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 4-002-N-60

Infections néonatales bactériennes


précoces et tardives
M. Letouzey, P. Boileau, L. Foix-L’Hélias

Résumé : Les infections sont une pathologie fréquente de la période néonatale, touchant entre 1 et 5 %
des nouveau-nés. La mortalité de ces infections néonatales reste préoccupante malgré les progrès en
néonatologie. Les conséquences des infections sont possibles à court terme mais aussi à long terme, avec
notamment des troubles du neurodéveloppement. Les caractéristiques et les conséquences des infections
néonatales varient selon leur caractère précoce (dans les 3 premiers jours de vie) ou tardif (entre le 3e et le
28e jour de vie) et selon le terrain sur lequel elles surviennent (nouveau-né à terme ou prématuré notam-
ment). Le diagnostic des infections néonatales est difficile en raison des signes cliniques aspécifiques.
L’identification d’une bactérie dans le sang ou le liquide cérébrospinal permet d’affirmer le diagnostic.
Les infections néonatales bactériennes précoces sont majoritairement liées au streptocoque du groupe B
et à Escherichia coli. Les infections néonatales bactériennes tardives sont à distinguer selon deux cadres
nosologiques : les infections communautaires et les infections associées aux soins, fréquentes chez les
nouveau-nés prématurés.
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Mots-clés : Infections néonatales ; Sepsis néonatal ; Nouveau-né ; Prématuré

Plan stérile : le sang ou le liquide cérébrospinal [1] . Le terme de sepsis est


plutôt utilisé lorsque l’infection met en jeu le pronostic vital, à la
■ Introduction 1 suite d’une dysrégulation de la réponse inflammatoire de l’hôte [2] .
Définition des infections néonatales 1 Cependant, contrairement aux recommandations internationales
Épidémiologie des infections néonatales 1 sur le sepsis pédiatrique ou adulte, il n’existe pas de définition
consensuelle du sepsis néonatal [3] . Cette absence de définition du
■ Physiopathologie – susceptibilité des nouveau-nés aux
sepsis néonatal doit conduire à la prudence dans l’interprétation
infections 2
et la comparaison des résultats des études internationales.
■ Diagnostic des infections néonatales 2 Les infections néonatales sont classiquement divisées en deux
Signes cliniques 2 catégories : l’infection néonatale précoce quand les signes sur-
Diagnostic 2 viennent dans les 3 premiers jours ou 72 premières heures de vie ;
Autres examens complémentaires 3 et l’infection néonatale tardive quand les signes surviennent après
■ Infections néonatales bactériennes précoces 3 le troisième jour de vie [1] . Les pneumopathies bactériennes néo-
Microbiologie 3 natales communautaires ou associées à la ventilation mécanique
Facteurs de risque d’INBP 3 ne sont pas abordées ici.
Surveillance clinique des nouveau-nés de 34 SA et plus,
asymptomatiques, avec facteurs de risque d’INBP 3
Antibiothérapie 3 Épidémiologie des infections néonatales
Prévention des INBP 4
■ Infections néonatales bactériennes tardives 5 Dans le monde, on estime que 22 enfants pour 1000 naissances
Infections néonatales bactériennes tardives communautaires 5 vivantes développent un sepsis néonatal [4] . Malgré les progrès
Infections néonatales bactériennes tardives nosocomiales 5 importants dans la prise en charge de ces infections, la morta-
lité des infections néonatales reste préoccupante. En effet, le taux
■ Conclusion 6 de mortalité des infections néonatales varie de façon importante
entre les pays en fonction du niveau de revenus et du niveau
d’accès aux soins, mais il reste élevé, avec une estimation entre
11 et 19 % [4] .
 Introduction L’incidence des infections néonatales, leurs caractéristiques et
leurs conséquences dépendent de leur caractère précoce ou tar-
Définition des infections néonatales dif, et du terrain sur lequel elles surviennent, notamment de l’âge
gestationnel de naissance. Après la généralisation du dépistage par
Les infections néonatales concernent par définition les le prélèvement vaginal du portage du streptocoque du groupe B
nouveau-nés dans leurs 28 premiers jours de vie. Le diagnostic (SGB) et de son corollaire en cas de positivité l’antibioprophylaxie
positif et étiologique de ces infections repose sur la mise en évi- per partum, le nombre des infections néonatales précoces à
dence d’un germe unique et pathogène dans un site normalement SGB a diminué chez les nouveau-nés à terme [5] . L’incidence de

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l’ensemble des infections néonatales bactériennes précoces (INBP) aux antibiotiques, notamment des bacilles à Gram négatif, peut
certaines (prouvées par une hémoculture ou par la culture du entraîner la constitution d’un réservoir potentiel pour des épi-
liquide cérébrospinal) est estimée entre 0,7 et 1 pour 1000 nais- démies hospitalières lorsque ces bacilles colonisent le tractus
sances vivantes aux États-Unis, avec des taux d’autant plus élevés digestif du nouveau-né [14] . Les effets de l’antibiothérapie néona-
que l’âge gestationnel ou le poids de naissance sont bas (11 pour tale pourraient persister au-delà de l’arrêt du traitement. Ainsi, des
1000 naissances vivantes pour les nouveau-nés de poids de nais- modifications de la flore fécale ont été observées à l’âge d’un mois
sance < 1500 g ; 1,4 pour 1000 pour un poids de naissance entre chez les enfants exposés aux antibiotiques à la naissance [13] . Les
1500 et 2500 g ; et 0,6 pour 1000 pour les nouveau-nés de poids perturbations du microbiote sont encore plus fréquentes chez le
de naissance > 2500 g) [6] . En France, l’incidence des infections nouveau-né prématuré, avec une plus faible diversité de la flore,
néonatales précoces à SGB était inférieure à 0,20 pour 1000 nais- un nombre moins important de bactéries commensales et la pré-
sances vivantes d’après les derniers chiffres rapportés par l’Institut sence de bactéries pathogènes [15] .
national de veille sanitaire en 2014 [7] .
Ainsi, l’INBP est une maladie de faible incidence dans les pays
à haut niveau de revenus mais ses conséquences sont potentielle-  Diagnostic des infections
ment graves. Elle constitue une cause évitable de mortalité. Cette
mortalité varie en fonction de l’âge gestationnel du nouveau-né : néonatales
de 2 à 3 % chez le nouveau-né à terme, elle s’élève à plus de
20 % chez le prématuré [6] et elle est encore plus élevée en cas Signes cliniques
de méningite : respectivement 10 et 26 % [8] . Les signes cliniques sont nombreux et aspécifiques. Ils peuvent
Les infections néonatales bactériennes tardives (INBT) sur- être présents dans des situations non infectieuses, ce qui rend le
viennent dans deux cadres nosologiques bien distincts : les diagnostic clinique d’infection souvent difficile. Les signes cli-
infections communautaires, essentiellement chez les nouveau-nés niques initiaux peuvent être minimes et isolés. L’évolution vers
à terme, et les infections nosocomiales également appelées infec- le sepsis peut entraîner une défaillance multiviscérale : détresse
tions associées aux soins qui surviennent majoritairement chez respiratoire sévère, troubles hémodynamiques avec insuffisance
les nouveau-nés prématurés. Les INBT touchent environ 20 % des cardiaque, coagulation intravasculaire disséminée, atteinte héma-
grands prématurés, avec une mortalité qui varie entre 18 et 36 % tologique (neutropénie, thrombopénie) et dysfonction d’organe
dans cette population [9, 10] . (foie, rein).

 Physiopathologie – susceptibilité
des nouveau-nés aux infections “ Point fort
La naissance constitue un bouleversement immunologique. In Signes cliniques pouvant faire évoquer une infec-
utero, le système immunitaire fœtal doit tolérer les antigènes tion néonatale
maternels. Après la naissance, le nouveau-né est exposé à une très • Troubles de la régulation thermique : fièvre ou hypo-
grande quantité d’antigènes étrangers, nécessitant une adaptation
thermie.
rapide du système immunitaire.
• Troubles hémodynamiques (pâleur, allongement du
Le risque d’infection bactérienne est plus élevé à la naissance
qu’à toute autre période de la vie [11] . En effet, les nouveau-nés ont temps de recoloration cutanée), tachycardie ou bradycar-
une réponse immunitaire innée et adaptative altérée par rapport die.
aux adultes : diminution de la quantité et de l’activité fonction- • Signes respiratoires : apnées, détresse respiratoire, gei-
nelle des polynucléaires neutrophiles et faible taux d’anticorps gnement.
circulants notamment [11] . Cette vulnérabilité immunitaire est • Troubles neurologiques : hypotonie, irritabilité, crises
encore plus marquée chez le nouveau-né prématuré. convulsives.
Le risque d’infection chez les prématurés est également élevé du • Difficultés à l’alimentation.
fait de leur environnement. En effet, les nouveau-nés prématurés
sont particulièrement exposés à des germes de l’environnement
hospitalier potentiellement pathogènes et résistants aux antibio-
tiques. La transmission manuportée des germes est la principale Diagnostic
source d’infection de ces nouveau-nés prématurés hospitalisés,
d’où l’importance d’une hygiène scrupuleuse des mains et des sur- Les prélèvements bactériologiques, hémoculture et ponction
faces. De plus, les nombreuses procédures invasives nécessaires à lombaire permettent d’affirmer le diagnostic positif et étiologique
leur prise en charge médicale conduisent à des ruptures des bar- de l’infection néonatale.
rières cutanées et muqueuses, qui sont les premières lignes de L’hémoculture est l’examen de référence. Elle doit être prélevée
défense dans la lutte contre l’infection. Ces gestes (intubation systématiquement devant la présence de signes cliniques évoca-
endotrachéale, ponction veineuse pour prélèvement sanguin, teurs et toujours avant l’instauration d’une antibiothérapie. La
pose de voie veineuse périphérique, pose de cathéter central) sont, qualité de sa réalisation conditionne sa valeur diagnostique : un
d’une part, des portes d’entrée pour les bactéries et, d’autre part, volume de sang minimal de 2 ml (1 ml chez le nouveau-né pré-
reflètent l’immaturité globale du nouveau-né le rendant plus sus- maturé) doit être prélevé dans des conditions d’asepsie.
ceptible aux infections. La ponction lombaire est réalisée devant un tableau cli-
L’équilibre du microbiote intestinal semble également impor- nique évocateur de méningite (altération de l’état général,
tant dans la prévention des infections néonatales par ses actions signes neurologiques avec notamment somnolence, irritabilité ou
de protection contre les pathogènes (rôle barrière) et de déve- convulsions) ou systématiquement en cas d’hémoculture posi-
loppement du système immunitaire. Plusieurs facteurs peuvent tive à germe pathogène. Toutefois, la réalisation de la ponction
influencer l’implantation de la flore intestinale et être à l’origine lombaire ne doit pas retarder la mise en route de l’antibiothérapie.
d’une altération du microbiote : une rupture prolongée des mem- Actuellement, des techniques de biologie moléculaire, notam-
branes, une antibiothérapie ou antibioprophylaxie maternelle, ment d’amplification des acides nucléiques, sont en cours
une naissance par césarienne notamment [12, 13] . Une antibio- d’évaluation pour améliorer le diagnostic des infections néona-
thérapie chez le nouveau-né dont l’indication ne serait pas tales. La PCR (polymerase chain reaction) avec séquençage de l’ARN
optimale est également délétère pour l’établissement de son (acide ribonucléique) 16S permet de détecter plus rapidement,
microbiote. À court terme, l’antibiothérapie néonatale pour- dans un plus petit volume et avec une grande sensibilité, la
rait être impliquée dans la prolifération de certaines bactéries présence de bactéries dans le sang. Cependant, la possibilité de
résistant aux antibiotiques. Cette augmentation de la résistance détecter des faux positifs nécessite aujourd’hui des informations

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plus précises sur leur intérêt en pratique clinique [16] . Enfin, il Facteurs de risque d’INBP
existe des tests PCR pour détecter la présence d’ADN (acide désoxy-
ribonucléique) de streptocoque du groupe B, dans le sang ou dans Les facteurs de risque démontrés d’INBP sont [25] :
le liquide céphalorachidien, plusieurs heures ou jours après le • une colonisation maternelle à streptocoque du groupe B pen-
début de l’antibiothérapie. Ces tests sont particulièrement intéres- dant la grossesse en cours ;
sants dans le liquide cérébrospinal lorsque la ponction lombaire • un antécédent d’infection néonatale à streptocoque du groupe
n’a pas été effectuée avant la mise en route de l’antibiothérapie. B pour un enfant lors d’une précédente grossesse ;
• une rupture des membranes de plus de 12 heures ;
• une prématurité spontanée et inexpliquée ;
Autres examens complémentaires • une fièvre maternelle supérieure à 38 ◦ C.
La numération formule sanguine n’a pas sa place pour le Les deux premiers facteurs de risque sont des indications à
diagnostic positif d’infection néonatale. En revanche, en cas une antibioprophylaxie per partum tout comme la rupture des
d’infection sévère, notamment, l’hémogramme peut être utile membranes prolongée ou la prématurité spontanée et inexpli-
pour rechercher une neutropénie ou une thrombopénie associée. quée en l’absence de résultat du PV disponible. Enfin, la fièvre
Les marqueurs de l’inflammation comme la CRP (protéine C maternelle constitue une indication à une antibiothérapie mater-
réactive) et la PCT (procalcitonine) ne sont aujourd’hui pas recom- nelle qui permet également de prévenir l’INBP. L’antibiothérapie
mandés pour le diagnostic positif de l’infection néonatale. La CRP peut être considérée comme étant adéquate si la molécule est
est un test qui est peu sensible, non spécifique et qui nécessite efficace à 100 % sur le SGB (pénicilline G, amoxicilline ou ampi-
le prélèvement d’une quantité de sang non négligeable chez les cilline, ou céfazoline), si la voie intraveineuse a été utilisée pour
nouveau-nés, en particulier, grands prématurés [17, 18] . Le dosage l’administration et si un délai supérieur à 4 heures avant la nais-
de ces marqueurs ne doit en aucun cas différer la mise en route de sance a été respecté.
l’antibiothérapie en cas de suspicion clinique d’infection néona-
tale.
Les prélèvements du liquide gastrique et les prélèvements
Surveillance clinique des nouveau-nés de 34
périphériques (anus et oreille) effectués à la naissance ne sont SA et plus, asymptomatiques, avec facteurs
plus recommandés dans l’évaluation du risque d’INBP chez le de risque d’INBP
nouveau-né de plus de 34 semaines d’aménorrhée (SA) [19] . Leur
intérêt chez le prématuré reste discuté. Les recommandations de bonne pratique de 2017 proposent
une surveillance clinique rapprochée et standardisée des nouveau-
nés asymptomatiques présentant des facteurs de risque d’INBP [19] .
 Infections néonatales Il existe trois niveaux de surveillance (A, B, C) du groupe au risque
infectieux le plus faible (A) au plus important (C). Ces groupes
bactériennes précoces de surveillance sont définis à l’aide d’un algorithme selon la
présence de facteurs de risque per partum (antibiothérapie ou anti-
Les INBP sont la conséquence d’une transmission bactérienne
bioprophylaxie maternelle inadéquate ou fièvre maternelle), qui
verticale de la mère à l’enfant par trois voies de contamina-
eux-mêmes découlent de facteurs de risque ante partum décrits
tion possibles : transplacentaire par voie hématogène, par voie
précédemment (Fig. 1).
ascendante ou lors du passage dans la filière génitale [20] . La voie
La surveillance clinique standardisée des nouveau-nés repose
hématogène est moins fréquente que les deux autres, elle survient
sur cinq paramètres cliniques, évalués pendant 48 heures : la
lors des pyélonéphrites gravidiques ou lors d’une listériose mater-
température, la fréquence cardiaque, la fréquence respiratoire, les
nelle à Listeria monocytogenes. Lors de la contamination par voie
signes de lutte respiratoire et la coloration. Ces paramètres doivent
ascendante à partir du portage vaginal ou au passage de la filière
être évalués toutes les 4 heures pendant les 24 premières heures
génitale, le nouveau-né va dans un premier temps se coloniser.
de vie, puis toutes les 6 heures pendant 24 heures, et doivent être
Ainsi, en l’absence d’antibioprophylaxie chez la mère colonisée
consignés dans une grille de surveillance clinique (Fig. 2). La pré-
par SGB, la moitié des nouveau-nés naissaient colonisés et environ
sence de certains signes cliniques survenant lors de la surveillance
2 % d’entre eux développaient une infection précoce [5] .
des nouveau-nés à risque d’INBP doit conduire à un appel de la
Certains facteurs influencent ensuite le passage de la colonisa-
sage-femme ou du pédiatre.
tion à l’infection : la prématurité, la réalisation de gestes invasifs,
la quantité de l’inoculum bactérien initial, la virulence du germe
impliqué, le système immunitaire néonatal (taux d’anticorps
maternels présents chez le nouveau-né, par exemple).
Des recommandations sur la prise en charge du nouveau-né de “ Point fort
plus de 34 SA à risque d’INBP ont été publiées en 2017 [19] .
Signes cliniques devant conduire à un appel de la
Microbiologie sage-femme ou du pédiatre, lors de la surveillance
des nouveau-nés à risque d’INBP
Actuellement, dans les pays à haut niveau de revenus, • Température ≥ 38 ◦ C ou < 36 ◦ C.
l’épidémiologie bactérienne des infections néonatales précoces • Fréquence cardiaque > 160/min au calme ou < 80/min.
chez le nouveau-né à terme ou proche du terme se répartit ainsi :
• Fréquence respiratoire > 60/min.
40 à 50 % sont dues au streptocoque du groupe B, 10 à 15 % à
Escherichia coli et 30 à 40 % à des bactéries diverses (Haemophilus
• Signes de lutte respiratoire.
influenzae, Streptococcus pneumoniae, streptocoque du groupe A ou • Coloration anormale : pâleur, cyanose, teint gris ou mar-
Listeria monocytogenes) [6, 21] . Le SGB reste donc la bactérie majori- brures.
taire des infections précoces du nouveau-né à terme ou proche du
terme [22] . En revanche, chez le nouveau-né prématuré de moins
de 34 SA, E. coli est la bactérie la plus fréquemment identifiée dans
les INBP [22] .
Enfin, lors des deux dernières décennies, l’incidence de la listé- Antibiothérapie
riose néonatale est passée de 5,5 à 2,4 cas pour 100 000 naissances
vivantes, mais plus de neuf fois sur dix, il s’agit d’une infection Le choix de l’antibiothérapie de première intention est détaillée
précoce [23] . La très faible prévalence de la listériose néonatale ne dans les recommandations de bonne pratique (Fig. 3) [19] .
justifie pas un pari probabiliste initial, mais il convient de ne pas Une antibiothérapie probabiliste doit être débutée en urgence
l’oublier en cas de facteurs de risque spécifique (fièvre maternelle, chez tout nouveau-né symptomatique en maternité, après
essentiellement) car la maladie est particulièrement sévère [24] . prélèvement d’une hémoculture. L’antibiothérapie probabiliste

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Figure 1. Identification du groupe de surveillance des


Nouveau-né ≥ 36 SA asymptomatique
nouveau-nés asymptomatiques selon leurs facteurs de risque
(FDR) d’infection néonatale bactérienne précoce (INBP). SA :
semaine d’aménorrhée ; SGB : streptocoque du groupe B.
Pas de FDR INBP ?
FDR INBP - colonisation maternelle à SGB
- antécédent d’infection néonatale à SGB
- rupture des membranes > 12 h
- prématurité spontanée et inexpliquée < 37 SA
≥ 1 FDR INBP

FDR per partum (FPP) ?


- antibioprophylaxie ou antibiothérapie per partum inadéquate ?
- fièvre maternelle > 38 °C ?

Aucun FPP 1 FPP 2 FPP

Surveillance clinique / 4 h en
Surveillance simple Surveillance clinique / 4 h
maternité et examen pédiatre
en maternité en maternité
entre H6 et H12

Si le nouveau-né devient symptomatique :


débuter antibiothérapie selon recommandations

Âge (heures) H4 H8 H12 H16 H20 H24 H30 H36 H42 H48

Date et heure

Température ≥ 38 °C ou < 36 °C

Fréquence cardiaque > 160 (au calme) ou < 80/min

Fréquence respiratoire > 60/min

Signes de lutte respiratoire (tirage, geignement)

Aspect de la peau anormal (pâleur, cyanose, marbrures, teint gris)

Figure 2. Grille de surveillance des nouveau-nés de plus de 34 semaines d’aménorrhée, asymptomatiques, avec des facteurs de risque d’infection néonatale
bactérienne précoce.

recommandée en première intention est la bithérapie amoxicil- d’hémoculture positive, 14 jours si méningite à streptocoque du
line (50 mg/kg/12 h) et aminoside (gentamicine 5 mg/kg/24 h groupe B et 21 jours si méningite à E. coli [19] .
pour le nouveau-né ≥ 37 SA, 6 mg/kg/24 h pour le nouveau-né de Il n’existe pas à ce jour de recommandation concernant
34–36 SA) par voie intraveineuse. Devant la présence de signes l’antibiothérapie initiale devant une suspicion d’INBP chez le
de gravité (signes neurologiques ou troubles hémodynamiques nouveau-né prématuré. Cette antibiothérapie doit être choisie en
avec expansion volémique ou utilisation de drogues vasoactives), tenant compte des bactéries les plus fréquentes, des résistances
l’antibiothérapie doit être adaptée avec de la céfotaxime et de la bactériennes aux antibiotiques et des bactéries éventuellement
gentamicine. L’amoxicilline peut être ajoutée à cette bithérapie identifiées chez la mère.
en cas de suspicion de listériose.
En cas d’infection maternelle documentée, l’antibiothérapie du
nouveau-né doit être adaptée à l’antibiogramme de la bactérie iso-
Prévention des INBP
lée chez la mère. Si la mère présente une infection documentée à L’incidence des INBP due au streptocoque du groupe B a
E. coli (examen cytobactériologique des urines [ECBU] ou hémo- nettement diminué depuis la mise en place du dépistage sys-
culture), une bithérapie céfotaxime (50 mg/kg/12 h) et aminosides tématique du portage vaginal du streptocoque du groupe B et
(gentamicine 5–6 mg/kg/24 h) est recommandée. Le céfotaxime de l’antibioprophylaxie per partum [26] . Cependant, ces infec-
doit être privilégié pour E. coli en raison d’une concentration tions ne sont pas éradiquées. Une des raisons est que la
minimale efficace plus favorable que l’amoxicilline et un taux de colonisation vaginale à SGB chez les femmes enceintes est inter-
résistance à l’ampicilline entre 40 et 50 %. mittente : 8 % des femmes avec un dépistage négatif pour le
La poursuite ou non de l’antibiothérapie doit être discu- SGB au cours de la grossesse auraient un dépistage positif au
tée 48 heures après son instauration. L’antibiothérapie doit moment de l’accouchement [27] . La détection de la présence
être arrêtée après 48 heures si l’hémoculture est négative et si de SGB au moment de l’accouchement, par des techniques
l’examen clinique est normal, afin de limiter les effets délé- de PCR dont le résultat est disponible en moins d’une heure,
tères d’une antibiothérapie excessive chez le nouveau-né. Si semble une piste d’amélioration et est aujourd’hui recomman-
l’infection est confirmée, la durée de l’antibiothérapie dépend dée par une conférence de consensus européenne [28] . Par ailleurs,
du type d’infection et de la bactérie identifiée : 7 jours en cas l’antibioprophylaxie per partum ne permet pas de prévenir les

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Nouveau-né symptomatique ≥ 34 SA et suspect d’INBP

Signes de gravité(1)
Non Oui

En cas d’infection matemelle documentée, adapter


Amoxicilline + Céfotaxime + gentamicine
l’antibiothérapie probabiliste à l’antibiogramme de la
gentamicine (+ amoxicilline si Listeria évoquée)
bactérie isolée

Évaluation clinique Évaluation clinique


Non Rapidement
résolutive favorable

H48
Documentation Documentation Documentation bactériologique
bactériologique bactériologique

Non Oui Oui Non Non Oui

Poursuite de Adapter l’antibiothérapie selon Arrêt des Adapter l’antibiothérapie selon


Poursuite de
l’antibiothérapie la bactérie identifiée : antibiotiques la bactérie identifiée :
l’antibiothérapie
ou non selon - amoxicilline si SGB + surveillance - amoxicilline si SGB
ou non selon
l’appréciation 7 j si bactériémie (clinique) 7 j si bactériémie
l’appréciation
de la situation 14 j si méningite pendant 14 j si méningite
encore 24 à de la situation
par le pédiatre ou ou
48 h en par le pédiatre
céfotaxime si Escherichia coli céfotaxime si E. coli
7 j si bactériémie maternité 7 j si bactériémie
21 j si méningite 21 j si méningite
ou ou
- prendre un avis spécialisé si autre - prendre un avis spécialisé si autre
bactérie ou bactérie BLSE bactérie ou bactérie BLSE
Figure 3. Choix de l’antibiothérapie initiale en fonction des signes cliniques d’infection néonatale bactérienne précoce (INBP). SA : semaine d’aménorrhée ;
SGB : streptocoque du groupe B ; BLSE : bêtalactamases à spectre élargi. 1. Troubles hémodynamiques (remplissage vasculaire ou administration de drogues
vasoactives), signes cliniques neurologiques (troubles de la conscience ou convulsions).

infections néonatales tardives à SGB, dont le taux stagne. Plu- Infections néonatales bactériennes tardives
sieurs vaccins dirigés contre des antigènes capsulaires du SGB sont
en cours de développement et pourraient permettre de réduire les nosocomiales
infections précoces et tardives à SGB [29] . Malgré l’amélioration de la prise en charge des nouveau-nés
prématurés et une meilleure connaissance de ces infections,
 Infections néonatales l’incidence des INBT associées aux soins reste une préoccupation
majeure des équipes soignantes en réanimation et soins inten-
bactériennes tardives sifs néonataux. Dans l’étude de cohorte EPIPAGE-2 qui a inclus
des enfants nés prématurés en France en 2011, plus de 20 %
Les INBT surviennent entre le troisième et le 28e jour de vie. des enfants nés avant 32 SA ont présenté au moins un épisode
Elles sont acquises par transmission horizontale, après interaction d’INBT [32] .
avec les germes de l’environnement, familial ou hospitalier. Ces
infections sont de deux types : les infections communautaires et
les infections nosocomiales ou associées aux soins. Dans une étude Facteurs de risque
suisse en population, 22 % des INBT étaient communautaires et
Le principal facteur de risque des INBT associées aux soins est
78 % acquises à l’hôpital [30] .
le petit âge gestationnel. Le taux d’INBT est inversement propor-
tionnel à l’âge gestationnel : 44 % d’INBT pour les prématurés nés
Infections néonatales bactériennes tardives avant 26 SA, 30 % pour ceux nés entre 26 et 28 SA, et 12 % pour les
communautaires 28–32 SA [32] . Le petit poids de naissance pour l’âge gestationnel
ou la cause de prématurité (pathologies hypertensives maternelles
Peu de données sont actuellement disponibles sur cette entité ou retard de croissance intra-utérin) sont également associés à un
clinique particulière. Les INBT communautaires sont peu fré- risque d’INBT plus élevé [33] . D’autres facteurs ont également été
quentes (0,28 pour 1000 naissances vivantes) et regroupent rapportés comme la nutrition parentérale prolongée, la durée de
des tableaux cliniques différents : bactériémies, primitives ou ventilation mécanique, les gestes invasifs (intubation trachéale,
secondaires à des infections urinaires, ou plus rarement des ponctions veineuses) qui sont des portes d’entrée pour les bacté-
méningites [30] . Ces infections sont possibles quel que soit l’âge ries [1] .
gestationnel de naissance. Les bactéries les plus souvent isolées La physiologie précise de ces INBT associées aux soins est encore
sont, comme pour les INBP, E. coli et le SGB. Les facteurs de mal connue. La majorité des bactéries impliquées dans les INBT
risque identifiés d’INBT communautaires sont le sexe masculin associées aux soins chez les nouveau-nés prématurés, y compris
et le petit poids de naissance pour l’âge gestationnel. Les moyens les staphylocoques, sont originaires du tube digestif du nouveau-
de prévention des infections à SGB (dépistage du portage vagi- né [15] . Plusieurs études ont mis en évidence la présence de la
nal, antibioprophylaxie per partum) ont permis de diminuer de bactérie impliquée dans les selles avant ou au moment de la sur-
manière importante l’incidence des INBP, mais n’ont eu que très venue du sepsis [15] . La septicémie survient donc principalement
peu, voire pas d’effet sur les INBT à ce germe dont le taux reste au décours d’une translocation bactérienne à point de départ
stable au cours du temps [31] . digestif.

EMC - Pédiatrie 5
4-002-N-60  Infections néonatales bactériennes précoces et tardives

Diagnostic d’origine multifactorielle. Les conséquences des infections néo-


natales diffèrent selon leur caractère précoce ou tardif et selon le
L’hémoculture est l’examen de référence et doit être systéma-
terrain sur lequel elles surviennent, notamment l’âge gestation-
tiquement prélevée devant une suspicion d’INBT avant la mise
nel de naissance. La mortalité associée aux infections néonatales
en route d’une antibiothérapie. Une grande rigueur dans ce pré-
reste élevée. Leurs conséquences sont non seulement importantes
lèvement est nécessaire en raison du risque élevé de faux positif
à court terme, mais également à long terme avec l’association à la
dans cette population lié aux difficultés de prélèvements et à la
survenue de troubles du neurodéveloppement.
nécessité de limiter la quantité de sang prélevée pour limiter la
Une meilleure compréhension de la physiopathologie précise
spoliation sanguine.
des infections néonatales semble primordiale pour identifier les
Des outils d’aide à la décision seraient utiles dans cette popula-
groupes les plus à risque, afin de cibler une meilleure prévention
tion. En effet, le diagnostic d’INBT est particulièrement difficile en
pour ces enfants.
raison de la faible spécificité des signes cliniques et biologiques [18] .
Des études portant sur l’analyse de la variabilité du rythme car-
diaque ou de la motricité grâce à l’intelligence artificielle sont
actuellement en cours [34] .
“ Points essentiels
Microbiologie
Les bactéries à Gram positif sont les plus fréquemment iden- • L’incidence des infections néonatales, leurs caractéris-
tifiées dans les INBT associées aux soins [10] . Les staphylocoques tiques et leurs conséquences dépendent de leur caractère
à coagulase négative sont en cause dans environ 50 % des cas. précoce ou tardif, du terrain sur lequel elles surviennent,
Le staphylocoque doré est identifié dans 10 à 15 % des cas, avec et notamment de l’âge gestationnel de naissance.
un risque d’infection sévère et parfois extensive, notamment des • Malgré les progrès importants dans la prise en charge
atteintes pulmonaires, cutanées ou articulaires. Les bactéries à des infections néonatales, la mortalité des infections néo-
Gram négatif sont retrouvées dans 20 à 30 % des cas, notam- natales reste préoccupante.
ment de la famille des Klebsielles, des Enterobacter ou encore des • Les germes les plus fréquemment identifiés dans les
Pseudomonas [10, 35] . Ces infections à bacilles à Gram négatif ont
infections néonatales bactériennes précoces sont le strep-
souvent une présentation clinique plus sévère avec une morta-
lité associée plus élevée par rapport aux INBT liées aux bactéries à tocoque du groupe B et E. coli.
Gram positif [36] . • L’origine des infections néonatales tardives est multifac-
torielle. Les mécanismes physiopathologiques sont encore
Conséquences mal compris.
Les conséquences des INBT sont importantes à court, moyen
et long termes. La mortalité associée aux INBT est élevée, envi-
ron 10 %. Elles augmentent également les complications pendant
le séjour (recours à la ventilation non invasive ou invasive, arrêt
de la nutrition entérale, augmentation de la durée de nutrition Déclaration de liens d’intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de liens
parentérale, etc.) et augmentent donc la durée de séjour hospi- d’intérêts en relation avec cet article.
talier [37] . Elles pourraient également avoir des conséquences à
plus long terme, en augmentant le risque de survenue de troubles
du neurodéveloppement, mais les conséquences précises sur le  Références
développement moteur et cognitif sont encore discutées [38, 39] .
[1] Shane AL, Sánchez PJ, Stoll BJ. Neonatal sepsis. Lancet 2017;
Prévention 390:1770–80.
Le défi aujourd’hui et pour les années à venir est la prévention [2] Goldstein B, Giroir B, Randolph A, International Consensus Conference
on Pediatric Sepsis. International Pediatric Sepsis Consensus Conference:
des INBT. L’hygiène des mains et des surfaces reste fondamentale
definitions for sepsis and organ dysfunction in pediatrics. Pediatr Crit
car la transmission manuportée des germes est une voie impor- Care Med J 2005;6:2–8.
tante de contamination [40, 41] , par les soignants, mais aussi par les [3] McGovern M, Giannoni E, Kuester H, Turner MA, van den Hoogen
parents [42] . Les incubateurs peuvent être un réservoir important de A, Bliss JM, et al. Challenges in developing a consensus definition of
germes et nécessitent des protocoles de désinfection rigoureux [43] . neonatal sepsis. Pediatr Res 2020;88(1):14–26.
La stimulation du système immunitaire est également une piste [4] Fleischmann-Struzek C, Goldfarb DM, Schlattmann P, Schlapbach LJ,
évoquée pour la prévention des INBT. Les hypothèses sont nom- Reinhart K, Kissoon N. The global burden of paediatric and neonatal
breuses mais, pour l’instant, aucune intervention n’a prouvé son sepsis: a systematic review. Lancet Respir Med 2018;6:223–30.
efficacité : l’administration de GM-CSF (granulocyte-macrophage [5] Prevention of perinatal group B streptococcal disease [Internet].
colony stimulating factor) permet d’augmenter le nombre de https://www.cdc.gov/mmwr/preview/mmwrhtml/rr5910a1.htm.
polynucléaires neutrophiles circulants mais ne permet pas une [6] Stoll BJ, Hansen NI, Sánchez PJ, Faix RG, Poindexter BB, Van Meurs
diminution du taux d’INBT [44] ; la perfusion d’immunoglobulines KP, et al. Early onset neonatal sepsis: the burden of group B streptococcal
and E. coli disease continues. Pediatrics 2011;127:817–26.
polyvalentes ou encore l’administration de lactoferrine n’ont pas
[7] Georges S, Lepoutre A, Laurent E, Levy Bruhl D. Le réseau Epibac,
permis non plus de diminuer l’incidence de ces infections [45, 46] . une surveillance des infections invasives d’origine communautaire par
Enfin, la préservation du microbiote intestinal et de sa diver- les biologistes [Internet]. https://www.santepubliquefrance.fr/maladies-
sité semble importante, notamment par l’utilisation raisonnée des et-traumatismes/maladies-et-infections-respiratoires/infections-a-
antibiotiques, par la limitation de l’utilisation des antibiotiques pneumocoque/articles/epibac.
à large spectre, et par la réduction de la durée des antibiothéra- [8] Gaschignard J, Levy C, Romain O, Cohen R, Bingen E, Aujard Y, et al.
pies. La surveillance de l’épidémiologie des INBT dans les unités Neonatal bacterial meningitis: 444 cases in 7 years. Pediatr Infect Dis J
de soins et de l’écologie bactérienne, ainsi que la rédaction de 2011;30:212–7.
protocoles de service pour la prise en charge des INBT, sont ainsi [9] Pammi M, Weisman LE. Late-onset sepsis in preterm infants: update
primordiales dans cet objectif de réduction des antibiothérapies on strategies for therapy and prevention. Expert Rev Anti Infect Ther
néonatales. 2015;13:487–504.
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6 EMC - Pédiatrie
Infections néonatales bactériennes précoces et tardives  4-002-N-60

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M. Letouzey, Docteur en médecine (mathilde.letouzey@gmail.com).


Service de médecine et de réanimation néonatales, CHI Poissy-Saint-Germain-en-Laye, 10, rue du Champ-Gaillard, 78300 Poissy, France.
Équipe de recherche en épidémiologie obstétricale, périnatale et pédiatrique (EPOPé), Inserm, INRA, Centre de recherche en épidémiologie et statistiques
(CRESS UMR1153), Université de Paris, 75004 Paris, France.
P. Boileau, Docteur en médecine, PhD.
Service de médecine et de réanimation néonatales, CHI Poissy-Saint-Germain-en-Laye, 10, rue du Champ-Gaillard, 78300 Poissy, France.
UFR Simone-Veil-Santé, Université Paris-Saclay, UVSQ, Montigny-le-Bretonneux, France.

EMC - Pédiatrie 7
4-002-N-60  Infections néonatales bactériennes précoces et tardives

L. Foix-L’Hélias, Docteur en médecine, PhD.


Équipe de recherche en épidémiologie obstétricale, périnatale et pédiatrique (EPOPé), Inserm, INRA, Centre de recherche en épidémiologie et statistiques
(CRESS UMR1153), Université de Paris, 75004 Paris, France.
Service de néonatologie, Hôpital Armand-Trousseau, AP–HP, 26, rue du Docteur-Arnold-Netter, 75012 Paris, France.
Sorbonne Université, Paris, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Letouzey M, Boileau P, Foix-L’Hélias L. Infections néonatales bactériennes précoces et tardives.
EMC - Pédiatrie 2020;0(0):1-8 [Article 4-002-N-60].

Disponibles sur www.em-consulte.com


Arbres Iconographies Vidéos/ Documents Information Informations Auto- Cas
décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations clinique

8 EMC - Pédiatrie
 4-002-N-95

Devenir parent d’un enfant prématuré


S. Noto, F. Cautru, P.-H. Jarreau

Résumé : La naissance prématurée d’un enfant avant 27 semaines d’aménorrhée est souvent vécue
comme traumatique pour les parents et peut venir entraver l’instauration du lien mère–enfant.
L’expérience de la clinique présentée ici dans le cadre de naissances d’extrêmes prématurés dans une
maternité de type III montre que le processus de parentalisation est à la fois accéléré et fragilisé. Le vécu
parental est différent selon la mère et le père, malgré les affects d’angoisse qu’ils ressentent tous les deux :
la mère éprouve une culpabilité intense et une blessure narcissique très vive. Le père semble pouvoir se
dégager plus rapidement du choc de cette naissance précoce et soutenir la dyade mère–enfant. On observe
une réorganisation psychique chez la mère qui lui permet progressivement de s’approprier son nouveau
statut. Celle-ci est favorisée par l’accompagnement psychologique tout au long de l’hospitalisation du
bébé qui permet l’élaboration du vécu traumatique de la naissance. Les équipes médicales et paramé-
dicales jouent également un rôle crucial dans la construction de cette parentalité naissante en aidant
les parents à comprendre et répondre aux besoins de leur bébé et en leur donnant confiance dans leurs
compétences mutuelles. Cela permet aux parents de trouver, pas à pas, leur place auprès de l’enfant.
Le vécu émotionnel intense des parents lors de cette naissance particulière reste toutefois un facteur de
risque, parmi d’autres, pour la construction du lien parent–enfant et plus tard pour le développement de
l’enfant.
© 2021 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : Prématurité ; Traumatisme ; Vécu parental ; Réanimation néonatale ; Parentalité ; Lien mère–enfant ;
Interactions parent–enfant

Plan cessus d’attachement, ce qui favorise en réponse la création du


lien mère–enfant [3] . Lors d’un accouchement prématuré, plu-
■ Introduction 1 sieurs facteurs contribuent à rendre cet événement traumatique et
à entraver la création du lien. Pour la mère, il s’agit de l’arrêt brutal
■ Vécu traumatique de la naissance prématurée 1 de la grossesse souvent loin du terme, de l’absence d’anticipation,
Une maternité traumatique 1 de la perte de contrôle, de l’urgence médicale, de la séparation.
Une blessure narcissique intense pour la mère 2 Pour le père, il s’agit de l’inquiétude pour la mère et le bébé, de
Le temps suspendu 2
l’impuissance et de la passivité face à la situation. À cela s’ajoute
■ Construction du lien parent–enfant 2 la peur de la rencontre avec un bébé perçu comme étranger, peu
Une situation à risque pour le lien parent–enfant 2 représentable, petit, immature, dépendant de supports techniques
Le holding de la mère 3 invasifs, dont il est impossible de prendre soin, au sens du care-
Un rôle imprévu pour les pères 3 giving. L’irruption d’un réel insupportable laisse les parents dans
■ Réorganisation psychique 3 un état de choc psychique, qui les jette dans l’effroi et la sidéra-
La rencontre 3 tion, totalement démunis face à leur enfant, et aux prises avec des
Le soin psychique à la mère 3 sentiments d’ambivalence.
Les soins au bébé 3 Est décrit ici ce que vivent les parents dans le contexte d’un
■ Conclusion 4 accouchement très prématuré et de la prise en charge du nouveau-
né dans le service de médecine et de réanimation néonatales d’une
maternité de type III. La situation des enfants qui décèdent spon-
tanément ou à l’issue d’un processus de réorientation des soins
 Introduction de type palliatif, n’est pas évoquée dans cet article, ni celle des
enfants ayant un pronostic neurologique défavorable.
Devenir parent s’accompagne de mouvements psychiques
intenses avec, comme conséquence, un travail de remaniement
identitaire pour la femme comme pour l’homme au croisement
de sa propre histoire infantile et de celle à venir de leur enfant.  Vécu traumatique
Pendant la grossesse, la future mère se trouve dans un état de de la naissance prématurée
transparence psychique qui lui permet de revisiter ses conflits
infantiles et l’enfant qu’elle a été : c’est un événement ordinaire Une maternité traumatique
chez la femme enceinte [1] . L’enfant imaginaire « naît » très tôt
chez chaque être humain, homme ou femme [2] . C’est celui qui La naissance prématurée est traumatique, au sens où elle pro-
alimente les rêveries de la mère, il serait parfait et inaltérable. Le voque une effraction dans le psychisme maternel qui se trouve
plus souvent, lors d’une naissance à terme et sans complications, débordé par l’afflux d’excitations sans possibilité d’intégration.
le nouveau-né en contact immédiat avec sa mère initie le pro- Elle implique l’arrêt du processus de rêverie maternelle autour

EMC - Pédiatrie 1
Volume 41 > n◦ 3 > juillet 2021
http://dx.doi.org/10.1016/S1637-5017(21)43231-X
4-002-N-95  Devenir parent d’un enfant prématuré

de l’enfant à venir, que la naissance se produise à la suite d’une Le temps suspendu


hospitalisation prolongée ou dans un contexte d’urgence avec un
risque vital maternel et/ou fœtal : « le rêve s’est arrêté avec la fin Les parents se trouvent brutalement plongés dans un univers
de la grossesse », nous dit une mère de jumeaux. Après une césa- hautement technique, celui de la réanimation néonatale, très
rienne pour prééclampsie, une autre nous dit : « J’ai été privée des sonore, anxiogène, leur rappelant que la vie de leur enfant, né
sensations de donner la vie, de voir la réaction de mon mari. Il extrême prématuré, est suspendue à un fil. « Le temps est sus-
m’a manqué une étape, j’aurais aimé ces moments, ces premiers pendu ici, le temps passe très vite alors que je ne fais rien », dit
instants qui suivent l’accouchement. » La naissance prématu- une mère lors du séjour de son bébé. Le décalage entre l’enfant réel
rée provoque généralement chez elles « l’effroi (qui) dénomme et l’enfant imaginaire et les angoisses de mort provoquent sou-
l’état dans lequel on tombe quand on court un danger sans y vent un déplacement du regard et de l’attention parentale vers les
être préparé, mettant l’accent sur l’effet de surprise » [4] . C’est écrans de surveillance des paramètres vitaux. Le développement
la maternité elle-même qui devient traumatique [5] . Les parents d’une économie de la perception est une manière de lutter contre
de bébés prématurés présentent des symptômes de stress post- le vide psychique [13] . La préoccupation médicale primaire vient
traumatique significativement plus fréquents que les parents de remplacer la préoccupation maternelle primaire qui permet habi-
nouveau-nés à terme. Cela semble être en lien, pour les mères, tuellement à la mère d’assurer les besoins physiologiques et de
avec l’accouchement prématuré lui-même et pour les pères, avec contribuer à la sécurité interne de son enfant [8, 11] .
la gravité du risque périnatal [6] . Face à une telle situation, vécue comme particulièrement
Les mères ressentent une intense frustration liée à l’interruption angoissante, la mère se trouve prise dans un dilemme motivation-
de l’expérience physique de la grossesse, alors que les mouvements nel qui s’avère très désorganisateur [14] . Il consiste soit à fuir pour se
fœtaux étaient perçus parfois depuis peu. Cela peut à l’extrême protéger, au risque de délaisser son bébé, soit à rester pour le soute-
créer un sentiment d’irréalité de l’accouchement. Deux jours après nir et ainsi s’exposer soi-même. Il serait probablement l’expression
la naissance de son bébé, une mère nous dit : « Je réalise seulement de l’ambivalence de la mère à l’égard de ce bébé si peu gratifiant,
là, ce qui s’est passé. Je ne peux pas annoncer cette naissance. Il dont on lui dit qu’il est sien, mais qui est objet des soignants et
n’est “pas sécurisé”. Je m’en veux de ne pas me dire qu’il est né... ne fait pas d’elle une véritable mère. « C’est très dur de venir ici
j’ai eu très peur qu’il sorte à cause des séquelles. Je tremblais et car on a toujours l’impression que le bébé est sur le point de mou-
puis on m’a fait une anesthésie générale, j’avais très froid, comme rir », disait une mère. Le risque d’effondrement psychique est réel,
si je faisais une syncope, du coup je n’ai pas vécu l’accouchement, induisant de manière réactionnelle inconsciente, pour survivre,
je n’ai pas l’impression d’être une maman. » le recours à des mécanismes de défense plus ou moins archaïques
L’interruption brutale de la grossesse et la rencontre avec un (comme le clivage, le déni, la projection, le retrait, la fuite) ou plus
être fragile renvoient à l’inquiétante étrangeté [7] . Une mère nous adaptés (comme l’intellectualisation, l’humour).
confie : « Il me fait peur. Ça me fait peur la situation, tout ça...
Ce n’est pas un vrai bébé. Il n’est pas fini. Je pensais qu’il serait
encore plus moche, là je le trouve plutôt mignon. J’arrive à lui  Construction du lien
parler. Je l’appelle mon lapin. » Les parents sont en difficulté
pour reconnaître leur bébé comme étant humain tellement ils parent–enfant
sont impressionnés par sa petitesse, qui renvoie au fœtus dans cer-
tains cas. « Il ne ressemble à rien, c’est une crevette », disait une Une situation à risque pour le lien
autre mère. Ils sont effrayés par sa fragilité, par sa peau fine, par- parent–enfant
fois presque translucide. Ils ont peur de le casser s’ils le touchent.
Comment ce bébé peut-il « fabriquer de la mère » ? [8] . Comment Le bébé prématuré ne dispose pas des mêmes capacités physio-
peut-il s’inscrire dans la lignée familiale et remplir le « mandat logiques qu’un nouveau-né à terme pour réagir dans l’interaction.
transgénérationnel » [9] . Il est décrit comme moins actif dans la relation du fait de son
immaturité physiologique. De plus, le bébé est soumis à un excès
de stimulations sensorielles liés aux soins plus ou moins inva-
sifs. Il est désormais établi que ces bébés ressentent la douleur et
Une blessure narcissique intense pour la mère y réagissent. L’immaturité se situe non pas au niveau des voies
de conduction nerveuses mais au niveau des systèmes inhibiteurs
La prématurité psychique suscite de nombreux sentiments par- de la douleur [15] . Le bébé vivrait « comme perdu dans une éter-
fois contradictoires [10] . L’angoisse est majeure face à la situation nité de douleur » [16] . Ce vécu corporel ressenti par le bébé dans
médicale critique des premiers jours ou semaines de vie : la culpa- l’incubateur le fatigue à l’extrême et le rend moins alerte. Ses
bilité et la honte sont souvent très prégnantes : « Je n’ai pas périodes de sommeil sont très longues et on observe que le bébé a
rempli mon rôle de mère pour protéger mon bébé » peuvent dire parfois recours au retrait relationnel comme ultime rempart aux
ces mères, et encore, « je ne supporte pas qu’on me félicite de sensations douloureuses [17] . La spirale transactionnelle a du mal
cette naissance, alors que je n’ai pas été capable de le garder dans à s’enclencher entre les différents partenaires interactifs [18] .
mon ventre. » Le fait de ne pas honorer la dette de vie vient L’hospitalisation du bébé crée une parentalité fragile. En effet,
majorer la détresse maternelle car la nouvelle mère peut pen- donner la vie et la protéger, ce qui constitue l’essence-même de
ser qu’elle n’a pas su faire aussi bien (ou mieux) que sa propre la fonction parentale, est bouleversé par la menace de mort qui
mère (et que toutes les autres femmes) [1] . « Je ne supporte pas pèse sur le bébé. L’équipe tout entière, qui s’engage dans cette
de voir une femme enceinte avec un gros ventre », disent cer- lutte pour la vie vient, pour un certain temps, prendre le relais
taines, très blessées narcissiquement. Les mères sont submergées de la fonction parentale. Car les parents se perçoivent souvent
par leurs propres angoisses catastrophiques. L’une d’elle disait comme dépossédés de leur rôle nourricier et protecteur, impuis-
ainsi : « J’ai l’impression d’être actrice dans une série médicale sants, inutiles, et projettent sur les soignants des sentiments de
comme Urgences ». toute-puissance [10] . Les mères peuvent notamment se trouver en
La naissance prématurée induit, pour la mère, de nombreux difficulté pour exercer leur appareil à penser, qui assure en temps
deuils à faire : le deuil de la fin de la grossesse, le deuil d’une normal une contenance et une transformation des vécus bruts du
naissance « normale », le deuil d’un enfant « parfait » [11] . Dans bébé en éléments pouvant avoir un sens pour lui [19] .
ce contexte, les nouveaux parents se trouvent en difficulté pour Dans les premiers jours se distingue un premier mouvement
annoncer cette naissance à leur entourage. La nouvelle mère ne d’identification à leur enfant, qui doit subir les soins doulou-
peut s’accorder le statut de mère « satisfaisante » sur le plan conju- reux, et aux soignants dans leur rôle protecteur éventuellement
gal, familial, amical ou social. L’enfant réel est bien éloigné de très idéalisé. Lorsque le danger vital pour le bébé est écarté, on
l’enfant imaginaire « tricoté » pendant la grossesse [12] . Ainsi, une peut observer une rivalité souvent teintée d’agressivité, dépla-
mère confiait : « Je n’avais jamais vu un si petit bébé. Je ne voyais cée sur les soignants car elle ne peut être adressée à leur bébé.
rien, j’étais tellement sonnée, j’avais peur de le voir. On le regar- Ce deuxième mouvement permettrait de différencier progressi-
dait maladroitement, avec méfiance avec mon mari... » vement fonction parentale et fonction médicale. Le troisième

2 EMC - Pédiatrie
Devenir parent d’un enfant prématuré  4-002-N-95

mouvement s’observerait lors de la sortie à domicile de l’enfant, à La rencontre


partir de laquelle les parents se réapproprieraient complètement
leur fonction parentale [20] . Tout d’abord, la rencontre physique avec le bébé notamment
lors du premier « peau à peau » apparaît comme primordiale.
« Je ne saurais comment l’exprimer, mais cela fait un bien fou »,
Le holding de la mère disait une mère. Le contact physique avec le bébé permettrait
ainsi d’évacuer le sentiment d’inquiétante étrangeté et d’amorcer
De fait, il apparaît important de réaliser un holding de la mère, la prise de conscience de leur nouveau statut de mère : « le bébé
au sens de Winnicott, à travers la communication et une relation crée la mère » [8] . De fait, les soignants proposent de mettre le bébé
stable avec un interlocuteur privilégié pour favoriser son entrée en « peau à peau » avec sa mère chaque fois que son état de santé
en relation avec son bébé [21] . En effet, dans leurs interactions le permet. De même, l’allaitement maternel, quand les mères le
avec leur bébé, les mères sont décrites comme plus actives que les souhaitent, et la participation aux soins (change de couche et
mères d’enfants nés à terme, plus stimulantes, voire intrusives, toilette) contribuent à la constitution de l’identité parentale, en
cherchant de manière anxieuse une réponse de la part de leur particulier à un début de restauration narcissique. Afin de se sen-
bébé. Au contraire, d’autres peuvent sembler plus inhibées, en tir compétente pour protéger son bébé, la mère doit trouver une
retrait dans la relation à l’enfant [22, 23] . L’accès à un soignant réfé- place spécifique auprès de lui et les soignants ont une influence
rent durant la période d’hospitalisation du bébé permettrait ainsi majeure [27] . Ils aident progressivement les parents à s’approprier
à la mère de se constituer une base de sécurité, et de développer cette identité, jouant, au début de l’hospitalisation du bébé, le rôle
un sentiment de compétence parentale [24] . La mère s’identifierait de tiers pesant, pour évoluer ultérieurement vers une position de
ainsi à la soignante, substitut maternel idéalisé, pour « en assimiler tiers plus léger [36] .
un aspect, une propriété, un attribut et se transformer, totalement
ou partiellement, sur le modèle de celle-ci » [25, 26] . Contrairement
à une naissance à terme, la parentalité se construirait ainsi au Le soin psychique à la mère
sein d’une triade parents–bébé–soignants et sous le regard des
soignants [27] . Le soin psychique permet en parallèle, et de manière complé-
mentaire, un travail de mise en mots de ce réel éprouvant, de
symbolisation des événements vécus, pour que ceux-ci puissent
Un rôle imprévu pour les pères s’inscrire dans l’histoire de la famille. Pour certaines mères, le
premier entretien, en chambre en maternité, hors de la présence
Il se produit, pour les deux parents, un processus de « paren- de l’enfant, leur permet d’exprimer l’ambivalence de leurs senti-
talisation » accélérée. Les pères, comme les mères, éprouvent de ments à l’égard de ce bébé qui ne fait pas d’elles une véritable mère.
l’anxiété, du désarroi, un sentiment d’impuissance, et sont très Elles se disent ensuite partiellement soulagées de ne pas se sentir
inquiets durant l’hospitalisation de leur bébé [28, 29] . Ils le sont totalement « mauvaise mère » [11] . Pour d’autres, qui ne peuvent se
aussi pour leur compagne qu’ils découvrent très effractée et se saisir de cet espace de parole, les pensées qui les envahissent sont
sentent parfois impuissants à contenir ses débordements émotion- tues, non reconnues, voire déniées. Le travail d’élaboration de la
nels. « Mon mari ne supporte pas que je pleure », disait une mère. culpabilité, dans le cadre des entretiens de soutien, est souvent
Peu d’entre eux s’autorisent à évoquer ce que la situation leur fait long et difficile et peut aboutir à des mouvements de réparation
vivre et à partager ce vécu avec la mère, qui peut alors se sentir iso- plus ou moins intenses. Ils sont décelables, notamment à travers
lée [6] . La perception de leur rôle est le plus souvent de tenir coûte une présence maternelle quotidienne, du matin au soir ou un
que coûte pour ne pas s’effondrer, sans faire part de leurs émo- allaitement très investi malgré les fortes contraintes matérielles
tions, pour soutenir la dyade mère–bébé [30] . Pour certains pères, et horaires.
il est important de comprendre l’environnement technique dans
lequel se trouve leur bébé, dans une tentative de contrôler quelque
chose d’une situation incontrôlable [31] . Les soins au bébé
Lors d’une naissance prématurée, le père assumerait un rôle L’accent porté sur les compétences du bébé et les soins cen-
imprévu : il serait propulsé en première ligne et assurerait la liai- trés sur l’enfant, qui sont au cœur des objectifs poursuivis par
son psychique entre la mère et l’enfant, en s’appuyant sur les les équipes soignantes, font prendre conscience aux parents de
équipes médicales [32] . Le père serait également partenaire de la l’individualité de leur enfant en tant que sujet s’exprimant. Peu
santé psychique de la mère : la sortie du traumatisme semble à peu, le bébé parvient à réagir pendant les soins et à interagir
plus rapide chez les pères qui assumeraient leur responsabilité avec les soignants. Ceux-ci peuvent alors guider les parents dans la
paternelle et par là-même dégageraient les mères de leur sen- compréhension du comportement du bébé. La difficulté consiste
timent de défaillance et de culpabilité. Cela mettrait moins en notamment à considérer les moments d’échange mère–bébé,
péril l’instauration du lien mère–enfant [33] . Il est important pour père–bébé, sous l’angle du bénéfice que peut en retirer prioritai-
la mère d’avoir un accompagnant, de ne pas rester seule [34] . Il rement le bébé, compte tenu de son état de santé ou de fatigue.
existe également une complémentarité du rôle du père et de la Ainsi, à certains moments, le soignant se fait le porte-parole de
mère : les pères sembleraient moins vulnérables psychologique- l’enfant et exprime aux parents son besoin de dormir, de ne pas
ment à l’événement de la naissance prématurée que les mères et être sollicité, malgré leur désir bien compréhensible de vouloir le
pourraient ainsi faciliter la rencontre mère-bébé en adoptant une rencontrer. Cela constitue un véritable travail d’accordage affectif
position active [6] . Les pères seraient prêts à initier la relation avec que les parents découvrent au fur et à mesure, et qui s’effectue
leur bébé alors que les mères auraient besoin de plus de temps pour toujours en présence d’un tiers soignant [37] . Cette présence cons-
s’ajuster à cette naissance prématurée [33] . Ainsi, le père endosse tante est parfois pénible à vivre pour eux en fin d’hospitalisation.
le rôle de passeur de vie et réalise un pont de vie [30] . Le contact En effet, les parents souhaitent ardemment, voire revendiquent,
« peau à peau » aide notamment les pères à dépasser le choc et à d’être considérés comme étant autonomes, responsables et plei-
investir leur nouveau statut [32, 35] . nement capables de comprendre ce qui est bon pour leur enfant.

 Réorganisation psychique  Conclusion


Le suivi des familles pendant le temps de l’hospitalisation (entre La naissance prématurée, qui constitue un traumatisme dans
2 et 5 mois) nous permet d’observer le plus souvent une réorga- la littérature scientifique, n’est donc pas sans conséquence sur la
nisation psychique chez la mère. Passée la première période de construction du lien parent–enfant, notamment en raison du vécu
sidération, plusieurs facteurs participent à la remise en marche de émotionnel intense lors de l’hospitalisation. D’ailleurs, l’intensité
leur capacité d’élaboration de l’événement, pour « s’adapter » à du vécu maternel, lors de la période d’hospitalisation de son
cette nouvelle situation. enfant, n’est pas corrélée à la complexité du parcours médical [38] .

EMC - Pédiatrie 3
4-002-N-95  Devenir parent d’un enfant prématuré

De plus, les inquiétudes parentales demeurent par rapport au [15] Hamon I. Voies anatomiques de la douleur chez les prématurés. Arch
développement de l’enfant durant ses premières années de vie, car Pediatr 1996;10:823–35.
un suivi neurodéveloppemental est institué jusqu’à l’âge de 7 ans. [16] Gauvain-Piquard A. Quand c’est un bébé qui a mal. In: L’enfant malade
Aucune situation de prématurité ne doit être considérée comme et son corps. Toulouse: Privat; 1997. p. 9–10.
banale. Elle influence toujours la relation précoce mère–enfant, [17] Vanier C. Naître prématuré : le bébé, son médecin et son psychanalyste.
père–enfant et la qualité du lien. La séparation initiale n’empêche Paris: Bayard; 2013.
pas l’instauration du besoin d’attachement du tout-petit car celui- [18] Lamour M, Lebovici S. Les interactions du nourrisson avec ses parte-
ci est inné, et s’établit sur plusieurs mois après la naissance [14] , naires. Psychiatrie Enf 1991;34:171–275.
mais les modalités d’attachement dépendent des réponses de son [19] Bion WR. Aux sources de l’expérience. Paris: PUF; 1979.
[20] Mejia C. La scène médicale : à propos du traumatisme parental lors
environnement. Le vécu maternel traumatique pourrait, en parti-
d’une naissance prématurée. Psychiatrie Enf 2002;45:411–35.
culier, perturber l’adéquation de la réponse de la mère au besoin
[21] Batista Pinto E. Le bébé prématuré, les enjeux de la parentalité. In:
de sécurité affective du bébé qui à son tour retentirait sur les Solis-Ponton L, editor. La Parentalité. Paris: PUF; 2002. p. 237–95.
modalités d’attachement de l’enfant. Ainsi, l’expérience vécue de [22] Chapieski M-L, Evankovich K-D. Behavioral effects of prematurity.
la prématurité suscite, depuis quelques années, de nombreuses Semin Perinatol 1997;21:221–39.
études visant à qualifier ces différentes modalités [39–43] . [23] Minde KK, Trehub S, Corter C, Boukydis C, Celhoffer L, Martin
P. Some determinants of mother-infant interactions in the premature
nursery. J Am Acad Child Psychiatry 1980;19:1–21.

“ Points essentiels [24] Lahouel-Zaier W. Impact de l’hospitalisation périnatale sur le lien


d’attachement entre le bébé et sa mère. Devenir 2017;29:27–77.
[25] Méro S. La prématurité... d’une rive à l’autre. Enfance Psy
2014;64:24–34.
La naissance prématurée d’un enfant constitue pour les [26] Laplanche J, Pontalis J-B. Vocabulaire de la psychanalyse. Paris: PUF;
nouveaux parents une épreuve à risque pour l’instauration 1998.
du lien et elle ne se résume pas uniquement à son évo- [27] Tombeur M. Le soignant tiers dans la construction du lien parent-bébé
lution médicale. Le vécu psychologique de chacun des prématuré hospitalisé. Cah Psychol Clin 2007;28:221–38.
parents, pendant l’hospitalisation de l’enfant, doit être pris [28] Goutaudier N, Mansour M, Chabrol H. Prématurément père : étude
exploratoire du vécu dans les premières semaines suivant la naissance.
en compte afin de soutenir la construction de leur iden-
J Pédiatr Puéricult 2013;26:151–6.
tité de père et mère, et de réduire l’impact traumatique de [29] Hollywood M, Hollywood E. The lived experiences of fathers of a
cette naissance particulière sur leur relation à l’enfant. premature baby on a neonatal intensive care unit. J Neonat Nurs
2011;17:32–40.
[30] Ireland J, Khashu M, Cescutti-Butler L, van Teijlingen E, Hewitt-
Taylor J. Experience of fathers with babies admitted to neonatal
care units: a review of the literature. J Neonatal Nurs 2016;22:
171–6.
Déclaration de liens d’intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de liens [31] Guillaume S, Michelin N, Amrani E, Benier B, Durrmeyer X, Lescure
d’intérêts en relation avec cet article. S, et al. Parents’ expectations of staff in the early bonding process
with their premature babies in the intensive care setting: a qualitative
multicenter study with 60 parents. BMC Pediatr 2013;13:18.
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premature fathers: a qualitative study. J Neonat Nurs 2016;22:244–9.
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quée. Paris: Gallimard; 1919 traduction de 1976. [39] Borghini A, Müller-Nix C. Destins de la parentalité suite à la naissance
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raître comme maltraitante à la mère. In: Grosclaude M, editor. L’enfant met F. Risques périnataux et difficultés d’attachement. Contraste
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4 EMC - Pédiatrie
Devenir parent d’un enfant prématuré  4-002-N-95

S. Noto, Psychologue clinicienne (simone.noto@aphp.fr).


F. Cautru, Psychologue clinicienne.
Service de médecine et réanimation néonatales de Port-Royal, Hôpitaux universitaires Paris Centre, AP–HP, 23, boulevard de Port-Royal, 75679 Paris cedex
14, France.
P.-H. Jarreau.
Service de médecine et réanimation néonatales de Port-Royal, Hôpitaux universitaires Paris Centre, AP–HP, 23, boulevard de Port-Royal, 75679 Paris cedex
14, France.
Faculté de médecine, Université de Paris, Inserm, Équipe de recherche en épidémiologie obstétricale, périnatale et pédiatrique (EPOPé), Centre d’épidémiologie
et statistique (UMR 1153), Paris, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Noto S, Cautru F, Jarreau PH. Devenir parent d’un enfant prématuré. EMC - Pédiatrie 2021;41(3):1-5
[Article 4-002-N-95].

