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EMC-Dentisterie 1 (2004) 131–146

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Examen neurologique facial à l’usage


de l’odontologiste et du chirurgien maxillofacial
Neurologic facial testing for odontologist and
maxillofacial surgeon
H. Taillia (Spécialiste des hôpitaux des Armées) *,
T. de Greslan (Assistant des hôpitaux des Armées),
J.-L. Renard (Spécialiste des hôpitaux des Armées),
F. Flocard (Professeur agrégé du service de santé des Armées)
Service de neurologie, hôpital d’instruction du Val-de-Grâce,
74, boulevard de Port-Royal, 75005 Paris, France

MOTS CLÉS Résumé Cette mise au point traite de l’examen du visage et de la cavité buccale. Elle est
Motricité de la face ; divisée en trois chapitres : motricité, sensibilité (et gustation), et fonctions neurovégé-
Fonction
tatives. À chaque étape de l’examen sont rappelées les bases anatomiques indispensables
neurovégétative ;
Motricité buccale ;
à la compréhension des signes cliniques décrits. Les principales pathologies neurologiques
Troubles de la de la face viennent illustrer notre propos et se veulent appropriées à la pratique courante
phonation de l’odontologiste et du chirurgien maxillofacial. Plusieurs schémas sont adjoints : ils ont
pour but de résumer et de synthétiser le texte.
© 2003 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

KEYWORDS Abstract In this article, we approach three independant chapters about the examination
Motricity of the face; of the face and the buccal cavity : motricity, sensory-sensitivity and neurovegetative
Neurovegetative functions. The necessary anatomical basis are reminded in order to understand clinical
function;
signs and principal neurological diseases of the face, interesting odontologists, are
Motricity of buccal
developped. Lastly, we add several synoptic and/or synthetic tables to display an
centry;
Phonation disorders immediate exploitation of the text.
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Introduction lité et de la motricité du cou qui ne seront pas


abordés ici) permet de fournir au praticien une
Le but de cette mise au point est de fournir un outil séméiologie riche, parfois nuancée et subtile,
clinique à l’odontologiste et au chirurgien maxillo- l’aidant dans son diagnostic topographique lésion-
facial. En effet, l’examen neurologique du visage et nel ainsi que dans le suivi postopératoire du pa-
de la cavité buccale (à l’exclusion de l’examen de tient. Une constante correspondance entre signes
l’appareil pharyngolaryngé, de l’oculomotricité, de cliniques et anatomie s’avère donc nécessaire. Elle
la vue, de l’audition, de l’olfaction, de la sensibi- se heurte cependant bien souvent aux nombreuses
variations anatomiques auxquelles sont sujets les
* Auteur correspondant. filets nerveux. Il s’agit donc, ici, d’édicter des
Adresse e-mail : flocard.frederic@wanadoo.fr (H. Taillia). règles générales, issues de l’observation, plutôt
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doi: 10.1016/S1762-5661(03)00015-1
132 H. Taillia et al.

Tableau 1 Terminologie des nerfs crâniens.


Ordre Terminologie commune Terminologie internationale Terminologie latine
III N. moteur oculaire commun N. oculomoteur N. oculomotorius
IV N. pathétique N. trochléaire N. trochlearis
V N. trijumeau N. trijumeau N. trigeminus
V1 N. ophtalmique (de Willlis) N. ophtalmique N. ophthalmicus
V2 N. maxillaire supérieur N. maxillaire N. maxillaris
V3 N. maxillaire inférieur N. mandibulaire N. mandibularis
VI N. oculomoteur externe N. abducens N. abducens
VII N. facial N. facial N. facialis
VII bis N. intermédiaire (de Wrisberg) N. intermédiaire N. intermedius
VIII N. vestibulocochléaire N. vestibulocochléaire N. vestublocochlearis
IX N. glossopharyngien N. glossopharyngien N. glossopharyngeus
X N. pneumogastrique (ou vague) N. vague (ou pneumogastrique) N. vagus
XI N. spinal N. accessoire N. accessorius
XII N. grand hypoglosse N. hypoglosse N. hypoglossus

que de rendre compte de tous les cas de figures de discrète asymétrie faciale doit être confrontée à
rendus possibles par les variations anatomiques in- une photographie d’identité afin de confirmer (ou
terindividuelles. La face est innervée au niveau non) son caractère récent. On note en particulier
moteur, sensitif et végétatif (système lacrymal et l’effacement du pli nasogénien ou des rides fronta-
salivaire en particulier) par le nerf facial (VII), le les du côté atteint, les possibilités d’occlusion de la
nerf trijumeau (V) et les nerfs mixtes (IX, X, XI et paupière, la présence d’un écoulement salivaire ou
XII) (Tableau 1). Le nerf oculomoteur (III), respon- l’impression de commissure labiale discrètement
sable essentiellement de mouvements du globe tombante du côté atteint. Puis la motricité faciale
oculaire, mais également impliqué dans la contrac- est étudiée de manière dynamique, d’abord par
tion du releveur de la paupière supérieure (et donc accomplissement de mouvements sur ordre, puis
dans l’ouverture des yeux), ne fait pas l’objet par étude de la mimique spontanée (recherche
d’une étude spécifique dans cet article. Trois cha- d’une dissociation automaticovolontaire).
pitres sont respectivement abordés : la motricité, L’atteinte de la motricité du nerf mandibulaire
la sensorisensibilité et les fonctions végétatives du apparaît surtout lors de l’ouverture de la bouche
visage et de la cavité buccale. Pour des raisons (ou lors des mouvements de propulsion et de rétro-
didactiques évidentes, l’examen de la face est di- pulsion de la mâchoire inférieure) qui démasque le
visé ici en entités anatomophysiologiques distinc- classique aspect de « bouche oblique ovalaire »,
tes. C’est un leurre et un biais pédagogique. L’exa- témoin d’une part de la flaccidité des muscles
men neurologique ne se conçoit, en fait, que dans masticateurs et du muscle digastrique du côté at-
sa globalité et on ne peut conclure en termes de teint et d’autre part de l’hyperactivité compensa-
diagnostic topographique neurologique qu’après trice des muscles controlatéraux (Fig. 1D). L’at-
avoir réalisé un examen neurologique complet de la teinte du contingent moteur du V3 est très
face (moteur, sensitif, sensoriel et végétatif) mais rarement isolée et ce tableau de « bouche oblique
aussi du corps entier. ovalaire », souvent confondu avec une paralysie de
la branche cervicofaciale du VII (ou nerf facial
inférieur) devant la constatation d’une bouche asy-
Motricité métrique, tombante, est généralement aisément
reconnu par son association à une hypoesthésie
Motricité du visage (Fig. 1) homolatérale du territoire cutané en regard de la
mandibule et par l’absence d’effacement du pli
Si la motricité du visage est essentiellement assu- nasogénien homolatéral. La branche motrice du V3
rée par le nerf facial (VII), la fonction masticatoire innerve également le muscle péristaphylin externe
est globalement dévolue au contingent moteur du (muscle élévateur du voile du palais) et le muscle
nerf mandibulaire (V3), branche du nerf triju- du marteau. Son atteinte peut se traduire par une
meau.3,7 L’examen clinique débute par l’inspection perte du rôle atténuateur de ce muscle dans la
du visage au repos, à jour frisant, à la recherche transmission acoustique et donc par une hyper-
d’une amyotrophie, d’une activité musculaire acousie.1,2 Parfois, lors de lésions irritatives de la
spontanée (myokimies, fasciculations, spasme hé- branche V3, le patient peut présenter un trismus
mifacial), yeux ouverts puis fermés. L’impression par contraction du masséter et des muscles pté-
Examen neurologique facial à l’usage de l’odontologiste et du chirurgien maxillofacial 133

rygoïdiens (myokimies). Parmi les causes principa- cun de 0 à 3 (0 : pas de contraction ; 1 : ébauche de
les d’irritation du V3, on cite le contact de ce nerf mouvement ; 2 : contraction contre-résistance pos-
avec une dent de sagesse ou lors de son extraction sible mais déficitaire ; 3 : contraction normale), le
(accidents de la dent de sagesse) et les lésions total étant donc à 30. En cas de paralysie faciale,
directes du nerf maxillaire inférieur (contusion, un testing totalisant plus de 15/30 serait de pronos-
blessure par arme blanche, etc.). tic favorable (Fig. 1, 2). À noter que lorsqu’on
L’étude de la motricité du nerf facial a été demande au patient de montrer les dents (ou de
standardisée par Freyss, grâce à un testing simple, sourire), seule la commissure labiale du côté sain va
reproductible et précis. Celui-ci étudie les 10 chefs être mobile. Cela donne l’impression que le patient
musculaires les plus importants en les cotant cha- « fume la pipe » du côté sain (Fig. 1B).

