Vous êtes sur la page 1sur 8

 7-0840

Corticothérapie en pratique
rhumatologique
G. Nocturne

Résumé : Depuis leur découverte au milieu du XXe siècle, les corticoïdes sont les molécules anti-
inflammatoires de référence. Les indications sont désormais très larges : des maladies auto-immunes
aux pathologies allergiques, en passant par l’oncologie. Si les effets bénéfiques des corticoïdes sont indis-
cutables, leurs effets secondaires sont particulièrement fréquents dans les traitements prolongés. Or ce
sont particulièrement les pathologies ostéoarticulaires qui sont à l’origine de ces prescriptions prolon-
gées. Mieux connaitre les effets secondaires de la corticothérapie permet de prévenir sa morbidité. Ainsi,
l’objectif de cette mise au point est de fournir des connaissances actualisées sur la corticothérapie, ses
effets secondaires et les moyens de les prévenir, en se focalisant sur trois indications rhumatologiques :
polyarthrite rhumatoïde (PR), pseudopolyarthrite rhizomélique (PPR) et artérite à cellules géantes (ACG).
© 2022 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : Corticothérapie ; Glucocorticoïdes ; Polyarthrite rhumatoïde ; Pseudopolyarthrite rhizomélique ;


Artérite à cellules géantes ; Ostéoporose cortico-induite

Plan Encore aujourd’hui, de nouvelles indications sont retenues, avec


le recours à la dexaméthasone chez les patients atteints de Covid-
■ Introduction 1 19 sévères [2] .
On estime que 1 % de la population générale est traitée par cor-
■ Pharmacologie 1
ticothérapie et que ce chiffre atteint 2,5 % chez les 70-79 ans [3] .
Mode d’action 1
La gestion de ce traitement doit ainsi être maîtrisée par tous les
Propriétés 2
professionnels de santé. Si les indications ORL et respiratoires sont
■ Effets secondaires 2 la première cause de prescription, les pathologies ostéoarticulaires
Syndrome de Cushing iatrogène 2 sont à l’origine des prescriptions prolongées. C’est ce type de pres-
Risque infectieux 3 cription qui est la plus pourvoyeuse d’effets secondaires. L’objectif
Complications cardiovasculaires 4 de cette mise au point est de fournir des connaissances actualisées
Complications digestives 4 sur la corticothérapie, ses effets secondaires et les moyens de les
Complications oculaires 4 prévenir, en se focalisant sur trois indications rhumatologiques : la
Complications neuropsychiatriques 4 polyarthrite rhumatoïde (PR), la pseudopolyarthrite rhizomélique
Complications du sevrage 4 (PPR) et l’artérite à cellules géantes (ACG).
■ Modalités d’utilisation au cours de la PR, de la PPR et de l’ACG 4
Au cours de la PR 4
Au cours de la PPR et l’ACG 4
■ Surveillance et mesures préventives d’un patient sous
 Pharmacologie
corticothérapie 5
Bilan pré-thérapeutique 5
Mode d’action
Mesures préventives 5 Les corticoïdes sont solubles et traversent les membranes cel-
Surveillance sous corticothérapie 6 lulaires. Ils parviennent ainsi dans le cytoplasme, où ils vont
Modalités de sevrage 7 s’associer à un récepteur soluble qui se dissocie alors des pro-
■ Conclusion 7 téines de choc thermique. Le complexe corticoïde-récepteur migre
ensuite dans le noyau, où il va se lier à des séquences spécifiques
d’ADN : les éléments de réponses aux glucocorticoïdes. Cette liai-
son à l’ADN va moduler la transcription de gènes cibles, soit en
 Introduction l’activant, soit en l’inhibant. Trois effets majeurs sont décrits [4] :
• induction de la lipocortine I, qui va inhiber la phospholipase
La découverte du cortisol a valu à Kendall, Tadeusz Reich- cytosoliques A2 (cPLA2) et ainsi la voie des prostaglandines et
stein et Hench le prix Nobel de médecine en 1950. La première des leucotriènes, qui participent à l’inflammation ;
application thérapeutique publiée des corticoïdes a été son utili- • induction de la MAP kinase phosphatase 1, qui va inhiber
sation dans la polyarthrite rhumatoïde (PR) [1] . Puis cette classe une kinase pro-inflammatoire (Jun-N-terminal kinase) et activer
thérapeutique s’est rapidement imposée comme molécule anti- cPLA2 ;
inflammatoire de référence, et les indications se sont élargies à la • blocage de la voie NF-␬B.
fois dans le domaine des maladies auto-immunes, des maladies Ainsi, par ces différentes voies, les glucocorticoïdes vont aboutir
inflammatoires, des pathologies allergiques, ou de l’oncologie. au blocage des voies pro-inflammatoires.

EMC - Traité de Médecine Akos 1


Volume 26 > n◦ 1 > janvier 2023
http://dx.doi.org/10.1016/S1634-6939(22)45131-3
© 2023 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 24/02/2023 par Universite Paris 13 Villetaneuse - (326108). Il est interdit et illégal de diffuser ce document.
7-0840  Corticothérapie en pratique rhumatologique

Tableau 1.
Pharmacologie comparée des principaux glucocorticoïdes utilisés en thérapeutique.
Principe actif Nom de la spécialité et voies Activité Activité Équivalence de Demi-vie (heures)
d’administration anti-inflammatoire minéralocorticoïde doses (mg)
Hydrocortisone Hydrocortisone Roussel® 1 1 20 8-12
p.o., i.m., i.v.
Cortisone Cortisone Roussel® 0,8 0,8 25 8-12
p.o.
Prednisone Cortancyl® 4 0,8 5 12-36
p.o.
Prednisolone Hydrocortancyl® , Solupred® 4 0,8 5 12-36
p.o., injectable
Méthylprednisolone Médrol® , Dépomédrol® , 5 0,5 4 12-36
Solumédrol® , Solpredone®
p.o., i.m., i.v., injectable
Triamcinolone Hexatrione® , Kenacort® 5 0 4 12-36
injectable, i.m.
Bétaméthasone Betnesol® , Céléstene® , Diprostène® 25 0 0,75 36-54
p.o., injectable, i.m., i.v.
Dexaméthasone Décadron® , soludécadron® , 25 0 0,75 36-54
Déxaméthasone® , Dectancyl®
p.o., i.m., i.v., injectable
Cortivazol Altim® 60 0 0,3 > 60
injectable

p.o. : per os ; i.m. : intramusculaire ; i.v. : intraveineuse.

