 % du PIB a été enregistrée (hausse des recettes tirées des impôts -6
167
COMPTES EXTERNES
Balance des paiements : Le compte courant est structurellement La réduction du déficit courant est surtout due
déficitaire du fait du déficit commercial. Avec une diaspora aux réexportations vers la Russie
arménienne estimée à 7 millions de personnes, les envois de fonds 3000 0
représentent environ 10 % du PIB. En 2022, le déficit courant s’est 2500 -5
transformé en très léger excédent à 0,8 % du PIB (après -3,5 % du 2000
-10
PIB en 2021), effet positif de la hausse des transferts, des recettes 1500
touristiques et des exportations (vers les pays de l’UE mais aussi et 1000
-15
surtout les réexportations vers la Russie) qui ont permis de 500 -20
courant devrait revenir à un léger déficit en 2023 (-1,4 % du PIB). Le Solde commercial, % du PIB, éch. droite
déficit courant est traditionnellement couvert par les entrées d’IDE Solde courant, % du PIB, éch. droite
(3 % du PIB en 2022) et dans une moindre mesure par des emprunts
de l’Etat. Sources : CNUCED
3,25
du PIB en 2022 et devrait atteindre ~6-9 % du PIB d’ici 2027. Il est 440
2,75
couvert essentiellement par les financements des bailleurs 460 Sept-Nov 20 - 2,25
Guerre des 44
bilatéraux et multilatéraux. En 2021, les réserves se sont 480
Juil-20 - Début des
jours 1,75
1,25
reconstituées grâce à une reprise des IDE, à l’émission d’un
500 tensions avec Fév 22- Début
l'Azerbaidjan de la guerre en 0,75
520
eurobond (750 M USD), à l’allocation supplémentaire de DTS du Ukraine
0,25
540
FMI (176 M USD) et aux décaissements du FMI dans le cadre du SBA -0,25
mars-18
mai-18
juil.-18
nov.-18
mars-19
mai-19
juil.-19
nov.-19
mars-20
mai-20
juil.-20
nov.-20
mars-21
nov.-21
mars-22
mars-23
mai-21
juil.-21
mai-22
juil.-22
nov.-22
mai-23
juil.-23
janv.-18
janv.-19
janv.-20
janv.-21
janv.-22
janv.-23
sept.-18
sept.-19
sept.-20
sept.-21
sept.-22
sept.-23
(72 M USD). Les opérations de change de la CBA (achats de
devises) ont soutenu la valeur des réserves en 2022, estimées à 3,9 Réserves totales en mds USD, ech.d Taux de change (USD/Dram), ech. g
mois en 2023 soit un niveau adéquat selon le FMI (151 % de la Transferts nets, 10aine mns USD, ech. g
Transfert et convertibilité : Le régime de change est flexible, et l’Arménie n’impose pas de mesures de restrictions
concernant le transfert et la convertibilité des capitaux. Cependant, l’instabilité actuelle de la position externe, la forte
dollarisation du secteur bancaire, et la position affaiblie de Pachinian, qui dirige l’Arménie depuis cinq ans seulement,
après une longue dérive autoritaire de ses prédécesseurs au pouvoir, plaident pour un maintien du risque de T&C dans
la catégorie élevée.
CLIMAT
Climat : Le niveau d’émissions de GES par habitant (2,4 tCO2eq) Evolution de la vulnérabilité et de la
est trois fois moins élevé que la moyenne mondiale. Les politiques préparation de l’Arménie au changement
d’atténuation sont ambitieuses mais réalistes, l’objectif de climatique entre 2002 et 2021
réduction de 40 % par rapport au niveau de 1990 bénéficiant de
la désindustrialisation et de l’émigration massives. Les transports et
l’agriculture sont les secteurs les plus émissifs, le dernier étant
également exposé au changement climatique, notamment à
cause d’un système d’irrigation vieillissant et d’une politique
d’adaptation pas assez ciblée. Sur 185 pays, ND GAIN place
l’Arménie au 138ème rang le plus vulnérable, et 55ème pays le plus
prêt au changement climatique. Les risques de stress hydrique et
de montée des températures, affectant les rendements agricoles
et la santé, sont les plus importants.
168
Fiche risque pays ISR/ECO – novembre 2023
Laura Marie
Azerbaïdjan (mariel@afd.fr)
Risque pays : RP3b Risque souverain : RC3b Risque T&C : 1 cran [éq. BB+]
Le risque-pays est élevé. L’Azerbaïdjan est un ancien pays du bloc soviétique, stratégiquement situé dans le sud-
Caucase. Le pays dispose respectivement des 20 ème et 25ème réserves mondiales (découvertes) de pétrole et de
gaz, qui ont fortement accéléré son développement économique, depuis l’entrée en opération de l’oléoduc
Bakou-Tbilissi-Ceyhan en 2005. Le pays est fortement tributaire de l’évolution des cours du pétrole et du gaz, tandis
que la production de pétrole est en baisse depuis 2010, faisant de l’enjeu de la diversification de l’économie un défi
central pour sa stabilité macro-économique, d’autant que les risques associés à la transition vers un modèle bas-
carbone sont très élevés. Se caractérisant par un régime autocratique concentré entre les mains de son président,
I. Aliyev, la position géopolitique du pays se structure autour i) de son conflit militaire larvé depuis la chute de l’URSS
avec l’Arménie, qui s’est récemment soldé par la victoire de l’Azerbaïdjan après une offensive éclair sur le territoire
du Haut-Karabakh ii) de la poursuite de ses intérêts commerciaux visant à faire du pays un axe de transit entre
l’Europe, l’Asie et le Moyen-Orient et un partenaire énergétique central en substitut de son voisin russe, notamment
de l’UE. Le risque souverain est assez élevé. Les passifs contingents associés aux très nombreuses entreprises et
banques publiques représentent un risque pour les finances publiques, tandis que la dépendance extrême du pays
et de ses équilibres extérieurs au secteur de l’énergie l’expose à une forte cyclicité : le pays s’est néanmoins
réengagé en 2022 dans une consolidation budgétaire afin d’avoir moins recours aux transferts du SOFAZ (State Oil
Fund of Azerbaïdjan), le fonds souverain qui assure un rôle contra-cyclique grâce à sa base d’actifs estimés à 63%
du PIB. Les risques de solvabilité et de liquidité apparaissent ainsi modérés. Enfin, le risque de transfert et convertibilité
est élevé en raison du manque de prédictibilité et de bonne gouvernance de ses institutions publiques.
Evolution de la note risque pays Evolution des notes risque souverain et plafond pays
2c
RC2
BB+
RP2
RC3
3a 3b
3a
RC4
RP3
3b
RC5
RP4
RC6
mai-15 mai-16 mai-17 mai-18 mai-19 mai-20 mai-21 mai-22 mai-23 mai-15 mai-16 mai-17 mai-18 mai-19 mai-20 mai-21 mai-22 mai-23
169
ENVIRONNEMENT POLITIQUE ET SOCIOECONOMIQUE
Contexte politique et gouvernance publique : L’Azerbaïdjan, Après cinq années de forte expansion, le niveau
indépendant depuis 1991, est un régime autoritaire dont le pouvoir de vie relatif de l’Azerbaïdjan décline puis stagne
reste fortement concentré entre les mains d’Ilham Aliyev, président depuis 2014
depuis 2003, après avoir succédé à son père, Heydar Aliyev. Sa
350 20000
victoire et celle de son Parti du Nouvel Azerbaïdjan aux élections
300
présidentielles et législatives, qui doivent se tenir en 2025, sont
15000
données comme certaines. La récente approbation du Ministère de 250
la Justice en faveur de l’inscription de trois partis d’opposition sur les 200
listes électorales, après un premier refus, marque une certaine 150
10000
1990
1992
1994
1996
1998
2000
2002
2004
2006
2008
2010
2012
2014
2016
2018
2020
2022
intensifié en septembre 2020, s’est soldé par une victoire de PIB par habitant PPA (USD courants - éch. droite)
PIB par habitant (PPA) Azerbaïdjan / PRITI (%)
l’Azerbaïdjan à la suite d’une offensive éclair, conduisant à l’exil de PIB par habitant (PPA) Azerbaïdjan / PRITS (%)
100 000 Arméniens qui occupaient ce territoire historiquement Sources : calculs ECO
contesté. Un accord de paix est en cours de négociation, mais les
discussions entre les deux pays visant à relier l’exclave du Nakhitchevan au territoire azerbaïdjanais (via le corridor de
Zangezur) et permettant de relier la Turquie, pourraient mener à une nouvelle montée des tensions. Plus largement,
l’Azerbaïdjan, plaque tournante entre l’Asie, l’Europe et le Moyen-orient, tire profit de sa position géostratégique et
entretient des relations commerciales tant avec la Russie, ses voisins iranien et turc, que la Chine et l’Union européenne,
partenaire commercial de plus en plus important.
Indicateurs socioéconomiques : Suite à l’ouverture de l’oléoduc Bakou-Tbilissi-Ceyhan en mai 2005, le RNB par habitant
du pays a triplé entre 2005 et 2022 lui permettant d’accéder à la catégorie des pays à revenu intermédiaire de la tranche
supérieure, de voir les salaires réels croître de 11% par an entre 2000 et 2013 et d’assister à une forte réduction du taux de
pauvreté, passant de 49% à 6% au seuil national sur la même période (5,9% en 2021). Cependant, le ralentissement de
la croissance depuis une décennie et les effets des crises successives depuis 2020, qui ont généré de l’inflation et affecté
le pouvoir d’achat des ménages, contribuent à ralentir le rythme de développement du pays. De nouvelles sources de
croissance devront être trouvées à terme.
des efforts de diversification économique portés par les autorités. Sources : FMI (WEO), calculs ECO
170
FINANCES PUBLIQUES
Comptes publics : Les autorités ont rétabli en 2022 la règle fiscale (temporairement écartée durant le Covid-19) visant
à encadrer le solde primaire non pétrolier (cible de -17,5% du PIB à horizon 2026, contre -22,7% en 2022) et à maintenir le
ratio de la dette publique au PIB en dessous de 30% (contre 20% dans la précédente règle fiscale). Cette règle vise
également à limiter les transferts directs du SOFAZ au budget de l’Etat, qui entravent le pilotage transparent et prédictible
de la politique budgétaire. Les autorités ont dégagé un solde budgétaire largement excédentaire en 2021 et 2022, et
légèrement positif en 2023, profitant des larges revenus permis par une hausse des cours du pétrole. Les recettes
provenant du pétrole - à travers le SOFAZ- représentent environ 50% des revenus du gouvernement. Ces transferts ont
contribué à une augmentation significative des dépenses d’investissement public jusqu’à 2015. Les recettes fiscales hors
énergie demeurent faibles, et représentaient seulement 11% du PIB en 2021 (pour plus de la moitié de la TVA). La
reconstruction du Haut-Karabakh sera une priorité budgétaire pour le gouvernement azerbaïdjanais (2,25 Mds USD
alloués pour l’année fiscale 2024, soit ~4% du PIB).
Endettement public : Le manque de transparence statistique sur la dette publique complexifie l’analyse. La dette publique
totale représentait 20,5% du PIB en 2022, contre 26,3% en 2021. Ce ratio a connu des hausses importantes dans la période
récente mais reste à un niveau très modéré. S’élevant à 5,9% du PIB en 2010, il a doublé entre 2014 et 2015, sous le poids du
choc pétrolier et de la dévaluation du manat qui en a suivi, générant faible croissance et hausse de la valeur d’une dette
alors presque exclusivement libellée en dollar. La croissance du taux d’endettement s’est poursuivie avec les dépenses
conséquentes de l'État pour le champ gazier de Shah Deniz II, et le sauvetage de la grande banque d'État IBA en 2017 dont
les obligations ont été converties en obligations souveraines. Afin d’assainir les comptes publics, le gouvernement a mis en
place un fonds de prévoyance hors budget pour effectuer les paiements de la dette garantie tout en fournissant une marge
de crédit aux entreprises d’État confrontées à des difficultés de paiement. Parallèlement, la société Azerbaijan Investment
Holding (AIH), crée en 2020, doit permettre le placement sous tutelle d’entreprises publiques. La dette publique est
principalement externe et cette part représenterait 13,8% du PIB à fin 2022, détenue à 88% en USD en juillet 2023. La grande
majorité de la dette publique (externe comme domestique) est due à moyen et long termes.
Un solde budgétaire fluctuant au gré du prix de Le niveau de dette publique demeure contenu mais
l’énergie l’économie, fortement dirigiste, est vulnérable à des
chocs sur les passifs contingents
20 120 60
Solde budgétaire global (% PIB) Passifs contingents et garanties publiques (% PIB)
Recettes budgétaires (% PIB) 110 Dette publique domestique (% PIB)
Dépenses publiques (% PIB) Dette publique externe (% PIB)
15 50 Dette publique (% PIB)
Cours du Brent (indice, USD), éch. D 100
90
10 40
80
5 70 30
60
0 20
50
40
-5 10
30
-10 20 0
2005 2007 2009 2011 2013 2015 2017 2019 2021 2023 2005 2007 2009 2011 2013 2015 2017 2019 2021 2023
Sources : FMI, calculs ECO Sources : FMI, EIU, calculs ECO, *pas de données sur les passifs
contingents pour 2022-23
171
COMPTES EXTERNES
Balance des paiements : Le pétrole et le gaz représentent 88% des Amélioration du comte courant au gré de
exportations. Ces ressources permettent à l’Azerbaïdjan d’afficher l’évolution du cours de Brent
un excédent structurel de son compte courant, mais l’exposent
150
également à la variation de la demande mondiale et des cours, Balance des revenus (% du PIB)
Balance des services (% du PIB)
comme illustré en 2015, 2016 et en 2020. L’excédent courant atteint 40% Balance commerciale (% du PIB)
Solde du compte courant (% du PIB)
29,8% du PIB en 2022, mais devrait légèrement décliner en 2023 (Fitch, Cours du Brent (indice, USD), éch. D
FMI), et demeurer fragile à moyen terme compte-tenu de la sensibilité 100
aux chocs externes. Il devrait cependant continuer d’alimenter les 20%
actifs souverains nets du pays, projetés à 100% du PIB d’ici 2025 par le
FMI. La dynamique exportatrice du pays dépendra également de la
50
santé financière de ses principaux partenaires, notamment la 0%
Turquie et l’Italie. Compte-tenu du faible développement financier
domestique et malgré les entrées d’IDE orientés vers le secteur des
hydrocarbures, les flux nets d’IDE et de portefeuille sont négatifs -20% 0
depuis 2020, alimentant un compte de capital et financier négatif 2012 2014 2016 2018 2020 2022
Soutenabilité et liquidité externes : Les importants excédents de la balance courante sur la période 2006-2014 (~23% du
PIB) ont permis l’accumulation de larges réserves de change, qui atteignent 9,8 Mds USD (~12,7% du PIB et environ 8,7
mois d’importations) à septembre 2023. Combinées aux actifs liquides de la SOFAZ (~63% du PIB), le tampon de liquidité
du pays équivaut à 35 mois d'importations, ce qui limite le risque de crise de liquidité externe. Ces larges réserves
permettent d’assurer le maintien du peg avec le dollar US. Les données sur la dette externe privée ne sont pas disponibles,
tandis que la dette publique externe (incluant les garanties publiques) du pays s’établirait à 34,2% du PIB en 2022 (FMI),
moins élevée qu’en période pré-Covid-19 (47,2% en 2019) et détenue à parts égales entre créanciers privés et créanciers
bi- et multilatéraux.
Transfert et convertibilité : L’économie azerbaïdjanaise est relativement ouverte (taux d’ouverture commerciale à 38%
du PIB) et encourage l’entrée d’IDE, notamment dans le secteur pétrolier. L’ancrage du manat au dollar défendu par
la CBA est crédible, conforté par la position de liquidité externe très favorable du pays. Sa position extérieure demeure
néanmoins très vulnérable à l’évolution des cours des hydrocarbures, qui représentent 90% des recettes d’exportation.
D’autre part, le manque d’indépendance institutionnelle, de prévisibilité des politiques et de clarté des mandats de la CBA
pèsent sur l’appréciation de la qualité de sa gouvernance publique.
CLIMAT
Climat : Le pays, s’il est exposé au changement climatique (crues, Les émissions de GES liées à l’énergie
glissement de terrain, feux de forêts, chaleur extrême), dispose (hydrocarbures) représentent près de 80% des
néanmoins d’un bon niveau de résilience et de préparation émissions (2012)
d’après le classement ND-Gain et d’une importante manne Transport
Agriculture
pétrolière/gazière (actifs souverains) pour financer sa stratégie
d’adaptation. En particulier, tandis que près de la moitié de la 13%
18%
population dépend de l’agriculture, la résilience du secteur aux
épisodes climatiques extrêmes (développement de systèmes Déchets
d’irrigation etc.) apparaît cruciale. 4%
gaz à effet de serre (GES) par tête relativement modéré (5,45 35%
tCO2eq/hab). Les secteurs de production et de transformation du
pétrole et de gaz, ainsi que le secteur électrique, sont la principale
Reste énergie 23%
source d’émissions de GES du pays. Le secteur de l’agriculture est
le troisième secteur le plus émissif du pays du fait des activités Electricité
172
Fiche risque pays ISR/ECO – novembre 2023
Maxime Terrieux
Bangladesh (terrieuxm@afd.fr)
Risque pays : RP3b Risque souverain : RC3c Risque T&C : 1 cran (éq. BB)
Le risque pays, élevé, apparaît relativement stabilisé ces derniers mois, mais les risques sont baissiers. Les tensions
importantes sur la balance des paiements, nées en 2022, persistent, avec une diminution continue des réserves de
change (-48% en deux ans). Ces tensions ont conduit les autorités à l’instauration de mesures restrictives qui illustrent
un risque de T&C élevé. Une stratégie organisée de compression d’importations non-essentielles et de délestages
devrait contribuer à améliorer la position externe dès 2023, mais pèsera sur la croissance. Celle-ci, également
affectée par une inflation élevée (consommation en baisse) et un ralentissement de la demande externe, a ralenti
à 6% au FY2023, sous son potentiel (7%). Ce contexte économique difficile alimentera les risques de troubles sociaux
qu’attisera l’opposition à l’approche des élections législatives de janvier 2024. Les risques de débordement semblent
toutefois contenus par un soutien d’ensemble de la population au pouvoir en place depuis 2007. Les autorités
devraient donc très vraisemblablement poursuivre la mise en œuvre de politiques macroéconomiques prudentes,
appuyées par un programme FMI lancé en janvier 2023 (FEC+MEDC de 3,3 Mds USD sur 42 mois). Outre la
restauration des équilibres externes, le programme se concentre sur la mobilisation des recettes publiques, principale
faiblesse d’un profil souverain dont le risque est globalement maîtrisé, mais reste assez élevé. Le risque souverain a
légèrement augmenté ces derniers mois avec les vulnérabilités externes, mais est à relativiser compte tenu du
soutien continu des bailleurs et d’un service de la dette publique externe qui reste largement abordable. Le
programme s’attache également à réduire les fragilités d’un système bancaire plombé par des banques publiques
sous-capitalisées et dont le taux de PNP à deux chiffres est en hausse. Enfin, une ligne RSF du FMI de 1,4 Md USD
devrait aider à donner plus de corps à une politique ambitieuse de lutte contre le changement climatique.
Evolution de la note risque pays Evolution des notes risque souverain et plafond pays
RC2
RP2
BB
3c
RC3
3b
RC4
RP3
RC5
RP4
RC6
mai-15 mai-16 mai-17 mai-18 mai-19 mai-20 mai-21 mai-22 mai-23 mai-15 mai-16 mai-17 mai-18 mai-19 mai-20 mai-21 mai-22 mai-23
173
ENVIRONNEMENT POLITIQUE ET SOCIOECONOMIQUE
Contexte politique et gouvernance publique : Marqué par un
historique violent, le Bangladesh a vu le retour de la démocratie Des avancées socioéconomiques significatives sur
trois décennies
en 1991. Dominée par deux grands partis – Bangladesh Nationalist
Party (BNP) et Awami League (AL), la vie politique a longtemps été 60 6
polarisée, menaçant régulièrement la stabilité du pays. Désormais, 50 5
l’AL, au pouvoir depuis 2007 et vainqueur des trois dernières 40 4
élections législatives, a un contrôle ferme sur la vie politique et la 30 3
polarisation n’existe de facto presque plus. Le parti, enclin à une
20 2
dérive autoritaire graduelle, devrait ainsi maintenir sa mainmise sur
10 1
le pouvoir jusqu’aux prochaines élections législatives en janvier
2024, bénéficiant de bons résultats économiques, d’un clientélisme 0 0
pour atteindre l’objectif de devenir un PRITS d’ici 2031, de nombreux Sources : FMI (WEO), calculs ECO
verrous devront être levés : amélioration d’un environnement des
affaires toujours plombé par la faiblesse de la gouvernance (23e
Une croissance d’abord portée par la
centile le plus faible des indicateurs BM) et la corruption, hausse de consommation privée
la productivité (éducation, investissement en infrastructures),
12
réduction des barrières non-tarifaires, et lutte contre les effets du
10
changement climatique.
8
Régime de croissance : Le Bangladesh est l’une des rares 6
économies au monde à avoir échappé à la récession pendant la 4
crise de Covid-19 (3,4% en FY2020 puis 6,9% en FY2021), portée par 2
la rapide reprise des exportations textiles et une nette 0
augmentation des transferts de migrants (+50% en deux ans). La -2
2007 2009 2011 2013 2015 2017 2019 2021
croissance, restée robuste en FY2022 (7,1%), a ralenti à 6% au -4
FY2023, niveau autour duquel elle devrait se maintenir au FY2024. -6
La baisse de la consommation, freinée par l’inflation, et le Conso privée Conso publique
ralentissement des économies européennes et américaines (baisse Invest. en capital Solde des B et S
Taux de croissance
des exportations) sont les principales raisons de ces performances
inférieures à la croissance potentielle (~7% par an). Sources : BM (WDI), calculs ECO
174
FINANCES PUBLIQUES
Comptes publics : Avec des recettes publiques à seulement 8,6% du Le déficit public devrait se maintenir sous la
PIB en moyenne sur la décennie 2010, la pression fiscale au limite théorique de 5% du PIB
Bangladesh est une des plus faibles au monde. Cette mauvaise 2011 2013 2015 2017 2019 2021 2023
performance est imputable à l’étroitesse de l’assiette fiscale (5 millions 2 15
depuis juin 2023, du plafond par un corridor de taux, aidant également Inflation (g.a. %, éch. G)
la politique anti-inflation. Cette dernière est aussi et surtout matérialisée Taux direc te ur (%) (éch. G)
par la hausse du taux directeur de la Banque centrale de 250 pbs en Taux de change nominal (BDT/USD, éch. Dte)
cumulé depuis mai 2022 (à 7,25%). L’inflation persiste en effet à près de Sources : BB, calculs ECO
10% (g.a) en moyenne depuis plus d’un an (9,6% en septembre 2023),
principalement en raison de la hausse des cours des matières premières et de l’énergie, et de la dépréciation du taka.
Secteur financier : Si les banques privées sont saines, les banques publiques (25% de l’actif bancaire) enregistrent des
performances dégradées que la crise de Covid-19 a accentuées : sous-capitalisation, rentabilité très faible, taux de
PNP élevé (plus de 20%). La fin de l’assouplissement des règles prudentielles autorisé pendant la crise sanitaire
commence à se faire sentir, avec notamment des taux de PNP de l’ensemble des banques à 10,1% fin juin 2023 contre
8,2% fin décembre 2022 – dont un taux à 25% pour les banques publiques. Le risque induit de matérialisation de passifs
contingents pour le souverain semble toutefois contenu à ce stade (besoin de recapitalisation à moins de 1% du PIB).
Le programme FMI en cours accompagne une stratégie de résolution des PNP (meilleure classification des créances
douteuses, adoption de règles de Bâle III, nouvelles lois sur les faillites et les banques pour favoriser les recouvrements
etc.), avec un objectif de réduction du taux de PNP dans les banques publiques à moins de 10% d’ici 2026.
175
COMPTES EXTERNES
Balance des paiements : Structurellement déficitaire depuis 2017, la Un amenuisement des réserves qui n’est pas
balance courante avait bien résisté à la crise de Covid-19 (équilibre encore stabilisé
en 2020), mais se creuse tendanciellement depuis 2021. La reprise de
50 10
la demande interne, la hausse de la facture énergétique liée à la 45 9
guerre en Ukraine, et la dépréciation du taka en 2022 ont dégradé le 40 8
déficit courant à -3,5% du PIB en moyenne sur 2021-2022, et ce malgré 35 7
la solidité des exportations textiles et des transferts de migrants records. 30 6
25 5
En dépit du ralentissement des principaux marchés d’exportations
20 4
textiles (US, UE), le compte courant est en territoire positif sur les 6 15 3
premiers mois de 2023 – également aidé par les restrictions aux 10 2
importations, notamment dans l’énergie – de sorte que le FMI prévoit 5 1
0 0
désormais un léger déficit à -0,7% du PIB sur l’année. Les IDE peinant 2010 2012 2014 2016 2018 2020 2022
toujours à décoller (moins de 1% du PIB), la couverture du déficit est
traditionnellement assurée par les bailleurs, comme réitéré en 2022 et Réserves (Mds USD, é ch gauche)
Réserves (mois d'imports, éch droite)
2023 (financements BAsD, JICA, Banque mondiale en plus du FMI).
Sources : FMI (IFS), calculs ECO
Soutenabilité et liquidité externes : Alors que la bonne tenue
d’ensemble du solde courant et les financements externes avaient
permis d’accumuler des réserves de changes à un plus haut historique à mi-2021 (8 mois de couverture des
importations), la situation s’est tendue depuis. Malgré une dette externe contenue autour de 20% du PIB, le besoin de
financement externe (BFE) a augmenté mécaniquement avec la dégradation du déficit courant en 2021 et 2022
(moyenne à 4,6% du PIB sur 2020-2021 contre 8,1% projeté sur 2022-2024). Or, avec des financements externes
également en baisse, la couverture du BFE s’est fait, en 2022, aussi en piochant dans les réserves en devises. Les
inquiétudes sur la balance des paiements ont mis le taka sous pression (-24% depuis 18 mois, dont -18% entre avril et
décembre 2022), poussant les autorités à deux dévaluations en 2022, mais également à des interventions amenuisant
un peu plus les réserves de change. A fin septembre 2023, elles ont ainsi baissé de plus de 20 Mds USD (-48%) depuis
leur point haut de juin 2021, pour ne plus couvrir que 3,5 mois d’importations (contre un niveau recommandé à 5 mois
d’importations par le FMI). Dans ce contexte, le programme FMI de 4,7 Mds USD entamé début 2023 devrait contribuer
à atténuer les pressions sur la liquidité externe. Le passage à un régime de change flottant et l’unification des taux de
change, annoncés en juillet, devraient permettre d’améliorer la situation d’ici fin 2023, et contribuer à la validation de
la 1e revue du programme à l’automne. Par ailleurs, les tensions sur les réserves sont à relativiser au regard du service
de la dette externe qui reste contenu à ~25% des réserves en 2023 (10% en moyenne sur la décennie 2010).
Transfert et convertibilité : Malgré une stratégie de libéralisation des régulations de change depuis 2013, le compte
financier est relativement fermé. Jusqu’à l’été 2023, le régime de change hybride poussait la Banque centrale à des
interventions régulières. Face à l’amenuisement des réserves de change, les autorités ont instauré mi-2022 un certain
nombre de mesures restrictives : restrictions d’importations non-essentielles, ralentissement des investissements en
capital, délestages organisés, restrictions aux rapatriements de dividendes etc. Si ces mesures ne sont censées être
que transitoires, elles rappellent une prédisposition des autorités bangladaises aux contrôles de capitaux en période
de stress économique, justifiant un risque de transfert et convertibilité élevé.
CLIMAT
Climat : Régulièrement frappé par des inondations, cyclones et en
Une vulnérabilité climat élevée
proie à la hausse du niveau de la mer, le Bangladesh est à la fois très
exposé et vulnérable aux risques induits par le changement
climatique, avec des conséquences économiques importantes. Selon
l’ONU, 17% du pays pourrait être submergé d’ici 2050, et les pertes liées
aux aléas climatiques extrêmes entre 1990 et 2008 étaient estimées à
1,8% du PIB par an en moyenne (FMI, 2019). En 2021, le Bangladesh se
classait ainsi 7e pays le plus vulnérable aux effets du changement
climatique selon le Global Climate Risk Index, et 154e sur 182 au ND-
Gain Index sur la vulnérabilité. Face à ces enjeux, la politique de lutte
contre le changement climatique n’a pas encore les moyens de ses
ambitions. Les objectifs de la CDN (réduction des émissions de 6,7%
contre 4% pour les PRITI en moyenne), un cadre budgétaire « climat »,
ou encore le lancement par la Banque centrale d’une politique de
financements durables et d’une taxonomie verte, contrastent avec Source : Banque mondiale (CCDR)
des moyens et des résultats limités. En particulier, les besoins identifiés
depuis 2010 pour les politiques d’adaptation et d’atténuation sont de
l’ordre de 3 à 4% du PIB par an, mais à ce stade, seul 1% du PIB par an est consacré à ces politiques.
Transition bas-carbone : Une transition du pays vers une économie bas-carbone aurait des répercussions relativement
modérées. L’économie est suffisamment diversifiée pour supporter une transition hors des industries en déclin, qui ne
comptent que pour 16% de la production. Les finances publiques devraient quant à elles profiter d’une élimination
progressive de produits comme le charbon et le pétrole puisque les subventions au carburant pèsent pour plus de 10%
des recettes budgétaires. De même, alors que les industries en déclin ne génèrent que 3,5% des réserves en devises,
le compte courant s’améliorerait avec la réduction des importations de charbon et de pétrole.
176
Fiche risque pays ISR/ECO – novembre 2023
Laura Marie
Cambodge (mariel@afd.fr)
Risque pays : RP3b Risque souverain : RC3c Risque T&C : 1 cran (éq. BB)
Le risque pays du Cambodge est élevé. Hun Sen, qui dirigeait le pays depuis deux décennies, a cédé sa place en
tant que Premier ministre à son fils, Hun Manet, en juillet 2023. Le pays affiche des indicateurs de gouvernance et de
corruption dégradés, dans un contexte de dérive autoritaire du pouvoir se caractérisant par l’élimination officielle
des partis d’opposition et la répression des voix dissonantes. La croissance économique reprend de la vigueur depuis
la fin de la crise sanitaire (5,4% en 2023, 6,1% en 2024), soutenue par la reprise du tourisme et des exportations
manufacturières, en dépit d’un ralentissement dans les secteurs du textile et de la construction. Les équilibres
extérieurs du pays sont source de vulnérabilité : le déficit du compte courant s'est drastiquement détérioré en 2021
(48% du PIB) en lien notamment avec une flambée statistique des importations d’or, mal mesurées. Il se réduirait
progressivement en 2022-23, via la normalisation des importations et la reprise du tourisme. Le besoin de financement
externe reste couvert par les IDE, résilients, et par les réserves de changes (6,7 mois d'importations). Le secteur
bancaire est bien capitalisé et profitable, mais le boom rapide du crédit (bancaire et microfinance) au secteur
privé est un risque à surveiller, dans un contexte de détérioration de la qualité des actifs. En outre, la forte
dollarisation de l’économie impose le maintien d’un régime de change de quasi-ancrage du riel au dollar, et limite
le champ d’intervention de la politique monétaire, entrainant un risque de transfert et convertibilité élevé. Le risque
souverain du Cambodge est assez élevé. Les mesures contra-cycliques mises en place par les autorités pour faire
face aux crises (Covid-19, Ukraine) ont participé au creusement du déficit public (4,5% du PIB en 2023), mais
l’épargne publique accumulée depuis 2014 constitue un élément de confort. La dette publique, essentiellement en
devises, est en légère hausse mais demeure essentiellement concessionnelle, attendue à 35,3% du PIB en 2023.