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EMC - Pédiatrie 5
 4-002-R-26

Incompatibilités plaquettaires
maternofœtales
G. Bertrand

Résumé : Les thrombopénies fœtales et néonatales allo-immunes, équivalents plaquettaires de la mala-


die hémolytique du nouveau-né, ne sont pas des évènements rares. En cas de thrombopénie sévère, la
survenue d’hémorragie intracrânienne (HIC) altère le pronostic avec risque de décès ou séquelles neurolo-
giques graves. En l’absence de dépistage des femmes à risque en France, l’allo-immunisation maternelle
est diagnostiquée à la suite de signes cliniques survenant au cours de la grossesse ou chez le nouveau-né.
La prise en charge thérapeutique du cas index et des grossesses futures dépend du diagnostic biologique
amélioré par le développement de techniques de laboratoire de plus en plus sensibles et fiables.
© 2021 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : Thrombopénie fœtale/néonatale ; Allo-immunisation fœto-maternelle plaquettaire ;


Human Platelet Antigen (HPA) ; Hémorragie intracrânienne ; Génotypage plaquettaire ; MAIPA

Plan retardé, j+7 à j+10 après la naissance. Les conséquences délétères


de la thrombopénie sévère sont les hémorragies notamment intra-
■ Introduction 1 crâniennes à l’origine de décès ou de séquelles neurologiques.
Cet article est consacré plus particulièrement à la physio-
■ Physiopathologie 1 pathologie de l’allo-immunisation fœto-maternelle plaquettaire
■ Antigènes plaquettaires impliqués 2 (AIFMP), l’auto-immunité maternelle ne devant toutefois pas être
■ Diagnostic clinique 2 ignorée lors du diagnostic biologique.
■ Diagnostic biologique 3
■ Stratégies thérapeutiques 5
■ Prise en charge des grossesses à risque 6  Physiopathologie
■ Conclusion 7
L’AIFMP résulte de la production d’allo-anticorps maternels
■ Annexe A. Cas clinique 7
dirigés contre les antigènes plaquettaires fœtaux d’origine pater-
nelle absents chez la mère (nomenclature HPA : Human Platelet
Antigen [4] ) (Fig. 1). Les mécanismes de l’immunisation maternelle
sont encore mal connus. À la différence de la maladie hémo-
 Introduction lytique du nouveau-né, l’AIFMP peut survenir dès la première
grossesse [5] . Il a été observé que le syncytiotrophoblaste exprime
La thrombopénie, définie comme un compte plaquettaire infé- la chaîne ␤3 de l’intégrine ␣2 ␤3 (également appelée GPIIIa) [6] qui
rieur à 150 × 109 /l, est l’un des désordres hémorragiques les plus porte à sa surface plusieurs antigènes HPA parmi lesquels HPA-1.
courants pendant la période néonatale, un tiers des nouveau-nés Ce tissu d’origine fœtale est en contact direct avec la circulation
admis en soins intensifs sont thrombopéniques [1] , et près de 1 % sanguine maternelle, et il joue donc un rôle important dans l’allo-
en maternité [2] . Chez les prématurés, la numération plaquettaire immunisation survenant vis-à-vis d’antigènes plaquettaires. Le
normale doit être appréciée en fonction du terme [3] . terrain immunogénétique maternel est impliqué au moins dans
La thrombopénie est considérée comme sévère lorsque la numé- l’allo-immunisation contre l’antigène HPA-1a (le plus fréquem-
ration plaquettaire est inférieure à 50 × 109 /l. ment en cause chez les Caucasiens). En effet, cette immunisation
Parmi les étiologies de ces thrombopénies, les causes non est spécifiquement médiée par les molécules HLA-DRB3*01:01 et
immunes sont les plus fréquentes (thrombopénies constitution- HLA-DRB4*01:01 [7–9] .
nelles, ou acquises mais non immunes telles que l’hypoxie, les Il est particulièrement important de connaître les antécédents
infections, ou la coagulation intravasculaire disséminée [CIVD]). obstétricaux lors de l’enquête diagnostique, les fausses-couches
Les thrombopénies immunes sont de deux types : allo-immunes précoces et interruptions de grossesse contribueraient à la stimu-
ou auto-immunes. La thrombopénie allo-immune (fréquence lation de l’immunisation maternelle [10] .
dans la population caucasienne de 1 cas pour 800 à 1000 nais- La thrombopénie fœtale survient principalement au cours du
sances) présente dès les premières heures de vie est plus sévère que deuxième trimestre de la grossesse [11] ; elle peut toutefois être
celle due à l’auto-immunité maternelle dont le nadir est souvent observée plus tôt pendant la grossesse. La gravité de l’atteinte

EMC - Pédiatrie 1
Volume 0 > n◦ 0 > xxx 2020
4-002-R-26  Incompatibilités plaquettaires maternofœtales

anti-HPA-5b entraînant souvent des thrombopénies moins pro-


fondes.
Malgré l’identification relativement fréquente d’incompati-
bilités fœto-maternelles dans le système HPA-15, les allo-anticorps
Allo-anticorps anti-HPA anti-HPA-15a ou b ne sont que très rarement identifiés, peut-
maternels
être en raison de la dégradation très rapide des molécules CD109
à la surface des plaquettes ex vivo. Les autres antigènes HPA
Plaquettes fœtales sont considérés comme de faible fréquence, ou bien privés car
portant les antigènes identifiés chez un seul individu (à l’origine de la découverte des
hérités du pére allo-anticorps).
Les fréquences d’allo-immunisation sont naturellement à
mettre en rapport avec la fréquence des antigènes plaquettaires
Plaquettes fœtales
détruites
variable selon les populations [15, 16] . Ainsi l’allo-immunisation
anti-HPA-4b est plus fréquente dans les populations asiatiques [17] .

Molécules HLA (Human Leukocyte Antigen)


Le rôle causal des allo-anticorps anti-HLA maternels dans la
thrombopénie néonatale est débattu [18, 19] . Récemment, une
étude norvégienne a apporté des arguments en faveur d’un pos-
sible rôle des anticorps anti-HLA en démontrant que ceux-ci
reconnaissent des épitopes exprimés par le fœtus et hérités du
père [20] .

Figure 1. Mécanisme de l’allo-immunisation fœto-maternelle plaquet-


taire (dessin : F. Ruquoy).
Thrombopénies et allo-immunisation
antigroupes sanguins A ou B
fœtale (mort fœtale in utero, hémorragies intracrâniennes [HIC]) Les glycosylations présentes à la surface des glycoprotéines
et son aggravation lors des grossesses successives impliquent une plaquettaires sont similaires aux antigènes érythrocytaires A et
prise en charge spécifique des grossesses à risque. B. En cas d’incompatibilité fœto-maternelle A et/ou B, les allo-
L’intensité de la thrombopénie fœtale/néonatale résulterait de anticorps maternels développés pendant la grossesse peuvent
plusieurs facteurs dont : traverser la barrière placentaire et se fixer spécifiquement sur
• le transfert actif transplacentaire des allo-anticorps IgG : en les glycoprotéines plaquettaires, provoquant ainsi la destruc-
place dès 13 semaines d’aménorrhée (SA), il dépend des récep- tion des plaquettes fœtales, à l’origine de thrombopénies parfois
teurs Fc fœtaux (FcRn) avec une affinité différentielle suivant sévères [21, 22] .
les sous-classes d’IgG et les polymorphismes de ceux-ci [12] ;
• l’opsonisation des plaquettes fœtales par ces allo-anticorps,
conduisant à la destruction des plaquettes par le système réticu- Cas particulier des iso-immunisations anti-GP
loendothélial. Elle serait modulée par les glycosylations de ces
anticorps [13] . Dans le cas particulier d’un déficit constitutionnel en GP,
l’absence d’expression de la molécule peut engendrer une
iso-immunisation maternelle dirigée contre les GP d’origine pater-
nelle des plaquettes fœtales. Il s’agit généralement de déficits
 Antigènes plaquettaires constitutionnels entraînant un déficit d’expression des glyco-
impliqués protéines GPIIb/IIIa (thrombasthénie de Glanzmann), GPIbIX
(syndrome de Bernard-Soulier), ou CD36 (GPIV) chez les sujets
Antigènes HPA (Human Platelet Antigen) africains ou asiatiques [23] .

Les antigènes plaquettaires impliqués sont présents sur les gly-


coprotéines membranaires (Fig. 2) : GPIIbIIIa (également appelé
intégrine ␣IIb␤3 , fortement exprimée sur les plaquettes [50 000 à  Diagnostic clinique
80 000 copies] et récepteur du fibrinogène), GPIb-V-IX (récepteur
du facteur de von Willebrand), GPIaIIa (récepteur du colla- La thrombopénie fœtale est révélée le plus souvent par des ano-
gène) et le CD109 (protéine à ancrage GPI). Comme évoqué malies à l’échographie fœtale (HIC, dilatation des ventricules).
précédemment, la chaîne ␤3 est également exprimée sur le syn- En cas d’interruption thérapeutique de grossesse, il est très impor-
cytiotrophoblaste sous la forme d’un complexe avec la chaîne tant d’effectuer une numération plaquettaire fœtale permettant
␣V . Des polymorphismes génétiques situés sur les gènes codant d’orienter le diagnostic, et si possible de conserver du matériel
pour ces protéines entraînent un changement d’acide aminé à biologique fœtal pour le diagnostic biologique. Le diagnostic de
l’origine des antigènes plaquettaires HPA (excepté pour l’antigène thrombopénie néonatale allo-immune est suspecté lorsque les
HPA-14bw qui résulte d’une délétion de 3 nucléotides). À ce jour, autres causes de thrombopénies sont exclues. Un examen cli-
on compte 41 antigènes HPA (Tableaux 1, 2), l’allèle « a » étant le nique attentif ne relève pas d’infection, d’hépatosplénomégalie,
plus fréquent parmi la population caucasienne. d’anomalie du squelette, de dysmorphie en rapport avec une
L’antigène HPA-1a chez les Caucasiens est responsable de la anomalie chromosomique. En dehors des signes hémorragiques,
majorité de cas de thrombopénies néonatales allo-immunes (85 % l’enfant est « bien portant », et la thrombopénie est isolée.
des cas d’allo-immunisation [14] ). Les femmes HPA-1bb ne repré- La thrombopénie peut rester asymptomatique et se révéler par
sentent que 2 % de la population ; cependant plus de 90 % d’entre la seule présence de pétéchies ou d’un purpura. La thrombo-
elles s’immunisent contre l’antigène HPA-1a au cours de leur gros- pénie allo-immune s’aggrave lors des grossesses successives en
sesse, et constituent un groupe à haut risque. Les autres antigènes l’absence de traitement anténatal ; les cas les plus sévères touchent
fréquemment retrouvés sont HPA-3 et HPA-5. Les thrombopénies généralement des femmes multigestes, même s’il a été rapporté
les plus sévères sont généralement observées en présence d’allo- dans la littérature quelques cas d’HIC chez des femmes primi-
immunisations anti-HPA-1a ou HPA-3a, les allo-immunisations pares/primigestes [5] .

2 EMC - Pédiatrie
Incompatibilités plaquettaires maternofœtales  4-002-R-26

GPllla GPllbα
HPA – 4 Site de fixation du fibrinogène
GPllb / llla Arg/Gln143
αllb β3 HPA – 17w Ca++ Site de fixation du RGD
CD61 / CD41 Thr/Met145

HPA – 16w Ca++


Thr/Ile140
HPA - 7
Pro/Ala407 Ca++

HPA - 6 Ca++
HPA – 10
Arg/Gln489
Arg/Gln62
HPA – 9
HPA – 14w HPA – 1 Val/Met837
Leu/Pro33
Lys611 HPA – 8 HPA – 11w
deletion Arg/Cys636 Arg/His633 GPIIbα
HPA – 3
Ile/Ser843

COOH COOH

Site de fixation du collagène :


Domaine I

GPla / lla HPA-5


S
VLA - 2 S Glu/Lys505
α2 β1
S
CD49b / CD29 HPA-18w
SS
Gln/His716
S
HPA-13w
Thr/Met799

GPIIa GPla

COOH COOH

HPA – 2 Site de fixation du facteur de von


GPlbα GPIbα Willebrand et de la thrombine
Thr/Met145
GPlb / IX / V Polymorphisme de poids moléculaire
CD42 (VNTR)
GPV
HPA – 12w
Gly/Glu15

GPlX GPIbβ GPlbβ


GPIX

Action-binding protein

Figure 2. Principaux complexes glycoprotéiques plaquettaires, et antigènes plaquettaires (autorisation de reproduction : Lucy Studholme, NIBSC, Royaume-
Uni).

 Diagnostic biologique cause (génotypage plaquettaire) et sa présence chez le fœtus ou le


nouveau-né, ce qui implique le génotypage obligatoire de ce der-
Le diagnostic biologique n’est affirmé que sur la mise en nier. En raison des difficultés qui peuvent être rencontrées dans ce
évidence de l’allo-anticorps maternel spécifiquement antiplaquet- diagnostic, les examens doivent être réalisés dans un laboratoire
taire (méthodes sérologiques), et l’identification de l’antigène en spécialisé dans le domaine.

EMC - Pédiatrie 3
4-002-R-26  Incompatibilités plaquettaires maternofœtales

Tableau 1.
Nomenclature HPA (Human Platelet Antigen). Antigènes plaquettaires couramment impliqués dans des cas d’allo-immunisations.
Système Antigène Glycoprotéine Changement de Acide aminé modifié Références
nucléotide (protéine mature)
HPA-1 HPA-1a GPIIIa 176T>C L33P Newman et al., J Clin Invest (1989)
HPA-1b
HPA-2 HPA-2a GPIba 482C>T T145M Kuijpers et al., J Clin Invest (1992)
HPA-2b
HPA-3 HPA-3a GPIIb 2621T>G I843S Lyman et al., Blood (1990)
HPA-3b
HPA-4 HPA-4a GPIIIa 506G>A R143Q Wang et al., Proc Jap Academy (1991)
HPA-4b Wang et al., J Clin Invest (1992)
HPA-5 HPA-5a GPIa 1600G>A E505K Santoso et al., J Clin Invest (1993)
HPA-5b Kalb et al., Thromb Haemost (1994)
Simsek et al., Br J Haematol (1994)
HPA-15 HPA-15a CD109 2108C>A S682Y Schuh et al., Blood (2002)
HPA-15b

Tableau 2.
Nomenclature HPA (Human Platelet Antigen). Antigènes plaquettaires rares.
Antigène Glycoprotéine Changement de nucléotide Acide aminé modifié Références
(protéine mature)
HPA-6b GPIIIa 1544G>A R489Q Wang et al., Blood (1993)
HPA-7b GPIIIa 1297C>G P407A Kuijpers et al., Blood (1993)
HPA-8b GPIIIa 1984C>T R636C Santoso et al., J Biol Chem (1994)
HPA-9b GPIIb 2602G>A V837M Noris et al., Blood (1995)
HPA-10b GPIIIa 263G>A R62Q Peyruchaud et al., Blood (1997)
HPA-11b GPIIIa 1976G>A R633H Simsek et al., Br J Haematol (1997)
HPA-12b GPIbb 119G>A G15E Sachs et al., Blood (2000)
HPA-13b GPIa 2483C>T T799M Santoso et al., Blood (1999)
HPA-14b GPIIIa 1909 1911delAAG K611del Santoso et al., Blood (2002)
HPA-16b GPIIIa 497C>T T140I Jallu et al., Blood (2002)
HPA-17b GPIIIa 662C>T T195M Stafford et al., Transfusion (2008)
HPA-18b GPIa 2235G>T Q716H Bertrand et al., Transfusion (2009)
HPA-19b GPIIIa 487A>C K137Q Peterson et al., Transfusion (2009)
HPA-20b GPIIb 1949C>T T619M Perterson et al., Transfusion (2009)
HPA-21b GPIIIa 1960G>A E628K Peterson et al., Transfusion (2009)
HPA-22b GPIIb 584A>C K164T Peterson et al., Transfusion (2012)
HPA-23b GPIIIa 1942C>T R622W Peterson et al., Transfusion (2012)
HPA-24b GPIIb 1508G>A S472N Jallu et al., Transfusion (2011)
HPA-25b GPIa 3347C>T T1087M Kroll et al., Transfusion (2011)
HPA-26b GPIIIa 1818G>T K580N Sachs et al., Thromb Haemost (2012)
HPA-27b GPIIb 2614C>A L841M Jallu et al., Transfusion (2013)
HPA-28b GPIIb 2311G>T V740L Poles et al., Transfusion (2013)
HPA-29b GPIIIa 98C>T T7M Sullivan et al., Transfusion (2015)
HPA-30b GPIIb 2511C>C I843S Wihadmadyatami et al., Transfusion (2015)
HPA-31b GPIX 368C>T P123L Jallu et al., J Thromb Haemost (2017)
HPA-32b GPIIIa 521A>G N174S Sullivan et al., Transfusion (2017)
HPA-33b GPIIIa 1373A>G D458G Poles et al., Transfusion (2018)
HPA-34b GPIIIa 349C>T R91W Bertrand et al., Transfusion (2018)
HPA-35b GPIIIa 1514A>G R479H Bertrand et al., Transfusion (2019)

Sérologie premièrement vis-à-vis d’un panel de plaquettes de donneurs de


groupe O dont le typage plaquettaire est connu et, deuxièmement,
Le dépistage et l’identification des anticorps antiplaquettaires vis-à-vis des plaquettes paternelles. Lorsque l’allo-immunisation
sont effectués actuellement par des méthodes de type Elisa (enzyme est dirigée contre un antigène plaquettaire de très faible fréquence
linked immunosorbent assay), et la technique de référence est le (donc absent du panel de plaquettes de donneurs), seules les pla-
MAIPA (Monoclonal Antibody-specific Immobilization of Plate- quettes paternelles permettront de mettre en évidence de tels
let Antigens) [24] . Cette méthode repose sur une immuno-capture allo-anticorps.
« en sandwich » réalisée sur des échantillons de plaquettes, à Les auto-anticorps antiplaquettaires maternels seront aussi
l’aide de deux anticorps monoclonaux (AcM), un AcM reconnais- recherchés, l’auto-immunité maternelle pouvant constituer un
sant les anticorps humains IgG lorsqu’ils sont présents (notion facteur aggravant lorsqu’elle est associée à une allo-immunisation.
de concentration relative en fonction de l’intensité du signal), et La méthode MAIPA est également utilisée pour la quantification
l’autre AcM les glycoprotéines plaquettaires (Fig. 3). La recherche des allo-anticorps par quelques laboratoires experts [25, 26] . Elle per-
des allo-anticorps maternels est réalisée à partir du sérum, testé met de suivre l’évolution de la concentration en anticorps lors

4 EMC - Pédiatrie
Incompatibilités plaquettaires maternofœtales  4-002-R-26

Anticorps anti-IgG
humains - Peroxydase
Sérum du patient

Lyse des Révélation


plaquettes (plaque Elisa) Anticorps anti-
lgG de souris

Anticorps momoclonaux de
Plaquettes de souris anti-GP plaquettaires
sujet sain ( : GP
plaquettaires)

Figure 3. Méthode MAIPA (Monoclonal Antibody-specific Immobilization of Platelet Antigens) utilisée pour le dépistage et l’identification des anticorps
antiplaquettaires.

Numération plaquettaire du nouveau-né

Saignements (y compris pétéchies)

OUI OUI NON NON NON

≥ 100 x 109 /l < 100 x 109 /l < 30 x 109 /l* ≥ 30 et < 50 x 109/l* ≥ 50 x 109/l

- Pas de transfusion de - Transfusion de plaquettes** OUI Prématurité - Suivi de la numération


plaquettes CPA HPA-compatible - et/ou poids > 1000 g plaquettaire
- Suivi de la numération ou - Comorbidités associées
plaquettaire Plaquettes non-HPA compatibles + lgIV
- Éliminer un trouble de - Échographie transfontanellaire + fond d’œil*** NON
l’hémostase associé - Éliminer un trouble de l’hémostase associé
- Pas de transfusion de plaquettes
- Suivi de la numération plaquettaire
- Échographie transfontanellaire + fond d’œil***

Suivi de la numération plaquettaire jusqu’à normalisation et stabilisation (≥ 150 x 109 /l)

Figure 4. Arbre décisionnel. Prise en charge d’une thrombopénie néonatale avec possible allo-immunisation fœto-maternelle (traduit de l’article [36] ). CPA :
concentrés plaquettaires d’aphérèse ; HPA : Human Platelet Antigen ; IgIV : immunoglobulines polyvalentes en intraveineuse.
Astérisque : il est conseillé de contrôler toute numération plaquettaire inférieure à 50 × 109 /l.
Double astérisques : la transfusion de plaquettes maternelles déplasmatisées et irradiées est aussi une possibilité (mais rarement utilisée).
Triple astérisques : selon disponibilité d’une personne compétente pour cet examen.

de grossesses avec incompatibilité fœto-maternelle impliquant Dans quelques rares cas, les techniques de biologie moléculaire
l’antigène HPA-1a (cf. chapitre relatif à la prise en charge des peuvent être mises en défaut en raison de certaines mutations
grossesses à risque). génétiques [27, 28] . Il peut parfois être utile de réaliser un phénoty-
La technologie de billes fluorescentes Luminex a été adaptée à page plaquettaire des parents (technique du MAIPA) ou d’utiliser
l’identification des allo-anticorps anti-HPA, permettant un gain une seconde méthode de biologie moléculaire lorsque les génoty-
de temps significatif et l’utilisation d’un volume d’échantillon pages des parents et de leur enfant sont incohérents [32–34] .
réduit [27] .
Certains anticorps de faible affinité ne sont parfois détec-
tés que par la technologie de résonance plasmatique de surface  Stratégies thérapeutiques
(SPR) [28, 29] . Leur signification clinique reste à déterminer.
À la différence de la maladie hémolytique du nouveau-né, il
n’existe pas de dépistage systématique des femmes enceintes à
Typage plaquettaire risque. Pourtant, une évaluation à grande échelle a déjà été réalisée
en Norvège sur environ 100 000 femmes, démontrant le bénéfice
Le génotypage plaquettaire par biologie moléculaire est actuel- socio-économique d’une telle mesure [35] . Sans dépistage des gros-
lement la méthode de référence. Le génotypage plaquettaire est sesses à risque, le diagnostic est souvent réalisé à la naissance du
généralement réalisé pour les systèmes HPA-1 à 5 et -15. Il est premier enfant atteint.
toutefois conseillé lorsqu’aucune incompatibilité fœto-maternelle
n’est alors identifiée d’effectuer la recherche des antigènes rares en
cas de thrombopénie sévère [30, 31] . Les fréquences des antigènes Traitement du nouveau-né
HPA suivant les populations doivent être prises en compte dans Un algorithme décisionnel a été établi par le Groupe de
la stratégie du diagnostic biologique. travail « Allo-immunisation fœto-maternelle plaquettaire » du

EMC - Pédiatrie 5
4-002-R-26  Incompatibilités plaquettaires maternofœtales

GFHT (Groupe francophone d’études sur l’hémostase et la throm- donc recommandé que les femmes enceintes soient suivies en
bose [36] ), duquel découlent les recommandations suivantes, centre spécialisé. En cas d’homozygotie paternelle, le fœtus sera
validées par la Société française d’hématologie et la Société porteur d’un des allèles du père, et il n’est donc pas nécessaire
d’hématologie immunologie pédiatrique (Fig. 4). de déterminer son typage HPA. En revanche, s’il est hétérozy-
La stratégie thérapeutique dépendra de la sévérité de la throm- gote, le génotypage plaquettaire fœtal sera réalisé sur cellules
bopénie et de la présence de saignements chez l’enfant. amniotiques, ou sur ADN fœtal libre dans le sang maternel pour
• En cas d’hémorragie ou d’une numération plaquettaire infé- HPA-1 [39] .
rieure à 30 × 109 /l, le traitement transfusionnel plaquettaire Historiquement, les premières stratégies thérapeutiques étaient
d’urgence s’impose sans attendre les résultats du diagnostic invasives avec transfusion de plaquettes in utero [40] . Ces dernières
biologique. Afin de prévenir une destruction trop rapide des sont souvent mal supportées avec bradycardie prolongée et césa-
plaquettes standards transfusées (non phénotypées) par les allo- riennes en urgence, et ne sont donc plus recommandées. Quant
anticorps maternels présents dans la circulation sanguine du au traitement anténatal non invasif avec perfusions maternelles
nouveau-né, il est conseillé d’administrer des immunoglobu- d’IgIv, aucune étude « en double aveugle » n’ayant été réalisée
lines polyvalentes en intraveineuse (IgIv), à la dose de 1 g/kg pour des raisons éthiques, seules des études observationnelles ont
par jour (1 cure, voire répétée une fois). Il sera également néces- permis d’étudier l’efficacité du traitement. Les seules études en
saire de rechercher l’existence éventuelle d’HIC en réalisant double aveugle ont porté sur la dose d’IgIv administrée pendant
une échographie transfontanellaire, ainsi qu’un fond d’œil. La la grossesse en fonction des antécédents (dose de 0,5, 1 ou 2 g/kg
numération plaquettaire sera suivie très régulièrement (environ par semaine [41, 42] ).
2 fois par jour) afin de s’assurer qu’elle est toujours supérieure Malgré l’hétérogénéité des cohortes (antécédents obstétricaux,
à 50 × 109 /l. En cas de nécessité de nouvelle transfusion, terrain immunogénétique, etc.), une large majorité des études
les résultats de laboratoire permettent de transfuser des pla- publiées montre l’efficacité de ce traitement pour prévenir la sur-
quettes HPA-compatibles avec l’anticorps maternel (transfusion venue d’HIC. Entre 1992 et 2015, 16 études rétrospectives ont
de plaquettes HPA-1bb lorsque la mère est HPA-1bb et l’enfant été publiées concernant 582 fœtus dont les mères ont reçu des
HPA-1ab, en présence d’allo-anticorps maternels anti-HPA-1a IgIv pendant la grossesse. Seuls 13 cas d’HIC ont été rapportés
par exemple), ce qui permet l’économie des IgIv. (2,2 %) [5, 41–56] .
• En cas de numération plaquettaire comprise entre 30 et Dans l’expérience française, aucun cas d’HIC n’a été observé
50 × 109 /l : deux situations se présentent : dans la cohorte de 75 femmes (81 nouveau-nés) [5] . Toutefois, la
◦ en cas de prématurité et/ou d’enfant de petit poids (< 1000 g) numération plaquettaire du nouveau-né à la naissance était plus
associé éventuellement à des facteurs de comorbidité (infec- élevée lorsqu’un traitement aux corticoïdes avait été instauré vers
tion, etc.), on transfusera le nouveau-né en plaquettes, dans 30/32 SA [moyenne de 135 × 109 /l avec corticoïdes (n = 54), et
les mêmes conditions que décrites en haut, 89 × 109 /l sans corticoïdes (n = 27)]. Ainsi, le traitement anténa-
◦ en l’absence de prématurité et/ou petit poids ou comorbi- tal actuel et consensuel comporte l’administration d’IgIv 1 g/kg
dité, une surveillance attentive s’impose. Une échographie par semaine dès 20 à 22 SA jusqu’à l’accouchement, avec ajout
transfontanellaire sera réalisée. éventuel de corticoïdes (prednisone à 0,5 mg/kg/j) à partir de 30 à
• Lorsque la numération plaquettaire est supérieure à 50 × 109 /l, 32 SA [57] . En cas d’antécédent d’HIC, le traitement aux IgIv débu-
un suivi de la numération plaquettaire jusqu’à stabilisation au- tera dès 16 à 18 SA, voire encore plus précocement (12 SA) lorsque
dessus du seuil de 150 × 109 /l permettra d’écarter toute baisse de plusieurs facteurs de risque s’additionnent (fausse-couche, mort
numération en lien avec une auto-immunité antiplaquettaire fœtale in utero, HIC).
maternelle (nadir entre j3 et j5 de vie). La plupart des équipes réalise un accouchement par césarienne
• En cas de saignements associés à une numération plaquettaire dès 39 SA, avec un contrôle de la numération du nouveau-né dès
supérieure à 100 × 109 /l, une origine allo-immune est écar- la naissance. L’accouchement par voie basse peut être discuté si le
tée et il faut alors explorer d’autres causes de thrombopénie risque hémorragique est faible.
néonatale. La ponction de sang fœtal, geste invasif provoquant une sti-
En l’absence d’HIC, l’évolution est rapidement favorable, une mulation de l’immunité maternelle, a été décrite comme étant à
numération plaquettaire normale est obtenue en quelques jours. l’origine de complications fœtales lors de transfusion plaquettaire
C’est ainsi qu’une normalisation de la numération plaquettaire en in utero (bradycardie prolongée, voire mort fœtale). Son indica-
48 à 72 heures peut s’observer et ne doit en aucun cas dispenser tion pour déterminer la numération plaquettaire fœtale est de
de l’enquête étiologique. plus en plus restreinte, et non recommandée pour le suivi de
En présence d’une HIC, le risque est majeur pendant les 96 l’efficacité du traitement maternel anténatal. Cependant, si elle
premières heures de vie, nécessitant une prise en charge théra- est pratiquée par une équipe expérimentée, elle peut être utile
peutique immédiate. Dans ce cas, le pronostic est très réservé, avec en début de grossesse pour décider de la mise en œuvre du trai-
décès dans 10 % des cas et séquelles neurologiques dans 20 % des tement, ou au moment de l’accouchement pour décider de la
cas [37, 38] . voie d’accouchement (voie basse en l’absence de thrombopénie
du fœtus).
Dès lors, les études de paramètres maternels prédictifs de
Propriétés des concentrés plaquettaires l’atteinte fœtale et de l’efficacité thérapeutique sont à consi-
transfusés dérer. L’évaluation de la concentration en anticorps maternels
anti-HPA-1a est intéressante pendant la grossesse avant et au
Les concentrés plaquettaires seront de groupe O ; la qualifica- cours du traitement aux IgIv, permettant d’anticiper les besoins
tion « CMV Négatif » n’est plus disponible, depuis la mise en transfusionnels à la naissance. Des calculs mathématiques (aire
place de l’inactivation des pathogènes pour les produits sanguins sous la courbe : AUC) permettent de définir un seuil d’alerte
labiles. Les quelques études portant sur des cohortes restreintes au-delà duquel il existe un risque élevé de thrombopénie néo-
ne permettent pas de conclure quant à une différence d’efficacité natale sévère (< 50 × 109 /l) justifiant la préparation d’un
entre des concentrés plaquettaires d’aphérèse (CPA, provenant concentré plaquettaire HPA-compatible [5, 58] . Seuls quelques
d’un seul donneur) ou bien de mélanges de concentrés plaquet- laboratoires spécialisés sont en mesure de réaliser ce suivi de
taires (MCP, pool de 5 à 6 dons). grossesse.
Les sœurs des femmes immunisées seront informées et un géno-
 Prise en charge des grossesses typage plaquettaire leur est proposé, afin d’identifier celles qui
sont homozygotes et donc à risque de s’immuniser lors d’une
à risque future grossesse.
Le traitement anténatal des femmes primipares n’est actuelle-
Plusieurs études ont montré l’aggravation de l’atteinte lors des ment proposé que lors de la mise en évidence d’allo-anticorps
grossesses suivantes en l’absence de traitement anténatal. Il est maternels pendant la grossesse.

6 EMC - Pédiatrie
Incompatibilités plaquettaires maternofœtales  4-002-R-26

Autres approches thérapeutiques  Conclusion


En Norvège, la concentration en allo-anticorps anti-HPA-1a
Les thrombopénies fœtales/néonatales immunes dont les
constitue un paramètre décisionnel pour l’instauration du trai-
conséquences peuvent être délétères doivent être prises en charge
tement aux IgIv, et le choix du mode d’accouchement (une faible
par une collaboration étroite entre les néonatologistes, les obsté-
concentration en anticorps étant associée à un accouchement
triciens, les laboratoires d’immunologie plaquettaire et les centres
par voie basse). D’autres traitements sont actuellement à l’étude,
de transfusion. Le diagnostic biologique doit être réalisé par des
dont la prophylaxie de femmes HPA-1b homozygotes non immu-
laboratoires spécialisés en immunologie plaquettaire. Les pro-
nisées par injection d’IgIv anti-HPA1a en post-partum [59] . Des
grès récents ont permis d’améliorer le diagnostic et la prise en
modèles animaux sont à l’étude pour l’utilisation de fragments Fc
charge thérapeutique. La compréhension des mécanismes immu-
d’anticorps monoclonaux spécifiquement dirigés contre HPA-1a,
nologiques nécessite des études collaboratives afin d’accroître la
saturant les sites antigéniques des plaquettes fœtales et empêchant
taille des cohortes. Les modèles animaux permettent de mieux
ainsi la reconnaissance des antigènes par le système immunitaire
appréhender les mécanismes, mais toutefois ne reproduisent que
maternel.
partiellement la pathologie humaine. Un cas clinique est proposé
en Annexe A.
Cas particulier de la prise en charge
des grossesses dans un contexte Déclaration de liens d’intérêts : l’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêts
d’auto-immunité antiplaquettaire maternelle en relation avec cet article.

Au cours de la grossesse, il est courant d’observer une baisse de la


numération plaquettaire (7 % de femmes sont thrombopéniques
en fin de grossesse). Dans la majorité des cas, la thrombopénie est  Annexe A. Cas clinique
modérée sans signe hémorragique, mais elle peut témoigner d’une
pathologie sous-jacente comportant des risques pour l’enfant Cas index : premier enfant atteint
et la mère. Afin de distinguer la thrombopénie gestationnelle
sans incidence sur le fœtus, du purpura thrombopénique immun Une femme âgée de 25 ans, de groupe A+, accouche de son
(PTI) chronique révélé pendant la grossesse, des investigations en premier enfant à terme (39 SA + 2 jours), par voie basse. Cette
laboratoire sont à considérer. L’évolution de la numération pla- femme n’a eu aucun antécédent gynécologique particulier (pas
quettaire maternelle est à surveiller, le seuil de 50 × 109 /l étant de fausse-couche, pas d’interruption volontaire de grossesse). La
nécessaire en pré- et post-partum afin d’éviter tout risque hémor- grossesse s’est déroulée normalement :
ragique lié à l’accouchement. Les traitements maternels envisagés • sérologies maternelles : toxoplasmose –, rubéole +, BW –, VIH
sont essentiellement les corticoïdes et les IgIv, voire la transfusion –, HBS –, HCV – ;
de plaquettes avant l’accouchement lorsque le seuil de 50 × 109 /l • dépistage du streptocoque B sur prélèvement vaginal négatif ;
n’est pas atteint. • thrombopénie maternelle remarquée en fin de second tri-
La thrombopénie fœtale d’apparition souvent précoce [60] se mestre, à 120 × 109 /l, spontanément résolutive.
majore habituellement après la naissance. Rares sont les cas d’HIC Le garçon pèse 3410 g et présente dès la naissance un pur-
liés à un PTI maternel. Cependant, 40 % des nouveau-nés de mères pura pétéchial ecchymotique sur l’ensemble du corps, purpura
ayant un PTI sont thrombopéniques, dont 10 à 15 % avec une muqueux sans bulle hémorragique. Toutefois, aucun saignement
numération plaquettaire inférieure à 50 × 109 /l. actif n’est remarqué ; l’état neurologique est satisfaisant. La numé-
L’évolution de la thrombopénie néonatale est souvent très lente ration plaquettaire de l’enfant réalisée en urgence trouve un
non influencée par le traitement par IgIv, le nouveau-né res- chiffre de plaquettes à 5 × 109 /l. L’enfant est transféré en néonato-
tant thrombopénique voire sévèrement pendant six semaines à logie pour la poursuite de sa prise en charge. L’évolution ultérieure
deux mois. Dans quelques cas, seule cette thrombopénie révèle est marquée par :
l’auto-immunité maternelle [61] , d’où l’intérêt de rechercher cette • la transfusion à trois reprises de concentrés plaquettaires « stan-
étiologie lors des investigations de thrombopénie fœtale ou néo- dards » en raison d’un chiffre de plaquettes inférieur à 30 × 109 /l
natale. (Fig. A.1 : suivi de la numération plaquettaire de l’enfant, et
En l’absence de signe hémorragique, une surveillance attentive prise en charge transfusionnelle) ;
sera suffisante. En cas de signe hémorragique, la transfusion de • pas d’argument pour une infection virale : CMV urinaire néga-
plaquettes est nécessaire, associée aux IgIv. tif ; transaminases normales ;
• pas d’argument pour une thrombopénie constitutionnelle : pas
d’antécédents familiaux, pas d’anomalie morphologique ;
• bilan d’AIFMP réalisé en urgence par le laboratoire

“ Points essentiels d’immunologie plaquettaire de l’Établissement français


du sang de Rennes.
Les génotypages plaquettaires des parents et de l’enfant
• Les thrombopénies fœtales et néonatales allo-immunes (Tableau A.1) révèlent quatre incompatibilités entre la mère et
son enfant, impliquant les antigènes : HPA-1a (mère HPA-1bb et
ne sont pas des évènements rares (1 cas sur 800 à 1000 enfant HPA-1ab), HPA-2b (mère HPA-2aa et enfant HPA-2ab), HPA-
naissances) 3a (mère HPA-3bb et enfant HPA-3ab) et HPA-15b (mère HPA-15aa
• Le diagnostic de thrombopénie allo-immune est et enfant HPA-15ab).
suspecté lorsque les autres causes de thrombopénie néo- La recherche d’anticorps par la méthode de référence MAIPA est
natale sont exclues positive, et révèle la présence d’allo-anticorps maternels anti-HPA-
• Les conséquences délétères de la thrombopénie sévère 1a et anti-HPA-2b. Le cross-match du sérum maternel vis-à-vis des
sont les hémorragies notamment intracrâniennes à plaquettes de son conjoint est également positif, pour deux com-
l’origine de décès ou de séquelles neurologiques plexes glycoprotéiques GPIIbIIIa (portant le système antigénique
• Le diagnostic biologique n’est affirmé que sur la mise plaquettaire HPA-1) et GPIbIX (portant le système antigénique
plaquettaire HPA-2).
en évidence des allo-anticorps maternels dirigés contre les
Dans ce contexte, le laboratoire d’immunologie plaquettaire
antigènes plaquettaires HPA conseille de transfuser l’enfant en plaquettes HPA-1bb 2aa pour
• Les méthodes d’investigations sont complexes et que celles-ci ne soient pas détruites par les anticorps maternels en
doivent être confiées à un laboratoire spécialisé en immu- circulation dans le sang de l’enfant. Un concentré plaquettaire
nologie plaquettaire d’aphérèse est décongelé, et transfusé à j4 (Fig. A.1 : concen-
tré plaquettaire HPA-compatible). Il permet alors une remontée

EMC - Pédiatrie 7
4-002-R-26  Incompatibilités plaquettaires maternofœtales

107
101

Concentré plaquettaire

Concentré plaquettaire
Concentré plaquettaire
Numération plaquettaire de l’enfant

« Standard »

HPA-compatible
« Standard »
70
Concentré plaquettaire
« Standard »

36

27 26

5 Aucun syndrome hémorragique, disparition du purpura

1 2 3 4 5 6 7 8 jours

Figure A.1. Évolution de la numération plaquettaire du premier enfant, en fonction des transfusions plaquettaires.

Tableau A.1.
Génotypages plaquettaires des parents et du premier enfant. Méthode utilisée : PCR-SSP (examen réalisé en urgence par le laboratoire d’immunologie
plaquettaire de l’EFS de Rennes).
HPA-1 HPA-2 HPA-3 HPA-4 HPA-5 HPA-6 HPA-15
Mère HPA-1bb HPA-2aa HPA-3bb HPA-4aa HPA-5ab HPA-6aa HPA-15aa
Père HPA-1aa HPA-2ab HPA-3aa HPA-4aa HPA-5aa HPA-6aa HPA-15bb
Nouveau-né HPA-1ab HPA-2ab HPA-3ab HPA-4aa HPA-5ab HPA-6aa HPA-15ab

180 Figure A.2. Évolution de la concentration en allo-anticorps


anti-HPA-1a maternels au cours de la seconde grossesse (avec
Concentration en anticorps anti HPA-1a

160 traitement anténatal maternel aux IgIv à partir de 18 SA, et


corticoïdes à partir de 34 SA).
140

120

100

80

60

40

20

0
0 5 10 15 20 25 30 35 40
Terme de la grossesse (semaines d’aménorrhée)

significative de la numération plaquettaire de l’enfant, qui quitte patible avec sa mère. Le père est par ailleurs hétérozygote dans
le service de néonatologie 10 jours après la naissance. le système HPA-2, mais un génotypage plaquettaire fœtal est
inutile en raison de l’incompatibilité HPA-1a. Un traitement anté-
natal maternel est donc instauré dès 18 SA (IgIv à la dose de
Seconde grossesse 1 g/kg/semaine), associé à une corticothérapie (0,5 mg/kg/j) à
Deux ans plus tard, cette femme est à nouveau enceinte. partir de 34 SA. Sur le plan biologique, un suivi de la concentra-
Compte tenu du fait que le père est de génotypage HPA-1aa tion en allo-anticorps anti-HPA-1a est proposé (Fig. A.2). Quatre
homozygote (Tableau A.1), le fœtus est obligatoirement incom- quantifications sont réalisées à 18 SA (avant la première perfusion

8 EMC - Pédiatrie
Incompatibilités plaquettaires maternofœtales  4-002-R-26

d’IgIv), 23 SA, 28 SA et 34 SA. La concentration en allo-anticorps [15] Halle L, Bigot A, Mulen-Imandy G, M’Bayo K, Jaeger G, Anani
a tout d’abord diminué, puis fortement augmenté pendant les L, et al. HPA polymorphism in sub-Saharan African populations:
deuxième et troisième trimestres. L’aire sous la courbe est calculée Beninese, Cameroonians, Congolese, and Pygmies. Tissue Antigens
afin de prédire l’efficacité du traitement maternel [58] . Sa valeur 2005;65:295–8.
étant supérieure au seuil prédictif de 28 unités internationales par [16] Conti F, Bertrand G, Dezan M, Costa T, Aravechia M, Mota M, et
millilitre (89 UI/ml), le risque de thrombopénie néonatale sévère al. genotyping by microarray in Brazilian blood donors. Transfusion
est donc élevé. La césarienne, prévue à 39 SA, est avancée d’une 2014;54:405–11.
semaine, et l’Établissement français du sang de Rennes met à dis- [17] Ohto H, Miura S, Ariga H, Ishii T, Fujimori K, Morita S. The natural
history of maternal immunization against foetal platelet alloantigens.
position de l’équipe clinique un concentré plaquettaire d’aphérèse
Transfus Med 2004;14:399–408.
de phénotype HPA-1bb 2aa.
[18] Moncharmont P, Dubois V, Obegi C, Vignal M, Merieux Y, Gebuhrer
Elle accouche par césarienne programmée à 38 SA d’une fille de
L, et al. HLA antibodies and neonatal alloimmune thrombocytopenia.
3355 g immédiatement transférée en service de réanimation néo- Acta Haematol 2004;111:215–20.
natale, sa numération plaquettaire étant de 8 × 109 /l. L’enfant ne [19] Thude H, Schorner U, Helfricht C, Loth M, Maak B, Barz D. Neonatal
présente aucun signe hémorragique (réalisation d’une échogra- alloimmune thrombocytopenia caused by human leucocyte antigen-
phie transfontanellaire). Il est immédiatement transfusé du CPA B27 antibody. Transfus Med 2006;16:143–9.
HPA-compatible, en prophylaxie. Deux heures post-transfusion, [20] Dahl J, Rufsum E, Ahlen MT, Egeland T, Jensen T, Viken MK, et al.
la numération augmente à 83 × 109 /l, puis à 75 × 109 /l à 21 h de Unraveling the role of maternal anti-HLA Class I antibodies in fetal and
vie. neonatal thrombocytopenia-antibody specificity analysis using epitope
Un fond d’œil est réalisé à 24 h de vie, mettant en évidence data. J Reprod Immunol 2017;122:1–9.
une hémorragie superficielle en périphérie supérieure de l’œil. À [21] Curtis BR, Fick A, Lochowicz AJ, McFarland JG, Ball RH, Peter-
j2, la numération plaquettaire est à 88 × 109 /l, puis à 76 × 109 /l son J, et al. Neonatal alloimmune thrombocytopenia associated
à j5. Il est tout de même accepté que l’enfant puisse retourner à with maternal-fetal incompatibility for blood group B. Transfusion
domicile, avec contrôle de la numération à j8 (normalisation du 2008;48:358–64.
compte plaquettaire). [22] Bertrand G, Leguen A, Delugin L, Renac V. Severe neonatal thrombo-
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EMC - Pédiatrie 9
4-002-R-26  Incompatibilités plaquettaires maternofœtales

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G. Bertrand (gerald.bertrand@efs.sante.fr).
Laboratoire d’immunologie plaquettaire, Établissement français du sang Bretagne, rue Pierre-Jean Gineste, 35000 Rennes, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Bertrand G. Incompatibilités plaquettaires maternofœtales. EMC - Pédiatrie 2020;0(0):1-9 [Article
4-002-R-26].

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10 EMC - Pédiatrie
 4-002-R-40

Anémies hémolytiques du nouveau-né


C. Guitton

Résumé : Devant une anémie régénérative néonatale, il faut évoquer une hémolyse accrue mais éga-
lement une hémorragie et une anémie centrale en phase de réparation. Lorsqu’il existe une hémolyse
pathologique, la destruction des globules rouges accélérée est secondaire à deux causes principales : soit
une anomalie extrinsèque aux constituants du globule rouge, correspondant aux anémies dites extracor-
pusculaires dont les causes sont acquises et généralement transitoires (causes immunes, infectieuses,
mécaniques) ; soit une anomalie intrinsèque d’un des constituants du globule rouge (membrane, hémo-
globine, enzymes érythrocytaires), correspondant aux anémies dites corpusculaires dont les causes sont
génétiques. Cette hémolyse accrue va être responsable d’une augmentation de la bilirubine libre sanguine
qui peut devenir majeure avec un risque de passage de la barrière hématoencéphalique et d’atteinte des
noyaux gris centraux, irréversible chez le nouveau-né en l’absence de prise en charge rapide en milieu spé-
cialisé reposant sur la photothérapie intensive, voire l’exsanguinotransfusion. Les principales étiologies des
anémies hémolytiques néonatales sont les allo-immunisations fœtomaternelles avec les incompatibilités
ABO ou Rhésus, les déficits enzymatiques en glucose-6-phosphate-déshydrogénases ou pyruvate kinase,
la sphérocytose héréditaire et autres anomalies de la membrane érythrocytaire et les ␣-thalassémies.
Lorsque ces causes sont écartées, la pycnocytose infantile doit être évoquée comme les enzymopathies
plus rares, les causes infectieuses ou mécaniques. Des examens biologiques simples permettent le diag-
nostic dans bon nombre de cas. Pour les situations plus complexes, la biologie moléculaire désormais
réalisée par plusieurs équipes constitue un outil prometteur.
© 2021 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : Hémolyse ; Hyperbilirubinémie ; Allo-immunisation fœtomaternelle ; Incompatibilité ABO ;


Déficit en G6PD ; Pathologies membranaires érythrocytaires ; Pycnocytose infantile

Plan  Introduction
■ Introduction 1 L’anémie est habituellement définie par un taux d’hémoglobine
■ Rappels physiopathologiques 2 ou d’hématocrite inférieur à deux écarts-types en dessous de la
Hématopoïèse fœtale 2 moyenne normale pour l’âge (en dessous de 14 g/dl [ou 13,5 g/dl
Le globule rouge 2 au cordon] chez le nouveau-né à terme). En dessous de 10 g/dl,
À la naissance 2 on parle d’anémie significative et, en dessous de 8 g/dl, c’est une
Mécanismes physiopathologiques de l’hémolyse 3 anémie dite sévère.

Les anémies hémolytiques se caractérisent par un raccourcis-
Signes cliniques et explorations biologiques
sement de la durée de vie normale des hématies à la suite d’une
de l’hyperhémolyse 3
augmentation de leur destruction périphérique. Elles se traduisent
Interrogatoire 3
par une anémie habituellement normochrome normo- ou macro-
Tableau clinique 3
cytaire régénérative. Les anémies hémolytiques sont secondaires :
Explorations biologiques 4
• soit à une anomalie extrinsèque au globule rouge (GR) ; on parle
■ Étiologies des anémies hémolytiques néonatales 4 d’anémie extracorpusculaire. Les causes immunologiques, avec
Anémies hémolytiques extracorpusculaires 4 principalement les allo-immunisations fœtomaternelles, sont
Anémies hémolytiques d’origine corpusculaire 4 les plus fréquentes mais il faut savoir aussi évoquer la pycnocy-
■ Anémies hémolytiques néonatales tose infantile (PI) ;
d’origine extracorpusculaire 4 • soit à une anomalie intrinsèque d’un des constituants du
Origine immune 6 GR ; on utilise le terme d’anémie corpusculaire par anoma-
Pycnocytose infantile 8 lie de la membrane érythrocytaire, des enzymes ou encore de
Origine infectieuse 8 l’hémoglobine (Hb).
Origine mécanique 8 Les anémies extracorpusculaires sont volontiers acquises alors
■ Anémies hémolytiques néonatales d’origine corpusculaire 8 que les anémies corpusculaires sont constitutionnelles.
Déficits enzymatiques érythrocytaires : enzymopathies 8 Outre l’anémie qui peut débuter in utero et se prolonger pen-
Anomalies de la membrane érythrocytaire : membranopathies 10 dant plusieurs semaines après la naissance, l’hyperbilirubinémie
Anomalies de l’hémoglobine 12 précoce et rapidement croissante en postnatal est l’autre carac-
téristique de l’hémolyse, avec un risque d’atteinte neurologique
■ Conclusion 14 chez le nouveau-né en l’absence de prise en charge adéquate.

EMC - Pédiatrie 1
Volume 41 > n◦ 3 > juillet 2021
http://dx.doi.org/10.1016/S1637-5017(21)90832-9
4-002-R-40  Anémies hémolytiques du nouveau-né

Sites de l’érythropoïèse

vitellin
Sac
Foie Rate Moelle osseuse

α α
50
γ
Proportion des chaînes de
globines synthetisées (%)

β
40

30

20
ε
ζ
10 β

6 12 18 24 30 36 6 12 18 24 30 36 42
Vie fœtale (semaine) Âge (semaine)

Naissance
Figure 1. Évolution ontogénique et switch des chaînes de globine au cours de la vie intra-utérine et après la naissance.

 Rappels physiopathologiques • les taux des enzymes érythrocytaires sont plus bas, entraînant
une susceptibilité accrue au stress oxydatif.
Hématopoïèse fœtale Ces particularités expliquent en partie la vie raccourcie de 60
à 90 jours des GR néonataux contre 100 à 120 jours en moyenne
Au cours de l’hématopoïèse fœtale, les cellules souches héma- pour un érythrocyte adulte et la présence sur le frottis « physiolo-
topoïétiques (CSH) vont coloniser successivement différents sites giquement » d’un plus grand nombre d’acanthocytes, de cellules
électifs en débutant par le foie fœtal, puis le thymus, la rate et la cibles, de stomatocytes et de GR immatures.
moelle osseuse, donnant naissance aux différentes lignées héma- L’érythropoïétine (EPO) est un facteur de croissance majeur
topoïétiques dont les érythrocytes. de la lignée érythrocytaire dont la synthèse est oxygénodépen-
L’hématopoïèse hépatique prédomine du troisième au sixième dante. L’EPO est synthétisée préférentiellement au niveau du
mois fœtal et persiste jusqu’aux premiers jours de vie. Entre le cortex rénal en réponse à une diminution du taux d’oxygène cir-
quatrième et le cinquième mois fœtal débute l’hématopoïèse culant dans les artères rénales ou lors d’une baisse significative
médullaire. Celle-ci augmente rapidement, dépasse peu à peu du nombre d’érythrocytes (hémolyse accrue, hémorragie, spolia-
l’hématopoïèse hépatique et constitue le principal lieu de tion sanguine). Les progéniteurs et précurseurs érythrocytaires de
l’hématopoïèse après la naissance [1, 2] . la moelle osseuse possèdent des récepteurs à l’EPO. Une éléva-
L’Hb contenue dans les globules rouges est un hétérotétra- tion du taux d’EPO entraîne une augmentation de la production
mère constitué de deux types de sous-unités, habituellement deux d’érythrocytes et inversement.
chaînes ␣ et deux autres chaînes. Les premières hémoglobines sont
synthétisées dans le sac vitellin et constituent les hémoglobines
embryonnaires. À partir de 9 semaines de gestation, c’est l’Hb À la naissance
fœtale (HbF) (␣2 ␥2 ), qui assure l’oxygénation des tissus et qui reste
Les valeurs du taux d’hémoglobine, de réticulocytes et des
majoritaire jusqu’à la naissance. Peu avant la naissance, entre les
indices érythrocytaires varient en fonction du terme et de
32e et 36e semaines de gestation, les chaînes ␥ sont progressive-
l’âge [3, 4] . Le taux d’Hb augmente progressivement jusqu’à
ment remplacées par les chaînes ␤ de l’adulte (Fig. 1).
la 33e semaine de gestation puis demeure stable jusqu’à
l’accouchement. À la naissance, le nouveau-né présente une
polyglobulie physiologique avec une macrocytose : le taux
Le globule rouge d’hémoglobine varie entre 15 et 19 g/dl et le volume globulaire
moyen (VGM) entre 95 et 110 fl [3] . Cette polyglobulie témoigne
Le globule rouge (GR) ou hématie ou érythrocyte est une cellule de l’intense activité de l’érythropoïèse en période fœtale, consé-
de petite taille (7 ␮m) dépourvu de noyau et de mitochondries, quence combinée d’une production accrue d’EPO due à l’hypoxie
et composé de trois constituants majeurs : l’Hb formée de quatre in utero et à la présence d’une quantité élevée d’HbF (comprise
chaînes de globines associées à l’hème constitué d’un cation de entre 55 et 95 %) qui présente une forte affinité pour l’oxygène
fer complexé avec une porphyrine, qui assure le transport de et d’une incapacité pour le 2,3-disphosphoglycérate (2,3-DPG)
l’oxygène, la membrane érythrocytaire responsable de la grande intraérythrocytaire de se lier à cette Hb.
déformabilité du GR et les enzymes érythrocytaires dont le rôle est L’interprétation du taux d’Hb à la naissance doit également
de protéger l’Hb contre l’oxydation et de maintenir l’intégrité de tenir compte du moment de la ligature du cordon ainsi que de
la membrane. Les GR des nouveau-nés ont certaines spécificités l’heure et du site du prélèvement (veineux, capillaire, cordon).
par rapport aux GR d’enfants ou d’adultes : Par rapport à un prélèvement veineux, le taux d’hémoglobine, le
• l’HbF est majoritaire et a tendance à déstabiliser la membrane ; nombre de globules rouges et l’hématocrite sont en général supé-
• le GR néonatal a une déformabilité réduite et une augmentation rieurs d’environ 5 % en capillaire et inférieurs de 5 à 10 % au
de sa résistance osmotique les 4 à 6 premières semaines de vie ; cordon.

2 EMC - Pédiatrie
Anémies hémolytiques du nouveau-né  4-002-R-40

Dans les premières 24 heures de vie, on constate une élévation en l’absence de prise en charge rapide et adéquate [7, 8] . Le dosage
de 17 à 20 % du taux d’hémoglobine qui redevient identique à sanguin de bilirubine s’interprète selon l’âge postnatal en heure.
celui au cordon à une semaine de vie. Puis, ce taux diminue pro- Un nomogramme (référence de valeurs normales de bilirubine) a
gressivement au cours des 2 premiers mois de vie avec un nadir de été établi par plusieurs équipes et des recommandations concer-
9 à 11 g/dl entre 6 et 10 semaines de vie en moyenne. Cette ané- nant la prise en charge de l’ictère néonatal ont été éditées afin de
mie est appelée l’anémie physiologique de la période postnatale. guider les praticiens [9, 10] .
Elle est secondaire à une baisse de l’érythropoïèse due à la dimi- Quelle que soit la cause, les globules rouges fragilisés sont éli-
nution nette de la production d’EPO en réaction à l’augmentation minés plus précocement par les macrophages de la moelle osseuse
du taux d’oxygène tissulaire associée à une durée de vie plus et du foie essentiellement, la rate étant peu fonctionnelle chez le
courte des érythrocytes. L’hémoglobine reste stable les semaines nouveau-né, a fortiori chez le prématuré. Lorsque la rate devient
qui suivent, puis tend à augmenter lentement au cours des qua- fonctionnelle, en cas d’hémolyse pathologique, elle peut aug-
trième et sixième mois à la suite d’une nouvelle stimulation de la menter de volume et une splénomégalie peut devenir palpable
production d’EPO. cliniquement. Selon le lieu où s’effectue l’hémolyse, celle-ci est
Chez le prématuré, le taux d’Hb dépend du terme et du poids qualifiée d’extravasculaire (ou intratissulaire) ou d’intravasculaire.
de naissance. Chez les moins de 28 semaines de gestation, le taux L’hémolyse intravasculaire est toujours pathologique ; elle se pro-
moyen d’Hb est plus bas de 3,5 g/dl par rapport à un nouveau-né duit lorsque la destruction des hématies a lieu dans la circulation
à terme. On note également un VGM inversement proportionnel sanguine et son contenu est relargué dans le plasma et/ou par
à l’âge gestationnel pouvant atteindre 130 à 135 fl chez les grands libération d’hémoglobine dans le plasma à la suite de l’hémolyse
prématurés. L’anémie physiologique est plus rapide et plus pro- intratissulaire (hémoglobinémie). L’hémoglobine est catabolisée
noncée, avec un nadir de 7–8 à 10 g/dl au cours des 4 à 8 semaines en globine et hème qui va se lier à l’hémopexine et albumine
de vie et elle dure plus longtemps (de 8 à 12 semaines versus 4 à pour réintégrer les macrophages tissulaires (réserves intracellu-
8 semaines chez l’enfant né à terme). laires de fer). Les dimères de globine sont pris en charge par
Le taux de réticulocytes a aussi de rapides variations physio- l’haptoglobine, protéine produite par le foie, d’où sa diminu-
logiques en période néonatale. Chez le nouveau-né à terme, il tion en cas d’hyperhémolyse. Cependant, le taux d’haptoglobine
est élevé, entre 140 000 à 350 000/mm3 . Il diminue ensuite n’est pas toujours contributif chez le nouveau-né en raison de
rapidement et atteint dès 8 jours de vie un taux de 26 000 à l’immaturité hépatique. Les dimères de globine non pris en charge
110 000/mm3 . par l’haptoglobine ou non catabolisés sont filtrés par les reins
(hémoglobinurie).

Mécanismes physiopathologiques
de l’hémolyse  Signes cliniques et explorations
Il existe un équilibre entre la production de nouveaux éry-
biologiques de l’hyperhémolyse
throcytes et la lyse physiologique d’érythrocytes âgés par les Le diagnostic clinique d’anémie néonatale n’est pas toujours
macrophages qui décomposent l’hémoglobine en globines libres facile. L’érythrose classique du nouveau-né ou l’existence d’un
et hème [5] . Les globines sont dégradées en acides aminés et l’hème ictère débutant ou encore une coloration foncée de la peau
subit une dissociation en fer et protoporphyrine. Fer et acides ami- peuvent être trompeurs.
nés sont réutilisés par l’organisme alors que la protoporphyrine
est catabolisée en bilirubine. Cette bilirubine doit être transportée
par l’albumine vers le foie pour y subir une glucoroconjugaison Interrogatoire
sous l’action de l’uridine-diphospho-glucuronate-glycuronosyl- L’interrogatoire doit préciser les antécédents maternels et fami-
transférase (UGT1A1), lui permettant de devenir hydrosoluble liaux pouvant orienter le diagnostic de l’anémie hémolytique, en
afin d’être secondairement éliminée dans la bile et dans l’intestin précisant : l’origine ethnique ; l’existence d’antécédents d’anémie
sous forme de bilirubine conjuguée. Chez le nouveau-né, il existe hémolytique congénitale telle qu’une pathologie de la membrane
des particularités physiologiques du métabolisme de la bilirubine du GR, une ␣-thalassémie, un déficit enzymatique ; la notion de
dans les 15 premiers jours de vie. Tout d’abord, la production de splénomégalie et/ou splénectomie, de lithiases vésiculaires et/ou
bilirubine est accrue : le taux de globules rouges est plus élevé cholécystectomie, de transfusions à répétition, maladie auto-
et ces globules rouges ont une demi-vie plus courte par rap- immune ; l’existence d’une consanguinité. On recherche une
port aux adultes. Ensuite, la glucoroconjugaison sous l’action de infection maternelle récente, une prise médicamenteuse ou d’un
l’UGT1A1 est réduite, entraînant une diminution de la clairance toxique chez la mère ou le nouveau-né, la notion d’un voyage
hépatique de la bilirubine. Enfin, la dégradation de la biliru- dans les derniers mois de grossesse ou le premier mois de vie.
bine dans l’intestin est diminuée du fait d’une faible colonisation On s’enquiert du groupe sanguin et rhésus de la mère. En cas
bactérienne, et sa réabsorption est augmentée. Ainsi, en période de rhésus maternel négatif, il faut rechercher un geste en cours
néonatale, et de façon plus marquée chez le prématuré, on observe de grossesse (amniocentèse, ponction de sang fœtal, etc.) ou tout
une augmentation de la production de bilirubine associée à une autre situation (traumatisme) à risque d’immunisation anti-RH1
diminution de son élimination, entraînant de manière physiolo- (anti-D) chez la mère. Il faut également rechercher les antécé-
gique une élévation sanguine de bilirubine libre (ictère physiolo- dents obstétricaux et/ou néonataux inexpliqués (mort in utero,
gique néonatal). Cette hyperbilirubinémie est d’intensité modérée anasarque fœtale, anémie néonatale, ictère néonatal intense).
et survient classiquement à partir du troisième jour de vie [6] .
Dans l’hémolyse pathologique, la destruction des GR est accélé-
rée, entraînant un raccourcissement de la durée de vie normale des
Tableau clinique
hématies secondaire à l’augmentation de leur destruction périphé- Quelle que soit la cause, la symptomatologie dépend de la gra-
rique. Deux causes principales sont à l’origine de ce phénomène : vité de l’anémie périnatale et de sa vitesse d’apparition : pâleur
• soit une anomalie extrinsèque aux constituants du GR (origines cutanéomuqueuse, tachycardie, tachypnée, difficultés à la suc-
immunes, infectieuses ou mécaniques) : ce sont les anémies cion et mauvaise prise pondérale, souffle systolique cardiaque
dites extracorpusculaires dont les causes sont acquises et géné- d’hyperdébit, anasarque, coma hypoxique (Hb inférieure à 3 g/dl).
ralement transitoires ; Le caractère hémolytique se manifeste par un ictère cutanéomu-
• soit une anomalie intrinsèque d’un des constituants du GR queux d’apparition précoce durant les 36 premières heures de vie
(membrane, hémoglobine, enzymes érythrocytaires) : ce sont et/ou intense, et parfois une splénomégalie et une hépatomégalie.
les anémies dites corpusculaires dont les causes sont génétiques. S’il existe des signes cliniques de sévérité et qu’une transfusion
Cette hémolyse accrue va être responsable d’une augmenta- sanguine urgente est envisagée, il faut penser à prélever si pos-
tion de la bilirubine libre sanguine qui peut devenir majeure sible des échantillons de sang avant cette transfusion pour guider
avec un risque de passage de la barrière hématoencéphalique et la recherche étiologique qui ne sera plus possible dans les 3 mois
d’atteinte des noyaux gris centraux irréversible (ictère nucléaire) qui suivent.

