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EMC-Dentisterie 1 (2004) 147–158

www.elsevier.com/locate/emcden

Accidents d’évolution des dents de sagesse


Evolutive injury of wisdom teeth
J.-M. Peron (Professeur de chirurgie)
Service de chirurgie maxillofaciale et stomatologie, centre hospitalier universitaire de Rouen,
hôpital Charles-Nicolle, 1, rue de Lecat, 76031 Rouen cedex, France

MOTS CLÉS Résumé Les accidents occasionnés par l’évolution des dents de sagesse (DS) sont fré-
Dent de sagesse ; quents dans la pratique courante et sont dominés par les accidents infectieux. L’évolution
Troisièmes molaires ; des DS peut ne pas aboutir à une mise en place normale sur l’arcade dentaire du fait d’un
Inclusion dentaire ; manque de place, ou du fait d’une anomalie dans son cheminement qui nécessite une
Évolution anormale ; verticalisation du germe en croissance. Ce cheminement peut se trouver notamment
Péricoronarite ;
bloqué par la couronne de la 2e molaire qui lui sert de guide. Le résultat est une dent dont
Cellulites ;
Ostéites ;
une partie de la couronne est visible sur l’arcade et dont le reste est recouvert par un
Kystes péricoronaires capuchon muqueux ; la même situation se rencontre lorsque la DS subit une désinclusion,
c’est-à-dire la mise à nu de sa couronne par récession muqueuse et osseuse. Les
péricoronarites sont les accidents les plus fréquents et s’accompagnent habituellement
d’adénopathies. Ces accidents peuvent se compliquer de cellulites aiguës qui évoluent au
niveau du carrefour oropharyngé et peuvent être une menace grave pour la liberté des
voies aériennes. Les autres accidents aigus, telles les stomatites, sont moins fréquents.
Les accidents subaigus sont rares, comme les sinusites, les ostéites, voire les thrombo-
phlébites. Parfois, c’est en raison d’un accident mécanique, comme la destruction de la
couronne de la 2e molaire, que la DS fait parler d’elle ; il est des cas où la pathologie dont
elle est responsable est une découverte fortuite d’examen radiologique des maxillaires :
les kystes péricoronaires (dentigères) sont les plus fréquents. Le traitement des accidents
infectieux repose sur le traitement de la cellulite ou de tout autre foyer aigu ou subaigu
de façon concomitante avec le traitement du foyer causal. Les accidents pseudotumoraux
requièrent obligatoirement un examen anatomopathologique de toute pièce d’exérèse ;
de même que des prélèvements bactériologiques spécifiques sont indispensables dans
toute évolution traînante malgré un traitement primaire bien conduit.
© 2004 Publié par Elsevier SAS.

KEYWORDS
Abstract Accident occasionned by wisdom teeth are frequent in our practice, and mostly
Pericoronaritis; due to infection. Achievement of third molar growth needs several factors : a normal
Sinusitis; tooth bud which evolution will be tutored by the second molar in order to be situated on
Osteitis; the right place in the posterior aspect of mandibular arch. Lack of growth of the mandible
Third molar in an anteroposterior direction, lack of space in the arch, developmental abnormality in
the positioning of the tooth germ or an aberrant path of eruption, cause an impaction or
a partial eruption. The crown appears to be partially covered by a gum flap, which
inflammation causes the most common complication : an acute péricoronaritis, which
main symptoms are : pain, limitation of jaw movements, and fever. If it is mis-treated, an
abcess can spread in the oropharyngeal area ant threatens the airways. Subacute
complications are sinusitis, osteitis are caused by a long-term evolution and favorised by
a treatment which neglected the cause of infection. Mecanical complications are also

Adresse e-mail : chirurgie.maxillo-faciale@chu-rouen.fr (J.-M. Peron).

© 2004 Publié par Elsevier SAS.


doi: 10.1016/S1762-5661(03)00013-8
148 J.-M. Peron

frequent : third molars may be responsible for the destruction of the crown of the second
molar, to create an area of weackness in angular fractures. Multiplication of X rays permit
to discover quiescent impacted teeth wich are surrounded by important dentigerous
cysts, which histologic analysis is mandatory in order to eliminate an ameloblastoma.
Treatment of these complications include the treatment of the acute pathology without
forget the treatment of the responsible tooth.
© 2004 Publié par Elsevier SAS.

