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Guide de rééducation vestibulaire, par J.-P. Sauvage et H. Grenier. 2015, 168 pages.
L’otoscopie en pratique clinique, par F. Legent, O. Malard. 2015, 192 pages.
Vertiges – Manuel de diagnostic et de réhabilitation, 2e édition, par J.-P. Sauvage. 2014, 264 pages.

Sous l’égide de la SFORL


Les maladies pressionnelles du labyrinthe – De la physiopathologie à l’exploration clinique et
paraclinique, sous la direction de V. Darrouzet et T. Mom, Rapport 2016 de la Société française d’ORL
et de chirurgie cervico-faciale. À paraître, 260 pages.
Syndrome d’apnées-hypopnées obstructives du sommeil de l’enfant, sous la direction de
R. Marianowski et P.J. Monteyrol, Rapport 2016 de la Société française d’ORL et de chirurgie cervico-
faciale. À paraître, 160 pages.
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J. Lacau St Guily et E. Reyt, Rapport 2015 de la Société française d’ORL et de chirurgie cervico-faciale.
2015, 352 pages.
Les épistaxis, sous la direction de L. Crampette, P. Herman et O. Malard, Rapport 2015 de la Société
française d’ORL et de chirurgie cervico-faciale. 2015, 200 pages.

Autres ouvrages
Septoplastie et rhinoplastie par désarticulation – Histoire, anatomie, chirurgie et architecture
naturelles du nez, collection « Techniques chirurgicales ORL », par R. Jankowski. 2016, 384 pages.
Audiologie pratique – audiométrie, 3e édition, par F. Legent, P. Bordure, C. Calais, et al. 2011,
308 pages.
Les vertiges – Diagnostic, thérapeutique, conseils, examens complémentaires, 2e édition, collection
« Abrégés », par A. Chays, A. Florant, E. Ulmer. 2009, 200 pages.
Chirurgie du nez, des fosses nasales et des sinus, collection « Techniques chirurgicales ORL »,
par J.-M. Klossek, C. Beauvillain de Montreuil. 2007, 192 pages.
Chirurgie otologique et otoneurologique, collection « Techniques chirurgicales ORL » par P. Bordure,
A. Robier, O. Malard. 2005, 264 pages.
Collection ORL
Sous la direction du Pr François Legent

Guide d’ORL
Clinique et thérapeutique

Jean-Pierre Sauvage
Professeur des universités, consultant, ancien chef de service ORL au CHU de Limoges
Ce logo a pour objet d’alerter le lecteur sur la menace que représente pour l’avenir de
l’écrit, tout particulièrement dans le domaine universitaire, le développement massif du
« photo-copillage ». Cette pratique qui s’est généralisée, notamment dans les établissements
d’enseignement, provoque une baisse brutale des achats de livres, au point que la possibilité
même pour les auteurs de créer des œuvres nouvelles et de les faire éditer correctement est
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adressées à l’éditeur ou au Centre français d’exploitation du droit de copie : 20, rue des
Grands-Augustins, 75006 Paris. Tél. 01 44 07 47 70.

Les figures 1.11, 1.19, 2.1, 2.9, 2.10, 3.12, 5.1, 6.7, 6.10, A.7, et les figures des encadrés 7.1, 7.2 et 7.4 ont été
réalisées par Carole Fumat.

Les figures de la couverture sont issues (de haut en bas) des pages 10, 249 et 14.

Tous droits de traduction, d’adaptation et de reproduction par tous procédés, réservés pour tous pays.
Toute reproduction ou représentation intégrale ou partielle, par quelque procédé que ce soit, des pages publiées
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intellectuelle).

© 2016, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.


ISBN : 978-2-294-74503-4
e-ISBN : 978-2-294-75256-8

Elsevier Masson SAS, 65, rue Camille-Desmoulins, 92442 Issy-les-Moulineaux cedex


www.elsevier-masson.fr
Avant-propos

L’oto-rhino-laryngologie concerne les maladies gestes diagnostiques, des gestes thérapeutiques


de la face et du cou. Elle affleure la neurochirurgie ou des formes cliniques particulières. Elles sont
en haut et la chirurgie thoracique en bas. Dès le classées par ordre alphabétique et sont référencées
début, cette spécialité médicochirurgicale a reposé dans la première partie avec le mot-clef corres-
sur la connaissance d’une anatomie complexe : pondant.
voies aérodigestives supérieures, espaces parapha- Enfin, des vidéos en ligne permettront d’en
ryngés, cavités aériennes de la face, et os temporal apprendre plus sur ces sujets que toutes les des-
avec l’oreille moyenne et l’oreille interne. Un criptions littéraires.
thésaurus s’est construit autour d’une réflexion Ce guide est destiné aux étudiants, aux internes
et de stratégies diagnostiques développées par les et à tous ceux effectuant un stage dans les services
anciens. Ces intuitions, éclairées par les progrès ORL hospitaliers. Les omnipraticiens devant faire
des dernières années, restent la base de l’ORL face au manque d’ORL devraient être intéressés.
d’aujourd’hui. Le versant sensoriel de la spécialité n’est pas le
Cet ouvrage est divisé en deux parties. moindre. L’audition et la perception de l’espace
La première partie comporte douze thèmes sous-tendent l’oralité animale de l’humain chas-
cliniques et thérapeutiques. On dirait aujourd’hui sant pour se nourrir. C’est dans ce contexte
douze overview, rassemblant les vérités premières qu’il faut comprendre l’anxiété générée par les
pour analyser chaque situation clinique. symptômes naso-pharyngo-laryngés et auditifs.
La deuxième partie est intitulée : « Fiches ORL C’est aussi ce qui fait de l’ORL une spécialité
de A à Z ». C’est une accumulation de connais- indépendante et attachante.
sances factuelles. Elle détaille en fiches courtes des Pr. Jean-Pierre Sauvage
Atlas d’anatomie ORL