EMC - Pédiatrie 3
4-002-R-40  Anémies hémolytiques du nouveau-né

In utero, une anémie est suspectée si l’échographie révèle une


augmentation de la vitesse moyenne de pic systolique de vélo-
cité de l’artère cérébrale moyenne (PSV-ACM) ou une anasarque
fœtoplacentaire, avec un excès de liquide dans au moins deux
“ Point fort
compartiments (épanchement pleural et/ou péritonéal et/ou péri-
Bilan biologique de première intention devant une anémie
cardique). Toute situation à risque d’anémie fœtale doit conduire
à un suivi répété de la mesure de la PSV-ACM, technique non inva- présumée hémolytique
sive avec une sensibilité de 100 % pour la détection des anémies • Groupe sanguin, rhésus.
modérées et sévères [11] . Une hépato-spléno-mégalie ainsi qu’une • Numération formule sanguine, réticulocytes.
cardiomégalie sont parfois observées. • Analyse morphologique des GR sur le frottis.
• Bilirubinémie libre.
• Bandelette urinaire pour rechercher une hémoglobinu-
Explorations biologiques rie.
Chez le nouveau-né • Test de Coombs érythrocytaire.
• Test EMA.
On vérifie :
• la numération formule sanguine (NFS) avec un compte des réti-
culocytes. Le taux d’hémoglobine inférieur à 14 g/dl chez le
nouveau-né à terme confirme le diagnostic d’anémie néona-
tale. Celle-ci est le plus souvent normocytaire ou discrètement  Étiologies des anémies
macrocytaire. Un taux de réticulocytes (> 150 000/mm3 ) éle-
vés ± érythroblastes orientent vers une hémolyse (ou un hémolytiques néonatales
saignement). Cependant, le taux de réticulocytes est dif-
ficilement interprétable le premier mois de vie avec une Devant une anémie régénérative néonatale, il faut bien sûr évo-
hyper-réticulocytose physiologique oscillant entre 140 000 et quer une hémolyse mais aussi une hémorragie et une anémie
350 000/mm3 (3 à 7 %) à la naissance puis une relative réticu- centrale en phase de réparation. Le Tableau 1 résume les diffé-
lopénie dès la fin de la première semaine de vie (25 000 à 110 rentes causes d’anémie périnatale (Tableau 1).
000/mm3 [0,1 à 1,7 %]) persistante jusqu’à 6 à 8 semaines de Les étiologies des anémies hémolytiques sont classiquement
vie [3, 12] . Ainsi, un taux de réticulocytes inférieur à 150 000/mm3 séparées en deux groupes (Fig. 2), les anémies hémolytiques
à 15 jours de vie n’élimine aucunement une hémolyse ; extracorpusculaires et celles d’origine corpusculaire.
• les indices érythrocytaires tels que le VGM, la concentration
corpusculaire moyenne en hémoglobine (CCMH), le compte
de cellules hyperdenses (réalisé par certains automates) ; Anémies hémolytiques extracorpusculaires
• le frottis sanguin (cytologie sur lame) afin de préciser la Elles peuvent être :
morphologie des globules rouges (présence de sphérocytes, • d’origine immune : incompatibilité ABO, allo-immunisation
elliptocytes, corps de Heinz, schizocytes, etc.) ; Rhésus, autre allo-immunisation dans le groupe Rhésus (anti-
• le bilan d’hémolyse recherchant une hyperbilirubinémie libre Kell, etc.) ;
et augmentation des lactates déshydrogénases. Le dosage de • d’origine infectieuse : paludisme, septicémie à Clostridium per-
l’haptoglobine est difficilement interprétable durant les pre- fringens, cytomégalovirus, virus de l’hépatite C, virus de l’herpès
miers jours de vie car son taux est habituellement bas de façon simplex de types 1 et 2, rubéole, toxoplasmose ;
physiologique chez le nouveau-né. On recherche également • d’origine mécanique : hémangiome, syndrome de Kasabach-
une hémoglobinurie avec la réalisation d’une bandelette uri- Merritt, syndromes hémolytiques et urémiques congénitaux,
naire ; purpura thrombotique thrombocytopénique congénitaux ;
• le groupe sanguin, rhésus et le test de Coombs érythrocytaire • liées à une pycnocytose infantile, de physiopathologie encore
pour rechercher une situation d’incompatibilité fœtomater- inconnue.
nelle orientant vers une cause immunologique.
Les explorations supplémentaires sont réalisées en fonc-
tion de l’orientation étiologique suspectée (et si l’état cli-
nique du nouveau-né le permet, en limitant la spolia-
Anémies hémolytiques d’origine
tion sanguine) : dosages enzymatiques (G6PD [glucose-6- corpusculaire
phosphate-déshydrogénase], PK [pyruvate kinase]), électrophorèse
Elles regroupent :
de l’hémoglobine, recherche d’une anomalie de la membrane éry-
• les déficits enzymatiques : G6PD, PK, autres enzymes érythro-
throcytaire avec un marquage des GR à l’éosine-5 -maléimide en
cytaires ;
cytométrie de flux (test EMA). Ces prélèvements peuvent être faits
• les anomalies de la membrane érythrocytaire : sphérocytose
dans un second temps mais à distance d’une transfusion (idéale-
héréditaire (SH), elliptocytose héréditaire (EH) et pyropoïkilo-
ment, 3 mois). Si ce bilan ne peut être réalisé, les deux parents
cytose (PPK), stomatocytose héréditaire, acanthocytose ;
peuvent être explorés.
• les anomalies de l’hémoglobine : les syndromes ␣-thalassé-
miques et les hémoglobines instables (les ␤-thalassémies et la
Chez la mère drépanocytose ne sont pas symptomatiques en période néona-
On réalise : tale).
• le taux d’hémoglobine et l’analyse des indices érythrocytaires La Figure 3 résume la démarche diagnostique en présence d’une
tels que le VGM ; anémie néonatale.
• l’étude de la morphologie érythrocytaire sur le frottis ;
• le groupe sanguin, rhésus, test de Coombs érythrocytaire, la
recherche d’agglutinines irrégulières (RAI) ;
• le test de Kleihauer qui permet d’objectiver une transfusion  Anémies hémolytiques
fœtomaternelle et participer à l’anémie observée. Le résultat
est rendu par une hématie fœtale (HF) pour 10 000 hématies
néonatales d’origine
adultes (HA) (1 HF/10 000 HA correspond à environ 0,5 ml de extracorpusculaire
sang fœtal passé dans la circulation maternelle).
En cas de suspicion d’infection virale, des sérologies maternelles Elles sont liées à la présence d’un agent endogène ou exogène et
peuvent être prélevées et également demandées sur les sérums sont de loin les plus fréquentes chez le nouveau-né. Elles peuvent
gardés en cours de grossesse. être très bruyantes et nécessiter une prise en charge urgente.

4 EMC - Pédiatrie
Anémies hémolytiques du nouveau-né  4-002-R-40

Tableau 1.
Étiologies des anémies néonatales.
Anémies néonatales avec Anémies par hémorragie Saignement anténatal Transfusion fœtomaternelle
hyper-réticulocytose Transfusion fœtofœtale (grossesse gémellaire)
Saignement pernatal Placenta praevia, hématome rétroplacentaire
Anomalie du cordon
Saignement postnatal Céphalhématome volumineux
Saignement digestif, intracrânien
Hématome sous-capsulaire hépatique, des surrénales, etc.
Spoliation sanguine Prélèvements sanguins répétés
Anémies par hémolyse Origine acquise Allo-immunisation fœtomaternelle
Anémie hémolytique auto-immune maternelle
Anémie immunoallergique médicamenteuse
Mécanique (SHU congénitaux, etc.)
Origine constitutionnelle Par anomalie de la membrane du GR (SH, EH, PPK)
Par anomalie enzymatique du GR (déficit en G6PD, PK,
etc.)
Par anomalie de l’Hb (␣-thalassémie, ␥-thalassémie)
Anémie carentielle en
cours de réparation
Anémies néonatales sans Anémies d’origine Infections (parvovirus B19,
hyper-réticulocytose centrale paludisme, rubéole, CMV, herpès,
etc.)
Anémies carentielles (carence
martiale maternelle sévère,
malnutrition maternelle)
Médicaments maternels (zidovudine,
pyriméthamine, etc.)
Anomalie du métabolisme de la
vitamine B12
Anémie de Blacfan-Diamond
Dysérythropïèse congénitale
Envahissement médullaire/aplasie
médullaire

SHU : syndrome hémolytique et urémique ; GR : globule rouge ; SH : sphérocytose héréditaire ; EH : elliptocytose héréditaire ; PPK : pyropoïkilocytose ; G6PD : glucose-6-
phosphate-déshydrogénase ; Pk : pyruvate kinase ; Hb : hémoglobine ; CMV : cytomégalovirus.

Figure 2. Principales étiologies des ané-


Anémie néonatale mies hémolytiques du nouveau-né. GR :
globule rouge ; G6PD : glucose-6-phosphate-
déshydrogénase ; PK : pyruvate kinase ; IFME :
immunisation fœtomaternelle érythrocytaire ;
Par perte excessive des GR : CMV : cytomégalovirus ; SHU : syndrome
Par insuffisance de production Par hémolyse hémolytique et urémique.
hémorragie

D’origine corpusculaire D’origine extracorpusculaire

Anomalie de la membrane Immunes Non immunes


Sphérocytose, elliptocytose, etc.

Anomalie des enzymes du GR IFME Pycnocytose infantile


G6PD, PK, autres ABO
RH 1, RH 4, Kel
Infections bactériennes
sévères, paludisme
Anomalie de I’Hb
α-thalassémie
Maladies Fœtopathies
auto-immunes CMV, syphilis
maternelles rubéole, herpès

Mécanique
Médicamenteuses hémangiome, SHU, etc.

EMC - Pédiatrie 5
4-002-R-40  Anémies hémolytiques du nouveau-né

Anémie néonatale précoce

Anamnèse, antécédents familiaux


NFS, rétic, bilirubine/groupe sanguin, test de Coombs direct/examen du frottis sanguin
Groupe, RAI, Kleihauer maternel

Avec ictère : hémolyse Sans ictère

Coombs direct (+) Coombs direct (–)


et/ou élution (+) et élution (–) Réticulocytes ↓ Réticulocytes ↑
contexte d’incompatibilité Sans contexte d’incompatibilité

IFME Déficits enzymatiques Anémies


(ABO, RH1, RH4, Kell, du GR hémorragiques
autres)

Anomalies de la Anémie congénitale


Hémolyse
membrane du GR Blackfan-Diamond
médicamenteuse
Dysérythropoïèse

Auto-immune d’origine α-thalassémies Anémie carentielle


maternelle Hb instables (fer, folates, B12)

Infections
Infections (CMV, toxoplasmose, (syphilis, rubéole,
paludisme, sysphilis, herpès) parvovirus B19)

Origine, mécanique
(SHU, hémangiome, etc.)

Figure 3. Arbre décisionnel. Démarche diagnostique en présence d’une anémie du nouveau-né. NFS : numération formule sanguine ; RAI : recherche
d’anticorps antiérythrocytaires ; Hb : hémoglobine ; GR : globule rouge ; G6PD : glucose-6-phosphate-déshydrogénase ; PK : pyruvate kinase ; IFME :
immunisation fœtomaternelle érythrocytaire ; CMV : cytomégalovirus ; SHU : syndrome hémolytique et urémique.

Origine immune majoritairement chez un nouveau-né de groupe sanguin A (2 pour


1000 naissances) ou B (1 pour 1000 naissances) et de mère O
L’allo-immunisation érythrocytaire fœtomaternelle est définie (qui possède des anticorps naturels anti-A et anti-B). Des formes
par la présence, chez une femme enceinte, d’alloanticorps dirigés occasionnelles surviennent chez des mères de groupe A avec de
contre des antigènes de groupe sanguin présents sur les hématies puissantes IgG anti-B [14] . Les atteintes hémolytiques in utero
du fœtus et hérités du père. Le transfert placentaire et la fixation sont exceptionnelles (contrairement aux allo-immunisations Rhé-
des anticorps maternels sur les cibles antigéniques érythrocytaires sus). Lorsqu’elles sont symptomatiques en période postnatale, le
fœtales provoquent une hémolyse chez le fœtus et le nouveau-né. tableau clinique est dominé par une hyperbilirubinémie précoce
Pour induire une incompatibilité fœtomaternelle érythrocy- mais rarement très sévère. Une anémie néonatale est possible mais
taire (IFME), les anticorps doivent être de type IgG (immuno- non obligatoire car il semblerait que les hématies du nouveau-né
globuline G), qui sont les seuls à traverser le placenta, avoir une aient peu de sites antigéniques A ou B, ce qui permettrait aux
concentration circulante chez la mère suffisamment élevée, avoir anticorps maternels transmis de rester fixés aux GR plus long-
une certaine affinité pour l’Ag et être apte à activer, par leur région temps avant d’être détruits. Lorsque l’anémie existe, les indices
Fc, les récepteurs des macrophages. L’expression de la maladie érythrocytaires observés ainsi que le frottis sanguin miment une
hémolytique chez l’enfant va être conditionnée, d’une part, par la SH : anémie régénérative avec une hyperchromie (élévation de
quantité et les caractéristiques des anticorps maternels transmis, la CCMH au-dessus de 36 g/dl), excès de cellules hyperdenses
et, d’autre part, par la spécificité et le nombre de sites antigéniques (> 4 %) et présence de sphérocytes sur le frottis. Le test de Coombs
cibles sur les GR fœtaux qui augmentent avec la gestation. Ainsi, (direct) est positif, classiquement de type IgG, permettant le diag-
l’IFME qui en résulte peut présenter des formes cliniques variées nostic. Il faut noter que 60 % des enfants de groupe sanguin A
allant d’une anémie avec hyperbilirubinémie néonatale modé- ou B nés de mère O naissent avec un test direct à l’antiglobine
rée jusqu’à une atteinte fœtale majeure avec mort in utero par positif mais seulement 5 % des nouveau-nés A ou B de mère O
anasarque fœtoplacentaire. expriment cliniquement une maladie hémolytique. De plus, dans
les contextes d’IFME ABO, le test de Coombs a une sensibilité très
variable suivant les laboratoires et une mauvaise valeur prédictive
Incompatibilité ABO d’un ictère pathologique (et encore moins d’anémie hémolytique
Les IFME par anticorps immuns ABO sont les plus fréquentes, néonatale, rare dans ce contexte), sauf en cas de forte positivité
avec une incidence de trois sur 1000 naissances, bien que 15 à (4 croix). En cas de tableau clinique hémolytique sévère dans un
25 % des grossesses soient à risques [13] . Elles sont la première contexte d’incompatibilité ABO avec test de Coombs négatif, il
cause des maladies hémolytiques néonatales. Elles surviennent faut demander une élution pour rechercher des anticorps anti-A

6 EMC - Pédiatrie
Anémies hémolytiques du nouveau-né  4-002-R-40

ou anti-B dans le sérum du nouveau-né. Si cette recherche revient Presque deux femmes sur dix RH:–1 s’immuniseraient en cas de
aussi négative, les autres étiologies d’hémolyse doivent être envi- grossesse ABO compatible RH1 en l’absence de cette prophylaxie.
sagées (déficit en G6PD, PK, SH, etc.). De même, devant un ictère À noter que la prévention des maladies hémolytiques par anti-
intense mal expliqué, un syndrome de Gilbert associé doit être KEL1, anti-RH4, anti-RH3 repose exclusivement sur la sélection
évoqué. des produits à transfuser chez toute femme dont l’état médical le
Une thrombopénie et une cholestase peuvent se voir et sont justifie (incluant les nouveau-nés de sexe féminin), dans le respect
généralement des signes de gravité [15, 16] . du phénotype Rh-Kell.

Allo-immunisation dans le groupe Rhésus Dépistage


L’examen clé du diagnostic d’immunisation maternelle est la
L’IFME anti-RH1 (ou anti-RhD) est la forme la plus classique RAI qui permet de révéler tout anticorps maternel développé hors
et représente la deuxième cause d’allo-immunisation fœtomater- système ABO. Selon la réglementation française de suivi de la
nelle avec une incidence de 0,9 pour 1000 naissances bien que grossesse, les RAI négatives au premier trimestre sont répétées :
sa survenue ait remarquablement diminué depuis le dépistage et • chez les femmes RH:–1 aux sixième (avant l’injection d’IgRh),
la prophylaxie par injection d’Ig anti-RH1 (anciennement immu- huitième et neuvième mois de grossesse, une immunisation
noprophylaxie anti-D) chez les femmes RH:–1 [17] . L’antigène RH1 anti-RH1 avec retentissement sur l’enfant pouvant apparaître
n’est pas présent sur les globules rouges d’environ 15 % de la popu- au cours des deuxième et troisième trimestres, même sans fac-
lation caucasienne occidentale, contre 1 % pour la population teur favorisant ;
asiatique (Chine, Japon). • chez les femmes RH1 au huitième mois de grossesse car une
La physiopathologie est celle d’une allo-immunisation secon- immunisation à impact transfusionnel maternel ou fœtal peut
daire à l’exposition préalable d’une mère RH:–1 à des GR fœtaux apparaître en cours de grossesse.
RH1 à l’occasion d’une transfusion ou d’une hémorragie fœtoma- Toute RAI positive impose l’identification de l’anticorps sans
ternelle même minime qui peut avoir eu lieu lors d’un précédent retard aussi bien chez la femme RH1 que RH:–1, et ce quel que
accouchement, de complications ou de gestes obstétricaux (fausse soit le terme de la grossesse. La spécificité de l’anticorps indique
couche spontanée, interruption de grossesse, ponction de sang alors s’il y a un risque fœtal connu pour cet anticorps ou si ce
fœtale, amniocentèse, version externe, etc.). Le développement dernier n’a qu’un impact transfusionnel maternel. Les anticorps
d’anti-RH1 est possible chez d’authentiques primigestes et aussi en avec retentissement fœtal possible sont les anti-RH1, anti-RH4 et
cas d’immunoprophylaxie à la grossesse précédente ou au décours anti-KEL1 pour lesquels il y a urgence à quantifier ce risque et à
d’une situation à risque en cas de dose insuffisante d’Ig anti-RH1 adapter un suivi de grossesse spécialisé.
et/ou de délai d’administration tardif.
Les IFME anti-RH1 sont symptomatiques dans 50 % des cas, Prise en charge en cas de confirmation d’IFME
dont un quart de formes sévères à manifestations anténatales avec Le traitement transfusionnel repose sur l’utilisation de globule
anémie fœtale s’exprimant pour la moitié avant 34 SA. En effet, de groupe O sans hémolysine et Kell négatif choisi en respectant
l’antigène RH1 est le plus immunogène des antigènes érythrocy- le phénotype sanguin maternel.
taires et il apparaît très précocement au cours de l’hématopoïèse In utero
puisqu’il a pu être identifié sur la surface des globules rouges dès La transfusion fœtale par abord du cordon sous guidage écho-
38 jours postconceptionnels. Lorsque l’hémolyse débute tôt in graphique est la technique actuelle de référence à partir de
utero, la production de GR par le foie et la rate est augmentée pour 20 semaines d’aménorrhée (SA) [22] . À des termes plus précoces,
compenser leur destruction et il existe un passage d’érythroblastes elle devient délicate et fait parfois envisager une transfusion par
immatures dans la circulation fœtale (érythroblastose fœtale). En
voie intrapéritonéale fœtale. À l’inverse, à des termes plus avan-
l’absence de prise en charge spécifique, l’évolution se fait vers un
cés au-delà de 34 SA, la décision de provoquer la naissance peut
tableau d’anasarque et décès in utero.
être une alternative à la transfusion intravasculaire, d’autant plus
À la naissance, l’anémie peut s’accompagner d’une très forte que le transfert placentaire des anticorps maternels augmente de
réticulocytose (30 à 40 % de réticulocytes) et d’une forte pro- manière importante au cours de la grossesse.
portion de cellules rouges nucléées (érythroblastose dépassant En postnatal
100 000/mm3 ) qui peut induire, au comptage cellulaire automa- Les taux d’hémoglobine et de bilirubine du nouveau-né doivent
tisé, un diagnostic de fausse hyperleucocytose. Le test de Coombs être déterminés dès la naissance, puis suivis attentivement pen-
est positif, de type IgG. À noter que le test direct à l’antiglobuline dant toute la période néonatale. Si une atteinte hémolytique
est retrouvé positif chez 10 à 15 % des nouveau-nés de mères ayant sévère peut être présente d’emblée avec anémie et hyperbiliru-
reçu une immunoprophylaxie par anti-RH1 au cours du troisième binémie importante, une forme plus modérée peut se manifester
trimestre mais ces anti-RH1 n’ont aucun impact hémolytique chez plusieurs jours après la naissance, avec un ictère prolongé ou à
le fœtus ni le nouveau-né. rebond nécessitant un traitement et/ou une anémie significative
à 2 ou 3 semaines de vie. L’hémolyse persiste plusieurs semaines
Autres IFME non ABO et non anti-RH1 tant que les anticorps maternels sont présents chez l’enfant (soit
Elles représentent 0,5 pour 1000 naissances, avec la moitié liée environ 1 mois pour les IFME ABO et 3 à 4 mois dans les maladies
à une IFME RH4 ou RH3 [18] . Rhésus).
Les IFM anti-KEL1 sont plus rares, mais avec une gravité Le choix du traitement postnatal est guidé par le degré de sévé-
aussi importante que celle de l’incompatibilité RH1 responsable rité de l’anémie et/ou l’hyperbilirubinémie [23] . En pratique, le
d’anémies fœtales très sévères et très précoces. En effet, dans les seuil transfusionnel de 8 g/dl dans les 15 premiers jours de vie
IFM anti-KEL1, l’immunohémolyse est associée à une inhibition est un bon indicateur, et ce même si la réticulocytose est impor-
de l’érythropoïèse qui prédomine, responsable d’une réticulocy- tante, car elle va s’épuiser. Cependant, c’est plutôt la corrélation
tose et l’érythroblastose sanguine peu marquées au regard d’une entre la vitesse de chute de l’hémoglobine sur les premiers jours
anémie parfois extrême avec une hyperbilirubinémie modérée [19] . avec celle de l’évolution de l’ictère (et ses rebonds) et la tolé-
rance clinique qui va guider les indications transfusionnelles [24] .
L’hyperbilirubinémie est traitée par photothérapie intensive (PTI)
Prise en charge
précoce et prolongée. Le recours à l’exsanguinotransfusion (ETS)
Prévention est devenu rare bien que permettant de soustraire les GR incompa-
Actuellement, seules les MHNN secondaires aux incompatibili- tibles, d’apporter des GR compatibles, de drainer la bilirubine et
tés de spécificité RH1 peuvent bénéficier d’une prévention par le d’éliminer théoriquement les anticorps maternels présents dans
biais de l’immunoprophylaxie par injection d’immunoglobulines le plasma du nouveau-né. Cette technique n’est pas sans compli-
spécifiques anti-RH1 chez les femmes RH:–1 après l’accouchement cation, dont la survenue de décès. Des thérapeutiques adjuvantes
d’une enfant RH:1, pendant la grossesse lors de situation à à la photothérapie peuvent permettre de limiter le recours à l’ETS,
risque d’hémorragie fœtomaternelle et systématiquement à la comme la perfusion d’albumine à 20 % en réduisant la fraction
28e semaine de grossesse en l’absence d’immunisation [20, 21] . non liée de bilirubine non conjuguée ou encore les perfusions d’Ig

EMC - Pédiatrie 7
4-002-R-40  Anémies hémolytiques du nouveau-né

polyvalentes (IGIV) dont le mécanisme d’action est peu clair [25] . une réticulocytose variable [33] . Les nouveau-nés atteints peuvent
Plusieurs publications d’utilisation clinique des IGIV montrent nécessiter une photothérapie et habituellement une ou plusieurs
en effet, sur des petits effectifs, la réduction des indications transfusions de culots érythrocytaires. On observe régulièrement
d’exsanguinotransfusion dans les incompatibilités Rhésus, mais une réascension du taux sanguin de bilirubine (« rebond ») à
aussi de la durée d’hospitalisation et de photothérapie. Cepen- l’arrêt de la photothérapie nécessitant alors la reprise du trai-
dant, d’autres études n’ont pas confirmé ce résultat. Aussi, des tement. Dans une étude rétrospective de 50 cas diagnostiqués
recommandations uniformes d’utilisation des IGIV ne sont pas au CHU Bicêtre, il s’agit majoritairement d’enfants caucasiens
formellement établies [26] . (70 %), nés à 38–41 SA dans 60 % des cas ou à 35–37 SA dans
40 % des cas, eutrophes (86 %), sans disparité de sexe. On note
un antécédent familial de PI dans 16 % des cas. Les signes cli-

“ Point fort niques apparaissent le premier mois de vie, majoritairement entre


6 et 21 jours de vie (94 %), avec un ictère cutanéomuqueux
(94 %) précoce ou tardif, persistant, parfois associé à une pâleur
(28 %) sans hépato-spléno-mégalie. Dans 88 % des cas, il y a
• Une IFME doit être suspectée chez tout nouveau-né : une indication de photothérapie intensive et, dans 52 % des cas,
◦ dont la mère a des RAI positives ; d’exsanguinotransfusion. Cependant, cet ictère répond rapide-
◦ qui présente une anémie régénérative périnatale ou ment à la photothérapie et aucune exsanguinotransfusion n’a été
néonatale précoce ou évolutive ; réalisée dans cette série. Les patients présentent tous une anémie
◦ avec un ictère précoce, rapidement progressif ou isolée (Hb < 10 g/dl) dont sévère (< 8 g/dl) pour 88 % d’entre eux
d’évolution prolongée (à rebonds). avec un taux de réticulocytes supérieur à 100 G/l dans 70 % des
• L’IFME est confirmée à la naissance par le test de cas seulement. Une transfusion de culots globulaires a été réalisée
dans 94 % des cas à 16 jours d’âge médian, deux transfusions dans
Coombs direct et/ou l’élution identifiant les anticorps irré-
24 % des cas à 30 jours d’âge médian. À l’âge de 4 mois, le taux
guliers.
d’hémoglobine est normalisé ainsi que le frottis sanguin et il n’y
• Dans les IFME de spécificité ABO, le test de Coombs peut
a eu aucune séquelle (article en cours de soumission).
être négatif, mais l’élution est positive à anti-A ou anti-B.
Origine infectieuse
Les fœtopathies (cytomégalovirus, rubéole, syphilis, herpès,
Autres causes immunologiques toxoplasmose) peuvent aussi entraîner une hyperhémolyse à la
Certains médicaments sont capables d’induire des hémolyses naissance [34, 35] . Une hépato-spléno-mégalie peut être associée
par un mécanisme de type immunoallergique chez la mère ainsi qu’une atteinte des autres lignées (leucopénie, thrombo-
comme chez le fœtus si le xénobiotique passe la barrière pla- pénie). Les infections bactériennes sévères dont le Clostridium
centaire. Les médicaments les plus souvent incriminés sont perfringens peuvent générer une hémolyse secondaire à une
les anti-inflammatoires non stéroïdiens, les pénicillines et les atteinte de la membrane du globule rouge par les toxines. Enfin, il
céphalosporines [27] . Ces anémies hémolytiques induites par des ne faut pas méconnaître une infection palustre soit par contami-
médicaments doivent être évoquées mais cela reste un diagnostic nation mère/enfant si la mère a séjourné dans une zone impaludée
d’élimination. ou par transfusion sanguine [36] .
Les autoanticorps maternels d’une mère atteinte d’une anémie
hémolytique auto-immune peuvent également passer la barrière Origine mécanique
placentaire et détruire les GR du fœtus et du nouveau-né [28] .
Les anémies hémolytiques néonatales de cause mécanique sont
caractérisées par la présence de schizocytes sur le frottis et très
Pycnocytose infantile souvent associées à une thrombopénie significative. À noter que
la présence de shizocytes peut être physiologique, avec des taux de
Mise en évidence pour la première fois en 1959 par l’équipe de 0,5 à 1,9 % chez le nouveau-né à terme et 4 % chez le prématuré.
Tuffy, la PI est une anémie hémolytique néonatale transitoire rare Les principales étiologies sont les hémangiomes ou autres tumeurs
survenant dans les premières semaines de vie [29] . Son incidence vasculaires. Il faut évoquer aussi les causes plus rares comme les
n’est actuellement pas connue ; pourtant, elle correspondrait à microangiopathies thrombotiques à révélation néonatale avec :
9,4 % des diagnostics d’anémie hémolytique néonatale de cause • les syndromes hémolytique et urémique congénitaux liés à des
inconnue chez 149 nouveau-nés [30] . mutations de certains gènes de la voie alterne du complément
La physiopathologie reste encore mal comprise mais elle est ou du métabolisme de la vitamine B12 [37] ;
néanmoins actuellement classée dans les anémies hémolytiques • les purpuras thrombotiques thrombocytopéniques (PTT) liés
acquises extracorpusculaires. des mutations de la protéine ADAMTS13 [38] .
Le diagnostic de PI est cytologique, avec un examen attentif
du frottis sanguin : les nouveau-nés atteints ont un pourcentage
élevé (> 5,6 % ou > 4 % selon les auteurs) de globules rouges,  Anémies hémolytiques
déformés, irréguliers, contractés, hyperdenses, et présentant des
spicules, témoins de leur fragilité dans un contexte de maladie
néonatales d’origine corpusculaire
hémolytique néonatale [29] . Des pycnocytes peuvent exister à l’état Parmi les anémies hémolytiques dites constitutionnelles symp-
physiologique (avec un taux de pycnocytes qui varie entre 0,3 et tomatiques chez le nouveau-né les plus fréquentes sont le déficit
1,9 % pour les nouveau-nés à terme et entre 1,3 et 5,6 % pour en G6PD et la SH. Le diagnostic de ce groupe de pathologies peut
les nouveau-nés prématurés). Des pycnocytes ont également été être délicat en période néonatale et ne peut être fait qu’avant une
mis en évidence chez des patients avec un déficit enzymatique en transfusion ou à distance de celle-ci, au moins 2 à 3 mois après. En
G6PD ou avec une elliptocytose [31, 32] . Ainsi, avant de porter le cas de difficultés de prélèvement chez le nouveau-né, les parents
diagnostic de PI, les autres étiologies doivent être éliminées [4, 10] peuvent être explorés.
en s’assurant que le test de Coombs direct est négatif, que les
dosages des activités enzymatiques en G6PD et PK sont normaux
comme l’ektacytométrie (et/ou un test EMA) écartant une patho- Déficits enzymatiques érythrocytaires :
logie de la membrane érythrocytaire. enzymopathies
La pycnocytose infantile induit un tableau de maladie hémoly-
tique néonatale par hémolyse accrue avec apparition d’un ictère Le GR étant dépourvu de noyau et d’organites, il ne peut syn-
intense, à bilirubine libre, précoce et/ou tardif, et/ou d’une ané- thétiser et renouveler ses différentes protéines. De plus, en raison
mie évolutive habituellement normochrome, normocytaire avec de l’abondance de l’oxygène et du fer dans son cytoplasme, le GR

8 EMC - Pédiatrie
Anémies hémolytiques du nouveau-né  4-002-R-40

Figure 4. Schéma simplifié du métabolisme


Glucose
des enzymes érythrocytaires. G6PD : glucose-
Hexokinase 6-phosphate-déshydrogénase ; GPI : glucose
phospho-isomérase ; TPI : triose-phosphate iso-
Voie des pentoses Glucose-6-phosphate mérase ; 2,3-DPG : 2,3-diphosphoglycérate ;
Voie de la glycolyse ATP : adénosine triphosphate ; NADP : nicotina-
2GSH NADP
mide adénine dinucléotide phosphate ; NADPH :
G6PD GPI
GSSG nicotinamide adénine dinucléotide phosphate
NADPH
hydrogéné ; GSH : glutathion réduit ; GSSG :
glutathion oxydé.
6P-gluconate Fructose-6-phosphate

TPI ATP
NADPH
Pentoses

2,3-DPG

Pyruvate kinase

Pyruvate
Lactates

est une cellule particulièrement exposée aux radicaux oxydants « A− » retrouvé chez environ 20 % des sujets noirs africains, le
qui peuvent dénaturer les lipides membranaires et l’hémoglobine variant « méditerranéen B− » présent dans le pourtour méditer-
favorisant la lyse des hématies. Le rôle des enzymes érythrocy- ranéen, le Proche et le Moyen-Orient où elle touche 10 à 25 %
taires est de permettre à l’érythrocyte de produire de l’énergie de la population associée à des manifestations cliniques générale-
en utilisant principalement le glucose (la glycolyse) comme ment sévères (favisme), et le variant « Canton » retrouvé chez 10
substrat pour maintenir l’intégrité de sa membrane et proté- à 15 % des sujets asiatiques. L’Organisation mondiale de la santé
ger l’hémoglobine de son oxydation en méthémoglobine. Cette a établi une classification phénotypique en fonction de l’activité
glycolyse utilise deux voies : une principale, la voie d’Embden- résiduelle qui conditionne le risque d’hémolyse et donc la sévérité
Meyerhof, utilisant 90 % du glucose, qui génère de l’énergie, de la maladie (Tableau 2).
et présente une boucle produisant le 2,3-DPG, essentiel à la Le déficit en G6PD peut se manifester dès la période néona-
régulation de la fixation de l’oxygène sur l’hémoglobine ; une tale par une hémolyse associée à une hyperbilirubinémie précoce
secondaire, la voie des pentoses phosphates, utilisant 10 % du apparaissant dans les 24 premières heures de vie ou patholo-
glucose dont la G6PD est l’enzyme clé, et étroitement associée au gique les jours suivants qui peut nécessiter une photothérapie
métabolisme du glutathion (GSH), mécanisme indispensable de intensive, voire une exsanguinotransfusion. Il n’y a pas de fac-
détoxification du GR (Fig. 4). teur déclenchant identifié dans la plupart des cas. Le déficit en
Comme le GR ne peut renouveler son stock d’enzyme, l’activité G6PD représente plus de 30 % des causes d’ictère sévère du
enzymatique décroît avec son âge, élevée dans les hématies jeunes, nouveau-né à complications neurologiques dans le registre amé-
et faible dans les cellules sénescentes. Cette caractéristique est ricain des ictères nucléaires et il est actuellement la deuxième
importante à garder à l’esprit lors des dosages biologiques, un cause de recours à l’exsanguinotransfusion après les incompatibi-
déficit pouvant être masqué si l’analyse est faite en pleine crise lités fœtomaternelles [42] . Il peut également provoquer une anémie
réticulocytaire. Pour éviter ce piège d’interprétation, il est recom- hémolytique chronique en cas de déficit de classe I. Rarement, des
mandé de doser simultanément plusieurs activités enzymatiques cas d’Hydrops fetalis et d’hémolyse sévère intra-utérine après inges-
(G6PD, hexokinase, PK). tion maternelle d’agents oxydants et des cas d’hémolyse aiguë,
lors d’allaitement après ingestion de fèves, ont été rapportés.
L’examen du frottis sanguin montre la présence d’hématies
Déficit en glucose-6-phosphate-déshydrogénase mordues, d’hémighosts ou ghosts et, après coloration vitale au
Le déficit en G6PD est le plus commun des déficits enzyma- bleu de crésyl, la présence de corps de Heinz (dérivés oxydés de
tiques dans le monde avec plus de 420 millions de personnes l’hémoglobine précipitant et se fixant à la membrane érythrocy-
atteints réparties principalement sur le bassin méditerranéen, taire). Le diagnostic repose sur le dosage quantitatif de l’activité
l’Afrique et l’Asie. Il est établi que le déficit en G6PD protège du enzymatique de la G6PD érythrocytaire, si possible en dehors des
paludisme [39] . Il s’agit d’une maladie génétique liée à l’X avec crises hémolytiques afin d’éviter un diagnostic erroné dû à un
de nombreuses formes sporadiques. Le déficit s’exprime majo- taux élevé de réticulocytes et avant transfusion. L’interprétation
ritairement chez les hommes hémizygotes, et les femmes, qui du dosage peut être délicate ; aussi, il est recommandé de le cou-
transmettent l’anomalie, sont, en général, indemnes. Toutefois, pler au dosage d’une autre enzyme du GR comme l’hexokinase ou
le déficit peut être symptomatique chez les femmes, soit homozy- la PK qui sert de contrôle interne de l’âge moyen des GR étudiés.
gotes, soit hétérozygotes, en fonction de l’inactivation de l’un ou La biologie moléculaire permet de préciser le défaut responsable
l’autre de leurs deux chromosomes X. et de prédire le degré de sévérité clinique qu’encourt le patient.
Un déficit en G6PD ne permet plus de maintenir une quan-
tité suffisante de glutathion réduit diminuant la résistance des GR
à un stress oxydatif qui peut être infectieux, médicamenteux ou
Déficit en pyruvate kinase
toxique et provoquer une hémolyse aiguë [40] . Plusieurs variants Le déficit en PK, enzyme de la voie de la glycolyse, est le second
(plus de 200 mutations différentes) ont été identifiés, avec une déficit enzymatique le plus fréquent après le déficit en G6PD. Il
répartition géographique caractéristique [41] . La G6PD d’activité est distribué dans le monde entier. Il est de transmission auto-
normale la plus répandue est celle de type B. Le type A a une acti- somique récessive. Les hétérozygotes sont habituellement non
vité légèrement plus basse et est présente chez 30 % des sujets symptomatiques et les homozygotes ou hétérozygotes composites
africains. Les trois principaux variants déficitaires sont : le variant développent une anémie hémolytique de sévérité très variable. Un

EMC - Pédiatrie 9
4-002-R-40  Anémies hémolytiques du nouveau-né

Tableau 2.
Classification de l’Organisation mondiale de la santé des variants enzymatiques de la glucose-6-phosphate-déshydrogénase (G6PD) en fonction de son activité
résiduelle.
Type Intensité du déficit Activité enzymatique Expression clinique Variants les plus fréquents
(%)
Classe I Sévère < 10 de l’activité Hémolyse chronique Rare
normale
Classe II Sévère 10 Hémolyse intermittente G6PD B− ou
méditerranéen, Mahidol,
Canton
Classe III Modéré 10–60 Hémolyse suite à un stress oxydatif G6PD A−
Classe IV Absence de déficit 60–150 Absence G6PD B/G6PD A
Classe V Activité accrue > 150 Absence Rare

ictère néonatal est présent dans 60 à 90 % des cas, parfois précoce Europe du Nord et en Amérique du Nord, avec une incidence de
et associé à une hémolyse nécessitant une photothérapie inten- 1/5000, voire 1/2000 naissances, mais elle est présente sur tous les
sive et transfusion pour certains malades. Des formes in utero continents.
sont décrites, avec une anémie majeure et une hyperbilirubiné-
mie imposant une exsanguinotransfusion, voire des H. fetalis [43] . Données biochimiques et génétiques
Le diagnostic repose sur la mesure de l’activité enzymatique de La SH est secondaire à un déficit quantitatif ou qualitatif de
la PK qui varie entre 5 et 40 % de la normale et l’étude du gène certaines protéines de membrane : l’ankyrine, la bande 3, la
PKLR en biologie moléculaire [44] . Il n’y a pas de corrélation entre spectrine et la protéine 4,2 (Fig. 5) [49, 50] . Quelle que soit la pro-
le taux résiduel mesuré de la PK et le phénotype clinique contrai- téine responsable, son déficit aboutit à une déstabilisation de la
rement à certaines mutations prédictives de formes d’expression bicouche lipidique, avec comme conséquence une perte de maté-
plutôt sévères. À l’heure actuelle, un peu plus de 300 mutations riel membranaire sous forme de microvésicules, une diminution
sont décrites [45] . La prise en charge du déficit en PK a reposé de la surface du GR avec sphérisation et une déshydratation cellu-
jusqu’à présent sur les transfusions en cas d’anémie symptoma- laire, signes constamment retrouvés dans la SH. Ces GR fragilisés
tique, la splénectomie dans les formes les plus expressives avec ont une diminution de leur résistance osmotique et de leur défor-
une efficacité aléatoire et la greffe de moelle osseuse dans certaines mabilité, et sont séquestrés puis détruits dans la microcirculation
situations. Cependant, une nouvelle molécule orale activatrice de splénique.
la PK érythrocytaire, le mitapivat, récemment développée, semble Le mode de transmission est dominant dans 75 % des cas. Cinq
très prometteuse, avec une correction de l’anémie chez la plupart gènes, au moins, sont susceptibles de porter des mutations res-
des patients [46] . ponsables de SH. Il s’agit, par ordre de fréquence décroissante,
des gènes : ANK11, codant l’ankyrine 1 (50 % des cas) ; SLC4A1,
Autres déficits enzymatiques codant la bande 3, échangeur des anions ; SPTB, codant la chaîne ␤
de la spectrine ; EPB42, codant la protéine 4,2 ; SPTA1, codant la
Les autres déficits enzymatiques sont rares, de transmission chaîne ␣ de la spectrine. Dans 25 % des cas, il n’y a pas d’histoire
autosomique récessive, et il s’agit généralement de mutations pri- familiale de SH. Les mutations de novo concernent essentielle-
vées [47] . Devant un tableau d’anémie hémolytique congénital ment les gènes ANK1 et SPTB [48] .
dont l’enquête étiologique reste négative, il faut néanmoins savoir
l’évoquer et demander l’étude des autres enzymes érythrocytaires. Diagnostic clinique
Ainsi, le déficit de la glucose phosho-isomérase est la troisième La SH se manifeste par une anémie régénérative de gravité
enzymopathie érythrocytaire la plus fréquente après les déficits très variable selon les individus. Classiquement, on classe la SH
en G6PD et PK. Le déficit en triose-phosphate isomérase, plus en forme asymptomatique (taux d’Hb et de réticulocytes normal
rare, est une affection caractérisée par une anémie hémolytique pour l’âge), minime (taux d’Hb entre 11 et 15 g/dl et de réticu-
constante et une atteinte neuromusculaire dégénérative progres- locytes entre 3 et 6 %), modérée (taux d’Hb entre 8 et 11 g/dl et
sive qui débute dans les premiers jours de vie avec des symptômes de réticulocytes > 6 %) représentant la majorité des patients avec
visibles dès l’âge de 6–12 mois et entraînant le décès du patient environ 60 % des malades, et sévère (taux d’Hb entre 6 et 8 g/dl
avant 5 ans. et de réticulocytes > 10 %) [51] . Chez le nouveau-né atteint, le taux
d’Hb est généralement normal à la naissance, associé à une forte
Anomalies de la membrane érythrocytaire : réticulocytose initiale, mais diminue rapidement au cours des 4
premières semaines de vie, témoignant de l’érythropoïèse peu effi-
membranopathies cace chez le très jeune nourrisson, et pouvant rendre nécessaire
La membrane érythrocytaire est constituée d’une bicouche lipi- une transfusion chez environ 40 % des enfants avant le premier
dique, traversée par des protéines transmembranaires et d’un mois de vie [52, 53] . Un ictère précoce dès le deuxième jour de vie
squelette protéique, assemblage de protéines entrelacées, tapis- est présent chez la plupart des enfants et environ 70 % d’entre
sant la face interne de la bicouche lui conférant ses propriétés eux nécessitent une photothérapie [54] . Il existe exceptionnelle-
remarquables de déformabilité et de résistance mécanique (Fig. 5). ment une splénomégalie à la naissance. Les cas d’H. fetalis sont
Les anémies hémolytiques dues à une anomalie de la membrane rares [52, 53] .
se divisent en trois principales entités : Diagnostic biologique
• la sphérocytose héréditaire résultant de la perte des interactions
Pour porter le diagnostic, l’étude des indices érythrocytaires
verticales entre le cytosquelette et la bicouche lipidique ;
fournis par la plupart des automates actuels donne une première
• l’elliptocytose héréditaire (et sa forme aggravée, la pyropoï-
approche diagnostique :
kilocytose héréditaire) résultant de la perte des interactions
• une CCMH supérieure à 36 g/dl ;
horizontales entre le cytosquelette et la bicouche lipidique ;
• un excès de cellules hyperdenses (cellules avec une CCMH
• les stomatocytoses héréditaires dues à une anomalie de la per-
> 41 g/dl), reflet de la déshydratation cellulaire (valeur normale
méabilité membranaire aux cations [48] .
< 4 %) : en l’absence de cellules hyperdenses, un diagnostic de
SH est peu probable ;
Sphérocytose héréditaire • la diminution du volume réticulocytaire (VCMr) en dessous
La SH, appelée aussi maladie de Minkowsky-Chauffard, est la de 100 fl (valeur normale chez l’adulte : 111,17 + 6,37 fl) est
maladie constitutionnelle du globule rouge la plus fréquente en de grand apport diagnostique. À l’inverse, un VCMr élevé,

10 EMC - Pédiatrie
Anémies hémolytiques du nouveau-né  4-002-R-40

Figure 5. Schéma simplifié de la membrane


érythrocytaire.

Glycophorine A
Glycophorine C

Bande 3 Bande 3

4,2 P55
4,1R
Anlayrine 4,9
Tropomyosine Adducine
4,1R
Spectrine β

Spectrine α

supérieur à 115 fl, est un argument contre le diagnostic de néanmoins fiable qu’à partir de l’âge de 3–6 mois de vie et n’est
SH [55] . La microcytose avec un VGM inférieur à 95 fl chez le donc pas réalisé chez les nouveau-nés. Enfin, bien qu’actuellement
nouveau-né est un signe de sévérité. non réalisée en routine, la biologie moléculaire permet désormais
Sur le frottis sanguin, la présence de sphérocytes est habi- l’identification précise de mutations qui peut être demandée dans
tuelle, mais ceux-ci peuvent être peu nombreux, voire absents, certaines situations délicates [62] .
chez certains patients. Ainsi, devant une hémolyse, l’association
Prise en charge
d’antécédent familial de SH ou de splénectomie et/ou de cho-
lécystectomie, d’une CCMH supérieure à 36 g/dl, de cellules La prise en charge en période néonatale repose sur une sur-
hyperdenses supérieures à 4 % et des sphérocytes sur la lame veillance clinique et hématologique particulièrement attentive
pourrait suffire à porter le diagnostic de SH [56] . du fait de la diminution rapide du taux d’Hb, le plus souvent
Les examens plus spécifiques avec les tests d’hémolyse mettant normal à la naissance. Les signes de mauvaise tolérance clinique
en évidence la diminution du rapport surface/volume des globules d’anémie doivent être expliqués aux familles : somnolence anor-
rouges dans la SH comme l’étude de la résistance osmotique, le male, difficultés lors de la prise des biberons. La surveillance
Pink test, le test d’hémolyse en milieu glycérolé et acidifié (AGLT) hebdomadaire ou bimensuelle de l’hémogramme est recomman-
et le test de cryohémolyse nécessitent tous les quatre un prélè- dée chez le nouveau-né jusqu’à obtention d’un taux d’Hb stable,
vement frais et certains d’entre eux sont peu sensibles et/ou peu bien toléré cliniquement, avec un compte réticulocytaire adapté
spécifiques [50, 57] . Le test de référence est l’ektacytométrie en gra- à l’anémie. Une supplémentation précoce en folates est débu-
dient osmolaire qui permet ainsi de faire le diagnostic de tous tée et la supplémentation en fer est à discuter en fonction du
les cas de SH [58] . Par ailleurs, chaque anomalie constitutionnelle contexte (allaitement maternel exclusif, taux d’hémoglobine bas
de la membrane érythrocytaire donnant une courbe spécifique à à la naissance, etc.). L’hyperbilirubinémie est traitée selon son
l’ektacytométrie, on peut différencier aisément les SH des autres intensité par photothérapie et une transfusion réalisée en cas
pathologies de la membrane érythrocytaire comme les ellipto- de mauvaise tolérance de l’anémie. Selon les séries, la moitié à
cytoses héréditaires ou les stomatocytoses. Seuls certains cas de deux tiers des nouveau-nés ou nourrissons sont transfusés avant
dysérythropoïèses congénitales de type II et les anémies hémo- l’âge de 2 mois [49, 50] . Or, un traitement par érythropoïétine
lytiques auto-immunes ou allo-immunes peuvent reproduire une recombinante (EPOr) pourrait permettre de limiter, voire d’éviter,
courbe de SH ; aussi, on s’assure que le test de Coombs est néga- des transfusions durant ces premiers mois de vie, en limitant
tif. Cependant, l’ektacytométrie est peu accessible et nécessite la réticulopénie physiologique du premier mois [50, 63, 64] . Tcher-
des conditions de prélèvement et d’acheminement particuliers. nia et al. ont rapporté pour la première fois l’utilisation d’EPOr
Actuellement, la cytométrie en flux après marquage des GR avec chez 16 nouveau-nés avec une posologie de 1000 UI/kg/semaine
l’éosine-5-maléimide (test EMA) est une technique facile, nécessi- d’époétine bêta (Neorecormon® ) en trois injections par voie
tant une très faible quantité de sang (5 ␮l) et pouvant être différée sous-cutanée et dix d’entre eux n’ont pas été transfusés. La darbé-
de plusieurs jours (jusqu’à 6 j) [50, 57] . La perte de fluorescence des poétine alfa (Aranesp® ) est une nouvelle génération d’EPOr avec
GR après marquage à l’EMA de plus de 21 % confirme le diag- une demi-vie d’action plus longue et permet une injection par
nostic de SH avec une bonne sensibilité (> 90 %). Il existe une semaine en sous-cutané à la posologie de 5 ␮g/kg, mais elle n’a pas
zone d’incertitude entre 16 et 21 % de diminution de la fluores- d’autorisation de mise sur le marché en France chez le nouveau-
cence, ce qui concerne un patient sur dix porteur de SH et 10 % né contrairement au Neorecormon® . L’utilisation de l’EPOr reste
de patients ont un test EMA non contributif [50, 59] . Cependant, la actuellement non consensuelle et dépend de l’expérience et des
combinaison des tests EMA et AGLT atteindrait une sensibilité de habitudes de chaque équipe. La splénectomie partielle ou totale
100 % pour le dépistage des SH [50, 60] . À noter que, contrairement n’est pas à discuter en période néonatale.
à l’ektacytométrie, le test EMA n’est pas mis en défaut par une ané-
mie hémolytique d’origine immune telle qu’une incompatibilité Elliptocytose héréditaire et pyropoïkilocytose
ABO où il n’existe pas de perte de fluorescence. L’ektacytométrie L’EH est caractérisée par la présence de globules rouges ellip-
et le test EMA peuvent être réalisés sur le sang de cordon ou chez tiques sur le frottis. Elle est retrouvée dans toutes les populations
un nouveau-né de quelques jours, et être interprétés aisément [61] . mais sa fréquence est particulièrement élevée dans certaines
L’électrophorèse des protéines membranaires érythrocytaires en régions d’Afrique équatoriale, pouvant atteindre 2 % de la popu-
SDS-PAGE (sodium dodecyl sulfate polyacrylamide gel electrophoresis), lation (mécanisme de résistance au paludisme).
technique délicate réservée à des laboratoires spécialisés, permet L’EH est de transmission autosomique dominante. Elle est
d’identifier la protéine membranaire déficitaire et soupçonner le secondaire à des mutations entraînant une altération d’une des
gène responsable dans environ 60 % des cas [50] . Cet examen n’est protéines qui interviennent dans les interactions horizontales

EMC - Pédiatrie 11
4-002-R-40  Anémies hémolytiques du nouveau-né

entre le cytosquelette et la bicouche lipidique, avec par ordre de (VGM moyen : 130, voire 150 fl) et une hypochromie (CCMH
fréquence décroissante la chaîne ␣ de la spectrine (gène SPTA1), entre 24 et 30 g/dl). Le nombre de stomatocytes est élevé sur le
la chaîne ␤ de la spectrine (gène SPTB) et la protéine 4,1 (gène frottis. L’électrophorèse des protéines membranaires érythrocy-
EPB41) [48] . Le cytosquelette ainsi fragilisé perd de son élasticité taires révèle une réduction très marquée, voire une absence, de
et, dans les formes sévères, on assiste à la rupture des mailles la stomatine. Cette absence de stomatine n’est cependant pas
aboutissant à une fragmentation cellulaire (poïkilocytose). le mécanisme primitif de l’OHSt, son gène n’est pas muté. Le
Les manifestations cliniques de l’elliptocytose sont variables, gène impliqué est RHAG, codant les glycoprotéines RhAG du
allant de formes totalement asymptomatiques à des formes avec complexe Rh de la membrane érythrocytaire et transporteurs
hémolyse sévère nécessitant des transfusions itératives, voire des d’ammonium [70, 71] .
tableaux d’H. fetalis [65] . Si la grande majorité des patients ont
une forme silencieuse de découverte fortuite lors de l’examen Stomatocytose héréditaire avec hématies déshydratées (DHSt)
du frottis sanguin, environ 10 %, souvent porteurs d’une muta- La DHSt, appelée aussi xérocytose héréditaire (XH), est la forme
tion homozygote ou double hétérozygote composite, ont une la plus fréquente des stomatocytoses, avec une incidence esti-
forme symptomatique [66, 67] . Ces formes sévères s’expriment dès mée de 1/50 000 naissances. Sa transmission est majoritairement
la période néonatale et sont caractérisées par une anémie hémoly- autosomique dominante mais des mutations de novo existent.
tique sévère associée à un ictère et une poïkilocytose sur le frottis On distingue une forme simple correspondant à une DHSt isolée
(fragmentation importante des hématies). et une forme pléiotropique associant DHSt et/ou pseudo-hyper-
Outre l’examen du frottis, le diagnostic biologique est fait sur kaliémie et/ou œdèmes inexpliqués en période anténatale et
l’analyse des indices érythrocytaires des automates qui révèle néonatale. La combinaison de ces différentes manifestations peut
une population érythrocytaire très microcytaire (VGM abaissé) être hétérogène au sein d’une même famille. Les épanchements
avec souvent un double pic sur l’histogramme de répartition séreux peuvent mettre en jeu le pronostic vital du fœtus, et leur
des volumes corpusculaires. Parfois, les hématies fragmentées ont importance n’est pas secondaire au degré d’anémie. Ces œdèmes
une taille tellement réduite qu’elles peuvent être comptabilisées s’amendent spontanément en quelques jours à quelques mois
comme des plaquettes. On distingue trois formes de poïkilocy- après la naissance.
tose : L’hémolyse dans les DHSt est habituellement bien compen-
• la poïkilocytose transitoire de la prime enfance correspondant sée, avec une réticulocytose élevée (300 à 400 109/l) et l’anémie
à une forme hétérozygote simple avec un début hématolo- peu sévère, voire absente. En période néonatale, l’ictère est peu
gique bruyant et une évolution spontanément favorable en 6 à intense. L’analyse du frottis sanguin montre la présence de sto-
18 mois, la fragmentation cellulaire initiale s’amenuisant au fil matocytes en règle peu nombreux (moins de 10 %). La courbe
du temps pour laisser la place à une elliptocytose classique ; d’ektacytométrie est typique et l’électrophorèse des protéines
• la poïkilocytose des états homozygotes, tranfusion-dépendante membranaires érythrocytaire ne révèle aucune anomalie. Le gène
au long cours ; principal de la DHSt est PIEZO1 qui code un canal ionique méca-
• la poïkilocytose des états hétérozygotes composites, caractérisée nosensible [72, 73] . Plus récemment, c’est le canal Gardos codé par
par l’association d’une mutation elliptocytogène située sur le le gène KCNN4 et canal potassium spécifique activé par le calcium
gène ␣ de la spectrine (␣-EH) hérité d’un parent et un polymor- qui a été impliqué dans la survenue de DHSt [74] mais avec quelques
phisme particulier appelé ␣-LELY situé en trans, responsable atypies dont une ektacytométrie normale [75] . L’évolution est
d’une diminution de 50 % de la synthèse des chaînes ␣ de la dominée par une surcharge en fer en l’absence de toute trans-
spectrine, hérité du second parent [48] . fusion, de mécanisme peu clair et pouvant apparaître dès l’âge de
L’ektacytométrie en gradient osmolaire retrouve une courbe 20–30 ans. La splénectomie est contre-indiquée car elle entraîne
caractéristique de forme trapézoïdale pour l’elliptocytose et apla- des complications thromboemboliques.
tie pour la poïkilocytose. L’étude en biologie moléculaire des
différentes protéines de la membrane du GR désormais réali- Autres anomalies de la membrane érythrocytaire
sée par plusieurs équipes peut être demandée dans les tableaux Acanthocytose
d’hémolyse sévères et aider au conseil génétique [68] .
Les acanthocytes sont des GR avec quelques spicules (2 à 12
La prise en charge est symptomatique et repose sur la pho-
par définition), de longueur variable, denses, qui se projettent
tothérapie en cas d’hyperbilirubinémie et de transfusion en cas
à partir de la surface du GR. L’acanthocytose peut être consti-
d’anémie mal tolérée. La splénectomie partielle ou totale n’est
tutionnelle et s’inscrire dans plusieurs syndromes neurologiques
pas à discuter en période néonatale, même dans les formes très
s’associant à une hémolyse, tels que le syndrome de McLeod
symptomatiques.
(acanthocytes entre 10 et 80 % sur le frottis), la choréoacan-
thocytose, l’A-␤-lipoprotéinémie (acanthocytes > 50 % sur le
Stomatocytose héréditaire frottis). Les causes acquises sont l’insuffisance hépatocellulaire,
Les stomatocytoses héréditaires désignent un groupe d’anémies l’asplénie/hyposplénie, la malnutrition sévère, un déficit en vita-
hémolytiques, secondaires à une anomalie de la perméabilité mine E, l’hypothyroïdie. Ce sont des anomalies de la composition
membranaire érythrocytaire aux cations K+ et Na+ aboutissant à des lipides membranaires mais la génération d’acanthocytes reste
un défaut de régulation du volume érythrocytaire, qui entraîne incomprise.
une diminution de la résistance osmotique mais sans altération
de la déformabilité du globule rouge. Les stomatocytoses ont été Ovalocytose du Sud-Est asiatique
initialement identifiées par la présence sur le frottis sanguin de Il s’agit d’un trait asymptomatique à l’état hétérozygote, très
stomatocytes, globules rouges avec une barre claire en forme de répandu dans une région s’étendant de la Thaïlande à la Méla-
bouche (stoma) remplaçant la dépression circulaire caractérisant nésie. Il se caractérise par la présence de stomato-ovalocytes sur
les érythrocytes normaux. Il y a deux grandes catégories de sto- le frottis sans autres anomalies hématologiques, avec une perte
matocytoses, l’une s’accompagnant d’une hyperhydratation des totale de déformabilité élastique à l’ektacytométrie. Il est secon-
hématies et l’autre d’une déshydratation des globules rouges. Le daire à une délétion sur la bande 3 [48, 69] . Un seul cas d’ovalocytose
diagnostic de stomatocytose est fait par l’ektacytométrie en gra- homozygote est connu, révélé par une hémolyse sévère néces-
dient osmolaire, chaque type de stomatocytose présentant une sitant des transfusions itératives in utero et postnatales, cette
courbe caractéristique, associé à l’étude du frottis [49, 69] . situation étant probablement habituellement létale [76, 77] .
Stomatocytose héréditaire avec hématies hyperhydratées
(OHSt) Anomalies de l’hémoglobine
Cette forme est très rare avec moins d’une vingtaine de
familles rapportées dans la littérature. La transmission est autoso-
Switch des chaînes de globines (Fig. 1)
mique dominante majoritairement, mais des mutations de novo Durant la vie embryonnaire, deux chaînes de la famille ␣
existent. Le tableau hématologique est celui d’une anémie hémo- coexistent : ␨, qui apparaît la première, puis ␣. De même, il
lytique plus ou moins compensée avec une macrocytose notable existe deux chaînes de type ␤ : ␧, spécifique à cette période

12 EMC - Pédiatrie
Anémies hémolytiques du nouveau-né  4-002-R-40

initiale de la vie et les chaînes ␥ (ou fœtales). Ces diverses sous- 10 et 30 % et quelques pourcents Hb H, formée de quatre dimères
unités permettent de réaliser les trois hémoglobines de l’embryon, de chaîne ␤ (␤4 ).
l’Hb Gower 1 (␨2 ␧2 ), l’Hb Gower 2 (␣2 ␧2 ) et l’Hb Portland (␨2 ␥2 ). La délétion des quatre gènes ␣ de la globine ––/––(notée aussi
L’hémoglobine fœtale (HbF) de structure ␣2 ␥2 est détectable à par- ␣0 /␣0 ) est responsable de l’H. fetalis Bart’s in utero. Il n’y a pas de
tir de la cinquième semaine de vie intra-utérine. Parallèlement à production de chaîne ␣ mais un excès de chaîne ␥ avec l’Hb Bart’s
cette modification de la nature des sous-unités de globine, il y a (␥4 ) qui ne fixe pas l’oxygène et explique la sévérité du tableau avec
un changement du lieu où s’effectue l’érythropoïèse : sac vitel- une anasarque fœtoplacentaire conduisant au décès in utero ou
lin dans la vie embryonnaire, puis hépatique et splénique entre le précoce après la naissance. L’anémie est majeure (3–8 g/dl) micro-
deuxième et le huitième mois de grossesse, puis médullaire (Fig. 1). cytaire et, sur le frottis sanguin, on observe une érythroblastémie.
À terme, à la naissance, l’HbF représente 75 % des dimères Des mutations non délétionnelles sont également responsables
de globine, et l’HbA les 25 % restants. Les chaînes ␥ dispa- d’H. fetalis [81] . La plus fréquente d’entre elles est l’hémoglobine
raissent progressivement au cours de la première année de vie et Constant Spring qui est très instable et très peu fonctionnelle.
l’hémoglobine dite adulte est constituée de 97 % d’HbA (␣2 ␤2 ), L’électrophorèse de l’Hb montre une Hb Bart’s majoritaire à 80 %
2,5 % d’HbA2 (␣2 ␦2 ) et de moins de 1 % d’HbF (␣2 ␥2 ). Ce timing chez le fœtus et le nouveau-né. La survie du fœtus dépend de
différent dans l’expression des chaînes de la globine au cours la présence ou pas de l’Hb embryonnaire Portland 1 et 2 qui
de la vie intra-utérine explique que les défauts de synthèse des peut ne pas être présente en fonction des types de délétion.
chaînes ␣ s’expriment dès, voire avant, la naissance alors que Les complications sont non seulement fœtales mais aussi mater-
les défauts des chaînes ␤ s’expriment après la naissance à partir nelles, avec un risque d’hypertension artérielle, de prééclampsie,
des 6–12 premiers mois de vie. Ainsi, les hémoglobinopathies, en d’hémorragie de la délivrance ou encore de placenta abruptio.
dehors des ␣-thalassémies majeures, se manifestent peu en période Les diagnostics précoces d’H. fetalis, les progrès de la médecine
néonatale. Les manifestations cliniques d’un syndrome drépano- fœtale et de la réanimation néonatale peuvent permettre quelque-
cytaire majeure ou d’une ␤-thalassémie majeure sont rares chez le fois d’assurer la survie de fœtus puis du nouveau-né (transfusions
nouveau-né, même si le diagnostic biologique peut être porté dès in utero, exsanguinotransfusions, programme transfusionnel pré-
cette période, voire en anténatal. coce) [82, 83] . Une greffe de cellules souches hématopoïétiques peut
Il existe également des hémoglobines anormales rares dont la secondairement être réalisée [84] .
grande majorité ne donne lieu à aucune pathologie aussi bien La prise en charge optimale des syndromes ␣-thalassémiques
dans les formes hétérozygotes qu’homozygotes, et une mino- nécessite de connaître les particularités épidémiologiques et de
rité avec des phénotypes cliniques dominants dans lesquels dépister des couples à risque [85] . L’␣-thalassémie est très répandue
les porteurs hétérozygotes manifestent des désordres hématolo- à travers le monde mais elle affecte surtout les populations origi-
giques, parfois à début néonatal comme certaines hémoglobines naires d’Asie (Cambodge, Laos, Birmanie, Thaïlande et Chine), du
instables. bassin méditerranéen et d’Afrique équatoriale. Cependant, les ␣-
thalassémies d’expression intermédiaire et sévère concernent très
majoritairement les personnes originaires du Sud-Est asiatique où
jusqu’à 10 % de la population de cette région est porteuse d’une
Syndromes ␣-thalassémiques ␣-thalassémie mineure de génotype ––/␣␣ et l’incidence d’H. feta-
Les ␣-thalassémies constituent un groupe d’anomalies géné- lis de Bart’s se situe entre 0,5 à 5 pour 1000 naissances [86] . En
tiques de transmission autosomale récessive, caractérisées par un revanche, dans les populations d’Afrique sub-saharienne, les por-
défaut de synthèse de chaînes de globine ␣ [78, 79] . Un individu teurs hétérozygotes ont plus fréquemment une seule délétion par
« sain » possède quatre exemplaires de ce gène, répartis en tan- chromosome (–␣/–␣ ; ␣ + –thalassémie), avec par conséquent très
dem sur chaque chromosome 16 et, en l’absence d’anomalie, est peu de risque d’avoir un enfant avec une hémoglobinose H ou
noté ␣␣/␣␣. Une délétion ou plus rarement une mutation d’un un H. fetalis. Le dépistage des couples à risque tient ainsi compte
seul gène est responsable de la forme asymptomatique ou silen- de l’origine ethnique du couple, avec une attention particulière
cieuse (trait thalassémique) et est notée –␣/␣␣. Dans cette forme, pour les couples originaires du Sud-Est asiatique, de la Chine et
la perte de synthèse des chaînes de la globine ne représente que dans une moindre mesure du bassin méditerranéen ou du Moyen-
10 à 15 %, la NFS est normale (hormis parfois une discrète micro- Orient [87] . L’analyse attentive des indices érythrocytaires avec
cytose) et l’électrophorèse de l’Hb chez le nouveau-né retrouve la constatation d’une microcytose (VGM < 80 fl) et/ou d’une
moins de 1 % d’Hb Bart’s formée de quatre chaînes ␥ (␥4 ). En effet, hypochromie (CCMH < 27 g/dl) avec ou sans anémie, après avoir
les chaînes ␥ ne pouvant pas toutes s’apparier avec des chaînes ␣ éliminé une carence en fer, est évocatrice d’un trait thalassémique
en déficit relatif pour former l’HbF (␣2 ␥2 ), elles s’associent entre et doit alerter. L’électrophorèse de l’Hb des parents retrouve un
elles (␥4 ). taux d’HbA2 normal ou légèrement abaissé en cas d’␣-thalassémie
L’ ␣-thalassémie mineure correspond à la perte de deux gènes ␣ hétérozygote, et augmenté entre 4 à 8 % en cas de ␤-thalassémie
de la globine soit sur le même allèle ––/␣␣ (noté aussi ␣0 /␣␣), hétérozygote. Le diagnostic moléculaire des couples à risque est
soit sur chacun des deux allèles –␣/–␣ (noté aussi ␣+ /␣+ ). Dans indispensable, associé à un conseil génétique.
cette forme, la diminution de synthèse des chaînes de globine ␣ Le diagnostic anténatal est réalisé par l’étude en biologie molé-
atteint 20 à 25 %. Biologiquement, on observe une microcytose culaire de l’ADN (acide désoxyribonucléique) fœtal possible de
isolée sans anémie avec une pseudo-polyglobulie hypochrome. façon non invasive entre 10 et 26 semaines de grossesse sur les
L’électrophorèse de l’hémoglobine à la naissance révèle 2 à 10 % cellules fœtales circulantes chez la mère [88] . Les anémies peuvent
d’Hb Bart’s (␥4 ). être détectées grâce à l’écho-doppler en recherchant une augmen-
Le syndrome thalassémique majeur ou hémoglobinose H cor- tation de la vitesse moyenne de pic systolique de vélocité de
respond à la délétion de trois gènes ␣ de la globine ––/–␣ (noté l’artère cérébrale moyenne (PSV-ACM) chez le fœtus [11] . Mais,
aussi ␣0 /␣+ ). La diminution de synthèse des chaînes de globine ␣ certains auteurs ont identifié d’autres critères échographiques
atteint 50 à 85 %. Le syndrome thalassémique est symptoma- avant la survenue d’H. fetalis, comme la mesure du rapport
tique cliniquement et d’autant plus grave que le déficit est cardiothoracique et la détermination de l’épaisseur du placenta
profond [80] . Le tableau associe une anémie hémolytique par- qui permettent de suspecter les ␣-thalassémies homozygotes dès
fois expressive dès la naissance, un ictère, une splénomégalie, la 12e à 14e semaine [89, 90] . Un diagnostic anténatal peut être ainsi
et de rares cas d’H. fetalis ont été rapportés. Le bilan biologique proposé précocement et, en cas de diagnostic de syndrome tha-
retrouve les stigmates d’hémolyse, avec une anémie d’intensité lassémique ␣0 /␣0 , un arrêt thérapeutique de grossesse discuté, les
variable, microcytaire, hypochrome, régénérative. Le frottis san- avortements spontanés tardifs induisant une morbidité mater-
guin est informatif, avec la présence d’une anisopoïkilocytose, nelle notable.
d’une hypochromie, d’hématies cibles et, à la coloration vitale
au bleu de crésyl, la présence de corps de Heinz qui donnent un
aspect en « balle de golf » et correspondent à des précipités d’Hb
Syndromes ␤-thalassémiques
anormale (Hb Bart’s [␥4 ] chez les nouveau-nés). L’électrophorèse La plupart des anomalies de la chaîne ␤ de la globine quan-
de l’hémoglobine à la naissance montre un taux d’Hb Bart’s entre titative (ou qualitative) ne se manifestent pas sous forme d’une

EMC - Pédiatrie 13
4-002-R-40  Anémies hémolytiques du nouveau-né

anémie hémolytique en période néonatale en raison de la forte des fœtus, limitant ainsi plus fréquemment les complications
concentration en HbF (cf. supra « Switch des chaînes de globine »). majeures comme les H. fetalis pour de nombreuses grossesses.