Inspection du visage
Au repos et lors de la mimique
En comparaison avec une photographie d'identité

Bouche oblique ovalaire Asymétrie constitutionnelle


Effacement du pli
Absence d'effacement du pli nasogénien = normalité
nasogénien = atteinte du VII
Hypoesthésie du territoire du V3 ou atrophie des tissus sous-cutanés :
= atteinte du V3 syndrome de Parry-Romberg

Prédominance sur le territoire inférieur Atteinte homogène des


dissociation automaticovolontaire territoires supérieur et inférieur
signe des cils de Souques signe de Charles Bell, inocclusion palpébrale

Paralysie faciale centrale Paralysie faciale périphérique


(atteinte des voies corticonucléaires ou (atteinte du tronc du nerf dans son segment pré-,
du noyau facial protubérantie) intra- ou extrapétreux ou d'une des branches
supérieure ou inférieure intra- ou extraparotidienne)

Testing de Freyss
Localisation lésionnelle
0 : pas de contraction
1 : ébauche
2 : contraction contre-résistance déficitaire
3 : normal Signe labyrinthique : sécheresse nasolacrymale
: hyperacousie
latéraux frontal : relever les sourcils : perte du goût (2/3 antérieurs de la langue)
orbiculaire des paupières : fermer les yeux : discrète xérostomie
zygomatique : sourire forcé
buccinateur : gonfler les joues Signe tympanique : hyperacousie
triangulaire des lèvres : tirer les lèvres en arrière : perte du goût (2/3 antérieurs de la langue)
paramédians sourcilier : froncer les sourcils : discrète xérostomie
pyramidal : froncer le nez
releveur du nez et lèvre supérieure : bouche en carré Signe mastoïdien : perte du goût (2/3 antérieurs de la langue)
orbiculaire des lèvres : museau de tanche : discrète xérostomie
mentonnier : faire la lippe
Signe extrapétreux : paralysie faciale périphérique isolée
score total : /30
Branche temporofaciale : atteinte prédominante front/œil

Branche cervicofaciale : atteinte prédominante péribuccale


Pronostic Suivi évolutif (sans dissociation automaticovolontaire)
Bon score > 15/30 et objectif
A
Figure 1 A. Tableau récapitulatif de l’examen de la motricité du visage. B. Paralysie faciale gauche périphérique et signe de Charles
Bell (à la fermeture des paupières). C. Paralysie faciale centrale gauche et signe des cils de Souques (à la fermeture des paupières) :
effacement moindre des plis frontaux et respect relatif de la courbure du sourcil. D. Bouche oblique ovalaire par atteinte du
contingent moteur du V3 droit.
134 H. Taillia et al.

En fait, les principales questions qui se posent au supérieur, ne croisent pas. Ainsi, lors d’une paraly-
clinicien devant une atteinte du nerf facial n’est sie faciale centrale, le défaut de commande de la
pas tant le diagnostic différentiel (atteinte du V3, branche temporofaciale (ou faciale supérieure) est
syndrome de Parry-Romberg) que le diagnostic en partie compensée par la voie corticonucléaire
étiologique topographique (paralysie faciale cen- controlatérale à la lésion centrale. Cliniquement,
trale ou périphérique) et le niveau de lésion du nerf le patient parvient à fermer l’œil du côté paralysé
quand le caractère périphérique est confirmé. Ces mais cette occlusion est imparfaite et discrètement
questions impliquent un nécessaire rappel anatomi- hypotonique. Une discrète saillie de la partie infé-
que.5 rieure de la paupière supérieure apparaît, laissant
Au niveau central, le premier motoneurone de la ressortir les cils : c’est le « signe des cils de Sou-
commande faciale naît dans la convexité du cortex ques » (Fig. 1C). Au contraire, dans la paralysie
de l’aire précentrale (en avant de la scissure de faciale périphérique, il n’y a aucun système de
Rolando, aire frontale ascendante ou aire motrice compensation possible. La paupière supérieure ne
primaire, siège d’une somatotopie décrite sous le se ferme pas, mettant en péril l’œil (risque fré-
nom d’homunculus de Penfield) controlatérale à quent de kératoconjonctivite). Lorsqu’on demande
l’hémiface concernée. L’axone passe par le bras au sujet de fermer avec force les yeux, la paupière
antérieur de la capsule interne homolatérale au ne s’abaisse qu’à peine tandis que le globe oculaire
cortex moteur pour adopter ensuite un trajet glo- opère un mouvement d’éversion (commandé par le
balement vertical, descendant, et atteindre, en nerf oculomoteur, intact) : c’est le signe de Charles
décussant au niveau protubérantiel, le noyau facial Bell (Fig. 1B).
controlatéral. Cependant, une partie de ces fibres, Lorsqu’il existe une paralysie faciale périphéri-
ayant principalement pour cible le territoire facial que, la question du niveau d’atteinte lésionnelle se

Effacement des à l'occlusion des yeux,


plis frontaux la paupière supérieure
et sourcil ne s'occlut pas complètement

signe de Charles Bell :


inocclusion palpébrale
et éversion de l'œil
(en haut et en dehors)
Les cils de la
Effacement paupière supérieure
du pli apparaissent plus visibles
nasogénien («signe des cils de Souques»)
à la contraction (sourire)
inversion de l'inocclusion
labiale (fume la pipe) 1 C. Paralysie faciale périphérique gauche.
Ouverture de
la commissure
labiale

1 B. Paralysie faciale centrale gauche.

1 D. Atteinte de la branche motrice du V3 droit.

Figure 1 (suite)
Examen neurologique facial à l’usage de l’odontologiste et du chirurgien maxillofacial 135

M. temporal (muscle sans action motrice notable)


Branche temporo-faciale

M. occipitofrontal : soulever les sourcils

M. sourcilier : froncer les sourcils

M. orbiculaire des paupières : fermer les yeux avec force


M. transverse du nez : attraction des ailes du nez en haut et en
dehors

M. pyramidal : froncer le nez

M. releveur de l'aile du nez et de la lèvre supérieure : plissement


de la partie supérieure du pli nasogénien, bouche carrée
M. dilatateur de la narine : dilatation des narines
M. orbiculaire des lèvres : museau de tanche, siffler
Branche cervico-faciale

M. myrtiforme : abaisser et fermer la partie inférieure de la


narine
M. petit et grand zygomatiques : plissement de la partie
inférieure du pli nasogénien (sourire forcé)
M. canin (en profondeur) : découvrir l'arcade dentaire supérieure
M. de la houppe du menton : faire la lippe
M. carré du menton : attraction de la lèvre inférieure vers le bas
M. triangulaire des lèvres : abaisser la commissure labiale
M. bucinateur (en noir) et risorius (en avant et en blanc) : tirer en
arrière les commissures labiales, gonfler les joues
Ventre antérieur du M. digastrique et des M. ptérygoïdiens
interne et externe (en profondeur) : propulsion, rétropulsion,
diduction de la mandibule
M. des peauciers du cou
M. masséter : abaissement et élévation de la mandibule
(mastication)

Figure 2 Vue antérieure schématique de l’hémiface droite. Les flèches noires : action des muscles innervés par le VII ; Les flèches
grises: action des muscles innervés par le V3.