Pour avoir une vue complète des structures ana- • Nerf récurrent : fig. 4.4.
tomiques de la face et du cou, reportez-vous aux • Nez, fosses nasales et sinus : fig. 1.13.
figures suivantes : • Oreille externe : fig. 1.8 et 1.9.
• Aires ganglionnaires cervicales : fig. de • Oreille interne et cochlée : fig. A.7, A.8 et
l’encadré 4.2. A.9.
• Espaces péripharyngiens céphaliques : • Oreille interne et labyrinthe membraneux :
fig. 3.12 et 11.6. fig. 9.2.
• Ethmoïde (masse latérale) : fig. 10.2. • Oreille interne et vestibule : fig. 9.1.
• Face (innervation sensitive) : fig. A.4. • Oreille moyenne, mésotympanum, attique et
• Fosses nasales (vascularisation) : fig. 12.1 et mastoïde : fig. 6.7 et 6.11.
12.8. • Oreille moyenne, tympan et chaîne des osse-
• Isthme du gosier et loge amygdalienne : lets : fig. 1.11, 5.1 et A.6.
fig. 1.15 et 11.2. • Parotide : fig. 4.6
• Joue et région rétromolaire : fig. 3.3. • Pharynx et tissu lymphoïde pharyngé :
• Langue : fig. 1.14, 3.4, 4.9 et A.10. fig. 1.16 et 11.1.
• Larynx et hypopharynx : fig. 2.1 et 2.3. • Rhinopharynx : fig. 11.4.
• Loge sous-mandibulaire : fig. 4.8.
Table des compléments
en ligne
Des compléments numériques sont associés à cet ouvrage, ils sont indiqués dans le texte par un picto .
Ils proposent des vidéos. Pour voir ces compléments, connectez-vous sur http://www.em-consulte.com/
e-complements/474503 et suivez les instructions, ou scannez les flashcodes proposés à la fin des
chapitres concernés.

Vidéo e3.4.
Partie 1 Cancer de l’amygdale métachrone.

Chapitre 1 Chapitre 4
Vidéo e1.1. Vidéo e4.1.
Lobo-isthmectomie thyroïdienne.
Endoscopie nasale à l’optique.

Vidéo e1.2. Vidéo e4.2.


Parotidectomie totale.
Examen de l’isthme du gosier.

Vidéo e1.3. Chapitre 5


Laryngoscopie indirecte.
Vidéo e5.1.
Vidéo e1.4 Myringite phlycténulaire.
Laryngoscopie au fibroscope nasopharyngé.

Chapitre 6
Chapitre 2
Vidéo e6.1.
Vidéo e2.1. Myringosclérose.
Laryngoscopie directe en suspension.
Vidéo e6.2.
Vidéo e2.2. Pose d’aérateur transtympanique (yoyo ou diabolo).
Leucoplasie de la corde vocale.
Vidéo e6.3.
Vidéo e2.3. Séquelles fibro-adhésives d’otite chronique.
Cancer de la corde vocale (épipharyngoscope).
Vidéo e6.4.
Vidéo e2.4. Poche de rétraction postéro-supérieure.
Cancer du sinus piriforme.
Vidéo e6.5.
Vidéo e2.5. Poche de rétraction incontrôlable.
Laryngectomie totale.
Vidéo e6.6.
Chapitre 3 Cholestéatomes épitympaniques.

Vidéo e3.1. Vidéo e6.7.


Évidement radical et audio (résultats).
Cancer du plancher de la bouche.

Vidéo e3.2. Vidéo e6.8.


Tympanotomie postérieure.
Cancer gingival supérieur droit.

Vidéo e3.3.
Cancer de l’amygdale.
XIV Table des compléments en ligne

Chapitre 8 Chapitre 11
Vidéo e8.1. Vidéo e11.1.
Exostoses. Caséum dans le récessus de Tortual.

Vidéo e8.2. Vidéo e11.2.


Myringoplastie : technique en hamac. Amygdalite chronique.

Vidéo e8.3.
Cholestéatome 2e temps.
Chapitre 12
Vidéo e8.4. Vidéo e12.1.
Clip sur l’artère sphéno-palatine.
Stapédotomie avec interposition.

Vidéo e12.2.
Chapitre 9 Dyspnée laryngée.

Vidéo e9.1.
VPPB du canal semi-circulaire postérieur gauche.

Vidéo e9.2.
Partie 2
Nystagmus horizonto-rotatoire périphérique Vidéo eA.1.
(destruction chirurgicale du vestibule droit). Valsalva sur rétraction tympanique.

Chapitre 10 Vidéo eO.1


Ostéite bénigne circonscrite de l’os tympanal.
Vidéo e10.1.
Chirurgie endoscopique pour polypose nasosinusienne.
Vidéo eO.2.
Otomycose à Candida albicans.
Vidéo e10.2.
Résultat d’une chirurgie endoscopique
Vidéo eP.1.
Paralysie du voile du palais gauche.
ethmoïdo-sphénoïdo-maxillaire.