Hémoglobines instables Déclaration de liens d’intérêts : l’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêts
Les hémoglobines instables correspondent à une anomalie en relation avec cet article.
qualitative d’une chaîne de globine, souvent secondaires à une
mutation ponctuelle entraînant une solubilité plus faible de
l’Hb [91] . On connaît aujourd’hui plus d’une centaine d’Hb  Références
instable. Les chaînes ␤ sont le plus souvent concernées mais les
chaînes ␣ et plus rarement les chaînes ␥ peuvent être intéressées [1] Orkin SH, Zon LI. Hematopoiesis: an evolving paradigm for stem cell
avec alors des manifestations néonatales. Les mutations impli- biology. Cell 2008;132(4):631–44.
quées sont habituellement des mutations ponctuelles, privées et [2] Heinig K, Sage F, Robin C, Sperandio M. Development and trafficking
de transmission dominante mais l’histoire familiale peut man- function of haematopoietic stem cells and myeloid cells during fetal
ontogeny. Cardiovasc Res 2015;107(3):352–63.
quer lorsqu’il s’agit de mutations de novo. Il existe un continuum
[3] Lainey E, Boirie M, Fenneteau O. Hémogramme en pédiatrie : variations
entre des formes très modérées et des tableaux graves réalisés par
physiologiques. Rev Francoph Lab 2009;2009(416):49–59.
les Hb hyperinstables avec une hémolyse sévère et hyperbiliru- [4] Tasseau A, Rigourd V. Anémie néonatale précoce : orientation diagnos-
binémie. Le frottis sanguin révèle la présence de corps de Heinz, tique. http://www.em-consulte.com/en/article/25815.
correspondant aux précipités de la globine insoluble permettant [5] Dhaliwal G, Cornett PA, Tierney LM. Hemolytic anemia. Am Fam Phy-
d’évoquer le diagnostic. Cependant, les corps de Heinz peuvent sician 2004;69(11):2599–606.
être absents, les globules rouges fragilisés étant rapidement captés [6] Porter ML, Dennis BL. Hyperbilirubinemia in the term newborn. Am Fam
et détruits par la rate. Certaines Hb particulièrement instables pré- Physician 2002;65(4):599–606.
cipitent dans l’érythroblaste dès leur synthèse et conduisent à une [7] Kaplan M, Bromiker R, Hammerman C. Hyperbilirubinemia,
érythropoïèse inefficace. L’électrophorèse de l’hémoglobine peut hemolysis, and increased bilirubin neurotoxicity. Semin Perinatol
identifier l’Hb instable mais elle est mise en défaut dans environ 2014;38(7):429–37.
30 % des cas [92] . Le test à l’isopropanol permet de mettre en évi- [8] Le Pichon J-B, Riordan SM, Watchko J, Shapiro SM. The neurological
dence la baisse de solubilité de l’Hb instable et l’avènement de la sequelae of neonatal hyperbilirubinemia: definitions, diagnosis and treat-
ment of the kernicterus spectrum disorders (KSDs). Curr Pediatr Rev
biologie moléculaire a considérablement aidé à l’identification de
2017;13(3):199–209.
ces variants. Deux d’entre elles sont particulièrement connues en
[9] Bhutani VK, Johnson L, Sivieri EM. Predictive ability of a pre-
période néonatale, l’Hb F Poole secondaire à une mutation de la discharge hour-specific serum bilirubin for subsequent significant
chaîne ␥ globine, et l’Hb Hasharon à la suite d’une mutation de hyperbilirubinemia in healthy term and near-term newborns. Pediatrics
la chaîne ␣. Dans les deux cas, l’hémolyse s’amende dans les pre- 1999;103(1):6–14.
miers mois de vie, l’Hb F Poole disparaissant avec l’Hb fœtale et [10] Cortey A, Renesme L, Raignoux J, Bedu A, Casper C, Tourneux P, et al.
l’Hb Hasharon étant plus stable lorsqu’elle va s’apparier avec les Management of jaundice in the newborn ≥35 GW: from screening to
chaînes ␤ adultes. follow-up after discharge. Guidelines for clinical practice. Arch Pediatr
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Le risque principal des anémies hémolytiques en période néona- 2000;342(1):9–14.
tale réside dans l’hyperbilirubinémie non contrôlée, avec le risque [12] Tasseau A, Rigourd V. Anémie néonatale précoce : orientation diagnos-
tique. Jour Ped Puer 2004;15(4):198–203.
d’ictère nucléaire en l’absence de traitement adéquat et rapide. Le
[13] Cortey A, Mailloux A, Huguet-Jacquot S, Castaigne-Meary V, Macé
diagnostic et la prise en charge de ces nouveau-nés nécessitent G, N’Guyen A, et al. Incompatibilités foetomaternelles érythrocytaires.
une collaboration étroite entre les obstétriciens, les pédiatres, les EMC Pédiatrie-Maladies infectieuses 2012;7(3):1–21 [Article 4-002-R-
néonatologues, les hématologues, les centres de transfusion et 25].
les laboratoires de biologie spécialisée. L’enquête étiologique doit [14] Wang M, Hays T, Ambruso DR, Silliman CC, Dickey WC. Hemolytic
comporter, dans un premier temps, une étude approfondie de disease of the newborn caused by a high titer anti-group B IgG from a
l’anamnèse familiale et obstétricale, un examen clinique et des group A mother. Pediatr Blood Cancer 2005;45(6):861–2.
examens biologiques simples, réalisés avant toute première trans- [15] Saade GR, Moise KJ, Copel JA, Belfort MA, Carpenter RJ. Fetal platelet
fusion, qui vont permettre de faire le diagnostic dans un bon counts correlate with the severity of the anemia in red-cell alloimmuni-
nombre de cas. Les allo-immunisations fœtomaternelles sont les zation. Obstet Gynecol 1993;82(6):987–91.
causes fréquentes avec le déficit en G6PD, la sphérocytose hérédi- [16] Rosenbloom JI, Bruno AM, Conner SN, Tuuli MG, Simon LE, Macones
taire et les ␣-thalassémies des anémies hémolytiques néonatales. GA, et al. Fetal thrombocytopenia in pregnancies complicated by fetal
anemia due to red-cell alloimmunization: cohort study and meta-analysis.
Lorsque ces diagnostics sont écartés, il faut savoir évoquer des
J Perinatol 2019;39(7):920–6.
causes plus rares comme les autres déficits enzymatiques érythro- [17] Urbaniak SJ, Greiss MA. RhD haemolytic disease of the fetus and the
cytaires ou encore la pycnocytose infantile. Si le nouveau-né ne newborn. Blood Rev 2000;14(1):44–61.
peut être prélevé pour l’enquête étiologique (anémie trop pro- [18] Geifman-Holtzman O, Wojtowycz M, Kosmas E, Artal R. Female alloim-
fonde, transfusion réalisée en urgence, etc), ses parents peuvent munization with antibodies known to cause hemolytic disease. Obstet
être explorés pour faire le diagnostic. Gynecol 1997;89(2):272–5.
L’avènement du séquençage de nouvelle génération (NGS) de [19] Santiago JC, Ramos-Corpas D, Oyonarte S, Montoya F. Current clinical
panels de gènes connus et impliqués dans les maladies hémoly- management of anti-Kell alloimmunization in pregnancy. Eur J Obstet
tiques du GR est désormais un atout majeur lorsque les autres tests Gynecol Reprod Biol 2008;136(2):151–4.
diagnostiques échouent [93] . Outre l’identification de mutations [20] Cortey A, Brossard Y. Prevention of fetomaternal rhesus-D allo-
déjà connues responsables de pathologies hémolytiques, le NGS immunization. Practical aspects. J Gynecol Obstet Biol Reprod
peut également révéler de nouvelles mutations jamais signalées ou 2006;35(Suppl. 1), 1S123-121S130.
étiquetées « d’importance inconnue » qui pourraient être impli- [21] Bennardello F, Coluzzi S, Curciarello G, Todros T, Villa S. Italian Society
of Transfusion Medicine and Immunohaematology (SIMTI) and Italian
quées en présence de manifestations cliniques pertinentes. Le
Society of Gynaecology and Obstetrics (SIGO) working group. Recom-
diagnostic d’une hémolyse constitutionnelle doit s’accompagner mendations for the prevention and treatment of haemolytic disease of the
secondairement d’une enquête familiale et d’une consultation foetus and newborn. Blood Transfus Trasfus Sangue 2015;13(1):109–34.
génétique pour le couple, en cas de désir d’un autre enfant. [22] Zwiers C, van Kamp I, Oepkes D, Lopriore E. Intrauterine transfusion
Enfin, les progrès réalisés concernant le dépistage anténatal and non-invasive treatment options for hemolytic disease of the fetus
des anémies sévères et le développement des techniques trans- and newborn – review on current management and outcome. Expert Rev
fusionnels in utero permettent une meilleure prise en charge Hematol 2017;10(4):337–44.

14 EMC - Pédiatrie
Anémies hémolytiques du nouveau-né  4-002-R-40

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C. Guitton, Praticien hospitalier (corinne.guitton@aphp.fr).


Service de pédiatrie générale, CHU Bicêtre, 78, rue du Général-Leclerc, 94270 Le Kremlin-Bicêtre, France.
Centre de référence des syndromes drépanocytaires, thalassémiques et autres maladies constitutionnelles du globule rouge et de l’érythropoïèse, AP–HP,
Université de Paris-Saclay, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Guitton C. Anémies hémolytiques du nouveau-né. EMC - Pédiatrie 2021;41(3):1-16 [Article 4-002-R-40].

Disponibles sur www.em-consulte.com


Arbres Iconographies Vidéos/ Documents Information Informations Auto- Cas
décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations clinique

16 EMC - Pédiatrie
 4-002-R-91

Infections néonatales virales


M. Butin

Résumé : Parmi les infections néonatales, les infections virales présentent un large éventail de situations
cliniques de gravité variable. La contamination virale peut se faire durant la grossesse via le placenta.
Certains virus peuvent alors induire un retard de croissance ou des malformations, c’est par exemple le cas
de la rubéole. D’autres virus vont entraîner des lésions viscérales, voire conduire à la mort fœtale in utero.
C’est le cas notamment des virus de la varicelle, du cytomégalovirus (CMV) ou encore du parvovirus B19.
Certains virus peuvent contaminer le nouveau-né lors de l’accouchement, au contact avec les sécrétions
génitales maternelles contaminées. C’est le cas d’herpes simplex ou encore du virus de l’immunodéficience
humaine (VIH). Pour ces situations à risque, des mesures de prévention ciblées peuvent être mises en
place (césarienne à considérer, antiviral spécifique pendant l’accouchement, traitement du nouveau-né
en postnatal). Enfin, l’immaturité immunologique du nouveau-né l’expose dans les premières semaines
de vie à un risque de développer une infection sévère en cas de contamination virale. La quasi-totalité
des virus est concernée : les virus respiratoires, les entérovirus, la varicelle (en l’absence d’immunité
maternelle). Des mesures de cocooning et les gestes barrières doivent être appliqués pour limiter le risque
de contamination néonatale. De nombreux axes sont encore à explorer en ce qui concerne la recherche
sur les infections virales. Une meilleure compréhension des phénomènes de contamination et de réponse
immunologique pourrait permettre de développer des moyens de prévention (vaccination notamment).
Par ailleurs en cas d’infection il est important de suivre les enfants durant plusieurs années dans le
cadre de cohortes afin de dépister l’apparition de complications rares ou tardives. En conclusion, les
infections virales néonatales représentent une cause importante de morbidité néonatale et peuvent être
responsables de séquelles ou handicap à long terme. Elles doivent donc être appréhendées avec la même
attention que celle des infections bactériennes néonatales.
© 2021 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : Virus ; Infection néonatale ; VIH ; CMV ; Vaccin

Plan  Introduction
■ Introduction 1 La pathologie infectieuse néonatale recouvre un champ large
■ Immunologie et physiopathologie des infections néonatales
et extrêmement varié de situations cliniques. Tous les types de
virales 2
pathogènes peuvent être impliqués. Si les infections bactériennes
Contamination maternofœtale pendant la vie intra-utérine 2
néonatales sont bien connues de tous avec des recommandations
Contamination péri-partum 3
de prise en charge standardisées, il ne faut pas méconnaître les
Contamination postnatale 3
infections néonatales virales.
En effet, ces infections, toutes causes confondues, sont fré-
■ Points clés virus par virus 3 quentes et potentiellement sévères. Elles représentent une cause
Virus de l’immunodéficience humaine 3 importante de morbidité néonatale et peuvent être responsables
Virus de l’hépatite B 4 de séquelles ou handicap à long terme. La collaboration entre
Cytomégalovirus 5 le pédiatre et l’obstétricien a une place prépondérante dans ce
Virus zona-varicelle (VZV) 6 contexte puisque la prévention (avant et pendant la grossesse), le
Virus herpes simplex 6 dépistage, le diagnostic précoce et une prise en charge optimale
Virus respiratoires 7 permettent d’éviter ou de limiter la gravité de certaines infections.
Parvovirus B19 7 Dans cet exposé nous abordons tout d’abord le contexte immu-
Autres virus 8 nologique et physiopathologique de ces infections. L’infection
■ Perspectives 8 virale peut survenir dès la période anténatale, réalisant des
■ Conclusion 8 tableaux in utero parfois sévères, voire létaux, mais peut aussi
se produire au moment de la naissance ou en postnatal. Dans

EMC - Pédiatrie 1
Volume 41 > n◦ 3 > juillet 2021
http://dx.doi.org/10.1016/S1637-5017(21)90842-1
4-002-R-91  Infections néonatales virales

Facteurs Facteurs Facteurs Facteurs Facteurs Facteurs


de risque protecteurs de risque protecteurs de risque protecteurs

Terme
Prophylaxie Prématurité
précoce Mesures
Terme tardif Voie basse antivirale Comorbidité
Hormones barrières
Passage Charge virale périnatale Précarité
Immunité Cocooning
d’anticorps Gestes lg Lait maternel
Microbiote Vaccination
maternels invasifs spécifiques pour certains
Niveau de maternelle
postnatales virus
virémie

VIH, CMV, etc.

VRS, grippe, etc.

CMV, VZV, HSV, rubéole, etc. VIH, VHB, HSV, etc. VZV, HSV, entérovirus, etc.

Vie intra-utérine Naissance Premières semaines

Figure 1. Différentes voies de contamination du fœtus ou nouveau-né et facteurs favorisants ou protecteurs de chacune de ces voies. Ig : immunoglobulines ;
VIH : virus de l’immunodéficience humaine ; CMV : cytomégalovirus ; VRS : virus respiratoire syncytial ; VZV : virus varicelle-zona ; HSV : herpes simplex virus ;
VHB : virus de l’hépatite B.

un deuxième temps, nous décrivons les grandes lignes de prise ou d’explants [1] ainsi que des modèles animaux [2] ont permis de
en charge anté- et postnatale des infections néonatales virales, mieux déchiffrer les étapes et déterminants de cette contamina-
en détaillant les particularités des principaux virus pouvant être tion. Le placenta joue à la fois le rôle de barrière de protection
impliqués. En conclusion, nous exposons les pistes de recherche et la mission de transfert de nutriments et anticorps. Des virus
et perspectives de prise en charge dans le contexte des infections peuvent donc détourner cette voie de transfert pour passer la
virales. barrière placentaire [3] . Une des particularités du placenta est sa
En préambule, il faut insister sur le fait que tout ce qui est pré- tolérance immunitaire relative, indispensable pour que la gros-
senté ici est le fruit d’un travail bibliographique réalisé au premier sesse soit menée à terme sans phénomène de rejet entre la mère
semestre de 2020, qui ne peut donc prendre en compte les don- et son fœtus. Cette tolérance relative va accroître la capacité des
nées publiées par la suite, et qui n’est donc pas exhaustif. Le lecteur virus maternels à passer la barrière placentaire et à contaminer
peut s’inspirer de ces données pour avoir une idée de la patho- le fœtus [3] . D’autres facteurs interviennent dans la transmission
logie, mais cela n’exclut pas de se référer aux recommandations du virus : ces facteurs dont l’impact dans le processus infec-
nationales ou internationales et aux données récentes de la litté- tieux a fait l’objet d’études incluent notamment l’imprégnation
rature ainsi que de prendre en compte les moyens disponibles et le hormonale [4] , le microbiote placentaire [5] , les mini-acides ribonu-
contexte local qui peuvent conditionner l’approche diagnostique cléiques (ARN) transcrits par le placenta [6] . En outre, la présence
et thérapeutique des patients. de récepteurs spécifiques de certains virus sur le tissu trophoblas-
tique peut également favoriser la transmission de la mère au fœtus
en cas de virémie durant la grossesse : cela a par exemple été
 Immunologie et physiopathologie récemment décrit dans le cas du SARS-CoV2 dont les récepteurs de
l’enzyme de conversion de l’angiotensine de type 2 (ACE2) sont
des infections néonatales virales exprimés sur le placenta [7] .
Les infections virales survenant durant la période anténatale
De nombreuses études ont été conduites pour mieux compren- peuvent avoir des conséquences diverses et de gravité très variable.
dre les étapes de transmission du virus à l’enfant. La transmission Le décès in utero ou le déclenchement du travail très précocement
peut se faire via le placenta in utero (par exemple : cytoméga- durant la grossesse aboutissant à une fausse couche en sont les
lovirus [CMV]), à la naissance par contact avec les sécrétions conséquences les plus dramatiques. Certains virus peuvent éga-
génitales contaminées (par exemple : virus de l’immunodéficience lement être responsables de retard de croissance ou encore de
humaine [VIH], virus de l’hépatite B [VHB]) ou bien en postnatal malformations parfois sévères, notamment touchant le système
par contamination aérienne (par exemple : virus respiratoire syn- nerveux et sensoriel du fœtus. Enfin, certaines infections vont se
cytial [VRS]), manuportée (par exemple : entérovirus) ou via le manifester par une inflammation des tissus du fœtus aboutissant
lait maternel (par exemple : VIH). Ces différentes situations sont à une infection généralisée parfois létale [8] .
décrites ci-dessous et résumées dans la Figure 1. Ce niveau de gravité très variable va dépendre de plusieurs fac-
teurs. Le principal, commun à la plupart des virus, est le terme de
Contamination maternofœtale pendant la vie la grossesse auquel survient l’infection maternelle. Dans la plu-
part des cas (CMV, rubéole, varicelle, etc.), une infection précoce
intra-utérine va être particulièrement sévère, alors qu’une infection sur le troi-
L’étape de contamination in utero a fait l’objet de nom- sième trimestre de grossesse a des conséquences plus modérées,
breuses études et modèles de recherche. Des modèles cellulaires peut-être en raison du passage concomitant d’anticorps maternels

2 EMC - Pédiatrie
Infections néonatales virales  4-002-R-91

qui débute au deuxième trimestre mais se fait majoritairement sur d’anticorps via le placenta qui protègent le nouveau-né durant
la dernière partie de la grossesse [9] ou encore parce qu’à ce terme ses premières semaines [21] . Une approche similaire pourrait avoir
les tissus sont déjà formés et l’immunité innée du fœtus le pro- son intérêt pour d’autres virus respiratoires notamment pour pré-
tège en partie des conséquences délétères du virus [10] . Cet effet venir les infections à VRS chez les nouveau-nés naissant en début
du terme sur la gravité de l’atteinte fœtale est également observé d’épidémie, qui sont les plus à risque de formes sévères de bron-
mais de façon inversée pour ce qui est de la probabilité de trans- chiolite, mais aucun vaccin n’est pour le moment disponible.
mission du virus de la mère à l’enfant : ainsi le placenta est plus
« perméable » aux virus sur la fin de grossesse. Donc les infec-
tions de début de grossesse sont généralement plus rares mais  Points clés virus par virus
plus sévères que celles de fin de grossesse qui sont fréquentes
mais parfois bénignes. De plus, une virémie élevée conditionne le Virus de l’immunodéficience humaine
passage transplacentaire du virus [11, 12] . C’est pourquoi il est sou-
vent considéré qu’une primo-infection est plus à risque pour le Le VIH est un rétrovirus touchant environ 40 millions de per-
fœtus qu’une récurrence, puisque pour cette dernière situation, la sonnes à travers le monde. Les progrès dans sa prise en charge, son
mère dispose d’anticorps qui vont neutraliser une partie des virus diagnostic et la compréhension de sa physiopathologie ont permis
circulants. Cela n’est toutefois pas toujours vrai, et certaines récur- d’améliorer le pronostic des patients infectés mais ont remplacé
rences, notamment dans le cadre d’une infection à CMV, peuvent une maladie grave et mortelle en maladie chronique. Ainsi le VIH
conduire à des tableaux sévères chez le fœtus et le nouveau- constitue un réel problème de santé publique en raison de ses
né [13] . Les performances du système immunitaire maternel sont complications infectieuses et tumorales, en particulier au stade
aussi un facteur influant le passage au fœtus, c’est pourquoi de syndrome d’immunodéficience acquise (Sida).
les mères immunodéprimées (mère infectée à VIH, traitements En France on estime que deux femmes sur 1000 vivent avec le
immunosuppresseurs) sont plus à risque de transmission mater- VIH, ce qui conduit à 1500 naissances par an issues de femmes
nofœtale [14] . Enfin, certains facteurs mal maîtrisés (prédisposition séropositives pour le VIH. Le dépistage de la séropositivité VIH
génétique ? effet stochastique ?) expliquent la variabilité inter- est proposé systématiquement lors du premier examen préna-
individuelle parfois importante pour les cas d’infections virales tal [22] . Il est recommandé de contrôler la sérologie en cours de
anténatales. grossesse chez les femmes les plus à risque (partenaire séropositif,
Par ailleurs, il faut également noter que l’inflammation mater- partenaires multiples, etc.) pour ne pas méconnaître de séro-
nelle lors d’une infection quelle qu’elle soit peut avoir des conversion en cours de grossesse. En cas de statut sérologique
conséquences délétères pour son fœtus, y compris en l’absence inconnu, une sérologie doit être réalisée en urgence au moment
de passage du pathogène à travers la barrière [8] . de l’accouchement [23] .
Des avancées majeures ont été faites dans la lutte contre la
transmission maternofœtale du virus. La prise en charge consiste
Contamination péri-partum à traiter la future mère par antirétroviraux dès le désir de gros-
sesse puis durant toute la grossesse avec comme objectif une
Pour certains virus, la transmission survient au moment de
charge virale indétectable en fin de grossesse [24] . Au moment
la naissance, lorsque le nouveau-né est en contact avec certains
de l’accouchement si la charge virale est indétectable (< 50
fluides maternels contaminés, en particulier les sécrétions vagi-
copies/ml), la voie basse est possible [23, 25] . Si la charge virale est
nales (par exemple : herpès simplex virus [HSV]) mais aussi le
élevée (> 400 copies/ml), une perfusion de zidovudine en per par-
sang en cas de naissance en contexte hémorragique (par exemple :
tum est proposée, associée à une césarienne prophylactique car
VIH). Ce mode de contamination justifie certaines précautions
la quantité de virus retrouvée dans les sécrétions vaginales est
spécifiques comme les indications de césarienne dans certains cas
directement corrélée à la charge virale plasmatique [26] . Entre 50
pour limiter le risque de contamination. Les gestes invasifs (élec-
et 400 copies/ml la césarienne est discutée sans que son bénéfice
trode ou bilan au scalp, aspiration nasopharyngée ou gastrique)
soit démontré. Dans tous les cas, aucun bénéfice de la césarienne
doivent être limités au maximum en cas de connaissance d’une
n’est démontré une fois que le travail a débuté ou après rup-
infection maternelle [15] . En outre, le bain précoce (avec molécule
ture des membranes. La perfusion de zidovudine peut également
antiseptique) des nouveau-nés en cas d’infection maternelle à VIH
se discuter dans certaines situations à risque (chorioamniotites,
est proposé, mais sans que son bénéfice n’ait été démontré [16] . Par
hémorragies ante partum, prématurité). En outre, dans les situa-
ailleurs, de façon similaire à ce qui est fait pour la prévention des
tions où la mère n’a pas reçu de traitement pendant la grossesse,
infections bactériennes, une prophylaxie anti-infectieuse périna-
une administration de névirapine per partum peut également être
tale peut permettre de réduire le risque de transmission de la mère
associée [27] .
à l’enfant, par exemple pour le VIH (perfusion de zidovudine), la
Toutes les mesures invasives avec effraction cutanée possible
varicelle (aciclovir). L’injection postnatale précoce au nouveau-
chez le nouveau-né sont proscrites (pH au scalp, aspirations, etc.).
né d’immunoglobulines neutralisantes pour certains virus réduit
Les extractions instrumentales doivent être évitées dans la mesure
également le risque de contamination (exemple : hépatite B, vari-
du possible.
celle).
En complément de ces mesures concernant la grossesse et
l’accouchement, le traitement antirétroviral initié dès les heures
Contamination postnatale suivant la naissance chez le nouveau-né a montré son efficacité
sur la prévention de la transmission mère-enfant du VIH. Ce
Enfin, durant ses premières semaines de vie, le nouveau-né traitement repose sur la névirapine ou sur la zidovudine durant
reste vulnérable, a fortiori en cas de prématurité ou de comor- respectivement 15 jours ou 4 semaines [23] . Dans le cas à haut
bidités associées. Une infection virale peut donc survenir et être risque de transmission, un traitement renforcé (trithérapie asso-
responsable de maladie grave chez le nouveau-né [17–19] . Tous les ciant zidovudine, névirapine et lamivudine) doit être initié dès
modes de transmission sont possibles : alimentaire (via le lait que possible, habituellement en hospitalisation pour s’assurer de
maternel notamment : CMV, VIH), gouttelettes (infections res- la bonne observance [28] .
piratoires), manuportée (entérovirus, rotavirus, etc.). La source Actuellement, grâce à ces mesures, le taux de transmission
de contamination peut être la mère mais également les autres maternofœtale du VIH en France est minime, inférieur à 0,5 %
membres de la famille (notamment les fratries dans les contextes (soit moins de dix enfants par an) [29] . Les contextes associés à
d’épidémies virales) ou encore les soignants et les visiteurs (en une transmission du virus sont les situations de traitement non
maternité ou en néonatologie pour les nouveau-nés nécessitant optimal (défaut d’observance, retard de mise en place, résistance
une hospitalisation) [20] . Les précautions d’hygiène standards et virale, interactions médicamenteuses) ou les naissances prématu-
l’éducation des familles permettent le plus souvent de limiter rées.
ces infections. D’autres approches sont envisagées pour certains L’allaitement maternel est strictement contre-indiqué dans ce
virus : il s’agit notamment de la vaccination antigrippale chez contexte en France. En effet, même en cas de charge virale indétec-
les femmes enceintes afin de favoriser la transmission passive table, il existe une concentration importante dans le lait maternel

EMC - Pédiatrie 3
4-002-R-91  Infections néonatales virales

Figure 2. Arbre décisionnel. Étapes de la prise en charge de


Sérologie systématique VIH
la femme enceinte infectée par le virus de l’immunodéficience
À contrôler si conduite à risque
humaine (VIH) et de son enfant. PCR : polymerase chain reac-
tion ; BCG : bacille bilié de Calmette-Guérin.
Grossesse
Si infection : suivi infectiologue
Traitement antirétroviral (objectif = charge virale
indétectable)

Si charge virale élevée,


Si charge virale basse,
césarienne avant travail
voie basse autorisée
Accouchement Perfusion de zidovudine

Limiter les gestes invasifs pour le bébé

Allaitement contre-indiqué

Nouveau-né Traitement antiviral en urgence

Bilan biologique

Suivi clinique et biologique jusqu’à 2 ans


(PCR VIH et sérologie, recherche de toxicité des
antirétroviraux)
Enfance

Calendrier vaccinal adapté : Prevenar 13®


supplémentaire à 3 mois, pas de BCG avant 6 mois

de lymphocytes, réservoirs du virus, et le passage des antirétrovi- pour s’assurer que l’enfant n’est pas contaminé au moment de
raux dans le lait est insuffisant [30] . Cette position est discutée dans l’injection [35] .
les pays en voie de développement où la balance bénéfice-risque Concernant l’aspect psychosocial, l’accompagnement des
et l’accès à l’allaitement artificiel ne sont pas les mêmes qu’en familles est important. Les enfants peuvent être pris en charge
France. Un traitement antirétroviral prolongé chez le nouveau-né en 100 % dans le cadre du suivi postnatal jusqu’à leurs 2 ans.
allaité et sa mère est alors recommandé pour limiter le risque de Enfin le respect du secret médical est indispensable, c’est pourquoi
transmission [31] . aucune mention du VIH maternel et du traitement antirétroviral
Indépendamment de la prévention de la transmission du virus de l’enfant ne doit apparaître sur le carnet de santé. L’ensemble
au nouveau-né, il est important de suivre ces enfants durant leurs des étapes de la prise en charge décrite dans ce chapitre est résumé
premières années de vie. En effet, l’exposition des enfants aux dans la Figure 2.
traitements antirétroviraux pendant la vie fœtale puis durant le
premier mois de vie peut conduire à la survenue de complications
liées à la toxicité de ces molécules [32] . Outre des malformations, Virus de l’hépatite B
des cas de toxicité médullaire et/ou mitochondriale (hyperlactaté- Malgré l’existence d’un vaccin efficace contre l’hépatite B, plus
mie le plus souvent asymptomatique) ont également été rapportés de 200 millions de personnes dans le monde vivent avec le VHB.
en cas d’exposition à la zidovudine, que ce soit en pré- ou en En France, on estime à 280 000 le nombre de personnes ayant
postnatal. C’est pourquoi les enfants concernés ont des explo- une hépatite B chronique et 0,7 % des femmes enceintes sont
rations biologiques régulières sur la première année de vie. En concernés [36] .
outre des travaux plus récents suggèrent la survenue de modifi- Le VHB est bien plus contagieux que le VIH. Chez l’adulte, il
cations de l’acide désoxyribonucléique (ADN) (génotoxicité) chez est responsable d’une hépatite aiguë, parfois sévère et évolue dans
les patients exposés in utero aux analogues nucléosidiques (dont 10 % des cas vers une forme chronique. Les patients avec hépa-
zidovudine) avec des effets à long terme (mitochondrie, fonction tite B chronique peuvent développer une cirrhose et sont à risque
myocardique, hématopoïèse) [33] . La vigilance et le suivi postnatal accru de carcinome hépatocellulaire. En cas de contamination
des enfants sont indispensables pour rapporter ces cas au niveau néonatale, l’évolution vers une forme chronique est beaucoup
de la pharmacovigilance le cas échéant. plus fréquente (90 % des cas) avec une morbidité hépatique dans
En parallèle, l’exposition in utero au VIH chez les enfants, alors l’enfance.
même qu’ils ne sont pas infectés à la naissance, est associée à un Le dépistage de l’infection à VHB est systématique pendant
risque accru de développer des pathologies infectieuses notam- la grossesse et doit être fait en urgence si le statut maternel est
ment à germes encapsulés [34] . Cela est particulièrement observé en inconnu au moment de l’accouchement [37] . La présence d’un
cas de lymphopénie CD4 chez la mère pendant la grossesse. C’est antigène anti-HBs signe une infection en cours tandis que la
pourquoi les enfants de mère atteinte par le VIH doivent béné- présence d’anticorps anti-HBs indique une immunité protectrice
ficier d’une dose supplémentaire de vaccin antipneumocoque 13 (acquise par vaccination ou infection ancienne). La présence
valences à l’âge de 3 mois. d’anticorps anti-HBc permet d’attester d’un contact ancien ou
L’absence de transmission au bébé est attestée par la réalisation actuel avec le virus. L’interprétation de la sérologie est rappelée
de polymerase chain reation (PCR) VIH à 0, 1, 3 et 6 mois (absence dans le Tableau 1.
d’infection si au moins deux PCR négatives dont au moins une En cas d’infection à hépatite B chez une femme enceinte, un
réalisée plus de 1 mois après l’arrêt des antirétroviraux) et elle est traitement urgent s’impose afin de réduire la charge virale et ainsi
confirmée par une sérologie VIH entre 18 et 24 mois [23] . Le vaccin réduire le risque de transmission. La femme doit être adressée à
contre le bacille bilié de Calmette-Guérin (BCG) doit être décalé un hépatologue et/ou un infectiologue pour initier une thérapie

4 EMC - Pédiatrie
Infections néonatales virales  4-002-R-91

Tableau 1. adulte [45] . La contamination se fait par contact direct avec un


Interprétation de la sérologie de l’hépatite B (virus de l’hépatite B [VHB]). fluide contaminé (urines, larmes, salive, sécrétions génitales, lait
AgHBs - AgHBs + maternel, etc.). La symptomatologie chez le sujet immunocompé-
tent est habituellement bénigne avec un syndrome grippal et des
Ac anti-HBs - Pas de contact viral Primo-infection récente adénopathies. Comme pour les autres virus de la famille Herpes,
Ac anti-HBc - Pas de vaccin des récurrences peuvent survenir à distance de la primo-infection.
Ac anti-HBs + Femme vaccinée - L’infection à CMV durant la grossesse peut être particulière-
Ac anti-HBc - ment sévère en raison de son passage transplacentaire possible [46] .
Ac anti-HBs - Infection en cours Infection à VHB en On estime que l’infection à CMV va survenir dans 0,2 à 2 %
Ac anti-HBc + de guérison cours des grossesses. Les facteurs de risque de contamination sont le
Ac anti-HBs + Ancienne infection Infection à VHB en contact (professionnel ou familial) avec des enfants d’âge pré-
Ac anti-HBc + guérie cours scolaire qui sont le réservoir principal du virus. La transmission
au fœtus est particulièrement importante lorsqu’il s’agit d’une
Ag : antigène ; Ac : anticorps. primo-infection maternelle (50 % de transmission, surtout sur la
deuxième moitié de grossesse). Elle est plus rare en cas de récur-
antivirale. Les molécules étudiées qui peuvent être utilisées pour rence (2 %) mais ne doit pas être méconnue [13] .
prévenir la transmission mère-enfant du VHB sont le ténofovir, la Tout l’enjeu du suivi de grossesse va être de diagnostiquer cette
lamivudine et la telbivudine [38–40] . infection à CMV et d’en évaluer les conséquences pour le fœtus.
La transmission du virus au nouveau-né se fait principalement La sérologie CMV ne fait pas partie des sérologies recomman-
au moment de la naissance. C’est pourquoi la pierre angulaire dées durant la grossesse, même si cela est très débattu [47] . En
de la prévention repose sur l’immunoprophylaxie néonatale. revanche, il est indispensable de dispenser des messages de pré-
Elle consiste à injecter dans les 12 heures suivant la naissance vention auprès des femmes enceintes (lavage des mains, pas de
des immunoglobulines antihépatite B en intramusculaire au partage des affaires de toilette et de la vaisselle avec les enfants
nouveau-né, ainsi qu’une dose de vaccin inactivé antihépatite B en bas âge, etc.). Ces mesures de prévention ont fait leur preuve
10 ␮g/0,5 ml. Il est important de rappeler que les injections puisqu’une étude en 2015 a rapporté une diminution des cas de
intramusculaires d’immunoglobulines et de vaccin doivent être séroconversion CMV de 7 à 1,2 % dans une population à risque,
réalisées dans des sites éloignés pour éviter une neutralisation du associée à une bonne observance et une excellente acceptabi-
vaccin par les immunoglobulines. La réalisation de cette double lité [48] . Une sérologie et une recherche du virus par PCR doivent
immunoprophylaxie combinant immunisation passive et active être demandées en cas de signe d’appel maternel (fièvre, syndrome
a permis de réduire le taux de transmission de l’hépatite B de la grippal, contage documenté) ou fœtal (retard de croissance intra-
mère à l’enfant [41] . utérin [RCIU], anomalies échographiques notamment cérébrales,
Au-delà de la période néonatale, le calendrier vaccinal d’un intestinales, hépatiques, épanchements séreux). De même après la
enfant né de mère porteuse d’une hépatite B comprend des rappels naissance, des signes cliniques évocateurs et notamment un petit
de vaccin antihépatite B à 1 mois et 6 mois. Chez le prématuré né poids de naissance sans cause identifiée doivent faire rechercher
avant 32 semaines d’aménorrhée et/ou le nouveau-né de moins une infection congénitale à CMV méconnue durant la grossesse.
de 2000 g de poids de naissance, ce schéma est renforcé avec des Certains nouveau-nés sont symptomatiques dès la naissance
rappels à 1, 2 et 6 mois [42] . avec au maximum une infection active à CMV associant pneu-
Le suivi de ces enfants doit inclure une sérologie, réalisée le mopathie virale, éruption cutanée, hépatite, thrombopénie,
plus souvent à l’âge de 9 mois, qui permet d’attester à la fois de choriorétinite, voire méningoencéphalite. Ces enfants doivent
l’absence d’infection du nourrisson (antigène [Ag] HBs négatif, être hospitalisés en néonatologie et un traitement antiviral intra-
anticorps [Ac] anti-HBc négatifs) et de l’immunisation grâce à la veineux doit être administré [49] .
vaccination (Ac anti-HBs positifs). Si le taux d’anticorps protec- En revanche, 85 % des fœtus et nouveau-nés ne présenteront
teurs est inférieur à 10 UI/l, il est recommandé de réaliser une aucun symptôme durant le suivi anténatal et à la naissance,
dose supplémentaire de vaccin à l’âge de 12 mois. mais cela n’élimine pas l’infection. L’infection peut alors être
Les échecs de prophylaxie antihépatite B sont principalement confirmée ou infirmée par recherche d’excrétion virale, soit en
liés à des facteurs viraux (charge virale élevée au moment de anténatal (par PCR sur le liquide amniotique) soit durant le
l’accouchement, présence de l’antigène e du VHB) [43] . Une pro- séjour en maternité (par PCR urinaire ou salivaire) [49] . En cas de
phylaxie basée sur le vaccin 20 ␮g/1 ml est proposée dans ces cas positivité, cela signe une infection durant la grossesse et des explo-
particuliers. De plus, certains profils immunologiques sont plus rations complémentaires doivent être réalisées (bilan hépatique,
à risque d’une mauvaise réponse au vaccin et pourraient égale- numération-formule sanguine [NFS], échographie transfontanel-
ment bénéficier de ce vaccin plus fortement dosé : ainsi Cao et al. laire [ETF] ou imagerie par résonance magnétique [IRM] cérébrale,
ont démontré l’intérêt du vaccin 20 ␮g/1 ml chez les nouveau-nés potentiels évoqués auditifs [PEA], fond d’œil [FO]). En cas
ayant des polymorphismes human leukocyte antigen (HLA) particu- d’atteinte de plusieurs organes, le traitement par antiviral per os
liers [44] . peut se discuter, avec un bénéfice toutefois modéré. La durée de
Dans le cas particulier où le père est porteur d’une hépatite ce traitement est de 6 mois avec un suivi rapproché de la numéra-
B active, même si cela est fait par certaines équipes il n’y a pas tion sanguine (risque de neutropénie) et du bilan hépatique. Dans
de recommandation à vacciner le nouveau-né selon le même tous les cas, même en l’absence d’atteinte identifiée en période
schéma, puisque le risque de contamination du nouveau-né est néonatale, un suivi clinique et audiologique doit être programmé
très faible. puisqu’une part non négligeable des enfants asymptomatiques
Pour tous les enfants, la vaccination contre l’hépatite B fait développe dans l’enfance un retard des acquisitions ou une sur-
maintenant partie des vaccinations obligatoires et est réalisée dans dité. Il est difficile de prédire l’évolution et d’établir un pronostic.
le cadre d’un vaccin hexavalent (avec la diphtérie, le tétanos, la Récemment Nagel et al. ont suggéré que la charge virale salivaire
poliomyélite, la coqueluche, Haemophilus influenzae b) à 2, 4 et 11 néonatale pouvait constituer un facteur pronostique mais cela
mois. reste à confirmer [50] .
Des travaux de recherche sont en cours pour développer un
vaccin anti-CMV mais aucun des vaccins testés pour le moment
Cytomégalovirus n’assure d’immunité protectrice. Des chercheurs ont donc testé
l’administration d’immunoglobulines pendant la grossesse pour
Les infections congénitales à CMV sont la première cause de limiter le passage du CMV au fœtus, mais aucun bénéfice significa-
surdité dans l’enfance et sont également responsables de retard tif n’a pu être démontré. Cette attitude est controversée d’autant
des acquisitions psychomotrices parfois sévères. plus que les femmes ayant reçu ce traitement présentaient plus
Le CMV est un virus appartenant à la famille des Herpesviridae d’effets indésirables (prématurité, prééclampsie, etc.) [51] . Une
ayant un réservoir humain strict. On considère qu’un peu plus autre approche serait d’administrer un antiviral en cas d’infection
de 50 % de la population française ont rencontré le virus à l’âge durant la grossesse. Cette attitude a longtemps été évitée en

EMC - Pédiatrie 5
4-002-R-91  Infections néonatales virales

raison du risque de tératogénicité des molécules. Plusieurs études particulièrement grave. Enfin, la contamination postnatale est
récentes suggèrent que le valaciclovir pourrait être un traitement également possible avec des tableaux de gravité variable. Si la mère
efficace et bien toléré durant la grossesse [52] . est immunisée, le nouveau-né est relativement protégé par le pas-
Un cas très particulier doit être connu, il s’agit de la transmission sage passif d’anticorps, en revanche le risque de forme grave est
postnatale précoce du CMV. Cette transmission se fait principale- important pour les nouveau-nés de mères séronégatives.
ment par le lait maternel puisque la quasi-totalité des femmes La conduite à tenir est donc avant tout de prévenir les cas
séropositives pour le CMV en excrète dans le lait, même en d’infection durant la grossesse et de limiter au maximum le
l’absence de récurrence [53] . L’infection néonatale à CMV est la plu- risque de contamination fœtale et/ou néonatale en cas d’infection
part du temps asymptomatique mais peut être responsable d’une maternelle [55] . En cas de contage varicelleux chez une femme
symptomatologie parfois sévère notamment chez les plus fragiles non immunisée ou ne connaissant pas son statut, l’injection
(grands prématurés, immunodéprimés). Ce risque a conduit cer- d’immunoglobulines spécifiques antivaricelle est recommandée
tains médecins à recommander une pasteurisation systématique dans les 4 jours suivant le contage et permet de prévenir la mala-
du lait maternel avant administration aux nouveau-nés les plus die chez la mère et le fœtus. En cas de varicelle avérée durant
prématurés. la grossesse, un traitement antiviral par aciclovir peut être admi-
nistré dans l’objectif de réduire la gravité de la symptomatologie
maternelle. Par ailleurs un suivi attentif échographique du fœtus
▲ Mise en garde est mis en place pour rechercher les signes d’infection congé-
nitale, notamment avant 20 SA. Certains de ces nouveau-nés
naissent avec des cicatrices d’infection in utero et les parents
Infection congénitale à CMV doivent être informés que leur nourrisson peut développer un
• Cas n◦ 1 : Adèle, naissance à 35 semaines d’aménorrhée zona durant sa première année de vie [56] . En raison d’une conta-
(SA) par césarienne, poids 1900 g. Hospitalisation en giosité existant dans les 2 jours précédant l’éruption, on estime
que l’infection maternelle est à haut risque de varicelle néona-
néonatologie pour RCIU. Le bilan d’entrée retrouve une
tale sévère dans la situation où l’éruption survient dans les 5 jours
thrombopénie isolée à 53 G/l. Le bilan étiologique identi- précédant la naissance ou les 2 jours suivants [55, 57] . En effet dans
fie un CMV par PCR dans les urines. Le bilan d’extension cette situation le fœtus peut être contaminé mais ne bénéficie
montre une ETF normale, des PEA normaux. Le suivi met pas encore du passage des anticorps maternels transplacentaires.
en évidence un retard psychomoteur avec hypotonie, Cette situation doit être évitée autant que possible éventuelle-
retard de langage et une détérioration des PEA au contrôle ment en retardant l’accouchement. Un traitement maternel par
à 6 mois. Elle est adressée au Centre d’action médicoso- aciclovir peut être administré mais aucune étude n’a pu mettre
ciale précoce (CAMSP) pour prise en charge globale. en évidence de bénéfice pour le nouveau-né. À la naissance le
Message à retenir : même une infection pauci- nouveau-né est isolé (incubateur et/ou seul en chambre) et traité
symptomatique peut avoir un retentissement sur le par immunoglobulines spécifiques. En cas de développement
développement, d’où l’intérêt de bien suivre ces enfants. d’une varicelle néonatale, une hospitalisation (en secteur de soins
• Cas n◦ 2 : madame S, orientée en diagnostic anténatal intensifs) est recommandée avec traitement intraveineux par
aciclovir [55] .
pour RCIU, calcifications cérébrales et hyperéchogénicité
intestinale. Le bilan étiologique retrouve des immu-
noglobulines M anti-CMV et une PCR CMV sanguine
fortement positive. Pas d’amniocentèse réalisée (souhait
des parents). Elle donne naissance à un petit garçon, Nel-
“ À retenir
son, à terme, 2500 g. Le bilan CMV retrouve une PCR
sanguine positive, une thrombopénie, une cholestase, des Infections à VZV
• La prévention chez la mère est primordiale (vaccin avant
PEA pathologiques. Un traitement par valganciclovir est
administré per os pendant 6 mois. L’évolution montre un grossesse, immunoglobuline si contage et non immuni-
retard de développement psychomoteur modéré et une sée).
• Le risque fœtal est maximal en cas d’infection maternelle
amélioration des PEA.
Message à retenir : le traitement est indiqué si l’infection avant 20 SA.
• Le risque néonatal est maximal en cas d’infection mater-
est modérée à sévère et permet d’améliorer le devenir
neurosensoriel. nelle 5 jours avant/2 jours après l’accouchement.
• La varicelle néonatale est particulièrement grave.

Virus zona-varicelle (VZV)


Virus herpes simplex
Les cas d’infection néonatale à VZV sont rares puisque la plupart
des femmes enceintes sont déjà immunisées contre le virus. En Chez l’adulte, les infections impliquant les HSV sont fréquentes
effet cette infection est souvent contractée dans l’enfance avec une et majoritairement bénignes en cas d’immunocompétence. La
forme clinique habituellement bénigne. Pour les enfants n’ayant primo-infection à virus HSV1 est responsable de gingivostoma-
pas rencontré la varicelle à l’âge de 12 ans, la vaccination est tite et la récurrence donne le fameux « bouton de fièvre ». L’HSV2
recommandée car les formes de l’adolescent et de l’adulte sont a un tropisme pour l’endocol et va entraîner une infection géni-
potentiellement sévères. Chez les femmes en âge de procréer qui tale. Néanmoins les deux virus peuvent donner les deux types de
ne seraient pas immunisées, un vaccin est proposé (vaccin vivant tableau.
atténué à administrer avant la grossesse). Au total seuls 2 % des Le diagnostic de l’infection à HSV associe une suspicion clinique
femmes enceintes sont séronégatifs pour le VZV. (symptomatologie évocatrice, éventuellement notion de contage)
Les risques de la varicelle durant la grossesse concernent la et une confirmation biologique. Historiquement la recherche du
mère et le fœtus. Chez la femme enceinte, une varicelle sévère virus se faisait par culture. Toutefois, la culture a l’inconvénient
avec pneumopathie et atteinte systémique est possible et respon- d’un délai de résultat long non compatible avec l’urgence du trai-
sable d’une morbimortalité importante [54] . Le fœtus peut être tement. Sa seule place est la suspicion d’une résistance virale. La
contaminé in utero et développer alors une varicelle congénitale recherche directe du virus par PCR est maintenant réalisée en
souvent fatale, quasi exclusivement pendant la première partie de première intention [58] .
la grossesse (< 20 SA). En outre, l’infection peut survenir autour La transmission maternofœtale du virus herpes simplex est
de l’accouchement et être responsable d’une varicelle néonatale responsable de tableaux le plus souvent sévères. Il peut s’agir

6 EMC - Pédiatrie
Infections néonatales virales  4-002-R-91

d’une infection in utero alors responsable de mort fœtale ou


d’infection systémique souvent fatale [59] . Il peut également s’agir
d’une infection de révélation postnatale lorsque la transmission se
fait pendant l’accouchement ou juste avant. Un intervalle libre de
“ À retenir
7 à 21 jours est alors possible avant le début des symptômes. Enfin
Infections à HSV
le risque de contamination postnatale existe en cas d’infection
• L’infection in utero est sévère et souvent létale.
herpétique labiale dans l’entourage (mère, père, fratrie, visiteurs)
et doit faire l’objet de mesures barrières strictes (masque, lavage • Le risque de contamination néonatale est maximal si la
des mains, éviction). primo-infection génitale est proche de l’accouchement, ou
On distingue trois formes cliniques d’infection néonatale [60] : la s’il y a contage avec un patient présentant une récurrence
forme localisée est uniquement cutanéomuqueuse et correspond labiale dans les jours suivant la naissance.
à des lésions de type vésicule et ulcération touchant la bouche, les • La prévention est indispensable (voie d’accouchement,
conjonctives et la peau. La deuxième forme clinique est la ménin- aciclovir maternel, masque si herpès labial).
goencéphalite caractérisée par une hypotonie, des convulsions • Le nouveau-né doit être traité par aciclovir si risque élevé
et la confirmation d’une méningite lymphocytaire à la ponction ou si infection avérée.
lombaire. Une atteinte temporale uni- ou bilatérale est un signe • Les parents doivent être informés des signes cliniques à
évocateur sur l’imagerie et/ou sur l’électroencéphalogramme.
Enfin, la forme disséminée débute habituellement par une fièvre surveiller chez leur bébé et de la conduite à tenir.
puis peuvent apparaître une hépatite (ictère et hépatomégalie),
une pneumopathie et rapidement une défaillance multiviscérale.
mières semaines de vie sont à risque de développer un asthme du
Elle peut également être associée à une atteinte méningoencépha-
nourrisson [64] .
lique. L’évolution est rapide et souvent fatale.
Une grande variabilité saisonnière est observée. Un des prin-
La survenue d’une maladie herpétique est heureusement rare
cipaux facteurs de risque d’infection à VRS est ainsi le mois de
mais ne doit pas être méconnue. Un contexte de contage ou
naissance puisque le risque est multiplié par dix pour un nouveau-
d’antécédent d’herpès doit donc être recherché durant le suivi
né né en octobre ou novembre (début d’épidémie) par rapport à
de grossesse mais également en cas de fièvre néonatale ou autre
un nouveau-né né en avril [65] . Les autres facteurs de risque sont
symptomatologie infectieuse.
la précarité sociale, la collectivité ou la fratrie, le tabagisme pas-
En cas de risque élevé d’infection (notamment primo-infection
sif, l’absence d’allaitement maternel. Enfin des facteurs de risque
dans les semaines précédant l’accouchement), une césarienne
intrinsèques (malformation pulmonaire ou cardiaque, prématu-
doit être discutée ainsi qu’un traitement antiviral per par-
rité) sont aussi identifiés [66] .
tum [61] . À la naissance, le nouveau-né doit être prélevé (PCR
La prévention passe par les mesures barrières simples (lavage
sang, périphérique et liquide cérébrospinal [LCS]), hospitalisé
de mains, port de masque, éviction des lieux à risque, évic-
et traité par voie intraveineuse par aciclovir [62] . Dans les cas
tion du contage en cas d’infection dans l’entourage). Pour la
de risque modéré (notamment récurrence maternelle dans la
grippe, la stratégie de cocooning est proposée par le biais de la
semaine précédant l’accouchement ou primo-infection à dis-
vaccination durant la grossesse des femmes devant accoucher
tance de l’accouchement), le nouveau-né asymptomatique peut
pendant la saison épidémique [67] . Pour le VRS une prévention
rester en maternité mais des prélèvements (PCR sang et péri-
ciblée des nouveau-nés le plus à risque repose sur l’administration
phérique) doivent être réalisés et une surveillance accrue doit
intramusculaire d’anticorps monoclonaux humanisés anti-VRS
être mise en place. Si les prélèvements reviennent positifs alors
(palivizumab 15 mg/kg une fois par mois durant la période épi-
le nouveau-né doit être immédiatement hospitalisé et traité par
démique). La commission de la transparence de la Haute Autorité
voie intraveineuse après que des prélèvements complémentaires
de santé estime que l’administration hivernale du palivizumab
(LCS notamment) ont été réalisés. Dans les autres situations
apporte une amélioration du service médical rendu mineure dans
à risque minime (antécédent d’herpès ou récurrence à dis-
la stratégie de prise en charge :
tance de l’accouchement), la mère doit être prélevée lors de
• des enfants âgés de moins de 6 mois au début de la période
l’accouchement (PCR endocol et exocol) et des prélèvements
épidémique, nés à un terme inférieur ou égal à 32 semaines et
périphériques peuvent être réalisés chez le nouveau-né. Le
présentant une dysplasie bronchopulmonaire ;
nouveau-né n’est traité qu’en cas de positivité des prélèvements.
• des enfants âgés de moins de 2 ans au début de la période épi-
Dans les cas d’infection avérée à HSV chez le nouveau-né, à
démique, anciens prématurés nés à un terme inférieur ou égal
l’issue du traitement antiviral intraveineux (10 j en cas de forme
à 32 semaines et ayant nécessité un traitement pour dysplasie
asymptomatique, 14 j en cas d’atteinte localisée et 21 j en cas
bronchopulmonaire au cours des 6 derniers mois ;
d’atteinte disséminée ou de méningoencéphalite), un traitement
• des enfants âgés de moins de 2 ans atteints d’une cardiopathie
oral en relais durant 6 mois par aciclovir est proposé et pourrait
congénitale hémodynamiquement significative.
réduire les séquelles notamment neurodéveloppementales [63] .
Par ailleurs, les cas de contamination anténatale du fœtus impli-
Dans tous les cas, les symptômes survenant habituellement
quant un virus à tropisme respiratoire sont rares et peu décrits.
après le retour à domicile en raison de la durée d’incubation du
Il s’agit de situations rares dans lesquelles la mère a présenté
virus, il est primordial de sensibiliser les parents à ce risque et aux
une virémie. Les conséquences pour le fœtus et l’enfant sont
symptômes à surveiller chez leur nouveau-né (fièvre, conjoncti-
mal connues. Récemment des auteurs ont montré sur la base de
vite, somnolence, difficultés alimentaires, coloration jaune de la
modèles cellulaires ou animaux qu’en cas d’infection in utero à
peau, difficultés respiratoires, etc.) en leur remettant une fiche
VRS, des troubles de développement pulmonaires pouvaient être
d’information. Il faut également notifier ce risque dans le carnet
observés avec potentiellement un risque d’hyperréactivité bron-
de santé de l’enfant à l’attention des médecins (libéraux ou méde-
chique [12] .
cins de la Protection maternelle et infantile [PMI] ou urgences)
qui sont amenés à examiner cet enfant.
Parvovirus B19
Virus respiratoires Le parvovirus B19 est responsable d’infection souvent bénigne.
La problématique des infections à virus respiratoires concerne Il réalise chez l’enfant la cinquième maladie ou mégalérythème
principalement le risque de contamination postnatale dans les épidémique associant une fièvre, une éruption cutanée, des
premières semaines de vie. adénopathies et arthralgies. Environ la moitié des adultes est
En effet, l’infection à virus respiratoire (VRS, grippe, rhinovi- immunisée contre ce virus [68] .
rus, métapneumovirus, etc.) est particulièrement sévère à cette Durant la grossesse, la femme peut s’infecter par voie respi-
période de la vie. La bronchiolite constitue la première cause ratoire lors d’un contage avec un patient infecté. La sérologie
d’hospitalisation chez les plus petits nourrissons. Sur le long parvovirus B19 ne fait pas partie du suivi sérologique habituel
terme, les enfants ayant présenté une bronchiolite dans les pre- durant la grossesse mais doit être réalisée en cas de suspicion

EMC - Pédiatrie 7
4-002-R-91  Infections néonatales virales

clinique ou de contage avéré, ou bien en cas de signes d’appel entités doivent être prises en compte quand il s’agit de réfléchir
échographiques. La symptomatologie maternelle est habituelle- aux moyens de prévention, de diagnostic et de traitement.
ment peu marquée (fièvre, éruption, arthralgies) ; en revanche, les La recherche fait des progrès constants dans ce domaine et
risques pour le fœtus sont importants. Environ un tiers des fœtus il existe encore de nombreuses pistes à explorer. C’est le cas
va être infecté lors d’une infection maternelle. La mort fœtale des moyens de prévention des infections congénitales à CMV
in utero ou une fausse couche spontanée peuvent survenir. Les qui peuvent avoir des conséquences médicales très lourdes pour
fœtus survivants peuvent développer un tableau d’anasarque et l’enfant et pour lesquelles des essais cliniques récents suggèrent
d’anémie fœtale [69] . L’anémie est liée à une toxicité médullaire qu’un traitement antiviral pendant la grossesse pourrait être effi-
directe du virus (érythroblastopénie aiguë). En outre le tableau cace. D’autres auteurs explorent la possibilité de traitement par
d’anasarque peut être aggravé par une myocardite virale associée immunoglobulines comme cela est proposé en postnatal pour
chez le fœtus. l’hépatite B ou encore la varicelle. Enfin, la possibilité de vacci-
La prise en charge consiste alors en une surveillance accrue, une ner les mères durant la grossesse pour protéger leur bébé dès les
possible transfusion in utero voire une ponction-drainage pleu- premiers jours de vie (transmission d’anticorps via le placenta)
rale, une extraction fœtale en cas de signes de gravité. L’évolution intéresse de nombreuses équipes, notamment en ce qui concerne
peut être fatale mais les symptômes peuvent aussi régresser tota- le VRS.
lement. Une autre question qui est plus du domaine de santé publique
est celle du dépistage systématique ou ciblé de certaines infec-
tions. En effet si la sérologie est systématique pendant la grossesse
Autres virus pour l’hépatite B ou encore le VIH, elle n’est réalisée que sur point
d’appel pour d’autres virus notamment le CMV ou le parvovirus
De nombreux autres virus existent et présentent des risques
B19. Des études médicoéconomiques pourraient aider à redéfinir
pour le fœtus et le nouveau-né mais il est difficile d’établir une
la place de chaque sérologie systématique dans la prise en charge
liste exhaustive.
globale des femmes enceintes.
En bref, les infections à rubéole ou rougeole ont nettement
Quoi qu’il en soit, des progrès sont indispensables dans la
reculé grâce à la vaccination. Il est primordial de vacciner toute
communication au grand public sur l’importance des moyens de
femme en âge de procréer qui ne serait pas immunisée. Ce vaccin
prévention (notamment vaccins, à réaliser pour certains avant le
est un vaccin vivant atténué et est donc contre-indiqué durant la
début de grossesse en cas d’absence d’immunisation), des mesures
grossesse donc l’injection doit se faire avant le désir de grossesse
barrière (risque lié aux jeunes enfants pour le CMV, importance
ou bien en post-partum chez les femmes enceintes non immuni-
des mesures gouttelettes en postnatal pour les virus respiratoires,
sées. Les risques chez les fœtus sont majeurs et conduisent le plus
etc.) et sur les symptômes qui doivent amener à consulter (toute
souvent à une interruption de grossesse [70] .
fièvre durant la grossesse, toute fièvre néonatale notamment en
L’infection à zikavirus a émergé dans les années 2000 avec épi-
cas de possible contage herpétique).
démie de cas de microcéphalies et/ou anomalies cérébrales chez
Enfin l’émergence de nouveaux virus comme Zika il y a
les nouveau-nés, mise en évidence en Amérique du Sud puis dans
quelques années, ou plus récemment le SARS-CoV2, constitue des
certains pays où le virus a circulé [71] . La transmission se fait par
situations d’incertitude parfois anxiogène mais est également une
un moustique donc les mesures de précaution barrière (répulsif,
chance pour développer de nouveaux modèles d’études des méca-
moustiquaire) sont indispensables dans les pays à risque.
nismes infectieux périnatals. Ces situations nous conduisent à
Les entérovirus sont responsables d’infection postnatale et
revoir en permanence notre approche de la pathologie infectieuse
notamment de méningite. Le tableau peut parfois être initiale-
virale périnatale. L’absence de données concernant l’impact à long
ment sévère mimant une méningite bactérienne, mais l’évolution
terme chez l’enfant de certaines infections virales de la femme
est le plus souvent favorable [72] .
enceinte doit conduire à mettre en place un suivi organisé de ces
Enfin, l’année 2020 a vu émergé le SARS-CoV2 donc il nous
enfants, dans le cadre de cohorte multicentrique. C’est grâce à ce
paraissait important de l’évoquer ici. À l’heure actuelle, les cas de type d’études qu’il a récemment été décrit une association entre
transmission maternofœtale sont rares et sans signe d’appel anté- l’infection congénitale à CMV et la survenue d’un diabète de type
natal [73] . Les cas d’infection néonatale sont la plupart du temps I dans l’enfance, même si le mécanisme physiopathologique est
asymptomatiques ou bénins. Récemment une revue des 176 cas encore indéterminé.
publiés d’infection néonatale a permis de dresser le tableau de ces D’un point de vue recherche fondamentale, la meilleure
infections [74] : la plupart du temps il s’agit de transmission post- compréhension du phénomène infectieux et de l’étape de trans-
natale. Toutefois dans 5 % de cas une infection congénitale a été location placentaire du virus ouvre des pistes de prévention et/ou
suspectée. Environ la moitié des nouveau-nés a présenté des symp- de traitement de ces infections.
tômes mais aucun nouveau-né n’a présenté de tableau sévère.
Les signes le plus fréquemment rencontrés étaient les difficultés
respiratoires, la fièvre et les signes gastro-intestinaux (difficul-
tés d’alimentation, vomissements, diarrhées). Les données de la
littérature ne permettent pour l’instant pas de comprendre la sur-
 Conclusion
prenante innocuité de ce virus dans la population pédiatrique,
En conclusion ces infections virales pendant la grossesse ou
contrastant avec ce qui est observé pour les autres virus respira-
durant les premières semaines de vie sont fréquentes et poly-
toires. Une explication possible pourrait reposer sur la réponse
morphes, mais peuvent toutes représenter un risque vital ou de
immunitaire particulière à cet âge de la vie : en particulier la
séquelles chez les fœtus ou nouveau-nés concernés.
proportion importante de lymphocytes T régulateurs, ayant une
Elles ne doivent pas être masquées par le spectre des infections
action immunomodulatrice, pourrait atténuer les signes cliniques
bactériennes car elles nécessitent pour certaines un traitement
en préservant les enfants des phénomènes d’orage cytokinique
urgent antiviral. En outre, le diagnostic par excès des infections
qui font la gravité chez les adultes [75] . Une autre piste pouvant
bactériennes est actuellement responsable d’une surutilisation
expliquer la moindre gravité chez les enfants est l’absence du
d’antibiotiques ayant des conséquences à l’échelle individuelle
récepteur spécifique au virus chez les plus jeunes enfants [76] . Le
(toxicité, impact sur le microbiote, etc.) mais aussi collective
suivi à long terme des enfants nés de mère infectée doit être mené
(émergence de résistance notamment).
afin d’évaluer un possible risque (neurodéveloppement, malfor-
Une meilleure connaissance des infections virales peut per-
mations, etc.).
mettre un diagnostic précoce et une meilleure prise en charge du
patient. Enfin, la prévention de ces infections notamment par le
biais de la vaccination doit faire l’objet de futures recherches.
 Perspectives
La pathologie infectieuse virale durant la grossesse a la particu- Déclaration de liens d’intérêts : l’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêts
larité de concerner deux patients, la mère et son fœtus. Ces deux en relation avec cet article.

