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TC 142

GRAND ANGLE

Tuberculose
et santé au travail
AUTEURS :
P. Tattevin, service Maladies infectieuses et réanimation médicale, CHU Pontchaillou, et INSERM U 835, Rennes
en G. Carcelain, département Immunologie et INSERM UMR S-945, hôpital Pitié-Salpêtrière, AP-HP, Paris
résumé A. Fournier, F. Antoun, S. Quelet, centre de Lutte antituberculeuse de Paris (CLAT 75)
E. Bouvet, service Maladies infectieuses, hôpital Bichat-Claude Bernard, AP-HP, Paris
D. Abiteboul, service Santé au travail, hôpital Bichat-Claude Bernard, AP-HP, Paris
M.C. Bayeux-Dunglas, département Études et assistance médicales, INRS, Paris

MOTS CLÉS
La tuberculose reste un Tuberculose /
sujet d’actualité en France, maladie
pourtant considérée comme infectieuse /

© Institut Pasteur/Collab. PFMU Imagopole et Unité de Génétique


un pays à faible incidence. conduite à tenir /
vaccination /
Certains professionnels dépistage /
peuvent être exposés soit personnel soignant.
du fait de leur métier
(professionnels de santé…),
soit du fait de contacts, lors
de l’activité professionnelle,
avec un collègue présentant
une tuberculose contagieuse.
Les services de santé au
travail sont régulièrement

Mycobactérienne
sollicités, tant sur l’évaluation
des risques que sur la
surveillance médicale des
salariés exposés ou encore sur
Mycobacterium tuberculosis, ou bacille de Koch.
la conduite à tenir en cas de
contact avec un sujet malade.
Après un court rappel que le pays soit une zone de faible
sur l’épidémiologie et sur ÉPIDÉMIOLOGIE prévalence. La tuberculose-maladie
l’histoire naturelle de la (TM) est une pathologie à déclara-
maladie, cet article permet POPULATION GÉNÉRALE tion obligatoire depuis 1964, de
de faire le point plus En 2010, l’Organisation mondiale même que l’infection tuberculeuse
particulièrement sur les tests de la santé (OMS) a estimé le latente (ITL) de l’enfant âgé de
de dépistage de l’infection nombre de nouveaux cas de tuber- moins de 15 ans - depuis 2003 - et
tuberculeuse, la surveillance culose à près de 9 millions, dont que les issues de traitement depuis
des professionnels de santé 40 % en Asie du Sud-Est et 26 % 2007 (un questionnaire est à com-
vis-à-vis de la maladie et en Afrique subsaharienne. Avec 1,3 pléter dans les 12 mois qui suivent
enfin sur les enquêtes autour millions de décès en 2010, la tuber- le début du traitement ou le dia-
des cas de tuberculose culose serait la deuxième cause gnostic, pour tous les cas déclarés
en milieu professionnel, infectieuse de mortalité après les de tuberculose).
hors milieu de soins. infections liées au virus de l'immu- Depuis 2004, environ 5 500 nou-
nodéficience humaine (VIH). veaux cas sont déclarés en France
La tuberculose reste un problème chaque année (5 578 en 2004, 5 187
de santé publique en France, bien en 2010). Le taux annuel de décla-

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Tuberculose
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ration est de 8,1 cas pour 100 000 risque. L’objectif de ce programme
habitants en 2010 [1]. est de diminuer l’incidence de la HISTOIRE NATURELLE
Cette faible incidence, associée tuberculose, le pourcentage de DE LA TUBERCULOSE
notamment au fait que le vaccin tuberculoses multirésistantes et
BCG (Bacille de Calmette et Gué- de réduire les inégalités de l’accès L’histoire naturelle de la tubercu-
rin) ne protège que modestement aux soins des populations les plus lose est un processus complexe,
contre les formes pulmonaires de exposées. qui fait intervenir des spécialités
l’enfant responsables de la diffu- aussi diverses que l’immunologie
sion du bacille dans la population, PERSONNEL SOIGNANT ou les sciences sociales. Elle per-
a conduit en 2007 à la suspension En France, l’incidence de la TM met d’éclairer la grande diversité
de l’obligation de cette vaccina- parmi l’ensemble des personnels des manifestations engendrées
tion pour les enfants et les adoles- de santé est estimée de 12 à 15 par ce pathogène qui infecte 1/3
cents [2]. Cette vaccination n’est pour 100 000 personnes. Chez le de la population du globe. Surtout,
plus que « recommandée » pour personnel infirmier de l’Assistance elle trace la voie des mesures de
les enfants les plus exposés à la publique - hôpitaux de Paris, cette prévention à proposer aux diffé-
tuberculose (avis du Haut Conseil incidence est légèrement supé- rents stades :
de la santé publique du 9 mars rieure puisqu’elle atteint 17,3 pour O le diagnostic précoce et le traite-
2007 [3], circulaire de la Direc- 100 000 soignants entre 2004 et ment de toutes les TM ;
tion générale de la santé DGS/RI1 2008, ce qui est 2 à 3 fois supérieur O au stade de l'ITL le diagnostic et
no 2007-318 du 14 août 2007) [4] (cf. à l’incidence de la TM chez les le traitement ciblé des patients à
encadré 1). femmes de même classe d’âge. Ce risque d’évoluer vers la tubercu-
Dans le même temps, en 2007, sur-risque est retrouvé dans deux lose-maladie.
le Programme national de lutte revues de la littérature citées par
contre la tuberculose (PNLT) a le Haut conseil de santé publique. MICROBIOLOGIE
été lancé. Il précise la stratégie à Il est dû aux contacts répétés avec Mycobacterium tuberculosis (Ba-
mettre en œuvre en fonction des des malades ou des cultures de My- cille de Koch ou BK), principal
régions et de certains groupes à cobacterium tuberculosis [6 ]. agent responsable de la tubercu-
lose, est un bacille aérobie, non
,Encadré 1 mobile, non sporulé, remarquable
par sa paroi très riche en lipides
de haut poids moléculaire, qui lui
> LA VACCINATION BCG EN FRANCE confèrent son caractère de bacille
acido-alcoolo-résistant (BAAR). Le
L e vaccin BCG par multipuncture
La suspension d’obligation vaccinale
par le BCG ne concerne pas les temps de doublement de M. tuber-
(Monovax®) a été retiré du professionnels et étudiants des culosis est particulièrement long
commerce en 2006 et remplacé par carrières sanitaires et sociales (15 à 20 h), en comparaison de celui
le vaccin BCG SSI® administrable de la majorité des autres bactéries
qui, eux, restent soumis à cette
par voie intradermique. Après une pathogènes (< 1 h).
obligation (articles L. 3112-1,
expertise française qui estimait R. 3112-1 alinéa C et R. 3112-2 du
que la vaccination des seuls
TRANSMISSION
Code de la santé publique). En La tuberculose fait suite à l’inha-
enfants à risque (< 15 %) pouvait effet, bien que le Haut conseil de lation de particules infectieuses
prévenir trois-quarts des cas de santé publique ait recommandé, émises par un patient-source at-
tuberculose jusque-là évités par dans son avis du 5 mars 2010 [5], teint de tuberculose pulmonaire
le BCG, l’obligation vaccinale la levée de cette obligation pour ou laryngée, particulièrement lors
a été remplacée en 2007, par les professionnels concernés (cf d’un effort de toux, d’éternuement,
une recommandation forte de paragraphe « Vaccination BCG ou de vocalisation. Ces particules
vaccination des enfants les plus et professionnels exposés »), à ce infectieuses, appelées gouttelettes
exposés [3, 4]. jour, la réglementation n’a pas été de Pflügge, sèchent rapidement
dans l’air, mais peuvent rester en
modifiée.