Evolution de la note risque pays Evolution des notes risque souverain et plafond pays
RC2
RP2
BB- BB
RC3
4a
3a
3c
RC4
RP3
4b
3b
RC5
RP4
RC6
mai-15 mai-16 mai-17 mai-18 mai-19 mai-20 mai-21 mai-22 mai-23 mai-15 mai-16 mai-17 mai-18 mai-19 mai-20 mai-21 mai-22 mai-23
177
ENVIRONNEMENT POLITIQUE ET SOCIOECONOMIQUE
Contexte politique et gouvernance publique: Après plus de deux Le PIB par habitant du Cambodge a
décennies de guerre civile, qui ont fait au moins deux millions de progressé rapidement depuis le retour de la
victimes, les Accords de Paris de 1991 ont permis au Cambodge de sortir stabilité politique
de son isolement politique. Le pays est devenu une monarchie 80
parlementaire en 1993, avec Hun Sen comme Premier ministre, qui a
construit sa légitimité sur la victoire de son camp contre les Khmers 60
rouges. Le pays connaît une forte dérive autoritaire avec l’adoption de
plusieurs décisions restreignant les libertés fondamentales 40
(emprisonnements de militants syndicaux) et supprimant les principaux
partis d’opposition, tandis qu’Hun Sen a peu à peu construit un réseau 20
de favoritisme durant ses deux décennies au pouvoir. Les élections
générales de juillet 2023 ont été l’occasion pour Hun Sen de transmettre 0
le pouvoir à son fils, Hun Manet, et ont été marquées par de nombreuses
irrégularités, condamnées par l’UE, l’ONU et les Etats-Unis. Hun Sen
PIB par hab. Cambodge/PIB par hab. PRITI (%)
restera influent dans le paysage politique, prenant le poste de chef du PIB par hab. Cambodge/PIB par hab. Monde (%)
PIB par hab. Cambodge/PIB par hab. Asie du Sud (%)
PPC, qui compte désormais 120 sièges sur 125 au Parlement. Cette
transition générationnelle en marche, caractérisée par la transmission Sources : BM (WDI), calculs ECO
par les cadres historiques du parti des postes clés à leurs propres enfants, verrouille le pouvoir en place. Ces
nombreuses entraves à la démocratie ont conduit l’UE à suspendre partiellement le régime commercial préférentiel «
Tout sauf les armes » (TSA) début 2020. Le programme économique d’Hun Manet suivra le même fil conducteur que
celui de son père, articulé autour de la promotion de la croissance et de l’investissement.
Indicateurs socioéconomiques : la croissance très soutenue qu’a connue le Cambodge dans sa période de
rattrapage économique post-conflit a permis une certaine progression de ses indicateurs socio-économiques : division
par trois du taux de pauvreté (9,2% au seuil de 1,9 USD/jour PPA en 2021), hausse des salaires, etc. Néanmoins, le pays
présente un IDH très faible (146ème rang mondial) et les inégalités s’accroissent (l’indice de Gini a augmenté de 29,9
en 2014 à 32,2 en 2019). L’informalité est également très élevée, concernant ~80% des emplois cambodgiens. De
nombreux défis demeurent, en matière d’éducation et d’intégration des nouveaux entrants sur le marché du travail
(1/3 de la population a entre 15 et 29 ans). Les indicateurs de transparence, de corruption et d’environnement des
affaires sont structurellement faibles et la crise Covid-19 a permis au pouvoir d’introduire de nouvelles mesures
restrictives.
MODELE ECONOMIQUE ET REGIME DE CROISSANCE
Modèle économique : Depuis 1991, le Cambodge a bénéficié d’un La part de l’emploi vulnérable a reculé, en
rythme de croissance dynamique de plus de 7% en moyenne, multipliant même temps que l’emploi agricole
son PIB par habitant par 3,5 entre 1993 et 2018. Essentiellement agricole 100
au début des années 1990, le pays a progressivement libéralisé son
économie, lui permettant d’attirer les investisseurs étrangers et 80
d’amorcer une transformation structurelle. Dans un premier temps,
l’industrie manufacturière s’est développée sous l’impulsion de la filière 60
textile (18% du PIB en 2022) qui a bénéficié de la faiblesse du coût du
travail et d’un accès privilégié à ses principaux marchés d’exportations 40
(Etats-Unis en tête, UE, en recul). Plus récemment, le secteur de la
Part de l'emploi dans le secteur industriel
construction (10% du PIB en 2018) et le secteur de l’électronique ont tiré 20 Part de l'emploi dans le secteur des services
la croissance du secteur secondaire, tandis que le boom des activités Part de l'emploi dans le secteur agricole
Part de l'emploi vulnérable/emploi total
bancaires et le dynamisme du tourisme (5% du PIB) ont contribué aux 0
bonnes performances du secteur tertiaire (39% du PIB). Le plan de
développement industriel 2015-2025 vise à diversifier l'industrie au-delà
du textile en augmentant la productivité et les compétences. Sources : Banque mondiale (WDI), calculs ECO
Régime de croissance : Alors que la croissance de cette économie La croissance économique continue sa reprise
extravertie est restée vigoureuse au cours de la période récente, le pays en 2023
a été assez touché par la crise Covid-19 (contraction du PIB de 3,1% en 15
la Banque centrale sont limitées (ressources humaines contraintes, Sources : NBC, calculs ECO
adoption progressive de Bâle III, absence de fonds de garantie des
dépôts, déficit de cadre de résolution), la croissance rapide du crédit bancaire constitue un point à surveiller car elle
peut générer des risques macro-financiers. L’actif bancaire a atteint 232% du PIB en 2021, tandis que les institutions de
microfinance avaient des actifs s’élevant à 37,1% du PIB. Depuis 2011, le crédit au secteur privé a connu une
croissance soutenue (20% par an en moyenne, qui tend à décélérer légèrement, à ~8% en g.a en août 2023)
atteignant près de 170% du PIB à fin 2021. La croissance du crédit a bénéficié à l’ensemble des secteurs de l’économie,
même si les secteurs de l’immobilier, de la construction et des hypothèques représentent à eux trois environ 1/3 du
portefeuille de prêts. Le commerce a aussi pris de l’ampleur et représente 26% de l’encours total de prêts. Un risque
de surchauffe existe dans ces principaux secteurs. Les institutions de microfinance, très actives dans le paysage
financier du pays ont octroyé 16,2% de l’encours de crédit en 2021, et ne sont plus exclusivement sur des prêts
productifs. Les ratios bilanciels font état d’un secteur bancaire globalement sain et solvable. Le taux de prêts non
performants, bien que probablement sous-estimés, va croissant (4,6% des prêts totaux en août 2023), tandis que le
taux de provision des PNP demeure insuffisant. La dispersion des acteurs limite a contrario les risques systémiques. Le
pays est sorti de la liste grise du GAFI en février 2023.
179
COMPTES EXTERNES
Balance des paiements : Le Cambodge est fortement intégré dans Le solde courant, structurellement déficitaire, se
les chaînes de valeur mondiales et bénéficie de nombreux accords réduirait en 2023
commerciaux. Le solde courant de la balance des paiements du 20
Cambodge est structurellement déficitaire, en raison du déficit de la
10
balance des biens, les exportations de textile nécessitant de
nombreux biens de consommation intermédiaires (intrants 0
chimiques, etc.). Ce déficit n’est que partiellement compensé par
-10
l’excédent de la balance des services et les transferts des migrants.
Le déficit du compte courant s’est réduit en 2020 (8,7% du PIB), avec -20
la compression des importations et la hausse des exportations d’or. Il
-30
s’est creusé à nouveau, à un niveau historique en 2021 (48% du PIB),
Services (% du PIB)
résultant majoritairement d’une augmentation significative des -40 Biens (% du PIB)
importations d’or. Ces dernières auraient été comptabilisées, tandis Solde du compte courant (% du PIB)
Revenus et transferts courants (% du PIB)
que les réexportations seraient passées par des canaux informels. En -50
CLIMAT
Climat : Le Cambodge et son important secteur agricole sont très Les émissions de GES sont portées par le
vulnérables au changement climatique, et notamment aux risques secteur UTCATF et l’agriculture
d’inondations, de sécheresses et de tempêtes. S’il n’est pas le plus
exposé de la région (50ème selon l’indice ND-Gain), sa capacité Agriculture
d’adaptation est très faible (164ème rang) et les efforts déployés afin
de lutter contre la déforestation ne sont pas à la hauteur de l’enjeu. Déchets
34%
Selon la BAD, les tendances projetées du changement climatique Industrie 42%
indiquent des inondations et sécheresses plus graves qui affecteraient
le PIB du Cambodge de près de 10% d'ici 2050. Electricité
180
Fiche risque pays ISR/ECO – novembre 2023
Sylvain Bellefontaine
Chine (bellefontaines@afd.fr)
Le risque pays et le risque souverain sont faibles à court et moyen terme mais suscitent des interrogations à plus long
terme, quand le risque de transfert et convertibilité demeure très élevé, compte tenu des contrôles de capitaux et
de change et de la mainmise du pouvoir central sur la politique monétaire et financière. Poids lourd économique,
démographique et géopolitique, la Chine est l’une des deux économies systémiques mondiales avec les Etats-Unis.
Affecté conjoncturellement par la sortie tardive de la politique « zéro-covid » et une crise immobilière inédite, le
modèle de croissance chinois semble, plus structurellement, atteindre ses limites et être confronté à une triple
transition économique, démographique et énergétique, en plus de la reconfiguration géoéconomique mondiale.
Au-delà du ralentissement du rythme de la croissance, le modèle économique fondé sur l’investissement public et
les exportations apparaît insoutenable au regard d’une dette interne colossale, qui contraint les marges de
manœuvre budgétaires et monétaires. Les objectifs à long terme affichés par les autorités demeurent la promotion
d’un « développement de haute qualité » et la « Prospérité commune » fondés sur un modèle économique dual
(interne et externe), l’innovation technologique et un renforcement de la discipline financière. La question centrale
porte sur la capacité de la Chine à devenir un pays à haut revenu, à l’instar du Japon et de la Corée du Sud, et
donc la première puissance économique mondiale. Sans politiques publiques et sociales adéquates, le risque de
trappe à revenu intermédiaire pourrait, à terme, rompre le contrat social tacite entre l’« Etat-parti » et la population,
source potentielle de revendications, de remise en cause de l’ordre établi, voire d’instabilité sociopolitique.
Evolution de la note risque pays Evolution des notes risque souverain et plafond pays
Ris que pays Ris que souverain Plafond pays
1 1 A-
RC1
RP1
RC2
RP2
RC3
RC4
RP3
RC5
RP4
RC6
mai-15 mai-16 mai-17 mai-18 mai-19 mai-20 mai-21 mai-22 mai-23 mai-15 mai-16 mai-17 mai-18 mai-19 mai-20 mai-21 mai-22 mai-23
181
ENVIRONNEMENT POLITIQUE ET SOCIOECONOMIQUE
Contexte politique et gouvernance publique : Les bouleversements Hétérogénéité des indicateurs de gouvernance
de l’économie et de la société chinoise depuis la réforme Indicateurs de gouvernance (percentile)
économique libérale initiée par Deng Xiaoping en 1979 n’ont pas, à 100
Voie citoyenne et redevabilité du gouvernement
90
ce stade, remis en question le système politique en place depuis la Stabilité politique, absence de violence et de terrorisme
Contrôle de la corruption
80
fondation de la République populaire par Mao Zedong en 1949. Le Efficacité du gouvernement
70 Etat de droit
Parti communiste chinois (PCC) continue de concentrer l’ensemble Qualité réglementaire
60
des pouvoirs et de gouverner le pays, en s’appuyant sur les structures
50
étatiques et sur l’armée. Cette emprise de l’« Etat-parti » s’est
40
renforcée depuis l’arrivée de Xi Jinping à la tête du pays en 2012 : i)
30
éviction d’opposants sous-couvert de campagne anticorruption ; ii)
20
renforcement de l’exécutif et de la répression envers les minorités
10
ethnico-religieuses (surtout Ouïghours) ; iii) loi sur la sécurité intérieure
0
en 2020 à Hong-Kong ; et i) contrôle renforcé de grandes entreprises 1996 1999 2002 2005 2008 2011 2014 2017 2020
privées, notamment dans le secteur des nouvelles technologies.
Source : Banque mondiale
L’abrogation en 2018 de la règle des deux mandats présidentiels a
permis à Xi Jinping de se faire réélire lors du 20e Congrès du PCC en octobre 2022. Peu avant sa levée, la politique «
zéro-covid » drastique a suscité fin 2022 des mouvements populaires d’ampleur rarissime dans le pays. Par ailleurs, les
risques de tensions liés à la pollution environnementale et le ralentissement structurel de la croissance économique
pourraient fragiliser l’omnipotence du régime politique à moyen-long terme, susceptible d’amorcer un desserrement
graduel de son étreinte sur les libertés publiques, ou a contrario son resserrement. Sur le plan géopolitique, la position
ambiguë de la Chine vis-à-vis de la guerre en Ukraine et ses visées ostensibles sur Taïwan alimentent les tensions sino-
américaines, qui ont pris la forme depuis 2018 d’une « guerre » économique, commerciale et technologique,
cristallisée récemment autour des questions de transition énergétique (ex : métaux critiques, véhicules électriques).
Indicateurs socioéconomiques : La croissance économique dynamique depuis quatre décennies (9,1% en moyenne,
2nde performance mondiale derrière la Guinée équatoriale) et le contrôle de la natalité (politique de l’enfant unique
de 1979 à 2013) ont permis une progression record du niveau de vie des chinois en dollars courants (x40), toujours
inférieur à 30% du PIB/habitant des Etats-Unis en parité de pouvoir d’achat. Les inégalités régionales entretenues par
le hukou (droits distincts entre urbains et ruraux), le vieillissement de la population, le taux de chômage record des
jeunes (20%) et l’insuffisance des filets sociaux (chômage, santé, retraite) constituent des enjeux sociodémographiques
et économiques majeurs, auxquels la stratégie de « prospérité commune » du gouvernement se veut répondre.
182
FINANCES PUBLIQUES
Comptes publics : Proche de l’équilibre entre 2004 et 2014, le solde Dérive des finances publiques
budgétaire de l’Etat central a vu son déficit se creuser 55 110
Dette publique officielle (%PIB, éch. D)
substantiellement pré-pandémie (6,1% du PIB en 2019). Le retrait des 50
Solde budgétaire (%PIB)
100
45 90
mesures de soutien (estimées à 4,7% du PIB en 2020) et le 40
Recettes (%PIB)
80
ralentissement de l’investissement public ont permis de ramener le 35
Dépenses (%PIB)
70
déficit de 9,7% du PIB en 2020 à 6% du PIB en 2021. Afin de soutenir 30 60
25 50
l’économie en 2022, en particulier l’industrie, les PME et le
20 40
développement des nouvelles technologies, l’Etat a misé sur 15 30
l’accélération de l’investissement public, le soutien budgétaire aux 10 20
secteurs en difficulté (impôts différés, exonérations de TVA, etc.) et une 5 10
0 0
hausse des transferts aux gouvernements locaux, dont les recettes -5 -10
tirées des cessions de terrain pâtissent de la crise immobilière. Le déficit -10 -20
s’est par conséquent creusé à 7,5% du PIB en 2022. Il a même atteint 2000 2003 2006 2009 2012 2015 2018 2021 2024 2027
FMI projette un déficit autour de 7% du PIB en 2023 et à moyen terme. 18 Maturité moyenne (années)
Coupon moyen (% annuel)
16 8000
La couverture du besoin de financement de l’Etat et de ses
14
démembrements (31,4% du PIB en 2022) est facilitée par le caractère
12 6000
largement administré du système bancaire très liquide.
10
Endettement public : Le ratio d’endettement a rapidement augmenté 8 4000
depuis 2008 en lien avec le stimulus budgétaire et l’endettement hors 6
bilan des gouvernements locaux. Si la pratique n’a pas cessé, un 4 2000
durcissement de la réglementation des financements off-shore des 2
183
COMPTES EXTERNES
Balance des paiements : L’excédent du compte courant a baissé Position extérieure toujours solide
tendanciellement depuis la crise financière mondiale de 2008, en lien Balance des paiements
avec la forte croissance de l’investissement, l’appréciation du taux de 16
Flux d'IDE nets
14
change réel, la faible demande des pays avancés, et plus récemment, Flux d'investissements de portefeuille nets
Autres investissements
12
la hausse du déficit de la balance des services. Il a rebondi Solde du compte courant
10 Variation des actifs de réserves
conjoncturellement à près de 2% du PIB en moyenne en 2020-2022 du 8
fait de la baisse furtive des prix des matières premières en 2020, celle 6
% du PIB, 4 trimestres glissants
terme. Les exportations chinoises ont chuté de 8% en g.a. sur les neuf -4
-6
premiers mois de 2023 mais de 16% sur le marché américain. La part de 2007 2009 2011 2013 2015 2017 2019 2021 2023
marché chinoise dans les importations totales des Etats-Unis a reflué de Source : SAFE, Banque mondiale, calculs ECO
22% en 2018 à 14% en 2023, alors que la Chine a su préserver sa part
de marché mondial (14% en 2023 contre 13% pré-pandémie). Si le pays devrait profiter à terme de l’accord de libre-
échange Asie-Pacifique (RCEP) entré en vigueur en 2022, l’industrie manufacturière devrait pâtir d’une moindre
compétitivité coût, de la réorganisation des chaines de valeur mondiales et du nearshoring des Etats-Unis et de l’UE,
que traduit la faiblesse des flux d’IDE entrants, de plus en plus destinés à produire « en Chine pour la Chine ». Toutefois,
le secteur exportateur chinois est essentiellement composé d’entreprises locales, soutenues par l’Etat, qui gardent une
solide capacité à s’adapter et poursuivre leur montée en gamme (haute technologie et économie verte).
Soutenabilité et liquidité externes : La position extérieure du pays est très confortable. Créditrice nette à hauteur de
14% du PIB fin 2022, la Chine présente un taux d’endettement externe faible de 15% du PIB et dispose d’un solide
matelas de liquidités avec 3 115 Mds USD de réserves de change en septembre 2023, équivalentes à 10,4 mois
d’importations de biens et services.
Transfert et convertibilité : Le pays a initié une libéralisation très graduelle de son compte financier au cours des
dernières années (rehaussement de 25% du plafond du financement transfrontalier, suppression des restrictions sur les
quotas d’investissement des investisseurs étrangers qualifiés, réduction de 123 à 117 des secteurs prohibés pour tous
les investisseurs). Les autorités maintiennent néanmoins des mesures de contrôle des capitaux (quotas, contrôles sur les
IDE sortants, plafond pour les retraits en renminbi à l’étranger par exemple) et de contrôle des changes. Le régime de
change est considéré de jure en flottement administré mais de facto en parité glissante vis-à-vis du dollar USD. La
PBoC n’est pas indépendante du pouvoir central et le risque de recours à des mesures restrictives de transferts et
convertibilité comme outil de politique économique demeure réel.
CLIMAT
Climat : Le pays se classe 74e sur 182 selon l’indice ND-GAIN de vulnérabilité au changement climatique et 36e pour
l’état de préparation. En raison de son vaste territoire et de ses conditions climatiques variées, la Chine est exposée à
de nombreux aléas climatiques : typhons, vagues de chaleur ou de froid, inondations et sécheresses, avec ≈30% du
territoire affecté par un stress hydrique important.
Transition bas-carbone : Le risque de transition est globalement Forte hausse des émissions de GES
modéré, compte tenu de la puissance économique et financière du depuis deux décennies
pays. Cependant, les secteurs dits en déclin représentent une part Emissions de GES / habitant (t CO2 eq)
significative des recettes budgétaires (32%), des recettes en devises Russie Etats-Unis Chine
Monde Inde
(23%), des salaires (36%) et des emplois (21%), pour le plus gros 30
émetteur au monde de gaz à effet de serre (30% des émissions
25
mondiales en 2021), loin devant les Etats-Unis (12%). La Chine se classe
au 8 rang mondial en termes d’intensité carbone (émissions de CO2
e
20
par unité de PIB), mais ses émissions par habitant sont inférieures à de
15
nombreux pays développés. Dans la dernière CDN (octobre 2021), les
autorités se sont engagées notamment à : i) atteindre son pic 10
d’émission de CO2 avant 2030, ii) parvenir à la neutralité carbone d’ici
2060, et iii) augmenter la part des énergies renouvelables dans le total 5
Risque pays : RP3b Risque souverain : RC3c Risque T&C : 1 cran (éq. BB)
Le risque pays demeure élevé, malgré de bons résultats économiques enregistrés depuis 2021. Les effets négatifs
anticipés de la guerre en Ukraine ne se sont pas matérialisés et la croissance est restée très dynamique en 2022
(+10,1 %), grâce notamment à une reprise du tourisme et une explosion des flux migratoires et financiers en
provenance de Russie. Ces derniers facteurs ont également permis une résorption des déficits budgétaire et courant
(-2,6 % du PIB et -4 % du PIB respectivement) et une appréciation du lari. Le resserrement monétaire a contribué à
ramener l’inflation dans la cible de la Banque centrale en avril 2023, à la suite de quoi l’institution a initié un
assouplissement monétaire en mai. En 2023 la croissance reculerait (6,2 %) sous l’effet de la normalisation des flux,
mais resterait supérieure à son potentiel (estimé à 5 % par le FMI) La dette publique est retombée à 40 % du PIB en
2022 soit à son niveau pré-pandémie et resterait stable à moyen terme. Elle est libellée à 75 % en devise, ce qui la
rend vulnérable au risque de change et contribue à un risque souverain à un niveau assez élevé, même si son profil
est par ailleurs favorable (forte concessionalité, maturités longues). La Géorgie bénéficie depuis juin 2022 d’un
nouveau programme FMI, qui contribue à maintenir les réserves de change à un niveau adéquat, nécessaire pour
atténuer un risque de T&C élevé dans un régime de change partiellement ancré au dollar. La 2nde revue du
programme a néanmoins été reportée après l’adoption d’amendements à la loi sur la Banque centrale. La plus
grande incertitude est d’ordre géopolitique : les velléités expansionnistes de la Russie pourraient mener à une
nouvelle invasion avec des conséquences lourdes. Les autorités jouent néanmoins la carte de l’apaisement et le
risque de conflit avec la Russie reste éloigné à ce stade. Le double-jeu des autorités à l’égard de la Russie et de l’UE
alimente toutefois la colère de la population et rend incertaine l’issue de la procédure d’adhésion européenne.
Evolution de la note risque pays Evolution des notes risque souverain et plafond pays
Risque pays Risque souverain Plafond pays
RC1
RP1
RC2
RP2
BB
RC3
3c
3b
RC4
RP3
3b
RC5
3c
RP4
RC6
mai-15 mai-16 mai-17 mai-18 mai-19 mai-20 mai-21 mai-22 mai-23 mai-15 mai-16 mai-17 mai-18 mai-19 mai-20 mai-21 mai-22 mai-23
185
ENVIRONNEMENT POLITIQUE ET SOCIOECONOMIQUE
Contexte politique et gouvernance publique : Petit pays d’Asie La PIB par habitant géorgien a rapidement
occidentale, la Géorgie a connu plusieurs soubresauts politiques progressé
depuis son indépendance en 1991 : guerre civile jusqu’en 1995, 25 000
Révolution des Roses en 2003, guerre avec la Russie à l’été 2008.
Malgré ce contexte agité, la Géorgie a réussi à se doter d’institutions 20 000
USD PPA
15 000
démocratie. Cette dernière reste toutefois jugée « hybride », alors que
certains aspects de la vie démocratique sont en recul depuis plusieurs
10 000
mois (corruption et clientélisme en hausse , nomination controversée
de juges de la Cour suprême, etc.). La Géorgie est officiellement une
5 000
république démocratique représentative, avec un pouvoir réparti
entre la présidente et le Premier ministre, mais la vie politique est, en 0
réalité, dominée par l’oligarque B. Ivanichvili, fondateur du parti Rêve 1990 1994 1998 2002 2006 2010 2014 2018 2022
géorgien au pouvoir depuis 2012. La guerre en Ukraine ravive les Géorgie PRITI
PRITS Eur. & Asie centrale
blessures de la guerre de 2008 et met en lumière le double-jeu des
Sources : BM (WDI), calculs ECO
autorités géorgiennes à l’égard de la Russie et de l’UE. Ces dernières
ont refusé de voter les sanctions occidentales à l’encontre de la
Russie, et même multiplié, depuis, les initiatives sa faveur, incluant i) l’adoption d’un projet de loi sur les « agents
étrangers », inspiré d’une loi russe (depuis abandonné), ii) le rétablissement des vols directs avec la Russie, et iii) le
lancement d’une procédure de destitution contre la présidente, accusée d’avoir violé la Constitution en effectuant
une tournée en Europe sans l’accord du parti au pouvoir. Si cette attitude éloigne le risque d’une nouvelle invasion
russe à court terme, elle pèse sur le climat social – alors que 80 % de la population aspire à devenir membre de l’Union
européenne – et rend incertaine l’issue de la procédure d’adhésion à l’UE. La Géorgie avait déposé en mars 2022 une
demande d’adhésion à l’UE et s’était vue accorder seulement une « perspective européenne » en juin 2022. La
Commision a néanmoins recommandé, en novembre 2023, d’accorder le statut de candidat officiel à la Géorgie.
Indicateurs socioéconomiques: Avec un revenu par habitant de 5 620 USD en 2022 (méthode Atlas) selon la Banque
mondiale, la Géorgie est un pays à revenu intermédiaire de la tranche supérieure (PRITS) depuis 2018. A 17 034 USD
PPA en 2022, le PIB par habitant géorgien est toutefois bien inférieur à la moyenne des PRITS, comme à celle d’Europe
et Asie centrale (hors pays à haut revenu). Le taux de chômage, structurellement important en raison de la faiblesse
du capital humain et du poids de l’informalité, a retrouvé son niveau pré-Covid-19 mais reste élevé, particulièrement
chez les jeunes (42 %). Ce contexte, couplé à la faiblesse persistante des filets de sécurité sociaux (malgré leur
amélioration récente), justifie que de nombreux Géorgiens continuent de quitter le pays. Après avoir progressé en
2020, le taux de pauvreté absolue national a reculé les deux dernières années, pour atteindre 15,6 % en 2022.
de se rapprocher de ce dernier en 2024 (4,8 %). Sources : FMI (WEO), calculs ECO
186
FINANCES PUBLIQUES
Comptes publics : Dotées d’un solide cadre de gestion des Le déficit budgétaire est repassé sous sa cible
finances publiques depuis 2014 (règle budgétaire inspirée de l’UE, en 2022 et s’y maintiendrait en 2023
avec une cible de déficit à 3 % du PIB et une dette plafonnée à
0 40
60 % du PIB), les autorités ont fait, dans le cadre du programme FMI
35
2017-2019, des efforts supplémentaires pour assainir leurs finances -2
30
publiques. Une meilleure priorisation des dépenses et la
modernisation de l’administration fiscale ont ainsi permis de réduire -4 25
187
COMPTES EXTERNES
Balance des paiements : Le solde courant est structurellement Les réserves de la NBG se situent à un niveau
déficitaire, les excédents des services et des revenus secondaires historique, grâce à l’appréciation du GEL
ne suffisant pas à compenser le déficit commercial. Il a ainsi été de 6
11,0 % du PIB en moyenne annuelle dans les années 2000 et de
9,4 % du PIB dans les années 2010. Il s’est fortement réduit en 2022, 5
au déclenchement de la guerre en Ukraine (-16 % face au dollar Réserves (Mds USD, éch. g)
Réserves (mois d'imports, éch. d)
en un mois), avant de s’apprécier à nouveau depuis (+13 % sur Source : NBG
2022, +3 % depuis début 2023), au-delà de son niveau pré-guerre.
Soutenabilité et liquidité externes : Après être restée stable à 85 % du PIB sur 2016-1019, la dette externe a fortement
augmenté pour atteindre 110 % du PIB en 2020, sous l’effet d’une hausse des emprunts auprès des institutions
financières internationales dans le contexte de la crise sanitaire. Elle a reculé significativement depuis (73 % du PIB en
2023), grâce à la baisse du BFE et à l’appréciation du lari, et devrait poursuivre sa baisse à moyen terme compte tenu
des efforts des autorités pour réduire leur dépendance vis-à-vis des emprunts extérieurs. La stabilisation du lari a permis
à la NBG d’intervenir régulièrement sur le marché des changes pour acheter des devises, de telle sorte que les réserves
atteignent un niveau historique, à 5,4 Mds USD mi-2023 soit 4,3 mois d’importations. Elles sont néanmoins tout juste
suffisantes selon le FMI. La ligne de financement associée au programme FMI fournit un élément de confort
supplémentaire, puisqu’elle pourrait être utilisée en cas de crise de balance des paiements.
Transfert et convertibilité : Avec un score Chinn-Ito de 1 depuis 2013, la Géorgie a un compte de capital très ouvert
qui confirme la position extravertie du pays. L’économie est en effet ouverte depuis le milieu des années 1990, et il n’y
a pas d’historique de mise en place de contrôles de capitaux. Si le régime de change est flottant de jure, la NBG
intervient régulièrement sur le marché des changes pour limiter la volatilité du lari, et la dollarisation élevée des dépôts
et des crédits crée de facto un régime de change en partie ancré au dollar. Les scores de gouvernance sont
nettement supérieurs à la moyenne mondiale, mais les amendements récents apportés à la loi sur la NBG pour en
modifier la structure du management risquent d’entacher la crédibilité de l’institution. Dans ce contexte, le risque de
recours à des mesures restrictives de transferts et convertibilité comme outil de politique économique est jugé élevé.
CLIMAT
Climat : Le Géorgie est le 108ème pays ayant connu le plus de Le mix énergétique est largement carboné,
dégâts humains et matériels du fait d’évènements climatiques malgré une part non négligeable d’EnR
extrêmes sur la période entre 2000 et 2019, en proportion de sa
Autre Charbon
population et de son PIB, selon German Watch, ce qui en fait le
renouvelable 4%
pays le plus exposé de la région Europe et Asie centrale. La 8%
Géorgie est déjà exposée au changement climatique, qui se
17% 26%
traduit par une hausse de la fréquence et de la sévérité des
inondations (ex : Tbilissi, 2015), qui ont un effet cumulatif Hydraulique Pétrole
puisqu’elles provoquent des coulées de boues et des glissements
de terrain. Les sécheresses, bien que moins fréquentes et
présentant un risque moins élevé, ont des conséquences
46%
économiques sérieuses, à l’image des événements de 2000, ayant
duré six mois et dont les dommages sont estimés à 5,6 % du PIB. Le Gaz naturel
secteur le plus exposé au changement climatique est l’agriculture :
avec seulement 2 % de surfaces irriguées, la raréfaction des
ressources en eau et une plus grande volatilité des précipitations
Source : Geostat
risquent d’aggraver la situation du secteur, avec des
conséquences socio-économiques importantes (inégalités, insécurité alimentaire).
Transition bas-carbone : Les Géorgiens ont émis 4,7 tonnes de CO2 par habitant en 2020, un niveau similaire à la
moyenne mondiale. Diversifiée, l’économie est relativement peu exposée au risque de transition bas-carbone, bien
que certains secteurs clés soient concernés, en particulier le tourisme et l’agriculture. Le mix énergétique repose à 75 %
sur les ressources fossiles (45 % gaz naturel, 26 % pétrole, 4 % charbon), en grande partie importées. Si les énergies
renouvelables comptent pour 20 % du mix, le potentiel du pays en la matière est largement sous-exploité (20 % du
potentiel hydraulique, 1 % dans l’éolien et encore moins dans le solaire). La Géorgie a introduit une stratégie qui vise
à développer ce type de ressources, et qui s’est traduite à ce stade par la mise en place d’accords d’achat et la
création d’un marché commercial, dont le lancement a néanmoins été reporté. Au-delà d’accélérer la transition, la
démarche vise aussi à réduire la dépendance aux importations d’hydrocarbures depuis ses voisins (Azerbaïdjan et
surtout Russie). En dehors du secteur de l’énergie, les initiatives en termes d’atténuation sont très limitées.
188
Fiche risque pays ISR/ECO – novembre 2023
Alix Vigato
Inde (vigatoa@afd.fr)
Risque pays : RP2b Risque souverain : RC2c Risque T&C : 1 cran (éq. BBB)
Pays le plus pauvre parmi les grands émergents, l’Inde et ses 1,4 milliard d’habitants connaissent un tournant depuis
l’arrivée au pouvoir de Narendra Modi en 2014, celui-ci menant une politique nationaliste aux relents autoritaires.
