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Journal de pédiatrie et de puériculture (2016) 29, 8—14

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ARTICLE ORIGINAL

Actualisation du profil des infections


bactériennes du nouveau-né au CHU de
Cocody à Abidjan
Updating profile of bacterial infections of the newborn at Cocody Teaching
Hospital in Abidjan

M.A. Folquet a, M.-E. Dainguy a, D. Diomande a,b,∗,


C. Kouakou a, M. Kamenan a, V.C. Mbengue Gbonon c,
E. Kouadio a, G.C.Y. Kouadio a, M. Gro Bi a,
A. Djivohessoun a, I. Djoman a, A.D. Angan Goli a

a
UFR sciences médicales d’Abidjan, service de pédiatrie, CHU de Cocody, Abidjan, Côte
d’Ivoire
b
Service de réanimation infantile, CHI André-Grégoire, 56, boulevard de la Boissière, 93100
Montreuil-sous-Bois, France
c
Institut Pasteur, Abidjan, Côte d’Ivoire

Reçu le 29 juillet 2015 ; accepté le 13 octobre 2015

MOTS CLÉS Résumé


Infection Objectif. — Actualiser les caractéristiques cliniques et bactériologiques des nouveau-nés admis
bactérienne ; pour suspicion d’infection néonatale dans l’unité de néonatalogie du CHU de Cocody dix ans
Nouveau-nés ; après les recommandations de l’ANAES.
Germes ; Méthode. — Étude prospective à visée descriptive effectuée de février à juillet 2010 et portant
Abidjan sur 352 nouveau-nés admis pour suspicion d’infection bactérienne.
Résultats. — Les nouveau-nés outborn représentaient 42,6 % des cas (150 nouveau-nés) et
étaient admis avant la 12e heure de vie (43,5 %). Le sex-ratio était de 1,4. Les facteurs de
risque infectieux retrouvés étaient le liquide amniotique teinté ou fétide (26,1 %), le mau-
vais APGAR (23,5 %) et la fièvre maternelle (22,4 %). Les principaux signes cliniques étaient
la détresse respiratoire (41,2 %), la fièvre (37,2 %) et la souffrance cérébrale (32,8 %). Le

∗ Auteur correspondant. 15, rue de la Porte-des-Trivaux, 92170 Clamart, France.


Adresse e-mail : douty.diomande@abc.aphp.fr (D. Diomande).

http://dx.doi.org/10.1016/j.jpp.2015.10.002
0987-7983/© 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Actualisation du profil des infections bactériennes du nouveau-né au CHU de Cocody 9

diagnostic d’infection bactérienne néonatale a été confirmé dans 22,7 % des cas. Les germes
les plus fréquents dans le LCR ont été le Staphylococcus aureus (29,7 %) et le streptocoque
B (22,2 %). Dans l’hémoculture, il s’agissait de S. aureus (54,2 %) et de Klebsiella sp. (16,9 %).
L’association céphalosporine de 3e génération et aminoside a été l’antibiothérapie de première
intention. À l’antibiogramme, nous n’avons retrouvé aucune résistance des souches isolées aux
bêtalactamines et aux aminosides contrairement au Klebsiella sp. qui s’est révélé résistant aux
bêtalactamines. Le taux de mortalité était de 11,6 %.
Conclusion. — Les infections bactériennes du nouveau-né en milieu tropical présentent les
caractéristiques suivantes : une prévalence élevée des infections à S. aureus témoin des efforts
à réaliser au niveau de l’asepsie et l’hygiène hospitalière ; la rareté, voire l’absence, de dépis-
tage systématique du portage maternel au dernier trimestre de grossesse du streptocoque B
et donc une absence de prophylaxie per-partum ; une écologie bactérienne particulière qui
devrait faire discuter le choix et la durée des antibiotiques notamment des aminosides en
« monothérapie » qui semblent efficaces sur la plupart des germes de l’écologie locale.
© 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