Propriétés Tableau 2.
Principaux effets secondaires liés à la corticothérapie.
Les glucocorticoïdes ont un effet sur un grand nombre de fonc- Hypercorticisme Obésité faciotronculaire
tions et de tissus de l’organisme. Certains sont recherchés dans Troubles endocriniens
leur utilisation thérapeutique (activité immunosuppressive, anti- Hypertension artérielle
allergique), d’autres vont être à l’origine des effets secondaires de Hypertriglycéridémie et
la corticothérapie. Parmi les propriétés majeures des glucocorti- hypercatabolisme protéique
coïdes, on peut citer : Complications musculosquelettiques
• l’activité anti-inflammatoire. C’est elle qui est le plus souvent (ostéoporose/fracture, ostéonécrose,
recherchée. L’action anti-inflammatoire des glucocorticoïdes rupture tendineuse, myopathie)
est puissante. Comme évoqué plus haut, elle passe par Complications cutanées
l’inhibition de voies importantes de l’inflammation, comme Augmentation du risque Tout agent infectieux
la voie des prostaglandines et des leucotriènes. Les glucocorti- infectieux
coïdes agissent aux 3 étapes clés de l’inflammation. À la phase Augmentation du risque Augmentation du risque
initiale, ils diminuent la vasodilatation et la perméabilité vas- cardiovasculaire d’événements cardiovasculaires
culaire, diminuant ainsi les phénomènes d’œdème. À la phase Complications digestives Pancréatites
d’état, ils limitent le chimiotactisme et ainsi l’infiltrat inflam- Perforations digestives
matoire. Enfin, à la phase de résolution, ils vont limiter la
Complications oculaires Cataracte
prolifération fibroblastique et ainsi la mise en place de la fibrose. Glaucome
• l’activité antiallergique. Là encore, il s’agit d’une propriété
Complications Hyperexcitabilité, insomnie
recherchée dans l’utilisation des glucocorticoïdes. Les glucocor-
neuropsychiatriques Épisodes psychotiques aigus
ticoïdes sont capables de bloquer la sécrétion des médiateurs de
l’allergie, comme l’histamine, les leucotriènes. Cette action est Complications du sevrage Syndrome de sevrage
obtenue de manière très rapide ; Insuffisance surrénalienne
• l’activité immunosuppressive. Elle passe par une action très
large des glucocorticoïdes sur les différents acteurs cellulaires
de l’immunité. nologiques. La fréquence et l’intensité de ces effets secondaires
• l’activité métabolique. Les glucocorticoïdes de synthèse ont une varient en fonction du terrain et des modalités de prescription
action hyperglycémiante, une action sur le métabolisme lipi- de la corticothérapie (molécule, voie d’administration, posologie,
dique, en activant la lipolyse, et une action sur le métabolisme durée du traitement), qui sont autant de paramètres sur lesquels le
protidique en stimulant le catabolisme protidique. Par ailleurs, prescripteur peut agir pour limiter la toxicité du traitement. Dans
même si les glucocorticoïdes de synthèse ont été conçus pour une enquête menée chez des patients sous corticothérapie au long
limiter leur effet minéralocorticoïde, cet effet persiste avec cer- cours, l’effet secondaire le plus fréquent était la prise de poids,
taines molécules impactant l’homéostasie hydroélectrolytique. présente chez 90 % des patients [5] . Le lien entre dose utilisée et
Le Tableau 1 résume l’effet glucocorticoïde et minéralocor- fréquence des effets secondaires est parfaitement démontré [5, 6] .
ticoïdes des différentes molécules utilisées en thérapeutique, Chez les patients exposés à de plus faibles posologies (< 7,5 mg/j
ainsi que les équivalences de dose et leur demi-vie. d’équivalent prednisone), c’est la durée de prescription qui est le
principal facteur de risque de la survenue d’effets secondaires [7] .

 Effets secondaires
Syndrome de Cushing iatrogène
Les glucocorticoïdes de synthèse ont donc une action puissante
mais non ciblée et vont ainsi être pourvoyeurs de nombreux effets L’exposition aux glucocorticoïdes de synthèse va provoquer un
secondaires en lien avec leurs propriétés métaboliques et immu- hypercorticisme (Tableau 2).

2 EMC - Traité de Médecine Akos

© 2023 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 24/02/2023 par Universite Paris 13 Villetaneuse - (326108). Il est interdit et illégal de diffuser ce document.
Corticothérapie en pratique rhumatologique  7-0840