Vidéo e10.3. Vidéo eP.2.


Paralysie récurrentielle en laryngoscopie indirecte.
Truffe aspergillaire sphénoïdale.
Chapitre 1
Examen clinique ORL
Résultats chez le sujet normal
Il faut d’abord écouter le patient et lui lais- ensuite une inspection cervico-céphalique, une
ser exposer le motif de la consultation. L’inter- otoscopie, une rhinoscopie, un examen des voies
rogatoire recherche ensuite des détails et des aérodigestives et se termine par une palpation du
antécédents suggérant d’emblée certains diagnos- cou. L’étude clinique de l’audition par acoumé-
tics classiques (encadré 1.1). L’examen comporte trie sera envisagée au chapitre 7.

Encadré 1.1

Repères pour l’interrogatoire


Un symptôme peut être relié à certaines cir- carotidien intrasphénoïdal post-trauma-
constances que le patient n’a pas jugé utile tique.
de révéler spontanément. En particulier, les
Troubles de l’odorat
associations suivantes évoquent d’emblée un
diagnostic qu’il faudra confirmer (celles qui • Anosmie depuis un traumatisme : fracture de
sont en gras alertent sur un danger ). la lame criblée de l’ethmoïde.
• Cacosmie avec odeurs désagréables : sinusite
Obstruction nasale d’origine dentaire.
• Constante : obstruction mécanique (dévia-
tion de cloison, polypes, tumeur). Odynophagie
• Intermittente avec éternuements et prurit • Avec trismus : phlegmon péri-amygdalien.
nasal : allergie. • Avec torticolis : abcès rétropharyngien ou
• Chez un menuisier : adénocarcinome de rétrostylien.
l’ethmoïde professionnel. • Suivie d’algies cervicales atroces : syn-
drome de Lemierre.
Rhinorrhée
• Unilatérale et purulente : Hypoacousie
– chez un adulte : infection des sinus anté- • Unilatérale et progressive : neurinome
rieurs ; de l’acoustique.
– chez un enfant : corps étranger nasal. • Unilatérale, brutale, totale et récente :
urgence thérapeutique.
• Écoulement antérieur aqueux abondant :
rhinorrhée cérébro-spinale. • Bilatérale progressive et exposition au bruit
(surdité professionnelle).
Épistaxis • Surdités opérées avec succès dans la famille :
• Antérieure à répétition chez un enfant : tache otospongiose.
vasculaire. • Antécédents d’otites à répétition dans
• Chez un adulte sous anticoagulant, pos- l’enfance : otite chronique ou séquelles d’otite
térieure et déglutie : saignement de l’artère chronique.
sphéno-palatine.
Écoulement d’oreille
• Depuis un traumatisme crânien sévère,
saignements sévères mais brefs : anévrysme • Jaunâtre et bilatéral (cérumen).

Guide d'ORL
© 2016 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
4 ORL thématique


• Otorrhée purulente et malodorante : Vertiges (illusions de mouvement le plus
cholestéatome. souvent rotatoire)
• Otorrhée prolongée chez un diabétique : • Positionnels et brefs, déclenchés par le fait de
otite externe nécrotique dite maligne. lever la tête, la baisser, se coucher, se retourner
• Otorragies associées à de violentes douleurs dans son lit et se lever le matin : VPPB.
durant quelques heures : otite phlycténulaire • Spontanés, par crises de quelques heures avec
symptômes auditifs unilatéraux : maladie de
Otalgie Menière.
• Déclenchée par la mobilisation du tragus : • Après traumatisme par coton-tige : frac-
otite externe. ture ou luxation de l’étrier.
• Associée à une surdité sévère : otite moyenne • Avec violentes cervicalgies d’emblée :
aiguë. dissection de l’artère vertébrale.
• En l’absence de surdité avec une otoscopie Masse tumorale cervicale
normale, il faudra rechercher une étiologie
• Gonflant au moment des repas : lithiase
ailleurs (cf. partie 2, fiche « Otalgie réflexe »),
salivaire.
en particulier :
• Dans un contexte d’intoxication alcoolo-
– cavité buccale (molaire inférieure et dent
tabagique : métastase ganglionnaire.
de sagesse) ;
– amygdale palatine (phlegmon) ; Toujours faire préciser
– cancers de l’amygdale palatine, de la • si les symptômes sont unilatéraux ou bila-
base de langue ou du sinus piriforme. téraux. Une pathologie unilatérale est plus
inquiétante ;
Acouphènes (cf. partie 2, fiche • l’ancienneté des symptômes. Des épistaxis
« Acouphènes ») intermittentes se répétant depuis plus d’une
• Pulsatiles : tumeur ou malformation vas- semaine doivent être prises au sérieux, car elles
culaire. entraînent une anémie et une hypotension sus-
• Claquement ou craquement avec sensation de ceptibles d’entraîner le décès par désamorçage
pression dans l’oreille : origine tubaire (trompe de la pompe cardiaque, surtout en cas d’anté-
d’Eustache). cédents vasculaires.