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,Photo 1

© INSERM/Loïc Guillevin.
suspension dans une pièce non RÉPONSE DE L’HÔTE APRÈS
aérée pendant environ 30 minutes INHALATION DE BACILLES
en conservant leur infectiosité. TUBERCULEUX
La tuberculose est dite bacillifère La tuberculose est le prototype
lorsqu’elle est suffisamment pro- de maladie infectieuse dont le
ductive pour que l’examen direct contrôle dépend de l’immunité
des prélèvements respiratoires cellulaire. Durant les semaines
visualise des BAAR (soit plus de 103 qui suivent l’inhalation de bacilles
à 104 bacilles.ml-1) [7]. Des études tuberculeux, ceux-ci se multi-
anciennes ont montré qu’un pa- plient librement dans les espaces
tient présentant une tuberculose alvéolaires ou à l’intérieur des
bacillifère émet environ 3 000 par- macrophages, dans une ambiance
ticules infectieuses lors d’un effort de « sidération » immunitaire. La
de toux, une quantité équivalente réponse lymphocytaire T, retar-
s’il parle pendant 5 minutes et dée mais intense, est à l’origine
beaucoup plus lorsqu’il éternue. de manifestations d’hypersensibi-
Caverne tuberculeuse du sommet droit.
La richesse en bacilles tubercu- lité tissulaire majorées par l’effet
leux dans les prélèvements res- adjuvant des lipides de paroi des
piratoires est de loin le principal bacilles tuberculeux.
facteur de risque de transmission La réaction cutanée à la tubercu- DISSÉMINATION
[8] : une étude réalisée aux Pays- line devient manifeste 3 à 9 se- Initialement, les gouttelettes de
Bas dans les années 70 auprès maines après le contage. L’activité Pflügge inhalées se logent dans la
d’enfants a montré que le taux bactéricide des macrophages est partie distale de l’arbre bronchique.
d’attaque (pourcentage de sujets alors effective et la résultante des Les premiers territoires touchés
contact infectés) était de 50 % en forces en présence (charge bacil- sont les mieux ventilés, à la par-
cas de patient-source bacillifère, laire et intensité de la réponse im- tie moyenne des poumons (zones
vs 5 % en cas de patient-source mune) détermine l’évolution : inférieures des lobes supérieurs et
présentant une tuberculose docu- O en cas de réaction immuni- zones supérieures des lobes infé-
mentée par la culture des prélè- taire puissante dirigée contre une rieurs et moyen) et en périphérie
vements respiratoires, mais ne re- quantité limitée d’antigènes, il y a (foyers sous-pleuraux). Dans trois-
trouvant pas de BAAR à l’examen formation de granulomes tubercu- quarts des cas, le foyer initial est
direct. leux qui permettent de circonscrire unique, tandis que la dissémi-
Néanmoins, bien que le risque soit le foyer infectieux, évoluant vers la nation lymphatique débute par
faible, une proportion non négli- cicatrisation avec fibrose ; l’intermédiaire des macrophages
geable de cas peut survenir après O à l’inverse, si la quantité de ba- infectés, qui se localisent préféren-
une exposition à un sujet présen- cilles actifs dépasse les capacités de tiellement au niveau des ganglions
tant une tuberculose à examen la réponse immune, on assiste à une satellites, hilaires et médiastinaux.
direct négatif (absence de BAAR). évolution vers la nécrose caséeuse, Chez l’immunodéprimé, la dissé-
Ainsi, dans une étude réalisée à qui doit son nom à sa consistance mination hématogène débute dès
Vancouver (Canada), 22 % des cas de « fromage blanc ». Cette nécrose ce stade par l’intermédiaire des
index étaient à frottis négatifs [9]. caséeuse, instable et mal limitée, se macrophages infectés, qui jouent
Aux Pays-Bas, 13 % des cas de tu- déverse dans les bronches, formant le rôle de cheval de Troie. Au cours
berculose à culture positive pris en des cavités tuberculeuses (cavernes) de ce processus de dissémination
charge de 1996 à 2004 étaient se- (photo 1) souvent multiples, favori- lymphatique et hématogène pré-
condaires à des tuberculoses pul- sant la dissémination par voie endo- coce, certains organes sont particu-
monaires avec absence de BAAR à bronchique, avec une quantité mas- lièrement ciblés avec blocage des
l’examen direct [10]. sive de bacilles tuberculeux (107 à macrophages et réplication active
109 bacilles dans les cavernes contre du bacille tuberculeux in situ : les
102 à 104 dans la nécrose caséeuse). régions postérieures et apicales
des poumons ainsi que les sites

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Tuberculose
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,Figure 1

> HISTOIRE NATURELLE DE LA TUBERCULOSE (d'après [7])

Exposition de sujets (contacts) à un patient source bacillifère


Inoculum (charge bacillaire)
Immunité hôte

W W
Pas d'infection Infection tuberculeuse
(~ 50 millions patients/an dans le monde)
Réponse immune Réponse immune
puissante protectrice faible insuffisante

W W
Croissance BK contenue Croissance BK poursuivie
Caractéristiques BK Tuberculose « primaire »
Caractéristiques hôte

W W
Croissance bactérienne stoppée Croissance bactérienne contrôlée
Éradication du BK (10 %) Quelques bacilles viables persistent (90 %) 8 à 10
Immunité stérilisante Infection tuberculeuse latente
Total Monde = 2,2 milliards patients
semaines

Immunité efficace Immunité défaillante


(90 %) (10 %)
W W
Jamais symptomatique Tuberculose maladie
Jamais contagieux Incidence = 8,8 millions/an

préférentiels de tuberculose ex- à l’occasion de la mise en place de la un foyer parenchymateux pulmo-


tra-pulmonaire (ganglions, reins, réponse immune cellulaire. Le seul naire moyen calcifié associé à une
épiphyses des os longs, corps ver- outil diagnostique de cette primo- adénopathie médiastinale satellite
tébraux, méninges juxta-épendy- infection est la mise en évidence de également calcifiée.
maires adjacentes à l’espace sous- la réponse immunitaire spécifique Plus rarement, la réponse immu-
arachnoïdien). que l’on peut documenter par l’in- nitaire face à la charge en bacilles
tradermo réaction (IDR) à la tuber- tuberculeux tourne à l’avantage
FORMES CLINIQUES culine ou par les tests immunolo- de ces derniers. Ils disséminent
giques de production d’interféron alors dès ce stade de primo-in-
> PRIMO-INFECTION TUBERCULEUSE gamma (IFN-a), plus connus sous fection, avec des formes cliniques
L’histoire naturelle de la tuberculose l’acronyme anglo-saxon IGRA, pour parfois associées :
est schématisée dans la figure 1. IFN-gamma release assays. L’impor- Oadénopathies médiastinales com-
Dans la majorité des cas, la primo- tance du foyer initial peut laisser pressives, notamment chez l’enfant,
infection tuberculeuse aboutit au une cicatrice radiologique (appelée avec risque d’atélectasie par com-
contrôle de la réplication du bacille complexe de Ranke), marquée par pression bronchique ;

