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 28-400-Z-10

Cardiopathies et odontostomatologie.
Problèmes de prophylaxie
des endocardites infectieuses en fonction
des valvulopathies
H. Boukaïs, W. Zerrouki, F. Daimellah

Le lien entre cavité buccale et endocardite infectieuse a été établi depuis longtemps. Ainsi, certains gestes
thérapeutiques de cette sphère, en tant que responsables de bactériémie, ont été considérés comme
des étiologies potentielles des endocardites infectieuses. Cependant, les progrès de la médecine buccale
et de la microbiologie ont permis de comprendre que ces gestes ne sont pas les seuls responsables
des infections endocarditiques, puisque des actes quotidiens de la vie courante (brossage dentaire et
mastication) sont eux aussi générateurs de bactériémies, dont l’effet cumulé dans le temps est plus intense
que celui des gestes dentaires. Ces observations ont permis de réfléchir sur l’utilité de l’antibioprophylaxie
lors des actes odontostomatologiques dans la prévention des endocardites infectieuses. Ainsi, plusieurs
recommandations internationales dans ce domaine issues de sociétés savantes se sont succédé et ont
plaidé la restriction progressive à travers le temps de l’antibioprophylaxie, jusqu’à la remettre totalement
en question, en l’absence de preuve de son efficacité, dans les dernières recommandations du National
Institute for Health and Clinical Excellence (NICE) 2008. En pratique, il est prudent, à l’heure actuelle et en
attendant les résultats des essais thérapeutiques éventuels, de recourir à l’antibioprophylaxie en tenant
compte des recommandations actuellement disponibles certes, mais surtout de discuter son indication
au cas par cas, selon d’autres paramètres comme l’hygiène buccale, l’existence d’autres pathologies
générales favorisantes.
© 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Endocardite infectieuse ; Antibioprophylaxie ; Foyers infectieux dentaires ; Extractions dentaires ;
Bactériémies

Plan  Introduction
■ Introduction 1 Parmi les problèmes médicaux que peut rencontrer
■ Rappel anatomique : l’appareil cardiaque 2 l’odontostomatologiste dans sa pratique quotidienne, ceux

liés à une pathologie cardiaque occupent, et de loin, la pre-
Endocardites infectieuses 2
mière place, en raison de la multiplicité et l’importance des
Définition 2
questions soulevées. Celles-ci peuvent être regroupées en trois
Épidémiologie 3
risques : le risque infectieux, le risque hémorragique et le risque
Physiopathologie des endocardites infectieuses 3
syncopal.
Micro-organismes responsables des endocardites infectieuses 4
En raison de l’allongement de l’espérance de vie des popula-
Cardiopathies à risque d’endocardite infectieuse 4
tions, les patients porteurs de cardiopathies vont être de plus
■ Prévention de l’endocardite infectieuse en plus nombreux à consulter en odontostomatologie. Cela
en odontostomatologie 4 impose au chirurgien-dentiste de connaître et de savoir gérer
Gestes et états buccodentaires à risque d’endocardite infectieuse 5 et prévenir les risques et les complications de survenue pos-
Stratégie de la prévention de l’endocardite infectieuse sible chez cette catégorie de patients, lors de leurs prises en
en odontostomatologie 6 charge.
Antibioprophylaxie lors des actes buccodentaires à risque Le risque infectieux est le risque de voir survenir une endo-
d’endocardite infectieuse 7 cardite infectieuse à partir d’un foyer infectieux buccodentaire
■ Perspectives 12 lors d’une manipulation dentaire (extraction, soins) ou à partir
■ Conclusion 12 d’un état de santé buccodentaire déficient (gingivite, brossage,
etc.).

EMC - Médecine buccale 1


Volume 7 > n◦ 3 > juin 2012
http://dx.doi.org/10.1016/S1877-7864(12)57212-5
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Le fait que les endocardites infectieuses ont souvent une


porte d’entrée buccodentaire interpelle directement l’odonto- 12
stomatologiste et leur prévention doit se faire par le maintien 1
13
d’une santé buccodentaire optimale et la mise en état de la cavité
buccale, c’est-à-dire la suppression systématique des foyers suppo- 14
sés à risque (extractions dentaires, soins des caries et traitement 2 15
des parodontopathies) ainsi que par une hygiène rigoureuse [1] .
Lors de la mise en état de la cavité buccale, les actes pourvoyeurs 3 16
de bactériémies ont de tout temps nécessité le recours à une
antibioprophylaxie d’abord pré- et postopératoire, selon les proto-
17
coles issus des anciennes recommandations [2] , puis uniquement
préopératoire [3, 4] , chez des malades porteurs de cardiopathies à 4
4
risque, même si la classification des groupes de cardiopathies à
risque d’endocardite a, elle aussi, subi des modifications. 18
Les indications et les modalités de l’antibioprophylaxie lors des
actes buccodentaires ont, et suscitent encore l’intérêt tant des 19
5
odontostomatologistes que des cardiologues, puisqu’elles conti- 20
6
nuent à faire l’objet de plusieurs travaux et publications, surtout
lors de ces dix dernières années. Le recours ou non à une prescrip- 7
tion antibiotique selon l’acte réalisé et le type de valvuloptahie est
encore débattu, en dépit des recommandations issues des sociétés 21
savantes. Malgré une littérature abondante, produites par des car- 8
diologues et des odontostomatologistes, des zones d’ombre et des 22
interrogations subsistent.
L’objectif principal de cet article est de faire une mise au point 9 23
sur l’antibioprophylaxie des endocardites infectieuses selon le
10
type de pathologie cardiaque et selon les données actuelles de
la littérature. 11

24
 Rappel anatomique : l’appareil
Figure 1. Appareil cardiaque. 1. Tronc brachiocéphalique ; 2. veine
cardiaque cave supérieure ; 3. artère pulmonaire gauche ; 4. veine pulmonaire ;
5. valves pulmonaires ; 6. oreillette droite ; 7. valve auriculoventriculaire
Le cœur, ou muscle cardiaque creux, est formé de quatre cavités (tricuspide) ; 8. cordages tricuspides ; 9. ventricule droit ; 10. pilier de la tri-
intimement liées : deux oreillettes et deux ventricules, groupées cuspide ; 11. veine cave inférieure ; 12. artère carotide primitive ; 13. artère
deux par deux : oreillette gauche–ventricule gauche, oreillette sous-clavière gauche ; 14. crosse de l’aorte ; 15. aorte ; 16. artère pulmo-
droite–ventricule droit. Le ventricule gauche communique avec naire gauche ; 17. tronc de l’artère pulmonaire ; 18. oreillette gauche ;
l’oreillette gauche par les valvules mitrales. Le ventricule droit 19. sinus coronaire ; 20. valve auriculoventriculaire gauche (mitrale) ;
communique avec l’oreillette droite par les valvules tricuspides. 21. ventricule gauche ; 22. septum interventriculaire ; 23. paroi inférieure
Les deux compartiments : oreillette droite-ventricule droit et du ventricule gauche ; 24. aorte descendante.
oreillette gauche-ventricule gauche sont séparés par les cloisons
interauriculaires et interventriculaires de telle manière que le
cœur semble constitué par deux moitiés indépendantes : le cœur
droit et le cœur gauche [5–7] .
Le cœur est constitué de trois tuniques qui sont, de l’extérieur
vers l’intérieur :
• le péricarde : tunique séreuse ;
• le myocarde : tunique musculaire épaisse ;
• l’endocarde : tapis cellulaire dont la structure histologique est
proche de celle de l’endothélium vasculaire.
L’oreillette droite comporte trois orifices : l’orifice de la veine cave
supérieure, l’orifice de la veine cave inférieure et celui du sinus
coronaire. L’appareil tricuspide qui fait communiquer le ventri-
cule droit et l’oreillette droite comprend : l’orifice tricuspide, trois
valves membraneuses et des cordages tendineux. L’orifice pulmo-
naire comporte un anneau fibreux et trois valvules sigmoïdes.
L’oreillette gauche reçoit, sur sa face postérieure, les veines pul-
monaires. L’appareil mitral comprend l’orifice mitral, les deux
valves mitrales et des cordages tendineux (Fig. 1).