Obésité faciotronculaire 5 mg/j d’équivalent prednisone. Elle maximale dans les 6 pre-
miers mois de traitement, d’où la nécessité d’instaurer rapidement
Elle correspond à une anomalie de répartition des graisses au
un traitement préventif afin de pouvoir réduire le risque de frac-
niveau de la partie supérieure du corps qui s’associe à une amyo-
ture [12] .
trophie des ceintures. Les patients présentent alors un visage rond
La corticothérapie prolongée fait partie des causes
avec comblement des creux sus-claviculaires et apparition d’une
d’ostéonécrose aseptique de la tête fémorale. Cette compli-
bosse de bison correspondant à l’accumulation des graisses au
cation survient plus fréquemment lorsque la corticothérapie est
niveau de la nuque. Il peut survenir une lipomatose, hypertrophie
administrée à forte dose, notamment chez les patients trans-
du tissu adipeux qui va s’accumuler dans les tissus, notamment
plantés ou à visée oncologique [13] . La corticothérapie pourrait
dans l’espace épidural, le médiastin, les espaces retro-orbitaires.
entraîner des ruptures tendineuses, décrites le plus souvent au
niveau du tendon d’Achille ou du tendon du long biceps. Une
Troubles endocriniens coprescription avec des fluoroquinolones majore ce risque. Enfin,
La complication endocrinienne majeure est le diabète cortico- chez les enfants et adolescents, la corticothérapie est responsable
induit. Il s’explique par plusieurs effets des glucocorticoïdes : d’un retard de croissance.
• augmentation de la néoglucogenèse hépatique ; Des myopathies cortisoniques peuvent survenir. Il n’y pas de
• augmentation de la protéolyse et de la lipolyse ; relation bien établie avec la posologie de corticoïdes. Elle est
• développement d’une insulinorésistance périphérique ; d’installation insidieuse, indolore et est à l’origine d’un tableau
• atteinte de la cellule bêta du pancréas ; de faiblesse musculaire prédominant aux ceintures, notamment
• action synergique des corticoïdes avec les hormones de stress la ceinture pelvienne [14] . Les examens paracliniques permettent
(glucagon et adrénaline). essentiellement d’éliminer d’autres causes de myopathie, notam-
Il peut survenir, soit une décompensation d’un diabète pré- ment une myopathie inflammatoire. En cas de myopathie
existant, soit l’apparition d’un diabète. On estime qu’en milieu cortisonique, les CPK sont normales, l’EMG montre un tracé
hospitalier près de la moitié des patients sous corticothérapie au myogène, et l’IRM objective une atrophie musculaire sans signe
long cours ont au moins un épisode d’hyperglycémie, et la moitié inflammatoire. Le traitement est le sevrage, puisque cette myopa-
un diabète [8] . Les principaux facteurs de risque de développement thie est généralement réversible à l’arrêt de la corticothérapie.
d’un diabète cortico-induit sont la dose et la durée de la corticothé-
rapie et des facteurs liés au patient, comme l’âge, le sexe masculin, Complications cutanées
l’indice de masse corporelle, l’existence d’une hypertension arté-
Ces complications sont fréquentes [6] . Peuvent survenir une
rielle [9] .
acné, une folliculite bactérienne, des vergetures, une érythrose,
D’autres complications endocriniennes peuvent survenir,
un retard de cicatrisation qui majore le risque de complications
comme l’hirsutisme, une aménorrhée, des troubles de la libido.
infectieuses en postopératoire. On observe également une atro-
phie cutanée qui augmente le risque de plaie. Enfin, on peut
Hypertension artérielle (HTA) observer l’apparition d’un purpura vasculaire ecchymotique : le
Comme pour le diabète, sous corticothérapie peuvent être purpura de Bateman.
observés, soit le déséquilibre d’une HTA préexistante, soit la
révélation d’une HTA de novo. Alors qu’en pratique clinique
cet effet secondaire est bien décrit, les études sont assez rares
Risque infectieux
et anciennes. Dans un travail publié en 1996, il était retrouvé L’augmentation du risque infectieux liée à la corticothérapie
qu’environ 20 % des patients sous corticothérapie majoraient ou est bien connue. Les études les plus récentes démontrent que
développaient une HTA [10] . Le principal facteur de risque reste ce risque est présent même chez les patients exposés à une cor-
la posologie de la corticothérapie. Le type de molécule impacte ticothérapie considérée comme faible dose, c’est-à-dire avec des
également ce risque, puisque les traitements avec effet minéra- posologie inferieures à 5 mg/j d’équivalent prednisone. Ainsi, à
locorticoïde en favorisant la rétention hydrosodée et l’activation partir du registre américain SABER (Safety Assessment in Biologic
du système rénine-angiotensine majorent ce risque. Mais d’autres Therapy), il a pu être établi que le risque d’infection bactérienne
mécanismes indépendants de l’effet minéralocorticoïde peuvent sévère, c’est-à-dire nécessitant une hospitalisation et/ou une anti-
participer au développement de l’HTA, comme l’effet sur le biothérapie par voie intraveineuse, était augmenté, même chez
métabolisme du NO, l’augmentation des résistances vasculaires les patients exposés à moins de 5 mg/j d’équivalent prednisone.
périphériques, le développement d’une apnée du sommeil favori- Le hasard-ratio ajusté d’infection bactérienne sévère dans cette
sée par l’obésité faciotronculaire et l’insulinorésistance. population de patients atteints de PR était ainsi de 1,32 (soit 30 %
d’augmentation de risque) pour une dose inférieure à 5 mg/j, de
Métabolisme lipidique et protéique 1,78 entre 5 et 10 mg/j, de 2,95 au-delà de 10 mg/jour, soit près
Comme indiqué plus haut, les glucocorticoïdes vont moduler de 3 fois plus de risque d’infection bactérienne sévère [15] . Chez
les métabolismes lipidique et protéique. Ainsi, la corticothérapie les patients âgé de plus de 65 ans, il a pu être montré que sous
prolongée va aboutir à une hypertriglycéridémie par augmenta- 5 mg/j d’équivalent prednisone, le risque était présent dès 3 mois
tion de synthèse de triglycérides. Cette hypertriglycéridémie va d’exposition et augmentait progressivement avec la durée de la
participer à la majoration du risque cardiovasculaire, avec un effet corticothérapie : augmentation de 30 %, 46 % et 100 %, après
additif sur les autres complications de la corticothérapie comme respectivement 3 mois, 6 mois et 3 ans d’exposition [16] .
l’HTA, l’obésité, le diabète. L’hypercatabolisme protéique participe Outre les infections bactériennes graves, le risque d’infections
aux complications osseuses, musculaires et cutanées. opportunistes est accru sous corticothérapie. Le risque de
tuberculose est néanmoins débattu. Les études anglo-saxonnes
s’accordent pour une augmentation du risque de réactivation
Complications musculosquelettiques tuberculeuse, avec un risque retrouvé multiplié par 5 chez les
La complication osseuse la plus fréquente sous corticothérapie patients sous corticothérapie [17] . En revanche, le risque de pneu-
est l’ostéoporose. Une fracture vertébrale est détectée chez environ mocystose est bien documenté, avec un risque variable selon la
20 % des patients sous corticothérapie au long cours, soit 3 fois pathologie sous-jacente, avec notamment un risque plus impor-
plus que dans la population du même âge sans corticoïdes [11] . Le tant au cours de vascularites des petits vaisseaux, des myopathies
mécanisme à l’origine de l’ostéoporose cortico-induite est mul- inflammatoires et des connectivites avec atteinte pulmonaire,
tiple et passe à la fois par les effets directs des glucocorticoïdes avec proposition de traitement prophylactique au-delà d’une dose
sur les cellules osseuses avec une réduction de l’activité de for- de 20 mg/j d’équivalent prednisone pendant plus de 1 mois [18] .
mation osseuse par les ostéoblastes et par une augmentation de Au cours de la PR, le risque augmente en fonction de l’âge, de la
l’apoptose des ostéoblastes et des ostéocytes. L’os trabéculaire est dose de corticoïdes et du nombres d’immunosuppresseurs, avec
d’avantage impacté que l’os cortical. La perte osseuse induite un rôle particulier du méthotrexate [19] . Enfin, le risque d’infection
par les corticoïdes survient rapidement après leur initiation, dès virale est également augmenté, notamment pour les virus du