Alors que des élections législatives sont prévues au printemps 2024, la popularité du Premier ministre ne semble
toutefois pas entamée et son parti apparaît comme le favori des scrutins. En parallèle, bien qu’affectée par la
dégradation de la conjoncture internationale, l’économie indienne impressionne par sa résilience et devrait
notamment profiter de la forte hausse des dépenses publiques d’investissement pour maintenir un taux de
croissance élevé en 2023/24 (+6,3 % projeté par le FMI). Le risque pays est ainsi modéré. Sur le plan des finances
publiques, l’Inde enregistre de conséquents déséquilibres et présente un niveau d’endettement élevé, de l’ordre
de 80 % du PIB (après être resté stable à environ 70 % du PIB de 2008 à 2018). Si le besoin de financement de l’Etat
et la dette publique devraient demeurer élevés à moyen terme et ne pas retrouver leurs niveaux pré-pandémie, les
risques associés sont largement tempérés par le profil de la dette, quasi-exclusivement détenue par des Indiens et
en roupies, d’où un risque souverain modéré. Principal détenteur de la dette publique, le secteur financier
domestique a, en outre, connu une nette amélioration de ses indicateurs de stabilité depuis 2015. Enfin, l’exposition
des comptes externes aux fluctuations des cours des matières premières (près des deux tiers des importations de
biens) constitue une fragilité notable, et les prix élevés observés ces dernières années ont pu conduire à des tensions
sur la balance des paiements et sur la roupie. Si l’Inde peut s’appuyer sur de confortables réserves de change
(environ 10 mois d’importations) pour modérer ces risques, la relative fermeture du compte financier et le rôle
prépondérant que joue l’Etat dans l’économie confère un risque élevé de transfert et convertibilité.
Evolution de la note risque pays Evolution des notes risque souverain et plafond pays
Risque pays RC1
Risque souverain Plafond pays
RP1
BBB
RC2
2c
2b
RP2
RC3
RC4
RP3
RC5
RP4
RC6
mai-15 mai-16 mai-17 mai-18 mai-19 mai-20 mai-21 mai-22 mai-23 mai-15 mai-16 mai-17 mai-18 mai-19 mai-20 mai-21 mai-22 mai-23
189
ENVIRONNEMENT POLITIQUE ET SOCIOECONOMIQUE
Contexte politique et gouvernance publique : L’Inde est une L’Inde est le plus pauvre
démocratie parlementaire, organisée sous la forme d’une des grands émergents
république fédérale. Lors des élections législatives de 2014, le 35000
automobile, joaillerie, BTP, mines) et largement promu par les Sources : Ministère des statistiques, calculs ECO
autorités à travers d’ambitieux plans de développement, demeure
La croissance économique
en effet un moteur secondaire de l’activité économique.
se stabiliserait à plus de 6 %
Régime de croissance : Violemment frappée par la pandémie de 12
190
FINANCES PUBLIQUES
Comptes publics : Les finances publiques ont affiché un déficit Un déséquilibre structurel
budgétaire de plus de 7 % du PIB en moyenne ces dix dernières des finances publiques
5,0 33
années. Les recettes sont en effet insuffisantes pour couvrir le niveau
des dépenses qui sont, de surcroît, difficilement arbitrables ou 2,5
30
compressibles en raison du poids de la charge d’intérêt (absorbant 0,0
25-30 % des recettes), de la masse salariale, des transferts de l’Etat -2,5
27
% du PIB
central vers les Etats fédérés et des dépenses militaires. Le budget -5,0 24
est également plombé par un système de subventions mal
-7,5
calibrées, des entreprises publiques peu productives et l’existence 21
-10,0
de nombreux secteurs protégés sujets à des exemptions fiscales. S’il
18
décroît tendanciellement depuis son pic de 2020/21, le déficit -12,5
191
COMPTES EXTERNES
Balance des paiements : Le compte courant s’appuie sur des exportations diversifiées de biens (textile, joaillerie,
pharmacie, carburants, fer, véhicules) et un excèdent de la balance des services (IT, tourisme), ainsi que sur des
transferts de migrants substantiels (1 er récipiendaire mondial en volume, diaspora de 18 millions d’Indiens). Il est
cependant fortement exposé aux fluctuations des cours des matières premières, celles-ci représentant près des deux
tiers des importations de biens, concourant à un déficit de la balance des biens. Le déficit de la balance courante
s’est ainsi creusé ces dernières années du fait des cours élevés des produits agricoles, engrais et hydrocarbures
importés, que l’Inde tente d’atténuer via l’achat de pétrole à prix réduits auprès de la Russie (part de marché de 40 %
mi-2023, négligeable jusqu’alors). Après avoir atteint 2,0 % du PIB en 2022/23, il se résorberait légèrement en 2023/24,
à 1,8 %. Le besoin de financement externe reste contenu (6-7 % du PIB), et sa couverture est assurée par des flux stables
de dette et, dans une moindre mesure, d’investissements étrangers (flux annuels d’IDE de l’ordre de 1,5 % du PIB).
Soutenabilité et liquidité externes : Si la dégradation de la L’Inde peut s’appuyer sur de
conjoncture internationale (conflit en Ukraine, remontée des taux de confortables réserves de changes
700 20
la Fed, appréciation de l’USD) est à l’origine de tensions sur la
18
balance des paiements indienne ces dernières années, les risques 600
16
sont sensiblement modérés par les robustes indicateurs de liquidité et 500 14
de solvabilité externes du pays. Composée de deux tiers de dette
12
privée, la dette externe est ainsi relativement faible (environ 20 % du 400
10
PIB) tandis que les réserves de change s’établissent à 550 Mds USD 300
8
mi-2023, soit l’équivalent de plus de 10 mois d’importations de biens
200 6
et services. Afin de limiter la dépréciation de la roupie en 2022 (-11 %
4
face à l’USD), la RBI est considérablement intervenue sur le marché 100
2
des changes (46 Mds USD de ventes nettes). En 2023, la roupie est
0 0
restée globalement stable et l’accumulation de réserves a repris (20 2000 2003 2006 2009 2012 2015 2018 2021
Mds USD d’achats nets sur les huit premiers mois de l’année 2023). En Mds USD (ech. g.)
En mois d'importations (ech. d.)
Transfert et convertibilité : Le compte financier indien est relativement Sources : FMI, Min. Commerce, Macrobond, calculs ECO
fermé, de nombreuses mesures restreignant les transferts de capitaux
et limitant la convertibilité de la roupie, et ce en dépit des récents efforts des autorités visant à favoriser son
internationalisation. L’économie demeure marquée par la prépondérance de l’Etat et par un certain nationalisme
aux tendances protectionnistes, de nombreuses barrières contraignant le commerce et l’investissement. Le risque
d’emploi de mesures restrictives de transfert et de convertibilité comme outil de politique économique apparaît
toutefois modéré par des indicateurs de gouvernance supérieurs à la moyenne mondiale (bien qu’en détérioration),
une stabilité institutionnelle et de solides comptes externes. Par ailleurs, alors que la RBI est reconnue pour son degré
d’indépendance, ses interventions répétées sur le marché des changes ont conduit le Trésor américain à placer l’Inde
sur la liste des pays sous-surveillance pour manipulation de leur devise entre décembre 2020 et novembre 2022.
CLIMAT
Climat : Septième plus grand pays de la planète, l’Inde est traversée par une vaste diversité de climats : aride et semi-
aride (ouest, centre), tropical (moitié sud), subtropical humide (vallée du Gange, nord-est) ou encore montagnard
(Himalaya). Alors qu’une large part de la population souffre de récurrents épisodes de sécheresse et d’un déficit
chronique d’eau, de violentes inondations sont, en parallèle, observées, amplifiées par l’urbanisation rapide et peu
réglementée du pays. La perturbation des cycles hydrologiques a d’importants effets sur l’agriculture, dans la mesure
où la mousson représente 80 % des précipitations annuelles et que 60 % des terres en dépendent exclusivement. De
même, le recul des glaciers himalayens affecte le débit de nombreux fleuves et rivières clés pour l’irrigation du nord
du pays. La montée du niveau marin constitue également en enjeu sensible, avec près de 200 millions d’Indiens vivant
dans les régions côtières. Enfin, la population est exposée à la pollution atmosphérique, l’Inde comptant neuf des dix
villes dont le taux de particules fines est le plus élevé au monde (OMS), ce qui conduit à une perte d’espérance de
vie de cinq années en moyenne par Indien (Energy Policy Institute).
Transition bas-carbone : Les émissions indiennes de gaz à effet de Le mix énergétique indien est issu
serre ont été multipliées par deux entre 2000 et 2020, faisant du pays à 90 % de ressources fossiles
le troisième émetteur de la planète (7 % des émissions mondiales, Nucléaire Autres
1% 1%
3200 Mt d’équivalent CO2). Les Indiens n’ont toutefois émis que 2,3 ENR
Gaz
teqCO2 par habitant en 2020, soit 2,6 fois moins que la moyenne naturel
8%
192
Fiche risque pays ISR/ECO – novembre 2023
Morgane Salomé
Indonésie (salomem@afd.fr)
Risque pays : RP2b Risque souverain : RC2b Risque T&C : 2 crans (éq. A-)
Le risque pays est globalement stable depuis plusieurs années, à un niveau modéré, à l’appui de fondamentaux
macroéconomiques solides et d’un risque sociopolitique contenu dans un pays revenu dans la catégorie PRITS en
2022. L’économie indonésienne a tiré profit de la crise ukrainienne à travers la hausse des prix des matières premières,
représentant plus de 50 % des exportations. Le choc inflationniste est demeuré relativement sous-contrôle. La
croissance économique diminuerait légèrement en 2023 (5 %, après 5,3 % en 2022), en raison notamment du
resserrement de la politique monétaire (+250 pdb depuis août 2022), tout en restant proche de son potentiel. Le solde
courant redeviendrait légèrement déficitaire (-0,3 % du PIB) et le déficit budgétaire se maintiendrait sous le plafond
des 3 % du PIB défini par la règle budgétaire. Le risque souverain est toujours modéré. La dette publique reste
soutenable compte tenu de son niveau limité et de sa structure relativement favorable (à 60 % détenue par des
résidents et 70 % libellée en roupie, parts en hausse depuis 2019). Les défis demeurent importants en termes
d’accélération de la transformation/modernisation de l’économie, de développement socioéconomique et
d’adaptation aux risques climatiques et de transition énergétique. La corruption et le manque d’efficacité des
politiques publiques pèsent sur le climat des affaires et le bon fonctionnement de l’économie de marché. Enfin, le
risque de crédit aux entreprises et la solidité financière des sociétés publiques sont à surveiller, même si le risque
systémique bancaire demeure modéré. La politique monétaire est crédible et le régime de change de flottement
administré permet une certaine flexibilité face aux chocs exogènes et aux turbulences financières, ce qui contribue à
un risque de T&C modéré. Toutefois, l’évolution des flux de capitaux et des conditions de financement (spreads et taux
obligataires) face au resserrement des politiques monétaires demeure un point de vigilance.
Evolution de la note risque pays Evolution des notes risque souverain et plafond pays
Risque pays Risque souverain Plafond pays
RC1
RP1
A-
RC2
2b
RP2
2b
RC3
RC4
RP3
RC5
RP4
RC6
mai-15 mai-16 mai-17 mai-18 mai-19 mai-20 mai-21 mai-22 mai-23 mai-15 mai-16 mai-17 mai-18 mai-19 mai-20 mai-21 mai-22 mai-23
193
ENVIRONNEMENT POLITIQUE ET SOCIOECONOMIQUE
Contexte politique et gouvernance publique : La démocratie Le PIB par habitant indonésien est inférieur
indonésienne s’est consolidée depuis la chute de la dictature de depuis 2010 à la moyenne d’Asie de l’Est
Suharto en 1998, même si le pouvoir demeure aux mains d’une 20 000
oligarchie puissante. Confortablement réélu en avril 2019 pour un
second et dernier mandat de cinq ans et adossé à une solide
15 000
majorité parlementaire, le président Joko Widodo (Jokowi) demeure
USD PPA
populaire (86 % selon un sondage local en octobre 2023). Dénué de
posture idéologique, il se veut pragmatique et réformateur. 10 000
Cependant, la recherche du consensus comme mode de
gouvernement, combinée au morcellement du territoire de 5 000
l’archipel et à la bureaucratie, entrave l’efficacité des politiques
publiques et l’adoption de réformes impopulaires ou qui se heurtent
0
aux intérêts économiques bien établis. La qualité de la gouvernance 1990 1994 1998 2002 2006 2010 2014 2018 2022
se positionne au niveau de la médiane mondiale (indicateurs Indonésie PRITI
Banque mondiale, BM), mais la corruption reste prégnante. Les PRITS Asie de l'E. et Pacifique
élections générales (présidentielles et locales) de février 2024 ne Sources : BM (WDI), calculs ECO
devraient pas bouleverser les équilibres politiques, même si elles se
traduiront forcément par une alternance. Pour assurer son héritage politique, Jokowi soutient la candidature de Prabowo
Subianto, actuel ministre de la Défense, dont le colistier n’est autre que le fils ainé de Jokowi (36 ans). Pour permettre à
ce dernier de se présenter, la Cour Constitutionnelle, présidée par le beau-frère de Jokowi, a même aboli en octobre
2023 la loi qui fixait à 40 ans l’âge minimal requis pour une candidature à la présidence et à la vice-présidence.
Indicateurs socioéconomiques : Avec un revenu de 4 580 USD par habitant en 2022 (méthode Atlas, BM), l’Indonésie
revient dans la catégorie des pays à revenu intermédiaire de la tranche supérieure (PRITS), après un bref passage en
2019 (suivi d’un retour en PRITI en 2020 et 2021). A 12 410 USD PPA en 2022, le niveau de vie des Indonésiens a doublé
depuis 2000 mais est inférieur à celui de la plupart des grands émergents. L’indice de développement humain (IDH) a
progressé significativement au cours des trois dernières décennies (de 0,52 à 0,72) et flirte avec un niveau élevé selon
l’ONU mais demeure encore éloigné des pays dits développés (0,9). La BM estime que 4,3 millions de personnes ont
échappé à la pauvreté grâce au plan anti-Covid-19 et le taux de pauvreté au seuil national est retombé à 9,5 % en 2022
(après 10,1 % en 2021). L’un des enjeux post-pandémie sera d’éviter un renforcement des inégalités multidimensionnelles
(revenu, éducation, santé), que pourraient aggraver la faiblesse des transferts sociaux, le poids du secteur informel (70 %
des emplois) et la vulnérabilité au changement climatique. Les inégalités de revenu apparaissent modérées mais
ressortent en hausse sur longue période (Gini à 37,9 en 2022 soit -3pp par rapport à 2023 mais +5pp par rapport à 2002).
recettes publiques (14 % du PIB, soit le 14e plus faible ratio mondial) -5
fait reposer l’ajustement budgétaire sur la modération des dépenses 5
-6
publiques, face à des besoins colossaux en termes sociaux,
-7 0
d’éducation, de santé et d’infrastructures. La charge d’intérêts sur la 2000 2003 2006 2009 2012 2015 2018 2021 2024
dette demeure modérée en valeur absolue à 2 % du PIB (dont Solde budgétaire (% du PIB) - éch. g
seulement 0,1 % du PIB sur la dette en devises) mais a progressé de Recettes publiques (% du PIB) - éch. d
Dépenses publiques (% du PIB) - éch. d
près de 3 points de pourcentage depuis 2019 à 15 % des recettes
Sources : FMI (WEO), calculs ECO
budgétaires. Après avoir fortement augmenté pendant la crise sanitaire, le besoin de financement public a été ramené
autour de 5 % du PIB en 2023. Il reste couvert par le marché obligataire domestique, les banques commerciales et la
Banque centrale (BI). Le gouvernement s’est aussi appuyé sur les bailleurs multilatéraux (BM et BAsD) et une stratégie de
financement sur les marchés internationaux parcimonieuse et pragmatique.
Endettement public : Le FMI juge la dette publique soutenable L’endettement public se stabiliserait autour de
avec un risque faible de surendettement (AVD juin 2023). Le taux 40 % du PIB à moyen terme
d’endettement s’est stabilisé à 40 % du PIB en 2022 (+10 pp depuis 50
2019) et se maintiendrait à ce niveau à horizon 2027. La dette est
détenue à 40 % par des non-résidents (dont des investisseurs 40
indonésiens depuis Singapour), en baisse depuis 2019 (58 %), et
libellée à hauteur de 30 % en devises. Si l’exposition de la BI au 30
gouvernement est passée de 18 % à 36 % de son actif entre 2019 et
octobre 2023, soit 25 % de l’encours de dette publique domestique, 20
la fin du programme d’achat de titres sur le marché primaire devrait
contribuer à son dégonflement. Malgré une exposition importante 10
au sentiment des marchés dans un contexte de resserrement des
politiques monétaires et de la liquidité mondiale, les spreads 0
2010 2012 2014 2016 2018 2020 2022 2024
demeurent parmi les plus faibles au sein des PED (120 pdb mi- Dette publique externe (% du PIB)
novembre 2023). Le Trésor a émis, en janvier 2023, pour 3 Mds USD Dette publique domestique (% du PIB)
d’obligations en dollar (après 2,65 Mds USD en septembre 2022) et, Sources : FMI (WEO), calculs ECO
en mai 2023, pour 105 Mds JPY de samuraï bonds.
atteint 2,6 % en glissement annuel en octobre 2023, tiré par les prix
4
alimentaires (+5,4 %, contre un pic de 10 % mi-2022) et en particulier 15000
par les prix du riz (impact des sècheresses). 2
195
COMPTES EXTERNES
Balance des paiements : La crise de Covid-19 a permis un Le niveau des réserves de change reste
rééquilibrage du solde du compte courant en 2020-2021 (contre confortable
-1,9 % du PIB en moyenne en 2010-19). Ce dernier a affiché un
160 12
excédent de 1 % du PIB en 2022, soutenu par l’effet positif de la
140
guerre en Ukraine sur les termes de l’échange. Il redeviendrait 10
légèrement négatif en 2023, en lien avec le ralentissement mondial 120
8
et la baisse des prix des matières premières, qui représentent plus de 100
50 % des exportations indonésiennes (hydrocarbures, produits 80 6
miniers dont charbon, huile de palme, caoutchouc). L’Indonésie est 60
4
moins exposée aux chocs sur la demande extérieure que ses voisins
40
du fait d’une moindre ouverture commerciale (taux de 14 % du PIB) 2
20
et intégration dans les chaines de valeur chinoises, même si la Chine
0 0
absorbe 22 % de ses exportations. Le léger excédent du compte
2005 2008 2011 2014 2017 2020 2023
courant et une charge d’amortissement de la dette externe Réserves (Mds USD, éch. g)
modérée ont limité le besoin de financement externe à 6 % du PIB Réserves (mois d'imports, éch. d)
en 2022, et ce dernier se maintiendrait à ce niveau à moyen terme Source : FMI (IFS), calculs ECO
selon le FMI. Il n’est financé qu’en partie par les entrées nettes d’IDE,
ce qui rend l’économie dépendante de flux de capitaux plus volatils. Les entrées nettes d’investissements de portefeuilles
ayant été négatives en 2022, la roupie indonésienne a perdu 9 % face au dollar sur la période (après -2 % en 2021). Cette
tendance s’est poursuivie en 2023 mais dans une moindre mesure (-2 % depuis le début 2023).
Soutenabilité et liquidité externes : Pointée parmi les « cinq fragiles » lors du précédent tapering de la Fed en 2013-14,
l’Indonésie apparaît toujours exposée au resserrement de la liquidité mondiale mais est moins vulnérable. Le niveau des
réserves de change demeure confortable à 133 Mds USD mi-2023, soit 5,9 mois d’importations de B&S et environ 11 % du
PIB, et excède le BFE (dette à court terme incluse) mais ne couvre que la moitié de l’encours d’investissements de
portefeuille dans le pays. La dette externe, modérée, a reculé pour la deuxième année consécutive en 2022 (30 % du
PIB, -9 pp par rapport à 2020) et poursuivrait sa baisse progressive à moyen terme (-1pp en 2023). Elle est à moitié d’origine
privée mais essentiellement de moyen et long terme et n’inspire pas de risque majeur de soutenabilité.
Transfert et convertibilité : Le compte financier n’est pas complétement ouvert compte tenu de l’existence de certaines
réglementations de contrôle de capitaux. La liste des secteurs d’activité dans lesquels les investissements étrangers sont
prohibés se limite désormais aux activités illicites. Toutefois, selon l’OCDE, les restrictions sur les IDE restent parmi les plus
élevées du G20. Par ailleurs, l’exposition de l’Indonésie aux flux de portefeuille a accru le risque de sudden stops au cours
de la dernière décennie et donc celui d’instauration potentiel ou de renforcement des mesures restrictives de T&C. La
Banque centrale est indépendante et la politique monétaire crédible, mais certaines velléités politiques de contraindre
le mandat de la BI et la monétisation des déficits, à l’œuvre pendant la crise Covid-19, sont des points de vigilance.
CLIMAT
Climat : Plus grand archipel au monde, l’Indonésie est l’un des pays les plus vulnérables aux risques liés au effets du
changement climatique (103e rang sur 185 pays selon l’indice ND-GAIN). Au cours des deux dernières décennies, la
fréquence des catastrophes naturelles s’est intensifiée, en particulier les précipitations et les inondations, alors que les
risques géologiques (séismes et éruptions volcaniques) demeurent significatifs. Les incendies dus à la sécheresse
extrême sont un facteur de risque majeur pour la forêt tropicale du pays, la 3 e plus importante au monde, qui joue un
rôle important dans la captation du carbone aux niveaux national et mondial. Les conditions météorologiques
extrêmes affectent considérablement le secteur de l'agriculture, de la pêche et de la foresterie, qui représente près
de 30 % des emplois formels totaux. Une grande partie de la population indonésienne vit dans des zones côtières
(environ 42 millions de personnes), y compris la capitale Jakarta, la ville la plus peuplée d'Asie du Sud-Est. Ces zones
seraient fortement affectées par l'élévation du niveau de la mer, à l’origine du projet controversé de déplacement
de la capitale administrative sur l’île de Bornéo pour 2025.
Transition bas-carbone : L’Indonésie est le 9e émetteur mondial
Le mix énergétique est fortement carboné, ce
de GES, avec près de 2 % des émissions mondiales. Par habitant,
qui expose à un risque de transition élevé
les émissions représentent toutefois la moitié de la moyenne
mondiale. Si l’efficacité énergétique s’est améliorée au cours des 2%
Hydro 11%
deux dernières décennies, l’Indonésie demeure très intensive en Autres
carbone en raison de sa forte dépendance aux combustibles EnR 29%
fossiles dans tous les secteurs et de l'ajout de capacités électriques 14% Pétrole
générées par le charbon au cours des dernières années. Biomasse
L’indépendance énergétique du pays s’est érodée compte tenu
de la baisse de la production d’hydrocarbures, compensée par
l’expansion de la production et des exportations de charbon. Il 15%
existe donc un risque significatif de fragilisation Gaz
macroéconomique voire de déstabilisation sociopolitique à naturel
29%
moyen-long terme. Ce diagnostic rend crucial la poursuite des Charbon
efforts en termes de politiques publiques d’atténuation, alors que
le pays s’est fixé d’atteindre la neutralité carbone au plus tard en
2060 (2030 dans le secteur UTCATF). Source: FMI (Climate Change Knowledge Portal)
196
Fiche risque pays ISR/ECO – novembre 2023
Benoît Jonveaux
Irak (jonveauxb@afd.fr)
Risque pays : RP4a Risque souverain : RC5 Risque T&C : 0 cran (éq. CCC+)
Le risque pays de l’Irak est très élevé en raison de la conjugaison de fragilités structurelles persistantes et d’une
exposition excessive aux performances du secteur pétrolier et aux cours internationaux. Si la situation sécuritaire s’est
nettement améliorée depuis 2018, l’environnement sociopolitique reste marqué par l’histoire violente récente du
pays et est caractérisé par une forte instabilité politique domestique et régionale et des indicateurs de gouvernance
très dégradés. Le système financier est fragile (en particulier les banques publiques) et finance peu le secteur privé
hors pétrole, entravant les possibilités de diversification – nécessaire pour accélérer le développement économique
et humain comme pour anticiper la transition bas-carbone. Surtout, l’ensemble des agrégats macroéconomiques
(croissance, finances publiques, comptes externes) est très dépendant du secteur pétrolier. Paradoxalement, le
pays devrait enregistrer en 2023 une récession (-2,7%) et des déficits courant (-1,9% du PIB) et budgétaire (-7,7% du
PIB) élevés alors même que les cours du pétrole restent à un niveau haut. C’est également la raison pour laquelle
le risque souverain est très élevé. En effet, si l’Etat a dégagé un excédent budgétaire très confortable en 2022 et
que la dette publique reste faible, la situation des comptes publics repose exclusivement sur le niveau des recettes
pétrolières alors que les dépenses publiques sont très élevées. L’adoption d’un budget trisannuel expansionniste et
pro-cyclique (+12 points de PIB de dépenses) en 2023 conduira à un déficit public conséquent pour les prochaines
années, rigidifiera des dépenses déjà incompressibles et devrait accroître sensiblement la dette publique (le FMI
estime qu’elle pourrait passer de 49% du PIB fin 2023 à 83% en 2028 sur un scénario central). Enfin, le risque de transfert
et convertibilité est très élevé, en particulier depuis l’interruption mi-2023 des opérations d’enchères en devises par
la CBI, conduisant à un assèchement de la liquidité en devises pour le secteur privé hors pétrole.
Evolution de la note risque pays Evolution des notes risque souverain et plafond pays
Ris que pays RC1
Ris que souverain Plafond pays
RP1
RC2
RP2
RC3
RC4
RP3
5
RC5
CCC+
RP4
RC6
4a
mai-15 mai-16 mai-17 mai-18 mai-19 mai-20 mai-21 mai-22 mai-23 mai-15 mai-16 mai-17 mai-18 mai-19 mai-20 mai-21 mai-22 mai-23
197
ENVIRONNEMENT POLITIQUE ET SOCIOECONOMIQUE
Contexte politique et gouvernance publique : L’environnement Des indicateurs de gouvernance économique
sociopolitique de l’Irak est historiquement dégradé et volatil, avec une et politique très en retrait
histoire politique récente très violente marquée par l’invasion
Meilleure gouvernance
américaine, une guerre civile communautaire et l’ascension de
Daech sur une partie importante du territoire. Ces conflits ont eu un Redevabilité
coût très élevé, qu’il soit humain (plus de 200 000 victimes civiles entre Etat
de droit
2003 et 2020, 6 à 7 millions de déplacés) ou économique (destruction
Corruption
d’infrastructures, émigration des plus qualifiés). Le contexte sécuritaire
Violence &
s’est sensiblement amélioré (740 victimes civiles en 2022 contre 15 000 terrorisme
en moyenne par an entre 2014 et 2017) mais demeure fragile. Par Efficacité
gouv.
ailleurs, l’environnement sociopolitique reste caractérisé par une Qualité
importante fragmentation communautaire et géographique, par la règlement.
lutte d’influence que mènent sur le territoire irakien les Etats-Unis et 0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100
l’Iran ainsi que par une forte instabilité politique, comme en témoigne Classement (centile), Irak, 2022
la longue période de vacance présidentielle et gouvernementale Ecart interquartile, PRITS, 2022
(octobre 2021 – octobre 2022). Pour ces raisons, l’Irak reste un Etat Sources : BM (WGI), calculs ECO
fragile (classé 153e sur 179 par le Fund for Peace) et dont les indicateurs
de gouvernance économique et politique de la Banque mondiale figurent parmi les plus faibles au monde.
Indicateurs socioéconomiques: Si le niveau de PIB par habitant place l’Irak dans la catégorie des PRITS, tous les
indicateurs sociaux (pauvreté, inégalités, éducation, santé) se rapprochent de ceux d’un pays à faible revenu.
Conséquence d’un Etat faible en proie à une corruption endémique, les dépenses de développement, de
reconstruction et d’investissement hors pétrole sont demeurées faibles au cours de la décennie passée. Le secteur
privé hors pétrole est peu dynamique, expliquant un taux de chômage officiel de 16% qui atteint 35% chez les jeunes.
L’emploi formel est concentré dans la fonction publique (40% de la population en emploi, ce qui contribue au maintien
d’une forme de contrat social), la majorité de l’emploi et de l’activité hors secteur public et secteur pétrolier relevant
de l’informalité. Sans amélioration de la situation, ces déséquilibres devraient s’accentuer dans les années à venir dans
un contexte de forte croissance démographique (2,4% par an), menaçant à la fois la stabilité sociopolitique et les
perspectives de croissance économique.
Régime de croissance : Le régime de croissance a été Sources : FMI (Article IV), BCI, calculs ECO
particulièrement erratique au cours des vingt dernières années,
marqué sur la période récente par la chute des cours du pétrole entre Un régime de croissance qui demeure erratique
25
2014 et 2016, la forte détérioration de l’environnement sécuritaire entre
20
2013 et 2017 puis la pandémie de 2020. Le taux de croissance annuel
15
moyen du PIB s’est ainsi élevé à 4% entre 2010 et 2022, mais à
seulement 0,9% pour le PIB non-pétrolier. En 2022, la croissance a 10
secteur pétrolier (production pétrolière en baisse de 6,5% - interruption Taux de croissance du PIB pétrolier (%)
Taux de croissance du PIB non-pétrolier (%)
des exportations de pétrole du Kurdistan irakien depuis mars 2023 et Taux de croissance du PIB réel (%)
opérations de maintenance dans les exploitations du sud du pays - et
Sources : FMI (WEO, MCDREO), calculs ECO
cours de 25% moins élevés sur les huit premiers mois de l’année). A plus
long-terme, dépasser l’obstacle de la volatilité excessive de la croissance nécessitera une diversification de
l’économie et un renforcement du secteur privé, qui ne sont pas à l’ordre du jour (les projets d’investissement public
et étranger se concentrant majoritairement sur la hausse de la production de pétrole).
198
FINANCES PUBLIQUES
Comptes publics : Les finances publiques sont volatiles et Une détérioration marquée du solde budgétaire
dépendantes des cours du pétrole, qui représente 90-95% des recettes en 2023-2024 en dépit des cours du pétrole
budgétaires totales. Le niveau et la structure des dépenses publiques 15% 70%
sont élevés (50% du PIB en 2023) et rigides, notamment en raison de la 10%
65%
60%
masse salariale qui absorbe près de 20% du PIB pour servir les 4 millions
5% 55%
d’employés de la fonction publique (contre moins d’un million en
50%
2003). La hausse des cours en 2022 a ainsi permis de dégager un 0%
45%
excédent budgétaire confortable de 6,4% du PIB mais les estimations -5% 40%
pour 2023 indiquent le retour à un déficit élevé qui pourrait perdurer 35%
-10%
(7,7% du PIB en 2023, 7,8% en 2024 selon le FMI). Le budget 2023 est en 30%
199
COMPTES EXTERNES
Balance des paiements : Les performances du compte courant Des réserves de change à un niveau
irakien varient principalement en fonction du niveau des prix et de la historiquement élevé, tirées par le cours du pétrole
production de pétrole (qui représente, avec le gaz, 99% des 120 120
exportations). La hausse de la production de pétrole (+50% entre 2014 100 100
et 2023) a permis d’abaisser le prix d’équilibre externe du baril,
80 80
inférieur depuis 2018 aux cours observés sur les marchés (à l’exception
de 2020). La hausse des prix en 2022 a ainsi contribué à dégager un 60 60
excédent courant de 17,3% du PIB mais il devrait devenir déficitaire 40 40
en 2023 (-1,9% du PIB) et continuer à se creuser dans les années à
20 20
venir en raison de la hausse des importations tirées par le budget
expansionniste du gouvernement et certains projets d’investissement. 0 0
2010
2011
2012
2013
2014
2015
2016
2017
2018
2019
2020
2021
2022
2023
Ce déficit courant témoigne de déséquilibres croissants dans la
mesure où le déficit courant sera important alors même que les cours Réserves de change (Mds USD, échelle de droite)
du pétrole restent élevés. Les sources de financement de la balance Prix du baril Basrah (USD)
Prix d'équilibre externe (breakeven) du baril (USD)
des paiements restent contraintes, les IDE représentant moins de 1%
du PIB en moyenne (neutralisés par les désinvestissements des Sources : FMI (IFS, WEO, MCDREO), CBI, calculs ECO
compagnies pétrolières internationales), les financements de la communauté internationale se tarissant (passés de 3,4
Mds USD en 2016 à 0,6 Md USD en 2022) et les flux privés étant extrêmement limités (<0,5% du PIB).