 Endocardites infectieuses (Fig. 2, 3)

Définition
On définit l’endocardite infectieuse comme la greffe et la mul-
tiplication microbienne sur un endocarde préalablement lésé ou
sain [8–10] . Cette maladie, décrite pour la première fois en 1885 par
Osler [11] , reste, malgré les progrès atteints dans les domaines de la
prophylaxie et de la chirurgie cardiovasculaire, une maladie grave
et de pronostic réservé, puisque sa mortalité à la phase initiale est
Figure 2. Végétations sur des sigmoïdes aortiques (flèches et cercle).
de l’ordre de 15 % à 26 % [12–14] .

2 EMC - Médecine buccale


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Tableau 1.
Bactéries fréquemment retrouvées dans la cavité buccale [28] .
Genre Espèce
Bactéries anaérobies strictes
Bâtonnets à Gram négatif
Porphyromonas P. gingivalis, P. endodontalis, P. catoniae
Prevotella P. oralis, P. oris, P. buccae, P. corporis,
P. denticola, P. loescheii, P. intermedia,
P. nigrescens, P. melaninogenica
Fusobacterium F. nucleatum spp. nucleatum,
spp. vincentii, spp. polymorphum
Mitsuokella M. dentalis
Selenomonas S. sputigena
Campylobacter C. sputorum, C. rectus, C. curvus
Figure 3. Échographie transœsophagienne montrant des végétations Treponema T. denticola, T. vincentii, T. socranskii
au niveau des sigmoïdes aortiques (flèche). Bacteroides B. forsythus
Bâtonnets à Gram positif
Endocardite infectieuse subaiguë Eubacterium E. alactolyticum, E. lentum, E. yurii
L’endocardite infectieuse subaiguë offre un tableau clinique Propionibacterium P. acnes, P. propionicus, P. jensenii,
d’altération de l’état général évoluant sur plusieurs semaines, avec P. granulosum, P. avidum
amaigrissement, asthénie intense, fièvre persistante, parfois sueurs Lactobacillus L. catenaforme, L. crispatus, L. oris, L. uli,
et frissons. Plus rarement, on retrouve : arthralgies, signes cuta- L. grasseri
nés (pétéchies, faux panaris d’Osler, érythème palmoplantaire,
Actinomyces A. israelii, A. odontolyticus, A. meyeri
placards érythémateux de Janeway, taches de Roth au fond d’œil).
Arachnia A. propionica
Endocardite infectieuse aiguë Coques à Gram négatif
L’endocardite infectieuse aiguë survient chez les malades séjour- Veillonella V. parvula, V. alcalescens
nant en services de réanimation, les toxicomanes par l’usage des Coques à Gram positif
drogues intraveineuses et les immunodéprimés. Elle associe une
Peptostreptococcus P. asaccharolyticus, P. magnus, P. micros,
septicémie et des manifestations cardiaques bruyantes, avec insuffi-
P. anaérobies, P. prevotii
sance valvulaire massive et, presque toujours, installation rapide
d’une insuffisance cardiaque [15–17] . Bactéries anaérobies facultatives
Bâtonnets à Gram négatif
Épidémiologie Eikenella E. corrodens
Capnocytophaga C. ochracea, C. sputigena, C. gingivalis
Même si elle est rare [18, 19] , et malgré les progrès atteints en soins, Actinobacillus A. actinomycetemcomitans
en suivi et dans la prise en charge thérapeutique et prophylactique
Haemophilus H. aphrophilus, H. influenzae,
des patients en cardiologie, l’endocardite infectieuse reste grevée
H. parainfluenzae, H. paraphrophilus,
d’une morbidité et d’une mortalité importantes [20, 21] . Son inci-
H. segnis
dence reste stable de par le monde, elle atteint 25 à 50 cas par
million d’habitants et par an [22, 23] . Bâtonnets à Gram positif
Une étude épidémiologique conduite en France durant l’année Corynebacterium C. xerosis, C. matruchotii
1999 [24] a mis en évidence une incidence annuelle standardisée Actinomyces A. naeslundii, A. viscosus
de 30 cas d’endocardites infectieuses par année et par million
Rothia R. dentocariosa
d’habitants. La même étude rapporte une réduction du nombre
d’endocardites survenant sur valvulopathies préexistantes et une Lactobacillus L. acidophilus, L. brevis, L. buchneri,
recrudescence de celles survenant chez les patients porteurs de L. casei, L. salivarius, L. fermentum
prothèses valvulaires, les sujets immunodéprimés et ceux utili- Coques à Gram négatif
sant les drogues intraveineuses. Selon la même étude, l’homme Neisseria N. flavescens, N. mucosa, N. sicca,
reste plus touché que la femme (60 % à 70 % des cas, avec un âge N. subflava
moyen de 50 à 55 ans). L’adulte après 50 ans constitue la tranche
Branhamella B. catarrhalis
d’âge la plus atteinte.
Une autre étude [25] , qui a évalué l’incidence de l’endocardite Coques à Gram positif
infectieuse en Limousin Poitou-Charentes durant l’année 2000, Streptococcus S. mutans, S. sanguis, S. salivarius,
a confirmé l’augmentation relative de l’atteinte endocarditique S. sobrinus, S. rattus, S. downei, S. mitis,
sur cœur sain ainsi que la réduction de la fréquence de la porte S. milleri, S. oralis, S. intermedius
d’entrée dentaire et de la mortalité. Staphylococcus S. aureus, S. epidermidis
L’endocardite infectieuse peut survenir sur valve naturelle dite Enterococcus E. faecalis, E. faecium
« native » ou sur valve artificielle après remplacement valvulaire.
La valve mitrale est plus touchée que la valve aortique. Les endo-
cardites sur prothèses valvulaires sont de pronostic réservé [26, 27] . (Tableau 1) [28] . Ces micro-organismes, appartenant à la flore buc-
cale saprophyte, sont en état d’équilibre physiologique dans la
cavité buccale. La rupture de cet équilibre crée une pathologie, due
Physiopathologie des endocardites à un développement plus important d’une espèce au détriment
infectieuses d’une autre. Les progrès de la microbiologie ont permis de mieux
connaître actuellement les espèces habituellement responsables
Flore microbienne buccale et milieu buccal de telle ou telle pathologie [29–31] .
La flore microbienne buccale est l’une des plus denses et diver- La plus grande particularité de la flore microbienne buccale
sifiées. Elle est composée de plus de 500 espèces bactériennes réside dans son organisation structurale sous forme de plaque
différentes formant un groupe de micro-organismes hétérogènes dentaire ou de plaque bactérienne. Les bactéries constituant cette