Matériel Ces instruments traditionnels sont détrônés par trois


instruments très efficaces, mais plus coûteux :
L’objectif est d’examiner les cavités profondes • le microscope de consultation pour l’otoscopie ;
de la face et du cou et de pouvoir y exécuter • le fibroscope nasopharyngé pour l’examen des fosses
des gestes diagnostiques et thérapeutiques. nasales, du rhinopharynx, du larynx et de l’hypopharynx ;
L’éclairage doit donc laisser les mains libres • les optiques rigides, qui peuvent être utilisées pour
(lampe frontale ou miroir de Clar). Les ins- des gestes locaux ou des explorations phoniatriques.
truments doivent être coudés pour que la
main qui les tient ne gêne pas la vue. On se
sert de spéculums d’oreille et de spéculums de Lampe frontale (fig. 1.1)
nez. Pour examiner le larynx, la laryngoscopie
indirecte avec un miroir laryngien nécessite un Les derniers modèles sont à LED HQ et ultra-
temps d’apprentissage. Elle doit être tentée lumineux avec des températures de couleur
en première intention, car peu gourmande s’approchant de la lumière du soleil. Le casque
en matériel. L’examen du rhinopharynx à à bandeau rembourré s’adapte facilement à la
l’aide d’un miroir rétropharyngien est souvent taille de la tête et comporte une batterie rechar-
impossible du fait des réflexes qu’il déclenche geable permettant des temps d’utilisation de
(cf. infra). plusieurs heures.
Chapitre 1. Examen clinique ORL 5

Miroir de Clar (fig. 1.2)


Cet instrument garde des adeptes. Il est fixé au
front par un bandeau à ressort. Il a une forme
concave et une source d’éclairage est disposée à
son foyer. Le miroir lui-même est percé de deux
orifices permettant d’observer la cavité à exami-
ner. Ainsi est-il possible de faire coïncider l’axe
visuel et l’axe d’éclairement.

Otoscope à pile (fig. 1.3)


Facile d’emploi, une loupe incorporée permet
Figure 1.1. Lampe frontale. d’obtenir un grossissement suffisant. L’image est

Figure 1.2. Principe du miroir de Clar.


Ajustement de la distance de la lampe par rapport au miroir pour focaliser les rayons lumineux sur la cible.

Figure 1.3. Otoscope


à pile.
6 ORL thématique

plus nette quand on utilise un éclairage puissant général de 30 cm pour descendre jusqu’au-des-
branché sur le secteur et transmis par des fibres sus du larynx. La résolution est de 5 à 7 milliers
optiques. de pixels. L’éclairage passe par le câble optique
et nécessite un générateur de lumière froide. Il
Microscope de consultation y a aussi des modèles à batterie. La fonction de
béquillage de l’extrémité est commandée par un
binoculaire mural (fig. 1.4)
curseur lui permettant d’atteindre 150° vers le
Il est surtout destiné à l’otoscopie. Le grossis- haut et vers le bas. Ainsi peut être pris le virage
sement utile est de 4 à 16. L’intensité de l’éclairage entre les fosses nasales et le rhinopharynx ; ceci
permet d’apprécier la transparence de la membrane permet également de s’orienter au-dessus du
tympanique. Les microscopes sur pied permettent larynx pour mieux le visualiser. Il faut utiliser
d’examiner un enfant allongé et d’effectuer des un protocole de désinfection validé (cf. partie 2,
gestes de nettoyage du conduit, etc. fiche « Désinfection d’un fibroscope nasopha-
ryngé »). On peut aussi utiliser des gaines
stériles à usage unique. L’inconvénient est alors
Fibroscope nasopharyngé (fig. 1.5) d’augmenter le diamètre et d’avoir des difficul-
Son câble en fibres optiques est d’un diamètre tés de passage en cas de déviation de la cloison
de 4 mm ou de 2 mm pour passer par les fosses nasale.
nasales les plus étroites. La longueur est en

Optiques rigides (fig. 1.6)


La qualité de l’image est meilleure que celle
du fibroscope nasopharyngé. D’un diamètre
de 4 mm, il en existe deux types : l’un de
longueur 4 cm pour l’otoscopie, et l’autre
de longueur 17 cm pour l’endoscopie endo-
nasale. Elles nécessitent un câble optique
apportant la lumière froide d’un générateur.
Elles sont surtout destinées à la chirurgie.
Elles rendent aussi de grands services en
consultation.
Figure 1.4. Otoscopie au microscope de consultation.

Figure 1.5. Fibroscope


nasopharyngé.
Chapitre 1. Examen clinique ORL 7

Figure 1.6. Optiques


rigides pour chirurgie
endonasale (A) et pour
otoscopie (B).

Meuble de consultation prévenant le dépôt de buée. Un portoir chauf-


ORL (fig. 1.7) fant peut aussi remplir cette fonction de façon
permanente. Sont disposés également des flacons
Sa partie supérieure est un présentoir d’instru- contenant divers liquides : xylocaïne naphtazoli-
ments pour examiner une quinzaine de patients née pour anesthésie locale de contact des fosses
(encadré 1.2). À noter la présence d’une résis- nasales, glycérine pour ramollir le cérumen, acide
tance électrique pour chauffer les miroirs laryn- chromique pour effectuer des cautérisations
giens et rhinopharyngiens à une température nasales, etc.
On y trouve un système pour effectuer des
lavages d’oreille. La partie inférieure du meuble
comporte un système d’aspiration avec un
tuyau de caoutchouc et des canules de divers
calibres.

Inspection de la face
et du cou
Un coup d’œil suffit à détecter :
• une paralysie faciale parfois résumée à un simple
retard au clignement (cf. partie 2, fiche « Para-
Figure 1.7. Poste d’examen ORL. lysies faciales périphériques (PFP) ») ;
Il comporte un fauteuil transformable permettant d’allon-
ger le patient, un meuble de consultation avec source de
• une asymétrie oculaire ;
lumière froide, et un microscope binoculaire. • une tuméfaction sous-orbitaire ou cervicale.