KEYWORDS Summary
Sepsis; Introduction. — The aim of our study was to determine the clinical and bacteriological cha-
Newborns; racteristics of newborns admitted for suspected neonatal sepsis in the neonatal unit of the
Germs; University Hospital of Cocody.
Abidjan Method. — This was a prospective descriptive study referred performed from February 2010 to
July 2010 and on 352 neonates admitted for suspected bacterial infection.
Results. — Outborn represented 42.6% and were admitted before the 12th hour of life (43.5%).
The sex ratio was 1.4. Infectious risk factors found were stained or foul amniotic fluid (26.1%),
bad APGAR (23.5%) and maternal fever (22.4%). The main clinical signs were respiratory distress
(41.2%), fever (37.2%) and cerebral pain (32.8%). The diagnosis of neonatal bacterial infection
has been confirmed in 22.7% of cases. The most common germ in the cerebrospinal fluid were
Staphylococcus aureus (29.7%) and group B streptococci (22.2%) and, in the blood culture,
S. aureus (54.2%) and Klebsiella sp. (16.9%). Third-generation cephalosporin and aminoglycoside
antibiotics were used as first line. The result of susceptibility testing found no resistance trains
to betalactams and aminoglycosides unlike Klebsiella sp., which proved resistant to betalactam
antibiotics. The mortality rate was 11.6%.
Conclusion. — Bacterial infections of the newborn in the tropics have the following characte-
ristics: high prevalence of S. aureus infection which means that efforts are needed to achieve
aseptic and hospital hygiene; lack of routine screening for maternal portage of streptococcus B
in the last trimester of pregnancy and thus a lack of intrapartum prophylaxis; particular bacte-
rial ecology which should discuss the choice and duration of antibiotics included in aminosides
‘‘monotherapy’’ that seems to be effective on most germs of the local ecology.
© 2015 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Introduction Dans les pays développés où l’incidence des infections


néonatales est proche de 1 pour mille [6], cette écologie est
La mortalité néonatale baisse trop lentement, surtout en sans cesse étudiée et diffusée, alors qu’elle est rarement
Afrique selon l’OMS. Actuellement, près de 41 % des décès recherchée dans nos pays en voie de développement.
chez les enfants de moins de 5 ans se produisent pendant En vue d’améliorer la prise en charge des infections néo-
la période néonatale [1]. Les principales causes directes de natales dans notre structure, nous avons réalisé cette étude
mortalité néonatale sont connues et il s’agit de la préma- qui avait pour but de préciser l’écosystème en cause dans
turité (29 %), l’asphyxie (23 %) et les infections graves (25 %) les infections bactériennes du nouveau-né.
[2]. Plus spécifiquement, il s’agissait de déterminer la pré-
Pour plusieurs auteurs africains, ces infections consti- valence hospitalière de l’infection néonatale, d’identifier
tuaient la première cause d’hospitalisation et la deuxième les germes en cause et d’apprécier leur sensibilité face aux
cause de mortalité en milieu hospitalier [3—5]. antibiotiques.
10 M.A. Folquet et al.