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Tableau 2. Les germes les plus responsables dans la genèse des endocar-
Micro-organismes isolés dans les endocardites infectieuses (résultats de dites infectieuses sont les streptocoques, ils représentent, dans
l’enquête Française 1999) [24] . l’enquête française sur l’endocardite infectieuse [24] , 58 % des
Micro-organismes Pourcentage germes isolés.
Pendant longtemps, la porte d’entrée dentaire a occupé la pre-
Streptocoques : 58 % mière place, puisque les streptocoques oraux se sont révélés les
− streptocoques oraux 17 % plus retrouvés parmi ceux responsables des endocardites infec-
− streptocoques du groupe D 25 %
tieuses et représentaient, à eux seuls, deux tiers des cas [38] . Même
− streptocoques pyogéniques 6%
si les streptocoques demeurent les germes majoritairement isolés
− entérocoques 7%
dans les prélèvements d’endocardites, il n’en demeure pas moins
− autres streptocoques 2%
que les streptocoques oraux sont passés au second rang après
Staphylocoques : 29 % les streptocoques du groupe D, essentiellement les streptocoques
− Staphylococcus aureus 23 % bovis d’origine digestive, dans l’étude française (Tableau 2) [24, 26] .
− staphylocoques à coagulase négative 6% Dans 5 % à 15 % des cas d’endocardites infectieuses, les germes ne
Autres micro-organismes 5% sont pas identifiés, ces endocardites sont appelées « endocardites à
culture négative ». La non-identification du germe dans ces situa-
Deux ou plusieurs micro-organismes 3% tions, malgré des signes très en faveur d’une endocardite, peut
Cultures négatives 5% s’expliquer par :
• la croissance lente de certaines bactéries, comme celles du
groupe HACEK (Haemophilus spp., Actinobacillus actinomyctem-
comitans, Cardiobacterium hominis, Eikenella corrodens, Kingella
plaque entretiennent des interactions entre elles et avec le milieu
kingae), les Brucella, les champignons ;
buccal. Les espèces microbiennes retrouvées dans la plaque micro-
• certaines endocardites à hémocultures conventionnelles tou-
bienne peuvent varier selon l’ancienneté de la plaque. Ainsi,
jours négatives qui sont dues à des bactéries à développement
les bactéries à Gram positif anaérobie facultatives sont prédomi-
intracellulaire obligatoire ou prédominant.
nantes dans une plaque bactérienne jeune et, au fur et à mesure
Parfois, la mise en évidence du germe est rendue difficile par la
que celle-ci se développe, est créé un environnement favorisant le
prescription d’antibiotiques. Les hémocultures sont alors négati-
développement des anaérobies [32, 33] .
vées par ses substances.
Les streptocoques sont les germes les plus dominants de la flore
Les endocardites à staphylocoques, 17 % à 30 % des endocar-
buccale. Nous retrouvons également des lactobacilles et des sta-
dites, sont dues à Staphylococcus aureus (S. aureus). Cette proportion
phylocoques, qui font partie d’une flore compatible avec l’état de
atteint 47 % dans certaines séries américaines [26] . Ces endocardites
santé buccal.
surviennent volontiers chez les patients porteurs de prothèses
La diversité et le polymicrobisme du milieu buccal font de
valvulaires ou de cathéter intraveineux ou encore chez les toxi-
la cavité buccale une source de bactéries pathogènes pour les
comanes.
infections à distance. Les germes agissent soit isolément soit
Une autre étude, celle de Moreillon et al. [23] , a mis en évidence la
simultanément, créant ainsi une infection polymicrobienne [34, 35] .
responsabilité des staphylocoques dans la genèse des endocardites
quel que soit le type de valve (native ou prothétique) et le délai
Bactériémie de survenue de l’endocardite (précoce ou tardive).
La bactériémie désigne la pénétration de germes dans la circula-
tion générale à l’occasion d’une effraction cutanée ou muqueuse. Cardiopathies à risque d’endocardite
Au niveau de la cavité buccale, la bactériémie peut être provoquée
par un acte chirurgical (l’exemple le plus simple et le plus fré- infectieuse
quent étant l’extraction dentaire), ou peut survenir spontanément
Le risque de survenue d’une endocardite infectieuse sur une
lors de la mastication chez des patients atteints d’infections chro-
cardiopathie préexistante est estimé à partir de la fréquence des
niques de la muqueuse buccale telles que les parodontites, c’est ce
endocardites survenues sur ce type de cardiopathie et ce, à partir
qu’on appelle la bactériémie physiologique. Les micro-organismes
des études préalablement conduites. Une cardiopathie est consi-
responsables de ces infections pénètrent le tissu conjonctif et
dérée à risque d’endocardite lorsque la survenue de l’endocardite
la circulation sanguine pour aller se greffer à distance sur des
infectieuse sur cette pathologie cardiaque est supérieure à la
organes prédisposés [36, 37] . C’est l’exemple de l’endocardite infec-
fréquence de l’endocardite infectieuse dans la population géné-
tieuse d’origine buccodentaire.
rale indemne de cardiopathie [39] . Ainsi, trois niveaux de risque
d’endocardite sont définis, tenant compte du risque de survenue
Mécanisme de survenue d’une endocardite d’endocardite infectieuse et de sa sévérité (mortalité et morbi-
infectieuse dités). Les recommandations françaises sur la prophylaxie de
l’endocardite infectieuse de 1992, revues en 2002 [40] et les recom-
C’est à partir d’une bactériémie que se constituent les lésions mandations de l’American Heart Association de 2007 [41] ont
endocarditiques. La porte d’entrée peut être buccodentaire, oto- permis d’adopter la classification suivante (Tableau 3) :
rhino-laryngologique, urinaire, cutanée ou iatrogène (cathéter, • les cardiopathies à haut risque d’endocardite : ce groupe
pacemakers, etc.). Les germes issus de la bactériémie et dotés d’un comprend les pathologies cardiaques fortement pourvoyeuses
pouvoir d’adhésion se localisent secondairement sur l’endocarde d’endocardites infectieuses, dont la mortalité et la morbidité
lésé et qui, très souvent, comporte des anfractuosités, pour former, sont très élevées ;
avec l’agrégat fibrinoplaquettaire, les végétations (Fig. 2, 3). Les • les cardiopathies à risque modéré ou moins élevé
complications de telles lésions sont de plusieurs ordres : destruc- d’endocardite : la fréquence, la sévérité de l’endocardite
tion de l’appareil valvulaire cardiaque, propagation de l’infection dans ce groupe est moindre comparée au groupe précédent ;
et formation d’emboles à distance, complications rénales et mani- • les cardiopathies à risque faible d’endocardite ou sans risque
festations cutanées. particulier.

Micro-organismes responsables  Prévention de l’endocardite


des endocardites infectieuses (Tableau 2)
infectieuse en odontostomatologie
En pratique, dès qu’une endocardite infectieuse est fortement
suspectée, les hémocultures sont pratiquées pour identifier les La prévention de l’endocardite infectieuse en général et par
germes en cause et établir un antibiogramme. l’odontostomatologiste en particulier reste une priorité puisque

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Tableau 3.
Classification du risque oslérien liée aux cardiopathies et évolution des recommandations de l’antibioprophylaxie proposée par la Société de pathologie
infectieuse de langue française (SPILF) et l’American Heart Association (AHA).
Cardiopathies à haut risque Cardiopathies à risque modéré Cardiopathies sans risque ou à faible
d’endocardite d’endocardite risque d’endocardite
Antibioprophylaxie : Antibioprophylaxie : Antibioprophylaxie :
− recommandée selon la SPILF 1992 [72] − recommandée selon la SPILF 1992 − inutile selon la SPILF 1992
− recommandée selon la SPILF 2002 [40] − optionnelle la SPILF 2002 − inutile selon la SPILF 2002
− recommandée selon l’AHA 2007 [41] − inutile selon l’AHA 2007 − inutile selon l’AHA 2007

la cavité buccale et les pathologies qui l’affectent ont de tout Tableau 4.


temps été responsables dans la genèse des endocardites infec- Pourcentages des hémocultures positives après les actes buccoden-
tieuses. Devant la mortalité et la morbidité encore importantes taires [21] .
de cette pathologie et le coût élevé de sa prise en charge thérapeu- Actes buccodentaires Pourcentage des
tique hospitalière [42] , la prévention reste le meilleur traitement, le hémocultures positives
chirurgien-dentiste en est directement concerné (Fig. 4).
Mastication 17-51 %
Brossage dentaire ou irrigation 0-50 %
Gestes et états buccodentaires à risque
Utilisation de soie dentaire 20-60 %
d’endocardite infectieuse
Examen buccodentaire 17 %
Gestes à risque
Polissage des dents 24 %
Tous les gestes sanglants sont pourvoyeurs de bactériémie sus-
Anesthésie locale intraligamentaire 97 %
ceptible de provoquer une endocardite infectieuse. Cependant,
l’intensité de la bactériémie n’est pas identique pour toutes les Mise en place de matrice 32 %
procédures dentaires effectuées dans la cavité buccale. La charge
Mise en place de digue 30 %
microbienne introduite dans la circulation sanguine générale à
la suite d’un acte buccodentaire n’est pas toujours la même et Forage lent 12 %
est difficile à quantifier, puisqu’elle dépend de plusieurs para- Forage rapide 4%
mètres. Cela implique que l’identification des gestes à risque
d’endocardite infectieuse tienne compte, elle aussi, de plusieurs Extraction dentaire simple 18-94 %
facteurs, comme [43] : Extractions dentaires multiples 10-85 %
• le caractère infecté ou non de la zone siège de l’acte ;
• la fréquence des endocardites induites par l’acte en question, Détartrage 17-70 %
rapportées dans la littérature ; Chirurgie parodontale 32-88 %
• la durée de la bactériémie.
Les études, qui ont évalué les bactériémies induites par un geste Utilisation d’instruments d’endodontie 20-42 %
invasif de la cavité buccale (exemple extraction dentaire), ont Ablation des fils de sutures 5%
rapporté des résultats très divergents. Pour la même procédure,
Traitement endodontique 42 %
la fréquence de la bactériémie varie de 10 % à 95 % selon les
séries [44–46] . Une synthèse des études de la littérature se rappor-
tant aux bactériémies provoquées par les actes buccodentaires est
résumée sur le Tableau 4 [22] . infectieuse [47] . De ce fait, la classification des gestes buccoden-
De plus, aucune étude n’a permis de mettre en évidence taires à risque d’endocardite infectieuse n’est pas fondée sur des
un quelconque lien entre l’intensité de la bactériémie, sa fré- données scientifiques de haut niveau de preuve. Il s’agit en général
quence et sa durée avec la survenue ou non d’une endocardite de classifications établies sur la base d’un accord professionnel.