Encadré 1.2

Instrumentation ORL
• Abaisse-langues métalliques coudés, indis- permet de dégager la main du champ visuel. Il
pensables pour réaliser une étude correcte de la existe une taille adulte et une taille enfant.
cavité buccale et de l’oropharynx. Leur coudure • Spéculums d’oreille de toutes tailles.

8 ORL thématique


• Spéculums de nez à valve, dont les spéculums • Micropinces d’oreille à pointe fine ou à pince
de Vacher complètement ouverts latéralement. mord-curette pour nettoyer le conduit auditif
• Pinces de Politzer coudées, qui permettent externe avec différents instruments pour rame-
d’exécuter des gestes au fond de cavités sans ner le cérumen.
être gêné par la main qui tient l’instrument. • Canules d’aspiration de tous diamètres.

Il faut plus de temps pour faire l’inventaire (fig. 1.10) et de la main droite pour examiner
neurologique des paires crâniennes (cf. partie 2, l’oreille droite.
fiche « Paralysies des nerfs crâniens »). Trois difficultés peuvent entraver l’otoscopie :
• la première est l’existence de cérumen. Celui-
ci doit être extrait à l’aide de fins porte-
Inspection de l’oreille cotons trempés dans la glycérine. Les fragments
et otoscopie cérumineux sont collés sur le coton par un
double mouvement : rotation et ratissage de la
Avant l’otoscopie, il faut examiner le pavillon profondeur à la superficie. Il faut éviter à tout
de l’oreille avec ses reliefs classiques (fig. 1.8). prix de faire saigner le conduit au cours de ces
Ne pas oublier de le retourner, car on découvre manœuvres. En cas d’échec, si l’on suspecte
parfois une cicatrice rétro-auriculaire témoi- un processus otitique ou une perforation du
gnant d’une intervention ancienne pour otite tympan, une aspiration sous microscope opé-
chronique. ratoire est indispensable. Dans ces cas, il n’est
L’otoscopie proprement dite nécessite un spé- pas question de pratiquer un lavage d’oreille
culum d’oreille adapté à la taille du conduit (cf. partie 2, fiche « Lavage d’oreille pour
auditif externe (fig. 1.9). extraction d’un bouchon de cérumen ») ;
Avec un otoscope à pile, il faut encore effec- • la deuxième est un conduit auditif externe osseux
tuer la même manœuvre en le tenant de la étroit avec une saillie de l’articulation temporo-
main gauche pour examiner l’oreille gauche mandibulaire masquant la partie antérieure du
Figure 1.8. Oreille gauche : pavillon normal.
A. Vue photographique. B. Reliefs schématiques. C. Oreille retournée pour inspecter la mastoïde. Le pavillon de l’oreille
est une lame fibrocartilagineuse repliée sur elle-même dont la partie la plus périphérique s’appelle l’hélix séparé du reste
du pavillon par la gouttière antihélicéenne (c) et se prolongeant dans la conque par la racine de l’hélix (b). L’anthélix est
un relief marquant la plicature entre la conque et le reste du pavillon appelé scapha. Il naît de deux racines, la supérieure
et l’inférieure, délimitant la fossette naviculaire (a).
Boudard P. In : Bessède J.-P. (dir.). Chirurgie plastique réparatrice de la face et du cou – Volume 1. Elsevier Masson, 2011, p. 276 (fig. 20.1).

Figure 1.9. Otoscopie.


Pour examiner le tympan, il faut tirer le pavillon de l’oreille en haut et en arrière pour aligner le conduit cartilagineux
sur le conduit osseux et avoir une vue directe sur la membrane tympanique.
Schéma : Legent F., Perlemuter L., Vandenbrouck C. Cahiers d’anatomie ORL. Oreille – Volume 1, 4e édition. Masson, 1984.
10 ORL thématique

Résultats chez le sujet


normal (fig. 1.11)
La membrane tympanique est normalement grise,
brillante et légèrement transparente sous micro-
scope. Pour bien imaginer la membrane tympa-
nique, il faut se souvenir qu’elle a la forme d’un
cône de haut-parleur regardant en dehors, en
avant et en bas.
Plusieurs éléments remarquables doivent être
connus :
Figure 1.10. Utilisation de l’otoscope à pile. • au pôle supérieur saille l’apophyse externe :
Pour une otoscopie gauche, l’otoscope à pile doit être
petite spicule blanchâtre de 2 à 3 mm d’épais-
tenu par la main gauche, tandis que la main droite tire le
pavillon en haut et en arrière. seur ;
• le manche du marteau constitue une saillie
tympan. Seule sa moitié postérieure reste visible. linéaire qui joint l’apophyse externe au centre
Sa teinte grisâtre la distingue de la teinte rose ou de la membrane (ombilic). Il est vu oblique en
jaunâtre de la peau du conduit auditif externe ; bas et en arrière ;
• la troisième est l’apparition de violents efforts • au-dessus de l’apophyse externe se situe la
de toux. Ceci est lié à l’attouchement du membrane de Shrapnell ou pars flaccida qui
conduit osseux. Pour comprendre ce réflexe, correspond à l’attique (chambre où sont situés
il faut se rappeler que le rameau auriculaire le corps de l’enclume et la tête du marteau) ;
du nerf pneumogastrique innerve la partie • au-dessous de l’apophyse externe, la plus grande
juxtatympanique du conduit auditif externe partie du tympan forme la pars tensa qui corres-
(cf. partie 2, fiche « Otalgie réflexe »). Pour pond à la caisse du tympan. Cette dernière est
arrêter cet incident, il suffit de pratiquer un libre de tout osselet, sauf au niveau du quadrant
léger retrait du spéculum. postéro-supérieur répondant à l’étrier et au

Figure 1.11. Membrane tympanique normale.