Matériel et méthodes Traitement des données


Cadre La saisie des données s’est faite à l’aide du logiciel SPHINX
V5. Les données ont été analysées par le logiciel SPSS 17.0.
L’étude a été menée au sein de l’unité de néonatalogie du
service de pédiatrie du CHU de Cocody. Cette unité selon la
pyramide sanitaire du pays est un centre de référence pour Résultats
les services de pédiatrie périphériques urbains ou ruraux.
Sur les 976 nouveau-nés hospitalisés durant la période
Type et méthode d’étude d’étude, 380 ont été traités pour infection bactérienne
(38 %). Nous avons retenu 352 nouveau-nés qui répondaient
Il s’agissait d’une étude prospective à visée descriptive aux critères d’inclusion.
qui s’est déroulée de février à juillet 2010 (6 mois). Ont
été inclus dans l’étude tous les nouveau-nés âgés de 0 à Caractéristiques des nouveau-nés
30 jours traités pour d’infection bactérienne. Les nouveau-
nés ayant débuté une antibiothérapie 24 heures avant les Sur les 352 nouveau-nés inclus, 150 soit 42,6 % ont été réfé-
prélèvements bactériologiques n’ont pas été retenus. rés d’une maternité périphérique. Les patients étaient
L’infection bactérienne était diagnostiquée selon les admis avant la douzième heure de vie dans 43,5 % des cas.
éléments suivants : les critères anamnestiques tirés des On notait une prédominance masculine (sex-ratio = 1,4). Les
recommandations de l’ANAES de septembre 2001 (Annexe trois quarts des nouveau-nés étaient nés à terme (77 %) et
1). par voie basse (77 %). Les facteurs de risque infectieux ont
Dans le cadre d’un programme d’étude des infections été recherchés chez les nouveau-nés admis entre j0 et j3
néonatales menées par l’institut Pasteur d’Abidjan, les exa- (253/352). Les plus fréquents étaient le liquide amniotique
mens bactériologiques du LCR et l’hémoculture étaient teinté ou fétide (26,1 %), le mauvais APGAR (23,5 %) et la
gratuits. Par contre, la CRP et la numération formule san- température maternelle avant ou en début de travail > 38 ◦ C
guine (NFS) étaient à la charge des parents. (22,4 %). Les principaux signes cliniques présentés par les
Pour les examens bactériologiques, les produits biolo- nouveau-nés étaient la fièvre (37,2 %), la détresse respi-
giques étaient ensemencés sur gélose de sang frais de ratoire (41,2 %), la souffrance cérébrale (32,8 %). Les taux
mouton (5 %) et sur gélose de sang cuit supplémenté en poly- de réalisation des autres examens à la charge des parents
vitex. L’incubation a été faite pendant 24 à 48 h sous 5 % de étaient les suivants : Numération formule sanguine = 90 %
CO2 . (320/352) et le dosage de la C réactive protéine = 83,23 %
Un antibiogramme par diffusion en milieu gélosé selon (293/352). Le quart des nouveau-nés présentait une anémie
le référentiel du Comité d’antibiogramme de la Société (25,9 %) et la leucopénie était observée dans 22,5 % des cas.
française de microbiologie (CASFM) 2010 a été effectué sur La CRP était positive chez 77,8 % d’entre eux. L’infection