8 EMC - Pédiatrie
Infections néonatales virales  4-002-R-91

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M. Butin, Maître de conférence universitaire, praticien hospitalier (marine.butin@chu-lyon.fr).


Service de réanimation néonatale, Hôpital Femme-Mère-Enfant, Hospices civils de Lyon, 59, boulevard Pinel, 69500 Bron, France.
Centre international de recherche en infectiologie (CIRI), Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) U1111, Centre national de la
recherche scientifique (CNRS), Unité mixte de recherche (UMR) 5308, École normale supérieure de Lyon, Université Claude-Bernard Lyon 1, 46, allée d’Italie,
69364 Lyon cedex 7, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Butin M. Infections néonatales virales. EMC - Pédiatrie 2021;41(3):1-10 [Article 4-002-R-91].

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Arbres Iconographies Vidéos/ Documents Information Informations Auto- Cas
décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations clinique

10 EMC - Pédiatrie
 4-014-C-70

Douleurs abdominales
M. Ruiz, R. Duclaux-Loras

Résumé : Les douleurs abdominales sont un motif fréquent de consultation de pédiatrie, souvent en
urgence, et tout médecin prenant en charge des enfants est concerné par ce symptôme. Un interroga-
toire complet et un examen clinique minutieux permettent souvent une orientation diagnostique. Bien
que les causes digestives soient largement représentées, de nombreuses étiologies extradigestives sont
responsables de douleurs abdominales. Il est important de repérer les signes d’alerte évocateurs d’une ori-
gine organique aux douleurs, pouvant nécessiter la réalisation d’examens complémentaires biologiques,
d’imagerie, voire endoscopiques. Les douleurs abdominales aiguës doivent, en premier lieu, faire recher-
cher une cause chirurgicale pouvant nécessiter une intervention urgente, et un examen clinique complet
doit s’attarder à rechercher une cause médicale digestive ou extradigestive. Les douleurs chroniques sont
un challenge également car bien que fréquemment fonctionnelles, il est important de repérer les signes
d’organicité, tels que des signes généraux, un retentissement staturopondéral ou des signes extradiges-
tifs, évocateurs de certaines étiologies. En plus des traitements étiologiques spécifiques, les traitements
antalgiques et antispasmodiques sont généralement indiqués et efficaces, et dans certains cas de douleurs
abdominales récurrentes fonctionnelles, les prises en charge psychologiques et alternatives peuvent être
utiles.
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Mots-clés : Douleurs abdominales aiguës ; Douleurs abdominales chroniques ;


Douleurs abdominales récidivantes ; Douleurs abdominales organiques ; Douleurs abdominales fonctionnelles

Plan trois épisodes de douleurs sur 3 mois, sont fréquentes mais


d’origine organique que dans 5 à 10 % des cas. L’interrogatoire
■ Introduction 1 et l’examen clinique permettent de guider les éventuels examens

complémentaires à réaliser, en fonction notamment de la présence
Démarche diagnostique 1
de signes d’alerte.
Interrogatoire 1
Examen clinique 2


Examens complémentaires 2
 Démarche diagnostique
Diagnostic étiologique 3
Douleurs abdominales aiguës 3 Interrogatoire
Douleurs abdominales récurrentes ou chroniques 5
Il permet d’orienter vers la cause et les examens
complémentaires à réaliser. Il doit préciser :
• le contexte :
◦ l’âge et le sexe,
 Introduction ◦ les antécédents personnels chirurgicaux (cœlioscopie, laparo-
tomie, etc.) et médicaux (maladie chronique, drépanocytose,
Les douleurs abdominales sont un symptôme et un motif de etc.), les antécédents familiaux (lithiase, maladie inflam-
consultation très fréquents en pédiatrie avec des causes multiples matoire intestinale, douleurs abdominales fonctionnelles,
et variées. Ainsi, les pathologies citées dans ce chapitre ne sont pas polyposes, etc.),
exhaustives. La priorité est d’éliminer les pathologies nécessitant ◦ les épisodes similaires antérieurs faisant suspecter des dou-
un traitement urgent, notamment chirurgical. leurs abdominales chroniques ou récidivantes,
Il y a différentes manières d’aborder les douleurs abdomi- ◦ l’environnement, l’état psychologique (anxiété, etc.), la sco-
nales [1] . L’âge de l’enfant est le premier élément à prendre larité, le retentissement sur les activités de l’enfant ;
en compte. Chez les plus petits, l’interrogatoire des parents et • les caractéristiques sémiologiques de la douleur :
l’examen clinique sont souvent difficiles et des étiologies spé- ◦ sa localisation et son irradiation,
cifiques doivent être évoquées, notamment chirurgicales telles ◦ son intensité, à l’aide d’une échelle analogique d’auto- ou
que l’invagination intestinale ou les causes d’occlusion néona- hétéro-évaluation [EVA, Face, Legs, Activity, Cry, Consolability
tale comme la hernie étranglée ou le volvulus du grêle, ainsi que scale (FLACC), etc.],
certaines causes médicales organiques (œsophagite) ou fonction- ◦ les modalités initiales (date et heure de début, survenue
nelles (« coliques du nourrisson »). Chez l’enfant plus grand, les brutale ou progressive, facteurs déclenchant, traumatisme,
étiologies observées chez l’adulte sont plus fréquentes, mais il rythme par rapport aux repas), les facteurs soulageants,
existe des causes spécifiques aux enfants. Le caractère aigu ou l’évolution (amélioration, aggravation, paroxysmes, inter-
récurrent des douleurs abdominales doit aussi être précisé. Les mittente, continue),
douleurs abdominales récurrentes (DAR), définies par au moins ◦ les traitements pris pour soulager la douleur ;

EMC - Pédiatrie 1
Volume 41 > n◦ 3 > juillet 2021
http://dx.doi.org/10.1016/S1637-5017(21)69254-2
4-014-C-70  Douleurs abdominales

Tableau 1.
Les signes d’alertes de douleurs abdominales organiques.
Antécédents Caractéristiques des douleurs Signes associés Anomalies à l’examen clinique
Antécédents familiaux d’ulcères, - Douleurs abdominales nocturnes - Signes généraux : fièvre inexpliquée, - Palpation d’une masse
d’infections à Helicobacter pylori - Douleurs abdominales amaigrissement, asthénie, anorexie abdominale
ou de maladies inflammatoires du persistantes à distance de l’ombilic - Ralentissement de la croissance - Atteintes extradigestives
tube digestif staturale associées : anomalies
- Retard pubertaire cutanéomuqueuses (périanales,
- Saignements digestifs haut ou bas buccales), atteinte articulaire,
- Vomissements bilieux ou persistants ophtalmologique
- Diarrhées chroniques

• les signes associés : d’une aphtose buccale peut orienter vers une maladie inflam-
◦ digestifs : le transit (diarrhées, constipation, aspect des selles), matoire de l’intestin ;
nausées, vomissements, rectorragies ou méléna, ◦ pulmonaire : l’auscultation pulmonaire permet la recherche
◦ généraux : fièvre, anorexie, amaigrissement, asthénie, d’une pneumopathie qui peut se traduire par des douleurs
◦ extradigestifs : arthralgies, oto-rhino-laryngologies (ORL), abdominales ;
respiratoires, urinaires, cutanés, neurologiques, gynécolo- ◦ l’examen cutané permet la recherche de lésions de purpura
giques, céphalées. (purpura rhumatoïde), d’un érythème noueux (évocateur de
maladie inflammatoire de l’intestin).

▲ Mise en garde Examens complémentaires


Ils ne sont pas systématiques, et doivent être guidés par
Les enfants localisent souvent leur douleur au niveau de l’interrogatoire et l’examen clinique. Des critères d’organicité
la région péri-ombilicale, une localisation autre doit faire que l’on qualifie de « signes d’alerte » doivent être recherchés
évoquer une cause organique chirurgicale. (Tableau 1). En effet, il a été montré que les causes organiques
étaient retrouvées le plus souvent en cas fièvre, de vomissements,
de sang dans les selles ou lorsqu’au moins trois signes d’alarmes
sont associés. Dans ce cas, des examens complémentaires pour-
ront être justifiés et permettront de confirmer une hypothèse
Examen clinique diagnostique. Il peut s’agir d’examens biologiques, d’imagerie,
voire des examens plus invasifs tels qu’une endoscopie ou une
Il ne doit pas se limiter à l’examen abdominal mais être complet, exploration chirurgicale.
avec notamment les signes généraux et extradigestifs.
• Général : température, état général, courbe de croissance statu- Examens biologiques
ropondérale.
Sanguins : bilan inflammatoire (hémogramme, protéine
• Abdominal et digestif :
C-réactive [CRP], vitesse de sédimentation [VS]), infectieux
◦ inspection : à la recherche de cicatrices, d’hématomes,
(hémoculture, examen cytobactériologique des urines [ECBU]),
l’aspect de l’abdomen (plat, distendu, météorisé), les orifices
bilan hépatique (transaminases, gammaGT, bilirubine), pancréa-
herniaires, la marge anale à la recherche d’une fissure ou
tique (lipase seule, l’amylase n’ayant pas d’utilité en cas de
d’une fistule, la présence d’un ictère ou d’une pâleur, une
suspicion de pancréatite). Selon les signes associés, d’autres ana-
éventuelle attitude antalgique (position en chien de fusil,
lyses peuvent être réalisées, telles qu’un ionogramme en cas de
psoïtis, etc.) ;
vomissements importants, de déshydratation, de malaise, ou un
◦ palpation : elle doit être douce avec les mains réchauffées, et
bilan nutritionnel en cas de retentissement staturopondéral des
se fait quadrant par quadrant y compris les fosses lombaires
douleurs.
et les orifices herniaires, en commençant par les zones non
Urines : en cas de suspicion d’infection urinaire ou d’une
douloureuses, à la recherche d’une douleur déclenchée, d’une
pathologie lithiasique urinaire, on pourra réaliser une bandelette
défense ou d’une contracture, elle doit permettre de détecter
urinaire, un ECBU.
une éventuelle masse ou une organomégalie. La capacité de
Selles : en cas de pathologie infectieuse évoquée et selon le
l’enfant à sauter sur place de façon répétée sans déclencher
contexte, il pourra être réaliser des analyses microbiologiques des
de douleur permet généralement d’écarter une irritation péri-
selles (virologie, coproculture, examen parasitologique des selles),
tonéale. Selon le contexte, il sera important de réaliser un
ou parfois en cas de suspicion de maladie inflammatoire chro-
toucher rectal à la recherche d’une douleur localisée, d’un
nique de l’intestin (MICI) une calprotectine fécale permettant de
polype, d’un fécalome, de sang ou méléna, chez le garçon il
mettre en évidence une éventuelle inflammation digestive.
faudra palper le testis à la recherche d’une torsion ou d’une
orchi-épididymite, et chez l’adolescente un examen génital
peut être nécessaire à la recherche de douleurs, de leucorrhées
Examens d’imagerie
ou de saignement ; L’échographie abdominale est en général le meilleur examen
◦ percussion : un abdomen tympanique sera évocateur d’un d’imagerie chez l’enfant, car assez disponible, non irradiant,
syndrome occlusif, on peut également estimer l’abondance reproductible. Ses limites sont le caractère dépendant de
d’un épanchement abdominal ou la présence d’une matité l’opérateur et la nécessité d’une compliance de l’enfant pas tou-
anormale ; jours évidente. Il permet d’explorer les organes suspects d’atteinte,
◦ auscultation : à la recherche des bruits hydro-aériques, d’un tels que l’appendice, la paroi intestinale grêle et colique, le foie
éventuel souffle. et les voies biliaires, la tête du pancréas, les reins et voies uri-
• Extradigestif : naires, l’utérus et ses annexes, la présence d’adénomégalies, ainsi
◦ il faut apprécier l’état hémodynamique de l’enfant, notam- que des signes indirects de pathologies, tels qu’un épanchement
ment en cas de sepsis, de traumatisme ou encore de intrapéritonéal, une collection ou une infiltration de la graisse
saignement digestif ; mésentérique à proximité d’organes.
◦ ORL : il est important de toujours réaliser un examen ORL La radiographie d’abdomen sans préparation (ASP) a de
chez un enfant qui se présente pour des douleurs abdo- moins en moins d’indications en cas de douleurs abdominales.
minales, car une angine par exemple peut se manifester L’indication principale est la présence d’un syndrome occlusif, car
fréquemment par des douleurs abdominales. La présence il permet la mise en évidence de niveaux hydroaériques, ainsi que

2 EMC - Pédiatrie
Douleurs abdominales  4-014-C-70

Contexte : Douleur : localisation, irradiation, Signes associés :


- Antécédents survenue, intensité, évolution, - Digestifs : diarrhées, vomissements
- Survenue rythme, traitements - Généraux : fièvre, altération d’état général
- Environnement, famille, état - Extra-digestifs : urinaires, ORL, pulmonaires, articulaires, cutanés
psychologique

Pas le 1er Examen clinique : général, digestif,extradigestif


épisode

Douleurs Ex. abdomen suspect / chirurgical Ex. abdomen normal, non chirurgical Ex. abdomen anormal, autres points d’appel
abdominales
récurrentes
Drépanocytaire Fièvre ?
Trauma
Examens complémentaires : non systématiques
- Imagerie : Écho abdominale, ± ASP, TDM, RT
Hémorragie, CVO
- Biologie : NFS, CRP, lipase, bilan hépatique ± hémoculture, ECBU
hématome, abdominale
perforation

Oui Non

Causes médicales digestives : Causes médicales extra- Causes médicales extra-


Causes chirurgicales :
- GEA, colite digestives fébriles : digestives non fébriles :
- Appendicite aiguë
- Gastrite, ulcère - Infection ORL - Lithiase urinaire
- IIA
- Pancréatite aiguë - Pneumopathie - Diabète, infection
- Occlusion intestinale
- Hépatite - Infection urinaire surrénale
- Péritonite
- Purpura rhumatoïde - Infection neuroméningée - Syndrome néphrotique
- Hernie étranglée
- Lithiases biliaires - Infection gynécologique
- Torsion (testicule, ovaire), kyste ovarien
- Intoxication alimentaire - Myocardite, péricardite
- Grossesse, hématocolpos
- Constipation
- Meckel
- Adénolymphite mésentérique

Figure 1. Démarche diagnostique étiologique devant des douleurs abdominales aiguës (non exhaustive). ASP : abdomen sans préparation ; CVO : crise
vaso-occlusive ; IIA : invagination intestinale aiguë ; RT : radiographie thoracique ; TDM : tomodensitométrie ; ATCD : antécédents ; ECBU : examen
cytobactériologique urinaire ; NFS : numération formule sanguine ; CRP : protéine C-réactive.

des anses intestinales distendues ou à parois épaissies, en orientant Le diagnostic étiologique sera déterminé selon les données de
la localisation de l’atteinte haute ou basse. En cas de perforation l’interrogatoire, de l’examen clinique et des éventuels examens
digestive, un croissant d’air sous-diaphragmatique peut être visua- paracliniques. Certains examens doivent parfois être répétés, afin
lisé. Des lithiases biliaires ou urinaires peuvent également être d’évaluer la cinétique d’un syndrome inflammatoire par exemple,
vues parfois selon leur caractère radio-opaque ou pas. ou de mieux examiner certains organes lors d’une échographie
La radiographie pulmonaire peut être indiquée en cas de suspi- réalisée dans de meilleures conditions. Cela peut donc parfois
cion de pneumopathie, avec une toux, de la fièvre et une dyspnée nécessiter une hospitalisation afin d’objectiver également les
associées aux douleurs abdominales. caractéristiques des douleurs.
D’autres examens d’imagerie peuvent être réalisés, en général
en seconde intention, et lorsqu’un diagnostic est suspecté :
• le scanner abdominopelvien peut être réalisé en particulier Douleurs abdominales aiguës
en cas d’occlusion intestinale (permettant de localiser la zone Il s’agit d’un motif très courant de consultation en pédiatrie.
jonctionnelle et d’orienter vers sa cause), ou de suspicion de Les causes médicales sont fréquentes, mais il faudra s’assurer
pathologie chirurgicale non confirmée à l’échographie, ou en d’éliminer une cause chirurgicale [2, 3] (Fig. 1).
cas de traumatisme abdominal (lésion des organes, hématome,
hémopéritoine, etc.) ; Causes chirurgicales
• l’imagerie par résonance magnétique (IRM) abdominopel-
vienne sera réalisée en seconde intention, en particulier pour L’objectif principal de la prise en charge initiale dans le cadre
préciser une atteinte du grêle ou du côlon (entéro-IRM) ou des de douleurs abdominales aiguës est d’éliminer une affection chi-
lésions périnéales (IRM périnéale) dans les MICI ; pour définir la rurgicale, nécessitant souvent une prise en charge thérapeutique
nature d’une lésion du foie (IRM hépatique), des voies biliaires urgente.
(cholangio-IRM) ou du pancréas. Appendicite aiguë
Il s’agit d’une cause classique redoutée mais pas toujours évi-
Autres examens dente. Typiquement, il s’agit d’une douleur abdominale localisée
Une endoscopie peut être réalisée dans certaines situations, en en fosse iliaque droite, associée parfois à un psoïtis et un début
urgence en cas d’hémorragie digestive haute ou basse associée à la épigastrique, reproduite à la palpation avec souvent une défense
douleur, ou dans un second temps pour confirmer un diagnostic (signe de Mac Burney), ou reproduite à la décompression de
de MICI, de gastrite chronique, d’ulcère gastro-duodénal (UGD) l’abdomen en fosse iliaque gauche (signe de Bloomberg), voire
ou de polypes. une contracture en cas de complication à type de perforation
Enfin, en cas de suspicion de pathologie chirurgicale urgente ou de péritonite. Le patient est généralement peu fébrile, pâle,
non confirmée par les examens complémentaires, une exploration avec une langue saburrale, et parfois des nausées et vomisse-
chirurgicale peut être réalisée également dans un but diagnostique ments. Le diagnostic est surtout clinique, mais un bilan biologique
et donc curatif (perforation digestive, appendicite, diverticule de et une échographie peuvent être nécessaires, d’autant que la
Meckel, etc.). présentation peut être trompeuse chez les jeunes enfants voire
nourrissons, ou en cas de localisation atypique de l’appendice
(rétro-cæcal, sous-hépatique). La biologie n’est pas spécifique
 Diagnostic étiologique et montre un syndrome inflammatoire biologique avec hyper-
leucocytose à polynucléaires neutrophiles et une CRP élevée.
Les causes de douleurs abdominales sont nombreuses, et il y a L’échographie permet de confirmer le diagnostic d’appendicite
différentes manières de les classer. On peut notamment distinguer en montrant un appendice augmenté de volume avec parfois
les causes aiguës et chroniques, et parmi ces deux grands cadres, les une stercolithe, avec des signes indirects tels qu’une infiltration
causes chirurgicales, médicales, fonctionnelles ou psychogènes. de la graisse mésentérique péri-appendiculaire, un épanchement

EMC - Pédiatrie 3
4-014-C-70  Douleurs abdominales

péritonéal, ou des complications telles qu’un abcès ou une péri- Causes médicales
tonite. Dans certains cas douteux, un scanner abdominopelvien Bien que plus fréquentes, les causes médicales doivent être
peut être utile au diagnostic. La radiographie d’ASP n’est pas indi- évoquées après élimination des causes chirurgicales. Elles sont
quée dans ce cas. Le traitement est chirurgical, avec la nécessité souvent d’origine infectieuse, et s’accompagnent volontiers d’une
d’une appendicectomie par cœlioscopie le plus souvent, ou par fièvre.
laparotomie parfois, associée à un traitement antibiotique ciblé
contre les germes digestifs. Causes gastro-entérologiques et hépatobiliaires
Gastro-entérite aiguë. Il s’agit d’une cause fréquente de dou-
Invagination intestinale aiguë leurs abdominales, souvent en période épidémique. Les douleurs
Il s’agit d’une cause fréquente et redoutée de douleurs abdo- abdominales sont généralement diffuses, spasmodiques et accom-
minales, généralement primitive, survenant classiquement entre pagnées de troubles digestifs à type de diarrhées et vomissements,
3 mois et 3 ans. La présentation est hétérogène, avec souvent des dans un contexte fébrile. Le risque principal est la déshydrata-
douleurs abdominales paroxystiques, spontanément résolutives, tion aiguë. Le diagnostic est clinique et ne nécessite généralement
associées à des vomissements, un refus des biberons voire un syn- pas d’examen complémentaire. L’origine est généralement virale,
drome occlusif, et souvent des rectorragies. Chez le nourrisson, mais parfois bactérienne, avec un tableau plus sévère, à type de
elle peut se manifester par des accès de pâleur avec hypoto- colite, se manifestant par des rectorragies ou un abdomen pseudo-
nie voire des malaises graves de type neurologique, associés aux chirurgical, et dont le diagnostic est confirmé à l’échographie et
pleurs et vomissements. À l’examen clinique, l’enfant est sou- par la réalisation d’une coproculture. Les parasitoses intestinales
vent peu symptomatique en dehors des crises douloureuses, un peuvent également être évoquées, principalement en cas de dou-
« boudin d’invagination » est parfois perçu à la palpation. Chez leurs abdominales chroniques ou récidivantes. Il peut également
l’enfant plus grand, il s’agit plus souvent de causes secondaires s’agir d’une intoxication alimentaire ou une banale indigestion.
qu’il faudra rechercher (polype intestinal, purpura rhumatoïde, Gastrite et ulcère gastroduodénal. Plutôt d’allure chronique,
diverticule de Meckel ou adénolymphite), avec une présentation les douleurs de gastrite peuvent se manifester de manière aiguë, à
plutôt de syndrome occlusif. Le diagnostic est généralement fait type d’épigastralgies non fébriles. La suspicion d’UGD peut néces-
à l’échographie, permettant de mettre en évidence l’invagination siter une fibroscopie œso-gastroduodénale en cas de persistance
iléo-cæcale (image en cocarde en coupe transversale ou en « pince des épigastralgies malgré un traitement anti-acide.
de crabe » en coupe longitudinale). La réalisation d’un lavement Pancréatite aiguë. Il s’agit d’une cause rare chez l’enfant mais
colique (baryté ou à l’air) sous contrôle chirurgical permet le plus à évoquer devant toute douleur épigastrique intense et trans-
souvent une réduction de l’invagination. En cas d’échec, un traite- fixiante, parfois associée à des vomissements voire un iléus réflexe.
ment chirurgical peut être nécessaire. Les formes grêlo-grêliques, Le diagnostic est fait sur l’association de la douleur abdominale
transitoires ne sont généralement pas graves, elles surviennent au et d’une élévation de la lipase supérieure à trois fois la normale.
cours d’épisodes infectieux de type gastro-entérite et se désinva- L’échographie en urgence permet de rechercher une lithiase au
ginent spontanément. niveau biliopancréatique, mais l’origine est plus souvent infec-
tieuse, voire toxique. Le traitement est symptomatique avec un
Occlusion intestinale repos digestif tant que la douleur persiste, voire à une extraction
Le tableau digestif est souvent franc, avec en plus des dou- endoscopique d’une lithiase par sphinctérotomie.
leurs abdominales diffuses, des vomissements parfois bilieux ou Purpura rhumatoïde. Il s’agit d’une cause classique de dou-
fécaloïdes, un arrêt des matières et des gaz, et un météorisme leurs abdominales chez l’enfant, généralement associées à des
abdominal. La palpation des orifices herniaires est primordiale. La troubles cutanés à type de purpura et de douleurs articulaires.
radiographie d’ASP est utile dans ce cas, permettant de localiser Les douleurs abdominales peuvent être inaugurales et rendre
l’occlusion selon l’aspect des niveaux hydroaériques. Les causes le diagnostic difficile. Une des complications est l’invagination
d’occlusion sont un volvulus, une hernie étranglée, une bride, une intestinale aiguë, qui doit être systématiquement recherchée à
maladie de Hirschsprung. Le traitement est chirurgical en urgence. l’échographie. En cas de douleurs abdominales, le traitement du
purpura rhumatoïde nécessite une corticothérapie.
Affections uro-gynécologiques chirurgicales Polype intestinal. Parfois diagnostiqués à l’échographie en
cas de douleurs abdominales, les polypes digestifs sont rares et
Chez la fille, un kyste ou une tumeur de l’ovaire peuvent être
peuvent se compliquer d’invagination intestinale. Ils peuvent être
responsables d’une torsion d’annexe, diagnostiquée généralement
isolés ou s’intégrer dans une polypose.
à l’échographie vessie pleine.
Constipation ou stase stercorale. Les douleurs sont plutôt
Chez le garçon, la torsion d’un testicule est généralement évi-
chroniques ou récidivantes, mais sont un motif fréquent de
dente cliniquement et la réalisation d’examens complémentaires
consultation en urgence.
ne doit pas faire retarder une prise en charge chirurgicale.
Hépatite aiguë. Les hépatites aiguës sont responsables de
Ces torsions, chez la fille ou le garçon, sont des urgences chi-
douleurs de l’hypochondre droit, et peuvent s’accompagner de
rurgicales afin de préserver la vitalité de l’organe atteint.
fièvre, de vomissements et/ou d’un ictère. Le diagnostic est fait sur
Chez la jeune fille, selon le contexte, il faudra évoquer un héma-
l’élévation des transaminases. L’origine est le plus souvent virale,
tocolpos, ou une grossesse intra- ou extra-utérine.
mais peut également être toxique, auto-immune ou métabolique.
Pathologies lithiasiques biliaires. Il s’agit de complications
Autres causes chirurgicales de lithiases biliaires migrant dans les voies biliaires, avec
D’autres causes chirurgicales de douleurs abdominales peuvent des tableaux plus ou moins sévères de douleurs intenses de
être évoquées telles qu’une péritonite, souvent d’origine appendi- l’hypochondre droit, d’ictère ou de fièvre. Elles comprennent la
culaire mais parfois secondaire à une entérocolite ou une affection colique hépatique, la cholécystite, l’angiocholite, la pancréatite
uro-gynécologique, ou une perforation intestinale. aiguë biliaire.
Un traumatisme abdominal peut être responsable de lésions des
organes intra-abdominaux, à type de perforation intestinale, ou Causes uro-néphrologiques
de fracture ou contusion du foie, de la rate, du pancréas ou du Infections urinaires. On distingue les infections urinaires
rein. Le contexte est généralement évocateur avec des trauma- basses et hautes. Les cystites provoquent des douleurs hypo-
tismes à haute cinétique, mais il est important de le rechercher à gastriques, associées à des signes fonctionnels de type dysurie,
l’interrogatoire, en cas de situation douteuse. brûlures mictionnelles ou pollakiurie. Les pyélonéphrites aiguës
Un diverticule de Meckel doit être recherché devant des dou- entraînent des douleurs des fosses lombaires et hypogastriques
leurs abdominales associées à une hémorragie digestive basse et s’accompagnent de fièvre. Le diagnostic repose sur l’ECBU, et
(mais parfois avec des mélénas). Les douleurs abdominales sont l’échographie est souvent évocatrice et permet de rechercher des
parfois récidivantes dans ce cas. Le diagnostic est rarement fait à uropathies sous-jacentes ainsi que des complications (abcès).
l’échographie, et peut nécessiter une scintigraphie (sensibilité de Colique néphrétique. Il s’agit d’une migration de lithiase uri-
60–90 %) ou une cœlioscopie exploratrice. naire dans l’uretère. Le diagnostic doit être évoqué devant toute

4 EMC - Pédiatrie
Douleurs abdominales  4-014-C-70

douleur intense d’une fosse lombaire, irradiant vers les organes Tableau 2.
génitaux. Le diagnostic est fait à l’échographie. En cas de fièvre, Les causes organiques de douleurs abdominales récurrentes.
une infection urinaire sur obstacle doit être recherchée, afin de Causes digestives
proposer un drainage en urgence (sonde urétérale type JJ ou
néphrostomie) en association avec l’antibiothérapie. Signes dyspeptiques Signes intestinaux
Syndrome néphrotique. Le syndrome œdémateux est sou- Reflux gastro-œsophagien Constipation
vent responsable de douleurs abdominales. Gastrite à Helicobacter pylori Intolérance au lactose
Pancréatite chronique Maladies inflammatoires
Causes gynécologiques
Lithiase biliaire chroniques intestinales
En dehors des causes chirurgicales (torsion d’annexe, kyste), des Œsophagite à éosinophiles (OE) Maladie cœliaque
douleurs menstruelles ou une infection des annexes (salpingite) Allergies alimentaires
doivent être évoquées chez les filles, en fonction de leur âge et de Déglutition d’air
l’anamnèse. Syndrome de Chilaiditi
Causes uro-génitales
Autres causes médicales
Lithiase urinaire
Les infections ORL (angine, rhinopharyngite, otite) et pulmo- Uropathies malformatives
naires (pneumopathie) sont très souvent responsables de douleurs Tumeur ou kyste de l’ovaire
abdominales diffuses chez l’enfant, avec une fièvre élevée, et une Dysménorrhées
polypnée en cas de pneumopathie. D’autres causes « thoraciques » Causes neurologiques
doivent être évoquées, telles qu’une péricardite ou une myocar- Tumeur spinale
dite, notamment en cas d’association à une dyspnée, des douleurs Myélite transverse
thoraciques ou des palpitations. Aussi, il est important d’éliminer
Causes endocrinologiques
une infection neuroméningée (méningite), dont le diagnostic et
Insuffisance surrénalienne
le traitement peuvent être urgents. Phéochromocytome
Autres

▲ Mise en garde
Fièvre méditerranéenne
Drépanocytose
Porphyrie
Œdème angioneurotique héréditaire
Tout enfant se plaignant de douleurs abdominales doit
systématiquement avoir un examen ORL, pulmonaire et
génito-urinaire. tés fonctionnelles en fonction des symptômes présentés par les
patients.
Les causes de DAR sont nombreuses et le défi pour le clinicien
réside dans le fait d’éliminer une cause organique avant d’établir
Il faut se méfier des causes endocrinologiques, avec des dou-
le diagnostic de DAR « fonctionnelle ». Les douleurs abdominales
leurs abdominales qui peuvent s’accompagner d’un syndrome
fonctionnelles sont un diagnostic clinique qui ne nécessite, en
polyuropolydipsique (diabète) ou d’une asthénie avec troubles
théorie, aucun examen complémentaire [5, 6] .
ioniques (insuffisance surrénale), dont le diagnostic n’est pas tou-
jours évident et nécessite un traitement urgent.
Les douleurs d’origine articulaire ou cutanée doivent également Causes organiques
être évoquées, notamment chez l’enfant en bas âge ou incapable
de localiser correctement sa douleur. Les étiologies organiques de DAR peuvent être divisées en
Les douleurs de crises vaso-occlusives sont évoquées chez les causes médicales et chirurgicales ou encore classifiées en causes
enfants drépanocytaires, et font l’objet de prises en charge spéci- anatomiques, métaboliques, infectieuses, inflammatoires ou néo-
fiques, avec antalgiques, hyperhydratation et oxygénothérapie. plasiques. En plus des causes digestives, il faut savoir évoquer
L’adénolymphite mésentérique est un diagnostic d’élimination des causes extradigestives telles que les affections uro-génitales
très fréquent chez l’enfant. Elle survient souvent dans un contexte ou encore des maladies générales et moins fréquentes (Tableau 2).
infectieux ORL ou respiratoire, et correspond à la présence
d’adénopathies abdominales, volontiers localisées en fosse iliaque DAR avec signes dyspeptiques
droite et pouvant mimer un syndrome appendiculaire, associées Reflux gastro-œsophagien (RGO). Le RGO est physiologique
à d’autres adénopathies. L’échographie abdominale permet géné- chez l’enfant de moins de 6 mois. Chez l’enfant en âge de
ralement de redresser le diagnostic, et doit parfois être répétée en s’exprimer, il peut être responsable d’un pyrosis qui nécessite une
cas de doute diagnostique. prise en charge adaptée, et peut se compliquer d’œsophagite. Un
traitement d’épreuve par inhibiteur de la pompe à proton (IPP)
de 4 à 6 semaines est justifié. En cas de persistance sous IPP ou
Douleurs abdominales récurrentes de récidive à l’arrêt des IPP, une fibroscopie digestive haute peut
ou chroniques préciser le diagnostic.
Gastrite à Helicobacter pylori. La colonisation de la
Les DAR de l’enfant sont une cause fréquente de consultation muqueuse digestive par H. pylori est responsable d’une gastrite qui
aux urgences et en ambulatoire. Selon les études, 4 à 25 % des peut évoluer vers un ulcère duodénal mais pas l’ulcère gastrique
enfants en âge d’aller à l’école souffrent de DAR ayant un impact dans les pays à faible prévalence d’infection.
sur leur activité quotidienne. Elles concernent 12 à 15 % des Les douleurs sont caractérisées par des épigastralgies. Le diag-
enfants en France. Les DAR sont responsables d’absentéismes sco- nostic est réalisé par endoscopie, qui permet de visualiser la
laires, d’hospitalisation et parfois d’interventions chirurgicales. muqueuse gastrique et de réaliser des biopsies digestives mettant
Une cause organique n’est retrouvée que dans 5 à 10 % des cas. en évidence d’H. pylori en colorations spéciales, à l’examen direct
On note deux pics de fréquence, 4–6 ans et 7–12 ans. et la mise en culture avec réalisation d’un antibiogramme. Un
Le terme « douleurs abdominales récurrentes » est un terme des- diagnostic par voie non invasive tel que le test respiratoire à l’urée
criptif et ne constitue pas un diagnostic à lui seul. Les DAR ont n’est pas recommandé pour le diagnostic d’infection à H. pylori
été définies dès les années 1950 par Apley and Naish par trois épi- mais est utile pour le suivi. Le traitement chez l’enfant doit viser
sodes en 3 mois suffisants pour retentir sur l’activité (ex. l’arrêt un taux d’éradication supérieur à 90 % et doit être adapté si pos-
du jeu) [4] . Leur définition a évolué au fil des ans notamment sible à l’antibiogramme. Il comporte un IPP à forte dose (2 mg/kg)
grâce à l’établissement de critères cliniques, les critères de Rome, associé à deux antibiotiques parmi amoxicilline, clarithromycine
réactualisés régulièrement. Ils permettent de définir plusieurs enti- et métronidazole, pour une durée de 14 jours. Un test respiratoire

EMC - Pédiatrie 5
4-014-C-70  Douleurs abdominales

à l’urée marquée doit être réalisé 4 à 6 semaines après l’arrêt du classiquement que les MICI sont dues à une hyperactivation du
traitement afin de confirmer son éradication. système immunitaire digestif secondaire à des modifications du
Ulcère gastro-duodénal (UGD). Rare chez l’enfant, il peut se microbiote intestinal sur un terrain génétique particulier. Elles
présenter sous forme de douleur épigastrique chronique, soulagée sont responsables de DAR qui réveillent le patient la nuit, elles
par l’alimentation, et parfois associée à des vomissements, ou être sont associées le plus souvent à une accélération du transit (diar-
révélé par une complication à type d’hémorragie ou de perfora- rhées, parfois nocturnes), des sensations de faux besoins et des
tion. Un facteur favorisant tel qu’une prise d’anti-inflammatoire rectorragies. Elles peuvent être associées à des signes extradigestifs
non stéroïdien ou de corticothérapie doit être recherché. Le (arthralgies, lésions cutanées et uvéite) et ont un retentisse-
diagnostic est confirmé au cours d’une fibroscopie œso-gastro- ment sur la croissance staturopondérale qui précède souvent
duodénale. l’apparition des symptômes digestifs. Elles peuvent également être
Œsophagite à éosinophiles (OE). L’OE est une entité cli- responsables d’une anorexie et d’un amaigrissement isolé. Les
nique particulière qui survient sur un terrain allergique. Elle examens complémentaires cherchent à mettre en évidence une
résulte probablement d’une réaction immunitaire contre cer- inflammation (élévation de la VS, CRP, thromobcytose, anémie
tains antigènes alimentaires. Il s’agit d’une inflammation de d’allure inflammatoire). La calprotectine fécale permet de mettre
l’œsophage responsable de DAR accompagnées de reflux ou de en évidence une inflammation intestinale. L’échographie retrouve
difficultés alimentaires, pouvant évoluer progressivement vers des habituellement une inflammation digestive (iléite, épaississement
blocages alimentaires. L’endoscopie digestive haute est indispen- pariétal colique). Le diagnostic est confirmé lors d’un bilan endo-
sable pour réaliser le diagnostic car elle permet la réalisation de scopique haut et bas avec biopsies étagées qui doit être réalisé
biopsies qui retrouveront un infiltrat inflammatoire avec prédo- en centre spécialisé avant de débuter un traitement. Le traite-
minance d’éosinophiles (supérieur à 15 éosinophiles par champ) ment, basé en majorité sur des immunosuppresseurs, dépend de
à l’histologie. La prise en charge doit comprendre une consulta- la gravité et de la forme clinique de la MICI.
tion chez un allergologue pouvant permettre l’éviction d’aliments Maladie cœliaque (MC). La MC est une maladie dysimmu-
responsables du processus inflammatoire, ainsi qu’un traitement nitaire systémique qui est responsable d’une atrophie villositaire
par IPP, parfois associé à des corticoïdes topiques. totale chez des patients génétiquement prédisposés. Classique-
Pancréatite chronique. Elle doit être évoquée en cas de ment la MC débute à l’introduction du gluten vers l’âge de
terrain familial de pancréatite chronique ou de pathologie 6 mois et associe diarrhée chronique, anorexie, apathie, météo-
prédisposant telle qu’une mucoviscidose. Le diagnostic est réa- risme abdominal et perte de poids. Le plus souvent, le tableau
lisé par le dosage des lipases et une échographie abdominale sera moins évocateur et il faut savoir rechercher la MC devant des
réalisée au moment des crises douloureuses. Des examens manifestations digestives ou extradigestives très variées incluant
complémentaires biologiques et d’imagerie (IRM pancréatique) classiquement les DAR associées ou non à des troubles du
préciseront l’étiologie et le retentissement. transit, un retard de croissance et un retard pubertaire. Le
Lithiase biliaire. La symptomatologie en cas de lithiase diagnostic repose sur le dosage des immunoglobulines A (IgA)
biliaire est proche de celle de chez l’adulte, avec des épisodes anti-transglutaminases (anti-TG) associé à un dosage pondéral des
de coliques hépatiques, responsables de douleurs récidivantes de IgA totales afin d’éliminer un déficit en IgA, présent chez 10 %
l’hypochondre droit. En cas d’impaction d’une lithiase dans la des patients avec MC. Si le dosage des IgA anti-TG est supérieur
voie biliaire principale, la douleur est associée à un ictère, et peut à dix fois la normale et que les IgA anti-endomysium sont éga-
évoluer vers une angiocholite lorsqu’elle est associée à de la fièvre. lement positives, le diagnostic est confirmé et il n’est alors pas
Le diagnostic est réalisé grâce à l’échographie abdominale qui met nécessaire de réaliser une fibroscopie digestive haute. En cas de
en évidence une ou des lithiases dans la vésicule ou une dilatation doute, les biopsies réalisées lors de l’endoscopie retrouveront une
des voies biliaires. atrophie villositaire totale associée à un infiltrat lymphocytaire
intra-épithélial. Le traitement consiste en l’exclusion stricte du
DAR avec signes intestinaux gluten dans l’alimentation, à vie.
Constipation. La constipation de l’enfant est un problème Parasitoses digestives. En cas de douleurs abdominales chro-
fréquent responsable de DAR. Elle constitue 3 à 5 % des motifs de niques, souvent associées à des symptômes digestifs tels que des
consultation de pédiatrie générale. La constipation se définit par diarrhées, une infection parasitaire doit être évoquée, et faire réa-
une diminution de la fréquence des selles associée à une augmen- liser un examen parasitologique des selles 3 jours de suite afin
tation de leur volume, et elle est très souvent associée à des DAR, d’optimiser les chances de mettre en évidence un parasite respon-
péri-ombilicales qui ne réveillent généralement pas le patient la sable (Giardia, Ascaris).
nuit. Ces DAR sont parfois associées à des rectorragies secondaires Allergies alimentaires. Elles sont de plus en plus fréquentes
à des fissures anales, un fécalome ou encore une encoprésie. Elles chez les enfants. L’allergie aux protéines de lait de vache est
ne sont pas responsables de vomissements ni de retard staturo- la plus précoce et la plus fréquente chez les enfants de moins
pondéral. Aucun examen complémentaire n’est nécessaire pour de 1 an. Les allergies alimentaires peuvent être responsables
réaliser le diagnostic. Le traitement de choix est l’utilisation de de manifestations digestives telles que des douleurs abdomi-
laxatifs type macrogol sur une durée prolongée (au moins 3 mois), nales accompagnées souvent de diarrhées ou vomissements lors
associé à des règles hygiénodiététiques simples : augmentation des de la consommation d’aliments allergisants. D’autres signes
boissons non sucrées, augmentation des rations de fibres, limiter doivent être recherchés et simplifient le diagnostic (manifesta-
les apports en sucres rapides et favoriser l’activité physique. tions générales d’anaphylaxie, cutanéomuqueuses, respiratoires).
Intolérance au lactose. L’intolérance au lactose chez l’enfant Le diagnostic est évoqué principalement sur l’anamnèse, et néces-
de plus de 5 ans est secondaire à la diminution de la production de site des explorations allergologiques telles que des prick-tests, des
la lactase comme chez l’adulte, on parle ainsi d’hypolactasie. Ceci patchs-tests ou des dosages d’IgE spécifiques des allergènes. Le
entraîne une diminution de la digestion du lactose qui est ainsi traitement consiste en l’éviction de l’allergène, et des épreuves
métabolisé par les bactéries coliques entraînant des symptômes de réintroduction (tests de provocation) doivent être réalisées en
digestifs lors de l’ingestion de lactose : douleurs abdominales milieu spécialisé.
accompagnées de flatulences, d’émission de gaz et de selles acides
(du fait de la présence d’acide lactique dans les selles). Un test
respiratoire (« breath test ») avec mesure de l’hydrogène expiré DAR d’origine extradigestive
après ingestion de lactose peut orienter le diagnostic. L’éviction Des causes uro-néphrologiques (malformations de l’arbre uri-
du lactose, en maintenant des préparations lactées pauvre en lac- naire, infections urinaires récidivantes, lithiases urinaires) et
tose (lait délactasé, fromage à pâte cuite), permet une disparition gynécologiques (douleurs menstruelles, dysménorrhées, kystes
rapide des symptômes. ovariens, voire hématocolpos) peuvent être responsables de DAR.
MICI. De plus en plus fréquentes chez l’enfant, les MICI sont La maladie périodique (fièvre méditerranéenne familiale) se
constituées de plusieurs entités cliniques majoritairement repré- manifeste par des douleurs abdominales cycliques, accompagnées
sentées par la maladie de Crohn et la rectocolite hémorragique. de fièvre et syndrome inflammatoire, chez des patients originaires
Leur physiopathologie est complexe et multifactorielle. On dit du bassin méditerranéen.

6 EMC - Pédiatrie
Douleurs abdominales  4-014-C-70

Figure 2. Physiopathologie des douleurs fonctionelles.

Évènement médical déclencheur


Inflammation Anomalies de la
Distension
Infections/allergies motricité

Prédisposition Hypersensibilité Douleur


génétique viscérale abdominale

Évènement psychosocial déclencheur

Dépression, Stress familial Bénéfices Abus


Stress
Anxiété secondaires sexuels

Des causes neurologiques telles que des tumeurs cérébrales ou de 1 mg/kg pour une durée de 1 mois. En cas d’échec et de
médullaires peuvent exceptionnellement se manifester par des l’absence d’organicité, un traitement par amitriptyline ou imi-
douleurs abdominales chroniques. pramine après avis spécialisé auprès d’un médecin de la douleur
peut être utilisé. Enfin, la stimulation électrique gastrique semble
être un traitement efficace pour les DF résistantes aux traitements
Causes fonctionnelles
conventionnels.
Si l’examen ne retrouve pas de signes d’alarmes, il convient
d’évoquer plusieurs tableaux cliniques d’ordres fonctionnels. La Syndrome de l’intestin irritable
compréhension des mécanismes physiopathologiques régissant La prévalence de SII est de 5 % environ chez l’enfant d’âge sco-
les douleurs abdominales non organiques est en perpétuelle évo- laire. Le SII de l’enfant, comme chez l’adulte, peut être divisé en
lution entraînant une modification de leur terminologie et les sous-groupes en fonction de la consistance des selles (diarrhée,
regroupant sous le terme de maladies de l’interaction intes- constipation, alternance diarrhée/constipation et non spécifiée).
tin/cerveau. La prise en compte de ces DAR est essentielle car Sur le plan physiopathologique, le SII est considéré comme une
leur impact sur la vie quotidienne est important avec notamment maladie de l’interaction intestin/cerveau. Il résulte entre autres
un absentéisme scolaire, un retentissement familial ou encore d’une hypersensibilité viscérale, souvent liée à l’état psycholo-
une consommation d’antalgiques et de dépenses de santé impor- gique de l’enfant (anxiété, dépression, colère), d’une muqueuse
tantes [7] . Les atteintes fonctionnelles digestives peuvent être pro-inflammatoire succédant le plus souvent à un épisode de
caractérisées par les critères de Rome publiés pour la première gastro-entérite aiguë et d’une altération du microbiote intesti-
fois en 1999 et régulièrement réévalués. La dernière publication nal (Fig. 2). Les critères diagnostiques du SII sont : des douleurs
des critères de Rome date de 2016 (Rome IV) [8] . Ces critères abdominales persistantes pendant au moins 4 jours par mois
distinguent quatre formes de douleurs non organiques : les dys- associées à la défécation, et/ou à un changement de fréquence
pepsies fonctionnelles (DF), le syndrome de l’intestin irritable d’émission des selles, et/ou à un changement de consistance
(SII), les migraines abdominales et les douleurs abdominales des selles. En cas de constipation initiale, les douleurs ne dispa-
fonctionnelles inclassables. Leur prise en charge consiste en raissent pas même lorsque la constipation est résolue, auquel cas
l’association d’un éventuel traitement médicamenteux, souvent on parle de constipation fonctionnelle. Une cause organique doit
inefficace, à une prise en charge psychosomatique avec des théra- également être éliminée avant de poser le diagnostic de SII. Sur
peutiques alternatives (thérapies comportementales, sophrologie le plan thérapeutique, très peu d’études randomisées en double
ou hypnose). aveugle ont été réalisées. Certaines études (tout trouble fonc-
tionnel confondu) suggèrent une efficacité de certains régimes
Dyspepsie fonctionnelle d’exclusions (diminution des apports d’oligosaccharides fermen-
Les DF sont principalement liées à un défaut de relaxation tés, de monosaccharides et de polyols). Chez l’enfant, les thérapies
de l’estomac lors des repas. Plusieurs hypothèses physiopatholo- comportementales et la sophrologie peuvent également avoir une
giques ont été évoquées telles que des anomalies de la motricité efficacité sur la prise en charge de la douleur.
gastrique, une hypersensibilité viscérale, une inflammation de bas
grade ou encore une prédisposition génétique. Elles apparaissent Migraine abdominale (MA)
dans 24 % des cas au décours d’une gastro-entérite. Les critères La fréquence des MA chez l’enfant constitue entre 1 et 23 %
diagnostiques de Rome IV définissent la DF comme l’apparition des DAR selon les critères diagnostiques. À l’image des céphalées
depuis plus de 2 mois, 4 jours par mois, d’une sensation migraineuses, les douleurs sont épisodiques, limitées à l’abdomen
« d’estomac plein », de satiété précoce, de douleur ou brûlure épi- et évoluent par poussées avec un retour à la normale entre
gastrique non liées à la défécation. L’examen clinique s’attardera chaque épisode. Les facteurs déclenchants sont similaires : le
à évaluer le retentissement des douleurs sur la prise alimentaire stress, la fatigue, les voyages. Ces facteurs peuvent être associés
au cours de la journée. Des examens complémentaires peuvent à d’autres symptômes fonctionnels tels que des nausées, une ano-
être évoqués en cas de symptômes atypiques associés à un pyro- rexie et des vomissements. Les MA peuvent évoluer en céphalées
sis comme une pH-métrie, voire une œsogastro-duodénoscopie migraineuses à l’âge adulte. Les critères diagnostiques des MA
en cas d’épigastralgies associées au repas ou réveillant l’enfant la sont les suivants : le patient doit avoir expérimenté au moins
nuit notamment en présence d’antécédents familiaux d’ulcères deux fois des épisodes paroxystiques de douleurs abdominales
ou d’infection à H. pylori. Sur le plan thérapeutique, un traite- aiguës péri-ombilicales ou diffuses, durant au moins 1 heure, asso-
ment d’épreuve par IPP peut être proposé à la posologie initiale ciées à au moins deux symptômes fonctionnels parmi l’anorexie,

EMC - Pédiatrie 7
4-014-C-70  Douleurs abdominales

les nausées, les vomissements, les céphalées, une photophobie


ou une pâleur. L’apparition des douleurs est stéréotypée chez Déclaration de liens d’intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de liens
chaque patient. L’activité au moment des douleurs est impos- d’intérêts en relation avec cet article.
sible et l’état général est parfaitement conservé entre chaque crise.
Avant d’évoquer un diagnostic de MA il faut éliminer une cause
organique telle qu’une obstruction intestinale intermittente, des  Références
pancréatites aiguës récurrentes, une fièvre méditerranéenne ou
encore une atteinte des voies biliaires. Le traitement dépend [1] McCollough M, Sharieff GQ. Abdominal pain in children. Pediatr Clin
de l’impact, de la fréquence et de l’intensité des épisodes dou- North Am 2006;53(1):107–37, vi.
loureux. Les traitements classiques utilisés en cas de céphalées [2] D’Agostino J. Common abdominal emergencies in children. Emerg
migraineuses semblent efficaces (tryptan, bétabloquants et cyro- Med Clin North Am 2002;20(1):139–53.
heptadine) chez ces patients. [3] Kim JS. Acute abdominal pain in children. Pediatr Gastroenterol
Hepatol Nutr 2013;16(4):219–24.
Douleurs abdominales fonctionnelles inclassables
[4] Apley J, Naish N. Recurrent abdominal pains: a field survey of 1,000
Par définition, les douleurs abdominales fonctionnelles inclas- school children. Arch Dis Child 1958;33(168):165–70.
sables sont des DAR de l’enfant qui ne rentrent pas dans les [5] American Academy of Pediatrics subcommittee on chronic abdominal
critères cliniques des autres douleurs abdominales fonctionnelles pain, North American Society for Pediatric Gastroenterology Hepa-
sus-citées. Elles concernent environ 2 % des DAR de l’enfant tology and Nutrition. Chronic abdominal pain in children. Pediatrics
d’âge scolaire. Les critères diagnostiques comprennent des épi- 2005;115(3):e370–81.
sodes de douleurs abdominales plus de quatre fois par mois qui [6] Berger MY, Gieteling MJ, Benninga MA. Chronic abdominal pain in
ne peuvent être expliqués par une cause physiologique (alimenta- children. BMJ 2007;334(7601):997–1002.
tion ou menstruation) et qui ne peuvent pas être identifiés comme [7] Rajindrajith S, Zeevenhooven J, Devanarayana NM, Perera BJC, Ben-
une DF, un SII ou une MA. Sur le plan thérapeutique les antispas- ninga MA. Functional abdominal pain disorders in children. Expert
modiques ainsi que les antidépresseurs tricycliques n’ont pas fait Rev Gastroenterol Hepatol 2018;12(4):369–90.
preuve de leur efficacité chez l’enfant. Les thérapies comporte- [8] Zeevenhooven J, Koppen IJN, Benninga MA. The New Rome IV cri-
mentales et l’hypnothérapie semblent en revanche être efficaces teria for functional gastrointestinal disorders in infants and toddlers.
chez ces patients. Pediatr Gastroenterol Hepatol Nutr 2017;20(1):1–13.

M. Ruiz, Docteur (mathias.ruiz@chu-lyon.fr).


Service d’hépatologie gastro-entérologie et nutrition pédiatriques, Hôpital Femme-Mère-Enfant, Hospices civils de Lyon, 59, boulevard Pinel, 69677 Bron,
France.
R. Duclaux-Loras, Docteur.
Service d’hépatologie gastro-entérologie et nutrition pédiatriques, Hôpital Femme-Mère-Enfant, Hospices civils de Lyon, 59, boulevard Pinel, 69677 Bron,
France.
Unité Inserm 1111, Centre international de recherche en infectiologie (CIRI), 46, allée d’Italie, 69364 Lyon cedex 07, France.
Université Claude-Bernard-Lyon 1, 43, boulevard du 11-Novembre-1918, 69100 Villeurbanne, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Ruiz M, Duclaux-Loras R. Douleurs abdominales. EMC - Pédiatrie 2021;41(3):1-8 [Article 4-014-C-70].

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8 EMC - Pédiatrie
 4-060-A-40

Lithiase biliaire chez l’enfant


F. Lacaille

Résumé : La lithiase biliaire est beaucoup moins fréquente chez l’enfant que chez l’adulte. Toute-
fois, un certain nombre de maladies chroniques, hépatiques, digestives ou hémolytiques et l’obésité à
l’adolescence prédisposent à la formation de calculs dans la vésicule biliaire. Dans la grande majorité des
cas, les calculs sont découverts fortuitement sur une échographie réalisée pour des douleurs abdominales
d’allure fonctionnelle. Ils sont très rarement responsables de douleurs et disparaissent souvent spontané-
ment. Le caractère typique de colique hépatique peut être difficile à mettre en évidence chez l’enfant. Il
faut rechercher systématiquement une maladie hépatique, une hémolyse et une hypercholestérolémie. Les
complications sont rares, cholécystite, migration dans la voie biliaire principale, pancréatite, cholangite.
La cholécystectomie, de préférence par voie cœlioscopique, est proposée en cas de complications, et aussi
de maladie sous-jacente, en particulier hémolyse chronique ou mucoviscidose. Un accident lithiasique
peut révéler un kyste du cholédoque. La « fausse lithiase » de la ceftriaxone disparaît après la fin du
traitement.
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Mots-clés : Lithiase ; Cholécystite ; Cholangite ; Pancréatite ; Hémolyse ; Mucoviscidose ; Cholestase ;


Résection intestinale ; Ceftriaxone ; Cholécystectomie ;

Plan l’échographie devant des douleurs abdominales peut faire décou-


vrir des calculs, dont la responsabilité dans les symptômes est
■ Introduction 1 douteuse. Chez le jeune enfant, les calculs sont souvent secon-
daires à une maladie générale, en particulier hémolytique, alors
■ Mécanismes de formation des calculs 1 qu’ils sont généralement « idiopathiques » chez l’enfant plus
Composition des calculs 1 grand [3, 4] . Ils se compliquent rarement, mais il faut savoir diffé-
Composition de la bile 1 rencier les calculs « innocents », découverts fortuitement lors de
■ Étiologie 2 l’exploration de douleurs abdominales fonctionnelles, de ceux res-
En période néonatale 2 ponsables de coliques hépatiques, dont le caractère est rarement
Après la période néonatale 2 typique chez l’enfant. Par ailleurs, la cholécystite, la surinfection,
■ Clinique 3 ou la migration du calcul, bien que rares, peuvent parfois justifier
Colique hépatique 3 une cholécystectomie prophylactique.
Cholécystite 3
Lithiase de la voie biliaire principale 4
Cholangite (angiocholite) 3  Mécanismes de formation
Pancréatite 3
Hoquet 3
des calculs
Cholestase néonatale 3

Composition des calculs
Diagnostic 3
Radiologie 3 En fonction de leur composition, les calculs sont de plusieurs
Biologie 3 types :
■ Traitement 3 • cholestéroliques, comme les calculs « habituels » de l’adulte,
Traitement médical 4 formés de cristaux de cholestérol précipités dans la bile, et éven-
Cholécystectomie 4 tuellement secondairement calcifiés ;
Traitement endoscopique 4 • pigmentaires ou protéiques : en cas d’hémolyse chronique, le
Traitement radiologique 4 matériel précipité est formé de cristaux de bilirubinate, produit
Cas particulier du kyste du cholédoque 4 de dégradation de l’hémoglobine ; dans la mucoviscidose, des
composants protéiques précipitent dans la bile déshydratée ;
■ Attitude en pratique 4
• médicamenteux : la « fausse lithiase » observée dans les traite-
ments par ceftriaxone [5] .

 Introduction Composition de la bile


La lithiase biliaire, maladie menant à la formation de calculs La bile est formée de trois composants organiques principaux :
dans la vésicule ou les voies biliaires, est beaucoup moins fré- acides biliaires (produits finaux de dégradation du cholesté-
quente chez l’enfant que chez l’adulte. Sa prévalence est estimée rol), cholestérol, phospholipides ; d’eau et d’électrolytes ; et
entre 0,15 % et 1,9 % [1, 2] . Toutefois, la pratique généralisée de d’une petite proportion de protéines, en particulier des mucines

EMC - Pédiatrie 1
Volume 41 > n◦ 3 > juillet 2021
http://dx.doi.org/10.1016/S1637-5017(21)44441-8
4-060-A-40  Lithiase biliaire chez l’enfant

sécrétées par les cellules épithéliales biliaires. En situation nor- Tableau 1.


male, les lipides sont solubilisés par les acides biliaires, qui forment Causes de la lithiase biliaire chez l’enfant.
des micelles : la proportion respective de chacun des composants Hémolyse chronique, génétique ou non
est importante pour le bon équilibre de solubilisation. La sécré- Résection intestinale
tion de tous ces composants est assurée par des transporteurs Cholestase chronique
spécifiques au pôle biliaire des hépatocytes [6] . Mucoviscidose
Un déséquilibre entre les composants est responsable de la for- Mutations hétérozygotes des gènes responsables de PFIC
mation de cristaux, qui forment d’abord une « boue » (sludge) dans Anomalie anatomique : kyste du cholédoque
la vésicule biliaire. Secondairement, ces cristaux s’amalgament Obésité
pour former de véritables calculs. Ils peuvent ensuite se cal- Traitement par ceftriaxone (« fausse lithiase »)
cifier, plus rarement chez l’enfant que chez l’adulte. En cas Pas de maladie sous-jacente : le plus fréquent
d’interruption du cycle entéro-hépatique ou de cholestase, le
PFIC : progressive familial intrahepatic cholestasis.
déséquilibre provient d’une diminution soit du pool des acides
biliaires, soit de leur sécrétion biliaire.
Certaines anomalies génétiques des transporteurs spécifiques,
dans l’iléon terminal par un transporteur spécifique. Si cette réab-
qui à l’état homozygote se traduisent par des anomalies sévères
sorption est inefficace, par exemple après résection de la dernière
et une cirrhose biliaire (cholestase fibrogène familiale ou progres-
anse iléale, les acides biliaires sont réabsorbés, mais beaucoup
sive familial intrahepatic cholestasis [PFIC]), n’entraînent chez les
moins efficacement, tout au long de l’intestin. Le pool d’acides
hétérozygotes qu’une diminution de sécrétion de l’un ou l’autre
biliaires circulant dans le cycle entéro-hépatique est réduit. La syn-
composant, et donc un déséquilibre.
thèse d’acides biliaires augmente, mais pas toujours suffisamment
Dans le cas des lithiases pigmentaires ou dans la mucoviscidose,
pour que leur concentration dans la bile reste constante [8] .
des composants, normalement solubilisés en faible quantité dans
la bile, sont présents en excès et précipitent. En cas de déshydra-
tation ou de traitement diurétique, c’est le solvant aqueux qui est Cholestase
insuffisant.
Dans tous les cas, la précipitation a lieu là où la bile stagne, dans Quelle qu’en soit la cause, la cholestase est par définition
la vésicule biliaire. Si le flux biliaire est normal, il est rare que les une diminution de sécrétion des acides biliaires. De nombreuses
calculs se forment dans les canaux biliaires intra-hépatiques, sauf maladies hépatiques chroniques peuvent donc se compliquer de
en cas d’obstacle avec ralentissement du flux. Les calculs peuvent lithiase.
ensuite migrer dans la voie biliaire principale, et entraîner des
douleurs ou des signes d’obstacle.
Mucoviscidose
Le canal chlore défectueux dans la maladie (cystic fibrosis trans-

“ Point fort membrane conductance regulator [CFTR]), est présent au pôle apical
des cellules épithéliales biliaires, qui sécrètent une proportion
importante de l’eau biliaire, grâce entre autres à ce canal chlore.
La bile des patients est donc déshydratée. De plus, la sécrétion
• Des calculs se forment quand il existe dans la bile un de mucines par les mêmes cellules est anormale. Les calculs se
déséquilibre entre le cholestérol, les phospholipides et les forment donc à partir de quantités anormales de protéines et de
acides biliaires. bilirubinate de calcium dans une bile déshydratée [9] .
• Ils peuvent aussi se former quand la bile est déshydra-
tée (mucoviscidose, diurétiques) ou quand un composant
normalement solubilisé est en excès (bilirubinate en cas
Obésité
d’hémolyse). La bile est sursaturée en cholestérol, dont l’excrétion biliaire
• Certaines anomalies génétiques de formation de la bile, est l’un des principaux moyens de régulation. Les calculs sont
chez les hétérozygotes, peuvent être cause d’une maladie observés plutôt à l’adolescence chez les filles [10] .
lithiasique.
• Les calculs se forment là où la bile stagne (vésicule). Anomalies génétiques
Des anomalies hétérozygotes des gènes responsables de PFIC
(FIC1, BSEP, MDR3) favorisent la lithiase, en particulier chez des
patients jeunes, qui développent souvent des complications pré-
 Étiologie (Tableau 1) coces [11] . Des mutations hétérozygotes de ces gènes sont aussi
responsables de cholestase gravidique ou médicamenteuse (estro-
En période néonatale progestatifs), tous antécédents qu’il faut donc rechercher. Vue la
complexité des mécanismes de formation de la bile, il est pro-
Des calculs peuvent se former dans toutes les situations de bable que des polymorphismes sur d’autres gènes puissent être
détresse néonatale, en cas de cholestase ou d’interruption du cycle responsables de maladie lithiasique, en particulier familiale.
entéro-hépatique : prématurité, infections, chirurgie digestive pré-
coce, nutrition parentérale totale [2–4] .
Anomalies anatomiques
Une migration lithiasique ou une cholangite sur obstacle
Après la période néonatale biliaire peuvent faire découvrir un (pseudo-)kyste du cholédoque
Hémolyse chronique (dilatation congénitale de la voie biliaire principale). Les voies
biliaires apparaissent à l’échographie plus dilatées que ne le vou-
La lithiase est particulièrement fréquente en cas de drépanocy- drait une simple réaction à la migration d’un calcul. En cas de
tose, de thalassémie majeure, ou de sphérocytose héréditaire [7] . doute, il faut recontrôler l’échographie à distance.
Il faut rechercher une maladie hémolytique moins sévère devant
tout calcul, a fortiori symptomatique.
Pas de maladie sous-jacente retrouvée
Résection intestinale C’est la situation la plus fréquente. Un déséquilibre transitoire
La plus grande partie des acides biliaires sécrétés dans la bile et dans la composition de la bile est sans doute responsable de la
excrétés dans l’intestin est normalement réabsorbée activement formation d’un calcul, qui s’élimine le plus souvent sans récidive.