Introduction

La 3e molaire ou « dent de sagesse » (DS) est, selon


Darwin, une dent en voie normale de disparition,
etc. Pour l’instant, la pathologie qu’elle est suscep-
tible d’occasionner à un individu, au cours de son
évolution, reste un motif de consultation fréquent.
Les accidents des DS surviennent au moment de
leur éruption physiologique qui se situe, en
moyenne, entre 18 et 25 ans : ce sont les accidents
d’évolution proprement dits, que l’on distingue du Figure 1 Position des germes dentaires au stade de l’organe en
classique accident de « désinclusion » survenant « cloche », d’après Cantaloube :2 1 : Muqueuse buccale ; 2 : lame
dentaire ; 3 : sac folliculaire ; 4 : papille mésenchymateuse ; 5 :
plus tardivement ; leur dénominateur commun est organe de l’émail.
l’infection qui peut entraîner des complications
graves, locorégionales ou à distance. cement » de la dent précédente, qui va cependant
En règle générale, c’est la DS mandibulaire qui évoluer derrière elle et non la rhizalyser pour pren-
est la plus grande pourvoyeuse de ce type d’acci- dre sa place (Fig. 1).
dents. En effet, après la formation de leur couronne,
Les DS peuvent également être responsables ces deux dents migrent progressivement vers la
d’accidents mécaniques au niveau de la denture de gencive en se verticalisant au contact de la face
voisinage, ou tumoraux et, dans ce cas, leur décou- distale de la molaire précédente, décrivant la clas-
verte peut en être tout à fait fortuite : la DS peut sique « courbe de Capdepont ».
être incluse ou ectopique et n’avoir jamais fait
parler d’elle auparavant.
Anomalies d’évolution des dents
L’élaboration de ces dents, leurs conditions
d’éruption sur les arcades, leur environnement de sagesse et leurs conséquences
anatomique, rendent compte des situations patho-
Normalement, le processus de verticalisation abou-
logiques habituellement rencontrées.
tit à l’éruption de la dent en bonne position sur
l’arcade ; l’épithélium gingival se continue sans
interruption avec l’épithélium péricoronaire qui
Élaboration des dents de sagesse disparaît au moment de la mise en place définitive
de la couronne. Puis la couronne va à la rencontre
Vers la 16e semaine de vie intra-utérine, à l’extré- de ses antagonistes, tandis que se termine l’édifi-
mité distale de la lame dentaire primitive, appa- cation des racines et du parodonte.
raissent des digitations épithéliales qui formeront Le premier écueil à ce bon ordonnancement est
les germes des 2e et 3e molaires permanentes : la le manque de place sur l’arcade pour l’évolution de
première molaire définitive occupe la partie termi- la dent : pour la 2e molaire, l’espace postérieur est
nale postérieure de cette lame et son iter dentis est le plus souvent suffisant ; ce n’est pas toujours le
rattaché à la crête gingivale. Les ébauches des cas pour la DS inférieure notamment, coincée sous
deux dents suivantes apparaissent comme des dé- le bord antérieur de la branche montante par insuf-
pendances des dents qui les précèdent : la 2e fisance de l’espace rétromolaire. De plus, cette
molaire se différencie à partir du bourgeon de la 1re dent se met en place à un moment où l’os mandi-
molaire et celui de la DS à partir de celui de la 2e bulaire est mature : elle va devoir traverser un os
molaire. Leur iter dentis est rattaché au guberna- particulièrement compact dans cette région.
culum de la 1re molaire et non à la gencive. Cette Le deuxième écueil peut être l’impossibilité pour
dent apparaît ainsi comme une dent de « rempla- la DS inférieure de se verticaliser complètement,
Accidents d’évolution des dents de sagesse 149

Ainsi, quel que soit le mécanisme incriminé, la


résultante finale est une DS dont la couronne est
plus ou moins complètement exposée sur l’arcade ;
la partie restante est recouverte par un « capuchon
muqueux » ; la porte est ouverte aux accidents
infectieux, dont la pathogénie reste discutée.
La théorie de Capdepont attribue un rôle essen-
tiel à la formation d’une cavité péricoronaire au
Figure 2 Blocage dans la concavité du système radiculaire de la
niveau de laquelle une prolifération bactérienne
2e molaire.
est à l’origine des complications : la DS oblique en
même en présence d’un espace rétromolaire suffi- avant vient buter sur la couronne de la 2e molaire,
sant : un redressement d’axe trop important pour la ce qui provoque l’écrasement et l’ouverture du sac
dent en formation peut être incriminé, de sorte que péricoronaire. Une cavité se forme alors entre la
la dent n’achève pas son trajet et sa couronne reste muqueuse buccale et le sac folliculaire qui a fu-
enclavée sous le collet de la dent de 12 ans ; de sionné avec elle. Cette cavité est le lieu d’une
plus, à une obliquité potentiellement défavorable stagnation salivaire, d’accumulation de débris ali-
du germe se surajoute le développement vers l’ar- mentaires et de bactéries à l’origine d’une inflam-
rière de l’arc mandibulaire, qui entraîne également mation puis d’une suppuration qui ne peut s’éva-
vers l’arrière l’ébauche des racines en les incurvant cuer complètement en raison du capuchon
(Fig. 2). Bien sûr, c’est sans compter une éven- muqueux qui fait obstacle en persistant partielle-
tuelle malformation du germe, une détérioration ment sur la couronne de la dent.
traumatique, voire iatrogène lors de l’avulsion Pour d’autres, la survenue de l’infection est due
d’une 2e molaire, ou une tumeur bénigne qui lui à la présence d’un kyste péricoronaire, cavité
ferme le chemin (Fig. 3).
réelle qui apparaît lors de la constitution de la dent
Au maxillaire, l’absence d’obstacle osseux per-
avant la fusion avec la muqueuse gingivale. Cette
met à la DS de faire plus facilement son éruption,
théorie expliquerait pourquoi certaines DS sont à
soit en bonne position, soit plutôt en vestibulover-
l’origine d’accidents de désinclusion tandis que
sion sur le versant inféroexterne de la tubérosité.
d’autres, dont la situation anatomique est compa-
Pour expliquer l’inclusion de cette DS, en dehors
rable, ne sont jamais à l’origine d’accidents d’évo-
d’une pathologie du germe dentaire, Cauhépé évo-
lution. Cela a été confirmé histologiquement par de
que le rôle de la sangle musculotendineuse pté-
rygoïdienne qui conditionnerait l’orientation de nombreux auteurs. Cliniquement, la présence
croissance de l’os alvéolaire tubérositaire et re- d’une cavité se vérifie en tentant d’introduire une
pousserait en avant la DS. sonde entre la couronne dentaire et la muqueuse
En fait, les deux étiologies qui viennent d’être qui la recouvre (Fig. 4).
exposées (manque de place, défaut de verticalisa- L’hypothèse selon laquelle l’apparition d’un
tion) paraissent le plus souvent s’intriquer. kyste péricoronaire pourrait être favorisée par un
Il faut y ajouter le processus de « désinclusion » obstacle mécanique n’est pas non plus exclue.
qui intervient plus tardivement, après l’âge normal Enfin, la région de la DS, difficilement accessible
d’éruption : il s’agit alors plutôt d’un « dégage- à un brossage rigoureux, est à l’origine de lésions
ment » secondaire de la dent, dû à une récession carieuses fréquentes. Ces lésions carieuses peuvent
gingivale et osseuse, ou causé par l’infection d’une aussi survenir sur une dent incluse ou enclavée et
poche parodontale développée sur la face distale conduire à la mortification et à ses complications.
de la 2e molaire.