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Odissémination endobronchique ; insistent sur une notion fonda- de celles de lésions évolutives.
Odissémination hématogène, sur- mentale : il ne faut s’engager dans Par convention, il est admis que
tout chez le très jeune enfant, les une démarche de diagnostic d’in- l’on doit recourir au traitement
formes miliaires et méningées fection tuberculeuse latente que si de TM chaque fois qu’il existe
étant au premier plan ; ce diagnostic conduira à une inter- un doute entre les 2 diagnos-
O rupture du foyer de primo-in- vention thérapeutique [12, 13]. En tics (ITL ou TM) [14]. Par ailleurs,
fection dans l’espace pleural avec effet, les patients atteints d’infec- toute anomalie radiologique
apparition d’une pleurésie sérofi- tion tuberculeuse latente ne sont thoracique possiblement ratta-
brineuse unilatérale (adolescents ni contagieux, ni symptomatiques chée à la tuberculose impose de
et jeunes adultes) ; et la grande majorité d’entre eux vérifier la négativité des prélè-
O évolution d’un seul tenant par (> 90 %) le resteront toute leur vie. vements respiratoires avant de
voie lymphatique ou hématogène Le rapport bénéfice/risque du trai- poser le diagnostic d’infection
vers la tuberculose pulmonaire tement de l’infection tuberculeuse tuberculeuse latente. Une com-
classique prédominant dans les ré- latente (9 mois d’isoniazide ou binaison d’antituberculeux n’est
gions apicales et postérieures, fré- 3 mois de l’association isoniazide pas indispensable compte tenu
quemment associée à des cavernes. + rifampicine) impose que ce trai- du faible niveau de réplication et
tement ne soit proposé qu’aux pa- donc du faible risque de sélection
Enfin, il arrive que l’intensité de la tients qui ont un risque significa- de résistance.
réponse immune soit à l’origine tif de développer une TM, à savoir,
de manifestations cliniques, prin- essentiellement : > TUBERCULOSE-MALADIE
cipalement l’érythème noueux et O ceux dont le contage est récent Il s’agit de la forme la mieux
la kératoconjonctivite phlycténu- (< 2 ans) ; connue de la tuberculose, même si
laire. O les enfants âgés de moins de la diminution de son incidence en
5 ans ; France métropolitaine (figure 2) a
> INFECTION TUBERCULEUSE LATENTE O les patients immunodéprimés comme conséquence, pour les mé-
Elle concerne environ un tiers de ou susceptibles de le devenir (trai- decins, une expérience moindre de
la population mondiale. Le terme tement anti-TNF, infection VIH...). cette maladie. En l’absence de défi-
« latent » signifie que la tuber- cit immunitaire, 10 % des patients
culose n’est responsable d’aucun Trois critères sont exigés pour po- atteints d’infection tuberculeuse
signe clinique ou symptôme. En ser le diagnostic d’ITL : latente développeront une TM. Un
revanche, les bacilles tubercu- O contage tuberculeux, docu- net sur-risque existe au cours des
leux ne sont pas complètement menté le plus souvent par un test 2 années qui suivent le contage :
latents, ou « dormants », comme immunologique (IDR et/ou IGRA) ce risque est estimé à 5 % entre le
cela a été évoqué il y a quelques [mais la notion de contage suffit premier mois (M1) et le douzième
années. La réplication bacillaire dans certaines populations telles mois (M12), à 2,5 % entre le dou-
persiste à bas niveau, ce qui a des que les enfants âgés de moins zième (M12) et le vingt-quatrième
conséquences pratiques impor- d’un an] ; mois (M24) puis 2,5 % pendant le
tantes : O absence d’antécédent de traite- restant de la vie.
Oil n’y a aucun risque de transmis- ment d’une TM. Par définition, tout Les mécanismes qui déclenchent
sion de la tuberculose à ce stade, patient ayant reçu un traitement l’évolution d’une ITL vers une
compte tenu du faible niveau de comportant l’association isonia- TM mettent en jeu une rupture
réplication et de son contrôle par zide + rifampicine pendant 6 mois de l’équilibre entre la réplica-
le système immunitaire ; doit être considéré comme guéri, tion bacillaire et son contrôle
O cet équilibre est à risque de se sauf en cas de nouveau contage ; par la réponse immunitaire,
rompre rapidement en cas d’im- Oabsence de tout signe clinique et avec un affaiblissement de cette
munodépression ; radiologique imputable à une TM. dernière. Ceci explique que les
O les traitements antituberculeux Ce dernier point est le plus épi- tests diagnostiques immunolo-
sont actifs à ce stade, ce qui ne neux, compte tenu du caractère giques (IDR, IGRA) soient bien
serait pas le cas sur des bacilles non-spécifique des symptômes moins performants au stade de
parfaitement inactifs [11]. et des difficultés à différencier les TM qu’au stade d’ITL. La liste des
Les recommandations en cours images radiologiques séquellaires différentes formes cliniques de

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Tuberculose
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,Figure 2
> ÉVOLUTION DES CAS DE TUBERCULOSE - MALADIES DÉCLARÉES EN FRANCE, 1993-2009. D'après
l'Institut de veille sanitaire (InVS), accessible sur www.invs.sante.fr

.OMBREDECAS 
  4AUXPOUR
  
 

 
  

        

    
 
.OMBREDECAS

    


     
     
   
    
 

 





 
W W W W W W W W W W W W W W W W W
























































!NNmEDEDmCLARATION

la TM est trop longue pour être dé- ment des traitements antituber- d’interféron ou tests IGRA : Quan-
taillée ici, mais il est important de culeux. Schématiquement, la moi- tiferon gold IT ® (QFT TB gold IT®)
citer la tuberculose pulmonaire et tié des patients décédait de leur et T-Spot.TB®.
notamment sa principale présen- tuberculose, un quart guérissait Chacun de ces tests a des caracté-
tation radiologique : les infiltrats spontanément, et un quart déve- ristiques propres et des propriétés
des sommets (photo 2). En France, loppait une forme chronique, qui a communes.
25 % des TM sont exclusivement probablement joué un rôle prédo-
extra-pulmonaires, mais 40 % de minant dans la dissémination de INTRADERMORÉACTION
celles-ci sont thoraciques (pleu- la tuberculose jusqu’au milieu du À LA TUBERCULINE
rale ou ganglionnaire médiasti- XXe siècle en France. La tuberculine qui est utilisée
nale). Les tuberculoses ganglion- est le plus vieux des antigènes
naires (le plus souvent cervicales), mycobactériens. Elle est obtenue
miliaires (dissémination hémato- à partir de cultures de M. tubercu-
gène), les spondylodiscites tuber- TESTS DE DÉPISTAGE DE losis inactivées. Elle contient plus
culeuses ou « mal de Pott » (le plus L’INFECTION TUBERCULEUSE de 200 antigènes partagés entre
souvent au niveau du rachis thora- M. tuberculosis, M. bovis, le BCG et
cique inférieur) et les méningites Il existe deux types de tests immu- certaines mycobactéries environ-
tuberculeuses sont les principales nologiques explorant ces réponses nementales. L’IDR (encadré 2) est
formes de tuberculose extrapul- immunes spécifiques : un outil imparfait par le manque
monaire. L’évolution naturelle de O l’IDR, qui explore les réponses de standardisation des modes de
la TM est bien connue à partir des immunologiques in vivo ; production de la tuberculine et
études antérieures au développe- O les tests in vitro de sécrétion par les difficultés pratiques ren-

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contrées lors de sa réalisation développés pour explorer les ,Photo 2
(erreur dans le site d’injection, de réponses T mémoires dirigées
lecture). Par ailleurs, l’IDR manque contre les antigènes tuberculeux.
de spécificité et peut être fausse- Les premiers tests utilisaient la
ment positive en cas d’exposition tuberculine comme antigène
massive aux mycobactéries envi- pour la stimulation cellulaire.
ronnementales, et surtout en cas
de vaccination antérieure par le > PRINCIPE
BCG. Enfin, l’IDR est peu sensible Le principe des tests IGRA repose
avec des faux négatifs fréquents sur la mise en contact des cel-
chez les sujets immunodéprimés lules T sanguines avec les anti-
(traitement ou pathologie immu- gènes de M. tuberculosis. Lors de
nosuppresseurs, âges extrêmes de sa rencontre avec M. tuberculosis,
la vie) et au cours des tuberculoses le patient développe des cellules
sévères évoluées. T spécifiques. Ces dernières se Infiltrat du sommet droit.
trouvent stimulées au contact des
LES TESTS IGRA (Interferon- antigènes et produisent de l’IFN-a
Gamma Release Assays) qui va être mesuré.
Depuis une dizaine d’années, Le séquençage de M. tuberculo- 2 gènes codant pour 2 protéines de
sont apparus des tests rapides sis en 1998 [16] puis de M. bovis virulence [ESAT-6 et CFP-10 (1)] qui (1) ESAT-6
= Early
(24 h) et simples de détection de en 2002 a permis d'identifier des stimulent fortement le système
Secretory
la production d’IFN-a pour l’ex- régions du génome de M. tuber- immunitaire [17]. Antigenic
ploration des réponses T effec- culosis qui ne sont pas présentes Les tests IGRA commercialisés, Target 6; CFP-
trices ou mémoires effectrices dans la souche du BCG. Une de spécifiques de M. tuberculosis, uti- 10 = Culture
spécifiques d’un pathogène ces régions, appelée RD1 (Region lisent ces 2 antigènes. Filtrate
Protein 10.
intracellulaire. Ces tests ont été of Differentiation 1) comprend

,Encadré 2

> PRATIQUE DE L’INTRADERMORÉACTION (IDR) SELON L'ARRÊTÉ DU 13 JUILLET 2004 [15]