2 EMC - Pédiatrie
Lithiase biliaire chez l’enfant  4-060-A-40

 Clinique
Chez l’enfant, les calculs biliaires sont, dans la majorité des cas,
découverts fortuitement sur une échographie, pratiquée devant
“ Point fort
des douleurs abdominales non spécifiques. Les calculs étant • La plupart des calculs sont « innocents ».
rarement calcifiés, on ne les voit généralement pas sur les radio- • Les complications sont rares en l’absence de maladie
graphies simples [12] .
sous-jacente.
• La colique hépatique « coupe le souffle » (« apathique »)
Colique hépatique irradie à l’épaule et dans le dos, et doit être différenciée
C’est seulement chez le grand enfant, et inconstamment, que des douleurs abdominales fonctionnelles « banales » péri-
les douleurs ont les caractères typiques d’une colique hépatique ombilicales.
(c’est-à-dire apathique) : douleur violente irradiant à l’épaule ou • Il peut s’y associer des douleurs de pancréatite, si des
dans le dos, au mieux contrôlée par l’immobilité. Elles sont, en calculs ont migré jusqu’au canal de Wirsung.
particulier chez le petit, plus difficiles à différencier des dou-
leurs abdominales « fonctionnelles ». Il faut bien interroger,
pour mettre en évidence le caractère « apathique », « coupant le partie inférieure. L’échographie peut aussi confirmer le diagnos-
souffle », l’enfant interrompant ses activités, et se mettant à pleu- tic de cholécystite, avec une douleur au passage de la sonde sur
rer quand la colique est passée. Entre les crises, l’examen clinique l’hypocondre droit, et une paroi vésiculaire épaisse. Un épisode de
est normal. migration de calcul s’accompagne souvent d’une dilatation des
voies biliaires en amont, qui peut persister plusieurs mois. Si le
Cholécystite diagnostic n’est pas déjà connu, l’échographie peut aussi montrer
la splénomégalie d’une hémolyse chronique (sauf la drépanocy-
C’est le plus souvent la complication d’une maladie sous-
tose), et faire suspecter un kyste du cholédoque, si la dilatation des
jacente, en particulier hémolyse chronique. Elle s’accompagne
voies biliaires, fusiforme, est plus importante que ne l’explique la
de douleurs de l’hypocondre droit irradiant à l’épaule, sou-
migration d’un calcul.
vent de vomissements, d’un syndrome infectieux, et parfois
En cas de suspicion de kyste du cholédoque, la cholangio-
d’un ictère [1–3] . Une douleur est déclenchée à la palpation de
imagerie par résonance magnétique (IRM) est indispensable pour
l’hypocondre droit.
mettre en évidence l’anomalie de jonction bilio-pancréatique
(canal commun), toujours présente. La dilatation des voies
Lithiase de la voie biliaire principale biliaires sus-jacente est variable en fonction du type de kyste.
Un calcul enclavé dans le collet vésiculaire ou le canal cys-
Un calcul enclavé dans le cholédoque se manifeste par des dou- tique donne un tableau d’hydrocholécystite, avec des douleurs
leurs de type hépatique, un ictère ou seulement une décoloration violentes, et une énorme vésicule biliaire dilatée à l’échographie.
des selles si l’obstacle n’est pas complet, sans fièvre s’il n’y a pas
de surinfection.
Biologie
Cholangite (angiocholite) Il faut, lors du diagnostic de lithiase, rechercher une maladie
hépatique par la mesure des transaminases et gamma-glutamyl-
C’est la complication d’une migration lithiasique dans la voie
transpeptidases (␥GT), une hypercholestérolémie et une hémolyse
biliaire principale, avec obstacle plus ou moins complet et sur-
(dosage de l’haptoglobine ou numération des réticulocytes). Tou-
infection de la bile en amont. Les douleurs d’allure hépatique
tefois, les ␥GT, enzymes de l’épithélium biliaire, sont augmentées
s’accompagnent d’un syndrome infectieux sévère et d’un ictère.
après un épisode de migration lithiasique, et de façon plus impor-
tante après une cholécystite. Les transaminases peuvent aussi être
Pancréatite un peu augmentées, mais proportionnellement moins. Il faut
contrôler leur normalisation à distance.
Elle complique la migration de petits calculs dans la voie biliaire Il faut savoir reconnaître des douleurs de pancréatite, et deman-
principale, qui peuvent aller bloquer le canal de Wirsung au der la mesure des enzymes spécifiques (lipase plus sensible
niveau du sphincter d’Oddi. Les douleurs sont plus médianes qu’amylase).
et transfixiantes que celles d’une colique hépatique, souvent
intenses. Il y a souvent des vomissements.
 Traitement
Hoquet
La plupart des calculs découverts à l’échographie sont asymp-
Le hoquet incoercible est une complication assez spécifique de tomatiques, et ne justifient aucun traitement. C’est rappeler
la « fausse lithiase » induite par la ceftriaxone [13] .

Cholestase néonatale
Chez le nouveau-né, les douleurs de la migration d’un calcul
peuvent passer inaperçues, et le tableau peut être celui d’un ictère
“ Point fort
avec urines foncées, les selles étant souvent décolorées au moins • Il faut rechercher une maladie hépatique, une hémolyse,
de façon intermittente.
et une hypercholestérolémie.
• Les ␥GT sont souvent augmentées après la migration
 Diagnostic d’un calcul. Il faut vérifier leur normalisation.
• La voie biliaire principale est souvent un peu dilatée
Radiologie après la migration d’un calcul. Il faut vérifier la normali-
Le diagnostic est facile à l’échographie, qui montre le ou les
sation.
calculs sous la forme d’échos mobiles avec cône d’ombre posté-
• Si les voies biliaires restent dilatées ou le sont de façon
rieur, et leur position, dans la vésicule, près du collet ou dans importante d’emblée, un kyste du cholédoque est sus-
la voie biliaire principale. Il n’est pas toujours facile de repérer pecté et confirmé par cholangio-IRM.
des calculs dans la voie biliaire principale, en particulier dans sa

EMC - Pédiatrie 3
4-060-A-40  Lithiase biliaire chez l’enfant

l’importance de la description sémiologique des douleurs abdo-


minales, qui ne sont pas améliorées par une cholécystectomie.
“ Point fort
Traitement médical
• Un calcul « innocent » ne justifie pas de traitement.
Le seul traitement étiologique disponible est l’acide ursodé-
• La cholécystectomie est systématiquement proposée en
soxycholique, qui ne dissout que les lithiases cholestéroliques [14] .
L’acide ursodésoxycholique est un acide biliaire de synthèse (natu- cas d’hémolyse chronique, souvent en cas de mucovisci-
rel chez l’ours), excrété dans la bile, et rétablissant l’équilibre dose, ou de résection iléale.
micellaire entre les lipides et les acides biliaires. Il peut donc aider • En cas de cholécystite ou de cholangite,
à la dissolution de calculs, ce qui ne survient qu’après plusieurs l’antibiothérapie vise les entérobactéries et les anaérobies.
mois, l’effet ne persistant que tant qu’il est administré. Il s’agit • Il est préférable de réaliser une cholécystectomie par
donc d’un traitement au long cours. Il n’est pas justifié dans la voie cœlioscopique et « à froid ».
plupart des calculs de l’enfant qui ne nécessitent pas de traite- • Une cholangiographie rétrograde endoscopique peut se
ment, ou qui sont éliminés par une cholécystectomie. Il peut être discuter en cas de calcul enclavé.
utile dans de rares cas : • L’acide ursodésoxycholique est exceptionnellement
• chez des enfants très fragiles chez qui une complication risque-
rait d’être dramatique ; indiqué.
• préventivement après résection intestinale (mais se pose la
• Le traitement du kyste du cholédoque est l’exérèse
question de son absorption) ; complète.
• quand le calcul est de moins de 5 mm chez un adolescent obèse.
Son absence de toxicité rend son maniement très facile, mais
il a un effet cathartique et peut aggraver une diarrhée. La dose
est de 5 à 10 mg/kg deux fois par jour. Il est inefficace dans la peut être réalisée 6 à 12 mois après la première. Dans plus
mucoviscidose, où les calculs ne sont pas cholestéroliques. de la moitié des cas, le calcul a disparu. Une alternative est
Le traitement de la colique hépatique est symptomatique : de ne contrôler l’échographie que si des symptômes d’allure
antalgiques simples, antispasmodiques, anti-inflammatoires non « hépatique » apparaissent.
stéroïdiens. En cas d’infection, l’antibiothérapie doit viser les enté- • Calcul chez un enfant asymptomatique porteur d’une mala-
robactéries et les anaérobies. die lithogène chronique (hémolyse, mucoviscidose, résection
intestinale). Une cholécystectomie est proposée.
• Calcul sur anomalie anatomique des voies biliaires (kyste du
Cholécystectomie cholédoque). Excision de toute la voie biliaire extra-hépatique,
L’ablation de la vésicule biliaire, de préférence par cœlio- et réalisation d’une anse en Y.
scopie, est le traitement de la lithiase compliquée : coliques • Migration avec enclavement d’un calcul dans la voie biliaire
hépatiques répétées, cholécystite, pancréatite. Les complications principale. S’il n’y a pas de signes d’infection, il est possible
chirurgicales sont très rares, et l’absence de vésicule n’a pas de d’attendre l’élimination spontanée du calcul, sous traitement
conséquence à long terme. En cas de surinfection, la chirurgie doit antispasmodique. Si après 1 à 2 semaines d’expectative, le
être précédée d’une antibiothérapie. Il est exceptionnellement calcul est toujours enclavé, il faut pratiquer une cholangiogra-
nécessaire de réaliser un drainage externe en urgence pour contrô- phie rétrograde endoscopique, ou percutanée radiologique, en
ler un sepsis grave. La cholécystectomie est au mieux pratiquée « à fonction de l’âge de l’enfant et de l’expertise locale. Une cholé-
froid », à distance d’une infection. La fréquence des complications cystectomie secondaire se discute en fonction des antécédents
dans les hémolyses chroniques, en particulier la drépanocytose, de l’enfant.
conduit à proposer la cholécystectomie prophylactique. Elle est • Cholangite. Le traitement antibiotique est urgent, de même que
aussi facilement discutée en cas de mucoviscidose. Il est impor- la levée de l’obstacle, par voie endoscopique ou radiologique.
tant que le chirurgien vérifie l’absence de calcul résiduel dans la La chirurgie secondaire est discutée de la même façon. Elle peut
voie biliaire principale. aussi être discutée dès le contrôle de l’infection obtenu, si la
cholangiographie n’est pas possible. Toutefois, elle est plus dif-
ficile en période inflammatoire et le risque de méconnaître un
Traitement endoscopique calcul résiduel est plus important.
L’extraction de calculs par cholangiographie rétrograde endo- • Pancréatite. Le traitement symptomatique est celui de la dou-
scopique peut se justifier s’ils sont enclavés dans la voie biliaire leur, associé généralement à un régime pauvre en graisses.
principale. La cholécystectomie est réalisée secondairement. La L’attitude vis-à-vis de la vésicule biliaire se discute ensuite en
sphinctérotomie systématique n’est généralement pas justifiée. fonction du contexte.
Les complications du geste sont rares (pancréatite) [15, 16] . • Calcul sous traitement par ceftriaxone. Il disparaît spontané-
ment après la fin du traitement.
• Calcul chez un adolescent obèse. L’important est le contrôle
Traitement radiologique du surpoids et d’une éventuelle hypercholestérolémie. Un
La cholangiographie percutanée transvésiculaire permet le diag- traitement prolongé par acide ursodésoxycholique est excep-
nostic de lithiase, le lavage des voies biliaires et l’éventuel tionnellement indiqué.
désenclavement d’un calcul [17] . C’est la méthode de choix chez • Complication sévère (calcul enclavé, cholécystite) chez un
un nouveau-né présentant un tableau de cholestase. enfant ayant des antécédents familiaux de maladie lithiasique
précoce. La cholécystectomie se discute d’emblée. Il est sou-
haitable de rechercher une anomalie hétérozygote des gènes
Cas particulier du kyste du cholédoque responsables de PFIC.
Le traitement est l’exérèse chirurgicale complète avec réalisa-
tion d’une anse en Y, étant donné le risque de cancérisation
tardive [18] . Déclaration de liens d’intérêts : l’auteur n’a pas transmis de déclaration de
liens d’intérêts en relation avec cet article.

 Attitude en pratique
 Références
• Calcul découvert de façon fortuite chez un enfant sans antécé-
dents personnels, ni familiaux particuliers. Aucun traitement [1] Frieson CA, Roberts CC. Cholelithiasis : clinical characteristics in
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Lithiase biliaire chez l’enfant  4-060-A-40

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F. Lacaille, Praticien hospitalier (florence.lacaille@aphp.fr).


Service de gastroentérologie-hépatologie-nutrition pédiatrique, Hôpital Necker-Enfants malades, 149, rue de Sèvres, 75015 Paris, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Lacaille F. Lithiase biliaire chez l’enfant. EMC - Pédiatrie 2021;41(3):1-5 [Article 4-060-A-40].

Disponibles sur www.em-consulte.com


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décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations clinique

EMC - Pédiatrie 5
 4-120-A-10

Troubles ophtalmologiques chez l’enfant


E. Bui Quoc

Résumé : Les troubles de la vision sont multiples : réfractifs et anatomiques, d’origine centrale ou péri-
phérique, innés ou acquis, pouvant entraîner la malvoyance ou la cécité. Chez l’enfant, la perturbation de
l’expérience visuelle au cours de la période sensible du développement visuel pendant la première décennie
de la vie entraîne de surcroît par rapport à l’adulte la problématique de l’amblyopie. Cette revue présente
différentes situations cliniques ophtalmologiques chez un enfant, et présente les différentes maladies des
yeux, sensorielles et motrices.
© 2021 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : Ophtalmologie ; Vision ; Amblyopie ; Développement ; Œil ; Réfraction

Plan Un examen ophtalmologique de l’enfant se fait dans des situa-


tions variables :
■ Introduction 1 • il peut s’agir d’un examen systématique ;
• il peut s’agir d’une demande de parents qui auraient remarqué
■ Motifs de consultations 1 une anomalie ou compte tenu d’antécédents familiaux, justifiés
■ Maladies visuelles 12 ou non (myopie de l’adolescence de la maman vs rétinoblas-
■ Conclusion 23 tome du père...).

En réalité un examen ophtalmologique chez un enfant est jus-
Annexe A. Cas clinique 23
tifié :
■ Annexe B. Cas clinique : suspicion de strabisme • s’il y a une anomalie visible par les parents ou une plainte
et d’amblyopie 24 fonctionnelle pas toujours évidente chez un enfant ;
■ Annexe C. Quel est votre diagnostic ? 24 • s’il existe des antécédents personnels ou familiaux significatifs,
■ Annexe D. Comment on examine les yeux ? 25 pouvant nécessiter un examen dans les premières semaines ou
mois de vie selon la pathologie ;
■ Annexe E. Qu’est-ce que l’amblyopie ? 26 • de façon plus générale pour un dépistage de première intention
■ Annexe F. Handicap visuel 26 dans toute la population, posant les questions de la mise en
■ Annexe G. Informer les parents sur le coût des lunettes 27 œuvre : par qui et avec quels moyens précis peut-on le réaliser,
et quels sont les critères de dépistage positifs qui amèneraient
à proposer un examen médical spécialisé secondairement.
Quelle que soit la situation, plusieurs questions se posent : est-ce
 Introduction grave ? Est-ce urgent ? Faut-il faire des examens complémentaires ?
Faut-il adresser l’enfant ? (Et à qui ?)
Les troubles de la vision, chez l’enfant ou chez l’adulte, sont Dans tous les cas, si un ophtalmologiste examine un enfant,
multiples et ne se limitent pas à une baisse de la vision, ou tout il doit faire un examen anatomique avec fond d’œil et examen
du moins à une baisse de l’acuité visuelle « normale » ; la mesure de réfractif sous cycloplégie le jour de son premier examen ; et il
l’acuité visuelle correspond uniquement à la fonction maculaire est une réalité de souligner dès ces premières lignes que l’examen
centrale. La fonction visuelle est complexe, sensorielle et motrice, ophtalmologique pédiatrique est un examen de surspécialité qui
avec un développement qui se poursuit après la naissance pendant demeure peu accessible.
la première décennie de la vie, au cours de la période sensible du
développement visuel ; c’est pourquoi chez l’enfant, toute alté-
ration de la fonction visuelle requiert, outre le traitement de la  Motifs de consultations
cause si cela est possible, la réhabilitation visuelle de l’amblyopie
possible, que nous définissons dès maintenant : « L’amblyopie Baisse de l’acuité visuelle
pourrait [...] être définie comme une diminution plus ou moins
sévère de la fonction visuelle du fait d’une altération précoce de La baisse de l’acuité visuelle est à l’évidence le motif de consul-
l’expérience visuelle, le plus souvent asymétrique, par privation tation premier en ophtalmologie ; si le patient voit moins bien,
d’une image et/ou perturbation du lien binoculaire par strabisme il consultera pour trouver la cause de cette anomalie et la traiter
et/ou anisométropie, avec ou sans anomalie anatomique de l’œil dans la mesure du possible. Bien sûr chez l’enfant, la question sera
et/ou des voies visuelles retrouvée. » [1] . l’absence possible de plainte avant l’âge verbal, et même après ;

EMC - Pédiatrie 1
Volume 0 > n◦ 0 > xxx 2020
4-120-A-10  Troubles ophtalmologiques chez l’enfant

Baisse de l’acuité visuelle acquise dans l’enfance

Examen ophtalmologique anatomique Examen ophtalmologique ANORMAL


NORMAL ou considéré comme normal Anomalie « évidente »

Atteinte fonctionnelle Atteinte organique Anomalie du segment antérieur Anomalie du segment postérieur

Anomalie réfractive (lunettes) Atteinte rétinienne débutante Atteinte cornéenne Nerf optique Atteinte rétinienne
Dystrophie maculaire • Forme • Glaucome • Choriorétinite
Amblyopie strabique • Opacités • Œdème • Dystrophies
• Atrophie • Tumeur
« Simulation » Atteinte nerf optique • Papillite • Décollement de rétine
• Névrite optique Atteinte cristallinienne
• Traumatisme • Hémorragies
• Compression • Cataracte
• Tumeur • Ectopie
• Anomalie de forme Atteinte vitréenne
(microsphérophaquie) • Hémorragie
Atteinte cérébrale • Uvéite
• Méningite • Tumeur
• Encéphalite
• Hydrocéphalie
• Cécité corticale

Examen clinique Acuité visuelle Examens paracliniques

Réfraction sous cycloplégie Champ visuel OCT = tomographie en cohérence optique

Examen oculomoteur Bilan électrophysiologique (électrorétinogramme, potentiels


Angiographie
évoqués visuels)
Tonométrie

Examen à la lampe à fente/biomicroscope et fond d’œil Bilan imagerie : échographie, scanner, IRM

Autofluorescence

Figure 1. Orientation diagnostique devant une baisse d’acuité visuelle. IRM : imagerie par résonance magnétique.

en cas d’anomalie unilatérale l’enfant peut ne pas s’en rendre Conduite à tenir devant une photophobie
compte, de même qu’en cas d’atteinte bilatérale car une vision
de quelques dixièmes à 5 ans peut ne pas empêcher l’enfant de La gêne à la lumière (photophobie) est un motif extrêmement
faire ses activités habituelles, l’exigence visuelle à cet âge n’étant fréquent de consultation, mais en réalité difficile à appréhender :
pas maximale ; retenons d’emblée quelques chiffres : 1/20 est la l’enfant cligne des yeux, et il convient de savoir ce qui le gêne : est-
limite de la cécité et 3/10 le seuil de malvoyance, selon les cri- ce réellement la lumière, est-ce involontaire, est-ce une douleur
tères de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) [2] , et 6/10 locale qui le gêne (pathologie de la surface oculaire ?).
est la limite légale pour conduire, pour résumer, puisqu’il existe L’examen ophtalmologique systématisé permet de distinguer
d’autres exigences en termes de champ visuel en particulier [3] . trois grands groupes pathologiques [4] :
L’examen ophtalmologique devant une baisse d’acuité visuelle • s’il existe un « larmoiement associé », on peut évoquer une
est toujours systématisé : mesure de la réfraction subjective : acuité pathologie de la surface oculaire : conjonctivite sévère et/ou
visuelle sans et avec correction, mesure de la fonction binoculaire, kératite, infectieuse ou allergique ; le test à la fluorescéine de
recherche de strabisme, examen anatomique ophtalmologique première intention, avec recherche en lumière bleu d’une tache
avant et après dilatation des pupilles, réfraction sous cycloplé- verte est obligatoire (Fig. 2). Photophobie et larmoiement sont
gie. Les examens complémentaires éventuels sont dictés par les des signes classiques de glaucome, mais en réalité dans ce cas
constatations cliniques. un gros œil et/ou une cornée opaque sont les signes les plus
La connaissance de l’ensemble des pathologies possibles, ou du marquants (Fig. 3) ;
moins des cadres pathologiques, est requise : pathologies réfrac- • s’il existe un « nystagmus associé », l’examen anatomique
tives, pathologies ophtalmologiques malformatives ou acquises, peut retrouver une cause évidente de segment antérieur
maladies rétiniennes et du nerf optique, pathologies neuro- (aniridie, albinisme avec transillumination irienne, cataracte
ophtalmologiques, uvéites... bilatérale...), ou de segment postérieur (dystrophie rétinienne
Bien sûr, le caractère uni- ou bilatéral est une notion essen- sévère) ; en l’absence d’anomalie du fond d’œil, c’est le bilan
tielle : une pathologie rétinienne héréditaire est bilatérale, une électrophysiologique qui peut objectiver une dysfonction des
uvéite est uni- ou bilatérale, une conjonctivite allergique le plus cônes ou une dystrophie des cônes et/ou des bâtonnets (rétinite
souvent bilatérale, une conjonctivite infectieuse le plus souvent pigmentaire) ;
unilatérale, un glaucome ou une cataracte chez l’enfant sont uni- • à l’âge verbal si une « baisse d’acuité visuelle » est associée (avec
ou bilatérales symétriques/asymétriques. ou sans nystagmus selon la profondeur de la baisse de vision),
La Figure 1 résume la conduite à tenir. c’est également l’examen anatomique et/ou électrophysiolo-
L’Annexe A évoque un exemple de pathologie rétinienne. gique qui oriente le diagnostic.

2 EMC - Pédiatrie
Troubles ophtalmologiques chez l’enfant  4-120-A-10

Figure 4. Kyste dermoïde queue sourcil.

– anomalies congénitales dysinnervationnelles : paralysies


oculomotrices congénitales compensées ou non (Duane,
Figure 2. Test fluo + kératite. « fibrose » congénitale des muscles oculomoteurs...) ;
• les causes non ophtalmologiques de torticolis objectivées par
le bilan pédiatrique et/ou radiologique : crânio-faciales, ortho-
pédiques, neurologiques, médicamenteuses, digestives (reflux
gastro-œsophagien du syndrome de Sandifer [6] )...
La difficulté est ici de faire un diagnostic présomptif ou sup-
posé, et de savoir où commencer ou arrêter les explorations
complémentaires et les avis divers pour affirmer une cause oph-
talmologique ou non.
Ici la première question devant ce motif de consultation banal
et fréquent est de savoir si la fréquence du clignement est vraiment
augmentée ? Le clignement normal des yeux du nouveau-né est
de deux fois par minute ; le clignement normal des yeux chez le
grand enfant est de 15 fois par minute.
Figure 3. Glaucome congénital.
S’il existe vraiment un clignement des paupières augmenté, on
se retrouve devant différentes situations pathologiques :
• en cas d’apparition brutale, il y a une cause le plus souvent de
surface oculaire (conjonctivite aiguë, corps étranger) ;
Conduite à tenir devant un torticolis • en cas d’apparition progressive, le clignement peut être associé à
des manifestations neurologiques de prise en charge spécifique ;
Là encore il s’agit d’un motif de consultation fréquent, et la s’il est isolé, il peut être :
question qui se pose est : y a-t-il un motif ophtalmologique ou ◦ constant, et on a souvent chez le garçon vers 5 ans un simple
non à ce torticolis ? [5] « tic » [7] ; rarement on est dans la problématique d’amétropie
Il faut comprendre qu’une position dite « vicieuse » de la tête de non corrigée, de strabisme, ou de glaucome congénital, de
cause ophtalmologique entraîne un bénéfice ; si le patient tourne diagnostics faciles par l’examen ophtalmologique,
la tête dans un sens (tête penchée en arrière ou avant, tête tour- ◦ intermittent, et la pathologie est de surface : conjonctivite
née à droite ou à gauche, tête penchée sur une épaule ou l’autre), saisonnière, syndrome sec...
cela modifie la position des yeux, ce qui peut faire diminuer un
nystagmus qui est prédominant dans une certaine position, ce qui
peut éloigner les yeux d’une position de diplopie dans un cas de Conduite à tenir devant une masse
strabisme paralytique par exemple (verticale, horizontale ou tor-
sionnelle), ce qui peut compenser un ptosis ou un astigmatisme,
dans la paupière
ce qui peut améliorer la vision binoculaire. Devant une masse dans la paupière, il faut avant toute chose
C’est pourquoi c’est le bilan ophtalmologique et en particulier la retourner. Il faut se poser bien sûr la question de l’amblyopie
oculomoteur qui oriente ; bien sûr chez le petit enfant l’examen si l’axe visuel est obstrué. Les causes sont infectieuses, inflamma-
est plus difficile, avec test à l’écran complexe si la fixation est toires, tumorales, vasculaires...
problématique, et ce sont des signes indirects qui feront suspecter On peut distinguer les causes acquises des causes innées :
un diagnostic. • causes congénitales innées (pas forcément présentes à la nais-
On peut distinguer donc : sance ceci dit, comme de nombreuses anomalies congénitales) :
• les causes ophtalmologiques de torticolis : ◦ tumeur bénigne (kyste dermoïde [Fig. 4] ou maligne : térato-
◦ non strabologiques : ptosis, astigmatisme, blastome),
◦ strabologiques : ◦ malformations : hamartome, choristome, malformation
– paralysie/parésie du VI : tête tournée horizontalement du artérioveineuse... [8] ;
côté de la paralysie, • causes acquises :
– paralysie/parésie du IV : tête penchée du côté opposé à la ◦ inflammatoires : chalazion, granulome pyogène, allergie
paralysie, hypertropie et élévation en adduction de l’œil sévère...,
paralysé, ◦ infectieuses : érysipèle, abcès cutané, cellulite orbitaire (pré-
– paralysie de l’élévation ou divergence verticale dissociée : septale, orbitaire diffuse, associée à une ethmoïdite et/ou un
tête penchée en arrière, abcès sous-périosté orbitaire), parasitose (filariose...), viroses
– tropie nystagmique/syndrome de Kestenbaum/syndrome (herpès, varicelle, papillomes...),
du monophtalme... : nystagmus qui diminue dans la posi- ◦ tumorales : tumeurs malignes (rhabdomyosarcome, lym-
tion de torticolis, phome, neuroblastome, plasmocytome, histiocytose,

EMC - Pédiatrie 3
4-120-A-10  Troubles ophtalmologiques chez l’enfant

angiosarcome...), tumeurs bénignes (nævus, dermoli- malade (glaucome congénital, tumeur oculaire ou orbitaire... :
pome, neurofibrome dans le cadre d’une neurofibromatose exophtalmies).
[Fig. 5], myome, pilomatrixome, schwannome, syringome, En cas de vrai ptosis, les situations cliniques sont variables :
hydrocystome...), • le ptosis « congénital », syndromique ou non (par exemple dans
◦ vasculaires : hémangiome capillaire, (hémo)-lymphangiome, le cas d’un blépharophimosis), n’est pas forcément visible ou
dilatation veineuse... vu « à la naissance » comme une multitude de pathologies
congénitales ; le caractère inné/acquis temporel est donc un
mauvais critère diagnostique et nosologique ici. Il s’agit d’une
parésie/paralysie musculaire du muscle releveur de la paupière
Conduite à tenir devant une paupière basse supérieure, dont la force est limitée : la paupière tombe. La
(ptosis) pathologie peut être bilatérale ou unilatérale, symétrique ou
asymétrique ; elle peut entraîner un torticolis tête penchée en
Une anomalie de position de la paupière peut être une paupière arrière en cas de bilatéralité ; une forme unilatérale ou asymé-
trop haute ou une paupière trop basse ; la paupière est relevée par trique avec un œil dont l’axe visuel est obstrué peut entraîner
le muscle releveur (élévateur) de la paupière supérieure (branche une amblyopie et requiert une chirurgie précoce (ce qui est une
supérieure du nerf oculomoteur III) et se ferme par contraction situation rare en réalité) [9] . Le ptosis congénital peut entrer
du muscle orbiculaire (branche auriculo-palpébrale du nerf facial dans le cadre d’une paralysie congénitale du III, ou dans le
VII). cadre d’un Claude-Bernard-Horner par lésion cervicale congé-
Une paupière plus basse est un ptosis. nitale (exemple traumatisme cervical obstétrical). La paralysie
Un faux ptosis est un aspect de ptosis qui peut se retrouver dans congénitale du nerf du releveur de la paupière peut être com-
deux situations : pensée par des phénomènes de réinnervation aberrante par des
• microphtalmie relative (un œil est plus petit et/ou l’autre plus branches motrices du V et entraîner par exemple des synciné-
gros) ; il est donc obligatoire de connaître la longueur axiale de sies avec disparition du ptosis à l’ouverture de la paupière dans
l’œil ; normale 17 mm à la naissance, 18,5 mm à 6 mois, 20 mm le syndrome de Marcus Gunn (Fig. 6A, B) ;
à 12 mois, 22 mm à 4 ans, 23 mm vers 10 ans et à l’âge adulte ; • le ptosis acquis est plus rare, et peut entrer dans le cadre de
la microphtalmie est souvent malformative développementale toutes les causes de paralysie acquise du III ou de Claude-
et peut s’associer à d’autres pathologies oculaires ; Bernard-Horner acquis (cf. question anisocorie) ; la myasthénie
• strabisme vertical à type d’hypotropie ; l’œil est plus bas, et la est une cause possible de ptosis acquis intermittent.
paupière tombe, car le droit supérieur est relié au releveur de la
paupière par un ligament ; un test à l’écran (palette qui cache
un œil et l’autre) redresse le diagnostic : si on oblige l’œil sur Conduite à tenir devant un larmoiement
lequel existe le faux ptosis à fixer en cachant l’autre œil, il fait
Le larmoiement est une pathologie extrêmement fréquente,
un mouvement de refixation de bas vers le haut et la paupière
dont les causes peuvent être mécaniques, infectieuses, inflamma-
se relève.
toires, allergiques. La conduite à tenir diagnostique est présentée
De même, si un œil est trop gros, on a une asymétrie du regard
sur la Figure 7.
qui n’est pas un ptosis d’un côté mais une protrusion de l’œil

Conduite à tenir devant œil rouge


Un œil rouge est une situation extrêmement fréquente, dont
les causes peuvent être mécaniques, infectieuses, inflammatoires,
allergiques. La conduite à tenir diagnostique est présentée sur la
Figure 8.

Conduite à tenir devant un œil trop


gros ou trop petit
Un œil peut être ou paraître trop gros ou trop petit, mais l’aspect
peut être faussé par un ptosis.
Dans tous les cas, il faut avant tout mesurer les paramètres bio-
métriques de bases (diamètre de la cornée et longueur axiale de
Figure 5. Névrome plexiforme NF1.
l’œil) afin de savoir si les dimensions sont trop grandes ou trop

Figure 6. Marcus Gunn (A, B).

A B

4 EMC - Pédiatrie
Troubles ophtalmologiques chez l’enfant  4-120-A-10

Larmoiement uni- ou bilatéral

Larmoiement clair Larmoiement associé à des sécrétions

Avant 2 ans, larmoiement Larmoiement chronique ou Larmoiement aigu


clair chronique, avec buphtalmie, intermittent, avec ou sans
œdème cornéen, excavation conjonctivites itératives dans
Conjonctivite
papillaire du nerf optique la première année de vie
bactérienne
(Hæmophilus,
pneumocoque, etc.)
Glaucome
Agénésie ou sténose
congénital Lavage quotidien des
méatique et/ou
URGENCE sécrétions avec lingettes
canaliculaire
spécifiques/sérum
Imperméabilité
CHIRURGIE FILTRANTE physiologique
lacrymonasale
± traitement antibiotique
Conjonctivite local non systématique
allergique : Traitement rhinites associées
+ reflux gastro-œsophagien Nouveau-né, conjonctivite
- saisonnière
- Avant 1 an : traitement hyperaiguë
- perannuelle
antibiotique local à chaque = suspicion de Chlamydia
surinfection (chémosis +++, hyperhémie +++,
Éviction des follicules +++)
allergènes - Après 1 an si sténose/
imperméabilité = suspicion de méningocoque
Collyres anti-H1 et ± traitement systémique
cromoglycate lacrymonasale : sondage et
intubation sous anesthésie
générale Kératoconjonctivites
Conjonctivite virale : mycotiques, parasitaires
- adénovirus
- herpès/virus zona-
Autres causes de larmoiement chez l’enfant
varicelle/Epstein-Barr
virus, etc.
- autres virus : Maladies dermatologiques
entérovirus, poxvirus Kératoconjonctivites
(dermatoses bulleuses,
(molluscum), allergiques:
ichtyoses, xeroderma
rougeole, rubéole, - rosacée (néovascularisation
pigmentosum)
papillomavirus, cornéenne, phlyctènes
grippe, etc. conjonctivales, chalazions)
- kératoconjonctivite vernale - Traitement symptomatique
(papilles tarsales, grains de lubrifiant
- Traitement Trantas, plaque vernale) - Traitement si surinfection
symptomatique
- Traitement antiviral à Pathologies palpébrales
discuter si disponible - Traitement anti-inflammatoire et d’innervation :
local (corticothérapie - syndrome des larmes de crocodile
intermittente, ciclosporine au - entropion, ectropion
long cours)
- Antibiothérapie locale Traitement chirurgical
ponctuelle) entropion/ectropion

Kératite de Thygeson
Trachome (photophobie, blépharospasme,
nodules cornéens épithéliaux)
Prévention +++
Traitement symptomatique

Figure 7. Conduite à tenir devant un larmoiement.

petites ; bien sûr les normes dépendent de l’âge [10] et sont résu- • microphtalmie postérieure (diamètre cornéen normal / seg-
mées et simplifiées dans le Tableau 1. ment antérieur de l’œil de taille normale ; longueur axiale
Si l’œil paraît plus petit mais est de taille normale, il existe un diminuée / segment postérieur de l’œil de taille dimi-
ptosis. nuée) ;
Si l’œil paraît plus gros mais est de taille normale, il s’agit d’une • microphtalmie globale / nanophtalmie : diamètre cornéen et
exophtalmie : l’œil est poussé en avant par un processus orbitaire, longueur axiale sont diminués ; le segment antérieur et le seg-
dont il faut déterminer la nature par une imagerie urgente (écho- ment postérieur sont de tailles diminuées (Fig. 9).
graphie, scanner, imagerie par résonance magnétique [IRM]). Le pronostic fonctionnel dépend de l’importance de la
Un œil réellement plus petit est un œil microphtalme. Il existe microphtalmie mais aussi de la précocité du traitement réfractif
deux formes de microphtalmie : et de l’amblyopie possible.

EMC - Pédiatrie 5
4-120-A-10  Troubles ophtalmologiques chez l’enfant

Conduite à tenir devant un œil rouge

Observation, interrogatoire, signes


Rougeur diffuse fonctionnels, signes physiques Cercle périkératique
(fluoréscéine, biomicroscope)

CONJONCTIVITES DU NOUVEAU-NÉ PATHOLOGIES CORNÉENNES UVÉITES ANTÉRIEURES ± postérieures


→ Infection génitale maternelle ? → Douleur, photophobie, larmoiement +++
→ Frottis conjonctival → Cornée : test à la fluorescéine positif, → cercle périkératique
• Chlamydia (j3 à S3 – sécrétions opacités cornéennes ± précipités rétrocornéens
abondantes et purulentes • Traumatismes cornéens : fréquents, ± Tyndall cellulaire et protéique
± fausses membranes) chercher une surinfection ou une perforation ± myosis par synéchies
• Gonocoque (sécrétions abondantes (contexte) iridocristalliniennes
et purulentes, ± kératite et perforation
º Kératites
cornéenne) → Complications possibles → hypo- ou
º Allergiques = kérato conjonctivites allergiques
• Autres bactéries Virales hypertonie oculaire, glaucome,
• Herpès (à partir de J10) – Adénovirus : contage, signes fonctionnels cataracte, œdème maculaire,
ORL associés (ganglion prétragien, rhinite, œdème papillaire
ROUGEUR CONJONCTIVALE DE L’ENFANT pharyngite, fièvre)
– Herpes simplex virus ou virus zona-varicelle :
Conjonctivites de l’enfant kératite dendritique ou stromale • Causes inflammatoires
→ Sécrétions ± abondantes, hyperhémie • Syndromes secs sévères º Rhumatismales
conjonctivale diffuse ± papilles et – Arthrite juvénile idiopathique
follicules tarsaux ± palpébral BLÉPHARITES º Digestives : maladies inflammatoires
→ Si récidives = Imperforation ou sténose chroniques intestinales (Crohn et
→ Chalazions récidivants
du canal lacrymonasal : conjonctivites rectocolite hémorragique)
Hyperhémie des bords libres + meibum
récidivantes + larmoiement chronique épais et mousseux
→ Cornée claire, test à la fluorescéine négatif • Maladies de système Behçet, sarcoïdose…
± kératite ponctuée superficielle inférieure
• Infectieuses : infection ORL cocci bilatérale
G+ / virose… • Causes infectieuses : toxoplasmose,
+ Parfois dysfonction des glandes de
• Allergiques : rhinite, prurit, eczéma, tuberculose, Lyme, herpes simplex virus,
Meibomius
recrudescence saisonnière virus zona-varicelle, cytomégalovirus,
Epstein-Barr virus, rougeole
• Traumatiques : hémorragie sous-conjonctivale, Δ rosacée enfant = réaction chronique toxine
plaie associée ? (contexte +++) staphylocoque
• Syndromes secs dysimmunitaires ou
iatrogènes (rare)
• Pathologies conjonctivales vasculaires
ou tumorales
CAUSES RARES
Épisclérites et sclérites / test à la néosynéphrine -GLAUCOME AIGU : douleur intense, BAV, hypertonie oculaire +++
-TUMEURS PRIMITIVES OU SECONDAIRES :
• Rétinoblastome
• Leucémies

TOUJOURS FAIRE UN FOND D’OEIL

Figure 8. Conduite à tenir devant un œil rouge.

Un œil réellement plus gros est un œil qui peut présenter des dans une forme moins sévère, même si en réalité l’anomalie
pathologies diverses, diagnostiquées par l’examen du fond d’œil, n’est pas forcément « congénitale » ou en tout cas détectée à la
la mesure de tension, le fond d’œil : naissance). Les signes diagnostiques sont un œdème de cornée
• glaucome congénital (les tissus cornéen et scléral sont élastiques (augmentation de la pachymétrie), une buphtalmie (augmen-
jusqu’à 3–4 ans environ ; une augmentation anormale de la tation de la longueur axiale), une augmentation du diamètre
tension intraoculaire accentue la distension normale et l’œil a cornéen ;
une taille augmentée) ; • soit secondaire à une dysgénésie du segment antérieur.
• myopie forte isolée ou syndromique (syndromes de Stickler, de En cas de pathologie acquise, les opacifications cornéennes
Marfan, autres pathologies du collagène) ; sont tardives (non présentes à la naissance), avec de nombreuses
• tumeur intra-oculaire évoluée. causes :
• infectieuses ;
• inflammatoires ;
Conduite à tenir devant une anomalie • traumatiques ;
de transparence • dysgénésiques :
◦ dystrophies endothéliales congénitales héréditaires (congeni-
Devant un œil non transparent, l’anomalie est cornéenne : le tal hereditary endothelial dystrophy ou CHED) :
« capot » de l’œil ne permet pas de voir à l’intérieur ; les diagnostics – CHED 1 dominant autosomique,
différentiels sont les lésions iriennes ou les causes de leucocorie, – CHED 2 récessif autosomique (dystrophie cornéenne de
l’anomalie étant à l’intérieur. Maumenee) ;
L’anomalie cornéenne peut être innée ou acquise. ◦ dystrophies postérieures polymorphes ;
En cas de pathologie innée, il s’agit d’un glaucome congénital : • métaboliques :
• soit primaire ; c’est le glaucome congénital isolé primitif (par- ◦ mucopolysaccharridoses (MPS) :
fois l’anomalie est « acquise » car survenant plus tardivement – maladie de Hurler ou MPS1H,

6 EMC - Pédiatrie

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Troubles ophtalmologiques chez l’enfant  4-120-A-10

Tableau 1.
Paramètres biométriques de bases selon l’âge. 5

Âge Diamètre cornéen en mm 4


Naissance 9,5–10 3
6 mois 10,5
2

Dioptries
12 mois 11–11,5
3 ans 11,75 1
Adulte 12–12,5 0
Âge Longueur axiale en mm
–1
Naissance 17 Iimite supérieure moyenne EqSph
6 mois 18,5 –2
Iimite inférieure
12 mois 20 –3
0,5 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10
3 ans 21,5
Adulte 23 Âge
Figure 11. Réfraction de l’enfant.

(rétinoblastome, mélanome, hamartome...), une pathologie infec-


tieuse (toxocara...), une pathologie vasculaire (maladie de Coats),
une pathologie inflammatoire (uvéite), un colobome rétinien, des
fibres à myéline...
En cas de bilatéralité, on peut également retrouver les patholo-
gies unilatérales, mais plus rarement, mais d’autres diagnostics
s’ajoutent : maladie de Norrie, incontinentia pigmenti, vitréo-
rétinopathie exsudative familiale, séquelles de rétinopathie du
prématuré stade 4 ou 5 (décollement de rétine)...

Conduite à tenir devant une « tache à l’œil »


Lorsqu’un patient ou un parent évoque une tache à l’œil, en
Figure 9. Microphtalmie. réalité l’anomalie peut être sur l’œil, dans l’œil...
Une lésion extérieure peut être conjonctivale, et il s’agit alors
d’un nævus conjonctival, d’une pigmentation ethnique, d’un
choristome, d’un papillome, d’un granulome... Le diagnostic est
fait sur l’aspect, l’évolutivité, et la certitude sur la biopsie et/ou
l’exérèse chirurgicale éventuellement.
Une lésion interne peut être sur la cornée (cf. anomalie de trans-
parence de l’œil), dans le cristallin ou en arrière (cf. leucocorie),
ou être une lésion irienne : nævus, névrome, xanthogranulome...

Figure 10. Leucocorie.


Conduite à tenir devant un mal à la tête
Devant des céphalées chez l’enfant, un examen ophtalmolo-
– maladie de Scheie ou MPS1S, gique est souvent demandé, mais ce n’est que parfois qu’il peut
– maladie de Hurler-Scheie ou MPS1H/S, retrouver une cause, ophtalmologique ou non.
– maladie de Hunter ou MPS2, Comme habituellement, le diagnostic positif ou négatif requiert
– maladie de San Filippo ou MPS3, de façon ordonnée l’examen réfractif et l’examen anatomique.
– maladie de Morquio ou MPS4, La première cause de céphalées de cause ophtalmologique est
– maladie de Maroteaux-Lamy ou MPS6, le trouble réfractif non corrigé : en cas d’hypermétropie (foca-
– maladie de Sly ou MPS7, lisation de l’image en arrière de la rétine), le sujet « jeune »,
– maladie de Natowicz ou MPS9 ; c’est-à-dire avant l’âge de la presbytie, a une capacité accommo-
◦ autres maladies métaboliques : cystinose, etc. dative qui lui permet de ramener les rayons lumineux d’avant
en arrière en augmentant la puissance réfractive du cristallin qui
se déforme sous l’action du muscle ciliaire ; cet effort accommo-
Conduite à tenir devant une leucocorie datif peut être symptomatique, mais il n’y a pas de corrélation
Les parents sont souvent alertés par un reflet pupillaire asymé- entre l’importance de l’hypermétropie et la symptomatologie :
trique, et ceci est souvent à l’occasion d’une photo (Fig. 10). un hypermétrope de +5 peut être asymptomatique et un hyper-
Devant une leucocorie, le premier diagnostic est en réalité un métrope de +2 l’être, sans sa correction. Il ne faut pour autant pas
diagnostic différentiel, car il n’existe pas vraiment de leucocorie ; attribuer à l’hypermétropie « physiologique », c’est-à-dire « dans
le reflet est différent du fait d’une anisométropie (phénomène de la norme » dans l’enfance (+2 d’hypermétropie peut être considéré
Bruckner) ou d’un strabisme de quelques degrés seulement parfois. comme « normal » à 6 ans ; Fig. 11 [11] ) les céphalées rapportées.
Dans tous les cas devant une leucocorie réelle ou une suspicion La présence d’un strabisme accommodatif associé est en faveur
de leucocorie, l’examen ophtalmologique est obligatoire : examen du diagnostic (ésophorie/ésotropie sans correction, orthophorie
réfractif et examen anatomique. L’imagerie est nécessaire le plus ou diminution de l’angle avec la correction).
souvent pour préciser le diagnostic ou faire un diagnostic différen- En l’absence de facteur prédictif, l’International Headache
tiel dans des cas difficiles (maladie de Coats ou rétinoblastome : Society recommande le traitement réfractif avec évaluation du
dans le premier cas décollement de rétine liquidien exsudatif, dans résultat fonctionnel, ses critères diagnostiques de céphalées liées
le second cas calcifications d’une masse solide tumorale). à un trouble réfractif étant [12] :
En cas d’unilatéralité, on peut retrouver une cataracte, une per- • erreurs réfractives non ou mal corrigées ;
sistance du vitré primitif, une dysplasie rétinienne, une tumeur • céphalées modérées dans la région frontale ou périoculaire ;

EMC - Pédiatrie 7
4-120-A-10  Troubles ophtalmologiques chez l’enfant

• douleur absente au réveil et s’aggravant lors de tâches visuelles


prolongées (particulièrement à distance ou bien à l’angle où la
vision est altérée) ;
• critère associé : disparition des céphalées avec le traitement de
“ Point fort
l’atteinte réfractive.
Comment dépister ou détecter une anomalie
S’il n’y a pas d’amélioration avec le traitement réfractif, il faut
rechercher une autre cause avec le pédiatre et/ou le neurologue : visuelle chez l’enfant ?
céphalées de tension ? Migraine ? Algie vasculaire ?... [13] Recommandations AFSOP 2019
En présence ou en absence de trouble réfractif, mais en présence Association francophone de strabologie et
d’une anomalie de l’examen ophtalmologique : baisse d’acuité d’ophtalmologie pédiatrique : https://www.afsop.fr/
visuelle uni- ou bilatérale, déficit du réflexe photomoteur affé- En cas de signe d’appel
rent (atteinte du II), trouble oculomoteur évocateur de paralysie Examen ophtalmologique, même en cas de simple doute,
ou parésie du VI (strabisme convergent, déficit d’abduction), et à tout âge avec fond d’œil et cycloplégie obligatoire
de surcroît un œdème papillaire objectivé ou non par l’Optical En cas de situations à risque de pathologie organique
Coherence Tomography (OCT), et des signes d’hypertension • Prématurité inférieure à 31 semaines et/ou petit poids
intracrânienne (HTIC) (nausées, vomissements), le diagnostic est
de naissance inférieur à 1250 g (ROP)
aisé et l’imagerie cérébrale urgente.
• Craniosténoses syndromiques
L’anomalie ophtalmologique peut être une anomalie du nerf
optique unilatérale non évocatrice d’HTIC (plus souvent bila- • Infections maternofœtales
térale), mais par exemple un œdème unilatéral douloureux • Antécédents familiaux de maladies oculaires potentielle-
évocateur de névrite optique. ment héréditaires et congénitales (cataracte congénitale,
En l’absence de cause ophtalmologique réelle, la démarche diag- glaucome congénital, rétinoblastome, malformations ocu-
nostique est pédiatrique avec une réflexion raisonnée, sachant laires)
qu’un trouble ophtalmologique peut s’associer à une cause sys- Examen de détection ophtalmologique avec fond d’œil et
témique. cycloplégie obligatoire dans les premiers mois de vie
En cas de situations à risque fonctionnel
Conduite à tenir devant un prématuré • Prématurité inférieure à 37 semaines et/ou petit poids
de naissance inférieur à 2500 g
Tous les enfants prématurés ne font pas de rétinopathie des pré- • Souffrance neurologique néonatale et séquelles ulté-
maturés et il est inutile de faire un examen ophtalmologique tous
rieures (IMC, retard PM)
les mois à un ancien prématuré.
• Anomalies chromosomiques, notamment la T21
En réalité, il existe deux situations :
• Craniosténoses et malformations de la face
• l’enfant est prématuré quel que soit le terme et il a eu un dépis-
tage adéquat de la rétinopathie du prématuré selon son terme ; • Exposition toxique durant la grossesse (tabac, alcool,
en l’absence de rétinopathie des prématurés, son dépistage ulté- cocaïne)
rieur requiert un examen ophtalmologique à 1 an systématique, • Pathologie générale avec atteinte oculaire ou neuro-
du fait de facteurs de risque d’amétropie forte et de strabisme, ophtalmologique potentielle
puis à 3 ans et 6 ans s’il n’y a pas d’anomalie de cet examen • Autres handicaps neurosensoriels
initial auquel cas le suivi est rapproché ; • Antécédents familiaux au premier degré d’amétropie
• l’enfant a présenté réellement une rétinopathie des prématurés forte apparue dans la petite enfance, de strabisme, de
et a été pris en charge (laser, injection intravitréenne, chirurgie),
nystagmus ou d’amblyopie
et le suivi dépend de la sévérité de l’atteinte et de l’évolution
favorable ou défavorable.
Examen de détection ophtalmologique avec fond d’œil et
Il est inutile de demander un dépistage de la rétinopathie du cycloplégie obligatoire entre 12 et 15 mois
prématuré à 3, 6 ou 12 mois de vie ; l’enfant l’a déjà eu ou pas à Population générale (sans facteur de risque ni signes
ces âges. d’appels)
Le dépistage de la rétinopathie des prématurés est requis si le Examen orthoptique systématique durant la 3e année,
terme est inférieur à 31 semaines d’aménorrhée et si le poids avec (1) acuité visuelle ; (2) examen oculomoteur ; (3)
de naissance est inférieur à 1251 g ou inférieur à 2000 g ab cas réfraction objective obligatoire avec refractomètre non
d’antécédent d’oxygénothérapie prolongée, de sepsis ou d’usage mydriatique, et si les critères stricts de dépistage sont posi-
d’inotropes ; le premier examen se fait à 4 semaines de vie, au tifs : enfant référé pour examen ophtalmologique avec
plus tôt à 31 semaines. Il est fait obligatoirement avec un réti-
fond d’œil et cycloplégie obligatoire
nographe portable, le fond d’œil clinique par l’ophtalmologiste
étant peu sensible, difficile et ne permettant pas de visualiser la
périphérie rétinienne de façon adéquate. Demander un fond d’œil
clinique sans rétinographe portable type RetCam n’est pas une
• à un an et à l’âge préverbal, il n’existe pas de dépistage des
bonne pratique : c’est une pratique mauvaise et obsolète. Il ne
troubles visuels mais une détection médicale par un ophtalmo-
viendrait pas l’idée à un anesthésiste de faire une anesthésie géné-
logiste spécialisé qui sait et accepte de voir un jeune enfant,
rale sans respirateur en ventilant manuellement son malade. C’est
avec examen sous cycloplégie obligatoire ;
la même situation et l’ophtalmologiste doit refuser un examen
• l’association du faible nombre de tels ophtalmologistes et de
sans matériel adéquat.
la faible « rentabilité médico-économique » d’une détection
La conduite à tenir est résumée sur la Figure 12.
systématique de tous les enfants à cet âge explique la recom-
mandation de les réserver aux enfants « à risque ». Ce risque
est une prématurité ou des antécédents personnels ou fami-
Conduite à tenir en cas d’antécédents liaux « significatifs », mais pas la myopie de l’adolescence de
familiaux la maman, la cataracte du grand-père ou le glaucome de la
grand-tante...
La question ici est de répondre aux parents qui se posent la ques- Ainsi, on peut raisonnablement préconiser :
tion de l’opportunité de faire un dépistage précoce des troubles • un examen entre 12 et 15 mois s’il existe des antécédents
visuels de leur enfant, du fait d’antécédents familiaux. Le lec- familiaux au premier ou second degré (parent ou fratrie) de
teur se réfèrera à l’encadré : « Comment dépister ou détecter une strabisme avant l’âge de 6 ans, de trouble réfractif de l’enfance
anomalie visuelle chez l’enfant ? ». avant 6 ans également (hypermétropie > 3D, myopie > 3D,
En réalité, deux problèmes se posent : astigmatisme ou anisométropie > 1 D) ;

8 EMC - Pédiatrie
Troubles ophtalmologiques chez l’enfant  4-120-A-10

CAT en cas de prématurité

Terme < 31 SA (semaines d’aménorrhée)


ou poids de naissance < 1251 g
ou < 2000 g si oxygénothérapie prolongée, sepsis, usage d’inotropes

Oui Non

FO AVEC RETINOGRAPHE PORTABLE OBLIGATOIRE Il n’est pas


à 4 semaines de vie recommandé de
Le fond d’œil sans
31 (SA) si terme < 27 SA dépister la ROP
rétinographe n’est pas
sensible pour dépister
des lésions périphériques, Examen de surveillance
et plus invasif si < 32 SA
IL EST OBLIGATOIRE Forme agressive
DE FAIRE UN DEPISTAGE < ETROP ETROP ETROP Premier examen à
Normal postérieure 4 semaines de vie
DE LA RETINOPATHIE DU Type 2 Type 2 Type 1
ou enfant
PRÉMATURÉ AVEC UN intransportable
RÉTINOGRAPHE PORTABLE Si < 27 SA, premier
FO à 31 SA

FO toutes les 2 FO toutes les FO 2 fois/semaine < 27 SA = 31 SA


semaines jusqu’au semaines jusqu’à jusqu’à régression 27 SA = 31 SA
terme théorique régression 28 SA = 32 SA
29 SA = 33 SA
Photocoagulation Injection 30 SA = 34 SA
des zones intravitréenne 31 SA = 35 SA
avasculaires d’anti-VEGF 32 SA = 36 SA
sous anesthésie Puis suivi selon résultat
générale

Aggravation

Régression Vitrectomie

Consultation avec réfraction sous cycloplégique et bilan orthoptique à 1 an, 3 ans, 5 ans

ETROP (Early Treatment for Retinopathy of Prematurity) :


- type 1 : zone 1 stade 3 ou stade +, zone II stades 2 ou 3 et stade + A
- type 2 : zone I stades 1 ou 2, zone 2 stade 3
Zone 1 Figure 12.
A. Conduite à tenir devant une prématurité.
Zone 2
ETROP (Early Treatment for Retinopathy of Pre-
Zone 3 maturity) :
- type 1 : zone 1 stade 3 ou stade + zone II stades
2 ou 3 et stade + ;
- type 2 : zone I stades 1 ou 2, zone 2 stade 3.
D’après les recommandations de l’Association
francophone de strabologie et d’ophtalmologie
pédiatrique (afsop.fr).
ROP « retinopathy of prematurity » : rétinopathie
des prématurés (source : Good [36] ).
B. Classification de la ROP par localisation en trois
B C zones.
Papille Fovéa C. Rétinopathie du prématuré stade 3.

• un examen systématique à 1 an, 3 ans et 6 ans, et une vigilance – correction de toute myopie inférieure à–0,5 D vérifiée par
accrue, en cas d’antécédent de pathologie spécifique : cataracte, réfraction sous atropine efficace,
rétinopathie, maculopathie, neuropathie optique... – correction de toute anisométropie sphérique ou cylin-
Les règles de prescription de correction réfractive peuvent alors drique (différence ≥ 1 D) ;
être les suivantes : ◦ après 3 ans :
• prévention de l’amblyopie en cas d’amétropie : – mêmes règles pour l’astigmatisme et la myopie et
◦ avant 1 an, la réfraction est très évolutive, et pendant les l’anisométropie,
6 premiers mois de vie, en l’absence par exemple de myo- – pour l’hypermétropie : si hypermétropie entre 1 et 3 D :
pie forte dans le cadre d’une pathologie du collagène, ou sous-correction possible de 50 % ; si hypermétropie entre 3
d’une hypermétropie forte par microphtalmie, la surveillance et 5 D : sous-correction possible de 25 % ; si hypermétropie
demeure la règle. Entre 6 mois et un an, une hypermétropie supérieure à 5 D : correction totale de l’hypermétropie.
est corrigée si elle est supérieure à 4–5 D,
◦ entre 1 et 3 ans :
– correction de tout astigmatisme supérieur à 1 D s’il est
stable (mesures renouvelées) ; l’astigmatisme direct est
Conduite à tenir devant une exophtalmie
sous-corrigé de moitié, Devant une exophtalmie, en réalité on se retrouve dans la situa-
– correction de toute hypermétropie supérieure à 3 D, tion d’une asymétrie du regard (œil trop gros ou trop petit) dans

EMC - Pédiatrie 9
4-120-A-10  Troubles ophtalmologiques chez l’enfant

Conduite à tenir devant une anisocorie

Interrogatoire :
1. congénital (souvent fortuit) vs. acquis (récent)
2. fluctuations ? plus visible à la lumière ou à l’obscurité ?
3. antécédent : circonstances de l’accouchement (plexus brachial ?, etc.) ; traumatisme (clavicule, etc.)

Mesure comparative des pupilles en pleine lumière et à l’obscurité, et de la réactivité de la pupille = La pupille qui réagit le moins est la pupille
pathologique (cf. schéma)

Recherche de signes associés :


1. réflexe photomoteur
2. ptosis ?
3. examen de la motricité oculaire / strabisme
4. examen de l’iris
5. examen du fond d’œil

Anomalies congénitales : colobome, membrane pupillaire, dysgénésie du segment antérieur…


Anomalies de
forme de la pupille
Anomalies acquises : synéchies irido cristaliniennes (uvéite…)

Anisocorie ANISOCORIE
Anisocorie en général < 1 mm
lumière = obscurité PHYSIOLOGIQUE

Pupille tonique d’Adie : très rare en pédiatrie


Pilocarpine 0,125 %
Oui Atteinte unilatérale, indolore ± hypoaccommodation
inverse l’anisocorie
Mouvements vermiformes iriens
Anisocorie
lumière > obscurité
Test à la pilocarpine Non
= mydriase
pathologique
Atteinte de la IIIe paire crânienne
Pilocarpine 1 %
Oui Exceptionnellement isolée (ptosis, trouble oculomoteur)
inverse l’anisocorie
Neuro-imagerie en urgence (éliminer anévrisme)

Mydriase pharmacologique : médicament (atropine,


Non scopolamine, nébulisation d’ipratropium, etc.),
plante (datura, etc.)

Clinique évidente : Atteinte congénitale (traumatisme obstétrical ? atteinte


Anisocorie 1. myosis, du plexus brachial ?, etc.) : hétérochromie fréquente
Obscurité > lumière 2. ptosis par atteinte du muscle de Müller
= myosis 3. ptosis inversé par élévation de la paupière inférieure Atteinte acquise traumatique (clavicule, cervicale, etc.)
pathologique 4. pseudo-énophtalmie
5. anhidrose Neuroblastome : IRM thoracocervicale et encéphalique
Sundrome de 6. hétérochromie irienne (forme ancienne/congénitale) systématique en l’absence de cause
Claude-Bernard-
Horner ?
Soit test au collyre à la cocaïne ou à l’apravlonidine (CI enfant)
Pas de signes Si mydriase = normal
associés Si pas d’effet = il s’agit d’un Claude-Bernard-Horner

Surveillance clinique ± paraclinique (echographie cervicale / radio pulmonaire)


1 anisocorie physiologique
2 évolution (neuroblastome) A
Figure 13. Conduite à tenir devant une anisocorie (A). Mesure comparative des pupilles en pleine lumière et à l’obscurité, et de la réactivité de la pupille
(B). Quelle est la pupille pathologique ?
I. Pupilles sont symétriques : absence d’anisocorie.
II. Anisocorie qui n’est pas modifiée par la modification de la luminosité clarté/obscurité : anisocorie physiologique.
III. Anisocorie augmentée à la lumière et diminuée à l’obscurité, la pupille de l’œil gauche est la moins mobile, il s’agit d’une mydriase gauche.
IV. Anisocorie diminuée à la lumière et augmentée à l’obscurité, la pupille de l’œil gauche est la moins mobile, il s’agit d’un myosis gauche.

10 EMC - Pédiatrie
Troubles ophtalmologiques chez l’enfant  4-120-A-10

Figure 13. (suite) Conduite à tenir devant une anisocorie (A). Mesure comparative des pupilles en
pleine lumière et à l’obscurité, et de la réactivité de la pupille (B). Quelle est la pupille pathologique ?
I. Pupilles sont symétriques : absence d’anisocorie.
II. Anisocorie qui n’est pas modifiée par la modification de la luminosité clarté/obscurité : anisocorie
physiologique.
III. Anisocorie augmentée à la lumière et diminuée à l’obscurité, la pupille de l’œil gauche est la moins
mobile, il s’agit d’une mydriase gauche.
I IV. Anisocorie diminuée à la lumière et augmentée à l’obscurité, la pupille de l’œil gauche est la moins
mobile, il s’agit d’un myosis gauche.