pose. Par définition, l’atteinte « périphérique » est VIII et pénètre dans l’aqueduc de Fallope. Il décrit
la traduction d’une lésion située au niveau du se- dans le rocher un trajet en baïonnette. Ce trajet
cond motoneurone du nerf facial, de sa naissance intrapétreux est divisé en trois : d’abord, le seg-
(au niveau de la synapse dans le noyau facial) à ses ment labyrinthique, long de 3 mm, qui se termine
branches terminales. Au sortir du noyau facial, le en s’élargissant pour donner naissance au ganglion
contingent moteur du nerf facial est d’abord isolé. géniculé ; puis le segment tympanique d’où émerge
Il décrit un arc de cercle au sein de la protubérance le grand nerf pétreux superficiel qui, se joignant au
dans un trajet initial en dedans et en arrière, grand nerf pétreux profond (provenant du IX), re-
contourne le noyau abducens (du nerf abducens ou çoit le nom de nerf vidien à destinée lacrymona-
VI) puis adopte un trajet en dehors et en avant au sale ; enfin, le segment mastoïdien au sein duquel il
cours duquel il reçoit son contingent de fibres végé- donne naissance au muscle de l’étrier et à la corde
tatives (système lacrymo-muco-nasal, noyau sali- du tympan, nerf à destinée salivaire (glandes sous-
vaire supérieur, noyau du faisceau solitaire) et maxillaire et sublinguale) et recevant par le nerf
sensitives (nerf VII bis ou nerf facial intermédiaire lingual les afférences gustatives des deux tiers an-
de Wrisberg). Le VII et le VII bis émergent au niveau térieurs de la langue. Le nerf facial sort alors du
du sillon bulboprotubérantiel, parallèlement au massif crânien par le trou stylomastoïdien, à la base
nerf vestibulocochléaire (VIII) et forment rapide- du crâne. Avant d’entrer dans la glande parotide, il
ment avec ce dernier le paquet acousticofacial reçoit le nerf sensitif de Ramsay-Hunt dont les
avant d’entrer dans le rocher par le canal auditif fibres empruntent la voie du nerf intermédiaire de
interne. Le contingent facial se sépare alors du nerf Wrisberg et émet des branches à destinée motrice
136 H. Taillia et al.

(rameau du muscle stylohyoïdien et du ventre pos- bulbe, émerge par une dizaine de filets dans le
térieur du muscle digastrique, muscles styloglosse sillon collatéral antérieur. Ces filets nerveux se
et palatoglosse). Au sein de la parotide, le nerf réunissent en un tronc unique avant de passer dans
facial est comme un signet dans un livre, ce qui le canal condylien antérieur, intracrânien. Dès sa
explique son exposition dans la chirurgie et la pa- sortie, le XII entre en contact avec l’artère carotide
thologie parotidienne. Enfin, c’est dans son trajet interne et ses satellites – ganglion parasympathique
intraparotidien que le nerf facial se divise en deux plexiforme et ganglion sympathique cervical supé-
branches supérieure et inférieure. rieur – autour desquels il s’enroule dans un trajet
Les émergences du nerf facial, en particulier lors globalement descendant (cette contiguïté explique
de son trajet intrapétreux, permettent de localiser la fréquente symptomatologie linguale dans les dis-
le site lésionnel en fonction des signes cliniques sections de l’artère carotide interne en particu-
associés à la paralysie faciale périphérique :1,3,5,7 lier). Le XII est également doublé à la sortie du
• l’atteinte du segment labyrinthique associe canal condylien antérieur d’un rameau sensitif mé-
une symptomatologie homolatérale à la lésion ningé expliquant ainsi les céphalalgies et cervical-
comprenant une sécheresse des fosses nasales gies homolatérales dans la dissection ou la chirurgie
et de l’œil (atteinte du nerf vidien), une hyper- carotidienne. Il oblique ensuite vers l’avant en un
acousie (atteinte du nerf de l’étrier, ou nerf trajet horizontal et en dedans jusqu’à la langue non
stapédien, qui n’atténue plus les mouvements sans avoir émis lors de son virage un rameau moteur
de cet osselet dans la transmission du signal descendant, juxtacarotidien à destination des mus-
sonore), une perte du goût des deux tiers anté- cles cervicaux ainsi qu’une anastomose avec les IIe
rieurs de l’hémilangue, une xérostomie (at- et IIIe nerfs cervicaux.
teinte du nerf lingual), une hypoesthésie de la L’atteinte du XII est à l’origine d’une hémiatro-
conque de l’oreille (atteinte du nerf de Ram- phie linguale homolatérale très précoce avec fasci-
say-Hunt) ; culations bien visibles (faire reposer la langue sur le
• l’atteinte du nerf facial dans son segment tym- bord de l’arcade dentaire inférieure) et d’une para-
panique préserve de l’assèchement de l’œil et lysie de l’hémilangue. Il s’ensuit des troubles arti-
des fosses nasales au niveau homolatéral ; culatoires et de la déglutition. La protraction de la
• la lésion du segment mastoïdien est à l’origine langue dévie celle-ci du côté paralysé. La rétrac-
d’un tableau qui s’allège encore avec dispari- tion de langue la dévie du côté sain. En cas d’at-
tion de l’hyperacousie homolatérale (Fig. 1). teinte bilatérale du XII, une ébauche de mouve-
Au décours d’une paralysie faciale périphérique, ments linguaux est cependant rendue possible par
même en cas de récupération complète de la force l’intermédiaire du nerf glossopharyngien qui com-
motrice, on assiste fréquemment à des manifesta- mande en partie le muscle styloglosse et le pharyn-
tions musculaires séquellaires à type de syncinésies goglosse (petits muscles latéraux pairs de la langue)
ou de spasme hémifacial. Une manifestation à part et le nerf vague (X) qui innerve également le pha-
doit enfin être individualisée : il s’agit du spasme ryngoglosse et le glossostaphylin.
médian de la face ou syndrome de Meige ou blépha-
rospasme. Il correspond à un mécanisme dystoni- Examen du voile du palais1,2,3,6,7
que de nature inconnue et se traduit par une Le voile du palais se présente comme le prolonge-
contraction intense et longue (jusqu’à 1 minute) ment arrière du palais osseux. Il se poursuit de côté
des deux paupières provoquant ainsi leur fermeture par le pilier antérieur et postérieur (l’amygdale pa-
inopinée. Ce phénomène croît à la lumière et à latine est située entre ces deux piliers) et au milieu
l’émotion et cède au relèvement mécanique de la par la luette. Les muscles péristaphylins (interne et
paupière supérieure par le doigt.1 externe) suspendent le voile du palais et, en se
contractant, agissent comme tenseurs et élévateurs
Motricité de la cavité buccale (Fig. 3) du voile. Les muscles des piliers sont disposés en arc
d’ogive (muscle glossostaphylin pour le pilier anté-
L’examen clinique de la cavité buccale que prati- rieur et muscle pharyngostaphylin pour le pilier pos-
que le neurologue se limite à l’examen de la langue térieur) et abaissent le voile en se contractant. Le
et du voile du palais. Au niveau fonctionnel, il muscle palatostaphylin, médian, naît du bord posté-
s’intéresse à la phonation et à la déglutition. rieur du palais osseux et constitue le muscle de la
luette qu’il élève en se contractant. La commande
Examen de la langue2,6,8 motrice du voile du palais est dédiée au X, hormis
Les 12 muscles de la langue sont essentiellement pour le muscle péristaphylin externe commandé par
innervés par le nerf hypoglosse (XII). Le noyau du le V3. L’atteinte de ce dernier n’est pas suffisante
XII, situé dans la partie paramédiane antérieure du pour provoquer une symptomatologie au niveau du
Examen neurologique facial à l’usage de l’odontologiste et du chirurgien maxillofacial 137

Déviation de la langue du côté A à la protraction, déviation du côté B à la rétraction


= atteinte du XII du côté A
(bulbe homolatéral puis trou condylien antérieur, puis trajet au contact de la carotide interne, du ganglion parasympathique
plexiforme, du ganglion sympathique cervical supérieur puis langue)

Abaissement du voile du palais du côté A et élévation compensatoire du voile du côté B


(épreuve sensibilisée quand on demande au patient d'émettre le son [é])
ou
stimulation du voile par abaisse-langue provoquant une contraction du voile uniquement du côté B (réflexe du voile)
± associée à des troubles de la phonation et fausse-route aux liquides
= atteinte du X du côté A

Déviation de la paroi postérieure de l'oropharynx du côté B qui seule se contracte à l'émission du son [a] (signe du rideau)
± associée à troubles de la phonation et fausse-route aux liquides
= atteinte du X (ou du IX) du côté A