« Article 3
L'intradermoréaction (IDR) à la tuberculine consiste en l'injection 2° Dans l'enquête autour d'un cas de tuberculose ;
intradermique d'un volume de 0,1 ml de tuberculine PPD (dérivé 3° Comme aide au diagnostic de la tuberculose ;
protéinique purifié), soit 5 unités de tuberculine liquide. La lecture se 4° Comme test de référence dans le cadre de la surveillance des membres
fait quarante-huit à soixante-douze heures plus tard, par la mesure des professions énumérées aux articles R. 3112-1 et R. 3112-2 du Code
du diamètre de l'induration en millimètres. Le seuil de positivité est de la santé publique.
de 5 millimètres ; au-dessous de 5 millimètres, l'intradermoréaction
est considérée comme négative. Toute positivation de l'IDR ou toute Article 4
augmentation d'au moins 10 millimètres du diamètre de l'induration par La vaccination et l'intradermoréaction sont réalisées par un médecin, un
rapport à une IDR antérieure impose des investigations complémentaires infirmier ou une infirmière, dans les conditions prévues par le décret du
à la recherche d'une tuberculose infection ou d'une tuberculose-maladie. 11 février 2002 susvisé. La lecture de l'intradermoréaction est faite par un
L'IDR n'a pas lieu d'être pratiquée à titre systématique, notamment après médecin.
la vaccination par le BCG. Les modalités et les résultats quantitatifs des intradermoréactions
Elle doit être pratiquée : tuberculiniques, les modalités techniques de la vaccination ainsi que le
1° Pour vérifier l'absence de tuberculose infection ou de tuberculose- numéro de lot et la date de péremption du vaccin doivent être consignés
maladie avant la primovaccination. Toutefois, les nouveau-nés sont sur le carnet de santé ou, à défaut, sur un carnet de vaccination ou
vaccinés sans test préalable ; l'équivalent. »

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> TECHNIQUE > INTERPRÉTATION DES RÉSULTATS O à une non-réponse du sys-


Dans les deux tests IGRA commer- DES TESTS tème immunitaire du sujet aux
cialisés, les lymphocytes T sont En pratique, trois résultats sont antigènes étudiés dans les tests :
stimulées par les antigènes spé- possibles : test positif, test négatif immunodépression, gènes du sys-
cifiques de M. tuberculosis décrits et test indéterminé. tème HLA différents dans certaines
ci-dessus. En plus de cette stimula- ethnies de ceux des sujets étudiés
tion, un témoin négatif est réalisé Test positif pour mettre au point les tests.
sans aucun stimulus (équivalent Un test positif peut correspondre Ces situations sont très difficiles à
de la mesure du bruit de fond) et à 2 situations : vrai positif ou faux identifier et limitent la sensibilité
un témoin positif est réalisé avec positif. de ces tests.
une substance mitogène qui sti- Un vrai positif traduit la présence,
mule tous les lymphocytes T, mon- dans le sang du sujet, de lympho- Test indéterminé
trant ainsi que le système immu- cytes T mémoire effecteurs ou Enfin, un test est ininterprétable
nitaire fonctionne. effecteurs spécifiques de M. tuber- ou indéterminé dans deux situa-
culosis, reflétant un contage par tions :
Test Quantiferon® cette mycobactérie. Cependant, O soit la réponse au témoin néga-
Dans le test Quantiferon®, le sang dans cette situation, le résultat tif est positive, ce qui correspond à
total du patient est prélevé sur du test ne permet pas de faire la une activation in vivo du système
3 tubes qui permettent la réalisa- différence entre une tuberculose immunitaire avec sécrétion spon-
tion des trois stimulations décrites latente et une tuberculose-mala- tanée d’IFN-a et représente à peu
ci-dessus. Après le prélèvement, die, ni de définir l’ancienneté de près 1 % des tests [19] ;
les tubes sont agités puis mis à l’infection ou le risque d’évoluer O soit la réponse au mitogène est
37 °C pour la nuit afin de stimu- vers une tuberculose-maladie. négative, ce qui correspond à une
ler les lymphocytes et les laisser Un résultat positif peut, dans de incapacité du système immuni-
sécréter l’IFN-a. Le lendemain, les rares cas, être un faux positif. Cela taire du sujet à développer une
tubes sont centrifugés, le plasma peut être observé au cours des réponse T fonctionnelle. Ces tests
est recueilli et l'IFN-a est dosé par rares colonisations ou infections indéterminés sont fréquents chez
une technique ELISA. Le résultat est par M. kansasii, M. marinum ou les sujets recevant une chimio-
exprimé en unité internationale M. szulgai (mycobactéries environ- thérapie ou une corticothérapie,
d’IFN-apar mL de plasma (UI.mL-1). nementales exprimant les gènes les enfants de moins de 5 ans, les
ESAT-6 et CFP-10). Ainsi, des faux personnes de plus de 80 ans et les
Test T-Spot.TB® positifs peuvent être observés sujets immunodéprimés comme
Dans le test T-Spot.TB®, les lym- chez des personnes possédant un les patients infectés par le VIH [19].
phocytes T sont isolés du sang, aquarium, chez les vétérinaires ou
comptés et utilisés dans des puits chez les cultivateurs de fleurs [18]. Des études montrent que la fré-
de culture pour réaliser les trois quence des tests indéterminés est
stimulations décrites ci-dessus. Test négatif globalement faible et semble plus
Après une nuit de stimulation, les Un résultat négatif traduit une importante pour le T-Spot.TB® par
cellules T qui ont produit de l’IFN-a fréquence nulle ou basse de cel- rapport au Quantiferon® (4,33 %
sont comptées. L'IFN-a sécrété par lules mémoires ou effectrices spé- vs 2,47 %). Cependant, il existe de
les cellules T spécifiques est cap- cifiques des antigènes étudiés. Ce grandes variabilités d’une étude à
turé dans le puits grâce à un anti- peut être un vrai négatif (absence l’autre [20].
corps anti-IFN-a puis révélé par de contage par M. tuberculosis) ou
réaction colorimétrique. Chaque un faux négatif.
réaction colorimétrique (spot) tra- Les faux négatifs peuvent être dus :
duit la sécrétion d'IFN-a par une O à l'ancienneté de l'exposition à
seule cellule spécifique de M. tu- M. tuberculosis : disparition ou di-
berculosis. Les spots sont comptés minution de la réponse mémoire
et le résultat est exprimé en spot effectrice ;
forming cell (SFC) par puits.