Responsabilité des germes de la cavité buccale Figure 4. Facteurs plaidant en faveur de


dans la genèse de l’endocardite infectieuse : la prévention de l’endocardite infectieuse en
− habitudes quotidiennes : brossage, odontostomatologie.
mastication
− soins et extractions dentaires

Coût élevé du traitement


d’une endocardite
Prévention de l’endocardite Mortalité et morbidité
infectieuse :
infectieuse : pourquoi ? importantes
hospitalisation, traitement
médical et chirurgical

Coût accessible de la prévention buccodentaire :


− sensibilisation des patients sur la responsabilité
des infections buccales et dentaires
− motivation à l’hygiène buccale
− soins des caries débutantes
− extraction des dents délabrées

EMC - Médecine buccale 5


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Figure 7. Bilan radiographique buccodentaire montrant plusieurs


foyers infectieux chez un patient candidat à une chirurgie cardiaque par
remplacement alvulaire.

Depuis plus de 80 ans, il a été admis qu’un mauvais état de


Figure 5. Gingivite et caries dentaires multiples chez un patient opéré
santé buccodentaire (foyers infectieux et parodontopathies) est
valvulaire, porteur d’une prothèse mitrale.
fortement responsable de la genèse d’une endocardite infectieuse,
plus qu’une procédure dentaire [53] .
Par son étude, Guntheroht [54] a estimé l’effet cumulatif des
bactériémies physiologiques provoquées par le brossage dentaire
et la mastication et l’a comparé à la bactériémie provoquée par
une extraction dentaire simple. Cet effet cumulé pendant 1 mois
chez un patient denté est estimé à 5 370 minutes de bactérié-
mies. La durée de la bactériémie provoquée par une extraction
dentaire est de 6 à 30 minutes. Roberts [55] estime, quant à lui,
que le brossage dentaire deux fois par jour pendant une année
expose le patient à 164 000 fois plus de risque d’une bactérié-
mie qu’une extraction dentaire simple. L’effet cumulatif de ces
bactériémies dans le temps serait 5,6 millions fois plus impor-
tant que la bactériémie qui se produit lors d’une extraction
dentaire.
Duval et Leport [22] ont estimé, à travers une analyse des don-
nées de la littérature internationale, la fréquence des bactériémies
produites par certains gestes et procédures buccodentaires. Dans
cette analyse, on retrouve encore le brossage dentaire et la mastica-
tion comme facteurs étiologiques des bactériémies physiologiques
(Tableau 4).
Une autre étude, en l’occurrence celle de Peter [56] , a comparé
l’incidence des bactériémies dans trois groupes de patients. Le
premier groupe a eu des extractions dentaires et une antibio-
Figure 6. Parodontite et caries dentaires chez un patient hospitalisé prophylaxie, le deuxième groupe a eu une extraction dentaire
pour endocardite infectieuse. avec placebo et le troisième groupe n’a pas subi d’extraction
dentaire, mais a appliqué le brossage dentaire. Les résultats de
cette étude montrent l’effet bénéfique de l’antibioprophylaxie par
l’amoxicilline en cas d’extractions dentaires. En outre, les auteurs
États buccodentaires à risque : bactériémies insistent sur le rôle de la santé buccodentaire et du brossage den-
taire dans la prévention des endocardites chez des malades à
physiologiques spontanées (Fig. 5 à 7) risque.
Pendant très longtemps (environs 50 ans), on pensait que seules D’une façon globale, toutes les études s’accordent pour situer
les bactériémies peropératoires étaient susceptibles de provoquer l’incidence de la bactériémie chez l’adulte entre 0 % et 100 % dans
une endocardite infectieuse. Autrement dit, toute la vigilance le cas d’extraction dentaire simple [44, 53, 54, 57–60] et entre 0 % à 57 %
du praticien était concentrée à cette période instantanée où se lors du brossage dentaire [61–63] .
déroule la bactériémie, c’est-à-dire au moment de l’extraction den- Toutes ces observations et situations cliniques incombent une
taire ou de l’acte buccodentaire invasif [48] . Ainsi, lorsqu’un patient forte responsabilité aux bactériémies spontanées physiologiques,
était admis en cardiologie pour endocardite infectieuse, la pre- provoquées par la mastication et le brossage dentaire, chez un
mière cause recherchée était la cause dentaire, c’est-à-dire une patient présentant un état parodontal déficient dans la survenue
manipulation buccodentaire (soins, extractions) dans les jours d’une endocardite. Ces bactériémies, qui passent inaperçues et
ayant précédé la survenue de l’endocardite. Les examens paracli- qui sont de survenue imprévisible, ne peuvent faire l’objet d’une
niques, notamment les hémocultures, permettaient de confirmer antibioprophylaxie.
ou d’infirmer la cause dentaire, par la mise ou évidence ou non
d’un micro-organisme appartenant à la cavité buccale [19, 20, 49] . Or,
chez un grand nombre de patients hospitalisés en cardiologie pour Stratégie de la prévention de l’endocardite
un diagnostic confirmé d’endocardite infectieuse, la notion de infectieuse en odontostomatologie (Fig. 8)
procédure dentaire invasive précédant la survenue d’endocardite
n’a pas été retrouvée [50] . D’ailleurs, par leurs travaux, certains La prévention de l’endocardite infectieuse en odontostomato-
auteurs n’ont pas mis en évidence une quelconque relation entre : logie passe d’abord par le maintien d’une santé buccodentaire
survenue d’endocardite infectieuse et manipulations buccoden- optimale, puisqu’il a été démontré que les bactériémies spon-
taires antérieures [50–52] . tanées cumulées et celles provoquées par la mastication et le

6 EMC - Médecine buccale


Cardiopathies et odontostomatologie. Problèmes de prophylaxie des endocardites infectieuses en fonction des valvulopathies  28-400-Z-10

Prévention de l’endocardite infectieuse


en odontostomatologie

• Motivation à l’hygiène
1 (brossage dentaire après
chaque repas)
Prévention des atteintes parodontales • Évaluation de l’état
et carieuses buccodentaire deux fois par an
• Éducation du patient sur le
risque cardiovasculaire d’un
mauvais état buccodentaire
Selon l’importance du risque
oslérien : 2
− traitements conservateurs des
dents cariées Remise en état de la cavité buccale
− extraction des dents délabrées
jugées irrécupérables
− traitement des parodontopathies

• Évaluation de l’état buccodentaire :


examen clinique et radiologique
• Plan de traitement et décision
thérapeutique (tenir compte du
risque oslérien lié à la cardiopathie)
• Actes conservateurs ou non
• Antibioprophylaxie chez les
patients à risque lors des gestes
buccodentaires à risque
Figure 8. Stratégie de la prévention de l’endocardite infectieuse en odontostomatologie.