Fausses-routes aux liquides, nasonnement, réflexe nauséeux négatif, hypotonie globale du voile
± associés à une discrète diplégie faciale (amimie), voire un rire et un pleurer spasmodique
= syndrome pseudobulbaire
(atteinte des voies corticonucléaires bilatérales à destinée des noyaux ambigus)

Voix bitonale isolée


= atteinte unilatérale du nerf récurrent ou du nerf laryngé supérieur ou externe

Laryngoscopie

Absence de bascule homolatérale du cartilage thyroïde Paralysie homolatérale des cordes vocales
sur le cartilage cricoïde

Hypoesthésie laryngée Sensibilité laryngée normale

Nerf laryngé supérieur Nerf laryngé externe Nerf récurrent (= nerf laryngé inférieur)
homolatéral homolatéral homolatéral

Voix bitonale non isolée (cf. Fig. 4 et 5) Côté de l'atteinte déterminé par laryngoscopie

Atteinte du X entre le tiers inférieur du ganglion plexiforme Atteinte du X au-dessus du tiers inférieur
et l'émergence du nerf récurrent du ganglion plexiforme
(atteinte associée des fibres destinées au
plexus pharyngé)

Troubles neurovégétatifs : pouls irrégulier ou tachycardie Idem (troubles neurovégétatifs)


rythme respiratoire irrégulier +
Radiographie pulmonaire paralysie phrénique homolatérale troubles de la déglutition aux liquides
toux coqueluchoïde réflexe du voile et signe du rideau

Figure 3 Orientation du diagnostic lésionnel et topographique en fonction des troubles de la motricité de la langue ou de la cavité
buccale.
138 H. Taillia et al.

Figure 4 Vue sagittale du voile, du pharynx et du larynx. Correspondances anatomocliniques. En pointillé figurent les nerfs dont
l’atteinte isolée n’a pas (ou très peu) de traduction clinique motrice. Tous les nerfs représentés sur ce schéma sont impliqués dans la
déglutition (hormis le nerf laryngé externe).

voile. Le noyau moteur du X est situé dans le noyau clonie du voile ou vélopalatine. Il s’agit clinique-
ambigu. Son trajet sera étudié au chapitre suivant ment de secousses rythmiques rapides du voile du
(« Troubles de la phonation et de la déglutition »). Au palais diffusant parfois à la face, constantes même
sortir du ganglion plexiforme, les fibres motrices du durant le sommeil. Elles traduisent une lésion sur le
X à destinée du voile (et du pharynx) se détachent du circuit reliant le noyau dentelé cérébelleux homo-
contingent principal et constituent le plexus pharyn- latéral au noyau olivaire bulbaire controlatéral.
gien. L’atteinte du X se traduit, au niveau du voile,
par une abolition de la motricité du palais membra- Troubles de la phonation
neux homolatéral qui sera hypotonique, tombant, et et de la déglutition1,2,3,6,7,8
par une élévation compensatrice du bord libre du Il ne nous appartient pas ici de décrire les mécanis-
voile controlatéral. La recherche du réflexe du voile mes complexes impliqués dans la phonation et la
(stimulation tactile du voile par un abaisse-langue) déglutition mais plutôt de fournir, en cas d’atteinte
provoque de même une contraction limitée au côté de ces deux fonctions, des arguments cliniques en
sain. L’émission du son [é], qui normalement élève faveur d’une origine neurologique (et d’en déduire
au maximum le voile du palais, provoque, lors de la le niveau lésionnel). Outre le voile du palais, le
paralysie de l’hémivoile, une augmentation de pharynx et le larynx interviennent dans ces méca-
l’asymétrie entre côté sain et atteint. nismes (Fig. 4).
La fonction principale du voile étant l’occlusion
du nasopharynx (cavum), les conséquences de la Pharynx
paralysie du voile s’objectivent surtout lors de la Le pharynx peut être assimilé à un conduit vertical
phonation et de la déglutition. Une mauvaise occlu- tapissant en arrière la colonne vertébrale cervicale
sion vélopalatine aboutit à un défaut de prononcia- et ouvert en avant et en haut vers les fosses nasales
tion des sons [p], [t] et [k], ainsi qu’une fuite d’air (nasopharynx ou choane), en avant et en son tiers
par le nez à l’origine d’un nasonnement caractéris- moyen vers la cavité buccale (oropharynx), en
tique. Au cours de la déglutition, on observe de avant et en bas vers le larynx, partie supérieure de
même une régurgitation par le nez des aliments et la trachée et de l’arbre bronchorespiratoire (hypo-
surtout des liquides. pharynx). Il se prolonge, à sa partie inférieure, par
De manière beaucoup plus rare, on décrit une l’œsophage (bouche de l’œsophage). Il est innervé
entité pathologique désignée sous le terme de myo- par le X et accessoirement par le IX. Les muscles du
Examen neurologique facial à l’usage de l’odontologiste et du chirurgien maxillofacial 139

pharynx sont divisés en deux groupes : les muscles térales sont atteintes de manière extensive. Si les
constricteurs (supérieur, moyen et inférieur) com- lésions touchent les voies de commande de la mo-
mandés par le nerf pneumogastrique et le muscle tricité faciale, le patient a au maximum une diplé-
stylopharyngien, élévateur, essentiellement in- gie faciale, au minimum une amimie. Enfin s’y
nervé par le nerf glossopharyngien. Le déficit de la associe souvent alors un rire et un pleurer spasmo-
motricité du pharynx se traduit par un trouble de la dique par dérégulation de la traduction par la mimi-
phase finale de la déglutition (temps pharyngien : que du ressenti émotionnel.
fermeture de l’épiglotte) et donc par un risque
important de fausse-route. Ce trouble apparaît Larynx
d’autant plus volontiers que le bol alimentaire est Le larynx constitue la partie initiale et supérieure
suffisamment fissible pour passer l’étroite filière du tractus respiratoire. Il est composé de l’os
épiglottique, situation privilégiée lors de la déglu- hyoïde, d’éléments cartilagineux (cartilage cri-
tition des liquides et de la salive. En pratique, il coïde, thyroïde – la pomme d’Adam, aryténoïdes,
n’est pas possible, lors de l’examen bouche- corniculés et de l’épiglotte), de ligaments et de
ouverte du pharynx, de différencier une atteinte du membranes qui maintiennent ces cartilages entre
groupe constricteur d’un déficit de l’élévateur. À eux et de muscles. Ceux-ci se divisent en deux
l’examen, la paroi postérieure du pharynx dévie du groupes : les muscles extrinsèques qui amarrent le
côté sain lors de l’émission du son [a] (signe du larynx (et le pharynx) à la langue et à la colonne
rideau). Les fibres motrices du IX et du X ont une vertébrale, et les muscles intrinsèques qui assurent
origine et un trajet contigus si bien que leur at- les mouvements de fermeture-ouverture du larynx
teinte est en règle concomitante. Leurs noyaux et donc la phonation. Ces derniers sont innervés par
moteurs sont regroupés au sein du noyau ambigu, deux branches du X auquel s’adjoint le nerf spinal
situé en position paramédiane postérieure bul- bulbaire (naissant à la partie inférieure du noyau
baire. Les fibres efférentes sortent du bulbe en ambigu, il suit le trajet du X du trou déchiré posté-
avant et en dehors de la lame dorsale de l’olive et rieur aux muscles laryngés intrinsèques) : le nerf
traversent le crâne au niveau du trou déchiré pos- laryngé inférieur ou nerf récurrent et, plus acces-
térieur (en compagnie de la racine bulbaire du nerf soirement, la branche inférieure (nerf laryngé ex-
spinal). Le nerf vague forme, avec le nerf spinal terne) du nerf laryngé supérieur (Fig. 5).
bulbaire, le ganglion plexiforme. Les fibres motri- Les deux nerfs récurrents ont des trajets très
ces du X à destinée du pharynx (et du voile) sortent différents. Le nerf récurrent droit se détache du nerf
du ganglion plexiforme et rejoignent celle du IX vague alors que celui-ci chemine verticalement en
dans le plexus pharyngien avant de faire synapse arrière du principal paquet artérioveineux cervical :
avec les muscles effecteurs. Le premier motoneu- carotide primitive en dedans et veine jugulaire in-
rone cortical à destination du noyau moteur du IX terne en dehors. Deux centimètres au-dessus de la
croise au niveau bulbaire tandis que le faisceau division du tronc artériel brachiocéphalique, le nerf
corticonucléaire faisant synapse avec le noyau mo- récurrent se détache donc et effectue une boucle de
teur du X envoie non seulement des fibres qui l’avant vers l’arrière autour de la portion initiale de
décussent à l’étage bulbaire mais aussi des fibres l’artère sous-clavière droite (en regard du dôme
homolatérales au premier motoneurone. Ainsi, en pleuropulmonaire droit), puis rejoint, en un trajet
termes de motricité pharyngée, on comprend que oblique en haut et en dedans, l’angle trachéo-
l’atteinte unilatérale du noyau ambigu entraîne un œsophagien droit et la loge thyroïdienne droite. À
trouble de la déglutition tandis que l’atteinte d’un cet étage, il est donc au contact en dehors avec la
faisceau corticonucléaire ne compromet que la face postéro-interne du lobe thyroïdien droit (où il
commande du muscle stylopharyngien, muscle ac- croise sur son trajet la glande parathyroïde infé-
cessoire, insuffisant à provoquer un trouble de la rieure), en dedans avec l’artère thyroïdienne infé-
déglutition. Il faut donc une atteinte des deux voies rieure, en avant avec la trachée et en arrière avec
corticonucléaires à destination des noyaux ambigus l’œsophage. Il se termine au niveau du larynx où il
pour provoquer une symptomatologie similaire à émet des terminaisons vers tous les muscles intrinsè-
une lésion bulbaire : c’est le syndrome pseudo- ques hormis le muscle cricothyroïdien. Le nerf récur-
bulbaire. Celui-ci associe des troubles de dégluti- rent gauche a un trajet encore plus long. Il suit,
tion de type bulbaire et des troubles de la phona- comme son homologue, la face postérieure du pa-
tion uniquement en cas d’atteinte des voies quet vasculaire artère carotide primitive-veine jugu-
corticonucléaires droite et gauche à destination laire interne, contourne d’avant en arrière la portion
des noyaux ambigus et en particulier de leur zone horizontale de la crosse de l’aorte, avant de remon-
médiane (noyau moteur du X). Ce syndrome peut se ter en un trajet globalement vertical dans l’angle
compléter lorsque les voies corticonucléaires bila- trachéo-œsophagien gauche. Son trajet, jusqu’à sa
140 H. Taillia et al.