II

III

IV

laquelle on a éliminé une taille anormale d’un œil ; il existe une Conduite à tenir devant des yeux
réelle exophtalmie, et il ne s’agit pas d’une buphtalmie : l’œil
normal est poussé en avant, et la question est de savoir par quoi : qui tremblent
quelle est la lésion orbitaire ? Les mouvements anormaux des yeux ne sont pas toujours un
Le raisonnement peut être conduit selon la rapidité de nystagmus et on distingue aussi les mouvements rares de :
l’évolution : • révulsion oculaire :
• évolution en quelques heures : ◦ s’il existe une régression psychomotrice, ou si l’examen neu-
◦ il existe une inflammation intense, fièvre, douleur, un rologique est anormal, ou s’il existe des spasmes associés, ou
œdème palpébral souple, une limitation de la mobilité ocu- un électroencéphalogramme pathologique, on évoque une
laire, parfois une notion de pathologie sinusienne ou de encéphalopathie épileptique,
traumatisme : on s’oriente vers une cellulite orbitaire, et ◦ si les mouvements sont isolés et l’examen neurologique nor-
l’imagerie est requise, mal, il s’agit de déviation tonique du regard vers le haut
◦ il n’y a pas de contexte inflammatoire, une exophtalmie non intermittente idiopathique (paroxysmal tonic upgaze) ;
axile, un Valsalva négatif, l’enfant a plutôt 5 à 6 ans, la masse • flutter oculaire (intrusions saccadiques).
est molle et bleutée : on s’oriente vers un lymphangiome Si le flutter est intermittent avec des intrusions saccadiques
dont l’évolution rapide se fait à l’occasion d’une hémorragie horizontales, deux situations sont possibles :
intralésionnelle qui peut récidiver ; • flutter idiopathique, ce qui est fréquent, avec flutter présent de
• évolution en quelques jours : façon chronique chez un enfant en bonne santé, sans augmen-
◦ en cas d’inflammation intense, le diagnostic n◦ 1 est le tation de la fréquence des crises, dont l’examen neurologique
rhabdomyosarcome se manifestant par une exophtalmie uni- est normal ;
latérale non axile, des douleurs inconstantes chez un enfant • plus rarement le flutter est d’apparition récente (jours ou
dans sa première décennie, avec un possible gonflement pal- semaines) chez un enfant dont le comportement est modi-
pébral violacé : l’imagerie et la biopsie sont urgentes, fié, avec une augmentation de la fréquence et de la durée des
◦ en cas d’inflammation également intense et d’exophtalmie crises ; ou bien il s’agit d’un flutter permanent (oscillations
uni- ou bilatérale, avec ou sans ecchymose périorbitaire, et saccadiques horizontales), ou d’un opsoclonus intermittent ou
une possible altération de l’état général, on évoque un neu- permanent (intrusions ou oscillations saccadiques multidirec-
roblastome (syndrome de Hutchinson) ou une localisation tionnelles). Dans ces deux situations rares, il peut s’agir d’un
leucémique ou de lymphome ; syndrome myoclonus-opsoclonus débutant et la prise en charge
• évolution en plusieurs semaines/mois, avec peu urgente est requise, en centre spécialisé pour bilan étiologique
d’inflammation, on évoque deux diagnostics : (recherche de neuroblastome) et traitement en urgence (corti-
◦ angiome capillaire, de diagnostic radiologique à l’IRM ; on coïdes).
retrouve une exophtalmie non axile, un Valsalva positif, une Les réels mouvements de nystagmus, c’est-à-dire des mou-
apparition dans les premiers mois de vie avec aggravation et vements d’oscillation involontaire et saccadiques des yeux,
possible angiome palpébral associé, s’analysent selon le sens et la vitesse de ceux-ci :
◦ gliome du nerf optique, avec ou sans baisse d’acuité visuelle, • rarement le nystagmus est principalement vertical ou rota-
dans un contexte connu ou non de neurofibromatose de type toire, et sont en cause des atteintes des voies de contrôle de
1 ; l’aspect en IRM est typique. l’oculomotricité ; une imagerie et un avis neurologique urgents
sont requis ;
• rarement le nystagmus pendulaire rapide, peu ample (fin),
Conduite à tenir devant une anisocorie horizontal ou multidirectionnel, volontiers asymétrique (voire
monoculaire) et intermittent. Il peut s’agir d’un nystagmus de
Cette question complexe est résumée sur la Figure 13. type spasmus nutans, associé à un torticolis et des mouvements

EMC - Pédiatrie 11
4-120-A-10  Troubles ophtalmologiques chez l’enfant

de hochements de tête, survenant dans la première année de (convergence ou défaut d’abduction, et une cause à type d’HTIC
vie. en recherchant un œdème papillaire au fond d’œil).
Dans cette situation, l’imagerie et un avis neurologique urgents • Quel est le type de strabisme (cf. encadré : Les formes de stra-
sont requis pour éliminer un gliome du chiasma ou un syndrome bisme).
dysmyélinique. L’Annexe B évoque un exemple de suspicion de strabisme et
Une autre situation pathologique est possible : il existe une d’amblyopie.
pathologie rétinienne soit stationnaire (héméralopie essentielle :
Congenital Stationary Night Blindness, achromatopsie, monochro-
matisme à cônes bleus, autres dysfonctions des cônes), soit Conduite à tenir devant une diplopie
évolutive (dystrophie rétinienne) ; c’est le bilan électrophysiolo-
gique et l’évolutivité, et le bilan génétique qui font le diagnostic. Devant une diplopie, on est face plutôt à un adulte ou un grand
Il peut enfin s’agir d’une pathologie idiopathique régressive : enfant. Pendant la période sensible du développement visuel, en
• le nystagmus est plus fréquemment « strabologique » ; il s’agit cas d’absence de parallélisme des yeux, il existe un phénomène
d’un nystagmus horizontal à ressort changeant de sens en de suppression corticale : comme les informations en provenance
fonction de l’œil fixateur, plutôt latent (Fusion Maldevelopment de l’œil droit et de l’œil gauche ne sont pas synchronisées dans
Nystagmus Syndrome) ; il existe ainsi dans le strabisme précoce l’espace et le temps, un interneurone inhibiteur de la couche IV
et la prise en charge est celle du strabisme ; du cortex visuel primaire inhibe l’un ou l’autre des canaux mono-
• le nystagmus est le plus souvent « sensoriel » et c’est un nystag- culaires droit ou gauche, de façon alternante symétrique ou non
mus horizontal, pendulaire en position primaire, à ressort dans alternante/non symétrique, ce qui induit l’amblyopie. Après la fin
les regards latéraux ; il est présent dans les premiers mois de vie, de la période sensible du développement visuel, ce phénomène de
classiquement il doit être présent (« vu ») avant 4 mois. C’est supression n’existe plus et deux images différentes sont en compé-
le syndrome du nystagmus précoce (Infantile Nystagmus Syn- tition au niveau de la couche binoculaire II/III du cortex visuel :
drome) qui peut correspondre à un grand nombre d’étiologies, il y a confusion de deux images différentes au même endroit, et
toutes étant responsables d’une mauvaise vision de façon bila- vision des deux mêmes images mais à des endroits différents (c’est
térale ; c’est l’examen ophtalmologique et électrophysiologique la diplopie).
si besoin qui font le diagnostic : Le raisonnement en réalité est proche de celui à adopter dans
◦ opacité congénitale de cornée bilatérale (dysgénésie), le cas du strabisme, tout en ayant en tête les étiologies différentes
◦ cataracte bilatérale, du strabisme chez le grand enfant et l’adulte, par opposition aux
◦ albinisme oculaire ou oculocutané, causes de strabisme chez l’enfant. Les causes de strabisme paraly-
◦ dystrophie rétinienne bilatérale (amaurose congénitale de tiques seront privilégiées, et l’examen en réalité est semblable :
Leber RPE65, rétinopathies pigmentaires autres), • examen réfractif ;
◦ rétinopathies/maculopathie acquises infectieuses (rubéole, • examen oculomoteur ;
CMV...), • examen anatomique des yeux.
◦ dysfonctions rétiniennes stables (dysfonctions des cônes
comme l’achromatopsie ou le monochromatisme à cônes
bleus ou la maladie de Bornholm ou d’autres types de dys-  Maladies visuelles
fonctions des cônes ; héméralopie),
◦ anomalies du nerf optique bilatérales (hypoplasie papillaire Anomalies réfractives [14, 15] et amblyopie [1]
par exemple).
NB : exceptionnellement dans le syndrome du nystagmus La réfraction est la pierre angulaire de l’examen ophtalmolo-
précoce il n’existe pas d’anomalie sensorielle et il s’agit d’un nys- gique, chez l’enfant comme chez l’adulte ; un examen réfractif
tagmus de type « essentiel » « moteur » « idiopathique ». exact et une mesure de la fonction visuelle avec la correction éven-
tuellement nécessaire constituent les fondations de l’évaluation
de la fonction visuelle.
Ce n’est qu’après éventuelle correction d’une anomalie réfrac-
tive que l’on peut ensuite évaluer la fonction visuelle et
Conduite à tenir devant un strabisme diagnostiquer une baisse d’acuité visuelle dont on déterminera
Un strabisme ne se définit pas comme un aspect du regard la cause.
altéré par l’absence de parallélisme des yeux, et pas même comme La mesure de la réfraction est complexe : il s’agit d’une mesure
l’absence d’un caractère centré de façon bilatérale et symétrique objective et subjective de la puissance optique du système visuel.
des reflets cornéens ; un strabisme se définit comme une absence La réfraction objective est dépendante des machines, de leur
de bifixation fovéolaire concomitante d’un même objet par les précision et de leurs performances techniques ; elle dépend
deux yeux, ceci étant évalué de loin et de près. aussi chez l’enfant des capacités accommodatives qui faussent la
La première difficulté est de savoir d’il existe vraiment un stra- mesure, ce qui oblige à faire la mesure sous cycloplégie (instilla-
bisme ou non, avec la difficulté supplémentaire de l’examen à tion de collyre atropinique ou de cyclopentolate au préalable de
l’âge préverbal et même au-delà. la mesure).
Le strabisme survenant chez l’enfant pendant la période sen- La réfraction subjective est dépendante de l’âge du sujet, de ses
sible du développement visuel, il peut entraîner une amblyopie, capacités de compréhension et de participation à l’examen.
mais l’amblyopie elle-même peut engendrer un strabisme. Une autre problématique est celle de la norme : quelle est
Ainsi, le raisonnement est simple et la conduite à tenir standar- l’acuité visuelle normale : 10/10, 12/10, 20/10 ? En réalité il faut
disée, adaptée à l’âge, afin de répondre à plusieurs questions : définir l’acuité visuelle maximale, qui est de 20 dixièmes, et celle-
• Y a-t-il un strabisme vrai ? ci est limitée par la distance entre deux cônes au centre de la rétine.
• Quel est l’angle de déviation mesuré ou estimé ? La détermination de l’acuité visuelle est la détermination du pou-
• Y a-t-il un strabisme sensoriel ? Cela revient à faire un examen voir discriminant de l’appareil visuel, c’est-à-dire l’angle minimal
anatomique des yeux à la recherche d’une anomalie organique. de résolution ; cela sous-tend la notion de fréquence spatiale ;
• Quelle est la réfraction du patient mesurée sous cycloplégie ? « voir » 10/10, c’est discriminer 1 minute d’arc, quelle que soit
• Quelle est l’acuité visuelle (avec correction) si on peut la mesu- la distance : plus près, l’optotype diminue de taille ; plus loin, sa
rer à l’âge verbal ? taille augmente. On rappelle que dans 1 degré, il y a 60 minutes,
• Existe-t-il une amblyopie ? et dans 1 minute, 60 secondes. L’acuité visuelle maximale est la
• Quelle est la motilité oculaire ? Est-ce que l’angle de déviation capacité de discrimination de 0,5 minute (Fig. 14).
est le même dans toutes les directions du regard ? Est-ce qu’il L’acuité visuelle maximale varie selon l’âge et les sujets (Fig. 15).
existe des signes de paralysie oculomotrice ? On estime l’acuité visuelle « normale » de :
• En cas de strabisme aigu, on recherchera immédiatement des • 1/20 à la naissancec
signes de paralysie du III (ptosis, mydriase, divergence) ou du VI • 3/10 à 1 an ;

12 EMC - Pédiatrie
Troubles ophtalmologiques chez l’enfant  4-120-A-10

L’ACUITÉ VISUELLE
Angle minimal de résolution de x degré, ou y minute

L’acuité visuelle de 10/10, est la capacité de discrimination d’1 minute d’arc


« MAR » Minimal Angle Resolution = 1 minute

Acuité visuelle maximale 20/10


= capacité de discrimination de 0,5 minute soit 30 secondes d’arc

360°

1M
INU
TE
1 dégré = 60 minutes

5 MINUTES

Figure 14. L’acuité visuelle.

male », il existe une pathologie que l’examen clinique et/ou les


Âge Acuité visuelle examens paracliniques vont déterminer.
Naissance 0,05 En cas d’altération précoce de l’expérience visuelle, c’est-à-dire
survenant pendant la période sensible ou critique du développe-
3 mois 0,1
ment visuel (première décennie de la vie), il peut survenir une
1 an 0,3 amblyopie dont on rappelle la définition : « L’amblyopie pourrait
4 ans 1,0 [...] être définie comme une diminution plus ou moins sévère de la
fonction visuelle du fait d’une altération précoce de l’expérience
6 ans > 1,2
visuelle, le plus souvent asymétrique, par privation d’une image
et/ou perturbation du lien binoculaire par strabisme et/ou ani-
sométropie, avec ou sans anomalie anatomique de l’œil et/ou
des voies visuelles retrouvée. » [1] ; l’amblyopie est un problème
cortical, non oculaire et ni même des voies visuelles (Annexe D).
En réalité, « des amblyopies » peuvent survenir s’il existe une
perturbation de la maturation du système visuel car il en existe
plusieurs formes :
Naissance 1 mois 3 mois 6 mois 3 ans 5 à 6 ans • amblyopie monoculaire, qui est une baisse de vision unilatérale,
1/20 0,75/10 1/10 2,5/10 5/10 10/10 malgré la correction optique et l’absence d’anomalie organique
(ou après le traitement éventuel de celle-ci) ; on explique aux
Figure 15. Développement de la vision et période sensible du déve- parents qu’un œil envoie une information en « bas débit » au
loppement visuel. Estimation de l’acuité visuelle chez l’enfant. À l’âge cerveau alors que l’autre envoie une information « normale »
préverbal, l’acuité visuelle est estimée et déduite des résultats des tests en « haut débit » ;
de regard préférentiel, des potentiels évoqués visuels, du nystagmus • amblyopie bi-oculaire, qui correspond à une vision inférieure
optocinétique. à la normale des deux yeux ; elle survient en cas d’altération
précoce bilatérale de l’expérience visuelle (par exemple : amé-
tropie forte corrigée tardivement, cataracte « congénitale »
bilatérale...) ; malgré le traitement optique et/ou de la cause
• 6 à 10/10 à 4 ans ; organique, la vision de deux yeux plafonne ;
• maximale entre 16 et 20/10 à l’adolescence ; • amblyopie binoculaire, qui correspond à une absence de vision
• 10/10 à 65 ans ; binoculaire normale (vision stéréoscopique/vision du relief).
• infiérieure à 10/10 après 70 ans, indépendamment de maladie La plasticité cérébrale négative est responsable de l’amblyopie,
ophtalmologique. mais la plasticité cérébrale positive permet la guérison de
Un œil emmétrope a une fonction visuelle maximale sans cor- l’amblyopie. Les bases neurales de l’amblyopie sont une altération
rection optique : l’image se projette parfaitement sur la rétine, ni des propriétés des neurones visuelles qui perdent leurs capacités
en arrière, ni en avant. de binocularité, de sélectivité à l’orientation, au mouvement, à la
Un œil amétrope a une fonction visuelle maximale avec une vitesse, etc.
correction optique. Le traitement de l’amblyopie monoculaire est basé sur la
L’examen ophtalmologique commence par la réfraction puis correction réfractive, le traitement éventuel si possible de la
l’examen anatomique, l’examen moteur et les éventuels examens cause organique, et l’occlusion de l’œil sain ; pendant le trai-
complémentaires sont pratiqués. Il est détaillé dans l’Annexe C. tement d’attaque, l’œil sain est caché 24 h/24 h, puis pendant
Si la fonction visuelle est anormale avec la correction optique, le traitement d’entretien de façon intermittente, puis pendant
c’est-à-dire que la « meilleure acuité visuelle corrigée n’est pas opti- le traitement de prévention de la récidive par exemple par une

EMC - Pédiatrie 13
4-120-A-10  Troubles ophtalmologiques chez l’enfant

surcorrection volontaire de l’œil sain (on induit une image


floue par correction volontairement erronée). Le traitement de
l’amblyopie est long et dure plusieurs années.
La problématique majeure de l’amblyopie est la nécessité
absolue de son dépistage pendant la période sensible du dévelop-
pement visuel, par dépistage/détection des facteurs amblyogènes :
anomalies réfractives, strabisme, anomalies organiques (cf. sec-
tion « Conduite à tenir en cas d’antécédents familiaux »).

Maladies de la cornée
Les maladies de la cornée sont multiples, acquises ou innées,
exogènes ou endogènes (malformatives) ; leur diagnostic est cli-
Figure 16. Anomalie de Peters.
nique et aidé par l’imagerie précise du segment antérieur de
l’œil [16, 17] .
Lorsqu’il existe une opacité congénitale de la cornée, les causes
peuvent être malformatives comme une anomalie de Peters cause de glaucome, aplasie de la fovéola (rétine) responsable d’une
(Fig. 16) qui est une dysgénésie du segment antérieur de l’œil baisse de vision sévère (Fig. 17).
(cf. section « Conduite à tenir devant une anomalie de transpa- L’aniridie est une pathologie potentiellement grave au-delà
rence »). de l’œil, car l’anomalie de PAX 6 peut être : soit une muta-
Les anomalies malformatives oculaires comme les dysgénésies tion génétique, isolée, soit une délétion chromosomique en
du segment antérieur de l’œil sont des pathologies liées à des 11p1.3, qui emporte non seulement PAX 6 mais aussi des
mutations dans les gènes du développement de l’œil (par exemple gènes contigus, responsable du syndrome WAGR (tumeur de
PAX 6) ; d’autres mutations de ce gène majeur du développement Wilms = néphroblastome, Aniridie, anomalies Génito-urinaires,
de l’œil pouvant entraîner des anomalies plus complexes, comme Retard psychomoteur) ; du fait du risque vital avec survenue de
l’aniridie, caractérisée par une absence d’iris mais en fait associée ce cancer rénal, s’il existe une délétion chromosomique qu’il faut
à d’autres anomalies plus sévères : dysgénésie du limbe entraî- donc absolument rechercher immédiatement par un caryotype
nant une opacification progressive de cornée, anomalie de l’angle en haute résolution, une surveillance par échographies itératives

“ Point fort
Les amétropies
Emmétropie : le système visuel n’est pas amétrope, et l’image qui arrive sur la face antérieure de la cornée converge exactement
sur la rétine, ni en arrière, ni en avant, grâce à la puissance de convergence de la cornée (40 à 45 dioptries) et celle du cristallin (une
vingtaine de dioptries qui peuvent augmenter avec le pouvoir accommodatif).
Dioptrie : c’est l’unité de mesure d’un défaut réfractif.
Myopie : l’image se focalise en avant de la rétine ; elle se corrige par un verre sphérique concave.
Classiquement, on dit que la vision est floue de loin mais de près la vision peut rester nette car un point image d’un point objet situé
de près se focalise en arrière de celui du point objet situé à l’infini ; pour une myopie de 3 dioptries, l’image de loin se focalise en
avant de la rétine et la vision sans correction est floue (environ 1 à 2/10), mais un objet à 33 cm (1 mètre/3) se focalise exactement
sur la rétine ; pour une myopie plus forte, l’image de près devra être rapprochée pour rester nette.
Hypermétropie : l’image se focalise en arrière de la rétine ; elle se corrige par un verre sphérique convexe.
Classiquement, on dit que la vision est floue de près mais nette de loin ; en réalité, l’image est nette de près et de loin au prix
d’un effort accommodatif possible avant l’âge de la presbytie. L’image de loin (à l’infini) se focalise en arrière de la rétine à une
distance d’autant plus grande que l’hypermétropie est forte ; l’image de près se focalise encore plus en arrière que l’image de loin. La
modification de la puissance de convergence du cristallin, c’est-à-dire la déformation mécanique de cette lentille souple intraoculaire,
sous l’effet de la contraction du muscle ciliaire, permet d’augmenter sa puissance de convergence et ramener l’image objet en avant ;
cette accommodation diminue avec l’âge car le cristallin devient moins déformable avec sa rigidification progressive. C’est pourquoi
en l’absence d’accommodation chez un hypermétrope, l’image est floue de loin comme de près.
Astigmatisme : l’image d’un point n’est pas un point, mais il existe une déformation de l’image par absence de sphéricité parfaite
du système optique.
Dans un astigmatisme « simple » régulier, il existe deux méridiens orthogonaux de puissances différentes, avec focalisations différentes
des images ; l’image est déformée « comme dans un miroir de foire qui élargit ou allonge ».
L’astigmatisme peut être cornéen (la cornée n’est pas une portion parfaite de sphère, mais est déformée « comme un ballon de rugby
par rapport à un ballon de football »), et/ou cristallinien/interne.
Un astigmatisme régulier se corrige par un verre cylindrique. S’il existe une myopie ou une hypermétropie associée, le verre est
sphérocylindrique.
Dans un astigmatisme irrégulier, il existe une variété de points de focalisation, le plus souvent à cause d’une déformation cornéenne
post-traumatique ou cicatricielle ou par distension du collagène dans le kératocône ; ce type d’astigmatisme se compense par une
lentille rigide.
Anisométropie : les puissances réfractives des deux yeux ne sont pas identiques, ce qui est quasiment toujours le cas ; mais on
considère une anisométropie comme significative si la différence sphérique ou cylindrique est supérieure à 0,75 D.
Presbytie : c’est la perte du pouvoir d’accommodation/de mise au point de l’œil par rigidification du cristallin avec l’âge ; elle se
corrige par un verre bifocal ou progressif, avec une formule de correction qui n’est pas la même pour la vision de loin et la vision de
près.

14 EMC - Pédiatrie
Troubles ophtalmologiques chez l’enfant  4-120-A-10

En situation physiologique normale, l’humeur aqueuse sécré-


tée par les corps ciliaires en arrière de l’iris est résorbée au niveau
du trabéculum, dans l’angle formée sur 360◦ par l’iris et la cor-
née. Si cette structure est malformative, non ou peu fonctionnelle,
le tonus oculaire augmente ; l’hypertonie oculaire isolément ne
fait pas baisser la vision, mais à terme, la pression intra-oculaire
excessive entraîne une moindre vascularisation du nerf optique,
car la pression de perfusion de celui-ci est limitée par l’hypertonie
oculaire. Progressivement, les cellules sont ischémiques et il sur-
vient un phénomène d’apoptose. Le nerf optique est constitué des
axones des cellules ganglionnaires de la rétine qui sont les cellules
qui meurent progressivement ; ce sont les cellules ganglionnaires
périphériques qui disparaissent en premier ; le champ visuel se
rétrécit jusqu’à la cécité.
Figure 17. Aniridie.
Chez l’enfant, un autre phénomène cécitant survient, car les
structures de l’œil (son collagène, de la sclère et de la cornée)
sont élastiques, ce qui permet la croissance normale de l’œil
pendant la première décennie de la vie. Si une hypertonie ocu-
laire survient, la sclère et la cornée se distendent, l’œil grossit
trop et trop vite par rapport à la normale, et devient buph-
talme ; par ailleurs, l’hyperpression intra-oculaire est excessive
pour la barrière des cellules endothéliales de la cornée consti-
tuée de l’extérieur vers l’intérieur par des cellules épithéliales, un
stroma, une membrane dite de Descemet, et par cette couche
de cellules endothéliales ; de l’eau vient envahir la cornée qui
s’œdématie, augmente d’épaisseur puis les fibres de collagène
régulières deviennent désorganisées et la cornée perd de sa trans-
Figure 18. Dacryocystite. parence.
Ainsi, les signes cliniques spécifiques du glaucome « congéni-
tal » sont la buphtalmie et l’opacification de la cornée.
pendant les premières années de vie est requise, avec prise en Le terme de congénital n’est pas approprié, car si dans les formes
charge uro-onco-pédiatrique le cas échéant ; le pronostic global sévères la buphthalmie et l’opacification de la cornée sont pré-
est également différent, et les conseils aux parents à adapter. Un sentent dès la naissance, dans des formes moins sévères la cornée
enfant qui présente une aniridie isolée a une malvoyance ; un reste transparente à la naissance, et la pathologie survient plus
enfant qui présente un syndrome WAGR a souvent un retard glo- tard, lorsqu’un déséquilibre survient entre résorption diminuée
bal associé, qui affecte la prise en charge, la scolarité. (par dysgénésie congénitale de l’angle iridocornéen) et sécrétion
Beaucoup plus fréquemment, les pathologies de la cornée sont de l’humeur aqueuse ; le phénotype ne s’exprime pas de façon
les formes sévères de pathologies de la surface oculaire. congénitale, même si le génotype anormal est lui bien congénital.
Les pathologies non compliquées de la surface oculaire sont les Ce génotype est le plus souvent une mutation récessive du gène
conjonctivites : l’œil est rouge et non douloureux, et les différentes CYP1B1 dans le glaucome congénital primaire.
formes sont : Ce génotype est le plus souvent une mutation dominante de dif-
• allergiques ; férents gènes comme PAX 6, FoxC1, PITX2, etc. dans les glaucomes
• infectieuses bactériennes (Haemophilus, streptocoque...) ou secondaires, même s’il existe des formes de glaucome primaire par
virales (adénovirus) ; les conjonctivites « banales » du nourris- variants de FOXC1 autosomiques dominants, par exemple (ce qui
son peuvent ceci dit parfois se compliquer, non pas de kératites change de façon majeure le conseil génétique pour les parents).
mais de pathologies des annexes (Fig. 18). Par opposition au glaucome congénital primitif isolé qui consti-
Les formes compliquées sont des kératites ou kératoconjoncti- tue une trabéculodysgénésie isolée, les glaucomes secondaires
vites, souvent douloureuses avec baisse d’acuité visuelle : sont des trabéculodysgénésies associées où il existe un glaucome
• allergiques ; par anomalie du développement, avec selon les anciennes classi-
• kératoconjonctivites vernales ; fications de Hoskins et Shaffer :
• rosacée oculaire ; • l’embryotoxon postérieur constituant une cornéodysgénésie ;
• infectieuses, bactériennes (abcès de cornée, kératoconjonctivite • l’aniridie et l’ectropion congénital de l’épithélium pigmenté
du nouveau-né à gonocoque ou Chlamydiae) ou virales (herpès, constituant une trabéculo-irido-dysgénésie ;
varicelle...) ou parasitaires exceptionnellement (amibe dans un • les anomalies d’Axenfeld, de Rieger ou de Peters constituant les
contexte de lentille de contact). trabéculo-cornéo-irido-dysgénésies.
Les traumatismes mécaniques ou physiques (chimiques avec Le glaucome chez l’enfant constitue une urgence ; c’est une
gravité des produits basiques de pH > 7 par rapport aux produits pathologie cécitante ; le traitement est le plus souvent chirurgi-
acides de pH < 7) sont également responsables de kératites sévères. cal [20] .
Le pronostic fonctionnel est réservé sur le long terme, avec
parfois des formes qui récidivent malgré les traitements itératifs.
Glaucomes
Le glaucome est une neuropathie optique cécitante, dont une Glaucome juvénile
des causes est l’hypertonie oculaire. Les différentes classifications
Le glaucome de l’enfant et de l’adolescent ou glaucome juvé-
du glaucome de l’enfant vont distinguer les formes primaires des
nile est une pathologie totalement différente, survenant après 3
formes secondaires, les formes précoces des formes tardives, le
ans. Le mécanisme est différent avec anomalie d’une protéine
glaucome congénital du glaucome juvénile [18, 19] .
trabéculaire : la myociline. Le glaucome juvénile à angle ouvert
demeure une maladie rare, grave car potentiellement cécitante.
Glaucome congénital Il représente 6 % des glaucomes primitifs avec une incidence de
Le glaucome de l’enfant (congénital) est une pathologie rare 0,32/100 000 patients de moins de 20 ans. Il est toujours bilatéral,
(prévalence variable de 1/300 000 à 1/2500 ; en Europe occi- symétrique ou pas.
dentale, 1/18 500) ; c’est une forme de dysgénésie du segment La génétique est celle d’une transmission autosomique domi-
antérieur, car c’est une anomalie de l’angle irido-cornéen. nante avec cinq loci incriminés (GLC1A, GLC1 J, GLC1 K,
C’est une pathologie uni- ou bilatérale, symétrique ou pas. GLC1 M, GLC1 N) mais seul le gène GLC1A codant pour la

EMC - Pédiatrie 15
4-120-A-10  Troubles ophtalmologiques chez l’enfant

Figure 19. Cataracte 1. Figure 21. Cataracte implant monofocal.

Figure 20. Cataracte 2. Figure 22. Cataracte implant multifocal.

myociline a été identifié. On retrouve chez 20 % des patients une Le pronostic varie selon le caractère bilatéral ou unilatéral, avec
mutation du gène myociline/TIGR sur ce locus GLC1A du chro- amblyopie bilatérale dans les cas bilatéraux, mais vision meilleure
mosome 1q23. Le glaucome juvénile est plus fréquent chez les que dans les cas unilatéraux où l’amblyopie peut être plus pro-
mélanodermes. Le dépistage est obligatoire en cas d’antécédents fonde avec anisoacuité résiduelle selon l’âge de l’intervention et
familiaux car la pathologie est asymptomatique. Le traitement est le traitement de l’amblyopie unilatérale [21] .
chirurgical (chirurgie filtrante). Dans tous les cas, l’objectif est une acuité visuelle supérieure à
6/10, ce qui est atteint dans la moitié des cas.
Autres formes de glaucome à angle ouvert Le bilan préopératoire est un bilan ophtalmologique à la
D’autres formes de glaucomes à angle ouvert existent, asso- recherche de dysgénésies associées en s’assurant de l’intégrité du
ciées à des maladies du tissu conjonctifs (Marfan, Stickler, Kniest, segment postérieur (échographie). Le bilan général recherche les
Weil-Marchesani), à des pathologies métaboliques de surcharge étiologies de la cataracte congénitale, qui peuvent être hérédi-
en particulier, à des pathologies vasculaires (Sturge-Webber- taires autosomiques dominantes/récessives/liées à l’X (syndrome
Krabbe, Klippel-Trenaunay, phacomatose pigmentovasculaire...), de Lowe, amino-acidurie...). On recherche les maladies métabo-
à l’ectropion congénital de l’uvée, au nævus de Ota... liques dont le traitement précoce est possible (galactosémie).
Les glaucomes peuvent également être iatrogènes (corticothé- Il existe aussi des étiologies de maladies mitochondriales, des
rapie, chirurgie de segment antérieur), secondaires à des uvéites. infections, des anomalies chromosomiques (trisomies 21, 18, 13 ;
délétions).
Glaucome par fermeture de l’angle Après 10 ans on évoque la xanthomatose cérébrotendineuse et
après 20 ans la maladie de Wilson.
Les glaucomes par fermeture de l’angle sont exceptionnels chez En pratique, outre un examen clinique pédiatrique, on
l’enfant. recherche une galactosémie, un déficit en G6PD, une pathologie
rénale par dosage des acides aminés urinaires, les maladies infec-
Cataractes tieuses (CMV, herpes, toxoplasmose, rubéole, syphilis, oreillons) ;
le bilan anesthésique inclue une échographie cardiaque.
La cataracte congénitale, comme le glaucome, n’est pas Le traitement est chirurgical dès le diagnostic posé pour une
forcément présente dès la naissance, même l’anomalie cau- cataracte obturante, d’un œil puis l’autre le cas échéant, avec un
sale développementale l’est, et s’exprime de façon retardée. parcours et un suivi qui requièrent un temps et une détermination
L’incidence dans la population générale de la cataracte chez un majeurs [22] .
enfant de moins de 2 ans est évaluée à 6 pour 10 000 naissances Avant 5 ans l’implant est monofocal (Fig. 21).
(il y a environ 800 000 naissances par an en France, soit 480 cas Après 5 ans l’implant peut être multifocal (Fig. 22).
par an). Le traitement de l’amblyopie unilatérale dans les cas unilaté-
La pathologie est uni- ou bilatérale (2/3 vs 1/3, respectivement). raux se poursuit jusqu’à 10 ans.
Le cristallin est opaque avec des formes variées (Fig. 19, 20).
Il existe des facteurs de risque : nouveau-nés de faible âge gesta-
tionnel ou de faible poids de naissance, enfants ayant présenté une Pathologies du segment postérieur, innées
anoxie périnatale ou une infection anté- ou néonatale (toxoplas- et acquises
mose, infections virales, notamment à cytomégalovirus), enfants
avec antécédents familiaux ou porteurs d’anomalies chromoso- Les pathologies du segment postérieur (vitré et rétine) sont
miques (trisomie 21, par exemple). très nombreuses, et la démarche diagnostique qui s’aide souvent

16 EMC - Pédiatrie
Troubles ophtalmologiques chez l’enfant  4-120-A-10

Figure 23. Drépanocytose : silence fluorescéi-


nique périphérique œil droit (A) et œil gauche
(B).

A B

d’explorations fonctionnelles comme l’autofluorescence, l’OCT une atteinte maculaire similaire à une maculopathie (atteinte des
et le bilan électrophysiologique (électrorétinogramme et poten- photorécepteurs de type cone [cone] avant les photorécepteurs de
tiels évoqués visuels) va dépendre du type de lésion visible ou pas type bâtonnet [rod]).
au fond d’œil, de l’âge de l’enfant qui oriente vers une patholo- Rubéole congénitale (non évolutive) avec aspect de rétine
gie ou l’autre ; le diagnostic est confirmé dans certains cas par la poivre et sel, qui peut évoquer aussi une myopathie de Kearn-
génétique et l’évolution [23–25] . Sayres.
Les diagnostics sont divers avec une distinction fondamentale
entre pathologies évolutives et pathologies stationnaires ; la géné-
tique est fondamentale avec des pistes thérapeutiques émergentes, Maladies rétiniennes donnant des taches
en particulier dans la rétinopathie pigmentaire RPE65. non pigmentées, des dépôts, des reflets
anormaux, des placards lésionnels, des anomalies
Maladies rétiniennes donnant des tâches de coloration
pigmentées
Taches et dépôts
Maladies rétiniennes donnant des tâches pigmentées Taches et dépôts maculaire. Selon la couleur des dépôts on
localisées évoque en cas de couleur jaune une maladie de Best, dominante
Maladie rétinienne donnant des tâches pigmentées locali- autosomique, ou une maladie de Stargardt, récessive autosomique
sées dans la macula (centre de la rétine). Maladie de Stargardt, en majorité (gène ABCA4) ou rarement dominante.
caractérisé par des dépôts pigmentaires sous forme de taches chez En cas de couleur rouge, on évoque la maladie de Tay-Sachs,
un enfant à la fin de sa première décennie. récessive autosomique, avec tache fovéolaire rouge cerise au sein
Maladie rétinienne donnant des tâches pigmentées locali- d’une macula blanche, par déficit en hexosaminidase A avec selon
sées en périphérie de la rétine. Plusieurs diagnostics peuvent la forme infantile, juvénile ou adulte : une ataxie et une détério-
être évoqués selon l’aspect : ration intellectuelle variables.
• pigmentation groupée de l’épithélium pigmentaire de la rétine ; Taches et dépôts disséminés. Selon la couleur des dépôts on
on note un aspect de traces de pattes d’ours, de couleur brune, évoque en cas de couleur jaune :
pouvant être localisées et asymétriques, quelquefois couvrant • une bestrophinopathie ou maladie de Best multifocale, réces-
toute la périphérie ; elles sont congénitales, non évolutives, non sive autosomique ou dominante, caractérisée par des petites
pathologiques ; taches rondes en couronne autour du pôle postérieur et/ou
• hyperplasie de l’épithélium pigmentaire ; il existe de rares disséminées, hyperautofluorescentes ;
taches isolées, très noires ; elles sont congénitales, non évo- • un Fundus flavimaculatus, avec des taches jaunes pisciformes
lutives ; hyperautofluorescentes disséminées au pôle postérieur, voire
• le syndrome de Gardner se caractérise par des taches brun-noir, au-delà, qui est une forme périfovéolaire ou périphérique de
oblongues et est associé à une polypose colique prédisposant la maladie de Stargardt ;
au carcinome colique ; • une Benign fleck retina, avec des taches blanc-jaune hyperauto-
• la rétinite pigmentaire en secteur se caractérise par des pseudo- fluorescentes, et une hérédité récessive autosomique.
ostéoblastes en secteur inférieur (mutations de la rhodopsine) Si les taches et dépôts disséminés sont blancs, il peut s’agir :
nasal ou temporal (plus rare) mais symétrique ; elle survient • d’une rétinite ponctuée albescente, récessive autosomique,
plutôt chez l’adolescent ou l’adulte ; caractérisée par des petites taches blanches ponctiformes,
• rétinopathie externe occulte zonale aiguë qui survient plutôt couvrant une partie ou la totalité de la périphérie, non hyper-
chez l’adolescent ou l’adulte. autofluorescentes ;
Maladies rétiniennes donnant des tâches pigmentées diffuses • d’un Fundus albipunctatus, récessif autosomique, avec des taches
blanches régulières, de disposition radiaire, non hyperautofluo-
Maladies rétiniennes donnant des tâches pigmentées dif-
rescentes ;
fuses en périphérie. Rétinites pigmentaires, caractérisées par
• de taches blanches albinotiques congénitales qui sont des
des pseudo-ostéoblastes rétiniens typiques, décorant les vaisseaux
petites taches dépigmentées, plus ou moins disséminées.
rétiniens, chez l’enfant classiquement peu nombreux dans une
rétinite pigmentaire débutante, pouvant être réduites à quelques
petits points pigmentés. Reflets, placards, anomalies de coloration dans la macula
Amaurose congénitale de Leber, chez un nourrisson au compar- et en périphérie
timent de malvoyance avec nystagmus ; les aspects sont variables L’aspect clinique oriente le diagnostic. En cas de reflet jaune
selon le gène en cause. doré, on évoque une rétinite pigmentaire liée à l’X, visible
Choroïdérémie, dans laquelle les dépôts en taches sont peu chez les filles conductrices ou le garçon au début de la mala-
nombreux, avec chez les filles conductrices de cette pathologie die, avec des traînées jaunes dorées à disposition radiaire, non
liée à l’X des chapelets de petites lésions pigmentées allant vers la hyperautofluorescentes. En cas de placards blanchâtres en péri-
périphérie. phérie seulement, chez l’enfant très jeune, et disparaissant en
Albinisme lié à l’X, chez une fille, avec hétérogénéité de la pig- quelques années, il peut s’agir d’une amaurose congénitale de
mentation périphérique. Leber ou certaines formes de rétinites pigmentaires sévères, réces-
Maladies rétiniennes donnant des taches pigmentées dif- sives autosomiques. L’albinisme oculaire ou oculo-cutané donne
fuses en périphérie et dans la macula. Cone-rod dystrophies : des anomalies de coloration typiques avec visibilité importante
ce sont des rétinopathies pigmentaires avec un début marqué par de toute la vascularisation choroïdienne, aspect rouge jaunâtre de

EMC - Pédiatrie 17
4-120-A-10  Troubles ophtalmologiques chez l’enfant

la périphérie rétinienne et rouge de l’aire maculaire, et transillu- tardif un décollement de rétine. L’aspect fréquent de tache
mination irienne et hypoplasie fovéolaire. noire solaire en périphérie (black sunburst) est la conséquence
d’une hypertrophie de l’épithélium pigmentaire faisant suite à
Lésions rétiniennes : atrophie et autres lésions des hémorragies rétiniennes profondes et sous-rétiniennes. Les
anomalies artérioloveinulaires et anastomoses ne peuvent être
Atrophie rétinienne
vues qu’en angiographie à la fluorescéine, et l’ischémie maculaire
On retrouve un aspect de pseudo-colobomes maculaires : en particulier temporale se diagnostique par un OCT ; la question
• dans la dysplasie maculaire de la Caroline du Nord, dominante dans la drépanocytose est le dépistage, requis en réalité selon les
autosomique, congénitale, avec des zones d’atrophie ovale, à facteurs de risque et la nécessité de thérapeutique : fréquence
bords plus ou moins pigmentés ; de rétinopathie supérieure dans les formes hétérozygotes SC par
• dans certaines formes d’amaurose congénitale de Leber, réces- rapport aux formes homozygotes ; âge : fréquence de rétinopathie
sive autosomique apparaissant pendant la 1re année de vie, avec drépanocytaire moins de 5 % avant 15 ans en cas de forme SS,
des zones d’atrophie à contours souvent polylobés, et avec une moins de 10 % avant 10 ans en cas de forme SC ; la présence d’une
rétine périphérique terne ; rétinopathie drépanocytaire ne requiert qu’exceptionnellement
• dans l’achromatopsie congénitale, mais de façon rare dans cette une photocoagulation laser avant l’âge adulte, car les zones de
maladie congénitale. silence fluorescéinique périphérique (Fig. 23A, B) sont des zones
On retrouve un aspect d’atrophies maculaires : d’absence de cellules et non des zones de rétines ischémiques qui
• dans la « Macula torpille », avec une zone d’atrophie congéni- engendreraient une néovascularisation (aspect de sea fan : écume
tale en torpille située en juxtatemporal de la macula ; de mer).
• dans certaines formes d’amaurose congénitale de Leber, avec
parfois des dépôts pigmentaires jaunâtres dans l’atrophie ;
• dans la maladie de Stargardt, avec une atrophie qui est rarement Uvéites ; infections et inflammations
visible au fond d’œil avant plusieurs années d’évolution.
On retrouve un aspect d’atrophie périphérique dans la choroï- Les uvéites sont des maladies inflammatoires de l’œil, d’origine
dérémie à l’adolescence et dans certaines maladies métaboliques infectieuse ou non [26] . L’uvée est le tissu vasculaire constitué
comme le déficit en L-CHAD (Long-chain 3-hydroxyacyl-CoA dehy- de l’iris, du corps ciliaire et de la choroïde ; il s’agit d’un tissu
drogenase). vasculaire qui amène les facteurs inflammatoires cellulaires et pro-
téiques ; la maladie n’est pas une maladie de l’uvée mais de l’œil,
Kystes, œdèmes et exsudats avec prédominance possible de l’atteinte au niveau du segment
On retrouve des kystes maculaires : antérieur (Tyndall, cataracte, synéchies, glaucome, kératopatie en
• dans le rétinoschisis juvénile, récessif lié à l’X ; bandelette ; Fig. 24A) ou du segment postérieur (hyalite, vascula-
• dans le syndrome de Goldman-Favre, récessif autosomique ; rite, œdème maculaire, papillite).
• dans l’œdème maculaire cystoïde dominant, rare et évolutif. En cas d’atteinte antérieure et postérieure, on parle de panu-
On retrouve des exsudats en cas de complications des rétinites véite ; une uvéite de la rétine antérieure et/ou du corps ciliaire est
pigmentaires, situés en périphérie et unilatéraux ; dans la maladie une uvéite intermédiaire.
de Coats ; dans l’oculopathie MFRP (membrane-type frizzled- Selon l’aspect de l’uvéite et sa localisation, un diagnostic est
related protein) caractérisée par de grandes plages d’exsudats avec suspecté, prouvé ou non par le bilan local et systémique.
anomalies vitréennes ; dans les vitréorétinopathies familiales Les uvéites sont des pathologies parfois bruyantes (œil rouge et
exsudatives, dans lesquelles on retrouve des anomalies vitréennes douloureux), parfois torpides (œil blanc et calme), mais cécitantes
et de la vascularisation rétinienne périphérique, et des anomalies par glaucome, cataracte, œdème maculaire, neuropathie optique.
vitréennes majeures. C’est pourquoi le traitement systémique par immunomodula-
On peut retrouver un œdème maculaire cystoïde assez fréquem- teurs et/ou immunosuppresseurs est souvent requis, en particulier
ment en cas de rétinite pigmentaire de forme modérément sévère. dans la maladie pernicieuse qu’est l’arthrite juvénile idiopathique,
afin de limiter les séquelles possibles à l’âge adulte (Fig. 24B, C).
Tumeurs et cristaux En cas d’uvéite antérieure, les étiologies peuvent être :
On retrouve des phacomes dans la sclérose tubéreuse de Bour- • infectieuses : toxoplasmose, herpès, varicelle, syphilis,
neville, dominante autosomique ; il s’agit de petites formations tuberculose... ;
tumorales blanches et/ou muriformes, pouvant être associées à • inflammatoire : arthrite juvénile idiopathique, sarcoïdose,
des taches achromiques ; il existe au plan systémique des taches spondylarthropathies, néphropathies auto-immunes.
cutanées café au lait, une épilepsie, des atteintes cérébrales et car- L’uvéite uniquement intermédiaire est rare et peut être liée à
diaques. une sarcoïdose ou une toxocarose, mais est le plus souvent dite
On retrouve des hamartomes dans la sclérose tubéreuse de « idiopathique » en l’absence d’étiologie (étiquette nosologique)
Bourneville (hamartomes rétiniens multiples), dans la neurofi- retrouvée.
bromatose de type 2, en ce cas juxtapapillaires, avec membrane Les uvéites postérieures avec atteinte vitréenne (opacification
épirétinienne, cataracte et schwannomes associés. du vitré), rétinienne (ischémie, vascularites, nodules rétiniens,
On retrouve des cristaux rétiniens dans l’oxalose, la cystinose, décollement séreux rétinien, œdème maculaire...) et/ou du nerf
la maladie de Bietti, mais aussi par iatrogénie médicamenteuse. optique (œdème papillaire, papillite) peuvent être :
• infectieuses : toxoplasmose, toxocarose, herpes, varicelle, CMV,
Plis rétiniens et anomalies vasculaires
Lyme, etc. ;
On retrouve des plis rétiniens dans la maladie de Norrie, dans • inflammatoires : arthrite juvénile idiopathique, sarcoïdose,
les vitréorétinopathies, dans la rétinopathie du prématuré. maladie de Behçet, maladie de Vogt-Koyanagi-Harada.
On retrouve des anomalies vasculaires à type
d’hémangioblastome de la rétine, formant une petite lésion
rouge, en moyenne périphérie, dans la maladie de Von Hippel- Neuro-ophtalmologie
Lindau. On retrouve des hémorragies rétiniennes dans l’acidurie
organique de type 1. On retrouve des dilatations vasculaires La pathologie neuro-ophtalmologique est vaste, sensorielle et
dans la neuropathie optique héréditaire de Leber et dans le motrice, et concerne des pathologies très diverses, inflammatoires
syndrome HANAC (tortuosité vasculaire rétinienne, atteinte et vasculaires. Quelques étiologies sont évoquées ici.
rénale, porencéphalie type 1). On retrouve des stries angioïdes Les paralysies oculomotrices sont à la frontière de la strabologie :
dans le pseudoxanthome élastique. • la paralysie du III est le plus souvent congénitale chez
Dans la drépanocytose, les anomalies rétiniennes sont la l’enfant, par agénésie/ischémie du noyau du III, avec tableau
conséquence d’occlusions artériolaires périphériques, puis d’exotropie, paralysie, élévation, abaissement, adduction, pto-
d’anastomoses artérioloveinulaires, d’ischémie responsable de sis et mydriase ; l’œil atteint est souvent amblyope. Le classique
néovascularisations pré-rétiniennes périphériques, pouvant anévrisme de la communicante postérieure qui est une urgence
engendrer hémorragies intravitréennes voire rarement au stade chez l’adulte est quasi inexistant chez l’enfant (Fig. 25) ;

18 EMC - Pédiatrie
Troubles ophtalmologiques chez l’enfant  4-120-A-10

A B C
Figure 24. Uvéite antérieure (A), uvéite postérieure œil droit (B) et œil gauche (C).

• la paralysie du IV est acquise ou innée, mais souvent avec le


même tableau qui s’aggrave avec le temps ; le nerf IV est fra-
gile et fin à sa sortie du tronc, et possiblement lésé dans un
contexte traumatique même minime ; il existe une hypertropie
et une excyclotorsion de l’œil atteint, avec tête penchée du côté
opposé à la paralysie ;
• la paralysie du VI peut être également congénitale, avec
strabisme convergent et parésie/paralysie de l’abduction et tor-
ticolis tête tournée du côté atteint, mais bien sûr la paralysie du
V, d’autant plus qu’elle est d’apparition brutale ou rapidement
progressive, est un signe de possible HTIC, car en cas d’œdème Figure 25. Paralysie III droit.
du tronc cérébral, le VI est comprimé mécaniquement à sa sor-
tie du tronc dans le sillon bulboprotubérantiel ; le fond d’œil En cas de tumeurs d’évolution plus rapide, on est plus devant
immédiat oriente ou pas vers cette possibilité, puisqu’il existe une papille (nerf optique) œdémateuse/floue que devant une atro-
un œdème du nerf optique en cas d’HTIC ; une imagerie urgente phie optique. En cas de papille floue, les étiologies possibles sont :
est alors requise. • neuropathie optique inflammatoire ou infectieuse ou par infil-
Bien sûr en cas de paralysie oculomotrice, le reste de l’examen tration spécifique (leucémie) ;
neurologique peut orienter selon les atteintes associées d’autres • tumeur d’évolution plutôt rapidement progressive du nerf
nerfs crâniens ou une symptomatologie centrale. optique dans un cas unilatéral ou bilatéral asymétrique (gliome
Les neuropathies optiques héréditaires constituent un ensemble du nerf optique) ;
de pathologies de transmission dominante ou récessive ou mito- • HTIC avec toutes ses causes possibles en cas d’œdème papil-
chondriale [27] . laire bilatéral : tumeur cérébrale, cérébelleuse ou du tronc ;
Retenons, de façon non exhaustive, car il existe de nombreuses craniopharyngiome ; HTIC médicamenteuse (rétinol et dérivés,
autres maladies et associations pathologiques : tétracycline, thyroxine, lithium...), HTIC dans le cadre d’une
• l’atrophie optique dominante (maladie de Kjer) liée à une pathologie générale (trisomie 21, hypoparathyroïdie, hypocor-
atteinte du gène OPA1 dans 60 % des cas, avec baisse d’acuité tisolisme, anémie, déficit en vitamine D, insuffisance rénale) ;
progressive dans l’enfance et l’adolescence ; • le diagnostic « d’élimination » d’HTIC idiopathique dite
• la neuropathie de Leber, de transmission mitochondriale, dans « bénigne » doit être argumenté par une prise de la pression
laquelle il y a typiquement chez un adolescent une baisse d’ouverture du liquide cérébrospinal qui est élevée ; il faut se
d’acuité visuelle brutale avec bilatéralisation le plus souvent souvenir que cette maladie n’est pas bénigne car peut conduire
rapidement ; à la malvoyance ou à la cécité, et que les facteurs favorisants
• le syndrome de Wolfram, dans lequel l’atrophie optique comme l’obésité doivent être corrigés.
s’associe à un diabète ; Le diagnostic différentiel d’une papille floue qui est en fait un
• l’ataxie de Friedreich, dans lequel la neuropathie optique « faux œdème » sont les drusens de la tête du nerf optique, les
s’associe à une ataxie, une dysarthrie, un diabète, une scoliose, variantes anatomiques en particulier en cas de forte hypermétro-
une myocardiopathie... pie, les télangiectasies de la neuropathie optique de Leber au stade
Les diagnostics différentiels des neuropathies optiques héré- aigu ; l’OCT en fait redresse facilement le diagnostic car il n’existe
ditaires sont les contextes toxiques iatrogènes parfois, les pas d’œdème.
neuropathies inflammatoires (sclérose en plaque, maladie de
Devic, uvéites postérieures...) [28] .
En cas d’atrophie optique installée, ou en tout cas d’anomalie Pathologies orbito-palpébrales
de l’examen du nerf optique, de diagnostic fortuit avec ou sans
contexte de baisse d’acuité visuelle si elle peut être mesurée selon Les maladies ophtalmologiques orbito-palpébrales sont rare-
l’âge, les étiologies héréditaires, toxiques ou inflammatoires sont ment des causes de troubles de la vision, mais parfois les causes
évoquées selon le contexte, l’interrogatoire, l’examen clinique infectieuses ou compressives sont délétères pour la vue car le nerf
ophtalmologique (atteintes associées) et systémique. L’imagerie optique peut être atteint de façon mécanique ; de même un simple
cérébrale est requise dans la démarche diagnostique, car si elle ptosis congénital est à risque d’amblyopie s’il atteint l’axe visuel,
est normale ou montre des nerfs optiques de taille éventuel- comme un hémangiome palpébral dont le traitement de référence
lement diminuée, les étiologies précédentes sont possibles, de est l’utilisation de bétabloquant désormais [29] .
même qu’en cas d’hypoplasie uni- ou bilatérale isolée, mais on L’orbite est un contenant osseux, le contenu étant constitué de
peut se retrouver devant des situations « organiques » : tumeurs l’œil, du nerf optique au sein duquel cheminent artère et veine
d’évolution lente comme un gliome des voies optiques, cranio- centrale de la rétine, des nerfs oculomoteurs et du nerf releveur
pharyngiome, hydrocéphalie chronique, séquelles de souffrance de la paupière supérieure, des vaisseaux ciliaires, des muscles ocu-
périnatale. lomoteurs, de la graisse orbitaire.

EMC - Pédiatrie 19
4-120-A-10  Troubles ophtalmologiques chez l’enfant

caractériser au plan ophtalmologique par un hématome périorbi-


taire bilatéral (syndrome de Hutchinson) du fait d’une localisation
spécifique.
Médulloblastome et autres tumeurs cérébelleuses se mani-
festent à la fois par une baisse de vision s’il existe une HTIC, mais
aussi par des signes moteurs (mouvements oculaires anormaux,
paralysie du VI).

Strabismes
Les strabismes sont caractérisés par un non-alignement des yeux
qui ne sont pas « parallèles » ; en réalité la véritable définition est
l’absence de correspondance de fixation des deux maculas, c’est-à-
Figure 26. Dermoïde du limbe. dire que les deux maculas ne fixant pas le même objet, la position
des yeux « parallèles » étant théorique si on regarde à l’infini ;
les deux axes de visée des yeux se croisent toujours s’ils fixent
La pathologie malformative orbito-palpébrale est multiple, un même objet, avec un aspect d’autant moins « parallèle » que
modérée ou sévère, avec des malformations des paupières, des l’objet est proche.
voies lacrymales, avec risque ou pas pour l’œil s’il est exposé ; Les strabismes sont dans plus de 90 % des cas de causes centrales
elle peut être isolée ou associée à d’autres malformations faciales (vergences excessives ou diminuées), les causes périphériques
syndromiques ou pas, qui doivent faire rechercher les anoma- comme les paralysies oculomotrices étant plus rares [31] .
lies systémiques possibles (exemple du kyste dermoïde du limbe Une des problématiques du strabisme est la survenue pendant la
[Fig. 26] qui peut être associé à un syndrome de Goldenhar). période sensible du développement visuel, ce qui peut engendrer
La fréquente obstruction des voies lacrymales du nourrisson une amblyopie monoculaire et une amblyopie binoculaire [32] .
est évoquée avec la conduite à tenir devant un larmoiement Afin de ne pas percevoir deux images (diplopie), le cerveau d’un
(Fig. 7). enfant est le siège d’une inhibition du signal en provenance d’un
La pathologie tumorale orbito-palpébrale est évoquée dans la œil (suppression) ; si cette inhibition par un interneurone de la
section « Conduite à tenir devant une masse dans la paupière ». couche IV du cortex visuel affecte préférentiellement une voie
Nous soulignerons ici que la compression du nerf optique droite ou gauche (absence d’alternance du strabisme), l’œil non
par un processus intra-orbitaire, intra- ou extraconique est une fixateur peut devenir amblyope (amblyopie monoculaire). Cette
urgence s’il existe une baisse de vision, un œdème maculaire ; amblyopie se traite par l’occlusion de l’œil fixateur. L’absence de
cela peut être le cas d’étiologies tumorales, mais aussi infectieuses possibilité d’analyse de la disparité normale entre les images en
ou inflammatoires comme dans l’orbitopathie dysthyroïdienne. provenance des deux yeux empêche la perception du relief (vision
C’est au stade 4 des cellulites orbitaires qu’il y a un risque binoculaire/vision stéréoscopique) ; cette amblyopie se traite par
pour la vision ; au départ d’un syndrome orbitaire, on recher- le rétablissement de la rectitude des yeux, par des moyens optiques
chera l’œdème inflammatoire des paupières qui sont rouges, un et chirurgicaux ; guérir l’amblyopie binoculaire n’est possible que
chémosis ; il faut rechercher une sinusite en particulier ethmoï- si le strabisme est tardif (survenue après l’âge de 2 ans) et si le
dale et l’imagerie est obligatoire (scanner). Les stades de cellulites traitement n’est pas trop tardif après la fin de la période sensible
orbitaires sont selon la classification de Chandler : du développement visuel (fin de la première décennie de la vie).
• Grade I : cellulite préseptale ou œdème inflammatoire orbitaire ; Il existe bien sûr des formes spécifiques de strabisme de l’adulte
• Grade II : cellulite orbitaire diffuse ; (qui ne sont pas des strabismes d’un enfant devenu adulte), dans
• Grade III : abcès sous-périosté ; lesquelles la problématique de l’amblyopie est remplacée par celle
• Grade IV : abcès orbitaire ; de la diplopie, en l’absence de phénomènes d’inhibition centrale
• Grade V : thrombose du sinus caverneux. de la deuxième image.
Les trois objectifs du traitement du strabisme sont :
• prévenir ou guérir l’amblyopie monoculaire ;
Cancérologie ophtalmologique • prévenir ou guérir l’amblyopie binoculaire chez l’enfant en cas
de strabisme tardif/guérir la diplopie chez l’adulte ;
Les cancers ophtalmologiques sont rares. • rétablir la rectitude des yeux (« esthétique » du regard).
Le rétinoblastome est une tumeur rétinienne uni- ou bilatérale, Les formes de strabismes principales sont :
survenant dans les premières années de vie, dont les circonstances • strabisme précoce, survenue avant 12/24 mois, d’origine cen-
de découverte sont variables ; strabisme, leucocorie, uvéite, baisse trale, en convergence le plus souvent (> 90 % des cas), dont
de vision [30] . Les cas unilatéraux et avec une seule tumeur sont le traitement repose sur : lunettes, prévention de l’amblyopie
sporadiques ; les cas bilatéraux et/ou avec des tumeurs multiples par occlusion alternée précocement, injection de toxine botu-
sont liés à de mutations dominantes autosomiques d’un gène sup- lique avant 30 mois dans l’ésotropie précoce (Fig. 27A, B) ou
presseur de tumeur. Le traitement est exceptionnellement non chirurgie précoce dans l’exotropie précoce. Il n’existe pas dans
conservateur : il repose sur la chimiothérapie systémique, sélective cette forme de strabisme de possibilité de vision binoculaire
intra-artérielle et intravitréenne, la cryothérapie, la thermothéra- normale ;
pie transpupillaire. • strabismes accommodatifs, d’origine centrale, survenant après
Le rhabdomyosarcome est une tumeur de développement 2 à 3 ans : l’enfant est hypermétrope ; sans correction il existe
rapide en quelques jours, de localisation variable orbitaire ou une déviation en convergence. Avec la correction optique de
palpébrale. La suspicion diagnostique requiert en urgence une l’hypermétropie, la déviation disparaît dans les formes pures
imagerie et une biopsie ; le traitement repose sur la chimiothé- (Fig. 28A, B) et diminue dans les formes partielles. Dans les
rapie. formes pures, le traitement est optique (lunettes) ; dans les
Le mélanome choroïdien est rare chez l’enfant ; la mélanose formes partielles le traitement est optique et chirurgical. En cas
sclérale de Ota prédispose à un mélanome mais qui ne surviendrait d’excès de convergence (déviation de près plus importante que
qu’à l’âge adulte. la déviation de loin), il faut proposer des verres progressifs ou
Le syndrome de Hutchinson-Gilford, ou progéria, est respon- une chirurgie à type de myopexie postérieure ;
sable de carcinomes de la conjonctive, et de tumeurs palpébrales. • strabisme divergent ; il s’agit d’un strabisme d’origine centrale,
Leucémies et lymphomes peuvent avoir des localisations orbi- qui survient dans l’enfance ou l’adolescence, parfois à l’âge
taires ou intra-oculaires spécifiques. adulte ; le strabisme est intermittent, avec une divergence d’un
Le neuroblastome est une tumeur nerveuse du système sym- œil alternante ou pas ; le contrôle du strabisme se détériore
pathique, de localisation cervicale ou abdominale, qui peut se avec le temps, avec une symptomatologie fonctionnelle (fatigue

20 EMC - Pédiatrie
Troubles ophtalmologiques chez l’enfant  4-120-A-10

Figure 27. Strabisme précoce (A, B).

A B

Figure 28. Strabisme accommodatif (A, B).

A B

“ Point fort
Les différentes formes de strabisme
« Faux strabisme » : impression de strabisme mais en réalité les deux fovéas fixent le même objet : absence de strabisme ; avant
l’âge verbal, les tests de fixation sont difficiles et la mesure d’une déviation ou pas avec le test de l’écran est imparfaite ; on se fie aux
reflets cornéens ce qui n’est pas sensible ; l’examinateur est souvent incapable d’être sûr de la parfaite rectitude ou d’une déviation
minime de moins de 10 dioptries/5◦ . En cas d’épivanthus fréquent chez l’enfant, la base du nez plus large recouvre les yeux plus du
côté interne que du côté externe et on a l’impression ou une suspicion de strabisme convergent car on voit plus de blanc scléral du
côté externe que du côté interne, comme dans un « vrai » strabisme.
Strabisme sensoriel : un œil moins bien voyant (quelle que soit la cause) ne fixe pas et fixe en dehors ou en dedans (strabisme
divergent sensoriel ou strabisme convergent sensoriel) ; c’est pourquoi devant tout strabisme vrai, un examen ophtalmologique afin
d’éliminer une cause organique est requis.
Strabisme précoce : strabisme survenant dans les deux premières années de vie, à grand angle, le plus souvent en convergence ;
le traitement requiert la prévention de l’amblyopie et l’injection de toxine botulique avant 3 ans.
Strabisme accommodatif : ce type de strabisme survient le plus souvent vers 3 à 5 ans ; le sujet est hypermétrope et l’image
se focalise sans correction optique en arrière de la rétine ; pour compenser cela, le système visuel accommode pour faire ramener
l’image en avant sur la rétine. Du fait dans ce cas d’une syncinésie accommodation-convergence excessive, il survient de surcroît un
phénomène de convergence. Avec la correction optique, l’angle de déviation disparaît dans 80 % des cas (formes pures) ou disparaît
partiellement dans 20 % des cas (formes partielles). Le traitement requiert des lunettes, la prévention ou le traitement de l’amblyopie,
et une chirurgie précoce avant 6 ans pour pouvoir le cas échéant retrouver une fonction binoculaire (vision du relief).
Strabisme divergent : le strabisme divergent non sensoriel est un strabisme causé par une fonction tonique musculaire imparfaite,
avec un tonus de convergence non contrôlée et une tendance à s’aggraver avec le temps ; ce type de strabisme peut survenir
dans l’enfance, à l’adolescence ou à l’âge adulte, et entraîne des troubles fonctionnels à type de fatigue visuelle, perte de la vision
binoculaire, parfois vision double intermittente, et préjudice de l’esthétique du regard. Le traitement est chirurgical mais avec un
risque de récidive et interventions chirurgicales itératives ; l’indication chirurgicale est posée si la déviation survient plus de la moitié
du temps ou devient permanente ou si la symptomatologie fonctionnelle est majeure.
Strabismes paralytiques : les paralysies oculomotrices des nerfs III, IV et VI sont totales ou partielles, et sont de causes nucléaires ou
tronculaires. L’atteinte tronculaire lésionnelle peut survenir à différents endroits du trajet nerveux tronc cérébral à l’orbite, et l’analyse
sémiologique avec recherche d’atteintes associées est obligatoire (V associé dans une atteinte du sinus caverneux). Les paralysies sont
congénitales ou acquises, partielles ou totales. Selon la paralysie, il existe un déficit dans le champ d’action du muscle paralysé.
En cas de paralysie du III, il existe une divergence et une atteinte de l’abaissement et de l’élévation, avec souvent un œil positionné en
bas ; ptosis et mydriase (atteinte intrinsèque) peuvent être associées. En cas de paralysie aiguë du III, il faut suspecter un anévrisme
de la communicante postérieure, mais c’est exceptionnel chez l’enfant.
Dans la paralysie du IV, il existe un torticolis tête penchée du côté opposé à la paralysie, une hypertropie et une élévation en adduction
de l’œil atteint.
En cas de paralysie du VI, il existe un torticolis tête tournée du côté de la paralysie, une convergence variable et un défaut d’abduction.
En cas de paralysie du VI, l’examen ophtalmologique immédiat recherche un œdème papillaire qui entrerait dans le cadre d’une
hypertension intracrânienne, dans laquelle le VI est comprimé mécaniquement par l’augmentation de taille du tronc cérébral, à sa
sortie de celui-ci à la jonction bulboprotubérantielle. Cette attente est non localisatrice et une imagerie urgente est requise.
Autres formes de strabisme : il existe d’autres formes plus rares de strabisme, comme le syndrome de Brown, les dysinnervations
congénitales des nerfs crâniens (exemple : syndrome de Duane), le strabisme du myope fort, l’orbitopathie dysthyroïdienne...