1 : ligament tympano-malléaire postérieur ; 2 : membrane flaccide de Schrapnell (pars flaccida en rosé) ; 3 : ligament
tympano-malléaire antérieur ; 4 : saillie de l’apophyse externe du marteau ; 5 : ombilic ; 6 : manche du marteau ; 7 :
bourrelet annulaire fibrocartilagineux ; 8 et 9 : berges du sulcus tympanique. Les 3 couches de la membrane tympanique
(couche cutanée [10], couche muqueuse [11] et couche fibreuse moyenne constituée des fibres radiées [12] et des fibres
circulaires [13]).
Photo : Sauvage J.-P., Vergnolles P. Anatomie de l’oreille moyenne. EMC, Paris (Elsevier Masson), ORL, 2008 [Article 20-015-A10].
Chapitre 1. Examen clinique ORL 11

coude du nerf facial. Le lieu préférentiel de la L’obstruction peut aussi être objectivée par la
paracentèse est classiquement le quart postéro- surface des taches de buée laissées sur un miroir
inférieur, car c’est le segment le plus superficiel de Glatzel froid placé sous le nez du patient. En
du tympan et parce qu’il ne comporte aucun l’absence de miroir, un abaisse-langue métallique
élément dangereux en dedans de lui. On pré- froid peut faire l’affaire.
fère parfois le quart antéro-inférieur, car il est Parfois, la diminution du calibre des narines
situé juste en dessous de la trompe d’Eustache. est inspiratoire. C’est le collapsus des ailes du nez
C’est d’ailleurs le lieu de la mise en place des (cartilages alaires). À chaque inspiration, elles sont
aérateurs tympaniques (yoyos ou diabolos) ; aspirées et se plaquent sur la cloison.
• le triangle lumineux occupe le quadrant antéro- Avant de mettre en place les lames d’un spécu-
inférieur. Ce n’est autre que le reflet de la lum nasal, il faut inspecter les vestibules narinaires
source lumineuse sur un secteur du cône tym- cutanés en relevant la pointe du nez avec le pouce.
panique lorsque le tympan est parfaitement sain On observe parfois des lésions croûteuses, voire
et brillant ; un furoncle.
• chez le nourrisson, la membrane tympanique
est plus horizontale que chez l’adulte et l’apo-
physe externe paraît plus grosse, tandis que le Rhinoscopie antérieure
manche du marteau est vu davantage en fuite.
L’instrument utilisé en consultation est le spé-
culum de nez. Celui de Vacher est ouvert sur le
côté pour faciliter les manœuvres intranasales.
Inspection nasale Ces spéculums comportent deux valves. L’une
et rhinoscopie antérieure est fixe, l’autre est mobile pouvant s’écarter de la
précédente au moyen d’une vis.
Architecture ostéo-cartilagineuse
Utilisation d’un spéculum de nez
Elle peut être sévèrement déformée. Souvent,
cette déformation est seulement inesthétique. L’examen est conduit de la façon suivante :
Mais elle peut aussi provoquer une obstruction • la lame fixe est appliquée sur la cloison et la
nasale avec respiration buccale et voix nason- lame mobile sous l’aile du nez, de telle sorte
née. L’origine est souvent traumatique. Ailleurs, qu’elle puisse facilement la soulever de manière
c’est une diminution permanente idiopathique indolore ;
du calibre des narines et des fosses nasales par • il faut comprendre qu’il est impossible d’avoir
une déviation de la cloison des fosses nasales avec une vue d’ensemble des fosses nasales du fait
luxation de son bord antérieur. que les narines sont étroites et qu’elles sont
dans un plan grossièrement horizontal. Pour
Il est essentiel de comprendre qu’une bonne l’obtenir, le regard doit donc adopter succes-
respiration nasale est indispensable à la phy- sivement deux axes principaux (fig. 1.12) :
siologie muqueuse des voies aériennes supé- – un axe horizontal, parallèle au plancher des
rieures. fosses nasales,
– un axe oblique, parallèle à l’arête du nez.
On inspecte alors la fosse nasale en bas-
Évaluation du flux aérien culant progressivement la tête du patient
de chaque fosse nasale vers l’arrière ;
• la rhinoscopie antérieure est d’abord exécutée
Il est apprécié en obstruant l’autre fosse nasale sans préparation. Ensuite, elle est recommen-
avec un pouce placé sous la narine (plutôt que cée après une pulvérisation de naphtazoline
d’appuyer sur l’aile du nez) et en demandant (vasoconstricteur) pour noter la qualité de la
de respirer normalement la bouche fermée. rétraction des cornets ;
12 ORL thématique

Figure 1.12. Rhinoscopie antérieure droite.