noyau ambigu branches du X (et IX) à


destinée pharyngée
(troubles de la déglutition, rideau)
trou déchiré postérieur

ganglion plexiforme
nerfs laryngés supérieurs :
ils croisent sur leur trajet le XII,
veine jugulaire interne le ganglion cervical supérieur
du sympathique et la carotide interne
artère carotide primitive

thyroïde
branche supérieure : branche inférieure :
nerfs vagues sensibilité du larynx nerf laryngé externe,
moteur du muscle
trachée en avant LARYNX cricothyroïdien
œsophage en arrière
moteurs pour les muscles
artère sous-clavière droite du larynx sauf le muscle
cricothyroïdien
tronc brachiocéphalique
nerfs récurrents :
dôme pleural droit
nerfs laryngés inférieurs
crosse de l'aorte

Figure 5 Trajet des nerfs laryngés inférieurs (= nerfs récurrents) et des nerfs laryngés supérieurs.

terminaison, est alors symétrique au nerf récurrent tension des cordes vocales que l’on observe au
droit. mieux en laryngoscopie. Lorsque l’atteinte a son
Les nerfs laryngés supérieurs ont des trajets origine en amont de la naissance de la branche
identiques à droite et à gauche. Le nerf laryngé récurrentielle du nerf vague mais au-dessous du
supérieur naît du ganglion plexiforme et se dirige ganglion plexiforme, la symptomatologie s’enrichit
en bas et en dedans vers la paroi latérale du pha- de signes neurovégétatifs transmis par le X (tachy-
rynx. Il croise sur sa trajectoire la carotide interne, cardie ou instabilité du rythme cardiaque, modifi-
le ganglion cervical supérieur du sympathique et cation du rythme respiratoire, toux coqueluchoïde,
nerf hypoglosse. Il émet ensuite une branche supé- troubles respiratoires en rapport avec l’atteinte de
rieure, sensitive et une branche inférieure, mo- la motricité diaphragmatique homolatérale, trans-
trice, le nerf laryngé externe qui va innerver essen- mise par le nerf phrénique). Le tableau se complète
tiellement le muscle cricothyroïdien du larynx. encore lorsque l’atteinte concerne la portion allant
Le déficit unilatéral de la motricité du larynx est à du noyau ambigu au ganglion plexiforme : voix
l’origine d’une voix bitonale caractéristique dont le bitonale et nasonnée, fausses-routes aux liquides
grand pourvoyeur est la paralysie récurrentielle, en avec régurgitation nasale, signes végétatifs, para-
particulier après chirurgie thyroïdienne. Mais, on lysie de l’hémivoile et de l’hémipharynx (signes du
voile et du rideau), signes sensitifs (cf. chapitre
l’a compris, bien d’autres étiologies peuvent être
suivant : « Sensibilité »).
en cause : atteinte des nerfs laryngés supérieur ou
L’atteinte motrice bilatérale du larynx (syndro-
externe, atteinte du nerf vague en amont de la
mes bulbaires, pseudobulbaires ou lésions bilatéra-
division récurrentielle. L’atteinte récurrentielle
les sur le trajet des nerfs à destinée laryngée)
peut se voir lors de pathologies aussi variées qu’une
s’accompagnent d’une aphonie. L’épiglotte
dissection aortique (paralysie gauche), qu’une tu-
n’étant plus mobilisée, une dyspnée ne tarde pas à
meur du dôme pleuropulmonaire droit (paralysie
apparaître. Les autres signes d’accompagnement
droite), qu’une tumeur œsophagienne ou trachéo-
dépendent du niveau lésionnel.
laryngée. En laryngoscopie, la corde vocale est en
adduction mais parfois, elle est tout de même
ouverte par persistance de la commande du muscle Sensibilité
cricothyroïdien. L’atteinte du nerf laryngé supé-
rieur ou du nerf laryngé externe, à l’origine d’une Sensibilité du visage (Fig. 6)
paralysie du muscle cricothyroïdien, se traduit par
une absence de bascule du cartilage thyroïde sur le Elle dépend essentiellement des branches sensiti-
cartilage cricoïde. Il s’ensuit une diminution de la ves du nerf trijumeau (V), au nombre de trois :4 le
Examen neurologique facial à l’usage de l’odontologiste et du chirurgien maxillofacial 141

nerf dentaire luette


supérieur puis palais
nerf sous-
orbitaire pharynx

Nerf frontal
nerfs palatins
puis ganglion
IX
sphénopalatin
V1 = nerf
ophtalmique V3
Gasser - V2
de Willis
Nerf nasal

Nerf lacrymal
hélix innervé par le nerf auriculo-
V2 = nerf temporal (branche du V3)
maxillaire

conque de
l'oreille
IX = nerf innervée par
glossopharyngien les autres le VII bis
segments et le X
V3 = nerf
auriculaires
mandibulaire
dépendent du
C2-C3 plexus cervical

Figure 6 Sensibilité de la face, de la langue, du palais, de l’arcade dentaire supérieure et de l’oreille (droite).