Soutenabilité et liquidité externes : La dette extérieure, majoritairement publique et libellée en devises, est restée stable
sur la décennie 2010-2019 mais a connu une forte augmentation entre 2019 (29% du PIB) et 2020 (49% du PIB) sous
l’effet du creusement du déficit courant (11% du PIB) et de la dévaluation du dinar. Le rétablissement des comptes
externes en 2021-2022 et la réévaluation devraient la ramener à un niveau proche de celui de 2019. En parallèle, les
réserves de change ont fortement augmenté depuis le point bas de fin 2020 (7 mois d’importations) pour atteindre un
niveau historiquement élevé correspondant, mi-2023, à 10,4 mois d’importations et 200% de la métrique ARA du FMI.
Les entrées nettes du compte courant restent enfin très supérieures depuis 2021 aux flux de remboursements de la
dette externe, ce qui limite les tensions sur la liquidité externe et constitue un élément de confort quant à la
soutenabilité externe malgré la forte exposition aux chocs exogènes.
Transfert et convertibilité : En dépit d’un niveau de réserves de change conséquent, le risque de T&C est très élevé
pour plusieurs raisons. La première provient de l’extrême concentration des devises dans le secteur public et pétrolier
et de l’ancrage au dollar. Jusqu’à mi-2023, la CBI assurait des opérations d’adjudications de devises aux banques, à
taux fixe et avec des montants plafonnés. Ce système a été interrompu par la CBI (préférant confier cette fonction
aux banques correspondantes des banques irakiennes, notamment sur demande des Etats-Unis pour limiter le risque
de financement du terrorisme et de contrebande avec l’Iran), conduisant à un assèchement de la liquidité en dollars
et à un écart de 20% (septembre 2023) entre le taux de change de marché et le taux de change officiel. Un autre
facteur contraignant provient des restrictions que peuvent instaurer les banques étrangères et banques
correspondantes (exposées aux sanctions extraterritoriales du Trésor américain), qui peuvent conduire à accroître les
difficultés de transferts. Enfin, les comptes externes restent extrêmement exposés aux variations exogènes des cours
du pétrole, pouvant conduire la CBI (dont l’indépendance constitutionnellement assurée est de facto encadrée par
le pouvoir politique) à intervenir en cas de choc majeur.
CLIMAT
Climat : Parmi l’ensemble des évènements climatiques auxquels
Des émissions liées à la production d’électricité
l’Irak est appelé à être confronté de façon croissante (sécheresses,
carbonée et à l’exploitation de pétrole
inondations, tempêtes de sable), l’impact le plus important provient
de la raréfaction des ressources en eau. La situation est déjà
dégradée avec les sécheresses récurrentes depuis plusieurs années, Autres
risque climatique place ainsi l’Irak parmi les pays les plus exposés et
les plus vulnérables, au 123e rang sur 180 pays.
Sources : BM (CCDR), calculs ECO
Transition bas-carbone : La dépendance de l’économie au pétrole
expose fortement, en l’absence de stratégie crédible pour y remédier, l’Irak au risque de transition bas-carbone. Les
émissions de GES s’élèvent à 5 tonnes de CO2eq par habitant (un niveau élevé pour ce niveau de revenu) et l’intensité
en carbone du PIB est bien supérieure à la moyenne des PRITS. Les émissions proviennent du secteur électrique (dont
la production est carbonée à 98%) à près de 50%, des transports à 13%, des émissions liées à l’exploitation de pétrole
(dont torchage de gaz) à 13%. Les engagements pris dans le cadre des CDN visent à réduire les émissions de 15% par
rapport au scénario BaU d’ici 2030, dont 13% sont conditionnés à près de 100 Mds USD de financements externes.
L’objectif est donc peu ambitieux et reflète l’absence de stratégie crédible pour anticiper la transition bas-carbone.
200
Fiche risque pays ISR/ECO – novembre 2023
Jade Castaner
Jordanie (castanerj@afd.fr)
Risque pays : RP3a Risque souverain : RC4b Risque T&C : +1 cran (éq. B+)
Le risque pays demeure élevé. La croissance économique est restée faible depuis 2010, progressant lentement en
raison de la reprise hésitante du secteur touristique et du contexte international. Cependant, l'essor rapide du secteur
touristique prévu pour 2023 devrait stimuler légèrement la croissance (+2,6 %) et réduire le déficit courant (7,6 % du PIB),
bien que ce dernier reste structurellement élevé (10 % en moyenne depuis 2010). Toutefois, le conflit entre le Hamas et
Israël en octobre 2023 risque de mettre brusquement fin à l'afflux de touristes. En fonction de l'ampleur du conflit, cela
pourrait entraîner des prévisions économiques à la baisse pour 2023 et 2024, notamment au vu des liens significatifs
entre Israël et la Jordanie. Le pays est déjà confronté à de nombreux défis, notamment un nombre important de
migrants, le mécontentement marqué de la population envers le pouvoir et un taux de chômage élevé (20 % de la
population en 2023). Le soutien géopolitique et financier substantiel dont bénéficie la Jordanie dans un environnement
régional tumultueux contribue à atténuer les risques macroéconomiques. Le risque souverain de la Jordanie est élevé.
Bien que la dette publique totale diminue depuis 2020, elle demeure importante et devrait atteindre 93,8 % du PIB (hors
titres détenus par la Social Security Corporation) en 2023. Elle reste toutefois soutenable grâce à un profil favorable. Le
poids du service de la dette a également augmenté, mais le ratio intérêts/recettes publiques est resté relativement
stable depuis 2020. Depuis la crise sanitaire, le déficit budgétaire a retrouvé son niveau d'avant 2015, avoisinant les 8 %
du PIB, et devrait demeurer élevé en 2023 (7 % du PIB), principalement en raison du maintien des mesures anti-inflation.
Conformément aux objectifs du programme du FMI (FEC de 1,2 Md USD sur 2021-2024), la politique budgétaire à
moyen terme se concentrera sur la réduction du déficit budgétaire. Bien que le pays demeure largement ouvert aux
investisseurs étrangers, la dollarisation relativement importante de l'économie confère au pays un risque de T&C élevé.
Evolution de la note risque pays Evolution des notes risque souverain et plafond pays
Risque pays Risque souverain Plafond pays
RC1
RP1
RC2
RP2
2b
RC3
4a B+
2c
RC4
3a
RP3
4b
RC5
RP4
RC6
mai-15 mai-16 mai-17 mai-18 mai-19 mai-20 mai-21 mai-22 mai-23 mai-15 mai-16 mai-17 mai-18 mai-19 mai-20 mai-21 mai-22 mai-23
201
ENVIRONNEMENT POLITIQUE ET SOCIOECONOMIQUE
Contexte politique et gouvernance publique : Le Royaume Une dégradation tendancielle du PIB par
hachémite de Jordanie est une monarchie parlementaire où le roi habitant au niveau régional
Abdallah II concentre de nombreux pouvoirs, dont celui de nommer 150 15000
le chef de l’exécutif tandis que seuls les membres de la Chambre
des Députés sont élus. Malgré les promesses d’étendre la
démocratisation à la suite des manifestations du printemps arabe de 100 10000
Indicateurs socioéconomiques : L'augmentation du taux de chômage depuis 2019 (20 % en 2023) est particulièrement
préoccupante, surtout parmi les jeunes où il frôle les 50 %. Cette situation suscite une inquiétude profonde, d'autant
plus qu'elle survient dans un contexte de reprise économique fragile et de dysfonctionnements persistants sur le
marché de l'emploi. Selon la FAO, entre 2019 et 2021, 17 % de la population se trouvait en situation d'insécurité
alimentaire aiguë, un pourcentage qui atteignait 72 % parmi les réfugiés. En raison de sa situation géographique, la
Jordanie est un pays d'accueil (2e rang mondial en termes de nombre de réfugiés par habitant), où les flux migratoires
ont régulièrement remodelé les équilibres démographiques et sociaux. La guerre civile syrienne a notamment
engendré un afflux massif de réfugiés : les réfugiés syriens étaient 1,3 M en 2022 (11 % de la population et 89 % de la
population immigrée). Cette situation, conjuguée à une croissance significative de la population jordanienne, passée
de 5 à 11 M d'habitants au cours des deux dernières décennies, accentue les tensions relatives aux ressources en eau
déjà limitées du pays et exerce une pression financière considérable sur les ressources gouvernementales.
Régime de croissance : En 2020, la Jordanie a vécu sa première Une tendance à la hausse de la croissance
récession en près de trois décennies, un revers économique 10
202
FINANCES PUBLIQUES
Comptes publics : Malgré un niveau relativement élevé (25 % du PIB Une consolidation budgétaire à moyen terme
en moyenne depuis 2010), les recettes budgétaires totales progressent grâce au programme FMI
peu depuis le décrochage du rythme de croissance en 2008. De plus, 40
-1
les pertes accumulées par les entreprises publiques du secteur de 35
-3
l'électricité (NEPCO) et de l'eau (WAJ) – respectivement 1,1 % et 0,7 %
du PIB en 2023 – exercent une forte pression sur le déficit budgétaire. -5 30
de 1,2 Md USD sur 2021-2024), en novembre 2023, les autorités ont finalisé un accord préalable avec le FMI pour un nouveau
programme (MEDC de 1,2 Mds USD sur 4 ans). La politique budgétaire à moyen terme se focalisera principalement sur la
réduction du déficit budgétaire, et ce nouveau programme accordera une priorité significative à l'adoption de mesures
visant à augmenter les revenus, réduire les coûts et améliorer l'efficacité des dépenses publiques.
Endettement public : Depuis 2019, la dette publique a enregistré une Un ambitieux objectif de réduction de la dette
hausse significative (+16 points de PIB) et représenterait 93,8 % du PIB en publique à 80 % d’ici 2027
100
2023 (112,6 % du PIB en incluant les titres détenus par le fond
d’investissement de la sécurité sociale). L’AVD de 2022 confirme la 80
soutenabilité de la dette publique grâce à son profil relativement
60
favorable. La dette présente une maturité moyenne de 6 ans, près de
la moitié de cette dette (40 % du PIB) est domestique, tandis que la 40
dette externe est détenue en partie par des créanciers officiels
20
étrangers (22 % du PIB), en partie concessionnelle. Bien que près de
la moitié de cette dette soit libellée en devises, la stabilité du taux 0
de change avec le dollar contribue à atténuer les vulnérabilités 2012 2014 2016 2018 2020 2022 2024
face au risque de change. Dans le cadre du programme FMI, les Dette publique externe (% du PIB)
Dette publique domestique (hors sécurité sociale, % du PIB)
autorités s’engagent à réduire la dette publique à 80 % du PIB d’ici
2027, à mesure que les pressions budgétaires diminueront. Moody’s a Sources : FMI (WEO, 5e revue janv. 2023), calculs ECO
ainsi révisé la perspective de sa notation de stable à positive fin 2022. Toutefois, la dette publique reste vulnérable en cas
de resserrement des conditions financières, une majorité étant souscrite à des conditions de marché (~60 % du PIB en 2022).
Le pays conserve un accès aux marchés financiers et a émis un eurobond en juin 2022 (650 M USD à 7,75 %), suivi d'une
autre émission en avril 2023 (1,25 Md USD à 7,5 %), avec des spreads demeurant relativement contenus (371 pdb en octobre
2023). Néanmoins, le soutien financier de la communauté internationale demeure essentiel pour couvrir le BFP (16,1 % du
PIB en 2023), en partie en raison du poids des intérêts de la dette (17 % des recettes en 2023).
Secteur financier : Les dépôts constituent l'essentiel des ressources des banques jordaniennes et sont en grande partie
libellés en monnaie locale (80 % en 2022). Le niveau de solvabilité reste solide (17,3 % en 2022), permettant au secteur
de faire face aux chocs potentiels. En 2022, les prêts non performants ont diminué pour atteindre 4,5 %, avec un taux
de provisions robuste à 81,5 %. Selon le FMI, le secteur bancaire demeure en bonne santé, bien que le rendement et
la qualité des actifs soient des éléments à surveiller (ROA à 1 % et ROE à 8,5 % en 2022). La Banque mondiale et le FMI
ont récemment entrepris une évaluation du secteur financier (FSAP) et les autorités se sont engagées à mettre en
œuvre les recommandations résultant de ce processus. En outre, depuis octobre 2021, la Jordanie est inscrite sur la
liste grise du GAFI en raison de lacunes en matière de LCB-FT.
203
COMPTES EXTERNES
Balance des paiements : Très dépendante de ses importations – Une réduction du déficit courant en 2023
notamment énergétiques – et faiblement exportatrice – tourisme, soutenue par les recettes touristiques
phosphate, textile principalement –, la Jordanie affiche un solde 30%
courant structurellement déficitaire. En 2022, ce déficit s'est 20%
accentué pour atteindre 8,8 % du PIB. Le redressement du secteur
10%
touristique, qui a retrouvé son niveau de 2019 et une augmentation
des exportations, n’ont pas suffi à compenser la hausse des coûts 0%
2024) restera tributaire de l'évolution et de l'ampleur du conflit entre Sources : BM (WDI), calculs ECO
Israël et le Hamas. Le FMI anticipait une augmentation des recettes touristiques à moyen terme, engendrant une
hausse de l'excédent dans le secteur des services. D'après les dernières prévisions du FMI, le déficit courant devrait
atteindre 3 % d'ici 2026, ce chiffre pourrait être révisé à la hausse lors des prochaines évaluations.
Soutenabilité et liquidité externes : La dette externe (87,7 % du PIB en 2023, ~50 % publique) est élevée et extrêmement
vulnérable à des chocs sur la croissance et les taux d’intérêts. Sa soutenabilité est conditionnée au maintien du peg
avec l’USD et 43 % de la dette externe serait exigible à court terme en 2023 (principalement des dépôts en devises
des non-résidents auprès des banques commerciales), représentant un élément de fragilité. En 2022, le besoin de
financement externe (BFE) s’élevait à 29 % du PIB et baisserait autour des 15 % à l’horizon 2027 grâce à la réduction
du déficit courant projetée par le FMI. Sa couverture a été possible grâce aux eurobonds, aux dons et prêts des
bailleurs bilatéraux et multilatéraux et l’allocation octroyée par le FMI. La Jordanie est ainsi très dépendante de ses
partenaires internationaux, qui restent engagés et offrent un soutien financier substantiel et principalement à des
conditions favorables. Un protocole d'accord (MoU) sur 7 ans a été conclu avec les États-Unis en septembre 2022,
garantissant 1,45 Md USD de subventions annuelles, et un accord a également été conclu avec les EAU en novembre
2023, pour un montant de 6 Mds USD dans des projets d'infrastructure et de développement. Les réserves brutes
s’élèveraient à 16,7 Mds USD fin 2023, soit 7,2 mois d’importations (99 % de la métrique ARA du FMI) contre 6,9 mois fin
2022 grâce à un solide soutien des bailleurs permettant à la Jordanie de maintenir son ancrage monétaire.
Transfert et convertibilité : A ce jour, la Jordanie n’impose aucune mesure de contrôle de l’accès à la devise et de
sorties de capitaux et demeure ainsi largement ouverte aux investissements étrangers. Malgré ces indicateurs
relativement favorables, l’ancrage fixe de la monnaie avec le dollar pousse la Banque centrale à suivre la politique
monétaire de la FED et à intervenir sur le marché des changes pour maintenir la parité. Tant que la dollarisation de
l’économie jordanienne restera aussi importante (20 % des dépôts), la Banque centrale devra donc continuer à
accumuler des réserves afin de faire face à d’éventuels chocs financiers ou à des sorties de capitaux.
CLIMAT
Climat : Déjà confrontée à des pressions considérables sur ses Les menaces liées à l'eau constituent les
ressources en eau (parmi les dix pays les plus pauvres en eau du principaux risques climatiques
monde), la raréfaction de cette ressource constitue la menace
climatique prédominante. Les prévisions indiquent que le
changement climatique devrait entraîner une diminution des Tempêtes Sécheresses
précipitations et une augmentation de leur variabilité. Ces facteurs 22% 14%
204
Fiche risque pays ISR/ECO – novembre 2023
Gaëlle Balineau
Moldavie (balineaug@afd.fr)
Risque pays : RP3c Risque souverain : RC4b Risque T&C : + 1 cran (éq. B+)
Le risque pays est élevé, en raison notamment de l’essoufflement d’un modèle de croissance basé sur les transferts
de migrants et les transferts sociaux, et de la vulnérabilité de l’économie aux chocs externes. La vie politique du
pays, structurée autour du clivage « pro-russes » versus « pro-européen » depuis l’indépendance, est sous vives
tensions depuis la guerre en Ukraine. La Russie soutient par ailleurs le territoire autonome de Transnistrie à l’est du
pays, et agite l’épouvantail du parallèle ukrainien lors des rapprochements de la Moldavie avec l’UE ou l’OTAN.
Ainsi, la Présidente Maia Sandu et son gouvernement étant résolument pro-européen (le pays a acquis le statut de
candidat à l’Union Européenne en 2022), le pays subit les « sanctions » russes via des hausses du prix du gaz et des
coupures d’approvisionnements. Malgré une succession de chocs exogènes (Covid-19, guerre en Ukraine et
tensions avec la Russie) la trajectoire de croissance serait robuste à moyen terme (5% selon le FMI) à mesure que
l’impact de la guerre en Ukraine se dissipe, que la mise en œuvre des réformes structurelles dans le cadre du
programme FMI se poursuit, et avec la progression du processus d’intégration européenne. Le risque souverain est
élevé. L’endettement public est modéré, estimé à 38% du PIB en 2023, et en majorité externe depuis 2021. Il devrait
croitre à moyen terme, reflet des crises et de la volonté des partenaires occidentaux de la Moldavie de
l’accompagner dans une trajectoire de relance et de diversification de l’économie que catalysera l’investissement
public. Malgré cela, l’endettement public externe reste et devrait rester modéré, et son profil favorable. La dernière
analyse de viabilité de la dette du FMI (décembre 2022) jugeait le risque de surendettement public externe faible.
Le risque de transfert et convertibilité est élevé du fait d’un historique de restrictions sur les flux de capitaux et
financiers sortants, et d’une position externe vulnérable aux chocs.
Evolution de la note risque pays Evolution des notes risque souverain et plafond pays
Risque pays Risque souverain Plafond pays
RC1
RP1
RC2
RP2
RC3
B+
B
RC4
RP3
3c
RC5
4c 4b
RP4
RC6
mai-15 mai-16 mai-17 mai-18 mai-19 mai-20 mai-21 mai-22 mai-23 mai-15 mai-16 mai-17 mai-18 mai-19 mai-20 mai-21 mai-22 mai-23
205
ENVIRONNEMENT POLITIQUE ET SOCIOECONOMIQUE
Contexte politique et gouvernance publique : La Moldavie a déclaré son indépendance en 1991. La Transnistrie, petit
territoire peuplé de russophones à l’est du fleuve Dniestr, a alors fait sécession, craignant une volonté des moldaves
d’être réunis à la Roumanie (comme entre 1918 et 1940). La Transnistrie n’est pas reconnue par la communauté
internationale mais bénéficie i) d’un statut juridique autonome accordé par le parlement moldave en 1994, et ii) du
soutien de la Russie qui y place militaires et armes. Cette situation, stable depuis les conflits armés de 1992 (~ 3 500
morts), inquiète depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie. L’opposition entre peuple latin souhaitant se rapprocher
de l’UE et russophones regardant à l’Est structure la vie politique moldave. Entre 2001 et 2009 le parti communiste au
pouvoir entame un tournant vers l’UE, qui sera poursuivi par les gouvernements successifs. En 2009, s’ouvre une série
de crises politiques, dues notamment à l’instabilité d’un régime
parlementaire qui requiert des majorités pour élire un Président. Le 2ème pays le plus pauvre de l’Europe de l’Est
RNB/hab. USD ppa constant
Ces crises s’amplifient en fonction de la géopolitique
5 000 80%
internationale et des conflits d’intérêt internes dans un
4 500 Moldavie
environnement qui reste corrompu et clientéliste même si la 70%
4 000 Ukraine
situation s’améliore (classé 91/190 par Transparency International 60%
3 500 Moldavie/Europe centrale et pays baltes
en 2022, 105 en 2020). En 2014, l’annexion de la Crimée par la Modlavie/candidats UE 50%
3 000
Russie coïncide avec l’éclatement d’un scandale bancaire et 2 500 Moldavie/UE 40%
politique dans lequel 15% du PIB a disparu des banques. Maia 2 000 30%
Sandu élue en 2020 promet d’en finir avec la corruption. La guerre 1 500
20%
en Ukraine accélère le rapprochement avec l’UE (la Moldavie a 1 000
obtenu le statut de candidat à l’UE en 2022), mais aussi les tensions 500 10%
manque d’investissement dans les infrastructures en zone rurale. Taux de croissance du PIB réel, %
L’industrie pâtit du manque d’économie d’échelle et de main Taux de croissance annuel moyen, %
d’œuvre qualifiée. Ainsi, le modèle économique repose sur une
agriculture de subsistance et quelques exportations, et surtout la Sources : FMI (WEO), calculs ECO
consommation privée induite par les transferts de migrants (20% du
PIB depuis le début du siècle), qui représentent entre ¼ et ⅓ de la population. Le modèle s’essouffle et la productivité
des facteurs stagne depuis une dizaine d’années.
Régime de croissance : A la décennie de récessions post-1991, qui s’achève par la crise économique russe de 1998,
succèdent 10 années de croissance soutenue, heurtée ensuite par une succession de crises économique (2009)
politique (2012) et bancaire (2014). La récession « covid » fut sévère en 2020 (-8,3%), les mesures de confinement ayant
durement affecté les secteurs industriel et tertiaire tandis que la production agricole a souffert des sécheresses. La
hausse des salaires et l’accélération du crédit, couplées à la résilience des envois d’argent des migrants en 2020-2021
(12% du PIB), ont soutenu une forte reprise en 2021 (13,9%). L’économie s’est contractée de 5,6% en 2022, en raison de
la guerre en Ukraine (hausse des cours mondiaux et hausse du prix du gaz russe, détérioration de la situation
économique des partenaires commerciaux (Roumanie, Russie, Ukraine) et de conditions météorologiques
défavorables. La reprise de 2% prévue en 2023 repose sur le soutien aux salaires du secteur public, une politique de
relance et une situation internationale moins dégradée. Une trajectoire de croissance robuste est prévue à moyen
terme (5%) même si le niveau du PIB réel en 2026 devrait être encore inférieur d’environ 14% à ses prévisions d’avant-
guerre.
206
FINANCES PUBLIQUES
Comptes publics : Le déficit public est structurel mais modéré, à
Détérioration des comptes publics sous l’effet
1,6% du PIB en moyenne sur la décennie pré-covid. Il reflète surtout
des crises exogènes
un sous-investissement, avec des dépenses (~33,5% du PIB en
moyenne depuis 2010) concentrées sur les transferts sociaux (14% 50 5
se maintenir autour de 5% du PIB jusqu’en 2024. Il est couvert grâce Sources : FMI (WEO), calculs ECO
aux financements domestique et externe, dont des contributions
(européenne, française et allemande surtout) au fond de réduction de la vulnérabilité énergétique (EVRF), qui aurait
un tampon de 56 M USD. Il existe des marges de manœuvre pour augmenter les recettes budgétaires (réduction des
exemptions de TVA et hausse sur des taxes sur alcool et tabac). La situation de Moldovagaz (filiale de Gazprom et
détenue à 36% par le gouvernement moldave) est à surveiller : Gazprom réclame une dette de 706 M USD (5% du PIB,
important passif contingent), dont le gouvernement moldave ne reconnait que 8 M USD suite à un audit international
qui a rendu ses conclusions en septembre 2023.
Endettement public : La dernière AVD du FMI (déc. 2022) juge la Une dette publique soutenable
dette publique soutenable, avec un faible risque de 50
surendettement public externe. Le taux d’endettement public,
40
modéré, a cru de 25,5% du PIB en 2010 à plus de 42% en 2015,
30
reflet de la crise bancaire et de l’émission d’une garantie par la
banque nationale de Moldavie pour injecter en urgence des 20
liquidités dans le système bancaire (pour un montant aux 10
alentours de 10% du PIB). La dette publique externe a légèrement
0
cru avec le programme FMI 2016-2020 à la suite de la crise 2005 2010 2015 2020 2025
bancaire, à 14% du PIB en moyenne entre 2015 et 2019, contre
Dette publique domestique, % du PIB
11% les cinq années précédentes. Elle augmente à nouveau avec
les facilités d’urgence Covid en 2020 (15% du PIB), puis avec les Dette publique externe, % du PIB
nouvelles ECF/EFF conclues avec le FMI en décembre 2021 pour Dette publique totale, % du PIB
40 mois. Ces lignes ont été augmentées de 260 M USD en mars
Sources : BM (WDI) & IMF (WEO), calculs ECO
2022 suite à la guerre en Ukraine pour les porter à 796 M USD (5%
PIB), dont 59% ont été déboursés. La Moldavie a également
conclu un financement budgétaire avec l’UE en avril 2022 de 150 M EUR (1% du PIB de 2021). L’endettement public
suit donc une trajectoire en légère hausse avec une nette augmentation de la part externe depuis 2020. La dette
externe publique est contractée auprès de multilatéraux (la Moldavie n’émet pas sur les marchés), et un tiers de la
dette domestique est constitués de bons du Trésor à long terme ; le reste est placé à court terme auprès des banques.
Le service de la dette est essentiellement domestique.
marqué par la crise de 2014 et la fraude massive. 1 Md USD a ainsi Sources : IMF, calculs ECO
disparu de 3 banques qui ont accordé des prêts la veille des
élections législatives du 30 novembre 2014. Les mesures prises dans le cadre du programme FMI mis en place suite à
la crise bancaire ont permis d’assainir le secteur qui présente des indicateurs satisfaisants en termes de capitalisation,
liquidité et rentabilité.
207
COMPTES EXTERNES
Balance des paiements : Le déficit courant (7% du PIB en moyenne
Le compte courant est structurellement très
en 2010-2019) est tiré par une balance commerciale déficitaire
structurellement déficitaire du fait du poids des importations,
30
notamment énergétiques, et de la faible diversification des
20
exportations (céréales graines oléagineux et vins ; textiles et
10
composantes électriques et électroniques). Ce déficit commercial 0
élevé n’est que partiellement compensé par les transferts de la -10 2009 2012 2015 2018 2021 2024
diaspora (14,5% du PIB en moyenne en 2010-2019). Depuis 2021, les -20
équilibres externes sont particulièrement fragilisés par la hausse des -30
cours mondiaux des matières premières alimentaires et -40
énergétiques, amplifiée par les effets de la guerre en Ukraine et les Solde des services (% du PIB)
Revenus et transferts courants (% du PIB)
tensions avec la Russie. La Russie et l’Ukraine représentent 20% des
Solde des biens (% du PIB)
échanges moldaves en 2019 et environ 15% des transferts des
Solde courant (% du PIB)
migrants. Ainsi, le déficit du compte courant s’est accru en 2022
pour atteindre environ 14% du PIB, niveau auquel il devrait se Sources : IMF, calculs ECO
maintenir en 2023 selon le FMI, notamment à cause des tensions
sur le gaz russe. Le besoin de financement externe (BFE) était ainsi estimé à environ 16,1% du PIB en 2022. Il a été
couvert majoritairement par des IDE (9,3% du PIB), un puisement dans les réserves de change (2,2% du PIB) et le restant
(4,6% du PIB) a pu être couvert par la Banque Mondiale (1,1% du PIB), la Commission Européenne (0,9% du PIB),
d’autres partenaires multilatéraux (1,45% du PIB), et le versement du FMI au titre de l’ECF/EFF (1,25% du PIB). À moyen
terme, le déficit du compte courant devrait se rapprocher de sa moyenne d’avant la pandémie (~8% du PIB). Le BFE
de 1,3 Md USD en moyenne sur 2023-2025 (~10% du PIB) sera financé principalement par les IDE et les décaissements
du FMI (environ 545 M USD, et un RSF récemment accordé de 169 M USD) et des autres bailleurs, sans besoin de puiser
dans les réserves qui devraient se reconstituer.
Soutenabilité et liquidité externes : Le taux d’endettement externe total était de 71,4% du PIB en 2020 et a diminué de
9 points de pourcentage en 2021 pour atteindre 67,9% et croît de nouveau en 2023 à 77,8% du PIB, effet des variations
fortes de croissance. Ce niveau est élevé par rapport aux pairs, et reflète surtout l’endettement de Moldovagaz. La
trajectoire est toutefois à la baisse depuis 2016, reflétant la diminution des emprunts des banques à l’étranger. La dette
externe publique reste contenue et au profil favorable, essentiellement auprès de multilatéraux à des termes
concessionnels. Le fort soutien de la communauté internationale a été renforcé par les résultats pro-UE des élections
législatives de juillet 2021 puis par la guerre en Ukraine. Le taux de change se déprécie légèrement par rapport au
dollar et dans une moindre mesure par rapport à l’euro mais est revenu à un niveau de 4% de moins qu’avant la
guerre. Les réserves de change se maintenaient en février 2023 à un niveau adéquat de 4,8 Mds USD soit 5 mois
d’importations de biens et services.
Transfert et convertibilité : L’indice de Chinn-Ito, stable à 0,16 depuis 2000, témoigne d’un historique d’importantes
restrictions, principalement sur les flux de capitaux et financiers sortants. Le régime de change est flottant de facto
mais la banque centrale de Moldavie (NBM) intervient pour limiter sa volatilité. Les mesures mises en œuvre dans le
cadre du programme FMI visent ainsi à renforcer l’indépendance de la banque centrale. La vulnérabilité de la position
externe et l’historique de restrictions confère au pays un risque élevé de transfert et convertibilité.
CLIMAT
Climat : Le risque physique climatique est modéré mais l’exposition
du secteur agricole est forte (10% du PIB mais 21% de l’emploi, BM Le gaz russe représente un quart des émissions
2019). Les investissements ne sont pas assez importants, de gaz à effet de serre de la Moldavie
notamment en matière d’irrigation. La dépendance commerciale
Industries
et infrastructurelle exacerbe le risque d’insécurité alimentaire. 5% Déchets
Energie,
Toujours incompatibles avec le scénario de +1,5°, les émissions de transport 14%
GES sont toutefois inférieures à la moyenne mondiale : la 16%
208
Fiche risque pays ISR/ECO – novembre 2023
Sylvain Bellefontaine
Ouzbékistan (bellefontaines@afd.fr)
Risque pays : RP3b Risque souverain : RC3c Risque T&C : 1 cran (éq. BB)
Le risque pays est élevé mais stable. Des fondamentaux macroéconomiques relativement sains, combinés aux
mesures gouvernementales et au soutien financier des bailleurs, ont permis au pays de résister à la succession de
chocs exogènes depuis 2020. L’Ouzbékistan a adopté une posture de neutralité dans le conflit russo-ukrainien, dont
les répercussions économiques à travers ses liens avec la Russie (commerce, transferts, investissements) se sont
avérées plutôt positives à court terme, si ce n’est le maintien d’une inflation à deux chiffres. Face à l’instabilité
régionale croissante, l’Ouzbékistan affiche une stabilité politique interne, autour du président Mirziyoyev, populaire
mais qui cadenasse un régime toujours autoritaire. Parallèlement, il poursuit la transformation d’une économie
planifiée vers une économie de marché, engagée en 2017 et freinée par le contexte international difficile. Le risque
souverain est assez élevé. Un matelas d’épargne publique et un taux d’endettement public encore modéré
confèrent au gouvernement des marges de manœuvre, mais le report de la consolidation budgétaire et
l’accroissement de l’endettement externe sont des points de vigilance. Le risque de T&C demeure élevé. La position
extérieure nette créditrice est un atout pour piloter l’ouverture graduelle de la balance des paiements, à l’origine
d’un déficit du compte courant depuis 2018 et d’un besoin de financement externe conséquent. La soutenabilité
de la balance des paiements passera par la diversification et la compétitivité de la base exportatrice très
dépendantes des matières premières, le désenclavement commercial, l’élargissement des débouchés, notamment
vers l’UE, la transition énergétique, l’attractivité des IDE et le développement des marchés de capitaux domestiques.