brossage sont plus à risque de provoquer une endocardite que sombre, il a été admis, depuis 1954, suite à la découverte de la bac-
celles engendrées par un acte buccodentaire invasif, puis par la tériémie peropératoire en 1935 (in [43] ), que la prescription d’une
remise en état de la cavité buccale (Fig. 7). antibioprophylaxie, chez un malade atteint d’une pathologie car-
L’application des mesures strictes d’hygiène buccale est suffi- diaque à risque d’endocardite, permet de neutraliser l’effet néfaste
sante à elle seule pour maintenir une santé parodontale optimale. de la bactériémie peropératoire (celle qui se produit lors d’une
Le brossage dentaire régulier après chaque repas permet d’éliminer extraction dentaire par exemple) et empêcher la colonisation
les dépôts de la plaque dentaire, prévient les gingivites et réduit de l’endocarde et la survenue d’une endocardite infectieuse [64] .
ainsi les bactériémies spontanées. Appliqués depuis longtemps, le principe et les indications de cette
La remise en état de la cavité buccale est obligatoire chez le antibioprophylaxie ne sont toujours pas totalement établis et sont
malade atteint d’une cardiopathie à risque d’endocardite. Elle encore l’objet de controverses [65, 66] .
consiste, après une évaluation globale, clinique et radiographique
de l’état buccodentaire, à établir un plan de traitement des foyers Principe de l’antibioprophylaxie
infectieux buccodentaires, pour rétablir un état de santé buccale
Le principe de la prévention de l’endocardite infectieuse par
optimal. Cette mise en état de la cavité buccale, qui doit être mul-
l’antibioprophylaxie est admis depuis longtemps tant par les
tidisciplinaire, concerne les foyers aigus et chroniques. Il s’agit
cardiologues que par les odontostomatologistes. La prescription
très souvent du traitement des dents cariées jugées récupérables,
d’une dose d’antibiotique reconnu actif vis-à-vis des germes de
de l’avulsion des dents délabrées irrécupérables et surtout d’un
la cavité buccale (en général une pénicilline), permet d’obtenir,
traitement parodontal lorsqu’il existe une parodontopathie.
au moment de l’acte opératoire, une concentration minimale
Lors de la remise en état de la cavité buccale, il est impérati-
inhibitrice (CMI) pour contrecarrer l’effet de la bactériémie,
vement recommandé d’établir une conduite à tenir vis-à-vis des
supposée être responsable d’une endocardite infectieuse. Les
foyers dentaires, en adéquation avec certains paramètres indivi-
modalités de l’administration de l’antibioprophylaxie, recom-
duels liés au patient comme :
mandée au début de sa prescription obligatoirement en période
• le type de cardiopathie et l’importance du risque oslérien
pré- et postopératoire, sont devenues par la suite uniquement
encouru. Dans ce contexte, il faut tenir compte de la transfor-
préopératoires [67–69] , tenant compte uniquement des bactériémies
mation éventuelle, du risque modéré au risque majeur, lorsque
provoquées par un acte buccal invasif et supposées survenir au
le malade est candidat à une chirurgie cardiaque par remplace-
moment de l’acte. L’antibiotique est donné en une seule prise,
ment valvulaire par exemple ;
sous contrôle du praticien, 30 à 60 minutes avant l’acte opératoire
• la nature du foyer dentaire, c’est-à-dire son importance et son
(Tableau 5).
stade évolutif ;
• le degré de motivation du patient à l’hygiène buccale.
Revue de la littérature et données actuelles
Restriction des indications de l’antibioprophylaxie
Antibioprophylaxie lors des actes de l’endocardite infectieuse en odontostomatologie à travers
buccodentaires à risque d’endocardite le temps
infectieuse Autrefois, l’antibioprophylaxie de l’endocardite infectieuse en
odontostomatologie était prescrite en période pré- et postopé-
La muqueuse buccale a depuis longtemps été reconnue comme ratoire afin d’obtenir une CMI au moment de l’extraction,
source potentielle de bactériémie et donc d’endocardite infec- moment supposé où se produit la décharge bactériémique res-
tieuse. Pour réduire la fréquence de cette pathologie à pronostic ponsable de la survenue probable d’une endocardite infectieuse.

EMC - Médecine buccale 7


28-400-Z-10  Cardiopathies et odontostomatologie. Problèmes de prophylaxie des endocardites infectieuses en fonction des valvulopathies

“ Point important s’agit d’une extraction simple, faite dans les meilleures condi-
tions d’asepsie. Pour chaque acte, la prescription était reconduite
lorsqu’une série de séances d’extractions étaient nécessaires.
Depuis la publication de ses premières recommandations
Pathologies cardiaques sans risque, ou à risque
de 1955, la société américaine de cardiologie a préconisé
faible d’endocardite infectieuse (d’après les l’antibioprophylaxie de l’endocardite infectieuse, à base de péni-
recommandations françaises 2002) [40] cilline lors des procédures dentaires et respiratoires [67] .
• Communication interauriculaire Suite à ces recommandations, différentes sociétés savantes ont
• Shunt gauche-droit opéré exprimé un intérêt scientifique à la question et ont régulièrement
• Pontage aortocoronarien édité et mis à jour leurs recommandations [68–71] . Ainsi, la société
• Prolapsus mitral sans fuite à valves fines de pathologie infectieuse de langue française a organisé une
• Pacemakers première conférence de consensus sur ce thème en 1992 [72] ,
Pathologies cardiaques à risque modéré ces recommandations ont été révisées dix années plus tard en
d’endocardite infectieuse (risque B) (d’après 2002 [30] .
Les recommandations françaises de 1992 [71] , publiées dès lors,
les recommandations françaises 2002) [40]
avaient déjà annoncé une grande avancée, puisque la prescription
• Insuffisance aortique
de l’antibioprophylaxie était devenue seulement préopératoire
• Insuffisance mitrale selon la technique du « flash peropératoire ». La continuité de
• Rétrécissement aortique l’antibioprophylaxie en période postopératoire était décidée uni-
• Prolapsus valvulaire mitral : quement lorsque l’acte réalisé était un acte chirurgical important
◦ avec insuffisance mitrale et /ou (extractions dentaires multiples, avulsion de dents de sagesse
◦ épaississement valvulaire incluses ou enclavée, etc.). Ces mêmes recommandations ont été
• Bicuspidie aortique actualisées en 2002 [40] sous l’égide de la même société. Dans ces
• Cardiopathie congénitale non cyanogène sauf commu- recommandations sont notées une évolution majeure concernant
nication interatriale la classification des groupes de malades à risque d’endocardite et
• Cardiopathies hypertophiques obstructives avec souffle les indications de l’antibioprophylaxie en cas d’actes buccoden-
taires (Tableau 6).
à l’auscultation En effet, l’antibioprophylaxie est obligatoire en cas de gestes à
Pathologies cardiaques à haut risque risque réalisés chez un patient porteur d’une pathologie cardiaque
d’endocardite infectieuse (risque A) (d’après à haut risque d’endocardite (comme par exemple les porteurs
les recommandations françaises 2002) [40] de prothèses valvulaires). Pour le même geste buccodentaire,
• Prothèses valvulaires l’antibioprophylaxie est dite « optionnelle », la décision de son
• Cardiopathie congénitale cyanogène non opérée et application est laissée à l’appréciation du praticien qui juge de
dérivation chirurgicale (pulmonaire systémique) son utilité ou non, selon un certain nombre de facteurs comme
• Antécédents d’endocardite infectieuse par exemple l’hygiène buccodentaire du patient, l’état des dents
adjacentes (saines ou chargées de tartre), la présence ou non de
pathologies associées comme le diabète, et l’éventuelle présence
d’un déficit immunitaire. Le patient, informé préalablement de la
Tableau 5. décision du praticien, doit exprimer son adhésion ou non et être
Modalités de la prescription de l’antibioprophylaxie en cas d’actes buc- informé que la survenue d’une fièvre inexpliquée dans le mois qui
codentaires ou sur les voies aériennes supérieures [40] . suit la manipulation buccodentaire doit motiver une consultation
urgente chez un cardiologue qui mettra en route les investiga-
Situation Produit Posologie et voie
tions nécessaires pour infirmer ou confirmer le diagnostic d’une
d’administration
endocardite infectieuse [73, 74] .
Anesthésie locale ou locorégionale Dans ces mêmes recommandations, la restriction concerne
Pas d’allergie aux Amoxicilline 3 g per os a : prise unique aussi la dose d’antibiotique à administrer, puisque chez certains
bêtalactamines 1 heure avant l’acte patients (poids inférieur à 60 kg), la dose de 2 g 1 heure avant l’acte
Allergie aux Pristinamycine 1 g per os : prise unique est suffisante pour prévenir l’endocardite infectieuse, avec moins
bêtalactamines ou clindamycine b 1 heure avant l’acte d’effets secondaires.
600 mg per os : prise unique La British Cardiac Society (BCS) et le Royal Collège of
1 heure avant l’acte Physicians (RCP) ont publié des recommandations dans ce
domaine [75, 76] , dont les grandes lignes ressemblent à celles de
Anesthésie générale
la Société européenne de cardiologie [77] , c’est-à-dire que, dans
Pas d’allergie aux Amoxicilline Avant (dans l’heure précédant certaines situations, la prescription de l’antibioprophylaxie dite
bêtalactamines le geste) : 2 g en i.v. (perfusion « optionnelle » n’est pas obligatoire.
de 30 min) Durant l’année 2006, la Société britannique de chimio-
Après (6 h plus tard) : 1 g per
thérapie anti-infectieuse (Society for Antimicrobial Chemo-
os
therapy − SBCA), a révisé ses recommandations préalablement
Allergie aux Vancomycine 1 g i.v. (perfusion ≥ 60 min) : publiées [78] . L’antibioprophylaxie de l’endocardite infectieuse
bêtalactamines ou teicoplanine pas de prise était obligatoire chez tout patient à risque d’endocardite (haut
400 mg i.v. (direct) : pas de risque : A ou risque modéré : B), devant subir une manipulation
prise
buccodentaire jusqu’en 2006 où est alors annoncée, là aussi, une
i.v. : intraveineux. restriction des indications de l’antibioprophylaxie, laquelle est
a
2 g per os si le poids du sujet est inférieur à 60 kg. restée indiquée uniquement pour les patients présentant une car-
b
Posologies pédiatriques : sous anesthésie locale : amoxicilline : 75 mg/kg, clin- diopathie à haut risque d’endocardite (groupe A).
damycine : 15 mg/kg, pristinamycine : 25 mg/kg ; sous anesthésie générale : Les recommandations américaines publiées par l’American
amoxicilline : 50 mg/kg en i.v. avant, 25 mg/kg per os 6 h plus tard, vancomy-
cine : 20 mg/kg (maximum 1 g), teicoplanine : pas d’autorisation de mise sur le
Heart Association (AHA) en 1997 ont aussi fait l’objet d’une
marché (AMM) chez l’enfant pour la prophylaxie. actualisation en 2007 en collaboration avec l’American Dental
Association [41] . Il est cependant important de noter que l’AHA
L’administration de l’amoxicilline ou de l’ampicilline était faite a publié ses premières recommandations sur la prophylaxie de
1 heure avant l’extraction, puis toutes les 6 heures après la pre- l’endocardite infectieuse en 1955 [67] .
mière prise, jusqu’à un début de cicatrisation de la plaie alvéolaire. Les recommandations de 2007 annoncent une sélection
La durée de l’antibioprophylaxie pouvait ainsi atteindre 4 à des pathologies cardiaques à risque justifiant le recours à
5 jours, voire 1 semaine après l’extraction dentaire, même lorsqu’il l’antibioprophylaxie lors des gestes buccodentaires supposés