nerf ophtalmique de Willis (V1), le nerf maxillaire puis chemine dans la paroi du sinus caverneux, au
(V2) et le nerf mandibulaire (V3). Ils se partagent la contact de l’artère carotide interne, avant d’at-
sensibilité du visage hormis une petite zone en teindre la partie supérieure du ganglion de Gasser.
regard de l’angle mandibulaire (encoche massété- Ainsi, l’atteinte de l’apex orbitaire, de la fente
rienne dépendante des racines C2 et C3), le scalp sphénoïdale ou du sinus carverneux se traduisent,
occipito-pariéto-temporal (innervé par les racines entre autres, par un déficit de la sensibilité dans le
C2-C3), et les deux tiers postérieurs de l’oreille territoire du V1.
(l’antitragus et la conque sont innervés par le nerf Le territoire du V2 comprend la partie juxtaorbi-
intermédiaire de Wrisberg et le nerf vague, la par- taire externe, l’ensemble de la joue, de la paupière
tie médiane et postérieure du pavillon dépendent inférieure à la lèvre supérieure et englobe l’aile du
des racines C2-C3 ; seuls le tragus et la partie nez. Il traverse l’os malaire par le canal sous-
antérieure de l’hélix dépendent du nerf auriculo- orbitaire puis se regroupe avec les nerfs alvéolaires
temporal, branche du V3) (Fig. 6). supérieurs et le ganglion sphénopalatin. Le V2 tra-
Le territoire du V1 comprend l’œil, la paupière verse ensuite le crâne au niveau du trou grand rond
supérieure, le front, le scalp frontal et la racine du et rejoint la partie médiane du ganglion de Gasser.
nez. Le V1 est formé en dedans du nerf nasal ou La région innervée par le V3 correspond au men-
nasociliaire qui innerve le dos du nez, la partie ton (jusqu’à la lèvre inférieure) et se projette
interne de la paupière supérieure et l’œil. Il repré- globalement sur la mandibule à l’exception de l’en-
sente la voie afférente du réflexe cornéen : la coche massétérienne d’innervation cervicale. Le
stimulation tactile de l’œil par gaze stérile (nerf nerf mentonnier pénètre dans l’os maxillaire infé-
nasal) provoque la fermeture des paupières (nerf rieur par le trou mentonnier puis est rejoint pro-
facial). En situation médiane, on trouve le nerf gressivement par les rameaux incisifs et dentaires
frontal (interne et externe) qui innerve la portion inférieurs dans le canal dentaire (creusé dans la
médiane de la paupière supérieure, la partie in- mandibule) où il prend le nom de nerf alvéolaire
terne et externe du front. En dehors, le nerf la- dentaire inférieur. À son entrée dans le crâne par le
crymal est responsable de la sensibilité de la région trou ovale, il atteint, juste avant d’arriver à la
externe de l’orbite et de la paupière supérieure. partie inférieure du ganglion de Gasser, le nerf
Les trois branches du nerf ophtalmique de Willis se mandibulaire (V3). Le V3 reçoit également les affé-
rejoignent pour traverser la fente sphénoïdale en rences du nerf lingual, nerf gustatif et sensitif des
compagnie des nerfs oculomoteurs (III : nerf oculo- deux tiers antérieurs de la langue et nerf végétatif
moteur ; IV : nerf trochléaire ; VI : nerf abducens) (le nerf auriculotemporal, qui assure la sensibilité
142 H. Taillia et al.

cutanée en regard de la branche montante de la siologiques complexes : territoires tronculaires (C2-


mandibule mais aussi une fonction végétative paro- C3, VII de Wrisberg, V), territoires des branches du
tidienne et motrice sur les muscles temporaux ; des nerf trijumeau, somatotopie des noyaux sensitifs
fibres végétatives provenant du ganglion otique). du V, somatotopie thalamique et corticale. Les
Enfin, on rappelle que le nerf mandibulaire est le troubles de la sensibilité sont divers : douleurs de
relais de la branche motrice du nerf trijumeau (cf. type névralgique, paroxystiques allant de l’hyper-
chapitre « Motricité du visage »). esthésie à l’hyperpathie (retentissement affectif
Le ganglion de Gasser est situé dans le cavum de disproportionné à l’intensité de la stimulation),
Meckel puis rejoint la face antérolatérale du tiers paresthésies, hypoesthésie. Ils sont testés par la
médian de la protubérance ou pont. Une partie des piqûre, les tubes d’eau chaude (40-45 °C) et d’eau
fibres sensitives atteignent le noyau sensitif princi- froide (5-15 °C), le contact avec le coton, la pulpe
pal du V homolatéral sur les berges du quatrième des doigts de l’examinateur, la sensation vibratoire
ventricule. Contrairement aux autres noyaux des d’un diapason maintenu sur une crête osseuse (pal-
nerfs crâniens, le noyau du trijumeau est un noyau lesthésie), la discrimination de chiffres tracés sur la
triple. En effet les fibres afférentes, sensitives, peau (graphesthésie), la localisation précise d’une
rejoignent non seulement le noyau principal à stimulation (topoesthésie) ou d’une double stimu-
l’étage pontique mais aussi le noyau mésencépha- lation (compas de Weber permettant de mesurer la
lique (en situation périaqueducale en dedans du distance à partir de laquelle deux stimulations cu-
pédoncule cérébelleux supérieur) et le noyau de la tanées concomitantes sont perçues séparément).
racine descendante (ou noyau spinal) qui s’étend Deux situations pathologiques retiennent l’at-
sur toute la hauteur du bulbe et des trois premiers tention dans l’atteinte de la sensibilité du vi-
étages cervicaux. Le noyau principal est le relais de sage.1,2,8 La névralgie du nerf trijumeau (névralgie
la sensibilité tactile discriminative du visage. Le faciale) dont on distingue classiquement deux ty-
noyau mésencéphalique concentre les informations pes : la névralgie essentielle qui n’est pas accom-
sensitives proprioceptives médiées par les grosses pagnée d’un déficit sensitif à l’examen et la névral-
fibres myélinisées en provenance des fuseaux neu- gie symptomatique qui, par définition, est
romusculaires des muscles masticateurs. Le noyau secondaire à une atteinte de tout ou partie des
de la racine descendante, centre de la sensibilité branches trigéminales et donc révèle un déficit à
thermoalgique, possède, au niveau cervical, une l’examen sensitif soigneux du visage (et de la cavité
somatotopie précise : au niveau C1, terminaison buccale). La physiopathogénie de la névralgie es-
des fibres du V3 ; à l’étage C2, terminaison des sentielle est désormais mieux comprise. Elle ré-
fibres du V2 ; à l’étage C3, terminaison des fibres sulte d’une agression mécanique sur les grosses
du V1. Pour Kunc (1970) la somatotopie du noyau fibres sensitives myéliniques (intervenant dans le
spinal serait différente. Le visage se diviserait en gate-contrôle exercé par ces fibres et jouant un
cercles centrés sur la bouche et discrètement ex- rôle d’atténuation de la perception douloureuse
centrés vers le haut. Au centre (région péribuccale) transmise par les fibres sensitives amyéliniques).
la sensibilité thermoalgique dépendrait de la partie Les lésions peuvent se situer sur une des branches
supérieure du noyau spinal. Le cercle le plus ex- du trijumeau ou au niveau du ganglion de Gasser.
terne (partie inférieure du menton et de la branche Elles n’abolissent donc en rien la sensibilité mais
horizontale de la mandibule, partie postérieure de libèrent seulement la traduction hyperesthésique
la branche montante de la mandibule, tempe et du signal sensitif. Des calcifications durales au ni-
partie supéroexterne du front) relaierait dans la veau de l’orifice du cavum de Meckel, une simple
portion la plus caudale du noyau spinal. surélévation du rocher due au vieillissement, un
Enfin à un niveau supérieur, après leurs relais contact avec des artères athéromateuses ou si-
situés au niveau du tronc cérébral, les fibres sensi- nueuses (boucle vasculaire) suffisent à déclencher
tives du nerf trijumeau font synapse au niveau des une névralgie faciale essentielle. Cela explique
différents noyaux avec un second neurone qui dé- l’efficacité des techniques d’interposition de maté-
cusse immédiatement avant de remonter verticale- riel (intervention utilisant la technique décrite par
ment vers le noyau ventro-postéro-latéral du thala- Janetta) qui abolissent les zones de contraintes
mus (où il existe aussi une somatotopie). Le mécaniques au contact des fibres myélinisées sen-
neurone thalamique (3e neurone sensitif) se pro- sitives. Des techniques plus radicales sont parfois
jette au niveau de l’aire sensitive primaire (aire utilisées au prix de séquelles anesthésiques défini-
pariétale ascendante controlatérale à l’hémiface tives : destruction partielle du ganglion de Gasser
testée). ou du ganglion sphénopalatin en cas de névralgie du
L’examen de la sensibilité du visage ne peut donc V2. La deuxième pathologie fréquemment en cause
pas faire abstraction de ces données anatomophy- est le zona ophtalmique qui touche l’ensemble du
Examen neurologique facial à l’usage de l’odontologiste et du chirurgien maxillofacial 143