Environnement anatomique des dents


de sagesse

Dent de sagesse supérieure

De forme très variable, souvent naine, elle est


située dans la partie postéroexterne de la tubéro-
sité du maxillaire entre la 2e molaire supérieure en
avant, l’espace ptérygomaxillaire, en arrière et
plus particulièrement, à ce niveau, la sangle mus-
Figure 3 Odontome barrant la route de 48. culotendineuse formée par les ptérygoïdiens, le
150 J.-M. Peron

En dedans, le voile du palais est situé à l’aplomb


de la tubérosité du maxillaire et de l’aile interne de
l’apophyse ptérygoïde.
En haut et en avant, elle est en rapport avec le
fragile plancher du sinus maxillaire (Fig. 5).

Dent de sagesse inférieure

Elle est moins inconstante dans sa forme que son


homologue supérieure ; ses rapports anatomiques
sont complexes.
En avant, la 2e molaire est le rapport primordial
rencontré par la DS : guide dans son évolution
normale, ou obstacle plus ou moins infranchissable.
Comme au niveau de l’arcade maxillaire, l’environ-
nement parodontal de cette dent est important à
prendre en compte.
En arrière, c’est la corticale osseuse dense du
trigone rétromolaire ou du bord antérieur de la
branche montante mandibulaire qui la recouvre
parfois en tout ou partie.
En bas, elle est en rapport avec le canal mandi-
bulaire et son contenu vasculonerveux, expliquant
les difficultés chirurgicales rencontrées lors des
avulsions et ce, d’autant qu’il existe une dysmor-
phose radiculaire, une malposition ou une inclusion
Figure 4 Conditions réelles de la péricoronarite sur les 3e molai- dentaire.
res inférieures, d’après Cantaloube :2 En haut, elle est bien entendu en rapport avec
A. Ancienne conception scolaire, classique depuis Capdepont : ses homologues antagonistes ; en cas de rétention
ouverture du « sac folliculaire » ou de la « cavité virtuelle ou d’inclusion, elle n’est pas recouverte par de l’os
péricoronaire » considérée comme un caractère anatomique
constant ; péricoronarite secondaire.
alvéolaire, mais par un os compact comme nous
B. Réalité anatomique normale (habituelle) : présence de l’atta- l’avons vu.
chement épithélial adhérant fortement à l’émail ; absence de En dehors, la DS est classiquement à distance de
cavité ; absence de péricoronarite. la corticale externe et ce, d’autant qu’elle est plus
C. Réalité pathologique (accidentelle) : présence d’un kyste évoluée sur l’arcade. L’angle mandibulaire est re-
d’éruption (péricoronaire, intrafolliculaire) préexistant :
l’ouverture du kyste dans la bouche provoque la péricoronarite.
couvert par la puissante sangle massétérine et les
espaces de glissement celluleux situés au contact
ligament ptérygomaxillaire et le buccinateur, qui de la face externe de la branche montante mandi-
cravate la tubérosité maxillaire. bulaire.
En dehors, elle est contiguë au muscle buccina- Par ailleurs, il existe une particularité anatomi-
teur et à la boule graisseuse de Bichat. que régionale qui est la gouttière buccinatomaxil-

Figure 5 Panoramique de « débrouillage » montrant : l’intimité des rapports entre le bas-fond sinusien et les DS supérieures ; le kyste
marginal postérieur sur 48 ; la destruction de la couronne de 37 occasionnée par 38.
Accidents d’évolution des dents de sagesse 151

c b
a

g
d

Figure 7 Péricoronarite aiguë.

f
Elle se manifeste par une douleur spontanée de
e la région rétromolaire. L’examen retrouve une mu-
queuse rouge, œdématiée, laissant apparaître une
partie de la couronne de la DS. La pression est
Figure 6 Muscle buccinateur et région génienne, d’après Gines-
douloureuse et peut faire sourdre un liquide séro-
tet. a : Base de l’os malaire ; b : fosse ptérygomaxillaire ; c :
fosse canine (muscles zygomatiques) ; d : vestibule buccal ; e : sanglant. Les empreintes des cuspides de la dent
abcès de Chompret et L’Hirondel ; f : fusée vestibulaire du antagoniste peuvent être observées sur ce capu-
précédent ; g : espace interptérygoïdien. chon muqueux (Fig. 7).
Dès ce stade, la radiographie panoramique per-
laire qui vient s’ouvrir en avant dans la région
met de se rendre compte des possibilités d’évolu-
génienne au niveau du quadrilatère de moindre
tion de la dent incriminée, ainsi que de la situation
résistance de Chompret (Fig. 6).
des autres DS.
En dedans, la DS est en relation plus ou moins
L’évolution est variable : soit l’accident guérit
intime avec la corticale interne sur laquelle est
avec la mise en place de la dent sur l’arcade ; soit
plaqué le nerf lingual ; ses apex se situent sous la
se constitue un des tableaux suivants.
ligne d’insertion du muscle mylohyoïdien ; elle est
toute proche de l’espace para-amygdalien qui est
Péricoronarite aiguë suppurée
le carrefour stratégique des régions celluleuses cer-
C’est le classique « accident de la DS », qui succède
vicofaciales en continuité avec les espaces média-
à la péricoronarite congestive ou en constitue l’épi-
stinaux.
sode inaugural. Le sac péricoronaire est le siège
Cette situation au sein d’un carrefour de régions
d’une infection (Fig. 8).
anatomiques profondes est importante à retenir.
Pour ce qui est de la diffusion d’une infection, la Le patient se plaint de douleurs plus intenses,
position anatomique de la DS (incluse et plus ou qui deviennent insomniantes, avec otalgies violen-
moins inclinée suivant différents plans de l’espace, tes. La péricoronarite s’accompagne d’un trismus,
ou ectopique) peut influer dans une certaine me- d’une dysphagie, d’une gêne à la mastication et
sure sur la localisation initiale ; en fait, tous les parfois d’une fébricule. Malgré le trismus, on peut
espaces communiquent, ce qui rend potentielle-
ment dangereux tout accident infectieux de cette
région.