22 N° 132 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — DÉCEMBRE 2012


,Tableau I
EXPOSITION
PROFESSIONNELLE > SYNTHÈSE DES RECOMMANDATIONS DE VACCINATION PAR LE BCG
À LA TUBERCULOSE DANS CERTAINS PAYS DE L'UNION EUROPÉENNE [21] .
Royaume-Uni Irlande Danemark Norvège Slovaquie
Personnels des établisse-
VACCINATION BCG ET ments de santé R R
PROFESSIONNELS EXPOSÉS
Dix-huit États de l’Union Euro- Maisons de retraite R R
péenne ont répondu (sur 27 inter- Foyers d’accueil de
rogés) à une enquête sur la vaccina- personnes en situations R R R
de précarité
tion par le BCG. Le résultat montre :
« aucun (NDLR : pays) n’a d’obliga- Forces de police R
tion vaccinale chez les adultes. Seuls
Laboratoires d’analyse
5 ont des recommandations de vac- des mycobactéries R
cination de certains adultes. Aucun
pays (0/18 répondants) ne recom- Professions de santé
R R
mande de vaccination par le BCG
pour les professionnels de la petite
enfance » (tableau I) [21].
Aux États-Unis et au Canada, il n’y ,Encadré 3
a pas de recommandation visant
les professionnels de la petite en- > BCG, OBLIGATIONS VACCINALES, APPROCHE PAR TYPE D’ÉTABLISSEMENT
fance ou des établissements péni- (article R. 3112-2 Code de la santé publique)
tentiaires. Les quelques recom-
mandations existantes visent les Sont également soumis à la les personnes qui, au sein f. structures prenant en charge
vaccination obligatoire par le de ces établissements, sont des malades porteurs du
personnels susceptibles d’être ex-
vaccin antituberculeux BCG : susceptibles d’avoir des virus de l’immunodéficience
posés à la tuberculose, y compris 1. Les personnes qui exercent contacts répétés avec des humaine ou des toxicomanes ;
et surtout la tuberculose multiré- une activité professionnelle malades tuberculeux : g. centres d’hébergement et de
sistante, du fait de patients ne res- dans les établissements ou a. établissements de santé réinsertion sociale ;
pectant pas l’isolement sanitaire services mentionnés au A de publics et privés, y compris des h. structures contribuant à
l’article R. 3112-1* ainsi que les établissements mentionnés à l’accueil, même temporaire,
ou ne prenant pas correctement
assistantes maternelles. l’article L. 6141-5 ; de personnes en situation de
leur traitement [21]. 2. Les personnes qui exercent b. hôpitaux des armées et précarité, y compris les cités
En France, la situation est plus une activité professionnelle Institution nationale des de transit ou de promotion
complexe. Des obligations de dans les laboratoires d’analyses invalides ; familiale ;
vaccination par le BCG existent de biologie médicale. c. établissements i. foyers d’hébergement pour
3. Les personnels des d’hospitalisation à domicile travailleurs migrants.
dans le Code de la Santé publique,
établissements pénitentiaires, mentionnés à l’article L. 6125-2 ; 5. Les sapeurs-pompiers des
notamment pour les soignants, des services de probation et d. dispensaires ou centres de services d’incendie et de
pour les personnels des milieux des établissements ou services soins, centres et consultations secours.
pénitentiaires, ainsi que pour des de la protection judiciaire de la de protection maternelle et
professions prenant en charge des jeunesse. infantile ;
4. Le personnel soignant des e. établissements
enfants, ceci pour assurer la pro-
établissements et services d’hébergement et services
tection des petits enfants. Malgré énumérés ci-après ainsi que pour personnes âgées ;
la levée de l’obligation vaccinale
pour ces mêmes enfants, les obli-
gations pour les professionnels *NDLR : établissements accueillant des enfants de moins de 6 ans type centres de loisirs ou de vacances,
écoles maternelles, pouponnières et maisons d’enfants à caractère sanitaire…
persistent, selon une approche par
type d’établissement (encadré 3)
ou par type de profession (enca-
dré 4) suivant les différents textes
réglementaires.

DÉCEMBRE 2012 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — N° 132 23


GRAND ANGLE
Tuberculose
et santé au travail

,Encadré 4
Les modalités de cette vaccina- Les objectifs de cette surveillance
tion sont détaillées dans le décret sont :
> BCG, OBLIGATIONS VACCINALES, n° 2004-635 du 30 juin 2004 [22] et O de permettre un diagnostic pré-
APPROCHE PAR TYPE DE PROFESSION l’arrêté du 13 juillet 2004 [15] (enca- coce de TM en vue de la mise en
(article R. 3112-1 du Code de la santé publique)
dré 5). route rapide d’un traitement ;
Sont soumis à la h. masseurs- O de pouvoir dépister une ITL et
vaccination obligatoire par kinésithérapeutes, proposer ainsi au soignant une
le vaccin antituberculeux i. orthophonistes,
BCG : j. orthoptistes,
TUBERCULOSE ET prophylaxie en cas de nécessité,
les étudiants en médecine, k. pédicures-podologues, SURVEILLANCE MÉDICALE ainsi qu’une surveillance particu-
en chirurgie dentaire et l. psychomotriciens, DES PROFESSIONNELS lière.
en pharmacie, ainsi que m. techniciens d’analyses DE SANTÉ Elle pourra aboutir à une déclara-
les étudiants sages- biologiques. La surveillance des professionnels tion en maladie professionnelle le
femmes et les personnes 2. Professions de caractère
de santé fait l’objet de recomman- cas échéant.
qui sont inscrites dans les social :
écoles et établissements a. aides médico- dations particulières [23]. Du fait de
préparant aux professions psychologiques, leur activité, il existe un risque Par ailleurs, cette surveillance
de caractère sanitaire b. animateurs socio- d’exposition accru chez ces pro- permet également de protéger
ou sociale énumérées éducatifs, fessionnels. Le médecin du travail, la collectivité hospitalière, qu’il
ci-après : c. assistants de service
conseiller de l’employeur, évalue s’agisse des autres soignants ou
1. Professions de caractère social,
sanitaire : d. conseillers en économie le risque pour ces professionnels des patients.
a. aides-soignants, sociale et familiale, en fonction du lieu et de la spé-
b. ambulanciers, e. éducateurs de jeunes cificité du poste de travail, ce qui Il est recommandé pour les pro-
c. audioprothésistes, enfants, lui permet ensuite de mettre en fessionnels de santé :
d. auxiliaires de f. éducateurs spécialisés,
place une surveillance médicale OÀ l’embauche :
puériculture, g. éducateurs techniques
e. ergothérapeutes, spécialisés, adaptée. Il est intéressant de noter - un examen clinique de référence ;
f. infirmiers et infirmières, h. moniteurs-éducateurs, que ces recommandations visent - une radiographie pulmonaire da-
g. manipulateurs i. techniciens de également d’autres professionnels tant de moins de trois mois. Cet exa-
d’électroradiologie l’intervention sociale et exposés tels que les personnels du men, recommandé par le Conseil
médicale, familiale.
milieu pénitentiaire ou des foyers supérieur d’hygiène publique de
de migrants. France (CSHPF), n’est obligatoire
que pour la Fonction publique hos-
,Encadré 5 pitalière (article R. 4626-23 du Code
du travail) ;
- une IDR (2) datant de moins de
> LE BCG CHEZ LES PROFESSIONNELS ET ÉTUDIANTS DES (2) L’IDR doit être
pratiquée comme trois mois. L’objectif est de servir
CARRIÈRES SANITAIRES
SANITAT IRES ET SOCIALES SOUMIS À CETTE test de référence de test de référence en cas d’expo-
OBLIGATION
A (articles L. 3112-1, R. 3112-1 C et R. 3112-2 du Code de la dans le cadre de sition ultérieure, et d’éliminer une
santé publique). la surveillance
infection tuberculeuse.
Une vaccination par le BCG, même des membres
Sont considérées comme ayant O En cours d’activité profession-
ancienne, reste exigée à l’embauche des professions
satisfait à l’obligation vaccinale par le nelle, la surveillance à mettre en
pour les étudiants et les professionnels énumérées aux
BCG [15, 22] :
mentionnés aux articles R. 3112-1 articles R.3112-1 place dépend du niveau de risque
(alinéa C) et R. 3112-2 du Code de la et R.3112-2 du du secteur concerné :
Oles personnes apportant la preuve Code de la santé
santé publique (en l’absence d’IDR - risque élevé : secteur géogra-
écrite de cette vaccination ; publique [15]. Tous
positive), sauf contre-indication phique accueillant au moins 5 tu-
(R. 3112-3 du Code de la santé les professionnels
Oles personnes présentant une de santé sont berculeux bacillifères par an : sur-
publique). Cependant, il n’y a pas lieu
de revacciner une personne ayant cicatrice vaccinale pouvant être concernés. veillance tous les 18 mois à 2 ans de
eu une première vaccination, même considérée comme la preuve de la la radiographie pulmonaire et de
en cas d’intradermoréaction à la vaccination par le BCG. l’IDR si < 10 mm ;
tuberculine négative [15]. - risque intermédiaire : secteur
géographique accueillant de 2 à