8 EMC - Médecine buccale


Cardiopathies et odontostomatologie. Problèmes de prophylaxie des endocardites infectieuses en fonction des valvulopathies  28-400-Z-10

Tableau 6.
Indications de l’antibioprophylaxie de l’endocardite infectieuse selon le risque oslérien lié à la cardiopathie et l’acte buccodentaire réalisé (selon les recom-
mandations de la Société de pathologie infectieuse de langue française [SPILF] 2002) [40] .
Actes buccodentaires Haut risque oslérien (A) Risque oslérien modéré (B)
Anesthésie locale intraligamentaire Actes contre-indiqués Actes contre-indiqués
Traitement des dents non vivantes
Reprises de traitements endodontiques
Amputation radiculaire
Transplantation et réimplantation
Chirurgie périapicale et parodontale
Chirurgie implantaire et comblement
Mise en place d’une digue Antibioprophylaxie recommandée Antibioprophylaxie optionnelle
Soins parodontaux non chirurgicaux
Traitement endodontique des dents : à pulpe vivante
(endodonte accessible sous digue et en seule séance)
Mise en place de bagues d’orthodontie
Soins prothétiques à risque de saignement
Actes chirurgicaux (extraction dentaire simple, extraction de
dents incluses ou encalvées, séparations de racines,
alvéolectomie, germectomie, freinectomie, biopsies des
glandes salivaires)
Actes buccodentaires non invasifs (sans risque de saignement Antibioprophylaxie non recommandée Antibioprophylaxie non recommandée
important) :
− actes de prévention, application de fluor
− scellement de sillons, soins conservateurs non
endodontiques, soins prothétiques non sanglants (prise
d’empreinte)
− ablation de fils de suture
− pose d’appareils orthodontiques
− prise de radiographie dentaire
− anesthésie locale non intraligamentaire

pourvoyeurs de bactériémies. Ainsi, seulement les patients appar- indications de l’antibioprophylaxie, comme celles publiées au
tenant au groupe atteint de cardiopathies à haut risque nécessitent cours de l’année 2008 par Le National Institute of Health and
le recours à l’antibioprophylaxie. Clinical Exellence (NICE) du Royaume-Uni [79] . Ces recomman-
dations, « jugées bouleversantes », ont mis fin aux indications
de l’antibioprophylaxie chez des patients à risque d’endocardite

“ Point important infectieuse dans les situations suivantes : soins dentaires, gestes
portant sur les sites comme le système gastro-intestinal haut et
bas, le système génito-urinaire, le système respiratoire, haut et bas
qui inclut les gestes au niveau des oreilles, du nez et de la gorge,
Pathologies cardiaques nécessitant une antibio- et la bronchoscopie.
prophylaxie lors des actes buccodentaires (d’après Les recommandations du NICE, non aberrantes et basées sur
Walter W, et al. AHA 2007 [40] ) une argumentation logique, ont été à l’origine de répliques et de
• Présence d’une prothèse valvulaire cardiaque ou d’un beaucoup de réactions dans la littérature. Elles ont et soulèvent
matériel prothétique utilisé pour une réparation valvulaire encore des débats de haut niveau scientifique.
• Antécédents d’endocardite infectieuse Ainsi, depuis les recommandations françaises de 2002 [40] , issues
• Cardiopathies congénitales : de la révision de celles de 1992 [72] , jusqu’à celle de NICE 2008 [79] ,
l’antibioprophyaxie, en tant qu’arme longtemps utilisée dans la
◦ cardiopathies cyanogènes non réparées ou n’ayant
prophylaxie de l’endocardite infectieuse, a vu progressivement sa
bénéficié que d’une anastomose palliative
place diminuer jusqu’à disparaître en 2008.
◦ cardiopathies congénitales totalement réparées avec
un matériel étranger placé par voie chirurgicale ou Arguments en faveur de la restriction des indications
endovasculaire durant les 6 mois qui suivent le geste de l’antibioprophylaxie
(délais de l’endothélisation) Les données de la littérature actuellement disponibles
◦ cardiopathie congénitale réparée avec une lésion plaident la restriction des indications de l’antibioprophylaxie de
l’endocardite infectieuse en odontostomatologie, qu’elles justi-
résiduelle au niveau ou à proximité d’un matériel pro-
fient par les arguments suivants.
thétique
• Patients porteurs de greffe cardiaque en cas d’apparition Pas de preuve tangible d’efficacité de l’antibioprophylaxie
d’une cardiopathie valvulaire Les données de la littérature n’apportent aucune preuve scienti-
fique de l’efficacité ou de l’inefficacité de l’antibioprophylaxie de
l’endocardite infectieuse lors des actes buccodentaires. Déjà, en
1998, Durack a publié un article dans lequel il se posait la ques-
Les raisons évoquées par les experts ayant décidé et recouru tion sur son efficacité [80] . L’effet bénéfique de l’antibioprophylaxie
à la révision des recommandations et à la restriction de sur les bactériémies est controversé. Peu d’études ont montré une
l’antibioprophylaxie sont nombreuses. Elles s’articulent globale- réduction des décharges bactériémiques, aucune étude n’a montré
ment et essentiellement sur le fait que l’endocardite infectieuse une réduction significative du risque de survenue d’endocardites
survient plus fréquemment à partir des bactériémies dues aux (in [74] ).
activités quotidiennes comme la mastication et le brossage, plu- Dans d’autres études comme celles de Van Der Meer [52] et
tôt qu’à partir des bactériémies dues aux gestes buccodentaires, Strom [39] , les gestes buccodentaires invasifs ne sont responsables
gastro-intestinales ou génito-urinaires. de la survenue que d’un très faible pourcentage d’endocardites
De plus en plus nous retrouvons, à travers le temps, des infectieuses, ces gestes ne sont donc pas reconnus comme étant
recommandations qui vont dans le sens de la restriction des des facteurs de risque de survenue d’endocardites. Il est donc