Accidents infectieux
Péricoronarites

Péricoronarite aiguë congestive


C’est une inflammation du sac péricoronaire et de
la fibromuqueuse adjacente survenant au cours de
l’éruption de la dent dans la cavité buccale. Sa
symptomatologie est celle rencontrée lors des acci-
dents de dentition, mais elle est exacerbée. Figure 8 Péricoronarite suppurée.
152 J.-M. Peron

Figure 10 Mortification d’origine carieuse sur dent de sagesse


ectopique, révélée par une cellulite.

propage en sous-gingival vers les espaces celluleux


adjacents. Ils peuvent être provoqués également
Figure 9 Péricoronarite chronique.
par la mortification de la DS due à la carie, même
observer une muqueuse rouge, œdématiée sur dent complètement incluse (Fig. 10), ou à une
jusqu’au pilier antérieur et au sillon gingivojugal. Il atteinte parodontale profonde (cul-de-sac paro-
existe une adénopathie régionale douloureuse. dontal entre 2e et 3e molaires) ; l’infection se
La pression extrêmement douloureuse du capu- propage par voie transosseuse. Ces infections peu-
chon muqueux laisse sourdre un liquide purulent. vent être aiguës circonscrites, diffuses d’emblée,
Chaque accident permet à la dent de se dégager ou subaiguës.
un peu plus lorsqu’il régresse ou bien évolue vers
une abcédation ou le passage à la chronicité. Cellulites aiguës
Nous rappelons ici les différentes formes cliniques
Péricoronarite chronique (Fig. 9) qui peuvent s’observer à partir d’un accident
Les douleurs s’atténuent, avec quelques périodes d’évolution des DS.
de réchauffement qui sont parfois traitées médica-
lement sans geste sur la porte d’entrée. Une adé- Cellulites à évolution externe
nopathie sous-maxillaire est fréquente, indolore. Abcès buccinatomaxillaire de Chompret-L’Hirondel
Dans cette forme, il existe une suppuration chroni- C’est le classique « abcès migrateur » ; il se
que du sac péricoronaire entraînant une fétidité de forme en dehors et en avant. La collection chemine
l’haleine. dans le tissu cellulaire compris entre la table os-
seuse externe et le buccinateur ; le soulèvement
Accidents muqueux muqueux vestibulaire, parfois discret, est centré
en regard de la dent causale. Au bout de quelque
Ils succèdent ou accompagnent une péricoronarite. temps se développe une tuméfaction génienne ap-
On décrit des ulcérations de la région du trigone pliquée sur la partie moyenne de la face externe de
rétromolaire, des gingivostomatites de gravité va- la mandibule, alors que les régions mentonnières et
riable, allant de la gingivite érythémateuse aux angulaires sont libres. L’examen clinique et radio-
formes ulcérées et ulcéromembraneuses. Dans ce graphique de l’arcade dentaire homolatérale ne
cadre, citons la forme classique décrite par Chom- retrouve pas de dent mortifiée et objective le foyer
pret : la « stomatite odontiasique » : c’est une causal ; la pression de la collection externe qui
gingivite érythémateuse qui évolue très rapide- permettrait de voir sourdre du pus dans la région de
ment vers une forme ulcérée et se propage à une la DS est caractéristique.
hémiarcade, voire aux deux. Elle s’accompagne
d’une altération de l’état général, avec asthénie, Abcès massétérin
fièvre et anorexie liée à la douleur, et d’une réac- Il va se collecter en arrière et en dehors. Sa symp-
tion ganglionnaire. tomatologie est dominée par un trismus serré, des
Ces gingivostomatites peuvent se compliquer douleurs violentes qui rendent l’examen difficile :
d’une angine ulcéromembraneuse de Vincent ho- la collection fait corps avec la face externe de
molatérale et de pharyngites. l’angle mandibulaire, tandis que la tuméfaction
vestibulaire se situe en dehors du bord antérieur de
Accidents cellulaires5 la branche montante. Le danger est la diffusion de
la collection vers les espaces infratemporaux et
Ils compliquent une péricoronarite qui échappe au vers la face interne de la mandibule via l’échan-
traitement ou qui a été négligée ; l’infection se crure sigmoïde. La séquelle classique de ce type
Accidents d’évolution des dents de sagesse 153