Sensibilité Gustation

Proprioceptif : noyau
mésencéphalique du
trijumeau Droite Gauche

Tactile : noyau
Thermoalgique : pontique Avant
noyau spinal du principal du
trijumeau trijumeau

Bulbe homolatéral

Trou déchiré postérieur (avec X et XI) Tiers postérieur = IX

Ganglion d'Andersch (paracarotidien)


Espace sous-parotidien
postérieur puis ganglion
IX chemine dans l'espace sous-parotidien d'Andersch puis bulbe
postérieur puis longe la carotide interne et homolatéral
la veine jugulaire interne
Noyau du
faisceau
solitaire
Tiers postérieur = IX (bulbe)

V lingual constitué de
papilles caliciformes

2/3 antérieurs = V3 2/3 antérieurs = V3

Nerf lingual
Nerf lingual naît à la partie
postéro-inférieure de la
langue puis adopte un trajet
ascendant au niveau de la Ganglion de Gasser
dent de sagesse Gencives, dents de la mâchoire
inférieure innervées par : le nerf
incisif qui chemine d'avant en
Trou ovale Corde du tympan
arrière le long de l'arcade dentaire
où le rejoignent les rameaux
Ganglion de Gasser prémolaires. Il devient alors le
nerf dentaire inférieur VII bis

Figure 7 Orientation du diagnostic lésionnel et topographique en fonction des troubles de la sensibilité de la langue ou de la cavité
buccale inférieure et de la gustation.

territoire du nerf ophtalmique où l’on peut obser- coton-tige permettant d’explorer la zone anté-
ver une efflorescence bulleuse caractéristique, rieure et la partie avant de la zone postérieure. Il
mettant parfois en jeu le pronostic fonctionnel de n’apporte cependant que rarement des éléments
l’œil atteint. supplémentaires contributifs aux conclusions de
l’examen du voile et de la cavité buccale.
Sensibilité des fosses nasales, de la cavité
buccale et goût (Fig. 6, 7) Sensibilité de la langue, des gencives et du
palais3,4,6,7
Sensibilité des fosses nasales3,7 La langue peut être divisée en deux parties distinc-
Le tiers antérieur des fosses nasales dépend du V1 tes séparées entre elles par une frontière matéria-
(ainsi que la dure-mère, le sinus frontal et sphénoï- lisée par le V lingual, à pointe médiane et posté-
dal), les deux tiers postérieurs des fosses nasales rieure, constituée de l’alignement en V de grosses
sont innervés par le V2 (ainsi que les cellules eth- papilles caliciformes.
moïdales postérieures et une partie du sinus sphé- En avant s’étendent les deux tiers antérieurs de
noïdal). L’examen neurologique sensitif des fosses la langue ou langue mobile, recouverts de fines
nasales n’est pas courant, mais ne comporte pas de papilles et innervés par le nerf maxillaire inférieur.
difficultés insurmontables : il se fait à l’aide d’un En arrière, la base de la langue, verticale, d’aspect
144 H. Taillia et al.

goudronné est innervée par le nerf glossopharyn- antérieurs, gagnent le ganglion sphénopalatin, ap-
gien. La gencive inférieure, la partie interne de la pendu à la partie inférieure du tronc du nerf maxil-
lèvre inférieure et le pilier antérieur du palais sont laire, 2 cm en avant du ganglion de Gasser.
innervés par le V3. La muqueuse jugale, le palais, la Enfin, l’anatomie du nerf glossopharyngien doit
gencive supérieure et la partie interne de la lèvre être brièvement rappelée. La 9e paire crânienne
supérieure sont innervés par le V2. La pointe de est un nerf mixte neurovégétatif et sensitif (et
luette, le pilier postérieur et les amygdales sont gustatif). Un contingent moteur, limité, provenant
sous la dépendance du IX. La sensibilité du pharynx de la partie supérieure du noyau ambigu, projette
est sous la dépendance du nerf glossopharyngien, ses fibres à destination du muscle stylopharyngien,
tandis que le nerf vague est responsable de l’inner- élévateur du pharynx (Fig. 4), et du styloglosse,
vation sensitive de l’épiglotte, du larynx et de la muscle accessoire et rétracteur de la langue. Les
trachée. fibres sensitives proviennent de la partie posté-
Les voies de la sensibilité trigéminale sont dévelop- rieure du voile du palais, du tiers postérieur de la
pées dans le chapitre « Sensibilité du visage » (supra). langue et du pharynx. Les différents filets nerveux
Parmi les branches du V3 impliquées dans la pharyngiens et linguaux se regroupent, dans l’es-
sensibilité de la bouche, nous étudierons principa- pace sous-parotidien postérieur, en un tronc ascen-
lement le nerf lingual et le nerf dentaire (ou alvéo- dant et oblique vers l’arrière, qui longe le muscle
laire) inférieur. Le nerf lingual qui rejoint le nerf styloglosse. Puis le tronc du IX contourne la caro-
dentaire inférieur juste avant de gagner le ganglion tide interne, passe en arrière et rejoint le ganglion
de Gasser est le nerf sensitif (et gustatif) des deux d’Andersch, paracarotidien, pour ensuite pénétrer
tiers antérieurs de la langue. Au sortir de la face dans le crâne par le trou déchiré postérieur. Il se
inférolatérale de la langue mobile, il entre en trouve donc dans sa portion exocrânienne initiale
contact avec la glande sublinguale, le canal de en contact étroit avec le X, le XI bulbaire, la
Wharton, et avec la glande sous-maxillaire. Puis, en carotide interne mais aussi la veine jugulaire in-
regard de la racine de la dernière molaire, il décrit terne. Il traverse ensuite la citerne pontocérébel-
une boucle à convexité postéro-inférieure avant leuse avant de rejoindre le bulbe au niveau de la
d’adopter un trajet ascendant vers le ganglion de partie supérieure du sillon collatéral supérieur. Les
Gasser. L’extraction des « dents de sagesse » infé- fibres sensitives tactiles du nerf glossopharyngien
rieures constitue donc un risque de léser le nerf terminent leur trajet dans le noyau principal du
lingual. Le nerf dentaire inférieur a un trajet rela- nerf trijumeau, tandis que les fibres conduisant la
tivement parallèle au nerf lingual. À son extrémité sensibilité thermoalgique atteignent le noyau spi-
initiale, il reçoit le nerf mentonnier mais aussi le nal du trijumeau. Le contingent sensitif du nerf
nerf incisif (innervation de la canine, des deux glossopharyngien représente la voie afférente du
incisives et de la gencive adjacente). Dans le canal réflexe nauséeux qui est donc aboli en cas d’at-
dentaire intramandibulaire confluent vers lui trois teinte du IX. Lorsqu’il existe un phénomène irritatif
ou quatre rameaux dentaires innervant les prémo- de ce nerf, on assiste à une névralgie du glossopha-
laires, les molaires et la gencive adjacente. La ryngien dont les caractéristiques cliniques ressem-
partie interne de la lèvre inférieure est innervée blent à celles de la névralgie essentielle du V mais
dans sa portion cutanée par le nerf mentonnier et pour un territoire sensitif différent lingual posté-
dans sa portion muqueuse par le nerf incisif. rieur et pharyngolaryngé. La névralgie du IX est
La partie supéroantérieure de la cavité buccale donc électivement déclenchée par la stimulation
jusqu’au pilier antérieur et la base de la luette ont de ces régions (trigger-zone), par exemple lors de
une innervation sensitive trigéminale dépendant du la phonation et de la déglutition. En cas de syringo-
V2. L’arcade dentaire supérieure et la muqueuse myélie atteignant les premiers étages médullaires
gingivale adjacente sont innervées par les trois cervicaux, on comprend dès lors la fréquente intri-
nerfs dentaires antérieur, moyen et postérieur. cation de névralgies du V et du IX par lésion directe
Ceux-ci décrivent un véritable plexus dentaire en- du noyau spinal du trijumeau.
voyant, pour chaque racine dentaire, des filets
osseux et muqueux. Ils rejoignent, en un trajet Fonctions gustatives7
ascendant et discrètement oblique vers l’arrière, le Le goût est étroitement dépendant de l’olfaction.
nerf sous-orbitaire. La muqueuse jugale et la face Sans olfaction (sans retour rétronasal d’air), pas de
interne de la lèvre supérieure sont innervées par les goût. Il n’existe que quatre critères gustatifs « pri-
branches jugolabiales qui gagnent le nerf sous–or- maires » à partir desquels se décline à l’infini la
bitaire juste après sa traversée de l’os malaire. Les palette des goûts des aliments : sucré, salé, amer,
nerfs palatins antérieur, moyen et inférieur, en acide. À l’aide de substances sapides plus ou moins
charge de la sensibilité du palais et des piliers concentrées, on peut déterminer un seuil de détec-
Examen neurologique facial à l’usage de l’odontologiste et du chirurgien maxillofacial 145