EMC - Traité de Médecine Akos 3


© 2023 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 24/02/2023 par Universite Paris 13 Villetaneuse - (326108). Il est interdit et illégal de diffuser ce document.
7-0840  Corticothérapie en pratique rhumatologique

groupe herpès (HSV, VZV), mais également le risque de réactiva-  Modalités d’utilisation au cours
tion de l’hépatite B, sous forte dose de corticothérapie (> 20 mg/j
d’équivalent prednisone) [20] . de la PR, de la PPR et de l’ACG
Au cours de la PR
Complications cardiovasculaires
La prednisone est la molécule de référence, car certains patients
La corticothérapie au long cours est associée à une augmenta- sont moins améliorés par la prednisolone. Au cours de la PR,
tion du risque cardiovasculaire. Une méta-analyse réalisée chez les corticoïdes ne sont pas un traitement de fond, ce qui signi-
les patients atteints de PR, rhumatisme psoriasique et psoriasis a fie qu’ils n’ont pas vocation à être maintenus au long cours. La
montré que la corticothérapie était associée à un risque augmenté corticothérapie est proposée en traitement d’attaque ou en cas
d’événement cardiovasculaire global (RR = 1,47) ainsi qu’à un de poussée. Selon les recommandations de la Société française de
risque spécifique d’infarctus du myocarde, d’accident vasculaire rhumatologie éditées en 2019, un traitement de fond synthétique
cérébral et d’insuffisance cardiaque [21] . Ce risque cardiovasculaire conventionnel doit être débuté chez tout patient chez qui le diag-
est lié à la fois à l’impact des corticoïdes sur le risque de diabète, nostic de PR a été posé [27] . En première intention, il est proposé un
le risque d’HTA, la prise de poids et le métabolisme lipidique. De traitement par méthotrexate (MTX). Dans l’attente de l’efficacité
manière importante, au cours de la PR, la corticothérapie a été d’un traitement de fond synthétique conventionnel, une cortico-
montrée associée à une augmentation de la mortalité, à partir thérapie orale ou injectable peut être proposée en respectant une
d’une dose seuil de 8 mg/j d’équivalent prednisone [22] . dose cumulée faible, si possible sur une période maximale de 3 à 6
mois. La corticothérapie sera diminuée et arrêtée aussi rapidement
que possible. Le Tableau 3 résume les modalités de prescription de
Complications digestives la corticothérapie au cours de la PR.
Trois types de complications digestives peuvent survenir sous
corticothérapie : le risque d’ulcères, qui est nettement majoré en Au cours de la PPR et l’ACG
cas de coprescription d’anti-inflammatoires non stéroïdiens [23] , le
risque de perforation digestive et le risque de pancréatite aiguë ou La prednisone est la molécule de référence, car de nombreux
chronique. auteurs ont rapporté des cas de résistance partielle à la predniso-
lone. À la différence de la PR, la corticothérapie est au centre du
traitement de la PPR et de l’ACG. Le lien entre PPR et ACG est ténu.
Complications oculaires Elles partagent les mêmes caractéristiques épidémiologiques, avec
un âge de début situé après 50 ans et un pic de fréquence entre
La principale complication oculaire liée à la corticothérapie est
70 et 80 ans. La PPR est une pathologie relativement fréquente,
la cataracte postérieure sous-capsulaire. Elle survient tardivement
puisque sa prévalence est d’environ 6 pour 1 000. L’ACG est plus
mais est fréquente, survenant chez plus de 10 % des patients [24] .
rare, avec une prévalence de 1 pour 1 000. Dans la majorité des cas,
Une hypertonie oculaire pouvant aller jusqu’au glaucome à angle
ces deux pathologies surviennent de manière indépendante. Mais
ouvert peut également survenir sous corticothérapie. Là encore,
chez environ 15 % des patients, elles vont être associées, appa-
il semble que la dose et la durée de la corticothérapie soient les
raissant simultanément ou successivement. Finalement, la PPR et
principaux facteurs de risques. Cette hypertonie est réversible à
l’ACG apparaissent désormais comme deux entités cliniques dis-
l’arrêt du traitement [25] .
tinctes d’une même maladie, pouvant se succéder l’une à l’autre
ou être intriquées, et ayant des pronostics évolutifs différents. Sur
Complications neuropsychiatriques le plan thérapeutique, dans les deux cas, la corticothérapie est au
centre de la prise en charge et constitue même un test diagnos-
Des manifestations neuropsychiatriques dites mineures sur- tique, mais les modalités de prescription et la place des traitements
viennent très fréquemment sous corticothérapie. Il peut s’agir associés varient (Tableau 3).
d’une excitation psychomotrice, d’un effet orexigène, d’une
insomnie, d’une logorrhée. Plus rarement, des complications Au cours de la PPR
psychiatriques sévères peuvent survenir : épisode maniaque,
épisode dépressif caractérisé ou épisode psychotique aigu [26] . Des recommandations de la Société européenne de rhumato-
Ces complications semblent apparaître pour des posologies logie (EULAR) concernant la prise en charge de la PPR ont été
> 40 mg/j d’équivalent prednisone. Elles surviennent générale- établies en 2015 [28] . Il est recommandé d’initier la corticothéra-
ment à l’initiation de la corticothérapie, au cours des 2 premières pie à une posologie de 12,5 à 25 mg/j d’équivalent prednisone. Le
semaines. L’existence d’une maladie psychiatrique sous-jacente schéma thérapeutique s’appuie sur une décroissance progressive
n’apparaît pas clairement comme un facteur de risque. En initiale, avec objectif de posologie de 10 mg/j à 4 à 8 semaine puis
revanche, un épisode psychiatrique lors d’une corticothérapie poursuite de la décroissance pour un arrêt après 9 à 12 mois de
antérieure est un facteur de risque. traitement, obtenue par paliers de baisse de 1 mg toutes les 4 à
6 semaines. En cas de rechute, il est recommandé de monter la
posologie de corticoïdes à la dose prérechute.
Complications du sevrage La place d’un traitement d’épargne cortisonique est discutée
dans ces recommandations. Il s’appuie sur l’ajout de MTX à la
Il faut distinguer le syndrome de sevrage à l’arrêt d’une cortico- dose de 7,5 à 10 mg/semaine. Cette coprescription pourrait être
thérapie et une authentique insuffisance surrénale. Le syndrome proposée aux patients à plus haut risque de rechute et/ou en cas
de sevrage est lié à l’effet toxicomanogène des corticoïdes. Il de comorbidités exposant aux complications de la corticothérapie
regroupe des symptômes non spécifiques de type nausées, fatigue, (diabète compliqué mal équilibré, dépression ou psychose sévère,
douleurs diffuses, humeur dépressive. Il peut être difficile de le ostéoporose fracturaire sévère, HTA sévère). Quatre études ont éva-
différencier d’une insuffisance surrénale, et en cas de doute, il est lué l’intérêt du MTX dans la PPR et 3 d’entre elles démontrent
nécessaire de réaliser un test au Synacthène® , qui sera normal dans un effet positif du MTX versus placebo sur le taux de rémission
cette situation. et/ou le taux de rechute et/ou la dose cumulée de corticoïdes à un
À l’inverse, en cas d’insuffisance surrénale, le test au an [29–31] . Ces éléments justifient la place du MTX dans l’arsenal
Synacthène® est anormal. L’insuffisance surrénale se manifeste thérapeutique.
par une fatigue intense, une hypotension, des signe digestifs à Enfin, la place des inhibiteurs de l’IL-6 est en cours d’évaluation.
type de nausées, diarrhée, douleurs abdominales, myalgies, fièvre, C’est principalement le tocilizumab (TCZ), anticorps monoclonal
confusion. Elle est rare (prévalence de 0,015 à 0,1 %) et se mani- anti-IL-6 récepteur qui est évalué. Le TCZ apparaît efficace dans
feste le plus souvent à partir d’une dose inférieure à 5 mg/j de nombreuses études rétrospectives. Plus récemment, l’étude
d’équivalent prednisone. ouverte TENOR a fait la preuve de son efficacité [32] . Si son intérêt se