d’abcès est la constriction permanente due à l’in- table blindage sur la face externe de la mandibule ;
volution fibreuse des masses musculaires régiona- bien entendu, l’ouverture buccale se limite au
les. cours de cet épisode. Une fistule cutanée ou mu-
queuse peut être observée avec écoulements puru-
Cellulites à évolution interne lents itératifs, pérennisant cette évolution chroni-
Elles sont graves de par leur retentissement pré- que. La dent en cause est désignée par la
coce et rapidement évolutif sur la filière respira- constatation d’une masse corticale externe au
toire. contact d’un foyer de péricoronarite.
L’abcès sous-mylohyoïdien est responsable d’une Ce tableau peut être dû à un traitement incom-
collection qui fait corps avec le bord basilaire de la plet ; mais bien plus, sa persistance, voire son
branche horizontale mandibulaire, puis s’étend passage à la chronicité doit faire évoquer un ta-
vers l’espace sus-hyoïdien latéral pour évoluer vers bleau d’infection spécifique, ou tumoral, et faire
les téguments cervicaux. pratiquer les prélèvements indispensables.
L’abcès sus-mylohyoïdien donne une tuméfac-
tion collée à la table interne de la branche horizon- Accidents ganglionnaires
tale. Les signes fonctionnels sont importants : dou-
leur, trismus, dysphagie ; leur exacerbation rend Ils accompagnent une inflammation ou une infec-
compte de la diffusion de la collection vers le tion muqueuse ou cutanée. Les premiers relais gan-
plancher buccal et l’oropharynx : c’est l’urgence en glionnaires des régions molaires et rétromolaires
matière de pathologie due aux DS. sont les ganglions sous-angulomandibulaires et
sous-maxillaires.
Cellulites postérieures
Inaugurales, ou plus souvent extension de la cellu- Adénite congestive
lite sus-mylohyoïdienne, elles en partagent le Elle est banale : cette petite tuméfaction sensible
même pronostic évolutif. Elles se collectent au de la région sous-maxillaire attire l’attention du
niveau de la face interne de la mandibule, soule- patient chez qui s’installe une péricoronarite
vant le pilier antérieur et le voile et sont à distin- aiguë. Les ganglions sont augmentés de volume,
guer du phlegmon périamygdalien. sensibles à la palpation, souples. Cette adénite
Le danger est la possible diffusion du processus peut parfois évoluer vers la suppuration.
infectieux vers le médiastin via l’espace sous-
parotidien antérieur. Adénite suppurée
Il a été décrit une forme de cellulite plus spéci- La péricoronarite causale ne cède pas et se surin-
fique à la DS supérieure,6 le phlegmon sus- fecte. Le ganglion satellite devient franchement
amygdalien de Terracol : la tuméfaction siège au- douloureux, augmente rapidement de volume et
dessus de l’amygdale, sous forme oblongue, devient rénitent. Une réaction inflammatoire loca-
soulevant une muqueuse lisse et rouge ; le trismus lisée masque ses contours. Des signes généraux
est beaucoup plus modéré. Le danger reste la dif- (fièvre, asthénie) s’installent. Non traitée, ou chez
fusion aux espaces parapharyngés. un malade aux défenses immunitaires altérées, elle
peut évoluer vers un adénophlegmon.
Cellulites diffuses
Elles peuvent constituer l’évolution d’une cellulite Adénophlegmon
circonscrite et sont alors qualifiées de « diffu- C’est la diffusion de l’infection aux espaces cellu-
sées » ; elles s’opposent aux cellulites d’emblée leux adjacents de l’adénite. Il se manifeste par une
diffuses, qui sont des fasciites nécrosantes au pro- tuméfaction très douloureuse, insomniante, sous-
nostic très défavorable du fait de leur toxicité et du mandibulaire mal limitée dissimulant les reliefs de
fait de leur extension rapide aux tissus cervicaux et la mandibule. Le patient est gêné par un trismus
médiastinaux. serré par atteinte du masséter, voire par un torti-
colis par contracture du muscle sterno-cléido-
Cellulites subaiguës mastoïdien. Les signes généraux sont marqués avec
Le patient se plaint d’une tuméfaction persistante fièvre, frissons et asthénie. Localement, la peau
ou en augmentation de volume, évoluant depuis est inflammatoire. La zone ganglionnaire, centrale,
plusieurs semaines ; l’épisode infectieux initial n’a est dure et extrêmement sensible, la zone périphé-
pas conduit à un traitement étiologique. rique est œdémateuse et garde le godet. Le dia-
La tuméfaction sous-cutanée angulaire est sensi- gnostic différentiel est celui d’une cellulite sous-
ble, mais devient inflammatoire, douloureuse au mylohyoïdienne en début d’évolution, qui reste à
moment des poussées, avec constitution d’un véri- vrai dire le diagnostic le plus évoqué de nos jours.
154 J.-M. Peron

Accidents osseux

Comme tous les accidents infectieux, ils sont essen-


tiellement observés au niveau mandibulaire.

Ostéite subaiguë
Elle se constitue rarement d’emblée ; elle s’installe
dans les suites d’un accident infectieux d’évolution
lente (Fig. 11) et doit faire rechercher un facteur
favorisant local (irradiation cervicale) ou général
(immunodépression, diabète).

Ostéite chronique
Elle est rare ; elle provoque une tuméfaction de
l’angle mandibulaire sensible, recouverte par des
téguments érythémateux, peu inflammatoires, où
peut parfois être observée une fistule cutanée. Il
Figure 13 Refoulement de la cavité sinusienne (muqueuse sinu-
peut exister une anomalie de la sensibilité dans le sienne saine).
territoire du nerf alvéolaire inférieur. La radiogra-
phie montre des corticales épaissies entourant un La survenue d’une ostéite reste enfin une com-
foyer de densification osseuse ; au maximum se plication classique de l’avulsion d’une DS, après
trouve ainsi réalisée une forme hyperostosante alvéolite, fracture, etc.
(Fig. 12).
Accidents sinusiens

La DS supérieure est en relation avec le sinus maxil-


laire ; mais c’est surtout la mortification de cette
dent après évolution sur l’arcade qui est responsa-
ble de sinusites et non un accident d’évolution. La
pathologie sinusienne d’origine dentaire évolue es-
sentiellement selon un mode subaigu ou chronique,
se traduisant par des signes unilatéraux (obstruc-
tion nasale, jetage plus ou moins purulent avec
cacosmie).
Même en cas de très volumineux développement,
un kyste péricoronaire refoule à sa périphérie une
Figure 11 Ostéite sur suppuration chronique d’un kyste périco-
cavité sinusienne, dont la muqueuse est en règle
ronaire.
générale saine, et n’est pas, en général, responsa-
ble d’infection sinusienne (Fig. 13).