Evolution de la note risque pays Evolution des notes risque souverain et plafond pays
Ris que pays Ris que souverain Plafond pays
RP1
RC1
RC2
BB
RP2
3c
RC3
3b
3c 4c
RP3
RC4
RC5
RP4
RC6
mai-15 mai-16 mai-17 mai-18 mai-19 mai-20 mai-21 mai-22 mai-23 mai-15 mai-16 mai-17 mai-18 mai-19 mai-20 mai-21 mai-22 mai-23
209
ENVIRONNEMENT POLITIQUE ET SOCIOECONOMIQUE
Contexte politique et gouvernance publique : Depuis son Amélioration graduelle de la gouvernance
indépendance en 1991, l’Ouzbékistan est caractérisé par un régime Indicateurs de gouvernance (percentile)
100
présidentiel centralisé et autoritaire. L’arrivée au pouvoir de Shavkat
90 Contrôle de la corruption
Mirziyoyev (premier ministre de 2003 à 2016) en décembre 2016, Efficacité du gouvernement
80
après le décès du président Islam Karimov, a toutefois marqué un Etat de droit
70
tournant vers une politique étrangère d’ouverture et une politique Qualité réglementaire
60 Voix citoyenne et redevabilité du gouvernement
domestique moins répressive et plus transparente, traduite par une Stabilité politique, absence de violence et de terrorisme
50
amélioration des indicateurs de gouvernance à un niveau toujours
40
assez médiocre. Le président, populaire en interne, a été réélu en
30
octobre 2021 pour un second mandat de cinq ans, face à une
20
opposition figurative et muselée. Rapidement circonscrits, les
10
mouvements sociaux dans la région autonome du Karakalpakstan à
0
l’été 2022 n’ont pas remis en cause la stabilité politique interne. 1996 1999 2002 2005 2008 2011 2014 2017 2020
Toutefois, l’image de réformateur-modernisateur de S. Mirziyoyev ne
Source : Banque mondiale
doit pas occulter une dérive népotique du pouvoir et l’évincement
de toute figure politique émergente. Suite au referendum constitutionnel du 30 avril 2023, le président a été réélu pour
un mandat de sept ans le 9 juillet, face à trois candidats fantoches, avec la possibilité de briguer un second septennat
en 2030. Sorti de son autarcie, l’Ouzbékistan tente de déployer une politique étrangère indépendante, multilatérale
et équilibrée entre l’Occident, la Russie et la Chine. La ligne officielle de neutralité est mise à l’épreuve depuis le
déclenchement de la guerre en Ukraine, qui a consolidé la position de la Chine en Asie centrale, déjà renforcée au
cours de la dernière décennie à travers les « nouvelles routes de la soie ». Plusieurs entreprises ouzbèkes ont récemment
été sanctionnées par l’UE et les Etats-Unis pour non-respect des sanctions envers la Russie. Par ailleurs, la situation
régionale présente un risque d’externalités négatives pour l’Ouzbékistan, à la fois migratoires, sécuritaires,
économiques et commerciales, en lien avec i) le retour du régime taliban en Afghanistan depuis août 2021 avec qui
l’Ouzbékistan maintient le dialogue comme peu d’autres pays ; ii) l’instabilité du Tadjikistan et les escarmouches avec
le Kirghizistan ; iii) des différends territoriaux frontaliers et sur la gestion des ressources en eaux (fleuve Amou-Daria).
Indicateurs socioéconomiques : Quasi inexistantes jusqu’en 2016, les données socio-économiques désormais
disponibles dressent un tableau relativement satisfaisant en termes de développement humain, d’inégalités et de
pauvreté. L’objectif du gouvernement de doubler le PIB nominal/habitant à 4000 USD d’ici 2030 pour intégrer la
catégorie des PRITS et de diviser par deux le taux de pauvreté (14,1% de la population au seuil national en 2022)
apparaît atteignable dans l’hypothèse d’une croissance du PIB réel d’au moins 5% par an, d’une révision à la hausse
du PIB (a priori sous-évalué) et d’une désinflation accompagnée d’une stabilité du taux de change. Face à la pression
démographique, « l’inclusivité » de la croissance économique, l’amélioration du capital humain et l’essor du secteur
privé dans des filières intensives en main d’œuvre seront cruciaux, compte tenu des difficultés d’absorption du marché
du travail, de l’importante informalité et de l’émigration comme soupape sociale et source de revenus.
Régime de croissance : L’Ouzbékistan affiche une croissance économique dynamique et peu volatile depuis deux
décennies (6,7% par an en moyenne), supérieure à la moyenne des PED (5,3%) et des pays de la CEI (3,5%). La chute
des exportations de matières premières (or, coton et gaz naturel pèsent 60% des exportations totales) en 2014-2016,
en lien avec la fin du super-cycle, a été compensée par l’accélération de l’investissement public à partir de 2017 (taux
de FBCF de 39% du PIB en 2018-2022). Les mesures contra-cycliques, la maîtrise de la pandémie, la hausse des cours
de l’or et la bonne performance des secteurs agricole et de la construction ont permis d’amortir le choc de la crise
Covid-19 en 2020 (croissance du PIB réel de 2%). Le net rebond de l’activité en 2021(7,4%) a été soutenu par la
consommation, l’investissement, l’industrie et les services. Ces moteurs ont permis à la croissance de bien résister en
2022 (5,7%), en dépit de la guerre en Ukraine, à l’origine d’un afflux sans précédent de transferts en provenance de
Russie. La croissance du PIB réel a atteint 5,8% en g.a. sur neuf mois en 2023, adossée à une demande interne toujours
robuste à l’origine d’une contribution négative du commerce extérieur. Le FMI prévoit 5,5% de croissance en moyenne
en 2023 et 2024, en ligne avec son niveau potentiel à moyen terme fondé sur une hypothèse de forte accumulation
de capital, de gains de productivité (PIB/travailleur en USD PPA estimé à 65% de la moyenne d’Asie centrale et 55%
de la moyenne des PRITS), de hausse de la population active et d’insertion réussie dans le commerce mondial.
210
FINANCES PUBLIQUES
Comptes publics : Un matelas d’épargne publique (≈¼ du PIB, Report de la consolidation budgétaire à 2024
essentiellement constitué des actifs du Fonds pour la Reconstruction et Finances publiques (%PIB)
le Développement, FRD) et un taux d’endettement public encore 50
Dette publique
modéré confèrent au gouvernement des marges de manœuvre 45
Solde budgétaire
40 Recettes
budgétaires pour affronter les chocs externes. La politique budgétaire 35 Dépenses
a été plutôt conservatrice pour une économie dirigée avant la 30
pandémie de Covid-19, avec un excédent budgétaire officiel de 2,2% 25
20
du PIB en moyenne en 2010-2019. Après 3,3% du PIB en 2020, le déficit 15
public s’est établi à 4,6% et 4,2% du PIB en 2021 et 2022, le 10
gouvernement ayant maintenu l’effort en termes de hausse des 5
0
salaires et de dépenses sociales dans un contexte international -5
dégradé et d’inflation à deux chiffres. Un léger dérapage budgétaire -10
se précise pour l’année en cours, avec un déficit attendu par le FMI 2000 2003 2006 2009 2012 2015 2018 2021 2024 2027
de dollarisation (45% des prêts et 31% des dépôts mi-2023). Source : CBU, calculs ECO
Secteur financier : La présence bancaire russe apparaît limitée, tout comme l’exposition des banques ouzbèkes aux
banques russes sous sanctions. Malgré la croissance soutenue du crédit (+18% en g.a. en 2021-2022, +23% en juillet
2023), son taux de pénétration d’environ 43% du PIB mi-2023 limite le risque de bulle de crédit. Les indicateurs bilanciels
du secteur bancaire (solvabilité, profitabilité, liquidité) ont globalement bien résisté depuis 2020. Le taux de PNP
apparait en recul à 3,4% mi-2023 après un pic à 6,2% mi-2021. Corollaire d’un ratio dépôts/crédit de seulement 48%
mi-2023, l’endettement externe des banques est un point de vigilance. La réglementation Bâle III est effective depuis
2018 mais la transparence et la supervision doivent être renforcées. Une réforme bancaire de 2019 vise : i) le transfert
du financement des entreprises publiques des banques au FRD ; ii) le renforcement du bilan de banques publiques via
notamment des recapitalisations ; iii) l’amélioration de la gouvernance ; et iv) l’alignement des taux d'intérêt sur les
prêts préférentiels avec le taux directeur. Le nombre de banques publiques a tout de même été réduit de 13 à 10
depuis 2020 et leur part dans le total des actifs bancaires est passée de 85% à 69%, pour un objectif fixé dans le plan
de privatisation lancé en mai 2020 à 40% en 2025.
211
COMPTES EXTERNES
Balance des paiements : Le solde du compte courant a bénéficié en Amélioration éphémère du compte courant
2022 d’un effet net positif de la conjoncture internationale à travers
Compte courant et principales
l’amélioration des termes de l’échange et l’afflux record de transferts composantes
courants en provenance de Russie. Le déficit du compte courant s’est 20
15
ainsi réduit à 0,8% du PIB après 6,1% en moyenne en 2018-2021. En
10
2023, malgré la bonne tenue des exportations (+24% en g.a. en 5
janvier-septembre), la progression de même ampleur des 0
importations (+23%) a creusé le déficit commercial. Aussi affecté par -5
la baisse logique des transferts, le déficit du compte courant pourrait -10
dépasser 4% du PIB cette année selon le FMI et demeurerait proche -15 Importations (Mds USD)
Exportations (Mds USD)
de 5% du PIB à horizon 2028. L’Ouzbékistan est autosuffisant en gaz -20 Solde du compte courant (%PIB)
-25 Solde commercial des biens (%PIB)
naturel (frein aux exportations pour servir la demande interne) mais Transferts des migrants (Mds USD)
-30
pas en pétrole et produits dérivés. La balance alimentaire est 2008 2010 2012 2014 2016 2018 2020 2022
structurellement excédentaire, le pays exportant des produits Source : CBU, calculs ECO
agroalimentaires, notamment vers la Russie, désormais 2nd partenaire
commercial derrière la Chine. Les métaux représentent en moyenne pluriannuelle environ 50% des recettes
d’exportations totales, alors même que le potentiel polymétallique et uranifère est encore sous-exploité, hormis l’or.
Les perspectives à l’exportation de la filière coton-textile se sont éclaircies depuis la levée en mars 2022 de l’embargo
pour travail forcé d’enfants. Cependant, les effets négatifs et potentiellement durables du conflit russo-ukrainien
pourraient contrarier l’essor commercial d’un pays enclavé. La fermeture de la route traditionnelle vers l’Europe via
l’Ukraine rallonge les délais et renchérit les coûts logistiques.
Soutenabilité et liquidité externes : La position extérieure nette du pays demeure créditrice (+16,2 Mds USD à mi-2023,
soit 18% du PIB), et la Banque centrale utilise l’or, dont elle a le monopole pour l’acquisition de la production nationale,
à des fins de régulation de la liquidité devises/soum et de gestion du marché des changes. Les actifs de réserves
internationales (32,9 Mds USD en octobre 2023 dont ¾ d’or) demeurent très confortables, couvrant 11 mois
d’importations de biens et services fin 2022. Toutefois, les réserves de change liquides ont baissé d’un tiers depuis deux
ans à 8,4 Mds USD en octobre 2023. Le besoin de financement externe (BFE) devrait croître à 15% du PIB en 2023-2024,
du fait du creusement du déficit courant et de l’afflux de dépôts des non-résidents comptabilisés en dette à court
terme. La couverture du BFE devrait être assurée par les financements des bailleurs, les entrées nettes d’IDE, voire
l’utilisation des actifs de réserves en attendant l’éventuelle reprise des émissions d’eurobonds. Pour moitié public ou
garanti par l’État, l’endettement externe a plus que doublé depuis 2017 à 55% du PIB en 2022 (FMI/BM vs. 64% du PIB
selon la CBU). Son profil demeure favorable puisqu’à 88% à long terme avec un service de dette modéré à 25% des
exportations de biens et services.
Transfert et convertibilité : L’ouverture du compte financier est très graduelle, et les contrôles des changes et des
capitaux demeurent importants pour une économie quasi-autarcique jusqu’à très récemment. Les réformes en cours
sous-tendent l’amélioration progressive de la gouvernance, de la transparence et de la flexibilisation de la politique
monétaire et de change, menée par une Banque centrale un peu plus indépendante du pouvoir exécutif.
CLIMAT
Climat : Le pays se classe 70e sur 182 selon l’indice ND-GAIN de vulnérabilité au changement climatique et 104 e pour
l’état de préparation. Le gouvernement a commencé à élaborer son Plan National d’Adaptation. La CDN actualisée
en 2021 souligne que les températures augmentent deux fois plus vite que la moyenne mondiale et le pays fait déjà
face à la raréfaction des ressources hydriques, à la désertification (assèchement de la mer d’Aral) et à un
accroissement des phénomènes climatiques extrêmes. La production agricole, quasi intégralement irriguée, et la
production hydroélectrique consomment plus de 90% de la ressource en eau disponible. L’accès à l’or bleu devient
source de risque sociopolitique et socioéconomique, au niveau local mais aussi régional du fait des tensions avec les
pays voisins pour la ponction des eaux fluviales de l’Amou-Daria.
Transition bas-carbone : Fondé largement sur l’exploitation de ses Des émissions en baisse mais élevées
ressources naturelles (près de 70% des recettes d’exportations et 15% Emissions de CO2/habitant (tonnes/an)
7
des recettes budgétaires), le modèle économique de l’Ouzbékistan, Monde
est intensif en carbone et peu efficace dans l’utilisation des ressources 6 Ouzbékistan
PRITI
énergétiques. Les émissions de gaz à effet de serre nationales (dont ⅔ 5
de CO2) sont inférieures à la moyenne mondiale (5,5 t CO2 eq contre
6,7) mais le double de la moyenne des pays PRITI. L’exposition directe 4
aux industries dites en déclin dans le cadre de la transition bas 3
carbone est modérée, tout comme les vulnérabilités macro et socio-
2
économiques. En matière d’atténuation, l’élaboration en cours d’une
stratégie de transition vers une économie « verte » ambitionne de 1
promouvoir une économie prospère et respectueuse des ressources
0
disponibles. La CDN revoit à la hausse l’objectif d’atténuation, à savoir 1990 1994 1998 2002 2006 2010 2014 2018
une réduction de l’intensité carbone du PIB de 35% à l’horizon 2030
Source : Banque mondiale
par rapport à 2010 (contre 10% auparavant), sans chiffrage des
mesures proposées. Les bailleurs internationaux sont sollicités par les autorités et sont actifs dans le pays sur les sujets
énergie-climat, en particulier sur les ressources en eau, l’agriculture et les infrastructures de production électrique.
212
Fiche risque pays ISR/ECO – novembre 2023
Benoît Jonveaux
Pakistan (jonveauxb@afd.fr)
Risque pays : RP 3c Risque souverain : RC5 Risque T&C : 0 cran (éq. CCC+)
Le risque pays est élevé. Le Pakistan est sujet à des vulnérabilités structurelles marquées et persistantes (déséquilibres
macroéconomiques, croissance erratique et en diminution tendancielle, indicateurs socioéconomiques en retrait,
faible gouvernance, exposition forte aux risques climatiques). Le pays traverse depuis début 2022 une crise
économique généralisée : dérapage budgétaire (déficit à 8% du PIB en 2022 et 2023), attrition rapide des réserves
de change (à un peu moins d’un mois et demi d’importations en septembre 2023), inflation record (30% en moyenne
sur les douze derniers mois) dépréciation de la roupie (-45% face au dollar en deux ans). Tous les secteurs d’activité
sont affectés de telle sorte que le FMI estime que le pays est entré en récession (-0,5%) au cours de l’année fiscale
2023. L’instabilité financière a par ailleurs conduit les autorités à mettre en œuvre un ensemble de restrictions et de
contrôles des capitaux, confirmant un risque de transfert et convertibilité avéré. Enfin, les tensions sur la liquidité et
la soutenabilité des finances publiques sont fortes en raison du niveau du service de la dette (plus de 20% du PIB). Si
la dette publique reste majoritairement domestique, elle expose fortement les banques au risque souverain (55%
des actifs des banques). Plus préoccupant encore, le niveau des réserves de change est très inférieur au service de
la dette externe tandis que le paiement des intérêts absorbe 64% des recettes budgétaires, ce qui a conduit les
agences de notation à dégrader le pays en équivalent CCC depuis fin 2022. Si l’octroi d’un nouveau programme
FMI de 9 mois en juillet 2023 (à la suite de l’échec du programme mis en place en 2019 et expiré en juin 2023 sans
que les dernières revues n’aient pu être validées) et les refinancements de la Chine et des pays du Golfe ont permis
d’éviter le pire à l’été 2023, le risque souverain reste très élevé. Enfin, la situation politique (des élections générales
doivent être organisées début 2024) ajoute à l’incertitude quant à la trajectoire du pays dans les mois à venir.
Evolution de la note risque pays Evolution des notes risque souverain et plafond pays
Ris que pays Ris que souverain Plafond pays
RP1
RC1
RC2
RP2
RC3
4c B-
RC4
RP3
3c CCC+
5
RC5
5
RP4
4a
RC6
mai-15 mai-16 mai-17 mai-18 mai-19 mai-20 mai-21 mai-22 mai-23 mai-15 mai-16 mai-17 mai-18 mai-19 mai-20 mai-21 mai-22 mai-23
213
ENVIRONNEMENT POLITIQUE ET SOCIOECONOMIQUE
Contexte politique et gouvernance publique : L’environnement Un décrochage relatif du PIB par habitant
politique du Pakistan est mouvementé et sujet à des crises à répétition. 16000
C’est une démocratie fragile, ayant connu plusieurs périodes de 14000
empêché de représenter son parti alors qu’il jouit encore d’une forte Sources : BM (WDI), calculs ECO
popularité. Le risque sociopolitique est donc amplifié dans un contexte
de crise économique aigüe et de tensions politiques exacerbées. Les fragilités structurelles et l’instabilité politique
contribuent enfin à des indicateurs de gouvernance et de compétitivité très dégradés (le Pakistan figurant dans le
dernier quartile des indicateurs de la Banque mondiale), le pays étant par ailleurs classé à la 140e place sur 180 en
termes de perception de la corruption (Transparency International).
Indicateurs socioéconomiques: Classé parmi les PRITI, le Pakistan présente des indicateurs socioéconomiques plus
proches de ceux des pays à faible revenu. Le taux d’alphabétisation des adultes n’était en 2020 que de 58%, ce qui
est très largement inférieur au niveau moyen des PRITI (78%) et même inférieur au niveau moyen des PFR (60%). Selon
la Banque mondiale, près d’un tiers des enfants en âge d’être scolarisés ne le sont pas, soit près de 20 millions d’enfants.
L’indice de capital humain (BM) est ainsi très en retrait par rapport au niveau de revenu du pays, ce qui est un frein
au développement humain et à la croissance potentielle. De la même façon, les indicateurs de santé sont en-deçà
des autres PRITI, comme en témoignent l’espérance de vie, à 66 ans (70 ans pour les PRITI), ou le taux de mortalité
infantile de 53‰ (33 ‰ pour les PRITI). Le Pakistan est classé 161e sur 190 pays en termes d’indice de développement
humain (IDH) tandis que la trajectoire de croissance erratique a entraîné un décrochage du PIB par habitant par
rapport aux pays pairs : il est celui, dans la région, dont le PIB par habitant en PPA a le moins progressé depuis 1990,
avec un taux de croissance annuel moyen de 3,3% contre 5,9% en moyenne pour les autres pays d’Asie du Sud.
développée (20% du PIB, parmi les plus faibles d’Asie) et que le secteur 10
agricole (20% du PIB et 40% de l’emploi) est peu productif, peu intégré
8
aux chaînes de valeur et exposé aux aléas climatiques. Les obstacles
en matière de gouvernance et de compétitivité sont nombreux – à 6
modèle économique pakistanais présente en outre des Taux de croissance réel (%)
caractéristiques de « boom and bust » en raison des politiques Taux de croissance annuel moyen (10 ans glissant, %)
économiques pro-cycliques et de déficits jumeaux conduisant à des Sources : BM (WDI), FMI (WEO), SBP, calculs ECO
crises de balance des paiements à répétition.
Un rebond post-pandémie qui aggrave les
Régime de croissance : Le rebond économique post-pandémie
déséquilibres, récession en 2023
(croissance économique à 5,8% et 6,1% en 2020-2021 et 2021-2022) a 10%
notamment été tiré par la dépense publique et la consommation,
8%
creusant le déficit commercial (aggravé par la hausse des prix des
matières premières en 2022). Conséquence des déséquilibres 6%
214
FINANCES PUBLIQUES
Comptes publics : Les recettes fiscales sont parmi les plus faibles du Des déséquilibres budgétaires persistants, un
monde : malgré les programmes FMI successifs qui ont fait de leur déficit public record en FY2023
augmentation un objectif prioritaire, elles ne dépassaient pas 10% du 0% 25%
PIB en FY2022. De leur côté, les dépenses militaires, les subventions et
-2% 20%
le paiement des intérêts de la dette représentent 60% des dépenses
et absorbent l’intégralité des recettes. Le déficit public est ainsi -4% 15%
structurel et s’est élevé à plus de 6% du PIB en moyenne entre 2010 et
2022. Le programme FMI mis en place en 2019 et achevé en juin 2023 -6% 10%
2010
2011
2012
2013
2014
2015
2016
2017
2018
2019
2020
2021
2022
2023
2024
(subventions, hausse des transferts régionaux pour soutenir l’activité et Solde budgétaire (% du PIB, éch gauche)
intérêts de la dette) et d’une sous-performance des recettes dans un Recettes budgétaires (% du PIB, ech droite)
Dépenses publiques (% du PIB, ech droite)
contexte de crise économique. Le nouveau programme FMI mis en
Sources : FMI (WEO), calculs ECO
place en juillet 2023 pour 9 mois vise à accompagner la mise en œuvre
et le financement du budget 2024 pour contenir le déficit public.
Un niveau de dette publique préoccupant au
Endettement public : Conséquence du ralentissement de la regard des fondamentaux macroéconomiques
croissance, de la dépréciation de la roupie et du niveau des déficits 80
budgétaires, le ratio d’endettement public a connu une hausse 70
sensible depuis le début des années 2010 et a atteint un point haut 60
historique à 79,6% du PIB en juin 2020 et s’établissait encore à 76,6% du 50
PIB fin juin 2023. Le profil de la dette publique est défavorable et
40
contribue à un besoin de financement public proche de 25% du PIB.
30
La dette domestique est coûteuse et de plus en plus à court-terme
20
(alors que les banques sont confrontées à un environnement
macroéconomique moins favorable et sont déjà très exposées au 10
CLIMAT
Climat : Le pays est très exposé à la hausse des températures, à la fonte Des secteurs industriels et agricoles (dont
des glaciers, à la variabilité des moussons, à la montée des eaux et aux élevage) particulièrement émissifs
sécheresses. Les estimations de la BM chiffrent le coût des évènements 4% déchets
climatiques et météorologiques intervenus en 1992 et 2019 à 29 Mds USD 10%
Energie
– ce qui représente en moyenne 0,6% du PIB par an sur la période. Les 29%
inondations catastrophiques de 2022 ont à elles seules eu un coût Industries
11%
évalué à près de 9% du PIB. Les modélisations les plus récentes estiment Transport
Emissions de GES
que le changement climatique pourrait diminuer la valeur du PIB de 498,87
près de 20% à horizon 2050 (destruction d’infrastructures, diminution de MtCO2eq
(19e rang mondial)
la productivité, effets de la pollution sur le capital humain). Les mesures
prises en matière d’adaptation restent très insuffisantes, résultant à la
fois d’une faible priorisation de ces enjeux et de moyens financiers trop 23% 23%
Utilisation Bétail
limités par rapport aux besoins. des sols et agriculture
216
Fiche risque pays ISR/ECO – novembre 2023
Benoît Jonveaux
Philippines (jonveauxb@afd.fr)
Risque pays : RP2b Risque souverain : RC2b Risque T&C : +2 cran (éq. A-)
Le risque souverain et le risque pays sont modérés. Depuis les années 2000, l’économie philippine est dynamique
(croissance annuelle moyenne du PIB réel de plus de 5%) et présente des fondamentaux macroéconomiques sains.
Ce modèle a permis à l’économie de rebondir rapidement après la récession historique de 2020 (-9,5%), grâce
notamment au faible taux d’endettement et aux marges de manœuvre budgétaires. La croissance s’est ainsi
établie à 5,7% en 2021 et a atteint un record historique de 7,6% en 2022, au prix toutefois d’un creusement très
marqué du déficit budgétaire et d’une hausse sensible de la dette publique (passée de 37% du PIB en 2019 à 58%
du PIB en 2022). L’ajustement budgétaire est une priorité des équipes du président Ferdinand Marcos Jr., élu en mai
2022, même si ce dernier entend dans le même temps poursuivre l’ambitieux programme d’investissement public
de son prédécesseur. Cet ajustement est cependant nécessaire, alors que l’environnement macroéconomique est
désormais moins porteur en raison des conséquences de la guerre en Ukraine : creusement du déficit courant et
diminution des réserves de change, dépréciation du peso (-10% face à l’USD entre janvier 2022 et septembre 2023),
hausse de l’inflation (5,8% en moyenne en 2022 ; 6,6% sur les neuf premiers mois 2023) et durcissement de la politique
monétaire (+425 points de base depuis début 2022). La réponse des autorités en matière de politique économique
devrait permettre d’en minimiser l’effet sur la croissance en 2023 (qui s’établirait toutefois sous son potentiel, à 5,3%).
Le profil favorable de la dette publique (et des conditions de financement avantageuses), le niveau confortable
des réserves de change (7,3 mois d’importations mi-2023) et la solidité du secteur bancaire constituent en outre des
facteurs qui devraient permettre d’atténuer les effets de ces perturbations. Le risque de transfert et convertibilité est
modéré, grâce à un régime de change flexible, des réserves adéquates et une dette externe modérée.
Evolution de la note risque pays Evolution des notes risque souverain et plafond pays
Ris que pays RC1
Ris que souverain Plafond pays
RP1
2b A-
RC2
2b 2c
2a
RP2
RC3
RC4
RP3
RC5
RP4
RC6
mai-15 mai-16 mai-17 mai-18 mai-19 mai-20 mai-21 mai-22 mai-23 mai-15 mai-16 mai-17 mai-18 mai-19 mai-20 mai-21 mai-22 mai-23
217
ENVIRONNEMENT POLITIQUE ET SOCIOECONOMIQUE
Contexte politique et gouvernance publique : Démocratie stable Une progression du niveau de vie moins
depuis la fin de la dictature de Ferdinand Marcos en 1986, les rapide que dans les pays voisins
Philippines présentent toutefois plusieurs points d’attention quant à 8000
218
FINANCES PUBLIQUES
Comptes publics : Grâce à une forte discipline budgétaire, les Une consolidation budgétaire en marche après
comptes publics ont été relativement équilibrés sur la période les déficits historiques de 2020 et 2021
récente (déficit budgétaire à -0,7% en moyenne entre 2005 et 2019). 2% 28%
Le déficit public s’est cependant creusé à partir de 2018 en raison 1%
26%
d’une hausse de l’investissement public (notamment en dépenses 0%
d’infrastructures à travers le programme Build, Build, Build lancé en -1% 24%
2017) puis a atteint des niveaux records lors de la pandémie (5,5% du -2%
PIB en 2020 et 6,2% du PIB en 2021) suite aux plans de soutien aux -3%
22%
ménages et aux entreprises. La diminution des dépenses (en dépit du -4% 20%
contexte électoral et de l’inflation) a permis de ramener le déficit -5%
public à 5,5% du PIB en 2022. Si le nouveau gouvernement a repris les 18%
-6%
grandes orientations budgétaires de l’administration précédente (en
-7% 16%
particulier en matière d’investissement public), les autorités se sont 2010 2012 2014 2016 2018 2020 2022 2024
engagées à réduire progressivement le déficit public de 1 point de Solde budgétaire (% du PIB, éch gauche)
Recettes budgétaires (% du PIB, ech droite)
PIB par an pour atteindre 3% du PIB d’ici 2028. Selon le FMI, il Dépenses publiques (% du PIB, ech droite)
s’établirait à 4,8% en 2023. Conjugués à une hausse de la dette Sources : FMI (WEO), calculs ECO
domestique de court terme, les niveaux de déficit des dernières
années ont tiré le besoin de financement public (BFP) vers le haut, Vers une stabilisation de la dette publique
passant de 5,5% du PIB en moyenne en 2011-2019 à 10,5% en 2021 et après la hausse marquée de 2021-2022
60%
2022. Le BFP devrait se réduire progressivement avec la consolidation
budgétaire prévue, mais il reste couvert sans difficulté, aussi bien sur 50%
le marché domestique (ce qui a été priorisé en 2020-2021, y compris
par des avances de la Banque centrale) que sur les marchés 40%
rentabilité ou de liquidité. Le FMI estime que le secteur est Sources : BSP, PSA, calculs ECO
suffisamment robuste pour absorber les effets de la hausse des taux depuis début 2022. La supervision par la BSP est
jugée active et adaptée, même si des efforts de modernisation du cadre de LCB/FT (et surtout son application
effective) sont encore nécessaires pour accompagner la sortie de la liste « grise » du GAFI où le pays se trouve depuis
juin 2021. La concentration de l’actif dans les grands conglomérats regroupant banques et grandes entreprises,
souvent relativement plus endettés que les autres entreprises, constitue une fragilité persistante même si le risque
systémique est faible avec des niveaux d’endettement moyen agrégés qui restent plus faibles que dans le reste de
l’Asie émergente. Enfin, la hausse de l’endettement domestique, liée aux plans nationaux d’investissement et au
creusement des déficits publics, a accru l’exposition du secteur bancaire au risque souverain, qui est passée de 10%
du PIB en 2017 à 21% du PIB mi-2023. A l’inverse, le crédit du secteur privé rapporté au PIB, qui avait doublé entre la fin
des années 2000 et 2017, n’a quasiment pas augmenté entre 2018 (47,6%) et 2022 (48,8%).
219
COMPTES EXTERNES
Balance des paiements : Le solde du compte courant se détériore Vers une stabilisation du déficit courant, mis
tendanciellement, passant d’un excédent de 3,2% du PIB en sous pression par la hausse des importations
moyenne sur 2010-2015 à un déficit depuis 2016. Cette évolution 15 14
s’explique en grande partie par le creusement du déficit commercial 10 12
Mois d'importations
qui reflète une plus forte demande interne portée par l’investissement. 5 10
% du PIB
A l’inverse, le solde des services (en particulier tourisme et sous- 0 8
traitance) et les transferts des migrants (9% du PIB en moyenne) sont -5 6
excédentaires. Après la parenthèse de 2020 (excédent courant lié à -10 4
creusé en 2021 (1,8% du PIB) avec la reprise des importations avant -20 0
2012 2014 2016 2018 2020 2022 2024
d’atteindre un point haut historique à 4,5% du PIB en 2022 en raison du
renchérissement des importations et du ralentissement de la Transferts et revenus (éch gauche)
Solde des services (éch gauche)
demande chinoise. Le FMI estime qu’il devrait progressivement revenir Solde commercial (éch gauche)
vers son niveau de la période 2016-2018, et il devrait se résorber à 3% Compte courant (éch gauche)
Réserves (éch droite)
du PIB en 2023. Le besoin de financement externe (10% du PIB en 2022 Sources : FMI (BOP, WEO), BSP, calculs ECO
contre 5% du PIB en moyenne sur les années précédentes) reste très
largement couvert par les IDE, les flux de portefeuille et les emprunts du gouvernement.
Soutenabilité et liquidité externes : La dette externe est relativement faible et stable depuis le début des années 2000 :
elle est passée de 22% du PIB fin 2019 à 27% fin 2022. La dette externe est essentiellement publique de moyen et long
terme (à 85%). Son service est modéré (10% des exportations de biens et services en moyenne) et bien couvert en cas
de choc par les réserves de change. Celles-ci sont structurellement élevées (9,7 mois d’importations en moyenne entre
2012 et 2019) et elles ont augmenté significativement en 2020 en raison de l’excédent courant, du maintien des
financements externes et des interventions de la Banque centrale pour modérer l’appréciation du peso. Si les réserves
ont diminué depuis fin 2021 (-13% en 2022 ; -3% au cours des neuf premiers mois 2023) en raison d’un environnement
international moins porteur, elles restent supérieures à ce qu’elles étaient avant la crise de Covid-19 et s’établissent
encore mi-2023 à 7,3 mois d’importations et 200% de la métrique ARA du FMI.