Glandes lacrymales rameau orbitaire du noyau maxillaire (V2)

Nerf mucolacrymonasal VII ganglion géniculé Nerf grand pétreux (endocrânien) ganglion sphénopalatin (V2)
Nerf vidien (exocrânien)

Anastomose VII-V2 Muqueuses nasales

Nerf salivaire supérieur VII puis VII bis corde du tympan Noyau lingual (V3) Glande sous-maxillaire
(juste avant le ganglion otique) Glande sublinguale

Anastomose VII bis-V3

Nerf salivaire inférieur IX Nerf de Jacobson Noyau petit pétreux puis ganglion otique (V3) Noyau auriculotemporal

Anastomose IX-V3
Glande parotide

Figure 8 Fonctions neurovégétatives.

tion, un seuil de reconnaissance mais aussi une qui croise au même étage et rejoint le ruban de Reil
localisation linguale des sensibilités gustatives. médian qui fait relais dans le noyau ventro-postéro-
En terme neuroanatomique, les fonctions gusta- latéral du thalamus. Le troisième neurone thalamo-
tives sont prises en charge, nous l’avons dit, par le cortical parvient à la partie inférieure de l’aire
V3 pour les deux tiers antérieurs de la langue et par pariétale ascendante.
le IX pour le tiers postérieur de la langue. Les
papilles gustatives linguales sont de différentes
sortes : papilles caliciformes de gros calibre, cons- Fonctions neurovégétatives (Fig. 8)
tituant le V lingual, papilles fungiformes sur les
bords latéraux et la pointe de la langue, papilles Elles comprennent la régulation des sécrétions des
foliées en avant du V lingual et sur les bords de la glandes lacrymales, de la muqueuse nasale et des
langue. Chaque papille est tapissée, en profondeur, glandes salivaires.1,3,7,8 Les nerfs efférents ont
par des bourgeons gustatifs, pièces centrales du pour point commun de prendre leur origine dans
dispositif sensoriel gustatif. Il existe des bourgeons des formations végétatives bulboprotubérantielles
du goût non seulement sur la langue mais sur les paramédianes indépendantes, de suivre le trajet du
piliers, l’épiglotte et la paroi postérieure du pha- VII (ou VII bis) ou du IX, puis de s’anastomoser et de
rynx. Les zones les plus sensibles n’en demeurent rejoindre les fibres des branches du trijumeau
pas moins les bords latéraux et la pointe de langue. avant d’atteindre leur cible. La Figure 8 détaille la
Les filets nerveux gustatifs de la langue mobile trajectoire des fibres végétatives de la face. À la
empruntent le nerf lingual. Juste avant d’atteindre lumière de ce schéma, on comprend la fréquente
le ganglion de Gasser, les fibres gustatives quittent association, comme dans l’algie vasculaire de la
le tronc du nerf lingual et gagnent par un filet face par exemple, d’un larmoiement d’un œil et
nerveux d’anastomose (la corde du tympan), le VII d’une rhinorrhée de la narine homolatérale. Les
bis. Celui-ci rejoint le bulbe et se termine dans la fibres régulant ces deux fonctions se rejoignent en
partie rostrale du noyau du faisceau solitaire.
effet sur une grande partie de leur trajet (noyau
Les fibres gustatives de la langue verticale em-
muco-lacrymo-nasal puis nerf grand pétreux). De
pruntent le même trajet que les neurones sensitifs
même, les fibres médiant la sensibilité, la gustation
du nerf glossopharyngien. Dans leur trajet termi-
et la salivation (pour les glandes sous-maxillaires et
nal, elles rejoignent la partie médiane du noyau du
sublinguales) passent toutes par le nerf lingual,
faisceau solitaire.
expliquant la synergie de ces fonctions.
La partie caudale de ce noyau est également le
relais de quelques fibres gustatives provenant de la
partie postérieure de l’épiglotte dont le trajet suit Références
celui du nerf pneumogastrique.
Le deuxième neurone, dont le corps est situé 1. Cambier J, Masson M, Dehen H. Neurologie. Paris: Masson;
dans le noyau du faisceau solitaire, envoie un axone 2000.
146 H. Taillia et al.

2. Gouaze A. L’examen neurologique et ses bases Fasciculations : activité spontanée d’une unité
anatomiques. Paris: Expansion Scientifique Française; motrice isolée se traduisant par des secousses
1983.
3. Kahle W, Leonhardt H, Platzer W. Anatomie. Système brèves apparaissant sur le muscle au repos ou
nerveux et organes des sens. Paris: Flammarion Médecine- favorisée par le froid ou la percussion. Cette
Sciences; 1981. activité est la traduction d’un processus
4. Keravel Y, Sindou M. Vues anatomiques commentées du pathologique de dénervation correspondant en
nerf trijumeau. Encycl Méd-Chir 1980:4p (Elsevier SAS,
Paris), Neurologie, 17-001-E-10.
électromyographie à un potentiel d’unité mot-
5. Lacombe H, Keravel Y. Vues anatomiques commentées du rice (PUM) isolé.
VII et du VIII. Encycl Méd-Chir 1986:22p (Elsevier SAS, Myokimies : activité spontanée d’une ou de plu-
Paris), Neurologie, 17-001-O-10. sieurs unités motrices se traduisant par des sec-
6. Lacombe H, Keravel Y. Vues anatomiques commentées des
nerfs mixtes. Encycl Méd-Chir 1989:20p (Elsevier SAS, ousses musculaires un peu plus prolongées que
Paris), Neurologie, 17-001-P-10. les fasciculations. Elles ont une traduction élec-
7. Legent F, Perlemuter L, Quere M. Anatomie. Nerfs tromyographique différente des fasciculations
crâniens et organes correspondants. Paris: Masson; 1974. (battement répétitif d’un ou de plusieurs PUM).
8. Mas JL, Leger JM, Bogousslavsky J. Interprétation des
troubles neurologiques. Paris: Doin; 2000.
Parfois pathologiques, elles correspondent
généralement à un mécanisme physiologique
Glossaire plus fréquent chez les sujets anxieux.
Amyotrophie : atrophie d’un groupe de fibres mus- Spasme hémifacial : contraction involontaire et
culaires souvent associée à une diminution de unilatérale des muscles innervés par le nerf fa-
force musculaire. La topographie de cial, de type tonique ou par secousses cloniques.
l’amyotrophie est caractéristique d’une atteinte Il débute habituellement par les paupières puis
d’un tronc nerveux ou d’une racine nerveuse. gagne l’ensemble de l’hémiface. Il peut être
Dissociation automaticovolontaire : troubles de primitif ou secondaire à une atteinte du nerf
la motricité essentiellement dévoilés lors de la facial.
mimique automatique et non sur ordre, dissocia- Syncinésies : mouvements produits dans un terri-
tion que l’on retrouve dans les paralysies faciales toire paralysé à l’occasion de mouvements vo-
d’origine centrale. lontaires effectués dans un autre territoire.
Éversion : élévation en haut et en dehors du globe Voix bitonale : dissociation du timbre de la voix
oculaire (lors de l’occlusion palpébrale). suivant deux modalités tonales (aigu-grave).

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