Accidents vasculaires d’origine infectieuse

Exceptionnelles, mais gravissimes, les thrombo-


phlébites craniofaciales peuvent survenir par em-
bolie septique ou suppuration chronique. Leur loca-
lisation est, soit superficielle, facio-ophtalmique,
soit profonde, ptérygoïdienne. Elles peuvent, en
l’absence de traitement, aboutir à de graves sé-
quelles oculaires, ou nerveuses.

Accidents infectieux à distance

Figure 12 Ostéite hypertrophique de la branche montante gau-


Dès lors que la pathologie dont est responsable une
che due à une péricoronarite chronique (kyste marginal posté- DS constitue un tableau d’infection subaiguë ou
rieur). chronique, une infection focale à distance par dis-
Accidents d’évolution des dents de sagesse 155

mésiale provoquée par les DS : à ce jour, aucune


preuve scientifique ne peut venir confirmer ce
point de vue.1,7
Il en est de même des troubles des articulations
temporomandibulaires considérés comme la consé-
quence de ces modifications d’articulé (Agence
nationale d’accréditation et d’évaluation en santé
[Anaes]) ; cependant, l’expérience clinique montre
que des douleurs des articulations temporomandi-
bulaires peuvent être mises sur le compte d’une
modification de la cinétique mandibulaire appa-
Figure 14 Destruction de la 2e molaire. raissant lors du contact douloureux du capuchon
muqueux inflammatoire par la dent antagoniste ; il
sémination vasculaire peut être redoutée. Partant s’agit d’une occlusion de convenance temporaire
de ce foyer, les bactériémies peuvent contaminer qui s’installe à titre antalgique.
le cœur (endocardites sur pathologie valvulaire ou
autre), le rein (greffons, glomérulonéphrites), l’ap- Lésions muqueuses mécaniques
pareil pulmonaire (infections à répétitions), l’œil
(uvéites, iridocyclites) ; l’infection autour de pro- L’éruption en position vestibulaire de la DS supé-
thèses orthopédiques a été également signalée.1 rieure est responsable de traumatismes de la mu-
queuse jugale qui peuvent probablement être évo-
qués, par leur chronicité, dans l’installation de
Accidents mécaniques lésions leucoplasiques, voire plus agressives.6
Les prothèses adjointes sont parfois accusées de
Leur survenue permet souvent de révéler la pré- favoriser la désinclusion de DS : la muqueuse est
sence d’une DS incluse ou enclavée. détruite entre la couronne dentaire et la prothèse ;
bien souvent, il est observé une ankylose entre les
Lésions de la face distale de la 2e molaire racines de la DS et l’os environnant éburné.

Ces accidents sont d’autant plus probables que la Fragilisation de l’angle mandibulaire
DS est en situation mésioversée et bloquée par la 2e
molaire. La présence d’une DS inférieure incluse au niveau
L’appui continu de la couronne de la 3e molaire de l’angle mandibulaire rompt les lignes de résis-
sur la face distale de la 2e peut provoquer des tance de cette région et constituerait logiquement
lésions carieuses du collet ou de la couronne (Fig. 5, une zone de fragilité par laquelle passe le trait de
14). fracture. L’étude de Lee confirme le fait que la
Lorsque l’appui et les phénomènes de pression présence d’une DS double le risque de fracture
s’effectuent plus bas au niveau de la racine de la angulaire ; elle montre, en revanche, qu’il n’y a pas
dent, ils peuvent provoquer une rhizalyse et de corrélation significative entre la position de la
conduire à la mortification ; bien souvent se cons- dent incluse et le pourcentage de risque.4
titue également une alvéolyse localisée aboutissant Bien sûr, la DS incluse dans le foyer reste une
à la création d’un foyer parodontal difficile d’accès menace d’infection à prendre en compte dans le
pour les soins d’hygiène et dont les conséquences traitement d’une fracture angulaire.
ont été précédemment évoquées.

Troubles de l’articulé dentaire Accidents kystiques

La pression d’éruption des DS, surtout lorsqu’elles Kystes marginaux et latéraux


sont en position mésioversée, peut être à l’origine
de rotations et chevauchement au niveau des sec- Ils se forment à partir du sac péricoronaire.
teurs prémolaires et molaires ; il s’agit d’une dys- Le kyste marginal postérieur se développe à la
harmonie dentomaxillaire postérieure. face distale de la couronne de la DS inférieure et
En revanche, l’existence d’une dysharmonie forme, sur la radiographie, un croissant clair enco-
dentomaxillaire antérieure, se traduisant notam- chant la branche montante (Fig. 5, 15).
ment par un chevauchement incisif, était classique- Le kyste marginal antérieur se situe à la face
ment considérée comme la résultante d’une force antérieure de la couronne d’une DS inférieure en
156 J.-M. Peron

Figure 15 Kyste marginal postérieur.

version mésiale et forme un croissant radioclair


sous la couronne de cette dent ; il est difficile de le
distinguer d’un foyer parodontal, bien banal dans
cette situation.
Le kyste latérodentaire se développe à la face
vestibulaire des racines ou de la couronne de la
dent. Sur la radiographie, l’image kystique est super-
posée à celle des racines.