Transfert et convertibilité : Le risque de transfert et convertibilité est modéré, grâce à une situation externe relativement
confortable (en dépit du creusement du besoin de financement externe et de la diminution des réserves de change)
et un régime de change flottant. La BSP, dont l’indépendance est globalement respectée, n’intervient que
ponctuellement pour lisser la volatilité du taux de change, le marché des changes domestique étant peu profond. Le
risque d’instauration de contrôles de capitaux par la BSP est faible, tandis que le gouvernement a levé depuis 2019 un
certain nombre de restrictions concernant les transferts à l’étranger et la convertibilité du peso et mis en place des
réformes législatives posant les bases d’un cadre pour l’ouverture à la concurrence et aux investissements étrangers
dans un certain nombre de secteurs de l’économie auparavant protégés. L’OCDE classait en effet en 2020 les
Philippines parmi les trois pays (sur 84) les plus restrictifs en matière de réglementations sur les IDE.
CLIMAT
Climat : Les Philippines sont l’un des pays les plus exposés au monde Un impact très élevé du changement
aux risques physiques climatiques, évènements sévères (typhons et climatique sur le PIB si l’adaptation ne suit pas
inondations) et tendances de long-terme (hausse des températures
2020 2025 2030 2035 2040 2045 2050
et montée du niveau des mers, 36 millions de personnes vivant à moins 0
de 10 mètres des côtes). Le pays serait ainsi le 4e pays au monde le
Impact sur le PIB (pts de %)
ramené à 2,5%-3,8% si des mesures d’adaptation adéquates sont Sources : BM (CCDR, modèle MANAGE), calculs ECO
prises. Celles-ci sont une priorité des autorités mais gagneraient à être
rationnalisées, les responsabilités étant partagées entre 22 agences aux capacités limitées de mise en œuvre.
Transition bas-carbone : Les émissions de GES du pays représentent 0,3% des émissions mondiales et, mesurées par
habitant, elles ne dépassent pas 2,2 tCO2eq contre 3,7 en Indonésie ou 4,7 au Vietnam. L’activité est relativement peu
émissive, l’intensité carbone par unité de PIB étant plus faible que dans les pays pairs. Les émissions de GES proviennent
essentiellement du secteur énergétique (54%) puis de l’agriculture (riziculture et élevage) et des transports. Le mix
énergétique est de plus en plus carboné depuis une dizaine d’années, en raison de l’intensification du recours au
charbon et de la demande d’hydrocarbures liée à l’accroissement du transport. L’objectif figurant dans la CDN du
pays porte la réduction à 75% des émissions d’ici 2030 par rapport au scénario de base – mais celui-ci est quasi-
exclusivement conditionné à des financements externes. L’effort propre inconditionnel des Philippines n’est que de
2,71%, l’une des cibles les moins élevées de tous les pays signataires de l’Accord de Paris (le pays n’ayant pas non plus
pris d’engagements de neutralité carbone). La BM estime que les investissements nécessaires à une décarbonation
accélérée s’élèvent à 70 Mds USD complémentaires aux 57 Mds USD prévus par le gouvernement sur 2022-2040.
220
Fiche risque pays ISR/ECO – novembre 2023
Vincent Joguet
Serbie (joguetv@afd.fr)
Risque pays : RP2c Risque souverain : RC3a Risque T&C : 2 crans (éq. BBB)
Le risque pays est modéré. Depuis 2015, la Serbie bénéficie de performances économiques en progression. Sur la
période 2018-2022, la croissance économique atteint 3,5% par an en moyenne, l’un des meilleurs résultats
européens. Elle marque cependant le pas en 2022 (2,3%) et devrait continuer à ce rythme en 2023 (2%) du fait des
conséquences de la guerre en Ukraine et du resserrement monétaire pour lutter contre une inflation qui se
maintenait à un niveau très élevé au 1er semestre. Pays très ouvert et intégré au commerce mondial, la Serbie subit
en effet les turbulences économiques internationales qui pèsent sur sa balance courante. Par ailleurs, la faible
productivité du travail, l’émigration importante (la population a baissé de 12% depuis 1994), la surreprésentation des
entreprises publiques et leur mauvaise gouvernance, pèsent sur le potentiel de croissance à long terme du pays. Le
gouvernement est, en outre, confronté à des défis de taille en vue de la convergence vers les standards de l’UE. Le
risque souverain est assez élevé. Le recours à bon escient aux programmes FMI ont permis aux comptes publics
serbes d’aborder la crise sanitaire et les tensions inflationnistes découlant de la guerre en Ukraine dans de bonnes
conditions. Le solde budgétaire (hors énergie) est revenu à l’équilibre en 2022 après la dérive de 2020 liée à la crise
sanitaire. L’encours de dette publique suit une tendance baissière depuis 2015 et devrait atteindre 50% du PIB en
2023. Sa composition (plus des ¾ libellés en devises) est cependant source de vulnérabilité. Le programme en cours
du FMI, dont la première revue est positive, soutient la mise en place de règles fiscales de limitation du déficit public
et l’élaboration d’un plan d’action pour l’amélioration de la gestion des entreprises publiques qui devraient achever
la consolidation budgétaire dans les années à venir. Les réserves sont confortables et le pays dispose de larges
amortisseurs financiers lui permettant d’absorber les chocs, induisant un risque de T&C modéré.
Evolution de la note risque pays Evolution des notes risque souverain et plafond pays
Risque pays RC1
Risque souverain Plafond pays
RP1
BBB
RC2
BBB-
2c BB+
RP2
RC3
3a
3b
RC4
RP3
RC5
RC6
RP4
mai-15 mai-16 mai-17 mai-18 mai-19 mai-20 mai-21 mai-22 mai-23 mai-15 mai-16 mai-17 mai-18 mai-19 mai-20 mai-21 mai-22 mai-23
221
ENVIRONNEMENT POLITIQUE ET SOCIOECONOMIQUE
Contexte politique et gouvernance publique : Le parti progressiste Le revenu par tête augmente fortement depuis
serbe (SNS, à la fois conservateur et s’affichant comme pro- 2018 mais reste loin de celui de la Bulgarie
européen), premier parti d’Europe en nombre d’adhérents, domine la 14000
vie politique depuis 10 ans. Lors des élections présidentielles et 12000
législatives d’avril 2022, le président sortant, Aleksandar Vučić, a été 10000
réélu avec 60% des voix dès le premier tour. La coalition, menée par 8000
le SNS, a obtenu la majorité relative au parlement, loin devant les
6000
oppositions qui alertent sur les dérives antidémocratiques de ce parti.
4000
L’hégémonie du SNS s’est en effet accompagnée d’une dégradation
2000
de l’Etat de droit : les droits politiques sont bafoués et les libertés civiles
0
entravées. La presse indépendante et les organisations de la société 2002 2004 2006 2008 2010 2012 2014 2016 2018 2020 2022
civile subissent des pressions et des intimidations. Les indicateurs des Serbie Bosnie Herzégovine
observatoires politiques internationaux sont orientés à la baisse depuis Albanie Montenegro
Bulgarie RNB par tête (méthode Atlas, USD, prix courants)
2017 et la Serbie est considérée comme une démocratie imparfaite Sources : BM (WDI)
voire un régime hybride et autocratique. L’importance de la
corruption (en bas du tableau des pays du voisinage européen) inquiète la Commission européenne, principal bailleur
de fonds du pays. La Serbie, candidate depuis 2012, a ouvert 22 des 35 chapitres de l’accession à l’UE. La Commission
s’alarmait fin 2022 du ralentissement dans le rythme des réformes. Les progrès attendus concernent l’indépendance
de la justice, la lutte contre la corruption, la liberté de la presse, la pollution de l’air et les relations avec le Kosovo. La
normalisation des relations entre Pristina et Belgrade est dans l’impasse, les tensions récurrentes ayant culminé fin
septembre 2023 avec l’attaque d’un commando serbe au nord du Kosovo. Enfin, l’ambiguïté de la position serbe
envers son allié russe depuis l’invasion ukrainienne (condamnation officielle à l’ONU de l’invasion russe mais refus de
voter les sanctions) crispe les relations diplomatiques avec l’UE qui appelle le pays à s’aligner sur sa politique étrangère.
Indicateurs socioéconomiques : Les indicateurs sociaux s’améliorent nettement depuis une décennie, portés par un
revenu national brut (RNB) par tête multiplié par 6 entre 2002 et 2022, la plus forte croissance des Balkans occidentaux.
La Serbie est dans la catégorie des pays à très haut niveau de développement humain, au 63e rang mondial. L’indice
n’a cessé de s’améliorer depuis le début des années 2000 jusqu’à la crise sanitaire reflétant l’augmentation du revenu,
l’amélioration de l’espérance de vie à la naissance et du niveau d’instruction. Le taux de chômage s’est notablement
réduit à moins de 10% de la population active fin 2022. Néanmoins, 21% de la population vivait toujours sous le seuil
national de pauvreté en 2020 (environ 200 € par mois) et les inégalités, avant tout régionales, s’améliorent mais sont
marquées (indice de Gini à 33, l’un des plus élevés de la région).
soutenir l’investissement public (7% du PIB) et l’emploi. Cependant, la Sources : FMI (WEO), calculs ECO
faible productivité de la main d’œuvre, l’émigration importante (la
population a baissé de 12% depuis 1994), la surreprésentation des Le secteur des services, locomotive de la
entreprises publiques, leur sous-investissement et leur mauvaise croissance serbe
gouvernance pèsent sur le potentiel de croissance du pays.
8
Régime de croissance : La croissance s’est contractée de 0,9% en
6
2020 et a rebondi à 7,6% en 2021, positionnant la Serbie comme
l’économie des Balkans occidentaux la moins affectée par la crise 4
Covid-19. Les aides publiques massives ont permis de contenir la 2
récession. En 2022, l’économie a ralenti fortement à 2,3% : la guerre en
0
Ukraine a engendré une inflation à deux chiffres qui a freiné la
consommation des ménages et a gonflé les dépenses d’importations. -2
En revanche, la demande de produits serbes par UE, principale 2016 2017 2018 2019 2020 2021
Services (en pp de croissance de la VA)
2022
destination des exportations, n’a pas baissé. En 2023, la croissance Industrie (en pp de croissance de la VA)
Agriculture (en pp de croissance de la VA)
pourrait reculer à 2% (1,8% selon la BERD) avant de se raffermir à 3% Croissance de la VA (%)
en 2024 avec le retour progressif de l’inflation dans la fourchette cible Sources : Office national statistiques, calculs ECO
de la banque centrale (3% ± 1.5 pp) et les entrées importantes d’IDE.
222
FINANCES PUBLIQUES
Comptes publics : Afin d’amortir le choc économique et social lié à la La baisse du déficit confirme la résilience des
crise sanitaire, le gouvernement a mis en place en 2020 un plan massif comptes publics
de relance budgétaire. Dans le même temps, côté recettes, les
2% 50%
mesures de soutien (allègements fiscaux) ont permis de préserver le
pouvoir d’achat des ménages et d’éviter les licenciements. Le déficit 0%
budgétaire a plongé à 7,2% du PIB en 2020, niveau jamais atteint en -2% 45%
20 ans. En 2021, alors que les recettes se raffermissaient, un nouveau
-4%
paquet fiscal a été voté pour soutenir les revenus des ménages face
à l’inflation et pour appuyer les entreprises publiques du secteur de -6% 40%
public, liée au creusement du déficit primaire en raison de la crise Sources : FMI (WEO), calculs EO
sanitaire, a occasionné une augmentation du taux d’endettement
public en 2020, alors même que ce dernier était en baisse depuis le pic de 2015 (70% du PIB) à la faveur de la
consolidation budgétaire. Il s’est établi à 56,9% du PIB en 2020 (+5 pp de PIB par rapport à 2019) mais a commencé à
refluer dès 2021 et devrait retrouver son niveau pré-crise en 2023 (51,3% du PIB). La composition de la dette fin août
2023, contractée à 71% à l’extérieur et libellée à 78% en devises (principalement en euros), peut être source de
vulnérabilité et rend essentielle la stabilité du taux de change. La Serbie est cependant parvenue à diversifier ses
sources de financement : 35% d’obligations domestiques, 22% d’eurobonds, 20% détenus par des créanciers
multilatéraux, 19% par des créanciers bilatéraux dont 7,5% par les Emirats Arabes Unis, 7% par la Chine, et 2,4% par la
Russie. La maturité moyenne de la dette publique est élevée (supérieure à 6 ans) et elle est souscrite à 85% à taux fixe.
reprises son taux directeur depuis avril 2022. En octobre 2023, l’inflation 16
en forte diminution était repassée sous les 10% (8,5%). La NBS intervient 14
régulièrement sur les marchés pour maintenir la stabilité du dinar par 12
rapport à l’euro. Cette stabilité est cruciale : environ 60% des bilans 10
bancaires sont libellés en euros. Dans ce contexte, la Serbie poursuit 8
et amplifie une stratégie de dinarisation de l’économie afin 6
d’améliorer la stabilité financière et renforcer l’efficacité de la 4
politique monétaire : promotion d’instruments de couverture contre 2
les variations du dinar et émission de bons du Trésor en dinar. Fin 2022, 0
les dépôts en dinar ont atteint un niveau record. janv-22 avr-22 juil-22 oct-22 janv-23 avr-23 juil-23 oct-23
Taux directeur Serbie (%) Serbie (%, g.a.)
Albanie (%, g.a.) Bosnie (%, g.a.)
Secteur financier : L’actif bancaire, qui représente 91,1% de l’actif Montenegro (%, g.a.)
total du secteur financier serbe, atteignait 77% du PIB en décembre Sources : Banques centrales
2022. Le secteur est correctement capitalisé et présente une liquidité
jugée suffisante. Le taux de pénétration bancaire apparaît néanmoins faible (crédit au secteur privé de 40% du PIB,
la moitié du ratio européen, l’un des plus faibles de la région). Le taux de prêts non performants se maintient à un
niveau bas de 3% et la rentabilité du secteur redémarre fortement en 2023. D’éventuels risques de déstabilisation sont
à surveiller en raison de la morosité anticipée de l’économie et de l’impact de l’inflation sur les PME et les ménages
dont les prêts hypothécaires représentent 17% des prêts domestiques totaux. Néanmoins, les trois dernières années de
crises multidimensionnelles ont prouvé la capacité de résilience du système financier.
223
COMPTES EXTERNES
Balance des paiements : Malgré la très forte progression des Les investissements directs étrangers, solides et
exportations de biens, qui ont quadruplé entre 2010 et 2022, et un stables, financent le déficit courant
taux de couverture des biens qui est passé de 59% à 74% sur la même
période, la balance commerciale serbe est structurellement 10
CLIMAT
Climat : Le stress thermique et les précipitations extrêmes font peser Le mix électrique serbe est très carboné
des risques sur la croissance et sur les finances publiques. Les épisodes 80
224
Fiche risque pays ISR/ECO – novembre 2023
Alix Vigato
Sri Lanka (vigatoa@afd.fr)
Risque pays : RP3c Risque souverain : RC6c Risque T&C : 0 cran (éq. CCC-)
Le risque pays du Sri Lanka est élevé. Après trente années de développement rapide ayant permis un recul
significatif de la pauvreté, le pays fait aujourd’hui face à la plus grave crise économique de son histoire
postindépendance. Entré en récession dès 2019, le Sri Lanka souffre de l’atonie du tourisme, de l’effondrement de
la production agricole, du manque de devises, des pénuries et de la chute des dépenses publiques. Vilipendé pour
sa gestion chaotique de l’économie et la dérive autoritaire de son clan, le président Gotabaya Rajapaksa et son
gouvernement ont ainsi été contraints de démissionner mi-2022. En parallèle, les finances publiques présentent
d’importants déséquilibres structurels et ont été durement affectées par une série de baisse de taxes et impôts en
2019 puis par la pandémie de Covid-19. Confronté à un endettement public devenu insoutenable (128 % du PIB fin
2022) et à la chute rapide de ses réserves de changes, le Sri Lanka a fait défaut en avril-mai 2022 et présente des
impayés réels matériels de plus de 15 mois vis-à-vis de l’AFD. Les réserves de change sont aujourd’hui extrêmement
faibles et le gouvernement a multiplié les restrictions visant à limiter les sorties de capitaux depuis 2019, d’où un risque
très élevé de transfert et convertibilité. Après de longs mois de négociations et afin de pallier ces différents
déséquilibres, les autorités ont conclu en mars 2023 un programme FMI d’environ 3 Mds USD sur quatre ans. Celui-ci
doit notamment ouvrir la voie à une restructuration de la dette publique, condition nécessaire à la restauration de
la soutenabilité des comptes du Sri Lanka, mais la diversité des créanciers du pays rend ce processus laborieux. Plus
globalement, le portage politique des négociations de restructuration et la capacité de mise en œuvre du
programme FMI apparaissent incertains, la situation demeurant tendue du fait d’indicateurs socioéconomiques
dégradés et du manque de légitimité du nouveau président Ranil Wickremesinghe.
Evolution de la note risque pays Evolution des notes risque souverain et plafond pays
Risque pays Risque souverain Plafond pays
RC1
RP1
RC2
RP2
RC3
3a
4b B
RC4
B-
RP3
3b CCC+ CCC-
RC5
3c 4c
5
RC6
RP4
6a 6b
6c
mai-15 mai-16 mai-17 mai-18 mai-19 mai-20 mai-21 mai-22 mai-23
mai-15 mai-16 mai-17 mai-18 mai-19 mai-20 mai-21 mai-22 mai-23
225
ENVIRONNEMENT POLITIQUE ET SOCIOECONOMIQUE
Contexte politique et gouvernance publique : Alors que le Sri Lanka Jusqu’en 2018, le PIB par habitant du
bénéficiait d’une certaine stabilité politique depuis 2009 et la fin du Sri Lanka a rapidement progressé
conflit armé ayant opposé pendant 26 ans l’Etat central aux 18000
séparatistes tamouls du LTTE (au moins 100 000 morts, un million de
déplacés), celle-ci a été remise en cause par une importante crise 15000
constitutionnelle (2018), une série d’attentats islamistes (Pâques
12000
2019) et, plus récemment, une grave crise politique ayant conduit
USD PPA
au départ du président Gotabaya Rajapaksa (2022). Elu en 2019, ce 9000
dernier a peu à peu accentué la mainmise de son clan sur les
institutions en accordant neuf portefeuilles gouvernementaux à des 6000
enregistré une croissance économique robuste ces trente dernières 0,6 Commerce
226
FINANCES PUBLIQUES
Comptes publics : Les comptes publics du Sri Lanka sont Les comptes publics présentent
structurellement déséquilibrés et le déficit budgétaire s’est établi à de conséquents déséquilibres
5,0 25
plus de 6 % du PIB en moyenne sur la période 2015-2019,
conséquence de recettes (14 % du PIB) nettement insuffisantes pour 2,5
227
COMPTES EXTERNES
Balance des paiements : Le compte courant sri lankais est structurellement déséquilibré (déficit de 2,5 % du PIB,
moyenne 2015-2019) car le dynamisme du tourisme et les transferts de migrants (principales sources de devises du
pays) ne parviennent pas à compenser le conséquent déficit de la balance des biens (≃ 10 % du PIB). Si la succession
de chocs sur l’économie a conduit à une baisse des recettes touristiques ces dernières années, doublée d’une hausse
de la facture énergétique en raison du conflit russo-ukrainien, le déficit courant se rapproche de l’équilibre car il profite
d’une baisse des importations (liée à la récession économique) et des restrictions aux sorties de devises. Après un pic
à 3,7 % du PIB en 2021, le déficit courant s’est ainsi établi à 1,0 % du PIB en 2022 et pourrait à nouveau se résorber en
2023 grâce au retour progressif des touristes. Le besoin de financement externe est traditionnellement couvert par des
flux de dette et d’investissements de portefeuille, mais ces flux se sont largement taris et la couverture du BFE est
désormais avant tout assurée par les bailleurs multilatéraux (FMI, Banque mondiale, BAsD).
Soutenabilité et liquidité externes : La solvabilité externe du Sri Lanka Les réserves de change ont
s’est sensiblement dégradée ces dernières années, conduisant les rapidement chuté à partir de 2019
12 6
autorités à prononcer en avril 2022 une suspension du service de la
dette publique externe du pays. Ponctionnées afin de rembourser 10 5
des eurobonds arrivant à maturité, combler le creusement du déficit
courant et soutenir la roupie, les réserves de change sri lankaises ont 8 4
ainsi à 3,6 Mds USD fin octobre 2023, soit environ 2,5 mois
0 0
d’importations de biens et services (dont 1,4 Md USD de swap chinois 2015 2016 2017 2018 2019 2020 2021 2022
non mobilisable car nécessitant un niveau de réserves supérieur à 3 En Mds USD (ech. g.) En mois d'import. (ech. d.)
mois d’importations). A fin 2022, la dette externe du Sri Lanka s’est Sources : CBSL, calculs ECO
établie à 78 % du PIB et était à plus de 80 % publique.
Transfert et convertibilité : Dans un contexte de dégradation rapide des indicateurs de gouvernance et afin de faire
face au déclin des réserves de change du pays, les autorités sri lankaises ont multiplié les mesures visant à limiter les
sorties de capitaux à partir de 2019. De même, la roupie (régime de change de jure flottant depuis 2001) a fait l’objet
d’importantes interventions de la Banque centrale, et les restrictions à sa convertibilité se sont accrues. Plus
structurellement, la vulnérabilité des équilibres externes à la conjoncture internationale (flux de tourisme, prix des
matières premières, remises de migrants) suggère un risque élevé d’imposition de mesures restrictives en matière de
transferts de capitaux et de convertibilité de la devise au Sri Lanka. Ces différents risques se sont néanmoins
considérablement atténués depuis la conclusion d’un programme de financement FMI en mars 2023. Plusieurs
restrictions ont ainsi récemment été allégées et les autorités ont annoncé une réforme à venir de la législation
encadrant les activités de la Banque centrale en vue de renforcer son indépendance et une flexibilisation de la roupie.
CLIMAT
Climat : Le Sri Lanka présente un climat essentiellement tropical avec des précipitations largement dépendantes de
la mousson. Sujet à une augmentation des phénomènes météorologiques extrêmes, il se positionne comme le 23 e
pays ayant connu le plus de dégats humains et matériels du fait d’aléas climatiques sur la période 2000-2019
(proportionnellement à sa population et à son PIB) selon German Watch : crues, cyclones, innondations, glissements
de terrains, épisodes de sécheresse, etc. Le Sri Lanka est, plus globalement, sensible au déréglement de ses cycles de
précipitation, dont les effets sont devastateurs pour les infrastructures du pays et pour l’agriculture, en particulier les
cultures de riz (très consomatrices en eau) et la pêche (perturbation des déplacements des poissons). La principale
vulnérabilité du pays réside néanmoins dans le fait qu’une grande partie de la population et des activités touristiques
et industrielles se situent le long des plus de 1500 km de côtes, d’où une forte exposition à la montée du niveau marin
(+0,2 à 0,6 mètre attendu d’ici 2050) et à l’érosion des sols.
Transition bas-carbone : Les Sri Lankais ont émis 1,7 tonne La hausse de la demande énergétique depuis
d’équivalent CO2 par habitant en 2020, un niveau nettement 2010 a avant tout été couverte par le charbon
500
inférieur à la moyenne mondiale (6,1 teqCO2, Climate Watch).
450
Diversifiée, l’économie est relativement peu exposée au risque de
Production d'énergie primaire (PJ)
énergies renouvelables, le mix énergétique repose avant tout sur des 200
228
Fiche risque pays ISR/ECO – novembre 2023
Sylvain Bellefontaine
Turquie (bellefontaines@afd.fr)
Risque pays : RP3b Risque souverain : RC3c Risque T&C : 0 cran (éq. BB-)
Accru à un niveau élevé depuis la tentative de coup d’Etat de juillet 2016, la crise de change d’août 2018 et la
dérive subséquente de la gouvernance économique et politique, accentuée depuis fin 2021, le risque pays de la
Turquie est à un point d’inflexion. Suite aux élections générales de mai 2023 remportées par le président Erdoğan, la
pérennisation du nouveau virage orthodoxe de la politique économique sera cruciale afin d’apurer les déséquilibres
macroéconomiques générés par les Erdoğanomics. La nomination aux postes clés de ministre des finances (M.
Simsek) et gouverneure de la Banque centrale (Mme Erkan) a été accueillie favorablement par les investisseurs,
dont la confiance, comme celle des agents économiques locaux, est à restaurer. La stratégie s’apparente à une
fusée à trois étages : 1/ normalisation graduelle de la politique monétaire initiée en juin afin d’assurer un ajustement
macro-financier ordonné et un atterrissage en douceur de l’économie ; 2/ consolidation budgétaire à partir de 2025
compte tenu notamment du coût de la reconstruction post-séismes de février 2023 ; 3/ adoption de réformes
structurelles (au point mort depuis une décennie) afin d’améliorer l’environnement des affaires, soutenir la
compétitivité hors-prix, la productivité, l’attractivité des investisseurs et le potentiel de croissance économique à
moyen-long terme. La stabilisation macroéconomique serait susceptible de réduire le risque de transfert et
convertibilité considéré comme très élevé, compte tenu du spectre récurrent d’une crise de balance des
paiements évitée par des expédients et des mesures palliatives insoutenables à terme. Le risque souverain demeure
assez élevé et s’est dégradé tendanciellement, en lien avec l’accumulation de passifs contingents (garanties sur les
dépôts et le crédit, recapitalisation des banques publiques, PPP). Cependant, la perspective d’un retour de la
discipline budgétaire modère le risque de liquidité et de non-soutenabilité de la dette publique à moyen terme.
Evolution de la note risque pays Evolution des notes risque souverain et plafond pays
Ris que pays
Ris que souverain Plafond pays
RP1
RC1
2c
2b 3a
RC2
2c
BB-
RP2
3c
RC3
3a
3b
RC4
RP3
RC5
RP4
RC6
mai-15 mai-16 mai-17 mai-18 mai-19 mai-20 mai-21 mai-22 mai-23 mai-15 mai-16 mai-17 mai-18 mai-19 mai-20 mai-21 mai-22 mai-23
229
ENVIRONNEMENT POLITIQUE ET SOCIOECONOMIQUE
Contexte politique et gouvernance publique : Réélu au 2nd tour de Fragilisation des acquis socioéconomiques
l’élection présidentiel avec une majorité parlementaire en mai 2023, R. 14000
PIB / habitant (USD courants)
T. Erdoğan incarne l’homme fort, charismatique, qui a redonné fierté
12000 Chine
au peuple turc en remettant le pays sur l’échiquier géopolitique Mexique
10000
mondial, à l’instar de l’ancien empire ottoman. La campagne Turquie
Brésil
électorale a été inéquitable avec l’appareil d’état mis au service du 8000 Afrique du Sud
président sortant et des médias au pas. Les atteintes aux libertés 6000
Indonésie
Inde
publiques, la dérive autoritaire, les problématiques économiques, la
4000
paupérisation liée à l’inflation galopante ainsi que les polémiques suite
aux séismes de février 2023 (organisation des secours, non-respect des 2000
1980
1982
1984
1986
1988
1990
1992
1994
1996
1998
2000
2002
2004
2006
2008
2010
2012
2014
2016
2018
2020
2022
de l’aventurisme d’une opposition hétéroclite. Le risque d’instabilité
Source : FMI (WEO)
sociopolitique apparaît modéré, malgré une société duale et clivée
autour d’une ligne de fracture confessionnelle, les tenants d’un islam conservateur assumé remettant en cause la
sécularisation kémaliste dont l’armée fut garante pendant 80 ans. La question kurde (attentat à Ankara le 1er octobre
2023) tout comme celle des réfugiés (syriens mais aussi africains) et plus généralement les inquiétudes quant à la
dilution de « l’identité turque » constituent de puissants leviers de la politique domestique et étrangère populiste-
nationaliste du président Erdoğan. La politique étrangère se fonde sur une approche transactionnelle défendant les
intérêts économiques et politiques nationaux. Dans une relation à géométrie variable avec la Russie, la Turquie,
membre de l’OTAN (1952), a condamné l’invasion de l’Ukraine sans cautionner les sanctions occidentales. Ce non-
alignement confère à Ankara un rôle de médiateur entre Kiev et Moscou. Les relations complexes avec les Etats-Unis
et l’UE se sont quelque peu apaisées depuis 2021 tout comme celles avec les pays du Golfe, l’Egypte et Israël.
Indicateurs socioéconomiques : Au crédit de la 1ère décennie de prospérité de l’ère Erdoğan-AKP (2002-2013), la
Turquie présente des indicateurs de développement satisfaisants. Elle est classée PRITS depuis 20 ans et vise le statut
de pays à haut revenu en 2026 (>14 000 USD courants / habitant), ce que le FMI projette pour 2027. Toutefois, sous
l’effet change très défavorable, le PIB/habitant en USD courants a baissé de 15% depuis le pic de 2013. Les rigidités du
marché du travail, l’inadéquation de l’offre et de la demande de travail ainsi que certains facteurs socio-culturels
concourent à un secteur informel important et en hausse (environ ⅓ des emplois), un taux de chômage structurel de
10%, et de 18% chez les jeunes, ainsi qu’un faible taux de participation de la population active (54%), surtout chez les
femmes (36%). Les inégalités de revenus sont assez fortes (indice de GINI à 0,415 après transferts sociaux en 2022) et
ont crû tendanciellement depuis 10 ans. Les inégalités régionales sont criantes du nord-ouest (industrie, services, dont
administration, tourisme) au sud-est (rural, agricole). Au seuil national (50% du revenu médian), le taux de pauvreté
ressort à 14,4% en 2022, en légère hausse depuis 2016, dans un pays où les filets sociaux sont faibles.
-2
Régime de croissance : Le policy mix très expansionniste a permis de -4
déjouer les pronostics de récession en 2020 (+1,9%). La croissance du -6 *Hors variation de stocks
et écart statistique
PIB réel a caracolé à 11,4% en 2021 et est restée dynamique en 2022 -8
(5,6%). Elle a résisté au S1 2023 (3,8% en g.a.) grâce à la vigueur de la Source : Turkstat, calculs ECO
demande intérieure (ruée sur les biens physiques et anticipation d’achats de biens de consommation en contexte
inflationniste avec des taux réels négatifs) face au tassement des exportations. Les données disponibles pour le T3 2023
pointent un fléchissement de l’activité, avec un affaiblissement des indicateurs du côté de la demande (confiance
des consommateurs) et de l’offre (production industrielle, indice PMI et utilisation des capacités), dans un contexte de
durcissement monétaire, resserrement du crédit, remontée de l’inflation et lire toujours sous pression. Le FMI a maintenu
ses prévisions de croissance à 4% en 2023 et 3% en 2024. Les autorités turques voudront maintenir une croissance
décente fin 2023-début 2024 en vue des élections locales de mars et tablent sur 4,4% cette année et 4% en 2024. Après
5,5% de croissance annuelle sur deux décennies, le potentiel de croissance à moyen terme est estimé à près de 4%
par la BM, après une baisse d’≈1 point de la productivité globale des facteurs, tandis que les autorités turques tablent
sur 4,5-5%. Atteindre cet objectif requiert des réformes fondamentales, notamment : la flexibilisation du marché du
travail et le renforcement des filets sociaux ; l’amélioration de l’employabilité (formations initiale et continue) pour
notamment juguler la fuite des cerveaux ; l’adoption de réformes sectorielles (industrie, tech, agriculture, énergie) et
fiscales (hausse des impôts directs et baisse des impôts indirects) ; la promotion des investissements locaux et étrangers
pour favoriser l’innovation, la productivité et la montée dans les chaines de valeur ; le soutien aux PME ; la restauration
de l’équité des appels d’offre publics, de l’indépendance de la justice et des droits fondamentaux.