EMC - Pédiatrie 21
4-120-A-10  Troubles ophtalmologiques chez l’enfant

Toutes les formes de rétinopathies ou maculopathies congéni-


tales peuvent entraîner une dyschromatopsie qui est anarchique
au test 15 HUE.

Dyschromatopsies acquises
Les maladies rétiniennes, par atteinte des photorécepteurs, pré-
férentiellement dans les maculopathies compte tenu de la plus
forte densité des cônes dans la rétine centrale (les bâtonnets, autre
type de photorécepteurs répartis de façon plus homogène dans la
rétine), ne sont pas sensibles à la longueur d’onde de la lumière.
Dyschromatopsies d’axe rouge/vert : maladie de Stargardt, dys-
Figure 29. Strabisme divergent. trophie des cônes Cone-rod dystrophies.
Dyschromatopsies d’axe bleu/jaune : rétinites pigmentaires,
Cone-rod dystrophies.
visuelle, vision floue ou double intermittente) et un préjudice Absence d’axe caractéristique : rétinoschisis juvénile lié à l’X,
esthétique (Fig. 29). Le traitement est optique et chirurgical ; maladie de Best, maculopathie ou rétinopathie évoluée, uvéites,
• strabisme sensoriel ; l’œil en déviation voit moins bien ; il ne vitréorétinopathies.
fixe pas ; la cause peut être organique, ce qui justifie un examen
anatomique urgent dans toutes les formes de vrai strabisme ; Neuropathies optiques (cf. section
• paralysies oculomotrices, d’origine périphérique (cf. section « Neuro-ophtalmologie »)
« Neuro-ophtalmologie ») ;
• syndromes de dysinnervations, d’origine périphérique : il existe L’atrophie optique dominante entraîne une dyschromatopsie
une parésie congénitale d’un ou de plusieurs nerfs oculomo- d’axe bleu/jaune, alors que l’axe est typiquement rouge/vert dans
teurs avec phénomènes de réinnervations aberrantes ou pas les autres neuropathies optiques.
(syndromes de Duane, « fibroses » congénitales des muscles
oculomoteurs...) ;
• orbitopathie dysthyroïdienne : infiltration inflammatoire des
Traumatologie
muscles oculomoteurs, avec risque de compression du nerf La traumatologie est d’origine physique, chimique, mécanique,
optique, et possibilité de fibrose séquellaire qui entraîne une avec des particularités chez l’enfant de traumatologie par accident
déviation des yeux ; domestique [34, 35] .
• strabisme du myope fort : l’œil est trop gros, trop long, dans une Le traumatisme peut concerner le contenant (œil) et toute
cavité orbitaire de taille fixe ; il existe un décalage du muscle plaie ou suspicion de plaie (circonstances, hémorragie sous-
droit supérieur en interne et un décalage du muscle droit latéral conjonctivale après un traumatisme) requiert une exploration
en inférieur, ce qui entraîne une ésotropie. chirurgicale ; le contenant peut être atteint, c’est-à-dire l’orbite,
avec en cas de traumatisme contusif une possible fracture de fra-
gile plancher de l’orbite dont il existe une indication chirurgicale
Dyschromatopsies en cas de limitation de l’abaissement de l’œil et de l’élévation
de l’œil qui signe une incarcération musculaire du muscle droit
Les dyschromatopsies sont à la fois des « syndromes » c’est-à- inferieur (Fig. 30A, B).
dire des maladies en cas de dyschromatopsies congénitales, mais Le syndrome du bébé secoué est un cas particulier de trauma-
aussi des symptômes en cas de dyschromatopsies acquises [33] . tologie que l’on peut résumer à plusieurs points :
La fonction chromatique normale requiert la présence de trois • physiopathologie : le vitré est un gel transparent cohérent,
types de cônes (photorécepteurs sensibles à la longueur d’onde de attaché à la rétine ; si un bébé est secoué, son œil bouge et
la lumière), dits « bleu », « vert » et « rouge ». mécaniquement il existe des tractions du vitré sur la rétine ;
Les dyschromatopsies sont congénitales ou acquises. ces attaches sont solides chez l’enfant et cela peut entraîner des
hémorragies ; c’est un phénomène mécanique semblable dans
la boîte crânienne qui est la cause des hématomes sous-duraux ;
Dyschromatopsies congénitales • examen ophtalmologique : l’examen ophtalmologique d’un
Trichromatisme anormal : les trois types de cônes sont présents, nourrisson n’est pas facile et l’examen du fond d’œil en oph-
mais le cône rouge ou le cône vert ont une sensibilité à la longueur talmoscopie direct ou indirect peut déterminer la présence ou
d’onde anormale ; l’acuité visuelle est normale et le sujet confond non d’hémorragies, mais l’ophtalmologiste ne peut pas, sans
certaines teintes ; c’est fréquent, lié à l’X (5 % des garçons). imagerie c’est-à-dire rétinographe comme ceux utilisés pour le
Dichromatisme : protanopie ou deuteranopie : « daltonisme » ; dépistage de la rétinopathie du prématuré, affirmer la présence
seuls cônes bleu et rouge ou cône bleu et vert sont présents ; c’est de lésions d’âges différents, ce qui est un paramètre demandé
également lié à l’X, rare moins de 1 % des garçons ; le dépis- en cas de suspicion de maltraitance ; de même cette néces-
tage se fait par la lecture des planches Ishihara (distinction des sité d’équipement et d’examen documenté est une nécessité
protanopes et des deutéranopes avec Planches 22 à 25) et la confir- dans ces dossiers complexes avec parfois des compétences judi-
mation avec les tests 15 HUE de Farnsworth et 15 HUE désaturé ciaires ;
de Lanthony (axe protanope ou deutéranope). • un enfant secoué ne signifie pas un enfant maltraité : un enfant
Tritanopie congénitale ; le cône bleu est absent ; c’est extrê- secoué est un enfant qui a subi une fois des secousses impor-
mement rare, récessif autosomique, avec au test 15 HUE un axe tantes ; un enfant battu (syndrome de Silverman, syndrome du
tritanope ; l’acuité visuelle est normale. bébé secoué) est un enfant qui subit des traumatismes répétés
Monochromatisme à cônes bleus ; l’acuité visuelle est basse ; il (secousses violentes, autres traumatismes) ;
existe un nystagmus et une photophobie associés ; l’hérédité est • il existe de nombreuses autres causes d’hémorragie rétinienne :
récessive liée à l’X ; l’anomalie de la vision des couleurs peut être maladies hématologiques, anémies sévères, rétinopathies infec-
discrète, avec au test 15 HUE un axe rouge/vert. tieuses (CMV, herpès, endophtalmie endogène secondaire à
Achromatopsie congénitale ; l’acuité visuelle est basse ; il existe une endocardite), acidurie glutarique, ostéogenèse imparfaite,
un nystagmus et une photophobie associée, une absence totale intoxication au monoxyde de carbone, traumatisme obstétri-
ou partielle de vision des couleurs, une cécité des couleurs aux cal ;
planches Ishihara et au test 15 HUE un axe scotopique. • les hémorragies rétiniennes peuvent être en dômes saillants
Syndrome de dysfonction des cônes liée à l’X ou maladie de dans le vitré, ou être intrarétiniennes, que ce soit dans une cause
Bornholm, d’hérédité récessive liée à l’X, avec myopie associée et accidentelle ou une maltraitance. Le caractère bilatéral est en
axe rouge/vert au test 15 HUE. faveur d’une maltraitance ; le caractère unilatéral est en faveur

22 EMC - Pédiatrie
Troubles ophtalmologiques chez l’enfant  4-120-A-10

Figure 30. Fracture plancher déficit abaisse-


ment (A) ; fracture plancher déficit élévation (B).

A B

d’un accident. Les hémorragies profuses sont en faveur d’une


maltraitance du fait de la violence du choc causal, mais elles 39 ans, français de 40 ans, kabyle
peuvent être liées aussi à un traumatisme perforant accidentel. Touraine, RAS d’Algérie, RAS

 Conclusion
Les troubles de la vision sont multiples, et la démarche diagnos-
tique doit être raisonnée avec à l’esprit l’ensemble des pathologies
ophtalmologiques sensorielles et motrices.
Les anomalies réfractives, l’amblyopie et le strabisme sont les
pathologies les plus fréquentes.
D’autres pathologies plus rares, malformatives, héréditaires,
cécitantes ou pas, peuvent affecter un enfant.
Qu’il existe ou non un traitement curatif, l’ophtalmologiste
qui prend en charge des enfants guérit parfois, soigne souvent,
accompagne toujours.
La situation de handicap est abordée dans l’Annexe D. Le coût
6 ans RAS 1 ans RAS
des lunettes est détaillé dans l’Annexe E.

Figure A.1. Arbre généalogique.


Déclaration de liens d’intérêts : l’auteur n’a pas transmis de déclaration de
liens d’intérêts en relation avec cet article.

• pathologie rétinienne ;
 Annexe A. Cas clinique • atteinte des voies visuelles.
Les examens complémentaires demandés sans urgence sont :
Un enfant de 3 ans est adressé en urgence pour acuité visuelle • imagerie par résonance magnétique (IRM), qui est normale si
mesurée avec ses lunettes, pour la première fois, à 1/10 des deux ce n’est un kyste arachnoïdien latéralisé à droite (non patholo-
yeux. gique) ;
C’est le deuxième enfant d’une fratrie de trois, sans antécédent • le bilan électrophysiologique (électrorétinogramme [ERG] et
particulier (Fig. A.1). potentiels évoqués visuels [PEV]) retrouve :
◦ PEV : normaux,
À l’âge de 1 an, les parents évoquent un « nystagmus » régressif,
◦ ERG : réponse normale des bâtonnets ; réponse diminuée des
non exploré.
cônes, avec réponse minime voire absente de l’ERG photo-
À l’âge de 2 ans, des lunettes sont prescrites pour une hypermé-
pique 3.0 (Cônes S M L) et pas de réponse Flicker (Cônes M L).
tropie de +4 OD et +5 OG ; le comportement visuel était considéré
Les hypothèses diagnostiques sont :
comme « normal », sans signe de malvoyance, avec un dévelop-
• dysfonction des cônes, pathologies stables :
pement général normal.
◦ achromatopsie,
À l’âge de 2 ans et demi, consultation d’un spécialiste strabo- ◦ monochromatisme à cônes S,
logue qui ne note pas de nystagmus patent ; il est évoqué un ◦ autres syndromes de dysfonction des cônes ;
spasmus nutans qui aurait régressé ; de nouvelles lunettes sont • dystrophie des cônes, pathologies évolutives.
prescrites : +6(30◦ -1) OD et +6(150◦ -1) OG. Les syndromes de dysfonctions des cônes sont des maladies
À 3 ans, une première acuité visuelle subjective est donc mesu- héréditaires, stationnaires (à la différence des dystrophies progres-
rée à 1/10 des deux yeux avec ses lunettes et l’enfant est adressée sives des cônes), très hétérogènes. La fonction d’un ou plus des
en urgence. trois types cônes de la rétine est anormale ou absente. Il existe
L’examen retrouve : une anomalie dans la cascade de phototransduction des cônes.
• acuité visuelle : 1 à 2/10 de loin ; Cadet 4 de près, des deux Les signes cliniques sont présents dès les premiers mois de vie,
yeux ; ou dans la petite enfance. On retrouve l’achromatopsie complète
• les parents angoissés évoquent un torticolis intermittent tête et incomplète, le monochromatisme à cônes bleus, la maladie de
penchée en arrière, non retrouvé ; il n’y a pas de strabisme, la Bornholm, la bradyopsie, l’oligocône trichromacie.
motilité est normale, la vision binoculaire au test de Lang est à Les syndromes de dystrophies de cônes sont des patholo-
0/3 ; gies dégénératives évolutives de la rétine : l’examen du fond
• l’enfant plisse les yeux (gêne à la lumière ?) ; d’œil est normal mais on peut retrouver une anomalie de
• au biomicroscope, pas d’anomalie du segment antérieur et du l’autofluorescence et il existe des anomalies centrales qui appa-
segment postérieur ; raissent avec la progression de la maladie.
• la réfraction sous cycloplégie confirme l’hypermétropie OD +4 Le spasmus nutans est un syndrome paroxystique idiopathique
et OG +5 (145◦ -0,75) ; la vision est inchangée avec cette modi- survenant chez le nourrisson entre 6 et 18 mois transitoire et
fication de correction. bénin le plus souvent, caractérisé typiquement par une triade :
Les hypothèses diagnostiques sont : nystagmus, secousses de la tête et torticolis. Il est parfois

EMC - Pédiatrie 23
4-120-A-10  Troubles ophtalmologiques chez l’enfant

associé à une tumeur (gliome) du tronc ou des voies visuelles, une • cause anatomique ;
leucodystrophie de Pelizaeus-Merzbacher, un syndrome de Leigh • cause « strabologique ».
des mitochondriopathies, une hypoplasie du vermis cérébelleux, La réfraction sous cycloplégie montre : OD +4 (170◦ -1) et OG
un bobble head syndrome ou syndrome de la poupée ballotante, +5 (5◦ -1,5).
secondaire à une hydrocéphalie. L’imagerie cérébrale IRM est obli- L’examen anatomique des yeux ne retrouve aucune anomalie.
gatoire. En l’absence de lésion organique, le syndrome disparaît L’examen strabologique oculomoteur ne retrouve pas de nystag-
sans laisser de séquelles. mus, pas de limitation de la motilité des yeux, les reflets cornéens
semblent centrés (rectitude ± 5◦ ), c’est-à-dire qu’il n’existe pas
de déviation supérieure à 5◦ , mais on n’exclut pas une microtro-
Discussion et conclusion du cas pie/un microstrabisme, c’est-à-dire un angle inférieur à 5◦ , qu’on
Cet enfant a un diagnostic initial erroné de spasmus nutans non ne peut pas diagnostiquer à cet âge.
objectivé, et considéré comme normal, ce pourquoi il est surpre-
nant de retrouver à la mesure de l’acuité visuelle subjective pour
la première fois une vision à 1/10. Il existe une problématique  Quel est votre diagnostic ?
de l’étiquette diagnostique initiale « nystagmus » ou autre éti- L’examen anatomique normal élimine un strabisme sensoriel.
quette, et d’une hypothèse erronée écrite (spasmus nutans) dont L’absence de strabisme à grand angle élimine un strabisme pré-
on reproduit l’erreur en « recopiant les dossiers ». coce (pathologie strabique centrale) de traitement spécifique de
Le diagnostic ici, prouvé secondairement génétiquement, est prévention d’amblyopie et de traitement de la position des yeux
une achromatopsie. par injection de toxine botulique.
La différence entre dystrophie et dysfonction des cônes se serait Le diagnostic est une pathologie réfractive : hypermétropie
faite sur l’évolutivité de l’électrorétinogramme qui initialement et astigmatisme bilatéraux, avec anisométropie (différence de
moins altéré s’aggrave, avec également apparition de lésions au réfraction significative entre les deux yeux) ; l’hypermétropie
fond d’œil. non corrigée peut entraîner une accommodation excessive qui
La vision normale d’un enfant à la naissance est de 1/20 à 1/10, expliquerait une possible convergence excessive (accommodation
de 3/10 à 1 an, de 6/10 à 3 ans, de 10/10 à 4–5 ans. Un enfant convergence).
n’a pas besoin d’une vision de 10/10 pour ses activités de jeu et Que faire ?
d’apprentissage, ce qui explique qu’à l’âge préverbal il n’y avait pas Le traitement est simple : prescrire des lunettes.
suspicion de malvoyance (limite de malvoyance 3/10) ; à l’âge ver- Quelle correction prescrire ? Dans ce cas avec des valeurs
bal il peut ne pas y avoir de plainte fonctionnelle, sauf si la vision d’hypermétropie supérieures à la normale pour l’âge et avec une
est très faible inféireure à 1/20 avec des parents/des enseignants anisométropie, la correction optique totale est prescrite.
qui suspectent une anomalie. Faut-il traiter ou prévenir une amblyopie ?
L’enfant ici aura un début de maternelle sans problème, avec L’œil gauche est à risque d’amblyopie (hypermétropie et astig-
vision stable à 4 et 5 ans.À retenir matisme plus importants) mais la correction est précoce et le
Devant des mouvements anormaux des yeux des enfants, risque mimine : pas d’occlusion.
un bilan électrophysiologique et une imagerie cérébrale sont L’examen est stable à 2 ans et demi si ce n’est une modification
nécessaires si l’examen ophtalmologique ne retrouve pas de de correction que l’on prescrit :
cause évidente (cataracte congénitale bilatérale obstruante par • OD +4 (0◦ -1,25) ;
exemple). • OG +5,5 (175◦ -1,75).
Le syndrome de nystagmus précoce regroupe des pathologies La mesure de l’acuité visuelle demeure non réalisable.
sensorielles ophtalmologiques multiples, mais peut être aussi lié À 3 ans, avec la correction prescrite, on retrouve avec des tests
à des anomalies neurologiques. de Pigassou (dessins) :
• OD 6 à 7/10 ;
• OG 3 à 4/10.
 Annexe B. Cas clinique : Est-ce que la vision de l’œil droit est normale ? Oui à cet âge.
Est-ce que la vision de l’œil gauche est normale ? Si la mesure
suspicion de strabisme de vision est fiable avec un enfant coopérant, on peut conclure à
et d’amblyopie une amblyopie.
Que faire ?
Une enfant de 2 ans est adressée pour suspicion de strabisme. Le traitement est simple : occlusion de l’œil sain : traite-
Première question : existe-t-il réellement un strabisme ? ment d’attaque de l’amblyopie.
L’examen n’est pas facile à cet âge préverbal ; le test à l’écran est Deux semaines après, on obtient 6/10 des deux yeux.
difficile (recherche de mouvements de refixation en occluant un Que faire ?
œil et l’autre) ; l’examen de la symétrie des reflets cornéens est Le traitement est simple : occlusion intermittente de l’œil
peu sensible. sain la moitié du temps : traitement d’entretien de l’amblyopie.
Dans la majorité des cas il s’agit d’un faux strabisme par épican- Un contrôle tous les six mois retrouve une stabilité de la vision
thus (Fig. B.1), mais l’examen ophtalmologique demeure requis. et pas de rechute de l’amblyopie.
Secondes questions : À 4 ans, on retrouve :
Dans ces conditions, il faut en réalité rechercher les trois causes • 8 à 9/10 des deux yeux avec :
de strabisme : ◦ OD +3,75 (5◦ -1),
• cause réfractive ; ◦ OG +5,25 (170◦ -1,75).
Que faire ?
Le traitement est simple :
• lunettes ;
• surcorrection de l’œil sain : traitement de prévention de la réci-
dive de l’amblyopie.
On prescrit par exemple une surcorrection volontaire de 1 diop-
trie à droite :
• OD +4,75 (5◦ -1) ;
• OG +5,25 (170◦ -1,75).
Examen stable à 5 ans ; on arrête le traitement de prévention
de la récidive de l’amblyopie dans cette forme modérée (dans des
cas plus sévères le traitement se poursuit jusqu’à 7/8 ans).
Figure B.1. Épicanthus. À 6 ans, on retrouve 12/10 des deux yeux.

24 EMC - Pédiatrie
Troubles ophtalmologiques chez l’enfant  4-120-A-10

Figure C.2. Lentille pour ophtalmoscopie indirecte et ophtalmoscope.

Figure C.3. Lentille sans contact.

Figure C.1. Lampe à fente.

“ À retenir
La correction précoce des anomalies réfractives significa- Figure C.4. Hess Weiss (paralysie du IV gauche).
trices est indispensable.
L’amblyopie doit être recherchée et traitée.
La correction des lunettes varie et les lunettes sont chan- d’examiner le segment antérieur (cornée, chambre antérieure,
gées plusieurs fois par an si besoin. cristallin), et le segment postérieur (vitré, rétine, nerf optique)
c’est-à-dire faire le fond d’œil, en interposant une lentille
d’examen, avec ou sans contact (Fig. C.2) ; la lentille contact
comme le classique verre à trois miroirs de Goldmann est peu uti-
lisé désormais compte tenu de la qualité des verres non contacts
 Annexe C. Comment on examine et des techniques d’imagerie. L’examen du fond d’œil peut se faire
aussi par une autre technique : ophtalmoscopie directe au moyen
les yeux ? d’un ophtalmoscope (l’image est agrandie avec un petit champ de
vision) ou ophtalmoscopie directe avec une lentille spécifique et
L’examen ophtalmologique et orthoptique est à la fois simple
une source de lumière qui peut être un casque, l’ophtalmoscope
et complexe, car il mesure un système fonctionnel sensoriel et
direct, voire même l’éclairage d’un smartphone (Fig. C.3).
moteur, et est aidé par une multitude d’examens complémentaires
fonctionnels et d’imagerie. L’examen simple est un examen de la
réfraction et de l’intégrité anatomique de l’œil ; si la vision est
normale (> 12/10, pas de défaut réfractif, pas de trouble moteur, Mesure de la tension oculaire
pas de signe fonctionnel, tension oculaire normale), il n’y a pas
besoin d’examen complémentaire. Par aplanation ou en méthode non contact ; la normale de
valeur est entre 10 et 24 mmHg, mais l’appréciation de la mesure
dépend de l’épaisseur de la cornée mesurée par un pachymètre
Examen clinique (normale entre 500 et 550 ␮m).

Examen réfractif
Réfraction objective et subjective ; on détermine la formule de Examen oculomoteur et de la vision
réfraction éventuelle qui permet d’obtenir > 12/10. La réfraction
objective exacte nécessite de mettre au repos l’accommodation en binoculaire (examen orthoptique)
instillant des collyres cycloplégiant (atropine ou cyclopentolate), La normalité d’objective par un test de l’écran, une mesure de la
ce qui est obligatoire chez l’enfant. vision binoculaire (test TNO, Lang, Frisby, Wirt et Titmus...) et une
mesure de la motilité ; si besoin, des examens complémentaires
Examen anatomique orthoptiques sont pratiqués : déviométrie, synoptophore, synop-
Grâce à une lampe à fente (Fig. C.1). tomètre, tests de correspondance rétinienne (Bagolini, post
La lampe à fente est un microscope qui permet d’examiner image), coordimétre de Hess Weiss (« Lancaster », mesure de la
l’œil avec une fente lumineuse de taille variable ; cela permet torsion oculaire Fig. C.4).

EMC - Pédiatrie 25
4-120-A-10  Troubles ophtalmologiques chez l’enfant

Figure C.6. Rétinographie grand champ.

Privation monoculaire Privation


de contraste
Amblyopie

Anisométropie Privation de hautes


fréquences spatiales
Figure C.5. Optical Coherence Tomography (OCT) (diabète). Amblyopie

Examens paracliniques Strabisme


Suppression
Les examens paracliniques ophtalmologiques sont nombreux, Amblyopie
anatomiques ou fonctionnels, subjectifs ou objectifs, c’est-à-dire
dépendant ou pas de la participation du sujet ; le critère d’âge est
aussi fondamental, car une compréhension est nécessaire ; ainsi,
il est inutile de demander un champ visuel à un patient en réani- Figure D.1. Causes d’ambyopie. Modèle classique pour expliquer
mation ou la mesure d’une vision des couleurs chez un enfant de l’amblyopie (d’après Barret et al. [37] ).
2 ans.

Mesure de la vision des couleurs • à l’âge préverbal, la problématique est le traitement préven-
tif de l’amblyopie monoculaire, bi-oculaire et binoculaire, en
Examens électrophysiologiques : électro-oculogramme, électroré- fonction du risque ;
tinogramme, potentiels évoqués visuels : on stimule visuellement • à l’âge verbal, le traitement de l’amblyopie monoculaire est
les yeux et on enregistre respectivement l’activité électrique de curatif : traitement d’attaque, traitement d’entretien, préven-
l’épithélium pigmentaire, de la rétine, des voies visuelles (incluant tion de la récidive ; le traitement de l’amblyopie binoculaire
la rétine centrale maculaire). requiert une chirurgie entre 4 et 6 ans dans le strabisme accom-
Imagerie rétinienne : modatif partiel ;
• clichés anérythres en couleur bleu, rouge ou verte, cliché • le traitement est long jusqu’à la fin de la période sensible du
en couleur, autofluorescence pour rechercher une pathologie développement visuel à la fin de la première décennie de la vie.
maculaire ;
• angiographie à la fluorescéine ou au vert d’indocyanine ;
• OCT (tomographie en cohérence optique) qui donne une image
des couches de la rétine (Fig. C.5).  Annexe E. Handicap visuel
L’imagerie rétinienne a été révolutionnée par les techniques
grands champs (Fig. C.6). L’ophtalmologiste qui prend en charge des enfants avec troubles
Imagerie cornéenne : OCT du segment antérieur, topographie de la vision a un rôle majeur d’accompagnement du handicap
cornéenne, microscopie spéculaire pour compter le nombre de visuel éventuel.
cellules endothéliales... Même en l’absence de traitement d’une maladie ophtalmo-
Champ visuel statique (30◦ centraux) dans un glaucome logique, même en l’absence de simple besoin de lunettes,
ou périmétrique (« Goldman ») dans un problème neuro- l’accompagnement sur le long terme et l’évaluation régulière de
ophtalmologique. la fonction visuelle sont nécessaires.
Échographie mode A, mode B, mode UBM (haute résolution du Ceci dit amblyopie ou strabisme voire même cécité unilatérale
segment antérieur). ne signifie pas obligatoirement handicap visuel.
Scanner, IRM. Un enfant qui a une fonction visuelle non « optimale », non
« normale », ne doit pas forcément avoir l’étiquette de « handi-
capé », que l’on remplisse ou non un certificat MDPH (https://
 Annexe D. Qu’est-ce que handicap.paris.fr/documents/2019/03/certificat-ophtalmo.pdf)
et il faut faire attention au prononcé des mots et ce que peut
l’amblyopie ? ressentir l’enfant sur lui-même, sur sa fonction visuelle, sur sa
différence avec ses camarades.
L’amblyopie est « une diminution plus ou moins sévère de la Un enfant est « aveugle » si sa vision est inférieure à 1/20, avec
fonction visuelle du fait d’une altération précoce de l’expérience ses deux yeux ; il est malvoyant si sa vision est entre 1/20 et 3/10
visuelle, le plus souvent asymétrique, par privation d’une image avec ses deux yeux. Ce qui signifie qu’un patient n’est pas aveugle
et/ou perturbation du lien binoculaire par strabisme et/ou aniso- si sa vision d’un œil est de 12/10 et nulle de l’autre ; un enfant n’est
métropie, avec ou sans anomalie anatomique de l’œil et/ou des pas malvoyant s’il a un œil amblyope à 2/10 et l’autre à 10/10.
voies visuelles retrouvée. » Il faut parfois informer les parents et les enseignants que tout
Les amblyopies sont monoculaire, bi-oculaire et/ou binocu- trouble visuel ne signifie pas handicap, et qu’un enfant réellement
laire : malvoyant avec 2 ou 3/10 par exemple ne requiert pas toujours
• les trois causes d’amblyopie sont : la privation d’une image, une (plutôt rarement et que si autre handicap associé) une scolarité
cause réfractive (anisométropie), strabisme (Fig. D.1) ; particulière.

26 EMC - Pédiatrie
Troubles ophtalmologiques chez l’enfant  4-120-A-10

Un enfant qui a 2 ou 3/10 n’aura pas forcément besoin – en [7] Bisker ER, McClelland CM, Brown LW, Liu GT. The long-term outcomes
l’absence d’autre handicap associé – d’auxiliaire de vie scolaire of ocular tics in a pediatric neuro-ophthalmology practice. J AAPOS
qui serait là pour le surveiller de façon particulière dans la cour de 2014;18:31–5.
récréation ou aider l’enseignant à faire des photocopies agrandies [8] Jaloux C, Malet T, Duquennoy-Martinot V, Bardot J, Casanova D, Ber-
peut-être ? trand B, et al. La paupière malformative chez l’enfant. Ann Chir Plast
Le certificat MDPH a un volet 1 qui est du ressort du médecin Esthet 2016;61:462–79.
[9] Weaver DT. Current management of childhood ptosis. Curr Opin Oph-
traitant, et en cas de handicap justifié par une pathologie oph-
thalmol 2018;29:395–400.
talmologique, ou avec une pathologie ophtalmologique associée, [10] Lim LS, Chua S, Tan PT, Cai S, Chong YS, Kwek K, et al. Eye size and
l’ophtalmologiste remplit le volet 2 ; ce volet n’est pas spécifique shape in newborn children and their relation to axial length and refraction
à l’enfant et ne peut pas être rempli entièrement parfois : acuité at 3 years. Ophthalmic Physiol Opt 2015;35:414–23.
visuelle non mesurable à l’âge préverbal ; champ visuel précis [11] Clergeau G. La réfraction de l’enfant. Cahiers de sensorimotricité. Édi-
impossible avant 6/7 ans. tions FNRO; 2007.
[12] Roth Z, Pandolfo KR, Simon J, Zobal-Ratner J. Headache and refractive
errors in children. J Pediatr Ophthalmol Strabismus 2014;51:177–9.
 Annexe F. Informer les parents [13] Sivaswamy L, Kamat D. Headaches in children. Pediatr Ann 2018;47,
e48-e49.
sur le coût des lunettes [14] Afsari S, Rose KA, Gole GA, Philip K, Leone JF, French A, et al. Pre-
valence of anisometropia and its association with refractive error and
amblyopia in preschool children. Br J Ophthalmol 2013;97:1095–9.
Le traitement réfractif par lunettes est une nécessité absolue s’il
[15] Pascual M, Huang J, Maguire MG, Kulp MT, Quinn GE, Ciner E, et al.
est nécessaire. Il coûte cher et il faut en informer les parents pour Vision In Preschoolers (VIP) Study Group. Risk factors for amblyopia in
qu’ils l’anticipent. the vision in preschoolers study. Ophthalmology 2014;121:622–9.
La sécurité sociale prend en charge chez l’enfant autant [16] Prescott CR, Colby KA. Imaging of pediatric corneal diseases. Semin
d’équipement que nécessaire chez l’enfant de moins de 6 ans, Ophthalmol 2012;27:117–20.
s’il existe une modification significative de la correction, et une [17] Mireskandari K, Tehrani NN, Vandenhoven C, Ali A. Anterior seg-
fois par an entre 6 et 18 ans. Mais cela ne signifie pas que la ment imaging in pediatric ophthalmology. J Cataract Refract Surg
prise en charge est totale et compte tenu des faibles montants 2011;37:2201–10.
de remboursement, il peut exister un reste à charge qu’une éven- [18] Thau A, Lloyd M, Freedman S, Beck A, Grajewski A, Levin AV. New
tuelle mutuelle peut ou pas prendre en charge. Même en cas de classification system for pediatric glaucoma: implications for clinical care
prise en charge en affection de longue durée pour une cataracte and a research registry. Curr Opin Ophthalmol 2018;29:385–94.
[19] Yeung HH, Walton DS. Clinical classification of childhood glaucomas.
congénitale par exemple, la prise en charge des lunettes n’est pas
Arch Ophthalmol 2010;128:680–4.
à 100 %, ce qui peut être problématique avec des équipements
[20] Chen TC, Chen PP, Francis BA, Junk AK, Smith SD, Singh K, et al.
à changer souvent et des dioptries hors normes avec des verres Pediatric glaucoma surgery: a report by the American Academy Of Oph-
onéreux (progressifs, fortes amétropies). thalmology. Ophthalmology 2014;121:2107–15.
Après 18 ans, la prise en charge par la sécurité sociale est déri- [21] Kaur S, Yangzes S, Ram J. Unilateral congenital cataract. J Pediatr Oph-
soire, et seule la mutuelle éventuelle peut prendre en charge thalmol Strabismus 2019;56:60–1.
les lunettes, mais avec des couvertures très variables selon les [22] Nischal KK. State of the art in pediatric cataract surgery. Dev Ophthalmol
contrats. 2016;57:15–28.
Quel est le remboursement des lunettes en 2020 (https://www. [23] Fahim A. Retinitis pigmentosa: recent advances and future directions in
ameli.fr/assure/remboursements/rembourse/optique- diagnosis and management. Curr Opin Pediatr 2018;30:725–33.
audition/lunettes-lentilles) ? [24] Altschwager P, Ambrosio L, Swanson EA, Moskowitz A, Fulton AB.
Taux remboursement SS = 60 % (sur base limitée). Juvenile macular degenerations. Semin Pediatr Neurol 2017;24:104–9.
[25] Kim SJ, Port AD, Swan R, Campbell JP, Chan RV, Chiang MF. Retinopa-
Tarifs inchangés depuis plus de 10 ans.
thy of prematurity: a review of risk factors and their clinical significance.
Avant 6 ans : autant de lunettes que nécessaire, « si l’affection Surv Ophthalmol 2018;63:618–37.
évolue » (par la SS ; mutuelles ne suivent pas forcément). [26] LaMattina KC, Koreishi AF. What is new in paediatric uveitis? Curr Opin
De 6 à 18 ans : une paire par an. Ophthalmol 2018;29:412–8.
Après 18 ans : remboursement dérisoire, mais plus d’une paire [27] Meunier I, Lenaers G, Hamel C, Defoort-Dhellemmes S. Les neuro-
par an « si l’affection évolue ». pathies optiques héréditaires : du signe clinique au diagnostic. J Fr
Verre unifocal (selon puissance sphère et cylindre) : Ophtalmol 2013;36:886–900.
• enfant : de 12,04 à 46,5 D ; [28] Borchert M, Liu GT, Pineles S, Waldman AT. Pediatric optic neuritis:
• adulte : de 2,29 à 9,45 D . what is new. J Neuroophthalmol 2017;37(Suppl. 1). S14-S22.
Verre multifocal (selon puissance sphère) : [29] Novoa M, Baselga E, Beltran S, Giraldo L, Shahbaz A, Pardo-Hernandez
• enfant : de 39,18 à 66,62 D ; H, et al. Interventions for infantile haemangiomas of the skin. Cochrane
Database Syst Rev 2018;(4):CD006545.
• adulte : de 7,32 à 24,54 D .
[30] Dimaras H, Corson TW, Cobrinik D, White A, Zhao J, Munier FL, et al.
Monture :
Retinoblastoma. Nat Rev Dis Primers 2015;1:15021.
• enfant : 30,49 D ; [31] Bui Quoc E, Milleret C. Origins of strabismus and loss of binocular vision.
• adulte : 2,84 D . Front Integr Neurosci 2014;8:71.
Prisme : 16,01 D (incorporé) ; 22,41 D (souple). [32] Gunton KB, Wasserman BN, DeBenedictis C. Strabismus. Prim Care
2015;42:393–407.
[33] Marechal M, Delbarre M, Berguiga M, Benisty D, Froussart-Maille F.
 Références Dyschromatopsies héréditaires : physiologie, classification, diagnostic et
application à l’aéronautique. J Fr Ophtalmol 2019;42:177–88.
[34] Mayouego Kouam J, Epee E, Azria S. Aspects épidémiologiques cli-
[1] Pechereau A. Strabismes. Rapport de la SFO. Paris: Elsevier Masson; niques et thérapeutiques des traumatismes oculaires de l’enfant dans un
2013. service d’urgences ophtalmologiques en Île-de-France. J Fr Ophtalmol
[2] Pascolini D, Mariotti SP. Global estimates of visual impairment. Br J 2015;38:743–51.
Ophthalmol 2010;96:614–8. [35] Abbott J, Shah P. The epidemiology and etiology of pediatric ocular
[3] Rémond AL, Bogaghi B. Conduite automobile et troubles de la vision. trauma. Surv Ophthalmol 2013;58:476–85.
Rev Prat 2017;67:767–73. [36] Good WV. Early Treatment for Retinopathy of Prematurity Cooperative
[4] Smirnov V, Marks C, Defoortdhellemmes S. Photophobie chez l’enfant. Group. Final results of the Early Treatment for Retinopathy of Prematurity
Rev Prat 2019;69:183–7. (ETROP) randomized trial. Trans Am Ophthalmol Soc 2004;102:233–48,
[5] Tumturk A, Kaya Ozcora G, Kacar Bayram A, Kabaklioglu M, Doganay discussion 248-50.
S. Torticollis in children: an alert symptom not to be turned away. Childs [37] Barret, et al. Understanding the neural basis of amblyopia. The Neu-
Nerv Syst 2015;31:1461–70. roscientist 2005. Nantes: Amblyopie, Actes du colloque de la FNRO;
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EMC - Pédiatrie 27
4-120-A-10  Troubles ophtalmologiques chez l’enfant

E. Bui Quoc, Docteur en médecine, PhD, praticien hospitalier (emmanuelbui@outlook.com).


Service d’ophtalmologie, Hôpital universitaire Robert-Debré, 48, boulevard Sérurier, 75019 Paris, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Bui Quoc E. Troubles ophtalmologiques chez l’enfant. EMC - Pédiatrie 2020;0(0):1-24 [Article
4-120-A-10].

Disponibles sur www.em-consulte.com


Arbres Iconographies Vidéos/ Documents Information Informations Auto- Cas
décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations clinique

28 EMC - Pédiatrie
 4-170-C-60

Analgésie postopératoire en chirurgie


pédiatrique
O. Gall, N. Bourdaud

Résumé : Une part croissante des interventions de chirurgie pédiatrique est aujourd’hui réalisée en
ambulatoire ou en hospitalisation de courte durée. Dans ce contexte, l’analgésie postopératoire poursuit
des objectifs de récupération fonctionnelle rapide. Les points suivants nous semblent être importants :
le rôle actif des parents ; l’intérêt des blocs périnerveux et des infiltrations complétés par une sédation
ou une anesthésie générale légère permettant une reprise immédiate des boissons et de l’alimentation ;
la prévention systématique des nausées/vomissements ; la validation du traitement antalgique par voie
orale avant la sortie et à J+1 (appel du lendemain) ; la communication avec le médecin traitant et les
autres intervenants.
© 2021 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : Enfant ; Analgésie ; Douleur postopératoire ; Blocs périnerveux ; Épargne morphinique

Plan l’enfant, en mettant l’accent sur l’ambulatoire. Nous avons délibé-


rément choisi de ne pas aborder les techniques d’analgésie mises
■ Introduction 1 en œuvre en chirurgie lourde (cathéters d’anesthésie locorégio-
nale, PCA morphine, etc.). Pour plus de détails, le lecteur est invité
■ Intensité et durée de la douleur postopératoire après à se reporter à l’article du traité d’anesthésie [3] .
quelques interventions fréquentes en chirurgie pédiatrique 1
■ Évaluation de la douleur 2
■ Information aux parents, consentement 2  Intensité et durée de la douleur
■ Traitement antalgique de première ligne 3
postopératoire après quelques
■ Prévention des nausées et vomissements 3
■ Traitement à domicile 3
interventions fréquentes
■ Éducation des parents 4 en chirurgie pédiatrique
■ Conclusion 4
Après circoncision, cure de hernie inguinale ou cure d’ectopie
■ Annexe A. Échelle pour l’évaluation de la douleur par les testiculaire avec un traitement antalgique standard, 80 à 90 %
parents 4 des patients ont des douleurs absente/faible/modérée le jour de
■ Annexe B. Instructions pratiques 4 l’intervention et des niveaux de douleur plus faibles encore les
jours suivants, sans gêne fonctionnelle importante (Fig. 1) [4] .
Ces interventions sont donc tout à fait compatibles avec une
prise en charge ambulatoire. À l’inverse après amygdalecto-
 Introduction mie, telle qu’elle était pratiquée jusqu’à ces dernières années
(amygdalectomie totale au bistouri électrique), la majorité des
Une part de plus en plus importante de la chirurgie pédiatrique patients présentait des douleurs intenses jusqu’au huitième jour
est aujourd’hui réalisée en ambulatoire ou en hospitalisation de qui interféraient durablement avec l’alimentation et la reprise
courte durée [1] . Cette évolution répond à la fois à une demande d’activité [5] . Il a été montré plus récemment en Suède, que
des parents et à une forte incitation des tutelles. Elle devrait encore lorsque l’amygdalectomie est réalisée non plus radicalement mais
s’accentuer à l’avenir avec une médecine périopératoire centrée partiellement par radiofréquence, la douleur postopératoire est
sur l’amélioration de la récupération fonctionnelle [2] et le déve- nettement moins importante [6] , avec de nouvelles perspectives
loppement de techniques chirurgicales moins invasives. pour la réalisation de cette intervention en ambulatoire.
Les objectifs du traitement médical sont un soulagement En chirurgie abdominale, la chirurgie mini-invasive par lapa-
presque permanent des douleurs, la reprise immédiate des bois- roscopie est associée à une diminution importante des douleurs
sons, d’une alimentation normale et d’une vie normale dans la pariétales, comparé à la laparotomie, permettant de réaliser
journée (activités) ainsi qu’un sommeil réparateur la nuit. appendicectomie et cholécystectomie avec une hospitalisation
Cet article se propose d’envisager les principales étapes du trai- de courte durée. En chirurgie urologique, au-delà de la circon-
tement de la douleur après une intervention chirurgicale chez cision, les uréthroplasties pour hypospadias peuvent être réalisées

EMC - Pédiatrie 1
Volume 41 > n◦ 3 > juillet 2021
http://dx.doi.org/10.1016/S1637-5017(21)79417-8
4-170-C-60  Analgésie postopératoire en chirurgie pédiatrique

Circoncision
Hernie inguinale
100
100
80 80
60 60
40
40
20
20 0
0 J0 J1 J2 J3 J4 J5 J6 J7 J8 J9 J10
J0 J1 J2 J3 J4 J5 J6 J7 J8 J9 J10 douleur intense douleur modérée douleur absente ou faible
douleur intense douleur modérée douleur absente ou faible

Amygdalectomie totale Amygdalectomie partielle


100 100
80 80
60 60
40 40
20 20
0 0
J0 J1 J2 J3 J4 J5 J6 J7 J8 J9 J10 J0 J1 J2 J3 J4 J5 J6 J7 J8 J9 J10
douleur intense douleur modérée douleur absente ou faible douleur intense douleur modérée douleur absente ou faible

Orchidopexie
100
80
60
40
20
0
J0 J1 J2 J3 J4 J5 J6 J7 J8 J9 J10

douleur intense douleur modérée douleur absente ou faible

Figure 1. Niveaux de douleur après différentes interventions ambulatoires en chirurgie générale et urologique pédiatrique. Les barres d’histogramme
représentent le pourcentage d’enfants ayant des douleurs faibles (1–3), modérées (4–6) et sévères (7–10). Les douleurs absentes ne sont pas représentées
(d’après [4] ).

en ambulatoire sous couvert d’une sonde vésicale laissée entre douleur et la récupération fonctionnelle. Son utilisation suppose
deux couches. La chirurgie mini-invasive robot-assistée permet de un véritable accompagnement et une éducation des parents.
prendre en charge les néphrectomies partielles et les pyéloplasties
en hospitalisation de courte durée.
En orthopédie, la traumatologie, les interventions réparatrices
au membre supérieur sont parfaitement réalisables en ambula-  Information aux parents,
toire. Des études pédiatriques ont montré la faisabilité d’une
analgésie par cathéters périnerveux maintenus à domicile chez
consentement
l’enfant [7, 8] , mais cette pratique reste encore peu développée. Le traitement proposé pour l’analgésie per- et postopératoire est
expliqué aux parents en consultation d’anesthésie. Les bénéfices
attendus d’un bloc périnerveux ou d’autres techniques invasives
 Évaluation de la douleur ainsi que les risques de ces techniques sont exposés en détail afin
de recueillir un consentement.
Elle repose sur l’autoévaluation (échelle numérique simple, En chirurgie ambulatoire, les parents ont un rôle actif dans la
échelle des visages) chez les enfants âgés de plus de 6 ou 7 ans, prise en charge. Les études réalisées montrent une tendance au
capables d’indiquer l’intensité de leur douleur, et sur des échelles sous-dosage et à la non-administration des traitements [10, 11] . Plu-
d’hétéroévaluation chez les enfants plus jeunes [9] . Ces échelles sieurs études soulignent l’intérêt d’une éducation thérapeutique
sont utilisées par les infirmières en cours d’hospitalisation puis des parents en chirurgie ambulatoire [12, 13] .
par les parents à domicile. L’ordonnance de traitement antalgique postopératoire est
L’échelle Postoperative Pain Measure for Parents (PPMP) remise aux parents à la consultation pour qu’ils se rendent à la
(Annexe A) est le principal instrument validé pour l’évaluation pharmacie à l’avance afin que les médicaments soient immédia-
de la douleur par les parents, à domicile. Elle explore à la fois la tement disponibles lors du retour à domicile, après l’intervention.

2 EMC - Pédiatrie
Analgésie postopératoire en chirurgie pédiatrique  4-170-C-60

Tableau 1.
Paracétamol et anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) : formes galéniques destinées à l’enfant.
Posologie Galéniques Commentaires
Paracétamol 15 mg/kg, 4 fois par jour Comprimés, sachets oro-dispersibles, sirop, Voie rectale non recommandée pour
ampoules i.v. traiter la douleur postopératoire
AMM dès la naissance
Ibuprofène 10 mg/kg, 3 fois par jour Comprimés, sachets oro-dispersibles, sirop
AMM 3 mois
Kétoprofène 1 mg/kg, 2 ou 3 fois par jour Comprimés, sirop, ampoules i.v. Consensus professionnel pour utiliser la
AMM 15 ans (IV) forme injectable à partir de 10 kg
Ac Niflumique 20 mg/kg, 2 fois par jour Suppositoires Non recommandé pour traiter la douleur
AMM 6 mois postopératoire

AMM : autorisation de mise sur le marché ; i.v. : voie intraveineuse.

Un compte rendu de la procédure et les consignes postopéra- intraveineuse (titration par bolus de 0,025–0,05 mg/kg, jusqu’à
toires sont donnés aux parents à la sortie. 0,1 mg/kg), avec un délai d’action court, de l’ordre d’une dizaine
de minutes, et une durée d’action courte qui ne masque pas une
récidive d’accès douloureux deux heures plus tard si le traitement
 Traitement antalgique de première ligne est réellement insuffisant.
En chirurgie ambulatoire, les produits injectables n’ont plus de
de première ligne place au-delà des 30 à 60 premières minutes postopératoires. Il
faut privilégier la voie orale et contrôler l’efficacité et la bonne
Le traitement antalgique est multimodal. Il est initié au bloc tolérance du traitement avant la sortie.
opératoire et comporte en première ligne :
• une anesthésie locorégionale en injection unique (bloc de paroi,
bloc périnerveux voire plus rarement anesthésie caudale) ou au  Prévention des nausées
minimum une infiltration du site opératoire par le chirurgien ;
• une dose de dexamethasone ; et vomissements
• une ou plusieurs des molécules suivantes : alpha-2 agoniste
(clonidine, dexmedetomidine), kétamine, lidocaïne par voie Les nausées et vomissements postopératoires ont un impact
intraveineuse, si un bloc périnerveux ou une infiltration ne sont majeur sur la récupération fonctionnelle postopératoire, et
pas réalisés au site opératoire ; peuvent imposer de garder l’enfant à l’hôpital.
• un morphinique, en recours ; Le risque de vomissement postopératoire est évalué sur le score
• une première dose d’anti-inflammatoires non stéroïdiens VPOP.
(AINS) ; La prévention repose sur la dexaméthasone seule ou associée à
• une première dose de paracétamol (idéalement décalée par rap- l’ondansetron, dans les situations à risque élevé [16] .
port à l’AINS pour autoriser ensuite des prises alternées).
La description complète de ces molécules et de leur posologie est
en dehors du cadre de cet article. Dans une perspective de réali-  Traitement à domicile
mentation et de reprise des activités dans les premières heures
postopératoires, les morphiniques sont les agents les plus pénali- L’ordonnance standard, remise aux parents à la consultation
sants de cette liste ; d’une part, à cause des nausées/vomissements, préopératoire, comporte deux agents : ibuprofène et paracétamol,
de la sédation et de l’hypotonie qu’ils induisent et, d’autre part, administrés en alternance par voie orale.
parce qu’ils génèrent paradoxalement une hyperalgésie et des Pour les actes les plus courants de chirurgie ambulatoire (adé-
besoins morphiniques plus importants par la suite. Il est souhai- noïdectomie, circoncision, cure de hernie inguinale, etc.), les
table, en chirurgie ambulatoire pédiatrique, de les utiliser à juste données épidémiologiques présentées au début montrent que les
dose et dans des indications sans doute plus restreintes que par le douleurs intenses, échappant au traitement médical avec un AINS,
passé. sont exceptionnelles et généralement révélatrices d’une compli-
Les corticoïdes, les alpha-2 agonistes (clonidine, dexmedeto- cation [4, 5] . Elles doivent donner lieu à un avis médical.
midine), la kétamine, la lidocaïne intraveineuse ont des effets En cas d’échec du traitement antalgique de première ligne,
de diminution des douleurs postopératoires, d’épargne morphi- l’enfant quitte l’hôpital avec une ordonnance complémentaire de
nique, et de diminution des nausées/vomissements, bien établis morphinique ; ce peut être le tramadol ou la morphine.
chez l’adulte. Chez l’enfant, les bénéfices sont retrouvés dans plu- Ces dernières années, les alertes sanitaires visant les agonistes
sieurs études pour les corticoïdes et les alpha-2 agonistes, plus partiels ont conduit au retrait d’un principe actif qui était peu
discutés pour la kétamine [14] . prescrit en pédiatrie, le dextropropoxyphène, et à une restriction
La dexaméthasone est le corticoïde le mieux étudié, notam- d’autorisation de mise sur le marché (AMM), à partir de l’âge de 12
ment en chirurgie oto-rhino-laryngologique (ORL) (amygda- ans, pour la codéine qui était utilisé beaucoup plus largement [17] .
lectomies). Les effets sur la douleur postopératoire et les L’agoniste partiel qui reste disponible aujourd’hui est le tramadol,
nausées/vomissements apparaissent à faible dose (0,15 mg/kg par en solution buvable à 2,5 mg par goutte, à partir de l’âge de 3 ans
voie intraveineuse) sans que des doses plus importantes soient (Tableau 2). Toutefois le tramadol est l’un des antalgiques morphi-
associées à une meilleure efficacité. niques qui induit le plus de nausées/vomissement et qui par son
Les AINS et le paracétamol ont une efficacité démontrée dans mécanisme d’action sur la recapture des monoamines diminue
le traitement de la douleur postopératoire chez l’enfant comme l’effet de l’ondansetron. En outre, il a été observé que le polymor-
chez l’adulte. L’ibuprofène et le paracétamol en association ont phisme du CYP2D6 peut entraîner des accidents de surdosage avec
été montrés légèrement plus efficaces que l’ibuprofène seul et cette molécule [18] .
nettement plus efficaces que le paracétamol seul [15] . Si le tramadol est mal supporté ou si l’enfant est trop jeune, la
Les posologies usuelles et les formes galéniques destinées à morphine constituera la meilleure option. Elle est disponible sous
l’enfant sont rappelées dans le Tableau 1. Les formes rectales ne forme de sirop à 2 mg/ml et de comprimés à libération immédiate
sont pas recommandées du fait de leur biodisponibilité faible et (Tableau 2).
imprévisible [9] . L’oxycodone est disponible en comprimés à 5 mg, équivalent à
Le meilleur antalgique de secours en cas d’accès douloureux 10 mg de morphine, à partir de l’âge de 18 ans (libération immé-
précoce après l’intervention est la morphine, à faible dose par voie diate) et 12 ans (forme LP). Cette forme à libération prolongée

EMC - Pédiatrie 3
4-170-C-60  Analgésie postopératoire en chirurgie pédiatrique

Tableau 2.
Antalgiques morphiniques formes galéniques destinées à l’enfant.
Posologie Galéniques Commentaires
Tramadol 0,5 à 1 mg/kg, si douleur intense, au Sirop à 2,5 mg par goutte Adaptation posologique et surveillance
maximum 3 fois par jour AMM 3 ans continue en cas de SAOS
Attention à la préparation des doses
Morphine 0,2 mg/kg, si douleur intense au Sirop à 2 mg/ml
maximum 6 fois par jour AMM 3 mois
Oxycodone 0,1 mg/kg, au maximum 6 fois par jour Comprimés Non recommandé pour le traitement de la
AMM 18 ans (libération immédiate), douleur postopératoire
12 ans (forme LP)

AMM : autorisation de mise sur le marché ; SAOS : syndrome d’apnées obstructrices du sommeil.

Tableau 3. Tableau A.1.


Durée du traitement systématique à heure fixe [4, 5] . Postoperative Pain Measure for Parents (PPMP) enfants de 2 à 12 ans.
Intervention Durée du traitement (jour) JOUR/HEURE Cotation
Hernie inguinale 1 Pleurniche ou se plaint plus que d’habitude
Circoncision 1 Pleure plus facilement que d’habitude
Adénoïdectomie et ATT 1 Joue moins que d’habitude
Actes de stomatologie (extractions, 1–2 Ne fait pas les choses qu’il ou elle fait d’habitude
pose de dispositifs orthodontiques) Semble plus inquiet que d’habitude
Orchidopexie 3 Semble plus calme que d’habitude
Actes périphériques orthopédie 3–5 A moins d’énergie que d’habitude
Amygdalectomie 7 Mange moins que d’habitude
Refuse de manger
Tient l’endroit douloureux de son corps
n’a pas d’intérêt par rapport à la morphine pour traiter la douleur
Essaie de ne pas heurter l’endroit douloureux
postopératoire.
La prescription de morphine à domicile soulève plusieurs pro- Gémit ou grogne plus que d’habitude
blèmes : la précision dans la préparation des doses (sirop), le risque A le visage plus congestionné que d’habitude
de surdosage, le devenir des doses non utilisées et conservées par Cherche du réconfort plus que d’habitude
la famille [19] . Même si la crise opioïde n’a pas la même ampleur Prend le médicament qu’il ou elle refuse d’habitude
en Europe et aux États-Unis, le bénéfice/risque doit être pesé au
SCORE GLOBAL
cas par cas.
Chaque item est coté 0 (signe absent) ou I (signe présent), total sur 15.

 Éducation des parents


rurgicale et des comorbidités de l’enfant. Les morphiniques sont
L’administration systématique des traitements et les consignes utilisés à juste dose et dans des indications sans doute plus res-
données en ce sens aux parents ont montré leur supériorité par treintes que par le passé.
rapport à l’administration à la demande [20] .
L’éducation des parents (et dans une certaine mesure de l’enfant
lui-même) améliore l’observance médicamenteuse. Les parents Déclaration de liens d’intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de liens
d’intérêts en relation avec cet article.
sont informés en consultation d’anesthésie de l’importance
d’administrer le traitement à heure fixe le ou les premiers jours,
selon l’intervention chirurgicale (Tableau 3). Les horaires des
prises sont donnés par écrit à la sortie.
La levée du bloc sensitif, 3 à 6 heures après l’intervention,  Annexe A. Échelle
constitue un moment délicat. L’enfant peut ressentir des pico-
tements, des fourmillements ou une sensation de crampe pour l’évaluation de la douleur
douloureuse sans nécessairement être en mesure de les exprimer. par les parents
Ces phénomènes sont atténués par l’AINS et le paracétamol et
du traitement de première ligne, à condition qu’il n’y ait pas de Tableau A.1
rupture dans la continuité du traitement.
Un support écrit (papier ou internet) est utile pour renfor-
cer l’observance de ces instructions (Annexe B). Plusieurs études
pédiatriques soulignent l’intérêt d’une éducation thérapeutique
et d’un suivi post-intervention en chirurgie ambulatoire [12, 13] .  Annexe B. Instructions pratiques
L’appel du lendemain permet de vérifier le soulagement effectif
de la douleur postopératoire, de s’assurer de la bonne observance Repos
du traitement, et le cas échéant de reconvoquer les enfants qui La présence constante d’un adulte est nécessaire le jour de la
ont des douleurs intenses ou des effets secondaires. sortie de l’hôpital.
Trois Cinq jours de repos à la maison sont conseillés, en
limitant les sorties, en évitant la chaleur, les jeux violents, la
 Conclusion collectivité.
Une légère augmentation de la température (38 ◦ C) est fré-
L’analgésie postopératoire intègre aujourd’hui des objectifs de quente. Les médicaments antidouleur vont aider à la normaliser.
récupération fonctionnelle rapide. Le traitement antalgique de Dès qu’il se sentira en forme, votre enfant reprendra de lui-
première ligne est standardisé en fonction de l’intervention chi- même toutes ses activités.

4 EMC - Pédiatrie
Analgésie postopératoire en chirurgie pédiatrique  4-170-C-60

Alimentation [5] Stewart DW, Ragg PG, Sheppard S, Chalkiadis GA. The severity and
duration of postoperative pain and analgesia requirements in children
Votre enfant doit reprendre petit à petit une alimentation nor- after tonsillectomy, orchidopexy, or inguinal hernia repair. Pediatr Anesth
male. Incitez-le à manger et à boire régulièrement, sans le forcer. 2012;22:136–43.
[6] Alm F, Stalfors J, Nerfeldt P, Ericsson E. Patient reported pain-related
outcome measures after tonsil surgery: an analysis of 32,225 children
Nausées et vomissements from the National Tonsil Surgery Register in Sweden 2009-2016. Eur
Arch Otorhinolaryngol 2017;274:3711–22.
Si votre enfant vomit plus de trois fois en l’espace de 12 heures [7] Ludot H, Berger J, Pichenot V, Belouadah L, Madi K, Malinosky JM.
et/ou ne parvient plus à s’hydrater, nous vous recommandons de Continuous peripheral nerve block for postoperative pain control at
consulter sans délai. home: a prospective feasibility study in children. Reg Anesth Pain Med
2008;33:52–6.
[8] Gurnaney H, Kraemer FW, Maxwell L, Muhly WT, Schleelein L, Ganesh
Douleur A. Ambulatory continuous peripheral nerve blocks in children and
adolescents: a longitudinal 8-year single center study. Anesth Analg
L’intervention chirurgicale réalisée chez votre enfant peut pro- 2014;118:621–7.
voquer des douleurs ou une forte gène pendant plusieurs jours. [9] Aubrun F, Nouette Gaulain K, Fletcher E, Belbachir A, Beloeil H,
Nous vous recommandons de donner les médicaments antidou- Carles M, et al. Réactualisation de la recommandation sur la douleur
leur systématiquement pendant Un Deux Trois Cinq jours, postopératoire. https://sfar.org/wp-content/uploads/2016/09/RFE-
selon l’ordonnance n◦ 1 qui vous a été remise en consultation. ANREA-Reactualisation-de-la-recommandation-sur-la-douleur-
Le jour de l’intervention après le retour à la maison, donnez les postoperatoire.pdf.
médicaments antidouleur aux heures indiquées ci-dessous : [10] Kankkunen P, Vehviläinen-Julkunen K, Pietilä A-M, Kokki H, Halonen
• Ibuprofène : à H et à H P. Parents’ perceptions and use of analgesics at home after children’s day
• Paracétamol : à H et à H surgery. Paediatr Anaesth 2003;13:132–40.
Le lendemain et les jours suivants, donner Ibuprofène et Para- [11] Fortier MA, MacLaren JE, Martin SR, Perret-Karimi D, Kain ZN. Pedia-
tric pain after ambulatory surgery: where is the medication? Pediatrics
cétamol en alternance :
2008;124, e588-e595.
• Ibuprofène trois fois par jour : matin (8 h), midi (13 h), soir [12] Kain ZN. Family-centered preparation for surgery improves periopera-
(19 h), pendant les repas. tive outcomes in children: a randomized controlled trial. Anesthesiology
• Paracétamol : entre deux doses d’Ibuprofène et le soir, maxi- 2007;106:65–74.
mum quatre fois par jour. [13] Huntington C, Liossi C, Donaldson AN, Newton JT, Reynolds PA,
Si malgré ce traitement, votre enfant n’est pas soulagé, donnez- Alharatani R, et al. On-line preparatory information for children and
lui en PLUS : their families undergoing dental extractions under general anesthesia:
• Tramadol gouttes, soit mg au maximum trois fois par jour A phase III randomized controlled trial. Paediatr Anaesth 2018;28:
(Ordonnance n◦ 2). 157–66.
Une infirmière de l’équipe vous contactera par téléphone le [14] Michelet D, Hilly J, Skhiri A, Abdat R, Diallo T, Brasher C, et al.
lendemain de l’intervention pour prendre des nouvelles de votre Opioid-sparing effect of ketamine in children: a meta-analysis and
trial sequential analysis of published studies. Paediatr Drugs 2016;18:
enfant et vous aider si nécessaire à mieux soulager sa douleur.
421–33.
[15] Wong I, St John-Green C, Walker SM. Opioid-sparing effects of periope-
rative paracetamol and nonsteroidal anti-inflammatory drugs in children.
 Références Paediatr Anaesth 2013;23:475–95.
[16] Bourdaud N, Devys JM, Bientz J, Lejus C, Hebrard A, Tirel O, et al.
[1] Marie A, Dadure C, Seguret F, Capdevila X. One year of anaesthesia in Development and validation of a risk score to predict the probability of
France: a comprehensive survey based on the national medical informa- postoperative vomiting in pediatric patients: the VPOP score. Paediatr
tion (PMSI) database. Part 2: out-hospital patients. Anaesth Crit Care Anaesth 2014;24:945–52.
Pain Med 2015;34:199–204. [17] HAS. Fiche mémo prise en charge de la douleur chez l’enfant : alternatives
[2] Shinnick JK, Short HL, Heiss KF, Santore MT, Blakely ML, Raval MV. à la codéine. https://www.has-sante.fr.
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[3] Lejus C, Brisard L, Magne C. Stratégie pour l’analgésie postopératoire metabolism after tramadol. Pediatrics 2015;135:e753–5.
de l’enfant. EMC - Anesthésie-Réanimation 2013;11(1):1–11 [Article 36- [19] Monitto CL, Hsu A, Gao S, Vozzo PT, Park PS, Roter D, et al. Opioid pres-
396-C-10]. cribing for the treatment of acute pain in children on hospital discharge.
[4] Wilson CA, Sommerfield D, Drake-Brockman TF, Lagrange C, Ramgo- Anesth Analg 2017;125:2113–22.
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2017;27:1155–64. 243–51.

O. Gall (olivier.gall@aphp.fr).
Service d’anesthésie-réanimation pédiatrique et obstétricale, Hôpital universitaire Necker-Enfants malades, 149, rue de Sèvres, 75743 Paris cedex 15, France.
N. Bourdaud.
Département d’anesthésie pédiatrique et obstétricale, Hôpital Femme-Mère-Enfant, Lyon, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Gall O, Bourdaud N. Analgésie postopératoire en chirurgie pédiatrique. EMC - Pédiatrie 2021;41(3):1-5
[Article 4-170-C-60].

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