Kystes dentigères (péricoronaires)

Ils se constituent par accumulation de sérosités


Figure 16 A. Kyste péricoronaire de l’angle mandibulaire gau-
entre la couronne de la dent déjà formée et l’épi-
che, tuméfaction osseuse et déplacement dentaire.
thélium de l’émail devenu inactif, ou bien, ils pour- B. Kyste péricoronaire de l’angle mandibulaire gauche, destruc-
raient se former en dehors du follicule dentaire, tion osseuse régulière et rhizalyse des dents voisines.
aux dépens d’îlots épithéliaux de voisinage inclus
dans le conjonctif. maxillaire, avec un kyste qui l’occupe en entier.
Ils sont parfois diagnostiqués fortuitement : une L’examen anatomopathologique de toute la pièce
radiographie panoramique est demandée dans un opératoire est indispensable3 pour confirmer le dia-
bilan systématique et permet de découvrir une gnostic et surtout éliminer une greffe améloblasti-
lésion qui évolue sans doute depuis longtemps et que. De façon très exceptionnelle, il a été rapporté
n’a jamais occasionné de souci particulier. le développement d’un carcinome épidermoïde ou
Le plus souvent, un retard d’éruption dentaire mucoépidermoïde à partir de l’épithélium kysti-
asymétrique, l’apparition d’une tuméfaction, vo- que.
lontiers de siège mandibulaire (Fig. 16A), la surve-
nue d’un épisode infectieux périmaxillaire condui-
sent à demander le bilan radiographique. L’image Autres accidents
observée est radioclaire, régulière, presque tou-
jours uniloculaire, avec un liseré de condensation Toute une symptomatologie hétéroclite a pu être
périphérique ; elle englobe la couronne de la dent qualifiée d’accidents dus aux DS et rangée sous
incluse, les parois du kyste venant s’insérer à son l’appellation « accidents réflexes », prenant en
collet. On peut observer une rhizalyse des dents compte le fait que les DS se situent dans des régions
adjacentes, traduisant l’évolution lente et progres- richement vascularisées et innervées par les nom-
sive du kyste (Fig. 16B), et parfois un refoulement breuses branches du nerf trijumeau ; la physiopa-
des germes ou des dents adjacentes de la dent thologie des maladies évoquées fait appel à des
causale. Selon la taille du kyste, la dent peut se phénomènes vasomoteurs, ou d’irritation réflexe,
trouver en situation ectopique, refoulée dans le pour expliquer : les troubles trophiques (pelade),
condyle mandibulaire, le coroné ou dans le sinus musculaires (spasme, tic, torticolis), sécrétoires
Accidents d’évolution des dents de sagesse 157

(sialorrhée, larmoiement), vasculaires (érythème, Lésions carieuses


acouphènes), neurologiques (algie inexpliquée, hy- Lorsque celles-ci sont importantes et ne sont pas
poesthésie, paralysie faciale ou oculaire). accessibles à une restauration, l’avulsion est indi-
Aujourd’hui, ce concept est pour le moins quée.
controversé ; pour ce qui concerne la DS inférieure,
au terme d’une étude bibliographique exhaustive, Accidents muqueux
l’Anaes conclut (en 1997) « qu’il n’existe aucun Les ulcérations répétées conduisent le plus souvent
argument scientifique prouvant la relation de cause à l’avulsion de la DS causale.
à effet entre la présence d’une 3e molaire mandi- Quant aux gingivostomatites, leur lien avec
bulaire en désinclusion et l’une quelconque de ces l’évolution d’une DS n’est pas toujours évident en
manifestations ».1 l’absence de signes locaux. Un traitement sympto-
À l’évidence, le problème est de dépister une matique est préconisé, mais c’est l’absence d’amé-
cause systémique ou locorégionale, notamment tu- lioration ou la récidive qui fait poser l’indication
morale profonde, devant des signes sémiologiques d’avulsion.
disparates.
Accidents cellulaires [5]
Les cellulites aiguës causées par les DS sont dange-
Traitement reuses parce qu’elles intéressent, comme nous
l’avons vu, les structures postérieures de la cavité
Nous avons vu que les accidents d’évolution des DS buccale et de l’oropharynx ; elles sont préoccupan-
étaient nombreux dans leur localisation et leur tes aussi parce que difficiles à prendre en charge
type. Nous ne détaillons pas la prise en charge parfois de façon simple, en raison de leur retentis-
thérapeutique de chaque type d’accident mais les sement sur l’état général, du trismus gênant le
grandes lignes de traitement, notamment des com- geste opératoire, ou lorsque des difficultés d’avul-
plications infectieuses qui sont les plus fréquentes. sion sont prévisibles du fait de la morphologie et/ou
de la situation de la dent.
Dans tous les cas, l’indication d’extraction de la
En effet, le geste étiologique sur la porte d’en-
DS responsable ne peut être posée qu’après un
trée infectieuse est l’extraction de la dent, mais
bilan clinique et radiologique permettant de se
aussi l’ablation de tout le tissu habituellement fon-
rendre compte d’éventuelles difficultés opératoi-
gueux et inflammatoire qui s’est développé autour
res et d’en apprécier le possible retentissement
de l’inclusion ; cela pour rappeler également que
général, ou fonctionnel locorégional, dont on aver-
ce n’est pas l’antibiothérapie qui est le traitement
tira le patient.
de la porte d’entrée.
Au stade de cellulite séreuse, l’avulsion peut
Traitement des complications infectieuses être encore parfois effectuée sous anesthésie lo-
cale, sinon il vaut mieux procéder comme dans le
Péricoronarites cas suivant d’autant plus que l’état général est
Un premier accès de péricoronarite congestive né- atteint par la durée d’évolution, la douleur, la
cessite des soins locaux comportant des bains de fatigue du patient, etc.
bouche antiseptiques, la prescription d’antalgiques Au stade de cellulite suppurée, le drainage de la
et l’application méticuleuse d’acide trichloracéti- collection est nécessaire en urgence, sous anesthé-
que dilué sur le capuchon muqueux inflammatoire. sie générale : c’est la seule façon de soulager
L’acide trichloracétique peut causer très rapide- efficacement le patient, en réalisant d’emblée un
ment des brûlures de la muqueuse adjacente et il traitement complet. Une analyse bactériologique
faut veiller à ne pas toucher lèvres et muqueuses en permet d’adapter l’antibiothérapie.
insérant le coton imbibé dans la cavité buccale. Ce schéma de traitement complet en un temps
Lorsque les accès se répètent, l’indication d’avul- s’impose quand un foyer infectieux doit être impé-
sion de la dent causale est posée à froid. rativement éradiqué du fait d’une pathologie géné-
Les péricoronarites suppurées nécessitent une rale associée ; il est recommandé en cas d’évolu-
antibiothérapie visant les streptocoques et les ger- tion traînante, subaiguë, encore trop souvent due à
mes anaérobies ; il peut être recommandé en pre- la prescription isolée d’une antibiothérapie à
mière intention les associations macrolide- l’aveugle.
métronidazole ou bêtalactamine-métronidazole,
prescrites en plus des antalgiques et bains de bou- Accidents ganglionnaires
che habituels. Leur traitement est confondu avec celui de la dent
C’est à froid que l’avulsion de la DS est réalisée. causale ; ils régressent sous antibiothérapie le plus
158 J.-M. Peron