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Tableau 7.
Classement et niveaux de preuves des recommandations [40] .
Classes Niveaux de preuve
I Situations dans lesquelles il y a une preuve et/ou un accord A Fondé sur des données concordantes de plusieurs études
général pour dire que le traitement est bénéfique, utile et efficace randomisées comprenant un grand nombre de patients
II Situations dans lesquelles il y a des éléments contradictoires B Fondé sur des données provenant d’un nombre limité d’études
et/ou des divergences d’opinion sur l’utilité et l’efficacité du randomisées comprenant un nombre réduit de patients ou de
traitement : bons travaux non randomisés ou de registres d’observations
− IIa : le poids des preuves est plutôt en faveur de la technique ;
− IIb : le poids des preuves est insuffisant pour avoir une opinion.
III Situations dans lesquelles il y a une preuve et/ou un accord C Fondé sur un consensus des experts consultés
général pour dire que le traitement n’est ni utile ni efficace ou
éventuellement nuisible

logique de penser qu’il faudrait un nombre important de doses La prescription hasardeuse et large de l’antibioprophylaxie est à
d’antibiotiques, avec tout ce que cela suppose comme risques, l’origine de l’émergence des souches résistantes, compromettant
pour prévenir un nombre très réduit d’endocardites [51] . Même si ainsi l’avenir antibiotique du patient.
le lien est établi entre bactériémies et endocardites, la distinction Duval et al. [51] , ont comparé la mortalité de l’endocardite infec-
entre bactériémie spontanée, provoquée par un geste bucco- tieuse à streptocoque viridans (10 %), le risque de survenue des
dentaire, ou due à un foyer infectieux buccal, relève de l’utopie événements graves liés à la prescription d’antibiotiques et le risque
(in [43] ). Si on part du principe que les actes buccodentaires, de survenue d’une endocardite suite à un acte buccodentaire
réputés être responsables d’endocardites sont à l’origine de 1 % invasif (de l’ordre de 1/543 000). Ces auteurs ont conclu que
du nombre total des endocardites infectieuses dues aux strep- la prescription d’une antibioprophylaxie de l’endocardite infec-
tocoques viridans, rapporté à la population générale, ce risque tieuse chez un patient présentant une pathologie cardiaque à
devient presque négligeable, puisqu’il est de l’ordre de un cas risque modéré d’endocardite, devant subir un geste buccal invasif,
pour 14 millions de gestes buccodentaires à risque [74] . De ce fait, serait plus dangereuse que bénéfique, puisqu’elle est plus respon-
même si l’antibioprophylaxie de l’endocardite infectieuse s’est sable de décès que la non-prescription.
avérée efficace à 100 %, le nombre de cas qu’elle peut prévenir
Rapport coût/efficacité de l’antibioprophylaxie
est très réduit, du fait de la faible incidence de cette pathologie.
En somme, la plupart des séries étudiées n’ont permis de mettre Plusieurs auteurs ont étudié et comparé l’efficacité de
en évidence que très peu de cas d’endocardites provoquées par l’antibioprohylaxie par rapport à son coût. Agha et al. ont étu-
des gestes buccodentaires invasifs. Selon les études retrouvées, ce dié ce rapport pour différentes prescriptions. Par exemple, pour
risque varie de 2,7 % à 7 % [39, 51, 81] . En outre, on peut se poser la la clarithromycine, il y a plus de bénéfices par rapport au coût.
question sur l’efficacité de l’antibioprophylaxie, puisque celle-ci Pour l’amoxicilline en revanche, en raison de la survenue d’effets
est administrée en une dose unique 30 à 60 minutes avant l’acte. indésirables graves, ce rapport est défavorable [89] .
Aucune dose n’est prise après, lorsque l’acte réalisé est simple Consensus et recommandations de faible niveau
(par exemple une extraction dentaire simple). Or, le processus de preuve scientifique
de la cicatrisation alvéolaire après avulsion dentaire (qui est une Toutes les recommandations actuelles sur la prévention de
cicatrisation par comblement), passe, entre le 3e et 6e jour, par une l’endocardite infectieuse sont issues d’une revue des données de la
période de fragilité du tissu conjonctif jeune et hypervascularisé, littérature disponibles. Les études retrouvées ayant servi comme
donc facilement hémorragique. Ce tissu, exposé aux trauma- base de travail aux différents groupes d’experts pour établir les dif-
tismes pouvant survenir lors de la mastication, peut être la source férentes recommandations sont de faible niveau de preuve scienti-
d’une bactériémie et donc d’une endocardite, que la prescription fique puisqu’il s’agit surtout d’études rétrospectives, d’études cas-
de l’antibioprophylaxie n’a pas pris en considération. témoins ou d’expériences de service et avis d’auteurs. Les résultats
L’observation de la survenue d’une bactériémie chez 61 % des de ces études, biaisés dans la majorité des cas, sont approximatifs
patients ayant subi une extraction dentaire dans la série d’étude et il est admis que ce type d’étude ne peut servir à l’établissement
de Okell et al. en 1935 [82] a permis de recommander le prin- des recommandations de haut niveau de preuve (Tableau 7).
cipe de l’antibioprophylaxie de l’endocardite infectieuse depuis Les études de preuve scientifique irréfutable sont les essais
1954, à la suite des expérimentations réalisées sur un modèle cliniques randomisés conduits avec une méthodologie et une
animal [70, 83] . Il n’y a eu aucun essai clinique sur l’efficacité de rigueur absolues. Ces études comparatives de deux groupes de
l’antibioprophylaxie chez l’homme. Au jour d’aujourd’hui et patients nécessitent au préalable le calcul de la taille d’échantillon
depuis la revue Cochrane de 2004, il n’y a pas de preuve permet- nécessaire dans chaque groupe. Celle-ci est d’autant plus grande
tant d’affirmer que l’antibioprophylaxie est efficace ou inefficace que la pathologie étudiée est rare et c’est justement le cas de
vis-à-vis de l’endocardite infectieuse chez les sujets à risque lors l’endocardite infectieuse, puisque, pour réaliser un essai thérapeu-
d’un acte buccodentaire invasif [84, 85] . tique randomisé comparant deux groupes de patients l’un avec
antibioprophylaxie et l’autre sans, il aurait fallu un nombre mini-
Balance bénéfices/risques de l’antibioprophylaxie
mal de 6 000 patients dans chaque groupe [43] . Le second obstacle
Avant toute prescription médicamenteuse, le praticien doit à la réalisation de cette étude était d’ordre éthique, puisqu’on ne
réfléchir à l’utilité de cette prescription. Cette notion d’utilité est pouvait pas tester un protocole réputé dangereux pour le patient,
directement liée à la notion d’efficacité du médicament [86] . Il est c’est-à-dire la réalisation d’actes buccodentaires sans antibiopro-
plus que recommandé de raisonner en termes bénéfices escomp- phylaxie.
tés par rapport aux risques liés à la prescription. Cette notion
s’applique parfaitement à l’antibioprophylaxie de l’endocardite Bactériémies spontanées et place de l’hygiène buccodentaire
infectieuse. Si l’on tient compte des risques liés à cette prescrip- dans la prophylaxie des endocardites infectieuses
tion, l’antibioprophylaxie est plus dangereuse que bénéfique dans Beaucoup d’études ont concerné l’étude des bactériémies pro-
la prophylaxie de l’endocardite infectieuse. voquées et spontanées [39, 43, 51, 74] . Toutes ces études s’accordent
Comme tout médicament prescrit, les antibiotiques sont pour mettre au premier plan les bactériémies spontanées, de sur-
susceptibles d’engendrer des réactions anaphylactiques graves, venue imprévisible, comme facteur de risque dans la genèse des
mettant en jeu le pronostic vital, déjà altéré chez cette catégorie endocardites infectieuses.
de patients. Pour les bêtalactamines, ce risque est estimé entre 15 En effet, l’effet cumulatif des bactériémies journalières répé-
et 40 cas pour 100 000 utilisations, le risque de décès provoqué par tées et incontrôlables par les antibiotiques (Fig. 9) rend celles-ci
ces réactions est d’un à trois décès pour 100 000 utilisations [87, 88] . plus pourvoyeuses d’endocardites que les bactériémies transitoires

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Cardiopathies et odontostomatologie. Problèmes de prophylaxie des endocardites infectieuses en fonction des valvulopathies  28-400-Z-10

Effet limité de
l’antibioprophylaxie

Intensité des bactériémies


Effet limité de
l’antibioprophylaxie

Soins Extraction Mastication, Temps


endodontiques dentaire brossage
Figure 9. Effets limités de l’antibioprophylaxie lors des actes buccodentaires (d’après [22] , modifié par H. Boukais).