24 N° 132 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — DÉCEMBRE 2012


4 tuberculeux bacillifères par an : Ainsi, chez les profession- tique des tests IGRA en dépistage
surveillance selon l’évaluation du nels de santé, l’utilisation des régulier pour ces services. L’IDR
médecin du travail ; tests IGRA peut se poser dans reste ici l’outil de surveillance. En
- risque faible : secteur géogra- 3 circonstances : cas d’IDR > 15 mm la pratique d’un
phique accueillant au plus 1 tuber- test IGRA de confirmation peut
culeux par an : pas de surveillance 1 ) Lors d’une visite d’embauche être intéressante pour aider au
systématique. En revanche, l’en- Dans cette population vaccinée par diagnostic d’ITL.
quête autour d’un cas contagieux le BCG, l’IDR est positive (> 5 mm)
n’ayant pas fait l’objet de mesures dans plus de 90 % des cas. La pra- 3) Lors d’une enquête autour d’un
d’isolement est à réaliser comme tique d’un test IGRA pourrait donc cas
en population générale : consul- permettre, en complément de l’IDR : Lorsqu’on réalise une enquête en
tation avec radiographie pulmo- O s’il est négatif, de servir de réfé- milieu de soins autour du cas d’un
naire et IDR à T0 et à T3 mois. Un rence en cas de contage ultérieur ; patient contagieux (en l’absence
contrôle radiologique sera pro- O s’il est positif, de confirmer la d’isolement correct de ce cas), les
grammé à 12-18 mois. préexistence d’une infection et de performances des tests IGRA sont
traiter au cas par cas si des argu- intéressantes, ce d’autant que la
> PLACE DES TESTS IGRA DANS LA ments sont en faveur d’une infec- population exposée est composée
SURVEILLANCE DES PROFESSIONNELS tion récente. En l’absence de trai- ici de professionnels de santé qui
EXPOSÉS tement, une surveillance régulière ont été vaccinés.
Les tests IGRA ont une meilleure est particulièrement importante Un test IGRA de référence à T0
spécificité que l’IDR chez des per- afin de dépister au plus tôt une sera réalisé. Il a tout son intérêt
sonnels vaccinés voire revaccinés éventuelle tuberculose-maladie. dans cette population où la préva-
à l’âge adulte par le BCG, d’où leur lence des sujets infectés n’est pas
intérêt chez les personnels de 2) Pour la surveillance des per- négligeable. Cependant, il ne sera
santé. Cela paraît ici d’autant plus sonnels exposés dans les services réalisé que si le premier contage
intéressant que les soignants des à risque (> 5 patients bacillifères date de moins de 3 semaines. Au-
services à risque sont souvent par an, y compris les laboratoires delà de ce délai, le résultat du test
réticents à la répétition de ces de bactériologie) réalisé à l’embauche sera utilisé
IDR tout au long de leur carrière. Le test IGRA pourrait se substituer comme référence.
L’adhésion à la pratique de ces à l’IDR pour la surveillance de ces
tests est meilleure puisque ne personnels. Cependant, d’après les
donnant lieu qu’à un seul rendez- études réalisées, des fluctuations
vous pour prélèvement sanguin, sont observées avec ces tests [25]. Au total, pour
au lieu de 2 visites pour l’IDR (une Des variations des taux de conver- les personnels de santé,
pour la réalisation de l’IDR et une sion sont observés sans preuve il est recommandé [24] de :
pour sa lecture). d’une association avec l’exposition
Le 18 mars 2009, le Haut Conseil à des patients contagieux. D’autre O Réaliser un test IGRA à

de santé publique (HCSP) a été part, les taux de réversion spon- l’embauche si l’IDR est > 5 mm.
saisi par la Direction générale tanée sont importants (de 33 à
O Limiter la réalisation des
de la Santé (DGS) afin d’élaborer 53 % selon le seuil choisi). Toutes
tests IGRA en surveillance, quel
des recommandations pratiques ces fluctuations rendent délicate
que soit le niveau de risque
d’utilisation des tests de détec- l’interprétation de ces tests.
d’exposition à la tuberculose
tion de la production d’interféron Aussi, en attendant les résultats
d’un service, aux seuls cas
gamma. Le HCSP a émis des re- de l’enquête QUANTIPS (3) qui per- (3) Évaluation d’exposition documentée
commandations dans son rapport mettra de disposer de données ac- médico-
économique
c’est-à-dire ceux où il y a eu
du 1er juillet 2011 concernant l’uti- tualisées sur le risque annuel d’in-
des nouveaux défaut manifeste d’isolement
lisation de ces tests en général, et fection dans des services à risque,
tests IGRA dans respiratoire d’un patient
plus spécifiquement chez les per- le HCSP ne recommande pas, dans la surveillance contagieux.
sonnels de santé [6, 24]. son avis du 1er juillet 2011, la pra- des personnels
hospitaliers
exposés.

DÉCEMBRE 2012 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — N° 132 25


GRAND ANGLE
Tuberculose
et santé au travail

> INTERPRÉTATION D’UN TEST IGRA de santé exposé à un patient tu- Si le test IGRA est positif et qu’il
POSITIF berculeux, l’interprétation de ce est réalisé moins de 4 semaines
Pour permettre une bonne inter- résultat va nécessiter de procéder après l’exposition : il s’agit d’une
prétation, les modalités de pré- par étapes successives. ITL ancienne.
lèvement, de conservation et les Si le test IGRA est positif et qu’il
délais d’acheminement au labo- 1 ) Éliminer une TM avec l’aide est réalisé plus de 4 semaines
ratoire doivent être strictement d’une consultation spécialisée de après l’exposition : il s’agit vrai-
respectés. pneumologie ou d’infectiologie : semblablement d’une infection
L'interprétation doit se faire au cas - notamment grâce à l’interroga- récente :
par cas (cf. p. 22). toire, la notion d’altération de l’état - si le test IGRA était négatif
général, le contexte, l’examen cli- jusque-là,
Seuil de positivité et valeur nique, la radiographie… ; - ou s’il n’y a pas de notion d’expo-
prédictive - s’il existe un doute à la radiogra- sition ancienne,
La positivité témoigne de la pré- phie de thorax : faire un examen - ou s’il y a une évolution récente
sence de lymphocytes T mémoire tomodensitométrique et éventuel- du diamètre de l’IDR de plus de
effecteurs, sécrétant de l’interfé- lement une recherche de bacille 10 mm.
ron gamma, spécifiques de M. tu- tuberculeux (BK) ;
berculosis à un taux supérieur à la - si la radiographie pulmonaire est 4 ) Si l’infection est récente, qui
valeur seuil. normale, le diagnostic de tubercu- traiter ?
La positivité du test IGRA témoigne lose-maladie pulmonaire est éli- Pour mémoire, il faut toujours
de la présence d’une infection miné. traiter une tuberculose-maladie.
tuberculeuse chez la personne tes- Par contre, devant une infection
tée. Il s’agit d’une infection tuber- 2 ) Rechercher un contexte d’im- tuberculeuse latente récente chez
culeuse non datée. munodépression (greffe d’organe, un soignant, la mise en route d’un
Néanmoins, des valeurs proches VIH, thérapie par anti-TNF alpha, traitement tiendra compte no-
du seuil (pour le test Quantiferon corticothérapie, cancer, chimio- tamment de :
gold IT® entre 0,35 et 0,7, et pour le thérapie…). L’indication d'un - l’âge (particulièrement si > 50 ans),
T-Spot.TB® entre 6 et 10 SFC/puits) traitement antituberculeux sera - la présence d’une maladie hépa-
peuvent donner lieu à discussion. alors à discuter avec le médecin tique (sérologies hépatites, alcool…),
L’intensité du résultat n’a pas de référent de la pathologie immu- - la prise de médicaments (interac-
signification pour ce qui concerne nosuppressive. tions possibles),
la valeur prédictive du test vis-à-vis - la perception du traitement,
du risque de tuberculose-maladie. 3 ) En l’absence de tuberculose - l’observance attendue,
Il convient éventuellement de maladie et d’immunodépression, - le contexte familial (enfants dans
refaire le test si la valeur se situe s’agit-il d’une ITL ancienne ou l’entourage…).
autour du seuil ou si le test a été récente ? Dans le cas d’une tuberculose
réalisé moins de 12 semaines après La probabilité que l’infection soit infection récente chez un sujet
le contact exposant. ancienne augmente avec l’âge, la non immunodéprimé, le traite-
Par ailleurs, la valeur prédictive durée du travail potentiellement ment, correctement pris, évite le
de l’IGRA vis-à-vis du risque de exposant et les séjours en zone passage à la tuberculose-maladie
TM diminue quand la prévalence d’endémie. Il convient donc de re- dans environ 70 % des cas. Toute-
de l’infection dans la population chercher une infection antérieure, fois, seulement 5 % environ des
à laquelle appartient la personne ou une situation d’exposition an- personnes infectées développent
augmente (originaire d’une zone térieure (lieu de naissance, séjour spontanément la maladie. Aussi,
d’endémie, travail sans protection en pays d’endémie et nature du sé- le traitement de 100 personnes
pendant de nombreuses années…). jour, antécédent familial de tuber- présentant une tuberculose in-
culose…). Il faudra tenir compte, fection récente ne permet d’éviter
Interprétation d’un test IGRA po- bien entendu, de l’historique des que 3 cas de tuberculose-maladie,
sitif autour d’un cas et conduite IDR, de l’existence d’un test IGRA avec un risque d’effets indési-
à tenir de référence, des antécédents de rables non négligeable, notam-
Lorsque le résultat du test IGRA vaccination par le BCG (dates et ment une hépatite médicamen-
est positif chez un professionnel nombre). teuse. Il convient donc de bien