A. La valve fixe du spéculum nasal est placée le long de la cloison nasale et sa valve mobile est placée sous l’aile du nez.
On visse doucement de manière à écarter la valve mobile, soulevant ainsi l’aile du nez sans douleur. B. L’image montrée
est une reconstitution mentale de deux vues selon deux axes visuels C et D. *Cornet moyen avec en dessous, son méat
moyen. **Cornet inférieur avec en dessous son méat inférieur. C. La tête du patient est droite et l’axe visuel est parallèle
au plancher des fosses nasales, permettant théoriquement de voir jusqu’aux choanes. D. On a demandé au patient de
basculer la tête en arrière, de manière à ce que l’axe visuel soit parallèle à l’arête nasale pour observer le cornet moyen
et avoir une bonne vue sur le méat moyen.
Schémas : Sauvage J.-P., Bessède J.-P. Révision accélérée en ORL. Paris : Maloine, 1987, p. 12 (fig. 6).

• pour avoir une meilleure vue, il faut utiliser le s’ouvrent les orifices des principaux sinus de
microscope de consultation ou le fibroscope la face (on comprend donc l’importance de la
nasopharyngé (cf. infra). L’idéal est d’utiliser présence de pus à ce niveau dans le diagnostic
une optique rigide après anesthésie de contact des sinusites) ; le méat supérieur est rarement
avec une pulvérisation de xylocaïne naphtazoli- accessible à la vue.
née (vidéo 1.1 ). • Les taches vasculaires droite et gauche siègent
sur la partie antéro-inférieure de la cloison.
Anatomie (fig. 1.13) Elles sont à l’origine de la plupart des épistaxis
de l’enfant.
On observe des éléments symétriques.
• Trois cornets : inférieur, moyen et supérieur (ce
dernier n’étant pratiquement jamais vu de cette
façon). Ces cornets sont faits de tissu érectile Examen de la cavité buccale
et la pulvérisation d’un vasoconstricteur (naph-
tazoline) à l’aide d’un pulvérisateur de Vitbiss Il doit être fait à l’aide de deux abaisse-langues
provoque une rétraction facilitant l’examen. coudés. Sont examinées successivement : les
Un novice peut les confondre avec des polypes lèvres, les gencives et les joues. L’orifice du canal
lisses, clairs et transparents comme des bau- de Sténon est situé en regard du collet de la
druches. 2e molaire supérieure et la pression de la parotide
• Trois méats : ils ont chacun leur importance. peut faire sourdre de la salive. La langue mobile
Le méat inférieur représente le lieu où débou- est inspectée : tant sa face dorsale et ses bords en
chent les voies lacrymales ; le méat moyen est protraction que sa face ventrale en faisant relever
le plus important puisque c’est à ce niveau que la pointe. Enfin, le plancher de la bouche n’est
Chapitre 1. Examen clinique ORL 13

Figure 1.13. Anatomie du nez et des fosses nasales.


A. Sous-unités esthétiques du nez : dorsum (a), paroi latérale (b), pointe (c), lobule de l’aile narinaire (d), orifice narinaire
situé dans un plan presque horizontal (e), columelle (f). B. Orifice antérieur des fosses nasales ou piriforme, circonscrit
en haut par les os propres du nez et sur les côtés et en bas par l’échancrure nasale du maxillaire. Il laisse apercevoir le
vomer, l’élément osseux de la cloison nasale et les squelettes des 6 cornets. C et E. Anatomie schématique des fosses
nasales de face et de profil : cornet supérieur (1), cornet moyen (2), cornet inférieur (3) ; Eth : cavité ethmoïdale ; Clo :
cloison. D. 4 : voûte palatine ; 5 : orifice tubaire (de la trompe d’Eustache) ; 6 : gouttière uncibullaire visible après avoir
écarté le cornet moyen avec une pince (2) et dans laquelle s’ouvrent le sinus frontal en haut et le sinus maxillaire en bas.
A. Vertu-Ciolino D., Disant F. « Typologie nasale », in : Bessède J.-P. Chirurgie plastique et esthétique de la face et du cou – Volume 2.
Elsevier Masson, 2012, p. 156 (fig. 6.1). C et D. Legent F., Perlemuter L., Vandenbrouck C. Cahiers d’anatomie ORL. Cavités nasales et
labyrinthe ethmoïdal – Volume 2, 4e édition. Masson, 1986.

pas oublié (fig. 1.14). En arrière, il s’insinue pour former la luette à la façon d’un pendentif en
entre langue et gencive. En avant, il s’élargit en architecture (fig. 1.15) :
présentant la saillie des glandes sublinguales. Les • le pilier antérieur (muscle glosso-staphylin) naît
deux caroncules situées de part et d’autre du frein à l’extrémité du V lingual (zone de jonction) ;
de la langue représentent les orifices des canaux • le pilier postérieur (muscle pharyngo-staphylin)
de Wharton drainant les glandes sous-maxillaires naît de la paroi pharyngée latérale au niveau de
(cf. partie 2, fiche « Anatomophysiologie de la la base de langue ;
langue »). • les deux piliers limitent de chaque côté une loge
La palpation de toute lésion suspecte est indis- amygdalienne contenant l’amygdale palatine ;
pensable. Elle se fait à l’aide de l’index protégé • le V lingual est la séparation entre langue
par un doigtier. mobile et langue fixe, représentant aussi la
limite inférieure de l’isthme du gosier.