4 EMC - Traité de Médecine Akos

© 2023 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 24/02/2023 par Universite Paris 13 Villetaneuse - (326108). Il est interdit et illégal de diffuser ce document.
Corticothérapie en pratique rhumatologique  7-0840

Tableau 3.
Modalités de prescription de la corticothérapie au cours de la PR, de la PPR, de l’ACG.
PR PPR ACG
Nature du traitement Traitement d’attaque/Traitement Traitement de fond Traitement de fond
d’une poussée
Traitement associé Systématiquement : csDMARD En cas de En cas de
(MTX en 1re intention) rechute/corticodépendance et/ou rechute/corticodépendance et/ou
de comorbidités : MTX de comorbidités : TCZ
Molécules En 1re intention : prednisone En 1re intention : prednisone En première intention :
prednisone
Voie d’administration p.o. p.o. p.o.
Si atteinte 1 ou 2 articulations :
injection intra-articulaire
Posologie initiale (équivalent p.o. : 7 à 15 mg/j en fonction du 12,5 (50 kg) à 25 mg/j (100 kg) 40 à 60 mg/j puis décroissance
prednisone) poids et de l’intensité de la puis décroissance progressive progressive
poussée articulaire Au moins 1 mg/kg/j si signes
oculaires
Durée La plus courte possible 9 à 12 mois 12 à 18 mois
Objectif sevrage à 3-6 mois

csDMARD : traitements de fond conventionnels synthétiques ; MTX : méthotrexate ; p.o. : per os.

confirme, il restera à définir sa place dans l’arsenal thérapeutique, (MTX, TCZ) a ainsi toute sa place dans cet objectif de limitation
probablement en deuxième ou troisième ligne chez des patients à des complications de la corticothérapie.
risque de complication de la corticothérapie.
Bilan pré-thérapeutique
Au cours de l’ACG
L’objectif de ce bilan est de rechercher des affections sus-
Les recommandations de l’EULAR pour la prise en charge des
ceptibles de se décompenser sous corticoïdes ou des facteurs
patients atteints d’ACG ont été publiées en 2018 [33] . La posolo-
prédisposant à leurs complications. Il faut rappeler qu’il n’existe
gie initiale de corticothérapie recommandée est de 0,5 à 0,7 mg/j
pas de contre-indication absolue à la mise en route de la cor-
d’équivalent prednisone, soit environ 40 à 60 mg/j. Une posolo-
ticothérapie. Néanmoins, il est nécessaire d’évaluer le rapport
gie plus élevée (1 mg/kg/j) est proposée en cas de manifestations
bénéfice/risque de ce traitement. Ainsi, une infection active est en
ischémiques, en particulier oculaires. La décroissance est par la
principe une contre-indication au moins transitoire à la cortico-
suite progressive, avec objectif 15-20 mg/j à 2-3 mois, et posolo-
thérapie, le temps que l’infection soit maîtrisée par un traitement
gie < 5 mg/j après 1 an de traitement. La durée moyenne de la
approprié. Si l’indication à la corticothérapie est urgente, comme
corticothérapie est de 12 à 18 mois.
dans le cas d’une ACG, il est possible de débuter le traitement tout
Comme dans la PPR, une coprescription peut être envisagée
en prenant en charge les contre-indications relatives, comme un
chez les patients corticorésistants ou corticodépendants, notam-
diabète déséquilibré, une poussée hypertensive, un ulcère gastro-
ment en cas de comorbidités, comme celles évoquées dans la PPR.
duodénal.
Cette fois-ci, c’est le TCZ qui est recommandé avant le MTX. Ce
Le Tableau 4 propose un bilan préthérapeutique à réaliser avant
traitement a désormais l’AMM chez les patients atteints d’ACG.
d’initier une corticothérapie prolongée.
L’étude GIACTA a en effet démontré sa supériorité versus placebo,
en association à une corticothérapie décroissante sur 26 semaines,
en termes de taux de rémission à 52 semaines et d’épargne cor- Mesures préventives
tisonique [34] . Le MTX apparaît comme une alternative au TCZ.
Son utilisation est soutenue par la publication d’études positives, Parmi les complications associées à la corticothérapie, toutes
avec notamment une méta-analyse de 3 essais cliniques, incluant ne se préviennent pas par des mesures spécifiques. Seront donc
161 patients (87 sous MTX et 74 sous placebo), et montrant une abordées ici les mesures pouvant limiter la survenue de ces
diminution du risque de rechute (première ou deuxième rechute) complications, en plus de la réduction de la dose cumulée, qui
chez les patients sous MTX [35] . reste le point essentiel. On abordera les règles hygiénodiététiques,
la prévention de l’ostéoporose cortico-induite et la prévention du
risque infectieux.

 Surveillance et mesures Mesures hygiéno-diététiques


préventives d’un patient sous Afin de limiter les effets métaboliques et musculaires de la cor-
ticothérapie, il est proposé d’adapter le régime alimentaire des
corticothérapie patients en proposant un régime enrichi en calcium et protides,
en diminuant, voire en supprimant, les sucres d’absorption rapide,
Le bilan préthérapeutique et les modalités de suivi d’un patient
en limitant les apports sodés. Par ailleurs, une activité physique
sous corticothérapie dépendent bien entendu de la durée, de la
régulière et adaptée doit être proposée et encouragée.
voie d’administration et de la dose de corticoïdes. Au cours de
la PR, en cas de traitement d’une poussée (< 3 mois) et/ou en
cas d’infiltration locale, il faudra avant tout vérifier l’absence de
Prévention de l’ostéoporose cortico-induite
processus infectieux évolutif et prévenir et surveiller la survenue Des recommandations ont été établies par la Société française
d’une décompensation de diabète. Au cours de la PPR et de l’ACG, de rhumatologie en 2014 [36] . Il est rappelé que la prévention de
le traitement prolongé nécessite un bilan pré-thérapeutique sys- l’ostéoporose cortico-induite doit être effectuée chez tout patient
tématisé, des mesures de prévention et une surveillance régulière débutant une corticothérapie de 3 mois ou plus, quelle que soit
ayant pour objectifs de limiter les complications de la cortico- la dose quotidienne de corticoïdes. Cette évaluation sera répé-
thérapie prolongée. Rappelons encore ici que la meilleure mesure tée au minimum tous les 2 ans si la corticothérapie se prolonge.
de prévention reste le recours à la dose minimale efficace et à Il est nécessaire de rechercher l’âge, les antécédents personnels
la durée la plus brève possible de corticothérapie. L’adjonction de fracture, la dose actuelle et cumulée de corticoïdes, le risque
de traitements à visée d’épargne cortisonique évoquée plus haut de chute et la valeur de la densité minérale osseuse lombaire et