26 N° 132 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — DÉCEMBRE 2012


évaluer le rapport bénéfice/risque ÉTAPES COMMUNES À Si plusieurs CLAT sont concernés,
en sachant qu’une simple surveil- L'ENSEMBLE DES ENQUÊTES une collaboration sera assurée et
lance peut être programmée pour L'enquête autour d'un cas de tu- les informations retransmises.
les 2 ans qui suivent l’exposition. berculose contagieuse doit être Par ailleurs, la déclaration obli-
Le traitement sera donc prescrit réalisée systématiquement. Elle a gatoire par le formulaire de noti-
au cas par cas en fonction du pour objectif de rechercher les cas fication doit se faire à l’ARS de la
contexte. secondaires de tuberculose (ITL région d’exercice professionnel du
ou TM). médecin déclarant.
Deux procédures de déclaration 5. Qui décide de l'enquête ?
Au total : obligatoire existent : 1) le signa- Tout cas signalé doit faire débuter
lement immédiat à visée opéra- un travail d'investigation. En pra-
O Les indications de traitement tionnelle et urgente ; 2) la noti- tique, le CLAT doit contacter sys-
sont formelles en cas de tuber- fication (formulaire type Cerfa) tématiquement le médecin ayant
culose-maladie qu’il convient qui répond au besoin du recueil posé le diagnostic afin de définir
de toujours rechercher. de données épidémiologiques à les modalités de ces investigations.
destination de l'Institut de veille 6. Qui est responsable
O Dans le cas d’une tuberculose sanitaire (InVS) via les agences de l'enquête ?
infection récente, la mise en régionales de santé (ARS). Dans Les CLAT sont responsables des en-
route d’un traitement sera étu- l'objectif d'améliorer la rapidité quêtes : le CLAT du lieu de résidence
diée au cas par cas, en évaluant de mise en œuvre de l'enquête, du patient coordonne l'enquête, et
le rapport bénéfice/risque. c'est le signalement immédiat qui si nécessaire, se met en relation
déclenche l’enquête. avec les autres CLAT concernés.
O La prise en charge d’un 7. Comment débuter les
personnel ayant un test IGRA > SIGNALEMENT D’UN CAS DE TM ET investigations ?
positif dépend du caractère MISE EN PLACE DE L'ENQUÊTE Pour permettre l'identification des
ancien ou récent de l’infection 1. Que signaler ? sujets contact dans les meilleurs
et de l’existence ou non d’une Tout cas de TM confirmé ou sus- délais, le CLAT doit réaliser l'entre-
immunodépression. pecté, pour lequel un traitement tien avec le patient le plus rapide-
antituberculeux a été débuté, quel ment possible. L'accord éclairé du
O Les conditions de réalisa- que soit l’âge et même si le patient patient pour l'identification des
tion du test IGRA doivent être est décédé. sujets contact doit être obtenu.
vérifiées. 2. Qui signale ?
Tout biologiste, clinicien ou tout > IDENTIFICATION DES SUJETS
autre médecin ayant connais- CONTACT À DÉPISTER AUTOUR D'UN
sance d'un cas. CAS DE TM
ENQUÊTES AUTOUR DES 3. Comment signaler ? Le risque d’infection après une ex-
CAS DE TUBERCULOSE EN Par tout moyen approprié, en position dépend de la contagiosité
MILIEU PROFESSIONNEL, s'assurant du respect de la confi- du cas index d'une part et, d'autre
HORS MILIEU DE SOINS dentialité médicale : courrier élec- part, du type de contact qui est
tronique, téléphone, télécopie... Il fonction du degré de proximité, de
Les enquêtes autour d’un cas de tu- n'existe pas de formulaire spéci- confinement et de durée. Le risque
berculose contagieuse sont l’une des fique pour le signalement. de développer une maladie en cas
stratégies essentielles de la lutte an- 4. À qui signaler ? d'infection dépend des caracté-
tituberculeuse des pays développés Le signalement doit se faire au ristiques propres des personnes
à faible incidence de tuberculose. centre de lutte antituberculeuse exposées. Ainsi, le risque réel de
Les recommandations du groupe (CLAT) du département du domi- contamination doit être analysé
de travail du Conseil supérieur d’hy- cile du cas en même temps qu'à en fonction de ces critères, ce qui
giène publique de France [12], revues l’ARS. Ceci doit permettre au CLAT permettra de graduer la démarche
et complétées en 2006 [26] précisent de commencer les investigations d’investigation face à un sujet
la nécessité de dépister aussi bien les et notamment l’enquête autour contact.
TM (0,5 à 2 % des sujets contact) [27 à du cas, dans un délai de trois jours En pratique, les sujets contact sont
29] que les ITL. suivant le signalement. classés en fonction de leur appar-

DÉCEMBRE 2012 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — N° 132 27


GRAND ANGLE
Tuberculose
et santé au travail

tenance à différents entourages Période de contagiosité > ASPECTS PRATIQUES DU DÉPIS-


(sujets vivant sous le même toit, à considérer TAGE DES SUJETS CONTACT IDEN-
entourage familial, entourage Une période de trois mois avant TIFIÉS
amical, milieu professionnel, sco- le diagnostic est retenue de fa- Le dépistage initial doit com-
laire, collectivités de la petite en- çon consensuelle. Elle peut être prendre une consultation médi-
fance, milieu pénitentiaire, foyer allongée en cas de signes respira- cale, une radiographie thora-
d’hébergement…). toires plus anciens (toux). cique et un test immunologique
L’étape d’identification des sujets (IDR ou IGRA). Ce suivi vise à
contact en milieu professionnel est O Évaluation du contact entre le dépister et traiter les ITL, ou
une étape primordiale, afin d’éviter cas index et chaque personne de diagnostiquer et traiter préco-
une prise en charge inadaptée de son entourage cement les cas de TM parmi les
personnes peu ou non exposées. Le Le confinement est défini par le sujets contact.
rapport bénéfice/risque, en cas de volume d'air de la pièce ou du Un suivi ultérieur jusqu'à 12-18
traitement préventif pour une ITL local. En pratique, le risque d'infec- mois doit être envisagé en raison
chez un adulte immunocompétent, tion sera plus élevé lors de contacts de la possibilité de survenue ulté-
varie en fonction de l’ancienneté de dans des pièces de volume res- rieure de TM.
l’infection [30 à 32]. Plus l’infection treint sans ventilation.
est récente, plus ce rapport est en La proximité correspond à la ENQUÊTES ET DÉPISTAGES
faveur d’un bénéfice. Or, en cas de distance physique habituelle de EN MILIEU DU TRAVAIL
faible exposition au cas index, la pro- rencontre du cas index et du sujet
babilité qu’il s’agisse d’une infection contact, par exemple la distance > DÉPISTAGE AUTOUR D’UN CAS
ancienne est importante. de conversation (« bulle d’un rayon DE TM EN MILIEU PROFESSIONNEL
de 2 mètres »). L’enquête visant à définir les su-
Les critères suivants permettent La durée de contact doit être jets contact à dépister, ainsi que
de mieux identifier les sujets considérée pendant la période l’organisation du dépistage, sont
contact à dépister : de contagiosité du cas index (en le fruit d’une collaboration CLAT
O Évaluation de la contagiosité du général trois mois précédant le - service de santé du travail.
cas index diagnostic). Le cas échéant, elle
Éléments cliniques doit tenir compte du cumul des
Toute tuberculose avec localisation temps d'exposition. Le médecin du travail informé
respiratoire (pulmonaire parenchy- Le seuil de 8 heures consécutives d’un cas de tuberculose s’assu-
mateuse, bronchique ou laryngée) (voire 8 heures cumulées, sur la rera auprès du CLAT du domicile
doit être considérée comme conta- période de contagiosité théo- du cas index que celui-ci en est
gieuse, ce d’autant qu’elle est asso- rique) correspond à la durée d'ex- également informé, et récipro-
ciée à une toux. Une localisation position définie par l'OMS au-delà quement.
pleurale exclusive (sans atteinte du de laquelle le risque d'infection L'enquête sera organisée de la
parenchyme pulmonaire) avec des augmente significativement. façon suivante :
résultats négatifs des prélèvements Cependant, il n'existe pas de seuil de 1. Le CLAT récupère auprès de
respiratoires (examens microsco- temps minimal en dessous duquel l’entreprise les coordonnées du
piques et cultures) justifie le dépis- le risque d'infection n'existe pas. médecin du travail et contacte
tage exclusif des sujets contact celui-ci pour l’informer et pro-
vivant sous le même toit. O Recherche d’un risque accru grammer l’organisation de l’en-
Éléments radiologiques d'évolution vers la TM en cas d’in- quête.
et bactériologiques fection 2. Le CLAT vérifie, par les infor-
Une image de caverne, un examen Il dépend des caractéristiques du mations qu’il récupère auprès
microscopique positif (présence sujet contact : du médecin déclarant, la conta-
de BAAR) signent une forte conta- - âges à risque : enfants de moins giosité du cas index. Le CLAT
giosité, mais un examen microsco- de 5 ans, personnes de plus de s’informe, par l’intermédiaire du
pique négatif (absence de BAAR) 70 ans, médecin du travail, sur la pré-
ne permet pas de conclure à une - état d'immunodépression quelle sence du cas index dans l’entre-
non-contagiosité. qu’en soit l’étiologie.