230
FINANCES PUBLIQUES
Comptes publics : La discipline budgétaire appliquée depuis la crise Consolidation budgétaire prévue en 2025
de 2000-2001 a été relâchée suite à la tentative de coup d’Etat de Dette publique (%PIB, éch. D)
Solde budgétaire (%PIB)
2016 et à la crise de change de 2018. Après un déficit budgétaire de Solde primaire (%PIB)
Recettes (%PIB)
5,1% du PIB en 2020, la très bonne collecte fiscale sur fond de rebond Dépenses (%PIB)
45 90
vigoureux de l’activité économique a permis de ramener le déficit à 40 80
4% du PIB en 2021 et à 1,6% du PIB en 2022. Un dérapage budgétaire 35
30
70
60
significatif est attendu cette année et l’année prochaine avec un 25 50
20 40
déficit public d’environ 6,3% du PIB en 2023 selon le Programme à 15 30
moyen terme (MTP), contre 3,5% du PIB prévu dans le budget initial. Le 10 20
5 10
gouvernement le justifie par les dépenses exceptionnelles de 0 0
reconstruction post-séismes (1 trillion TRY en 2023 soit environ 2,6% du -5 -10
-10 -20
PIB et 3 trillions TRY sur 2023-2026), mais la forte hausse des dépenses -15 -30
pré-électorales ne doit pas être occultée. La hausse de la TVA, l’impôt 2001 2004 2007 2010 2013 2016 2019 2022 2025 2028
sur les sociétés et le doublement de la taxe sur les carburants cet été Sources : FMI (Fiscal monitor)
soulignent cette pression sur les finances publiques. Modérée, la Faible amortissement de dette publique externe
charge d’intérêts pourrait croître de 4,7% des recettes publiques en Dette externe amortissable dans l'année (mds USD)
2022 à plus de 10% en 2024. La maîtrise du besoin de financement Autres secteurs
Gouvernement général
Banques commerciales
Banque centrale
public (BFP) assez lourd (13% du PIB) passera par une consolidation Réserves de change brutes
200
budgétaire annoncée pour 2025.
Endettement public : La soutenabilité de la dette n’est pas remise en 150
cause à moyen terme. Le ratio dette/PIB demeure modéré à 31,2% du
PIB au T1 2023 et atteindrait 32% à l’horizon 2028 dans le scénario 100
central du FMI (WEO d’octobre 2023) contre 42%, et donc 10 points de
plus, projeté avant les élections (WEO d’avril). Les risques de liquidité 50 Réserves de change brutes
et de refinancement apparaissent maîtrisés à court terme. Le service
de dette publique externe n’excède pas 12,1 Mds USD en 2023 (dont 0
2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020 2021 2022 2023
7 Mds de principal), soit 1,4% du PIB, et ≈15 Mds USD en moyenne en
Source : CBRT
2024-2026 (≈11 Mds de principal). Mais les risques de marché (taux,
change) sont élevés dans un contexte de hausse des taux d’intérêt (encore négatifs en termes réels). La stratégie du
Trésor de désendettement en devises se heurte à l’effet change : hausse de la part de dette en devises de 50% en
2019 à 67% en juillet 2023 (⅔ d’eurobonds, 13% de dette multi/bilatérale et 20% de dette domestique en devises).
L’amélioration des conditions de marché (contraction des spreads depuis juin à 350pb mi-novembre) pourrait
permettre au Trésor de re-solliciter les marchés internationaux. Aucune émission d’Eurobonds « classiques » n’a été
effectuée depuis le T1 2023, mais le Trésor escompte 11 Mds USD d’émission de Sukuks d’ici fin 2023.
sans que sa fonction de réaction ne soit encore prédictible du fait de 70 Taux directeur (%, annuel)
Croissance nominale du crédit (%, g.a.)
-7
60 -6
la volatilité financière, du pilotage à vue et du track record. Le 1 axe
er Taux de dépréciation TRY/USD (%, g.a.)
50 -5
de la stratégie de normalisation passe par la restauration du taux
40 -4
directeur comme principal instrument de la politique monétaire. Il a 30 -3
été rehaussé de 8,5% à 35% en 5 mois, maintenant toutefois des taux 20 -2
réels négatifs compte tenu de la nouvelle poussée inflationniste (+61% 10 -1
en g.a. en octobre) liée à la dépréciation de la lire, la hausse de taxes, 0 0
des prix alimentaires et des carburants, et une spirale prix-salaires. Le -10 1
consensus table sur un taux directeur à 35% fin 2023, avant une pause -20 2
2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020 2021 2022 2023
en vue des élections locales de mars 2024, et un nouveau
Sources : CBRT, Turkstat, calculs ECO
resserrement par la suite. Le 2nd axe consiste en la sortie progressive du
mécanisme de dépôts bancaires en lire protégés du risque de change dits KKM (¼ des dépôts totaux), par une hausse
de la commission et des réserves obligatoires sur ces dépôts, dont le coût est estimé à 894 Mds de lires depuis 2022 (≈
33 Mds USD au taux de change actuel), supporté surtout par la CBRT et dans une moindre mesure par le Trésor. Le 3e
axe cible un resserrement quantitatif du crédit à la consommation et immobilier au profit des secteurs productifs.
Secteur financier : Les épargnants demeurent confiants dans le système bancaire intrinsèquement solide et agile. La
CBRT compte sur les banques commerciales, rouage essentiel de l’économie, pour désamorcer la « bombe
réglementaire ». Le risque de sélection adverse (banques publiques) et de crédit aux entreprises, toujours très
endettées en devises (même si leur position de change nette a baissé à -70 Mds USD), pèsent sur le risque systémique
bancaire. Mais les banques affichent toujours des ratios bilanciels satisfaisants : CAR à 19,7% en juillet 2023 (16,1% hors
mesures de forebearance) ; rentabilité record (ROA à 3%), malgré la réduction des marges d’intérêt nettes (pression
des épargnants pour une hausse des taux et plafonnement des taux prêteurs), compensé par d’autres sources de
revenus (commissions et rémunération des bons du Trésor indexés sur l’inflation) ; qualité de l’actif toujours bonne (PNP
à 1,6% de l’encours de crédit en juillet, provisionnés à 86% et prêts stage 2 à 7,5%). La « lirisation » des dépôts (59% en
septembre 2023 vs. 31% fin 2021) a réduit le mismatch de devises, quand le raccourcissement de la durée des crédits
face au léger allongement de la maturité des dépôts a un peu réduit le mismatch de maturité.
231
COMPTES EXTERNES
Balance des paiements : Talon d’Achille de l’économie turque, les Objectif de la nouvelle équipe économique :
comptes externes sont demeurés sous pression, avec un déficit du
éviter une crise de balance des paiements
compte courant à 5,7% du PIB sur 12 mois en août, malgré le report de IDE nets
Mds USD
paiement du gaz russe importé et la bonne saison touristique (+10% en cumul sur Investissements de portefeuille
Dépôts, monnaie et E&O
g.a. sur les huit premiers mois de l’année). Le ralentissement de 12 mois
Autres financements
60
l’activité (et les quotas sur les importations d’or) pourrait permettre sa 50
résorption à 4,2% du PIB sur l’ensemble de l’année et 3% en 2024 selon 40
30
le FMI, en ligne avec le MTP. A moyen terme, les réformes et la 20
10
réduction graduelle de la dépendance énergétique (production de 0
gaz off-shore lancée en 2022, découvertes de pétrole on-shore) -10
-20
pourraient permettre de contenir structurellement le déficit du -30
compte courant. Négatifs à hauteur de 8 Mds USD entre décembre -40
-50 Solde du
2021 et mai 2023, les flux nets d’investissements de portefeuille sont -60
Compte courant
redevenus positifs depuis juin 2023 (+2,3 Mds USD sur 5 mois dont 0,5 -70
-80
Md en obligations et 1,8 Md en actions) favorisés par une remontée 2007 2009 2011 2013 2015 2017 2019 2021 2023
de la courbe des rendements (toujours inversée) et une frénésie Source : CBRT, calculs ECO
boursière à surveiller. Les banques commerciales (6,7 Mds USD), les
institutions financières non-bancaires (0,4 Md USD) et les sociétés non-financières (3,3 Mds USD) ont levé 10,4 Mds de
financements externes depuis juin. La Banque mondiale a doublé sa limite de financements pour la Turquie à 35 Mds
USD. La « normalisation » du cadre macroéconomique et le retour de la confiance devraient permettre de réduire le
poste « erreurs et omissions nettes » (27 Mds USD de flux entrants non-enregistrés en 2022, a priori imputables à des
transferts et importations russes ; 15 Mds USD de fuites de capitaux entre mars et mai 2023).
Soutenabilité et liquidité externes : La position de liquidité externe est fragile face à un besoin de financement externe
structurellement élevé (24,3% du PIB en 2022, attendu à 22% du PIB en 2023). La lourde charge d’amortissement de
dette externe de 190,2 Mds USD en 2023 incombe pour 44% aux banques. Toutefois, sur ces 84,1 Mds USD, 43% sont en
fait des dépôts des non-résidents (surtout la diaspora) plutôt stables. De plus, le rollover des prêts syndiqués des
banques a toujours été assuré à 70-80% lors des précédents chocs financiers, leur encours de dette externe a été
réduit d’un tiers depuis 2018 (132,5 Mds USD fin 2022) et leurs actifs liquides en devises couvrent deux fois leurs
engagements en devises à court terme. Le taux d’endettement externe total a baissé de 9pp depuis son pic de 2020
à 50,7% du PIB en 2022 (effet PIB nominal au dénominateur), équi-réparti entre secteur public non-financier, secteur
financier et secteur privé non-financier. La lire s’est dépréciée de 30% par rapport au dollar entre juin et septembre,
signalant la réduction des interventions sur le marché des changes afin de préserver les réserves de change, sans
entériner le retour à un régime de change flottant pur. Les réserves brutes s’élevaient à 84,6 Mds USD début novembre
(2,6 mois d’importations de biens et services) mais à -27,8 Mds USD nettes des swaps de devises (58,5 Mds USD) et des
dépôts des banques commerciales auprès de la CBRT (55,8 Mds USD).
Transfert et convertibilité : Si le régime de change est flexible de jure et la lire turque officiellement totalement
convertible, la Banque centrale est intervenue massivement sur le marché des changes au cours des dernières années
pour défendre la lire. Les autorités ont toujours exclu officiellement de recourir à des mesures de contrôle des capitaux
et des changes, mais des restrictions d’accès au marché des changes ont été imposées temporairement à plusieurs
banques internationales au printemps 2020. Plus récemment, l’arsenal de mesures macro-prudentielles et
réglementaires adoptées entre fin 2021 et début 2023 ont contraint de facto la convertibilité mais pas la transférabilité.
CLIMAT
Climat : L’indicateur synthétique ND-GAIN 2021 place la Turquie au 52e rang sur 185 pays en termes de vulnérabilité
face au risque climatique. Le 123e rang sur la gouvernance relative à l’état de préparation aux enjeux du changement
climatique stigmatise le manque de proactivité des autorités sur ces questions au cours des dernières années.
Transition bas-carbone : Après un certain retard à l’allumage, les Des émissions de GES en hausse
autorités montrent une volonté d’accélérer sur les politiques Emissions de GES par habitant (t CO2 eq)
30
d’adaptation au changement climatique et de transition/efficacité
énergétique. Publiée en 2023 suite à la ratification de l’accord de Paris 25
Etats-Unis
en 2021, la première CDN de la Turquie cible un pic d’émissions de GES Chine
20
en 2038 au plus tard et une cible « net zero » en 2053. Une taxonomie Afrique du sud
Turquie
verte en ligne avec celle de l’UE est en cours d’élaboration tout 15
Monde
Mexique
comme une loi « climat » et une loi « eau », sans oublier les aspects Indonésie
sociaux de la soutenabilité (genre, inégalités). Le régulateur financier 10
Risque pays : RP2c Risque souverain : RC3a Risque T&C : 1 cran (éq. BBB-)
Le risque pays est stable et modéré. Les soubresauts politiques du début d’année (remaniement au sommet de la
hiérarchie dans le cadre de la lutte anticorruption) n’ont pas remis en cause la primauté du Parti Communiste ni la
stabilité politique d’ensemble. Les turbulences de fin 2022/début 2023 sur le marché obligataire sont retombées,
même si elles ne doivent pas faire oublier que le système financier reste le talon d’Achille de l’économie. Ces
différentes perturbations ont affecté la confiance des ménages, des entreprises, et la capacité de mise en œuvre
d’une administration publique paralysée au T1. Conjuguées au ralentissement des principaux partenaires
commerciaux (UE, US), elles tireraient la croissance à la baisse en 2023 et 2024 (resp. 4,7% et 5,8%), sous le potentiel
de 7%. Les tensions sur la liquidité externe ont aussi quelque peu baissé, à la faveur de comptes courant et financier
qui devraient encore être excédentaires en 2023. Mais le BFE assez élevé, un régime de change en parité glissante,
et des réserves qui couvraient seulement 3,2 mois d’importations fin juin 2023, maintiennent un risque de T&C élevé.
Malgré cela, le Vietnam continue d’offrir des perspectives très attractives. La stabilité sociopolitique du pays, la
prudence du policy mix, la croissance économique élevée, ou encore la taille du marché domestique (100 Mns
hab) sont des atouts indéniables. Avec un endettement public réduit à ~35% du PIB et un profil souverain de bonne
qualité d’ensemble (risque de surendettement public externe jugé faible par le FMI), le risque souverain reste assez
élevé, mais en amélioration tendancielle. Dans ce contexte, pour stimuler la croissance et renforcer les filets sociaux,
la politique budgétaire devrait prendre le relais d’une politique monétaire dont les marges de manœuvre se sont
réduites (début de cycle baissier). A moyen terme, les autorités devront favoriser une hausse de la productivité, et
surtout traduire en actions concrètes les stratégies ambitieuses de lutte contre le changement climatique.
Evolution de la note risque pays Evolution des notes risque souverain et plafond pays
BBB-
RC2
2c BB+
RP2
3b
3c
RC3
3a
RC4
RP3
RC5
RP4
RC6
mai-15 mai-16 mai-17 mai-18 mai-19 mai-20 mai-21 mai-22 mai-23 mai-15 mai-16 mai-17 mai-18 mai-19 mai-20 mai-21 mai-22 mai-23
233
ENVIRONNEMENT POLITIQUE ET SOCIOECONOMIQUE
Contexte politique et gouvernance publique : Le Vietnam est
dirigé par un parti unique, le Parti Communiste du Vietnam (PCV), Une amélioration du revenu par habitant
assez remarquable
qui musèle les contre-pouvoirs (178 sur 180 au classement mondial
e
de la liberté de la presse) et prend les décisions les plus stratégiques 180 5 000
à huis clos, mais assure historiquement une grande stabilité 160
140 4 000
politique. Le remaniement important au sommet du parti et de 120
l’Etat début 2023 (dont la démission du Président, et le limogeage 100
3 000
%
de deux vice-Premiers ministres), n’a pas fondamentalement remis 80
2 000
en cause cette stabilité. Le remaniement s’inscrit dans une lutte 60
40 1 000
anti-corruption menée par le PCV depuis plusieurs années, à la fois 20
pour continuer d’attirer les IDE et pour servir de prétexte à des jeux 0 0
de pouvoir internes. L’enjeu central est celui de la lutte pour la 1990 1995 2000 2005 2010 2015 2020
(verticalité du processus décisionnel), soutien aux PME du secteur Sources : FMI (WEO), calculs ECO
privé, hausse des investissements en infrastructure, accès au foncier
et lutte contre le changement climatique. Une croissance tirée par
Régime de croissance : La stratégie « zéro Covid » a permis à la consommation privée
l’économie d’être une des rares au monde à enregistrer une 14
croissance positive en 2020 (+2,9%), mais a aussi limité la reprise en 12
10
2021 (+2,6%). Le changement de cap (« vivre avec le Covid ») fin 8
2021 a favorisé en 2022 le plus fort rebond depuis 25 ans (+8%), tiré 6
par la consommation privée et un ambitieux plan de relance 4
budgétaire. En 2023, la croissance pâtit des soubresauts politiques 2
0
internes ayant paralysé les décisions d’investissements en début -2
d’année (croissance réduite à 3,3% en g.a au T1) mais devrait -4
bénéficier d’un rebond du secteur manufacturier, tiré par la bonne -6
-8
tenue des exportations. La confiance des ménages et des
Conso privée Conso publique
entreprises a toutefois aussi été plombée par les turbulences sur les FBCF Solde des B et S
marchés financiers, de sorte que la croissance serait limitée à 4,7% Taux de croissance
en 2023 et 5,8% en 2024 (WEO avril 2023, sous le potentiel de ~7%).
Sources : BM (WDI), calculs ECO
234
FINANCES PUBLIQUES
Comptes publics : Le budget se caractérise par la prudence des Le solde budgétaire est maîtrisé
autorités et une sous-exécution chronique, illustrée à l’occasion des 2011 2013 2015 2017 2019 2021 2023
plans de relance ces dernières années. A fin 2022, seulement 20% des 2 30
excédent en 2022 (0,3% du PIB), le solde budgétaire devrait redevenir Sources : FMI (WEO)
déficitaire en 2023 (projection à -1,3% du PIB) avec des nouvelles
exemptions de TVA et une hausse de 21% des salaires publics. A moyen terme, les efforts de mobilisation de recettes
publiques, en stagnation (18,8% du PIB en moyenne depuis une décennie), doivent se poursuivre, afin notamment de
réduire les exemptions pour les entreprises étrangères, élargir l’assiette de TVA, et continuer d’améliorer l’administration
fiscale. La privatisation des entreprises publiques se poursuit, elle, péniblement (les SoE pèsent toujours un tiers du PIB,
comme en 2010).
Endettement public : Les déficits primaires contenus et un différentiel Un niveau modéré et soutenable
taux d’intérêt-croissance largement favorable ont notamment permis d’endettement public
une réduction du taux d’endettement public qui devrait désormais se 50
stabiliser autour de 35% du PIB à horizon 2025, nettement sous le 45
40
plafond de 60% que se sont fixé les autorités. En outre, le profil 35
souverain s’est amélioré depuis plusieurs années : baisse de la part 30
externe et en devises de la dette publique (moins de 40% en 2022 25
20
contre plus de 60% au début des années 2010) réduisant le risque de 15
change, maturités très longues (9 ans pour les obligations locales 10
contre 2,4 ans en 2013) limitant le risque de refinancement, charge de 5
0
la dette faible et en baisse (5,8% des recettes publiques en moyenne 2011 2013 2015 2017 2019 2021 2023
sur 2021-2022 contre 7,6% sur 2013-2020), et BFP contenu autour de 4% Dette publique en monnaie locale (% PIB)
du PIB par an sur 2023-2025. Les passifs contingents sont encore Dette publique en devises (% PIB)
difficiles à estimer, mais le risque qu’ils impliquent a reflué, avec des Dette publique totale (% PIB)
garanties explicites notamment en baisse (3,2% du PIB fin 2022 contre
Sources : FMI (WEO)
5,3% en 2019). Les progrès de l’administration ont été salués par les
agences de notations, tandis que le FMI juge le risque de surendettement public faible (AVD septembre 2023).
sur 2019-2021). Cette dernière reste toutefois contenue (3,6 % en g.a à 4 20 000
fin octobre 2023), le Vietnam étant en grande partie protégé de la 3
15 000
2
hausse des prix alimentaires depuis 2021 en raison notamment d’une
1 10 000
préférence pour le riz – moins cher que la plupart des céréales – et 0
5 000
d’une production locale abondante. Avec une inflation autour de sa -1
cible (4,5% en 2023), et face à un environnement mondial incertain et -2 0
2017 2018 2019 2020 2021 2022 2023
aux tensions sur les marchés obligataire et immobilier, la SBV a entamé
Inflation (g.a. %, éch. G)
un nouveau cycle baissier (-150 pbs depuis mars 2023), en nette Cible d'inflation annuelle (g.a. %, éch. G)
avance de phase par rapport à ses voisins d’Asie du Sud-Est. Taux directeur (%) (éch. G)
Taux de change nominal (VND/USD, éch. Dte)
Secteur financier : Depuis la crise bancaire de 2011-2012, le système
Sources : SBV, calculs ECO
financier s’est assaini mais reste le talon d’Achille de l’économie. Si la
rentabilité s’est améliorée et la capitalisation est satisfaisante, plusieurs banques, majoritairement étatiques, sont sous-
capitalisées. Le taux de PNP a nettement chuté (1,9% fin 2022 contre 15% en 2011), mais l’opacité des données et le
relâchement des mesures prudentielles jusqu’à fin 2023 masquent sans doute l’ampleur du problème. Le taux de PNP
se serait détérioré à 3,6% en juillet 2023, en raison notamment des turbulences enregistrées depuis fin 2022. Une ruée
sur les dépôts d’une banque et des difficultés de paiements de grands groupes immobiliers ont exacerbé une perte
de confiance sur le marché obligataire local jusqu’à assécher la liquidité interbancaire. Ces turbulences sont
retombées depuis mi-2023, les autorités étant rapidement intervenues pour éteindre l’incendie et faciliter le
refinancement d’emprunteur en difficultés (allongement des délais de remboursement etc.). Cependant, cet épisode
est venu rappeler l’importance du renforcement de la supervision par la SBV et de la modernisation du cadre de
résolution des faillites d’entreprises et des banques.
235
COMPTES EXTERNES
Balance des paiements : La balance courante vietnamienne est structurellement à l’équilibre ou excédentaire depuis
le début des années 2010. L’adhésion à l’OMC en 2007 et la signature de nombreux accords de libre-échange depuis
une quinzaine d’années (UE, Pacifique, Asie) ont renforcé l’intégration du Vietnam dans le commerce international.
Ce contexte a dynamisé les exportations (industrie manufacturière puis tourisme), avec une balance des biens
désormais nettement excédentaire (3,4% du PIB en moyenne sur 2010-2019, contre -4,8% sur la décennie précédente).
L’économie a également rapidement bénéficié de la reconfiguration des chaînes de valeur exacerbée par la guerre
commerciale sino-américaine depuis 2018, puis la crise de Covid-19. Le Vietnam est ainsi monté en gamme (forte
hausse des exportations de smartphones et d’ordinateurs) et s’est affirmé comme la première alternative à la Chine
pour les exportations comme les IDE. Ces derniers, structurellement élevés (4,2% du PIB en moyenne depuis 2010),
alimentent d’ailleurs un compte financier toujours excédentaire (3,3% du PIB par an en moyenne sur la même période).
Toutefois, l’importance du poste « erreurs et omissions » (près de 3% du PIB depuis 2010), notamment due à la détention
de dollars par les résidents hors du système financier formel, perpétue les doutes sur la qualité statistique et contraint
l’accumulation des réserves de change.
Soutenabilité et liquidité externes : La position favorable de la balance La liquidité externe reste à surveiller
courante permet de stabiliser et limiter l’endettement externe à ~37% 120 4,5
du PIB. Toutefois, environ un tiers de cette dette est de court terme, 4
100
induisant un BFE de l’ordre de 11% du PIB sur 2021-2025. Malgré la 3,5
succession de comptes courant et financier positifs ayant permis 80 3
l’accumulation de réserves à des niveaux record, ce niveau de BFE, 60
2,5
CLIMAT
Climat : Le Vietnam est un des pays les plus vulnérables au changement climatique. Avec une côte de plus de 3 200
km de long, le pays est particulièrement exposé à (i) l’accélération des catastrophes naturelles (cyclones, inondations,
mais aussi sécheresses) et (ii) l’élévation du niveau de la mer. Le Vietnam se classe ainsi 7e en termes d’exposition au
risque de catastrophes naturelles, dont 1er à l’exposition aux inondations (Inform Climate Change Risk Index 2022). Les
conséquences humaines et économiques de ces évolutions pourraient être substantielles : la Banque mondiale estime
les pertes associées au changement climatique à 3,2% du PIB pour la seule année 2020. Sans mesures d’adaptation,
45% du delta du Mékong serait affecté par les intrusions salines d’ici 2030. 10 à 12% de la population du pays serait
directement touchée par les effets du changement climatique.
Une hausse des émissions de GES qui a
Transition bas-carbone : Le mix énergétique et électrique est accompagné la croissance économique
particulièrement carboné, la production d’énergie primaire reposant 7
aux trois quarts sur le charbon (43%), le pétrole (20%), et le gaz (13%). 6
Face à cela, à la COP26 en 2021, les autorités ont pris des 5
engagements ambitieux dans la voie de la décarbonation de
l’économie : sortie du charbon à horizon 2040, et stratégie de 4
236
3. TROIS OCEANS
237
238
Fiche risque pays ISR/ECO – novembre 2023
Justine Mélot
Madagascar (melotj@afd.fr)
Risque pays : RP4a Risque souverain : RC4c Risque T&C : 1 cran (éq. B)
Le risque pays reste très élevé, en raison de la vulnérabilité du pays aux chocs extérieurs et aux aléas climatiques.
Septième pays le plus pauvre du monde en termes de PIB par habitant en 2022, Madagascar est un pays fragile affecté
par des crises politiques successives et des catastrophes naturelles récurrentes. Si l'élection démocratique de l'ancien chef
d'État Andry Rajoelina, en 2018, a permis de renouer avec la croissance économique et le soutien des bailleurs, les
tensions entre le président sortant et ses opposants à l'approche suite aux élections du 16 novembre 2023 font craindre
un retour des troubles politiques. Après une forte récession (-7,1 % en 2020), la croissance devrait se stabiliser à 4 % en 2023
malgré deux cyclones en début d'année, une sécheresse persistante dans le sud et une inflation en hausse suite à la
guerre en Ukraine (10,5% en 2023 selon le FMI). Ces pressions, auxquelles s'ajoutent les pertes de la compagnie nationale
d'eau et d'électricité et le ralentissement des exportations de vanille, ont lourdement pesé sur les déficits jumeaux. Ceux-
ci se sont creusés, respectivement à -6,4 % du PIB pour le solde budgétaire et -5,4 % du PIB pour le solde courant en 2022,
mais devraient tous deux se redresser à -4 % du PIB en 2023. Le risque souverain reste donc élevé malgré une légère
réduction du taux d'endettement public (54 % du PIB en 2023 contre 55,1 % en 2022). Le profil de la dette publique est
favorable, sa composante externe étant majoritairement concessionnelle. Selon l'AVD de février 2023, le risque de
surendettement est jugé modéré. Les financements extérieurs, dont le programme actuel du FMI (FEC de 306 MUSD sur
la période 2021-2024), devraient en effet permettre de couvrir les besoins de financement jusqu'en 2024. Concernant la
position extérieure, le déficit de la balance commerciale diminuerait la couverture des réserves à 3,7 mois d’importations
en 2023, soit en dessous du seuil de recommandation, compte tenu de la vulnérabilité des soldes extérieurs de
Madagascar. Cela, couplé à une faible gouvernance, confère à Madagascar un risque de T&C élevé.
Evolution de la note risque pays Evolution des notes risque souverain et plafond pays
Risque pays RC1
Risque souverain Plafond pays
RP1
RC2
RP2
RC3
B
RC4
4c
RP3
4a 5
RC5
RP4
RC6
mai-15 mai-16 mai-17 mai-18 mai-19 mai-20 mai-21 mai-22 mai-23 mai-15 mai-16 mai-17 mai-18 mai-19 mai-20 mai-21 mai-22 mai-23
239
ENVIRONNEMENT POLITIQUE ET SOCIOECONOMIQUE
Contexte politique et gouvernance publique : Madagascar est un Le niveau de vie des Malgaches (USD PPA)
état fragile (classé 131e/179 selon le Fragile States Index) marqué par diminue depuis le début des années 2000
trois décennies de crises politiques successives, dont deux coups 5000
populaire à l'égard du gouvernement s'est accru en raison de PIB par habitant ASS (USD PPA)
l'inflation, de l’insécurité et de la corruption (le pays est classé PIB par habitant Madagascar (USD PPA)
142e/180 pays dans le classement 2022 de Transparency PIB par habitant PFR (USD PPA)
Sources : Banque mondiale, calculs ECO
International). En janvier 2023, une nouvelle alliance d'opposition
composée de deux anciens présidents, Marc Ravalomanana (2002-2009, principal opposant en 2018) et Hery
Rajaonarimampianina (2014-2018), a été formée pour défier la coalition au pouvoir. Le 1e tour des élections
présidentielles s’est tenu le 16 novembre, mais le taux de participation historiquement bas suite à l’appel au boycott
par les partis d’opposition remet en question la victoire du président sortant Andry Rajoelina.
Indicateurs socioéconomiques : Avec un PIB par habitant de 523 USD en 2022 – contre 561 USD en 2013 – Madagascar
est non seulement le 7e pays le plus pauvre, mais aussi le seul, selon la Banque mondiale, à avoir connu une baisse de son
PIB par habitant en l'absence de conflit violent. Depuis des décennies, Madagascar connaît une croissance insuffisante,
due en grande partie à une faible gouvernance et à un développement inadéquat du capital humain (0,37, soit le score
le plus bas de l'indice de capital humain de la Banque mondiale). Cela, combinée à une croissance démographique
rapide, a fait de Madagascar l'un des pays où le taux de pauvreté est le plus élevé au monde : 80,2 % de la population vit
avec moins de 2,15 USD par jour en 2022, soit deux fois plus que la moyenne de l'Afrique sub-saharienne (ASS). En outre, la
flambée des prix alimentaires mondiaux, conséquence de la guerre en Ukraine, a exacerbé la crise alimentaire existante,
causée par des sécheresses récurrentes dans le sud du pays (36 % de la population étaient en insécurité alimentaire en
mars 2023 selon les Nations unies). Depuis 2020, Madagascar se classe 173e sur 191 pays dans le monde en termes d'IDH.
privée, a entraîné une récession (-7,1 %) trois fois plus importante que 3,0
la récession moyenne des pays d'Afrique subsaharienne. La 1,0
croissance s’est redressée en 2021 (5,7 %), soutenue par la reprise des -1,0 2003 2007 2011 2015 2019 2023
industries minières et de la construction, puis est retombée à 4,0 % en -3,0
2022 en raison des pressions inflationnistes et du ralentissement de la -5,0
croissance aux États-Unis et en Europe (principaux partenaires
-7,0
commerciaux). Elle devrait rester stable en 2023 (4,0 % selon le FMI),
-9,0
soutenue par l'exploitation minière et la production agricole (malgré Croissance économique (%) TCAM (%)
deux cyclones début 2023). Elle s'améliorerait ensuite à 4,8 % en 2024,
Sources : FMI, calculs ECO
grâce à la hausse de la production aurifère et des investissements
dans les infrastructures du secteur extractif, encouragés par la révision du code minier.
240
FINANCES PUBLIQUES
Comptes publics : Le déficit public est resté contenu à 2 % en La forte progression des recettes attendue en 2023
moyenne sur la période 2007-2019, malgré des recettes publiques devrait réduire le déficit
structurellement faibles (11,5 % du PIB en moyenne sur la période), en 1 20
raison d'une sous-exécution budgétaire. Le programme FMI approuvé 0
18
en mars 2021 (FEC de 306 M USD sur 40 mois) ainsi que la révision du -1
code minier participeraient à augmenter les recettes budgétaires à -2 16
15 % du PIB en 2023, contre 10,9 % en 2022. Le déficit public avait atteint -3
14
6,4 % du PIB en 2022 (contre 2,7 % en 2021), ce qui a conduit à -4
l'accumulation d'arriérés à hauteur de 1,9 % du PIB. Depuis, les autorités -5 12
ont réglé les dettes croisées avec les distributeurs pétroliers et la reprise -6
10
du paiement des taxes à l’importation des carburants devrait améliorer -7
cadre de l'initiative PPTE, le taux d'endettement a augmenté pour Dette publique externe (% du PIB)
atteindre 55 % du PIB en 2022 (contre 52 % en 2021). Il devrait se stabiliser Sources : FMI, Banque mondiale, calculs ECO
autour de 54 % en 2023 et 2024. La dette publique extérieure a
fortement augmenté par rapport à 2019 (27% du PIB) pour atteindre 42% du PIB en 2023, mais devrait se stabiliser à moyen
terme. La dette domestique est entièrement détenue par les résidents (par des bons du Trésor) et concerne principalement la
dette des entreprises publiques (18%). La longue maturité (environ 12 ans) ainsi que la faible charge d'intérêt (6 % des recettes
budgétaires pour la période 2023-2026) associées à la dette publique limitent le risque de surendettement. La dernière AVD
du FMI (datant de février 2023) juge ainsi le risque de surendettement modéré. Le risque de matérialisation des passifs
contingents – qui représentent 20 % du PIB selon les estimations du FMI – restent toutefois un élément à surveiller.