EMC - Traité de Médecine Akos 5


© 2023 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 24/02/2023 par Universite Paris 13 Villetaneuse - (326108). Il est interdit et illégal de diffuser ce document.
7-0840  Corticothérapie en pratique rhumatologique

Tableau 4.
Bilan préthérapeutique et modalités de surveillance chez un patient sous corticothérapie.
Préthérapeutique Surveillance
Clinique Poids, taille, IMC, PA Poids, taille, IMC, PA, température
Recherche de foyers infectieux (ORL, stomatologique, urinaire, Recherche de foyers infectieux (ORL,
etc.) stomatologique, urinaire, etc.)
Vérification du calendrier vaccinal Examen cutané
Séjour prolongé en zone endémie anguillulose Examen musculaire
Recherche d’antécédents digestifs Examen cardiovasculaire
Recherche de facteurs de risque cardiovasculaires Examen ophtalmologique (pression intraoculaire,
Électrocardiogramme si facteurs de risque cardiovasculaires lampe à fente) selon les antécédents
Paraclinique Hémogramme Hémogramme
Ionogramme sanguin Ionogramme sanguin
Glycémie à jeun, HbA1C Bilan lipidique complet à 6 mois
Calcémie, phosphorémie,25(OH)-vitamine D HbA1c tous les 3 mois si diabète
Bilan lipidique Électrophorèse des protéines plasmatiques à 6 mois
Électrophorèse des protéines plasmatiques Ostéodensitométrie au minimum tous les 2 ans
Examen parasitologique des selles uniquement si séjour récent ou
patient originaire d’une région tropicale : anguillulose ?)
Radiographie pulmonaire
Ostéodensitométrie
Radiographies du rachis ou VFA

fémorale. Il est indispensable de savoir que le risque de fracture • absence de fracture ;


ostéoporotique, sous corticoïdes, est déjà élevé, avec une densité • DMO stable ou améliorée ;
osseuse intermédiaire, non basse, c’est-à-dire des T-score compris • dose de prednisone ≤ 7,5 mg/j.
entre–1 et–2,5. De plus, les fractures vertébrales initiales sont peu Il est très utile de demander un avis spécialisé auprès d’un rhu-
symptomatiques au départ et doivent être recherchées par des matologue pour décider de la poursuite ou de la suspension du
radiographies du rachis ou en s’aidant de l’image vertébrale four- traitement.
nie par les densitomètres modernes (technique VFA).
Des mesures générales doivent être proposées à tout patient
débutant une corticothérapie de plus de 3 mois : Prévention du risque infectieux
• recours à la dose minimale efficace de corticoïdes ; Trois types de mesures peuvent être appliqués pour diminuer le
• apports calciques alimentaires (3 produits laitiers par jour) ; risque infectieux en plus de la limitation de la dose cumulée de
• vitamine D pour obtenir une concentration sérique idéale corticoïdes. La première concerne la vaccination. Des recomman-
> 30 ng/ml ou 75 nmol/l) ; dations ont été établies, publiées en 2014 dans le rapport sur la
• activité physique de 30 min par jour ; vaccination des personnes immunodéprimées du Haut Conseil
• arrêt du tabagisme ; de la santé publique, avec une mise à jour en 2019 spécifiant
• limitation de la consommation d’alcool à moins de 7 verres par que, sous corticothérapie prolongée, les vaccins suivants étaient
semaine. recommandés :
Un traitement de fond (bisphosphonate) est indispensable : • vaccin antigrippal ;
• pour les patients fracturés, c’est-à-dire ostéoporotiques ; • vaccin anti-pneumocoque, selon le schéma vaccin 13-valent
• pour les patients âgés de plus de 50 ans, indemnes de fracture puis rappel 2 mois plus tard par vaccin 23-valent ;
mais avec un T-score lombaire ou fémoral <–1 ; • vaccin DTCP, hépatite A, hépatite B, méningocoque C : idem
• pour tous les patients âgés de moins de 50 ans, indemnes de population générale.
fracture mais avec un T-score lombaire ou fémoral <–2,5 Plus récemment, il est rappelé par la FAI2R que la corticothé-
Il est très utile de demander un avis spécialisé auprès d’un rhu- rapie forte dose est une indication à la réalisation du rappel du
matologue si l’indication de traitement ne semble pas évidente, vaccin anti-Covid.
en particulier pour les patients jeunes, de moins de 50 ans, avec À l’inverse, les vaccins vivants (ROR, varicelle, fièvre jaune) sont
une densité osseuse intermédiaire, c’est-à-dire un T-score compris contre-indiqués au-delà d’une dose de 10 mg/j d’équivalent pred-
entre–1 et–2,5. nisone, depuis plus de 2 semaines.
Si un traitement de fond n’est pas prescrit, la surveillance La deuxième mesure à considérer est la prévention du risque de
comporte une première mesure de la densité osseuse 12 mois plus pneumocystose. La corticothérapie seule n’est pas une indication
tard, car certains patients exposés à des corticothérapies fortes à la mise en route d’un traitement préventif par trimethoprime-
(vascularite) peuvent perdre 10 % de leur capital osseux au cours sulfamethoxazole. L’indication se discute donc au cas par cas, avec
de la première année de corticothérapie. un risque plus important de pneumocystose chez les patients avec
Si un traitement de fond est prescrit, le choix peut se porter sur atteinte pulmonaire associée à une maladie autoimmune systé-
un biphosphonate IV (acide zolédronique) ou per os (risédronate mique. Ainsi, dans le cas des patients atteints de PR, PPR ou ACG,
ou alendronate). Mais un biphosphonate IV sera privilégié chez : il n’y a pas d’indication systématique.
• les patients déjà fracturés ; La troisième mesure consiste à effectuer un déparasitage par
• les patients avec une densité osseuse très basse ; ivermectine chez les patients ayant séjourné en zone d’endémie
• les patients non observants, ou avec des troubles cognitifs, ou d’anguillulose.
avec des troubles digestifs.
Le tériparatide n’est indiqué que devant une ostéoporose corti-
sonique évoluée, avec au moins deux fractures vertébrales. Surveillance sous corticothérapie
Le traitement sera initié pour une durée initiale de 2 ans. La
surveillance s’appuiera sur la mesure de la taille, l’adhésion au trai- Le suivi d’un patient sous corticothérapie prolongée comporte
tement et sa tolérance, la recherche de fractures et la mesure de la à la fois l’évaluation de l’efficacité du traitement, qui dépend bien
densité osseuse. Une recherche de fracture vertébrale sera réalisée entendu de la pathologie à l’origine de la prescription, et de la
en cas rachialgies et/ou perte de taille supérieure à 2 cm. Après tolérance de cette corticothérapie visant à dépister la survenue
deux ans de traitement, le bisphosphonate peut être suspendu si de complication. Le Tableau 4 résume les éléments cliniques et
les conditions suivantes sont réunies : paracliniques à surveiller.