toutes les souches considérées par le microbiologiste comme materno-fœtale était suspectée dans 72 %. Tous les nouveau-
susceptibles d’être impliquées dans un processus infectieux. nés ont été mis sous une double antibiothérapie comportant
Trois catégories ont été retenues pour l’interprétation de une céphalosporine de 3e génération et un aminoside. La
l’antibiogramme : durée moyenne du traitement était de 5,6 jours avec des
• les souches catégorisées S (sensible) sont celles pour les- extrêmes allant de 1 à 15 jours. L’évolution était favorable
quelles la probabilité de succès thérapeutique est forte dans 81,25 % des cas. Le taux de mortalité était de 11,6 %
dans le cas d’un traitement par voie systémique avec la et 25 nouveau-nés sont sortis contre avis médical (7,10 %).
posologie recommandée ; Le Tableau 1 montre les principales caractéristiques des
• les souches catégorisées R (résistant) sont celles pour nouveau-nés.
lesquelles il existe une forte probabilité d’échec théra-
peutique quels que soient le type de traitement et la dose Étude bactériologique
d’antibiotique utilisée ;
• les souches catégorisées I (intermédiaire) sont celles pour Sur l’ensemble des prélèvements réalisés, 80 cultures sont
lesquelles le succès thérapeutique est imprévisible. revenues positives (27 LCR et 59 hémocultures). Le dia-
gnostic d’infection bactérienne néonatale a donc été
Des résultats partiels de l’état frais (présence ou non confirmé dans 22,7 % des cas. Le même germe a été retrouvé
de leucocytes et de bactéries) ont été communiqués au à la fois dans le LCR et dans l’hémoculture dans 6 cas.
clinicien pour lui permettre d’orienter sa démarche thé- Les germes les plus souvent retrouvés dans le LCR étaient
rapeutique au bout de 24 à 48 h. Tous les enfants ont été le Staphylococcus aureus (29,7 %) et le streptocoque B
traités par des antibiotiques. Les données étaient collectées (22,2 %). Dans les hémocultures, il s’agissait essentiellement
à l’aide d’une fiche d’enquête comportant les paramètres de S. aureus (54,2 %) et Klebsiella sp. (16,9 %). Le Tableau 2
épidémiologiques (âge à l’admission, sexe, lieu de nais- montre les germes retrouvés.
sance, mode d’accouchement), cliniques (âge gestationnel, Un antibiogramme a été réalisé pour les souches de strep-
APGAR, température, examen physique), biologiques et bac- tocoque B, de staphylocoques, de Klebsiella pneumoniae
tériologiques (hémocultures, examen cytobactériologique et d’Escherichia coli. La grande majorité des souches de
du LCR, CRP et numération formule sanguine, antibio- staphylocoque était méthicillino-sensible, donc sensible aux
gramme), thérapeutiques (antibiothérapie instituée, durée ␤-lactamines. Les souches de streptocoque B isolées avaient
du traitement) et évolutifs (guérison ou décès). une sensibilité moyenne à la pénicilline G (55,3 %) et à la
Actualisation du profil des infections bactériennes du nouveau-né au CHU de Cocody 11