28 N° 132 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — DÉCEMBRE 2012


prise dans les trois mois qui ont sion quant au nombre exact de Il est bien noté que toute cette
précédé la mise en évidence de la personnes à dépister est prise démarche peut poser des pro-
maladie. A contrario, pour toute conjointement par l’équipe du blèmes de confidentialité, qui
personne sans emploi chez qui CLAT et le médecin du travail. doivent trouver une solution
est découvert une tuberculose, il 7. En cas de métier mettant le cas grâce à un effort d’explication et
conviendra de s’assurer qu’il n’y index en contact avec le public, d’information.
a pas eu une éventuelle activité une liste des personnes signifi-
(officielle ou non) dans les trois cativement exposées sera établie
mois qui ont précédé. par l’entreprise. L’information et Au total :
3. Parallèlement, la direction de l’enquête seront réalisées par le
l’entreprise sera informée du CLAT. Si cette liste ne peut être O Le CLAT évalue la contagio-
problème (par le médecin du tra- communiquée par l'entreprise sité de chaque cas index de TM
vail) et des modalités du travail (du fait d'un problème de confi- et, lorsqu’une contagiosité est
d’enquête (par le médecin du dentialité ou de secret profes- suspectée, effectue un entre-
travail ou le CLAT) dans le respect sionnel), celle-ci fera parvenir tien avec le cas index. L’objectif
des règles de confidentialité et directement aux sujets contact
de cet entretien est d’identifier
après information du cas index. un courrier type qui aura été pré-
les sujets contact à dépister,
4. Le médecin du travail, aidé si paré par le CLAT.
qui seront classés en fonction
nécessaire par le CLAT, établit la 8. L’information des salariés
liste des sujets contact sur le lieu est le fruit d’une collaboration du type de contact. Lorsqu’un
de travail lui-même et sur les médecin du travail - CLAT. La entourage professionnel est
lieux secondaires (salle de repos, campagne de prévention pour mis en évidence, le CLAT se met
de restauration, de sport…) par- les sujets contact sera l’occasion en relation avec le médecin
mi les personnels permanents, de donner des informations sur du travail concerné afin de
intérimaires ou en formation. la tuberculose et sur le déroule- définir au mieux les personnes
Le médecin du travail doit juger ment du dépistage (protocole et répondant aux critères d’iden-
précisément les durées du temps dates). tification d’un sujet contact, et
passé auprès du cas index en 9. Le CLAT organise le dépistage, d’organiser le dépistage.
tenant compte du temps habi- en concertation avec le méde-
tuel de travail du salarié et de ses cin du travail. Toutefois, chaque
habitudes au sein de l’entreprise. salarié garde le choix de réaliser
Les sujets contact immunodépri- ce dépistage avec son médecin
més ne devront pas être oubliés. traitant. Il lui sera alors demandé CONCLUSION
5. Il convient de ne pas oublier les de faire transmettre les résultats
personnels extérieurs (sous-trai- du dépistage par son médecin Bien que la France soit une zone de
tants, services d’entretien, inté- traitant au CLAT (ou à défaut au faible prévalence, la tuberculose
rimaires, stagiaires…). Ceux-ci médecin du travail). reste un sujet d’actualité. La pré-
seront contactés par le CLAT qui 10. En pratique, les visites et exa- vention de la maladie implique le
informera leur propre service de mens de dépistage seront réali- diagnostic précoce et le traitement
santé au travail. sés en fonction du contexte de de toutes les TM, ainsi que le dia-
6. Le médecin du travail établit l'entreprise et des moyens, soit gnostic des patients présentant
la liste des salariés ayant été en par le CLAT, soit par le médecin une ITL permettant de cibler le
contact étroit avec le cas index et du travail qui organise si néces- traitement de ceux à risque d’évo-
l’adresse au CLAT. Ce contact étroit saire des séances de visites mé- luer vers la TM.
est défini en général par au moins dicales exceptionnelles. Dans ce Certains professionnels peuvent
8 heures d’exposition en temps de cas, le médecin du travail devra être exposés du fait de leur mé-
contact cumulé, dans une bulle de transmettre les résultats de ce tier (professionnels de santé…). Ils
2 mètres de rayon et dans un lieu dépistage au CLAT. restent concernés par l’obligation
confiné au cours de la période de 11. L'organisation du suivi ulté- vaccinale par le BCG et doivent bé-
contagiosité théorique. La déci- rieur sera initiée par le CLAT. néficier d’une surveillance médi-
cale adaptée. L’IDR et la radiogra-

DÉCEMBRE 2012 — RÉFÉRENCES EN SANTÉ AU TRAVAIL — N° 132 29


GRAND ANGLE
Tuberculose
et santé au travail

phie thoracique restent les outils POINTS À RETENIR


de surveillance recommandés par Depuis 2004, environ 5 500 nouveaux cas sont déclarés en
les textes. Mais les nouveaux tests France chaque année.
diagnostiques IGRA sont promet-
teurs, sous réserve de bien maîtri- Les professionnels et étudiants des carrières sanitaires et
sociales restent concernés par l’obligation vaccinale par le
ser leur utilisation.
BCG. Ces professionnels doivent bénéficier d’une surveillance
Par ailleurs, quelle que soit l’acti-
médicale adaptée.
vité professionnelle, toute per-
sonne peut être en contact avec L’intradermoréaction à la tuberculine (IDR) et la radiographie
un collègue présentant une tu- thoracique restent les outils de surveillance recommandés par
berculose contagieuse sur son les textes
lieu de travail. La coordination Les tests IGRA (Interferon-Gamma Release Assays) sont
est alors indispensable entre le recommandés en complément dans certaines circonstances.
CLAT (centre de lutte antitubercu- Lors d’une enquête autour d’un cas en milieu professionnel,
leuse) qui évalue la contagiosité la coordination entre le centre de lutte antituberculeuse (CLAT)
de chaque cas index et le médecin et le médecin du travail est indispensable.
du travail concerné afin de définir
Le diagnostic de tuberculose-maladie impose toujours la
au mieux les personnes répon-
mise en route d’un traitement.
dant aux critères d’identification
d’un sujet contact, et d’organiser Les personnes atteintes d’une infection tuberculeuse latente
le suivi approprié. ne sont pas contagieuses.
Le traitement de l’infection tuberculeuse latente, même
récente, n’est pas systématique : il sera proposé au cas par cas,
en évaluant la balance bénéfice/risque du traitement.

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