6 EMC - Traité de Médecine Akos

© 2023 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 24/02/2023 par Universite Paris 13 Villetaneuse - (326108). Il est interdit et illégal de diffuser ce document.
Corticothérapie en pratique rhumatologique  7-0840

Modalités de sevrage [6] Huscher D, Thiele K, Gromnica-Ihle E, Hein G, Demary W, Dreher R,


et al. Dose-related patterns of glucocorticoid-induced side effects. Ann
Une corticothérapie prolongée doit être arrêtée progressive- Rheum Dis 2009;68:1119–24.
ment, d’une part car il existe un risque de rechute de la maladie [7] McDonough AK, Curtis JR, Saag KG. The epidemiology of
inflammatoire sous-jacente au sevrage, et d’autre part pour limiter glucocorticoid-associated adverse events. Curr Opin Rheumatol
le risque d’insuffisance surrénale. Le consensus scientifique n’est 2008;20:131–7.
pas complet, mais les experts s’entendent habituellement sur les [8] Donihi AC, Raval D, Saul M, Korytkowski MT, DeVita MA. Prevalence
and predictors of corticosteroid-related hyperglycemia in hospitalized
points suivants :
patients. Endocr Pract 2006;12:358–62.
• plus la corticothérapie a été massive et prolongée (dose [9] Nakamura H, Fujieda Y, Nakamura A, Atsumi T. How should rheumato-
> 20 mg/j pendant plus de 3 mois), plus le risque d’insuffisance logists manage glucocorticoid-induced hyperglycemia? Mod Rheumatol
surrénale est important ; 2021;31:519–28.
• à partir de 10 mg/j de prednisone, la diminution se fait par [10] Williamson PM, Kelly JJ, Whitworth JA. Dose-response relationships and
palier de 1 mg tous les 2 à 6 semaines ; mineralocorticoid activity in cortisol-induced hypertension in humans. J
• à partir de 5 mg/j de prednisone, il est utile de diminuer par Hypertens Suppl 1996;14:S37–41.
palier de 1 mg toutes les 2 à 6 semaines et de rajouter tous les [11] Rentero ML, Amigo E, Chozas N, Fernández Prada M, Silva-Fernández
midi 20 mg d’hydrocortisone, molécule qui sera stoppée après L, Abad Hernandez MA, et al. Prevalence of fractures in women
la fin de la prednisone et après la réalisation d’une cortisolé- with rheumatoid arthritis and/or systemic lupus erythematosus on
mie à jeun ou d’un test au Synacthène® , confirmant l’absence chronic glucocorticoid therapy. BMC Musculoskelet Disord 2015;
d’insuffisance surrénale. Cette option très sécuritaire oblige à 16:300.
[12] van Staa TP, Leufkens HGM, Cooper C. The epidemiology of
bien expliquer au patient la superposition des deux traitements
corticosteroid-induced osteoporosis: a meta-analysis. Osteoporos Int
pendant environ 5 à 6 mois ; 2002;13:777–87.
• l’autre stratégie consiste à remplacer la prednisone réduite à [13] Basic-Kinda S, Karlak I, Durakovic N, Lubina ZI, Livaja Radman I, Dotlic
5 mg/jour par l’hydrocortisone 20 mg/j puis de réaliser une cor- S, et al. High incidence of aseptic hip necrosis in Hodgkin lymphoma
tisolémie à jeun ou un test au Synacthène® . Cette option expose patients treated with escalated BEACOPP receiving methylprednisolone.
toutefois à une rechute des douleurs si la maladie inflammatoire Intern Med J 2018;48:523–9.
n’est pas totalement maîtrisée ; [14] Pereira RMR, Freire de Carvalho J. Glucocorticoid-induced myopathy.
• si le test au Synacthène® est anormal, il est prudent de mainte- Joint Bone Spine 2011;78:41–4.
nir l’hydrocortisone pendant 6 mois complémentaires puis de [15] Grijalva CG, Chen L, Delzell E, Baddley JW, Beukelman T, Winthrop
refaire le test. KL, et al. Initiation of tumor necrosis factor-␣ antagonists and the risk of
Quelle que soit la stratégie choisie, il est essentiel de fournir hospitalization for infection in patients with autoimmune diseases. JAMA
une information au patient sur les signes d’insuffisance surrénale, 2011;306:2331–9.
[16] Dixon WG, Abrahamowicz M, Beauchamp M-E, Ray DW, Bernatsky S,
cette complication restant rare actuellement.
Suissa S, et al. Immediate and delayed impact of oral glucocorticoid
therapy on risk of serious infection in older patients with rheuma-
toid arthritis: a nested case-control analysis. Ann Rheum Dis 2012;71:
1128–33.
 Conclusion [17] Jick SS, Lieberman ES, Rahman MU, Choi HK. Glucocorticoid use,
other associated factors, and the risk of tuberculosis. Arthritis Rheum
La corticothérapie reste encore au centre de la prise en charge 2006;55:19–26.
de beaucoup de pathologies, notamment de rhumatismes inflam- [18] Ghembaza A, Vautier M, Cacoub P, Pourcher V, Saadoun D.
matoires et de maladies systémiques. Néanmoins, il est désormais Risk factors and prevention of Pneumocystis jirovecii pneumonia in
bien établi que l’exposition prolongée, même à des doses consi- patients with autoimmune and inflammatory diseases. Chest 2020;158:
dérées jusqu’alors comme faible (5 mg d’équivalent prednisone), 2323–32.
est associée à la survenue d’effets secondaires. La connaissance de [19] Yukawa K, Nagamoto Y, Watanabe H, Funaki M, Iwahashi M,
ces effets secondaires est essentielle afin de pouvoir les dépister Yamana J, et al. Risk factors for Pneumocystis jirovecii pneumonia
in patients with rheumatoid arthritis and a prophylactic indica-
et les prévenir. La meilleure mesure de prévention reste la limita-
tion of trimethoprim/sulfamethoxazole. J Clin Rheumatol 2018;24:
tion de la dose cumulée de corticoïdes en utilisant si nécessaire 355–60.
des traitements d’épargne comme proposés au cours de la PR, de [20] Pattullo V. Prevention of Hepatitis B reactivation in the setting of immu-
la PPR et de l’ACG. En outre, des mesures spécifiques doivent être nosuppression. Clin Mol Hepatol 2016;22:219–37.
proposées aux patients afin de limiter les effets secondaires osseux [21] Roubille C, Richer V, Starnino T, McCourt C, McFarlane A, Fleming
et infectieux. P, et al. The effects of tumour necrosis factor inhibitors, metho-
trexate, non-steroidal anti-inflammatory drugs and corticosteroids on
cardiovascular events in rheumatoid arthritis, psoriasis and psoriatic
Déclaration de liens d’intérêts : l’auteur a reçu des honoraires de Novartis, arthritis: a systematic review and meta-analysis. Ann Rheum Dis 2015;74:
Lilly et UCB. 480–9.
[22] del Rincón I, Battafarano DF, Restrepo JF, Erikson JM, Escalante A.
Glucocorticoid dose thresholds associated with all-cause and cardio-
vascular mortality in rheumatoid arthritis. Arthritis Rheumatol 2014;66:
 Références [23]
264–72.
Garcia Rodríguez LA, Hernández-Díaz S. The risk of upper gastroin-
testinal complications associated with nonsteroidal anti-inflammatory
[1] Hench PS, Kendall EC. The effect of a hormone of the adrenal cortex
drugs, glucocorticoids, acetaminophen, and combinations of these agents.
(17-hydroxy-11-dehydrocorticosterone; compound E) and of pituitary
Arthritis Res 2001;3:98–101.
adrenocorticotropic hormone on rheumatoid arthritis. Proc Staff Meet
[24] Wang JJ, Rochtchina E, Tan AG, Cumming RG, Leeder SR, Mitchell P.
Mayo Clin 1949;24:181–97.
Use of inhaled and oral corticosteroids and the long-term risk of cataract.
[2] RECOVERY Collaborative Group.Horby P, Lim WS, Emberson JR, Maf- Ophthalmology 2009;116:652–7.
ham M, Bell JL, et al. Dexamethasone in hospitalized patients with [25] Fel A, Aslangul E, Le Jeunne C. Indications et complications des
Covid-19. N Engl J Med 2021;384:693–704. corticoïdes en ophtalmologie. EMC - La Presse Médicale 2012;41:
[3] van Staa TP, Leufkens HG, Abenhaim L, Begaud B, Zhang B, Cooper 414–21.
C. Use of oral corticosteroids in the United Kingdom. QJM 2000;93: [26] Ricoux A, Guitteny-Collas M, Sauvaget A, Delvot P, Pottier P, Hami-
105–11. dou M, et al. Oral glucocorticoid-induced psychiatric side-effects: focus
[4] Hardy RS, Raza K, Cooper MS. Therapeutic glucocorticoids: on clinical specificities, incidence, risk factors and treatment. Rev Med
mechanisms of actions in rheumatic diseases. Nat Rev Rheumatol Interne 2013;34:293–302.
2020;16:133–44. [27] Daien C, Hua C, Gaujoux-Viala C, Cantagrel A, Dubremetz M, Dougados
[5] Curtis JR, Westfall AO, Allison J, Bijlsma JW, Freeman A, George V, et al. M, et al. Actualisation des Recommandations de la Société française de
Population-based assessment of adverse events associated with long-term rhumatologie pour la prise en charge de la polyarthrite rhumatoïde. Rev
glucocorticoid use. Arthritis Rheum 2006;55:420–6. Rhum 2019;86:8–24.