clindamycine (50 %). Elles étaient par contre sensibles à la


Tableau 1 Caractéristiques des nouveau-nés traités
kanamycine (100 %), la gentamycine (83,3 %) et la vanco-
pour infection bactérienne.
mycine (83 %). Les souches d’E. coli étaient sensibles à la
Caractéristiques des Effectifs Pourcentage ceftriaxone (100 %) et à la gentamycine (100 %). Le taux de
nouveau-nés (n = 352) (%) résistance d’E. coli à l’ampicilline est de 91,4 %. Celles de
K. pneumoniae étaient toutes résistantes ␤-lactamines mais
Provenance
sensibles à l’amikacine (92,3 %) et l’imipénème (88,2 %).
Outborn 206 58,5
Les résultats des antibiogrammes sont résumés dans les
Inborn 138 39,2
Tableaux 3 et 4.
Naissance à domicile 8 2,3
Mode d’accouchement
Voie basse 269 76,4
Césarienne 83 23,6
Discussion
Âge à l’admission (jours) La prévalence de l’infection bactérienne néonatale confir-
[0—1] 153 43,5 mée par un prélèvement bactériologique « central » était de
[2,3] 100 28,4 22,7 % alors que 38 % des nouveau-nés ont été traités pour
[4—7] 66 18,7 une infection dans notre contexte.
[8—30] 33 9,4 Au bloc néonatal du CHU de Cocody à Abidjan, le constat
était le même en 1999 [6]. L’infection néonatale constituait
Sexe comme dans la littérature occidentale une cause fréquente
Masculin 209 59 d’hospitalisation avec un rôle prépondérant dans la morta-
Féminin 143 41 lité périnatale [7].
Âge gestationnel Toutefois, il n’est pas toujours possible de faire des
(semaines) comparaisons entres les séries en raison des différences
< 37 80 22,2 observées dans les critères de diagnostic, critères eux-
[37—40] 271 76,9 mêmes dépendants de « la pratique et de l’expérience » du
> 40 1 0,2 praticien [7].
Pour certains auteurs et en pratique, l’infection néona-
Facteurs de risques
tale est retenue si association :
infectieux (n = 253) • d’un prélèvement bactériologique « central » positif
Fièvre maternelle 79 31,2
(hémoculture, liquide céphalorachidien) et/ou des signes
RPM > 12 h 78 30,8
cliniques (tachypnée, détresse respiratoire, apnées,
PPN ou prématurité 63 25
tachycardie, bradycardie, temps de recoloration pro-
LA teinté ou fétide 92 36,3
longé, périphérie froide, instabilité thermique, troubles
APGAR < 6 83 32,8
neurologiques, vomissements, intolérance alimentaire) ;
Signe cliniques • avec un des 4 facteurs de risque suivants :
Fièvre 131 37,2 ◦ colonisation maternelle par le streptocoque B sur frot-
Convulsions 57 16,1 tis vaginal ou rectal,
Détresse respiratoire 145 41,2 ◦ signes de chorio-amniotite définies par une tem-
Souffrance cérébrale 115 32,8 pérature maternelle > 38◦ C avec deux des signes
Ictère 81 23,3 suivants globules blancs > 15 000 G/L ou tachycardie
Éruption cutanée 27 7,7 fœtale > 160 bpm ou douleur utérine ou liquide amnio-
Omphalite 74 21,1 tique purulent,
◦ rupture prolongée de la poche des eaux de 18 heures,
NFS (n = 320) ◦ prematurité [8].
Anémie 83 25,9
Leucopénie 72 22,5 Les consensus sont difficiles et depuis la révision de
CRP (n = 293) l’Académie américaine de pédiatrie (AAP) en 2011 puis la
Élevée 228 77,8 publication pour la première fois en 2012 des recommanda-
Normale 65 22,2 tions pour la prise en charge de tous les nouveau-nés avec
facteurs de risque pour un sepsis néonatal précoce [7], il est
Évolution (n = 352) de plus en plus admis l’attitude résumée sur la Fig. 1 et issue
Guérison 286 81,3 de la mise à jour de 2013 de la Société suisse de néonatolo-
Décès 41 11,6 gie et du groupe Suisse d’infectiologie pédiatrique (PIGS). La
Évasion 25 7,1 prématurité de moins de 34 SA étant elle-même un facteur
de risque infectieux [8].
RPM : rupture prématurée des membranes ; PPN : petit poids de
naissance ; LA : liquide amniotique. Dans notre série, l’infection est essentiellement diagnos-
tiquée sur la positivité des prélèvements centraux associés
ou non à des marqueurs biologiques d’infection. Le taux de
réalisation de la numération formule sanguine et de la CRP
était respectivement de 90,90 % et 83,23 %. Ces examens
étant à la charge des parents cela limitait leur réalisation
12 M.A. Folquet et al.