Première consultation :
− interrogatoire, enquête médicale
− examen buccodentaire
− remise d’une fiche de renseignements
médicaux, à remplir par le cardiologue
traitant

Évaluation du risque oslérien


par le cardiologue

Risque oslérien faible ou nul Risque oslérien modéré Risque oslérien majeur

Aucune antibioprophylaxie de Antibioprophylaxie Antibioprophylaxie


l’endocardite et pour tous les « optionnelle », au cas par cas, recommandée pour tous les
actes lors des actes à risque actes à risque

Antibioprophylaxie recommandée : Antibioprophylaxie non recommandée :


− hygiène buccale insuffisante − bonne hygiène buccale
− malade non motivé − malade motivé
− pathologies générales − aucune pathologie associée
associées à la cardiopathie

En période postopératoire :
− continuité de l’antibioprophylaxie en cas d’acte chirurgical
− surveillance de l’état général (fièvre, signes d’endocardite)
− en cas d’élévation de la température : hospitalisation en cardiologie,
hémoculture++
Figure 10. Antibioprophylaxie de l’endocardite infectieuse lors des actes buccodentaires à risque : critères d’application.

que provoquerait un acte invasif buccodentaire. Cette observation recommandations à appliquer en pratique clinique. Ces question-
accorde à l’hygiène buccale une place prépondérante dans la pro- nements peuvent être de plusieurs ordres, à savoir :
phylaxie de l’endocardite infectieuse, plutôt que les prescriptions • Quel protocole pratique appliquer à l’issue de toutes ces
antibiotiques dont le principe est actuellement remis en question. recommandations, notamment dans les pays ou des recom-
mandations ne sont pas encore publiées ?
• Doit-on appliquer des recommandations standards et de la
Applications des recommandations actuelles même façon chez tous les patients porteurs de cardiopathies
de l’antibioprophylaxie de l’endocardite de même risque d’endocardite infectieuse ?
Le rôle de l’antibioprophylaxie est de réduire le risque de sur-
infectieuse partout et pour tous ? (Fig. 10) venue d’une endocardite infectieuse et donc de l’inoculation
Malgré une littérature abondante, voire envahissante, issue septique endocarditique après une décharge bactériémique.
de consensus d’experts et de sociétés savantes, se rapportant à Comme nous l’avons vu, toutes les recommandations actuelles
la prophylaxie de l’endocardite infectieuse en odontostomato- mettent au premier plan la responsabilité des bactériémies phy-
logie, des interrogations persistent quant au protocole et aux siologiques et donc celle de l’hygiène buccodentaire dans la

EMC - Médecine buccale 11


28-400-Z-10  Cardiopathies et odontostomatologie. Problèmes de prophylaxie des endocardites infectieuses en fonction des valvulopathies

Tableau 8.
Variabilité du profil épidémiologique de l’endocardite infectieuse selon le niveau socioéconomique.
Variable Pays émergents Pays développés
Âge Sujets jeunes Sujets âgés
Pathologies cardiaques Valvulopathies rhumatismales Valvulopathies dégénératives
Germes Streptocoques de la cavité buccale Streptocoques D
Porte d’entrée Présumée dentaire Autre : circulation extracorporelle, cathéters veineux,
cathétérisme cardiaque, hémodialyse, implantation de
stimulateur cardiaque, ponction articulaire, chambre
implantable sous-cutanée pour perfusion intraveineuse, chirurgie
dermatologique

survenue des endocardites infectieuses. Or, ce facteur « hygiène Certes, il est actuellement admis de restreindre l’antibio-
buccale » est très variable d’un sujet à un autre et il est directe- prophylaxie, voire de ne pas y recourir, en cas d’actes buccoden-
ment conditionné par certains facteurs épidémiologiques comme taires. Mais cette attitude doit être discutée au cas par cas, selon
le niveau socioéconomique. Par exemple, dans les pays émer- l’état général du patient, son degré de motivation à l’hygiène
gents ou en voie de développement, le profil de l’endocardite buccale et l’acte buccodentaire envisagé. La prise de décision doit
infectieuse diffère de celui des pays développés. L’hygiène bucco- être faite après information du patient qui peut accepter ou refuser
dentaire est déficitaire et les patients, même à haut risque le protocole qui lui est clairement expliqué.
d’endocardite infectieuse, arrivent aux consultations spécialisées En revanche, toutes ces recommandations insistent sur la res-
d’odontostomatologie avec une cavité buccale en très mau- ponsabilité des bactériémies spontanées dans la survenue des
vais état, avec des foyers infectieux buccodentaires multiples endocardites infectieuses d’origine buccodentaire. Ces bactérié-
et une hygiène buccale insuffisante, voire absente (Fig. 5 à 7). mies plus dangereuses, puisqu’elles sont incontrôlables par une
De ce fait, il nous paraît prudent de discuter les indica- antibioprophylaxie et qu’elles requièrent une prévention opti-
tions de l’antibioprophylaxie au cas par cas, chez les malades male, par l’encouragement à l’hygiène buccale, le traitement
à risque d’endocardite lors des procédures buccodentaires à des parodontopathies pourvoyeuses de gingivorragies et la sur-
risque. veillance clinique et radiologique de l’état buccodentaire des
patients à risque, deux à trois fois par an.
Les résultats des différents contrôles et les gestes effectués à
 Perspectives chaque consultation doivent être répertoriés sur un carnet indivi-
duel remis au patient.
Lors des actes buccodentaires à risque (actes sanglants surtout),
Dans ce domaine, comme dans tous les autres d’ailleurs, seules l’utilisation d’un bain de bouche à base de chlorhexidine ou
des preuves scientifiques suffisamment convaincantes peuvent une désinfection du site d’extraction à la polividone iodée avant
répondre à des interrogations et lever des controverses persis- l’acte diminuent sensiblement la septicité buccale. Les dents adja-
tantes. La force des recommandations dépend ainsi du niveau centes au site d’extraction doivent être détartrées si nécessaire
de preuve des études ayant servi à leur établissement. Dans cette avant l’extraction. En période postopératoire, le patient doit être
revue de la littérature se rapportant à cette question, nous avons informé que la survenue d’une fièvre inexpliquée, d’une arthralgie
vu que les recommandations disponibles sont de faible niveau ou d’un amaigrissement dans les deux mois qui suivent un geste
de preuve, car, parmi les études ayant servi a leur établissement, buccodentaire doit motiver en urgence une consultation chez un
il n’y a pas eu d’essais thérapeutique randomisé fondé sur une cardiologue.
méthodologie adéquate. Cela a laissé le champ libre aux sociétés Très souvent, les patients porteurs de cardiopathies arrivent
savantes pour éditer et publier leurs propres recommandations. aux consultations spécialisées avec des foyers traînants, résultant
Sur le plan éthique et médicolégal, la réalisation d’un essai ran- d’un refus de leur prise en charge par les chirurgiens dentistes
domisé était impossible, jusqu’aux recommandations du NICE, généralistes par surestimation des risques chez cette catégorie de
vu qu’il n’était pas possible tester une modalité contraire aux patients. L’organisation de séminaires de formation continue dans
recommandations. ce domaine serait d’un apport considérable pour la simplification
Ainsi, avec la publication de ces dernières recommandations [79] , et la généralisation de la prise en charge de ces patients dans les
nous pouvons envisager la conduite de cette étude clinique cabinets dentaires par les chirurgiens dentistes généralistes.
comparative de deux groupes de patients, prenant comme cri- Enfin, la prévention de l’endocardite infectieuse doit être le
tère de jugement principal la survenue ou non d’une endocardite résultat des efforts du patient lui-même et de la collaboration entre
confirmée par les examens paracliniques et microbiologiques. odontostomatologistes et cardiologues.
L’apport des études multicentriques est sans doute d’un grand
intérêt.
Le profil épidémiologique de l’endocardite infectieuse étant
différent d’un pays à un autre, la conduite de ces études dans
 Références
des pays, voire dans des continents différents est envisageable
[1] Ragot JP. Les complications locorégionales et générales des foyers
(Tableau 8).
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12 EMC - Médecine buccale


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H. Boukaïs, Professeur (h.boukais@yahoo.fr).


W. Zerrouki, Professeur.
Service de pathologie et chirurgie buccale, CHU Béni-Méssous, Faculté de médecine d’Alger, 16000 Alger, Algérie.
F. Daimellah, Professeur.
Service de cardiologie, CHU Béni-Méssous, Faculté de médecine d’Alger, 16000 Alger, Algérie.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Boukaïs H, Zerrouki W, Daimellah F. Cardiopathies et odontostomatologie. Problèmes de prophylaxie
des endocardites infectieuses en fonction des valvulopathies. EMC - Médecine buccale 2012;7(3):1-14 [Article 28-400-Z-10].

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