souvent. L’adénophlegmon collecté requiert un ques et bien évidemment du degré d’atteinte de


drainage chirurgical. l’environnement parodontal causé par la mésiover-
sion de la DS.
Accidents osseux
En règle générale, l’abord chirurgical du foyer est Fractures de l’angle mandibulaire
indiqué pour prélèvements bactériologiques stan- L’avulsion est recommandée, sauf lorsqu’elle com-
dard et spécifiques, biopsies, et éradication du promet la stabilité de la réduction ; une sur-
foyer causal ; parfois, le geste osseux associé est veillance attentive doit être instituée dans l’évolu-
d’emblée une séquestrectomie. tion secondaire de la fracture. L’indication
Le traitement antibiotique doit être adapté, d’avulsion est recommandée après consolidation de
mais délicat en raison du faible tropisme osseux des façon concomitante avec l’ablation du matériel de
antibiotiques. Cette antibiothérapie à doses effica- contention.
ces est donc prolongée.
Dans certains cas, un curetage du foyer d’os-
téite, une décortication, sont indiqués, encadrés
par l’antibiothérapie. Traitement des accidents kystiques
Le traitement d’une anomalie générale pouvant
favoriser le développement de l’ostéite doit évi- Leur traitement est chirurgical et comprend l’énu-
demment être mis en œuvre. cléation kystique soigneuse et l’avulsion de la DS en
cause. Parfois, l’avulsion des dents adjacentes re-
Accidents sinusiens foulées par le kyste est nécessaire si les conditions
Leur traitement comporte une antibiothérapie, la d’exérèse ne sont pas satisfaisantes sans ce geste.
suppression de la cause, c’est-à-dire l’avulsion de
la DS. Parfois, une ponction-drainage du sinus s’im-
pose. La survenue d’une communication buccosinu-
sienne est à redouter dans les suites d’accidents Références
sinusiens ; elle doit être prévenue par une ferme-
ture buccosinusienne soigneuse lors de l’avulsion 1. Agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé.
de la dent causale et après avoir éradiqué tout Indications et non-indications de l’avulsion des troisièmes
molaires mandibulaires. 1997 Recommandations et
foyer infectieux sinusien, sous peine d’échec et de
références médicales.
passage à la chronicité.
2. Cantaloube D, Fusari JP. Accidents d’évolution des dents
de sagesse. Encycl Méd Chir 1991:12p (Elsevier SAS, Paris),
Accidents vasculaires d’origine infectieuse
Stomatologie, 22-032-E-10.
Leur diagnostic nécessite la mise en route en ur-
gence d’une antibiothérapie intraveineuse massive 3. Curran AE, Damm DD, Drummond JF. Pathologically signifi-
cant pericoronal lesions in adults: histopathologic evalua-
et d’un traitement anticoagulant. tion. J Oral Maxillofac Surg 2002;60:613–617.
4. Lee JT, Dodson TB. The effect of third molar presence and
Accidents infectieux à distance
position on the risk of an angle fracture. J Oral Maxillofac
Sur des terrains favorisant la survenue de greffe Surg 2000;58:394–398.
bactérienne, comme les patients valvulaires,
5. Peron JM, Mangez JF. Cellulites et fistules d’origine den-
l’avulsion sous antibioprophylaxie des DS en désin- taire. Encycl Méd Chir 2002:14p (Elsevier SAS, Paris), Sto-
clusion est préconisée. matologie, 22-033-A-10.
6. Ragot JP. Pathologie de la dent de sagesse supérieure.
Traitement des accidents mécaniques Actual Odontostomatol 1981;133:103–143.
7. Van Der Schoot EA, Kuitert RB, Van Ginkel FC, Prahl-
Lésions de la deuxième molaire Andersen B. Clinical relevance of third permanent molars
Après avulsion de la DS traumatisante, son avulsion in relation to crowding after orthodontic treatment. J Dent
dépend des possibilités de restauration endodonti- 1997;25:167–169.

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