Tableau 2 Répartition des nouveau-nés selon le type des germes isolés dans les hémocultures et le LCR.
Germes Hémocultures (n = 59) LCR (n = 27)
Effectifs Pourcentage Effectifs Pourcentage
Acinetobacter sp. 2 3,4 3 11,1
Enterobacter sp. 3 5,1 — —
Escherichia coli — — 2 7,4
Enterobactercloacae — — 1 3,7
Enterobacter sp. 3 5,1 — —
Klebsiella pneumoniae 10 16,9 3 11,1
Staphylococcus aureus 32 54,2 8 29,7
Staphylocoque coagulase négatif 7 11,9 4 14,8
Streptocoque B 5 8,5 6 22,2

Tableau 3 Sensibilité des souches de staphylocoque aux antibiotiques testés.


Antibiotiques Staphylococcus aureus Staphylocoque coagulase négatif
Sensible (%) I + R (%) Sensible (%) I + R (%)
Pénicilline G 3,6 96,4 10 90
Méticilline 29,8 70,2 — —
Oxacilline 75,6 24,3 83,3 16,6
Érythromycine 54 46 50 50
Lyncomycine 76,3 23,6 100 0
Pristinamycine 87,5 12,5 100 0
Ciprofloxacine 70,8 29,2 28,6 71,4
Vancomycine 100 0 100 0
Gentamycine 83,8 16,2 100 0
Acide fucidique 44,7 55,3 100 0
Chloramphénicol 55,3 44,7 100 0
Cotrimoxazole 23,5 76,5 0 100
Rifampicine 47 53 66,6 33,3
I : intermédiaire ; R : résistant.

systématique. Les perturbations hématologiques telles que


l’anémie (25,9 %), la leucopénie (22,5 %) et la thrombopénie
(15,6 %) découvertes à la NFS sont des critères de mauvais
Tableau 4 Sensibilité des souches de streptocoque B pronostic et sont souvent corrélés à une surmortalité dans
aux antibiotiques testés. nos conditions. La CRP était positive dans plus de ¾ des cas
Antibiotiques Streptocoque B lorsqu’elle était réalisée.
Notre étude a révélé que les infections néonatales
Sensible (%) I + R (%) étaient le plus souvent d’origine materno-fœtales (72 %)
puisque les nouveau-nés de moins de 3 jours de vie étaient
Pénicilline G 55,3 46,6
les plus nombreux (71,8 %). Nos résultats sont comparables
Streptomycine 66,6 33,3
à ceux de Cissé et al. [9] au Sénégal qui avait retrouvé
Kanamycine 100 0
cette même tranche d’âge dans 91 % des cas. Et plus de
Gentamycine 83,3 16,7
la moitié des nouveau-nés suspects d’infection néonatale
Pristinamycine 33,3 66,6
étaient outborn (58,5 %). Ceci montre la part importante
Clindamycine 50 50
des maternités périphériques dans la survie du nouveau-né.
Vancomycine 83,3 16,7
Les efforts pour la formation du personnel, l’amélioration du
Lévofloxacine 58,3 41,6
plateau technique ainsi que la mobilisation communautaire
Cotrimoxazole 41,6 58,3
afin d’augmenter le taux de fréquentations par les gestantes
Chloramphénicol 25 75
doivent commencer à ce niveau.
Rifampicine 50 50
Le bilan prénatal listé dans le carnet de santé est lui aussi
I : intermédiaire ; R : résistant. à la charge des gestantes ce qui explique sa non-réalisation
dans la grande majorité des cas. Toutes ces difficultés liées
Actualisation du profil des infections bactériennes du nouveau-né au CHU de Cocody 13