241
COMPTES EXTERNES
Balance des paiements : En 2021, les exportations de Madagascar se Le déficit courant s’est creusé en 2022 en raison
composaient majoritairement de minerais (24 % dont 15 % de nickel de la hausse du prix des importations
brut), et de vanille (19 %), à destination des Etats-Unis, de la France, de 5
la Chine, du Japon et des Emirats. L’instauration d'un prix minimum à 3
l'exportation de vanille de 250 USD/kg en novembre 2022 a fait chuter 1
les exportations de vanille de deux tiers jusqu’au retrait de cette -1 2010 2012 2014 2016 2018 2020 2022 2024
mesure en avril 2023. De plus, l'augmentation du volume et de la -3
valeur des exportations de nickel n'a que partiellement compensé la -5
forte hausse en valeur des biens intermédiaires par l’industrie minière -7
suite à l'augmentation des prix mondiaux. Les recettes touristiques ont -9
2022, le déficit courant s'est ainsi creusé à 5,4 % du PIB (contre 4,9 % en -13
CLIMAT
Climat : Madagascar est classé 168e/181 au classement ND-GAIN
La forte dépendance à la biomasse limite les
qui mesure l’exposition et la vulnérabilité au changement
émissions de GES
climatique. Le pays est exposé à de nombreux risques climatiques : 5 60000
cyclones et inondations au Nord, sécheresses récurrentes au Sud.
Ces aléas climatiques pèsent fortement sur les perspectives de 4
50000
croissance de l’île et coûteraient, selon le FMI, 1 % de PIB chaque
année. La vulnérabilité des écosystèmes et la prédominance du 40000
3
secteur agricole (25 % du PIB et 80 % des emplois) ont poussé les
30000
autorités a intégré l’adaptation au cœur de leurs politiques
2
nationales. Cependant, aucun plan de gestion durable des 20000
ressources n’a, pour l’heure, été formalisé et la mise en place de
1
programmes d’adaptation reste tributaire des financements 10000
extérieurs.
0 0
Emissions de GES par habitant (tCO2eq, éch. G.)
Transition bas-carbone : Madagascar a un très faible niveau
Emissions de GES (KtCO2eq, éch. D.)
d'émission de gaz à effet de serre (GES) par habitant (163 e / 184
Sources : IFDD, calculs ECO
contributeur aux émissions mondiales). La production et la
consommation d'énergie primaire du pays sont encore centrées sur la biomasse et, dans une moindre mesure, sur
l'hydroélectricité et le pétrole. Alors que le taux d'électrification est faible et que la demande est appelée à augmenter
en raison de la forte croissance démographique (2,9 %/an), les autorités se sont engagées, dans le cadre de la
Contribution Déterminée au niveau National, à encourager le développement de l'énergie hydraulique et solaire afin
d'atteindre une réduction de 28 % des émissions d'ici 2030. Le pays dispose également de nombreuses ressources,
notamment le nickel, le cobalt, le graphite et de nombreuses terres rares, dont le potentiel est sous-exploité et
permettrait à Madagascar de bénéficier de la transition énergétique. Pour l'heure, la fragilité des finances publiques,
combinée à la forte proportion de recettes fiscales et de salaires générés par des industries en déclin, fait de
Madagascar un pays très exposé au risque de transition.
242
Fiche risque pays ISR/ECO – novembre 2023
Vincent Joguet
Maurice (joguetv@afd.fr)
Risque pays : RP2a Risque souverain : RC2c Risque T&C : 2 crans (éq. BBB+)
Le risque pays est modéré. Démocratie dotée d’institutions solides et efficaces, Maurice est le pays d’Afrique
affichant les meilleurs indicateurs de gouvernance malgré des dégradations récentes (perception de la corruption,
liberté de la presse). Appuyé par une croissance économique soutenue de long terme, le revenu par tête a été
multiplié par 5 en 40 ans. Depuis 2010, le rythme de croissance de l’économie a légèrement ralenti témoignant de
l’exposition du pays à une diminution de la productivité et une perte de compétitivité à l’exportation. Cette
tendance se heurte depuis 2020 à la succession de crises mondiales qui pèsent fortement sur cette petite économie
insulaire très ouverte et vulnérable aux chocs internationaux. Le rebond de la croissance après l’abîme de 2020 s’est
fait en deux exercices mais l’économie montre des signes d’essoufflement en 2023 qui devraient s’aggraver l’an
prochain, malgré une maîtrise de l’inflation qui s’installe sous la cible des 5% en octobre 2023. Les prix alimentaires,
de l’énergie et des produits de base au niveau mondial continuent de peser sur les importations même si les
équilibres extérieurs sont en voie d’amélioration compte tenu de l’appréciation de la roupie depuis mars 2023 et du
retour massif des touristes internationaux. Le risque souverain est modéré. Le creusement du déficit budgétaire en
2019 et 2020 a entraîné une dérive de l’endettement public à près de 100% du PIB qui semble aujourd’hui enrayée.
Le redressement des comptes publics reste toutefois provisoire : l’essoufflement de la croissance devrait peser sur
les recettes et les dépenses sont orientées à la hausse compte tenu du maintien par le gouvernement de
subventions aux produits de base et des risques de dérives des comptes publics que pourraient entraîner les
élections de 2024. Le risque de transfert et convertibilité est modéré. Le compte financier est ouvert avec des
contrôles de capitaux minimaux, et les restrictions ressortent limitées à ce jour. Les réserves internationales déclinent
mais représentent 8 mois d’importation.
Evolution de la note risque pays Evolution des notes risque souverain et plafond pays
Risque pays Risque souverain Plafond pays
RC1
BBB+
RP1
A-
RC2
2a
2a 2b
2c
RC3
RP2
RC4
RP3
RC5
RC6
RP4
243
ENVIRONNEMENT POLITIQUE ET SOCIOECONOMIQUE
Contexte politique et gouvernance publique : Maurice est une Le redémarrage de la convergence
République parlementaire qui a connu plusieurs alternances économique s’affirme
politiques depuis son indépendance en 1968. La vie politique est 25000
caractérisée par un jeu d’alliances complexes entre les partis dont 170%
1990
1992
1994
1996
1998
2000
2002
2004
2006
2008
2010
2012
2014
2016
2018
2020
2022
le pays occupe la première place du classement de l’Indice Ibrahim
PIB/hab. Maurice (PPA) - éch G. (e n USD constant)
de la Gouvernance Africaine et les indicateurs de gouvernance de la PIB/hab. Maurice/Monde - éch D. (e n %)
Banque mondiale le classe entre le 75 et le 90 décile, avec une forte
e e PIB/hab. Maurice/moy. PRE - éch D. (en %)
PIB/hab. Maurice/moy. PRITS - éch D. (en %)
croissance en matière de qualité de la régulation et de l’efficacité Sources : BM (WDI), calculs ECO
gouvernementale. Les élections sont libres et transparentes et le
pouvoir judiciaire est indépendant de l’exécutif. Néanmoins, la situation se dégrade : score le plus faible jamais
enregistré au dernier Indice Ibrahim, nombreux scandales de corruption éclaboussant les élites politiques et
économiques, impunité, népotisme et limitation de la liberté de la presse (en 3 ans le pays a perdu 7 places dans le
World Press Freedom Index en raison d’un cadre législatif peu protecteur et menaçant la confidentialité des sources).
Dans le dernier classement de l’indice de perception de la corruption de Transparency International, Maurice a perdu
4 places et est désormais à la 57e place, derrière le Rwanda. Il reste le 5e pays le mieux noté en Afrique subsaharienne.
Indicateurs socioéconomiques : Sur le plan social, le taux de chômage, qui avait sensiblement augmenté avec la
crise sanitaire (9,1% en 2021 malgré les mesures de soutien de l’emploi), s’est réduit à 6,4% en juin 2023. Du fait des
performances économiques soutenues au cours des trois dernières décennies, Maurice a vu son IDH atteindre le rang
des pays à « développement humain élevé » (63e sur 191 en 2021). Le taux de pauvreté est relativement faible :
l’extrême pauvreté est éradiquée et moins d’un Mauricien sur 10 vivrait en dessous du seuil national de pauvreté. En
revanche, les inégalités restent relativement élevées (indice de Gini à 36,8 en 2017) et touchent principalement les
jeunes et les femmes. Un des défis sociaux de la société mauricienne à long terme réside dans la hausse du taux de
dépendance liée au vieillissement rapide de la population, qui mettra sous pression le système de protection sociale.
Régime de croissance : Etant donné le taux d’ouverture élevé de ce La croissance économique s’affirme
petit Etat insulaire, la crise sanitaire a durement affecté l’économie 10%
mauricienne qui a connu une contraction sans précédent de son PIB
réel en 2020 (-14,6%). L’activité a peu rebondi en 2021 (+3,4%) puis 5%
244
FINANCES PUBLIQUES
Comptes publics : Maurice avait réussi à stabiliser son déficit Effet ciseau sur les dépenses et les recettes : le
budgétaire à 2,2% du PIB en moyenne entre 2016 et 2019. De façon déficit public de nouveau orienté à la hausse…
préoccupante, le solde global s’est détérioré dès FY2019/20 pour
0% 35%
atteindre -8,4% du PIB, conséquence d’un bond de 25% des dépenses
en une année (promesses électorales, premiers mois de crise Covid). -2%
30%
En FY2020/21, les mesures sociales et de soutien à l’économie et la -4%
contraction des recettes fiscales ont creusé davantage le déficit
-6% 25%
(10,4% du PIB). Le gouvernement a dû faire appel à la Banque
centrale (BoM) pour l’aider à financer ses dépenses par des transferts -8%
20%
monétaires (14% du PIB en 2020/21 soit 1,5 Md USD). Avec le retrait des -10%
dépenses exceptionnelles, le niveau du déficit s’est réduit à 3,2% du
-12% 15%
PIB en FY2022/23. Le budget 2023/24 prévoyait une amélioration du
2010
2011
2012
2013
2014
2015
2016
2017
2018
2019
2020
2021
2022
2023
2024
fait de l’impact de la croissance sur les recettes mais les prévisions du
FMI sont pessimistes : la croissance ne devrait pas être aussi élevée Solde budgétaire (% du PIB, éc h gauc he )
Recettes budgétaires (% du PIB, ech droite)
qu’attendue par le gouvernement et la hausse des dépenses Dépenses publiques (% du PIB, ech droite)
courantes de 14% (maintien des subventions aux produits de base, Sources : FMI (WEO), calculs ECO, années fiscales juil.-juin
dépenses sociales) devraient creuser le déficit public à 5% du PIB et
… mettant un frein à la décroissance du taux
encore 5,7% en FY2024/25. Les projections confirment la difficulté pour
d’endettement public
le gouvernement de mobiliser des recettes au-delà de 25% du PIB.
100%
Endettement public : A partir de FY2019/20, avec le recul de la 90%
croissance, le creusement du déficit budgétaire et la dépréciation de 80%
la roupie, le taux d’endettement public a augmenté de 30 points de 70%
pourcentage en 2 ans atteignant 94,6% en FY2020/21, malgré les 60%
maintient, malgré la baisse du taux d’endettement total, en raison de Dette publique domestique (% du PIB)
Dette publique externe (% du PIB)
la dépréciation de la roupie. La dernière analyse de viabilité de la
dette du FMI (juin 2022) fait part d’un risque modéré mais indique que Sources : Ministère des Finances, années fiscales juil.-juin
contribué à apprécier la roupie face au dollar : +5% entre mars et Taux d'inflation, alimentation (en g.a, %, éch. g.)
octobre 2023. Taux d'inflation (en g.a, %, éch. g.)
Taux directeur BoM (en %, éch. d.)
Secteur financier : Le secteur bancaire mauricien s’est fortement Sources : Banque centrale, calculs ECO
245
COMPTES EXTERNES
Balance des paiements : Le déficit du compte courant est passé de Des flux d’investissement erratiques et
8,8% du PIB en 2020 à 13% du PIB en 2021 puis 11,5% en 2022. En 2022, significatifs
le déficit commercial a atteint un niveau record : les exportations 150 15
n’avaient pas retrouvé leur niveau d’avant crise tandis que l’inflation 100 10
mondiale et la dépréciation de la roupie pesaient sur le coût des 50 5
biens importés. La situation devrait perdurer en 2023 : au 1er sem., les 0 0
importations continuent d’augmenter en lien avec la pression des prix
-50 -5
alimentaires et des produits de base qui perdurent. Le déficit du
-100 -10
compte courant devrait cependant être divisé par deux en raison de
l’appréciation de la roupie depuis le 2 trim. 2023, du retour significatif
e -150 -15
2018 2019 2020 2021 2022
des touristes à un niveau proche de celui de 2019 (recettes par Erreurs et omissions (% PIB)
touriste en augmentation de 50%) et de l’amélioration de l’activité Solde compte courant et compte de K (% PIB)
Autres investissements (% PIB)
industrielle locale. Le déficit du compte courant est en partie financé Investissement de portefeuille (% PIB)
par les flux liés aux activités des Global Business Companies (GBC). IDE (% PIB)
Résidentes à Maurice, elles perçoivent des transferts financiers de Réserves (% PIB, éch. d)
leurs maisons-mères à l’étranger, comptabilisés sous forme d’IDE. Ces Sources : Banque centrale, calculs ECO
fonds sont ensuite investis à l’étranger, sous forme d’investissements
de portefeuille et d’autres investissements, permettant aux GBC de profiter d’Accord de non-double imposition (DTAA)
existant entre Maurice et de nombreux pays. Les niveaux de ces flux, très significatifs, sont également très volatils et
peu prévisibles : en 2020 et 2021, ils sont massivement sortis du territoire pour n’y revenir que timidement en 2022.
Soutenabilité et liquidité externes : A juin 2023, la dette externe totale s’établissait à 33,9% du PIB (en excluant les
institutions non bancaires (134% avec) et les GBC (1475%)). Elle est constituée à 55% de la dette contractée par le
secteur public (gouvernement central et entreprises publiques), à 30% par celle de la Banque centrale et à seulement
10% de celle des banques privées. En outre, elle est à long terme à plus de 95%. En raison des interventions massives
de la Banque centrale sur le marché des changes au cours de l’année 2022 pour soutenir la roupie (845 MUSD vendus
dont 300 MUSD pour le seul mois de novembre), le niveau des réserves internationales (hors or) a décliné depuis le pic
de décembre 2021, pour atteindre 5,5 Mds USD en septembre 2023, soit environ 8 mois d’importations.
Transfert et convertibilité : Compte tenu de son économie extravertie avec un taux d’ouverture commercial de 50%
du PIB et de sa dépendance aux flux financiers liés à l’activité off-shore, Maurice maintient un compte financier ouvert
avec des contrôles de capitaux minimaux, et les restrictions ressortent à ce jour limitées. Le régime de change de jure
est flottant mais depuis fin 2020, il a été requalifié de facto en régime à parité glissante (crawl-like) par le FMI. Alors que
l’objectif principal affiché de la politique monétaire est la stabilisation des prix, les interventions de la BoM visent aussi
à relancer la croissance économique et stabiliser le taux de change. L’indépendance de la BoM est cependant
altérée depuis l’amendement par le Parlement du Bank of Mauritius Act en mai 2020 pour mettre en place de mesures
non conventionnelles afin d’élargir ses pouvoirs et permettre des transferts au budget mauricien.
CLIMAT
Climat : Classée 48e sur 192 pays par l'indicateur de résilience ND- La forte progression des émissions émane du
Gain, Maurice est considérée comme vulnérable au changement secteur électrique et de celui des déchets
climatique mais disposant des ressources financières, institutionnelles 7
et techniques pour s’adapter. Le pays est vulnérable aux cyclones
M illions de t CO2eq
6
(hausse de la fréquence et de l’intensité) et, dans une moindre
5
mesure, aux inondations côtières et aux chaleurs extrêmes. Les zones
côtières sont exposées au risque d’érosion. La moitié des plages 4
246
Fiche risque pays ISR/ECO – novembre 2023
Jade Castaner
République Dominicaine (castanerj@afd.fr)
Risque pays : RP2c Risque souverain : RC3c Risque T&C : +2 crans (éq. BB+)
Le risque pays reste modéré. Des politiques économiques saines, un environnement des affaires plutôt favorable et
une relative diversification de l’économie (tourisme, zones franches, hub logistique régional) ont soutenu l’activité
économique et la stabilité macroéconomique et sociopolitique. Le pays a démontré une bonne résistance aux
différents chocs exogènes depuis 2020. La gestion efficace de la pandémie et une réouverture bien ajustée (y compris
les voyages internationaux) ont permis une reprise économique vigoureuse en 2021 (+12,3 %). En ligne avec son
potentiel en 2022 (4,9 %), la croissance économique devrait ralentir en 2023 (3 %) dans le sillage des Etats-Unis
notamment. La position extérieure est jugée satisfaisante, les réserves de change ayant augmenté en 2022. Les chocs
exogènes depuis 2020 ont cependant entraîné un creusement du déficit du compte courant qui devrait diminuer en
2023 (3,7 % du PIB) à mesure que les envois de fonds de la diaspora et la reprise du tourisme continuent d’augmenter. Le
besoin de financement externe demeure couvert, sans pression sur les réserves de change, par les flux d’IDE (3,3 % en
2023) et de dette. Alors que le resserrement monétaire initié fin 2021 a soutenu le peso et permis de circonscrire, avec
l’appui des subventions sur les prix, les pressions inflationnistes, la Banque centrale a relancé son cycle
d’assouplissement monétaire en mai 2023. Le risque souverain demeure assez élevé. Le maintien des subventions en
vue des élections de mai 2024 devrait maintenir les pressions sur le déficit budgétaire en 2023 (3,2 % du PIB), la
consolidation budgétaire ne devrait démarrer qu’à moyen terme. La dette publique est jugée soutenable (59,8 % du
PIB), elle présente toutefois un profil relativement défavorable dans le contexte financier international actuel
(majoritairement libellée en devises et détenue par des non-résidents). Malgré une corruption endémique,
l’environnement reste favorable aux investisseurs étrangers, conférant au pays un risque de T&C modéré.
Evolution de la note risque pays Evolution des notes risque souverain et plafond pays
247
ENVIRONNEMENT POLITIQUE ET SOCIOECONOMIQUE
Contexte politique et gouvernance publique : L’environnement
Une nette progression du niveau de vie par
politique devrait rester stable à court et moyen terme, malgré un rapport à l’Amérique latine depuis 2010
certain regain de violence associé aux routes de la drogue qui 150 20000
transitent par les Caraïbes. En effet, la criminalité demeure un défi
politique persistant, en partie du fait de la position géographique du 15000
pays, plaque tournante du commerce international de stupéfiants. 100
Toutefois, la gestion de la crise sanitaire par le président Luis Abinader
10000
(centre droit), au pouvoir depuis 2020, ainsi que les réformes menées
en faveur de l’éducation, du renforcement du régime de sécurité 50
5000
sociale et du secteur de l’électricité confortent la stabilité politique
du pays et assurent au président une solide cote de popularité. En
0 0
conséquence, il a annoncé son intention de briguer un second 2000 2003 2006 2009 2012 2015 2018 2021
mandat et apparaît comme le grand favori pour remporter l'élection
PIB par habitant (USD constant, éch. D.)
de mai 2024, au cours de laquelle les députés seront également élus. PIB par habitant (PPA) Rep. Dom. / Am. Lat. (%, éch. G.)
Les indicateurs de gouvernance sont relativement satisfaisants, à PIB par habitant (PPA) Rep. Dom. / PRITS (%, éch. G.)
l’exception de la corruption endémique, notamment dans la sphère Sources : BM (WDI), calculs ECO
publique (classé 122e sur 180 selon Transparency International), qui
demeure le cheval de bataille du président. En dépit de liens commerciaux significatifs avec Haïti (2e destination des
exportations), les autorités ont récemment adopté une position ferme à l'égard de leur voisin, marquée par la
construction d'un mur frontalier et l'expulsion de migrants en situation irrégulière. Les tensions se sont exacerbées en
septembre 2023 : la République dominicaine a fermé sa frontière, en raison de la construction d'un canal d'irrigation
haïtien qui prévoit de puiser l'eau de la rivière Massacre, traversant les deux pays, pour approvisionner les agriculteurs
haïtiens et perçu comme une violation des accords bilatéraux en vigueur.
Indicateurs socioéconomiques : La croissance remarquable de ces dernières décennies et les politiques de protection
sociale ont permis de réduire de moitié le taux de pauvreté au seuil national à 24 % en 2021 tandis que le PIB par habitant
de la République dominicaine est parmi les plus élevés des Caraïbes. Toutefois, les indicateurs sociaux en termes
d’éducation et de santé restent inférieurs aux pays pairs dans la catégorie des PRITS tandis que les défaillances
structurelles sur le marché du travail local maintiennent le taux de chômage à un niveau relativement élevé (7,1 % en
2022) pour un taux d’informalité notable (57 % en 2022). Seule une réforme visant à élargir l'assiette fiscale et augmenter
les recettes permettrait de faire les investissements nécessaires à la mise en œuvre d’une croissance inclusive.
Cependant, cette réforme s’avère politiquement difficile à mettre en œuvre, notamment dans le contexte inflationniste.
Modèle économique : Dans les années 1980, l’économie a connu une Une croissance tirée par les services et
profonde mutation, passant de l’industrie sucrière et de la substitution dépendante de l’extérieur
2,0
des importations au développement du tourisme et des zones franches Note : le diamètre
1,8 des bulles représente
(les services représentaient 55 % du PIB en 2022). Cette extraversion
Contribution à la croissance 2006-2021
contribué à une certaine diversification vers des produits à plus forte 0,0
0% 2% 4% 6% 8%
valeur ajoutée et non textiles, tels que les produits pharmaceutiques et Taux de croissance annuelle moyen 2006-2021
électriques, mais ne représente encore qu’une petite part des
Sources : UNDESA, calculs ECO
exportations et de l’emploi. La capacité industrielle du pays demeure
limitée, et les niveaux d'investissement publique sont relativement bas,
Une croissance dynamique vulnérable aux
ce qui restreint le potentiel de croissance.
chocs externes
Régime de croissance : Fortement dépendante de l’extérieur,
12
l’économie a connu une profonde récession en 2020 (-6,7 %). Associée
à la réactivité des autorités publiques dans la mise en place des
mesures de soutien, une reprise dynamique s’est amorcée rapidement 7
avec une croissance de 12,3 % en 2021, tirée tout d’abord par l'industrie
manufacturière et la construction, suivie par le tourisme, les arrivées 2
ayant dépassé les niveaux pré-pandémiques dès fin 2021. Le rythme de
croissance s’est « normalisé » à 4,9 % en 2022 et devrait ralentir en 2023 -3
(3 % selon le FMI) dans une conjoncture internationale difficile,
notamment aux Etats-Unis, lié à une diminution des exportations et un -8
repli de la consommation et de l’investissement en raison des taux 2000 2003 2006 2009 2012 2015 2018 2021 2024
d’intérêt élevés. La croissance devrait retrouver un niveau proche de Taux de croissance du PIB réel (%)
son potentiel en 2024 (estimée à 5,2 %) portée par l’activité touristique Taux de croissance annuel moyen (%)
248
FINANCES PUBLIQUES
Comptes publics : Le déficit budgétaire est resté contenu à 3,1 % du
Un maintien du déficit budgétaire à court terme
PIB sur la période 2009-2019. Après un net creusement en 2020 (7,9 % 1 24
du PIB), il s’est réduit à 2,9 % du PIB en 2021, aidé par la reprise 0
22
économique et les efforts d’assainissement budgétaire du -1
gouvernement. La guerre russo-ukrainienne a entraîné de nouvelles -2
20
terme : réduction des dépenses, réformes dans le secteur de l’énergie Solde budgétaire (% PIB, éch. G.)
Dépenses (% PIB, éch. D.)
et mise en œuvre d'une réforme fiscale, longtemps attendue, visant à Recettes (% PIB, éch. D.)
élargir la base fiscale et à lutter contre l'évasion fiscale. Le solde Sources : FMI (WEO), calculs ECO
primaire redeviendrait inférieur à 1 % en 2023, soulignant une charge
d’intérêts sur la dette non négligeable (~3 % du PIB et 20 % des recettes Une gestion proactive de la dette publique et
budgétaires). une réduction post-pandémie
Politique monétaire : La légère appréciation du peso depuis mi- Une politique monétaire jugée efficace
2021, en lien avec la reprise économique et les entrées de capitaux 60 12
attirés par le différentiel de taux d’intérêt vis-à-vis des Etats-Unis,
avait permis de réduire les pressions inflationnistes à l’œuvre depuis 10
55
fin 2020, de nouveau exacerbées en 2022 suite à la guerre russo- 8
ukrainienne. Afin d’y faire face, la Banque centrale (BCRD) a relevé
50 6
à dix reprises son taux directeur, le passant de 3 % à 8,5 % entre
novembre 2021 et novembre 2022. La modération des prix des 4
matières premières et des coûts de fret des conteneurs a 45
2
également conduit à une diminution de l’inflation depuis mi-2022.
La BCRD a relancé en mai 2023 son cycle d’assouplissement 40 0
monétaire, abaissant le taux directeur trois fois pour atteindre 7,5 %. 2016 2017 2018 2019 2020 2021 2022 2023
Taux d'inflation (en g.a. %, éch. D.)
L’inflation est attendu à 4,9 % en 2023 en moyenne annuelle et Evolution DOP/USD (en g.a. %, éch. G.)
devrait converger vers la cible des 4 % en 2024. Taux directeur (éch. D.)
Sources : FMI, Macrobond, calculs ECO
Secteur financier : Le système financier continue de soutenir
l'économie avec une croissance du crédit de 17 % en g.a. en 2022, portant le crédit au secteur privé à 27,3 % du PIB.
Les mesures d’indulgence réglementaire (forbearance) liée à la pandémie, désormais levées, ont soutenu les ratios
bilanciels du secteur bancaire. Le ratio fonds propres/actifs pondérés des risques s’est érodé en 2022, mais il reste bien
au-dessus du niveau réglementaire de 10 %. La profitabilité du secteur est bonne et s’est encore améliorée en 2022.
Le taux de PNP est faible (1 %) et le taux de provisionnement très élevé. Au final, les principaux risques – qui restent
modestes – sont la forte concentration du système bancaire et le fait que l’adoption des normes internationales
d’information financière (IFRS) et des normes de surveillance (Bâle III) est encore incomplète. Par ailleurs, l’effet du
resserrement monétaire sur la croissance du crédit est resté limité (+10 % en g. a. en juin 2023) et n’a pas engendré de
risques pour la qualité des actifs, les indicateurs prudentiels suggérant que le secteur était suffisamment résilient pour
résister au stress qui en a résulté.
249
COMPTES EXTERNES
Balance des paiements : Après s’être fortement creusé en 2005- Un creusement du déficit courant malgré le
2008, le déficit du compte courant s’est résorbé progressivement à dynamisme du tourisme et des transferts
un niveau modéré jusqu’en 2019. La crise sanitaire a entraîné une 20%
légère détérioration en 2020 qui s’est poursuivie en 2021 et 15%
accentuée en 2022 (à 5,6 % du PIB). La vigueur des envois nets de 10%
fonds de la diaspora (9,5 Mds USD par an en 2021-2022, soit 9 % du 5%
PIB en moyenne) et la reprise des exportations (supérieures à leur 0%
niveau pré-pandémie en 2021-2022) et du tourisme (niveau record -5%
en 2022 à 7,5 % du PIB) n'ont, en effet, que partiellement compensé -10%
l'augmentation des importations due à la forte demande intérieure -15%
et à la hausse des prix des biens importés, notamment le pétrole.
-20%
Le déficit de la balance courante devrait se réduire en 2023 (3,7 %)
-25%
malgré la baisse des exportations, à mesure que le tourisme et les 2012 2014 2016 2018 2020 2022 2024
envois de fonds continueront d’augmenter. Le besoin de Biens Services
Revenus courants Transferts courants
financement externe (BFE) a atteint 10 % de PIB en 2022 (dette de Balance courante
court terme incluse), tiré par le creusement du déficit courant. Il a Sources : FMI (BOPS, WEO), calculs ECO
été couvert, sans pression sur les réserves de change, par des flux
d’IDE records (4 Mds USD, 3,6 % du PIB en 2022) et des flux de dette qui ne se tarissent pas. Le BFE est attendu en légère
baisse en 2023 (7,5 % du PIB) avec un moindre déficit du compte courant et des amortissements de dette externe.
Soutenabilité et liquidité externes : Après avoir culminé à 51 % du PIB en 2020, le taux d’endettement extérieur diminue
et devrait atteindre 39,6 % du PIB en 2023 en lien avec l’augmentation importante du PIB, même si la dette nominale
a augmenté suite aux différentes émissions obligataires. La dette publique externe représente environ trois-quarts de
la dette externe totale tandis que la majeure partie est détenue par des créanciers privés (76 % en 2023) et cette
proportion a augmenté ces dernières années. La gestion active par le Trésor a toutefois permis d'allonger les
échéances et de lisser le profil de remboursement et donc les besoins de financement bruts. Bien qu’exposée aux
variations du taux de change, les deux émissions de 2023 devraient permettre d’augmenter la dette en monnaie
locale. Le niveau des réserves internationales progresse depuis 2012 et couvrait 4,7 mois d’importations fin 2022 (92 %
de la métrique ARA en 2022 contre 88 % en 2021). Les réserves devraient encore augmenter en 2023 à 1,6 Mds USD en
2023, soutenues en partie par l’émission de l’eurobond en février.
Transfert et convertibilité : Le régime de change est un flottement administré avec un ancrage de facto au dollar. La
volatilité du taux de change ayant baissé ces dernières années, les interventions sur le marché des changes des
autorités monétaires ont diminué afin de laisser le taux de change jouer son rôle stabilisateur. Le pays est signataire de
l'accord de libre-échange d'Amérique centrale (CAFTA), ce qui se traduit par un environnement favorable aux
investisseurs étrangers, qui ne sont généralement pas soumis à des restrictions ou limitations significatives en ce qui
concerne la conversion, le transfert ou le rapatriement de leurs fonds. Sur le plan macroéconomique, le pays a
maintenu une stabilité relative au cours des dernières années, avec des indicateurs de gouvernance qui témoignent
de performances acceptables. Néanmoins, le pays présente des défis importants, notamment une corruption
généralisée, des capacités institutionnelles relativement faibles et une taille de marché plutôt restreinte.
CLIMAT
Climat : En raison de sa situation géographique, la République Une forte exposition aux catastrophes naturelles
dominicaine se trouve exposée à des risques élevés de Incendies
3%
catastrophes naturelles, telles que les inondations et les ouragans,
engendrant des pertes humaines et économiques substantielles. Temblements de
Epidémies terre
Selon la Banque mondiale, les ouragans occasionnent en 11% 1%
élévation graduelle des températures, ainsi que par des périodes Autres
3%
de sécheresse prolongée. Ces phénomènes sont amplifiés par El
Niño qui accroît les risques pour la production agricole et aggrave Fréquence annuelle moyenne des aléas naturels pour la
l'insécurité alimentaire. période 1980-2020
Sources : Banque mondiale, calculs ECO
Transition bas-carbone : Les activités directement exposées aux
risques de transition sont relativement limitées au sein de la structure économique du pays. Cependant, le secteur du
tourisme, qui joue un rôle majeur en termes d'emplois (20 % de la population active), de contribution à l'activité
économique (8 % du PIB) et d'accumulation de devises étrangères, est indirectement exposé, notamment via le
transport aérien. En outre, en tant que pays insulaire, le pays fait face à une contrainte majeure en matière de
ressources énergétiques, très dépendant des importations d'énergie fossiles – pétrole, gaz et charbon – pour satisfaire
sa demande énergétique domestique. Plus de 80 % de l'électricité du pays est générée à partir de ces hydrocarbures
importés, avec une contribution encore marginale des sources d'énergie renouvelable. La CDN a été révisée en 2020,
avec des objectifs climatiques renforcés tant sur le volet atténuation que l'adaptation, fixant des objectifs de réduction
des émissions nationales de GES de 27 % d’ici 2030, par rapport au scénario Business As Usual.
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