EMC - Traité de Médecine Akos 7


© 2023 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 24/02/2023 par Universite Paris 13 Villetaneuse - (326108). Il est interdit et illégal de diffuser ce document.
7-0840  Corticothérapie en pratique rhumatologique

[28] Dejaco C, Singh YP, Perel P, Hutchings A, Camellino D, Mackie [32] Devauchelle-Pensec V, Berthelot JM, Cornec D, Renaudineau Y, Marha-
S, et al. 2015 Recommendations for the management of polymyalgia dour T, Jousse-Joulin S, et al. Efficacy of first-line tocilizumab therapy
rheumatica: a European League Against Rheumatism/American Col- in early polymyalgia rheumatica: a prospective longitudinal study. Ann
lege of Rheumatology collaborative initiative. Ann Rheum Dis 2015;74: Rheum Dis 2016;75:1506–10.
1799–807. [33] Hellmich B, Agueda A, Monti S, Buttgereit F, Boysson Hde, Brouwer E,
[29] Caporali R, Cimmino MA, Ferraccioli G, Gerli R, Klersy C, Salva- et al. 2018 Update of the EULAR recommendations for the management
rani C, et al. Prednisone plus methotrexate for polymyalgia rheumatica: of large vessel vasculitis. Ann Rheum Dis 2020;79:19–30.
a randomized, double-blind, placebo-controlled trial. Ann Intern Med [34] Stone JH, Tuckwell K, Dimonaco S, Klearman M, Aringer M, Block-
2004;141:493–500. mans D, et al. Trial of tocilizumab in giant-cell arteritis. N Engl J Med
[30] Ferraccioli G, Salaffi F, De Vita S, Casatta L, Bartoli E. Methotrexate 2017;377:317–28.
in polymyalgia rheumatica: preliminary results of an open, randomized [35] Mahr AD, Jover JA, Spiera RF, Hernández-García C, Fernández-
study. J Rheumatol 1996;23:624–8. Gutiérrez B, Lavalley MP, et al. Adjunctive methotrexate for treatment
[31] Carvajal Alegria G, Guellec D, Devauchelle-Pensec V, Saraux A. of giant cell arteritis: an individual patient data meta-analysis. Arthritis
Pseudo-polyarthrite rhizomélique et artérite à cellules géantes en 2019. Rheum 2007;56:2789–97.
EMC - Revue du Rhumatisme Monographies 2019;86(3);199–206. Cité [36] Briot K, Cortet B, Roux C, Fardet L, Abitbol V, Bacchetta J, et al.
le 2 novembre 2021. Disponible sur : www.em-consulte.com/article/ 2014 update of recommendations on the prevention and treatment of
1284709/pseudo-polyarthrite-rhizomelique-et-arterite-a-cel. glucocorticoid-induced osteoporosis. Joint Bone Spine 2014;81:493–501.

G. Nocturne (gaetane.nocturne@aphp.fr).
Service de rhumatologie, Hôpital Bicêtre, AP-HP, Université Paris-Saclay, Inserm U1184, 78, rue du Général-Leclerc, 94270 Le Kremlin-Bicêtre, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Nocturne G. Corticothérapie en pratique rhumatologique. EMC - Traité de Médecine Akos 2023;26(1):1-8
[Article 7-0840].

8 EMC - Traité de Médecine Akos

© 2023 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 24/02/2023 par Universite Paris 13 Villetaneuse - (326108). Il est interdit et illégal de diffuser ce document.

Vous aimerez peut-être aussi