Au vu de cette écologie bactérienne et de la sensibilité


des principaux germes, il paraît judicieux, possible voire
Signes cliniques1¹ évoquant
une infection néonatale « iconoclaste » de simplifier notre antibiothérapie par des
perfusions d’aminosides. Le problème en pratique dans les
conditions locales serait de deux types : primo, le problème
de la voie d’abord car il n’existe pas de seringue électrique
OUI⁵ NON dans le contexte local et les enfants reçoivent pour la plus
part les antibiotiques en « intraveineux direct » sur épicrâ-
nienne ou par voie intramusculaire. Secundo, le monitoring
FACTEURS DE
RISQUE²
biologique notamment rénal des aminosides n’est pas assuré
et au vu de la prévalence des anoxies périnatales, cela paraît
OUI⁵ NON risqué. Une étude multicentrique locale de faisabilité de
cette stratégie pour le moins « iconoclaste » s’impose afin
de réduire les complications à l’origine du taux élevé de
TRAITEMENT SOINS DE
SURVEILLANCE décès chez les nouveau-nés infectés.
ANTIBIOTIQUE CLINIQUE PENDANT ROUTINE
48 HEURES ³ ⁴ Le streptocoque B était également présent en période
néonatale aussi bien dans les hémocultures (8,5 %) que
dans le LCR (22,2 %). Sa faible fréquence dans nos régions,
Figure 1. Prise en charge des nouveau-nés > 34 semaines avec
contrairement aux pays occidentaux serait probablement
des facteurs de risque pour une infection bactérienne (sep- due aux difficultés d’effectuer les examens paracliniques de
sis néonatale précoce) [8]. 1. Tachypnée, détresse respiratoire, façon systématique dans nos conditions de travail.
apnées, tachycardie, bradycardie, temps de recoloration prolongé, La stratégie préventive d’éradication du streptocoque
périphérie froide, instabilité thermique, troubles neurologiques, B utilisée dans les pays développés reposant sur une
vomissements, intolérance alimentaire. 2. Colonisation ou anté- antibioprophylaxie per-partum [7,8] ne se fait pas dans
cédents de colonisation maternelle par SGB (frottis vaginal/rectal), notre contexte par manque de recherche systématique
prématurité, rupture prolongée des membranes > 18 heures, chorio- du streptocoque B chez la gestante ou la parturiente.
amnionite (fièvre maternelle > 38 ◦ C + 2 des signes suivants : leuco- L’antibioprophylaxie per-partum recommandée par l’ANAES
cytose maternelle, tachycardie fœtale, douleur utérine, liquide
utilise la pénicilline G ou l’amoxicilline. En cas d’allergie
amniotique malodorant). 3. Contrôles toutes les 4 heures de l’état
général, des signes de détresse respiratoire, de la perfusion péri-
à la pénicilline G, les alternatives sont l’érythromycine ou
phérique et de la température. 4. En cas de césarienne élective en la clindamycine. Vu le taux de résistance à la pénicilline G
l’absence de rupture des membranes et de travail, on peut renon- (46,6 %) et à la clindamycine (50 %) du streptocoque B dans
cer à une surveillance quel que soit le status SGB. 5. En cas de notre étude, si cette prophylaxie devait se faire, elle devrait
présence simultanée de plusieurs facteurs de risque et/ou signes faire appel à d’autres antibiotiques.
cliniques, des examens de laboratoire peuvent être réalisés selon La durée du traitement était fonction de la confirma-
entente avec le service de néonatologie référent. tion de l’infection et de l’identification du germe en cause
(5,6 jours) et restait dans les standards internationaux où
au contexte font qu’un nouveau-né évacué soit suspect des durées supérieures à 5 jours semblaient être associées à
d’infection jusqu’à preuve du contraire. une mortalité plus élevée et, chez le prématuré, à un risque
La symptomatologie clinique des infections néonatales élevé d’entérocolite nécrosante [8].
reste variée comme dans la littérature [7]. Les principaux Le taux de mortalité était de 11,6 %. Il était largement
signes cliniques présentés par les nouveau-nés dans notre inférieur à celui de Bobossi et al. [5] et de Robinson et al.
étude étaient la détresse respiratoire (41,2 %), la fièvre [4] qui trouvaient des taux respectifs de 23,5 % et 22,2 %.
(37,2 %), la souffrance cérébrale (32,8 %). Cela pourrait s’expliquer par une meilleure documentation
Les principaux germes isolés dans les hémocultures et de l’infection grâce à la réalisation systématique des exa-
le LCR étaient S. aureus, streptocoque B, K. pneumoniae mens biologiques qui a permis d’adapter l’antibiothérapie.
et Staphylocoque coagulase négatif (SCN). Pour Yao Atteby Le taux de sortie contre avis médical encore élevé au cours
et al. [10], K. pneumoniae était le principal germe retrouvé de notre étude a diminué l’année suivante devant la déci-
dans les hémocultures. Cette écologie bactérienne est diffé- sion de la gratuité des soins par les autorités des enfants de
rente de celle rapportée par les auteurs des pays développés moins de 5 ans. Tout ceci vient révéler l’épineux problème
[11—14]. Si ces auteurs reconnaissent que toutes les bacté- de la prise en charge des nouveau-nés dans le contexte des
ries pathogènes peuvent être responsables d’une infection pays à faible revenus.
néonatale, ils soulignent néanmoins la prédominance de
trois d’entre elles dans les méningites néonatales : le strep-
tocoque B, E. coli et Listeria monocytogenes. Les conditions Conclusion
d’asepsie précaires et l’insuffisance de personnel soignant
pourraient justifier la prédominance du S. aureus dans notre Les infections bactériennes du nouveau-né en milieu tropical
série. Selon Haley et Bregman [15], il existerait une relation présentent les caractéristiques suivantes :
significative entre la sous-dotation en personnel soignant et • une prévalence élevée des infections à S. aureus témoin
les conditions d’asepsie, d’une part, et la fréquence des des efforts à réaliser au niveau de l’aseptie et l’hygiène
infections à S. aureus en unité de réanimation néonatale, hospitalière ;
d’autre part. Ce risque infectieux serait 16 fois plus élevé • la rareté voire l’absence de dépistage systématique du
au cours des périodes de surcharge en soin. portage maternel au dernier trimestre de grossesse du
14 M.A. Folquet et al.

streptocoque B et donc une absence de prophylaxie per- Déclaration de liens d’intérêts


partum ;
• une écologie bactérienne particulière et une sensibilité Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.
des germes inhabituelles qui devrait faire discuter le choix
et la durée d’utilisation des antibiotiques notamment des
aminosides en « monothérapie » qui semblent efficaces sur Références
la plupart des germes de l’écologie locale.
[1] Lawn JE, Cousens S, Zupan J. 4 million neonatal deaths: when?
Une étude multicentrique locale de faisabilité de cette Where? Why? Lancet 2005;365(9462):891—900.
stratégie pour le moins « iconoclaste » s’impose afin de [2] Oestergaard MZ, Inoue M, Yoshida S, Mahanani WR, Gore FMA.
réduire les complications à l’origine du taux élevé de décès Neonatal mortality levels for 193 countries in 2009 with trends
chez les nouveau-nés infectés. since 1990: a systematic analysis of progress, projections, and
priorities. PLoS Med 2011;8(8):e1001080, http://dx.doi.org/
10.137/journal.pmed.1001080.
[3] Azoumah KD, Balaka B, Aboubakari AS, Matey K, Yolou A,
Annexe 1. Recommandations ANAES Agbere AD. Morbidité et mortalité au CHU de Kara. Med Afr
« adaptées » septembre 2001 Noire 2010;57(2):109—12.
[4] Robinson AL, Rakotovao-Ravahatra F, Andriatahina T, Rakotoa-
Critères majeurs : risoa H, Razafindralambo M, Ravelomanana N. Causes de décès
• tableau évocateur de chorio-amniotite ; précoces en service de pédiatrie. Med Afr Noire 2007;54(1):
• jumeau atteint d’une infection materno-fœtale ; 9—12.
• température maternelle avant ou en début de tra- [5] BobossiSerengbe G, Sana Deyamissi TS, Diemer HC, Gau-
vail > 38 ◦ C ; duelle A, Gresengue GA. Morbidité et mortalité néonatale au
• prématurité spontanée < 35 semaines d’aménorrhée (SA) ; complexe pédiatrique de Bangui. Med Afr Noire 2004;51(3):
159—63.
• durée d’ouverture de la poche des eaux > 18 heures ;
[6] Houenou-Agbo Y, Abo P, do Rego A, ZerboCoulibaly F, Noua F,
• rupture prématurée des membranes (RPM) avant 37 SA en
Folquet M, et al. Analyse du risque périnatal à Abidjan Côte
dehors d’une antibioprophylaxie maternelle complète ; d’Ivoire. Ann Pediatr 1999;46(10):737—42.
• antécédent d’infection materno-fœtale à streptocoque [7] Clinical report of the American Academy of Pediatrics. Mana-
B; gement of neonates with suspected of proven early-onset
• portage vaginal de streptocoque B chez la mère ; bacterial sepsis. Pediatrics 2012;129:1006—15.
• bactériurie à streptocoque B chez la mère pendant la [8] Berger C, Giannoni E, McDougall J, Stocker M. Recommanda-
grossesse. tions pour la prise en charge des nouveau-nés > 34 semaines
avec des facteurs de risque pour une infection bactérienne
Critères mineurs : périnatale (sepsis néonatale précoce) (SSN/PIGS). Paediatrica
• durée d’ouverture prolongée de la poche des eaux ≥ 12 h, 2013;24(1):11—3.
mais < 18 h ; [9] Cissé CT, Mbengue-Diop R, Ndiaye O, Dotou CR, Boye CS,
• prématurité spontanée < 37 SA et ≥ 35 SA ; Kuakuvi NK, et al. Infections bactériennes au CHU de Dakar.
• anomalies du rythme cardiaque fœtal ou une asphyxie Gynecol Obstet Fertil 2001;29:433—9.
fœtale non expliquée ; [10] Yao Atteby JJ, Cissé L, Oréga M, Attiméré Y, Oulaï S, Djadan
• liquide amniotique teinté ou méconial. M, et al. Infections néonatales à Abidjan. Aspects cliniques et
étiologiques. Med Afr Noire 2006;53(2):124—6.
Les critères cliniques et biologiques évocateurs : [11] Blond M, Poulain P, Gold F, Bingen E, Watier H, Quentin R.
• fièvre (> 37,8 ◦ C) ou hypothermie (< 35 ◦ C) ; Infection bactérienne materno-fœtale. EMC-Gynécologie obs-
• signes hémodynamiques : teint gris, tachycardie, brady- tétrique; 2004 [5-040-C-10].
[12] Aujard Y. Infections néonatales primitives. Encyclopédie Pra-
cardie, augmentation du temps de recoloration capillaire,
tique de médecine 2003;8-0350 [9 p].
hypotension artérielle ;
[13] Stoll BJ, Hansen NI, Sánchez PJ, Faix RG, Brenda B. Disease
• signes respiratoires : (geignements, tachypnée, dyspnée,
continues early onset neonatal sepsis: the burden of group B
pauses respiratoires, détresse respiratoire) ; Streptococcal and E. coli. Pediatrics 2011;127(5):817.
• signes neurologiques : (fontanelle tendue, somnolence, [14] Puopolo KM, Draper D, Wi S, Newman TB, Zupancic J.
troubles du tonus, troubles de la conscience, convul- Estimating the probability of neonatal early-onset infection
sions) ; on the basis of maternal risk factors. Pediatrics 2011;128:
• signes cutanés : (purpura, éruption). e1155.
[15] Haley RW, Bregman DA. The role of understaffing and over-
Perturbations de la numération formule sanguine (NFS) : crowding in recurrent outbreaks of staphylococcal infection
hyperleucocytose ou leucopénie, anémie, thrombopénie ; in a neonatal special-care unit. J Infect Dis 1982;145(6):
Élévation de la C réactive protéine (CRP) > 6 mg. 875—85.

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