Examen de l’isthme
du gosier (vidéo 1.2 ) Examen du pharynx
Cet isthme constitue la frontière entre la cavité Anatomie
buccale et le pharynx. Elle est représentée par
un rideau : le voile du palais, qui tombe de la Le pharynx comporte trois étages situés entre le
voûte palatine et repose sur quatre piliers. Ces sphénoïde en haut et la bouche œsophagienne en
quatre piliers se rejoignent en ogive, se retournent bas (fig. 1.16) :
Figure 1.14. Examen de la cavité buccale.
A. Face dorsale de la langue. La langue mobile est située en avant du V lingual formé des papilles gustatives caliciformes
de part et d’autre du foramen cæcum. La base de langue recouverte de l’amygdale linguale est située en arrière des
piliers antérieurs. Elle appartient à l’oropharynx. B. Bord libre et pointe de la langue. Parmi les 17 muscles de la langue, le
muscle génioglosse a une insertion osseuse sur la face postérieure de la symphyse mandibulaire. Sa contraction entraîne
donc une protraction de la langue. En cas de paralysie unilatérale du nerf hypoglosse (XIIe paire crânienne), la langue
dévie vers le côté paralysé lorsqu’on demande au patient de tirer la langue. C et D. Face ventrale de la langue avec son
frein (1) et plancher de la bouche situé entre la langue et l’arcade dentaire inférieure. À sa partie médiane se trouvent
les deux caroncules (2) avec latéralement les deux éminences soulevées par les glandes sublinguales. C’est à ce niveau
qu’on palpe la plupart des calculs du canal de Wharton. E. En arrière et latéralement, le plancher de la bouche s’insinue
entre langue et gencive, formant le sillon pelvi-lingual. Pour rechercher de petits cancers à ce niveau, un abaisse-langue
(3) récline la langue, tandis que l’autre abaisse-langue écarte la joue. Chez ce patient, on distingue une plaque de leuco-
plasie blanchâtre remontant jusqu’à la commissure intermaxillaire (4).
A. Rouvière H. Anatomie humaine – Tome I : tête et cou. Paris : Masson, 1959, p. 406 (fig. 259). C. Schuller D.E., Schleuning A.J. DeWeese and
Saunders’Otolaryngology Head and Neck Surgery, 8e edition. Mosby St Louis, 1994, p. 166 (fig. 10.1).

Figure 1.15. Examen de l’isthme du gosier.


Il est essentiel d’appliquer l’abaisse-langue métallique coudé nettement en avant du V lingual pour éviter de déclencher
un réflexe nauséeux.
Schéma : Legent F., Perlemuter L., Vandenbrouck C. Cahiers d’anatomie ORL. Tonsilles palatines A – Volume 2, 4e édition. Masson, 1986.
Chapitre 1. Examen clinique ORL 15

Figure 1.16. Les trois étages du pharynx.


Le rhinopharynx est en arrière des fosses nasales (siège des rhinopharyngites). L’oropharynx est en arrière de l’isthme
du gosier. L’hypopharynx débouche sur l’œsophage par l’intermédiaire de la bouche œsophagienne. En avant,
l’hypopharynx s’ouvre dans la trachée par l’intermédiaire de la margelle laryngée.
Schémas : Legent F., Perlemuter L., Vandenbrouck C. Cahiers d’anatomie ORL. Tonsilles palatines A – Volume 2, 4e édition, Paris :
Masson, 1986. Et : Sauvage J.-P., Bessède J.-P. Révision accélérée en ORL. Paris : Maloine, 1987, p. 16 (fig. 8).

• le rhinopharynx est l’étage supérieur. Il s’ouvre Examen du rhinopharynx


en avant dans les fosses nasales par les choanes
et contient du tissu lymphoïde appelé « amyg- La rhinoscopie postérieure (fig. 1.17) est un
dale pharyngée », dont l’hypertrophie constitue temps difficile. Il est demandé au sujet de respirer
les végétations adénoïdes. C’est le siège des la bouche ouverte, langue rentrée. Un abaisse-
rhinopharyngites ; langue coudé métallique déprime doucement la
• l’oropharynx est l’étage moyen. Il s’ouvre langue en avant du V lingual. Un petit miroir peut
en avant dans la cavité buccale par l’isthme alors être insinué derrière le voile du palais sans
du gosier. Il est donc au contact des deux le toucher et permet d’observer le rhinopharynx.
amygdales palatines placées en avant de lui. Il Pour éviter la buée, le miroir doit être tiédi à
est examiné en même temps que l’isthme du l’aide d’une résistance électrique dont sont pour-
gosier ; vus la plupart des meubles d’examen ORL. Sinon,
• l’hypopharynx constitue l’étage inférieur. Il on peut utiliser la flamme d’une lampe à alcool.
s’ouvre en avant dans le larynx et donc dans Ceci a l’inconvénient d’effrayer les enfants chez
l’arbre respiratoire. La bouche œsophagienne qui on cherche à voir les végétations adénoïdes.
le sépare de l’œsophage. Dans les deux cas, le contrôle de la température
On appelle anneau de Waldeyer le cercle du miroir se fait en appliquant le dos du miroir sur
constitué par les amas lymphoïdes du pharynx : le dos de la main.
amygdale pharyngée, amygdales palatines et
amygdale linguale situées sur la base de la Résultats chez le sujet normal
langue. Ces amas lymphoïdes sont reliés par des L’image est renversée verticalement, mais pas
traînées de tissu lymphoïde sous la muqueuse latéralement. On aperçoit les choanes avec
(cf. fig. 11.1). les queues de cornet, les orifices des trompes
16 ORL thématique

Figure 1.17. Rhinoscopie postérieure au miroir.


A. L’abaisse-langue métallique coudé déprime légèrement la langue pour qu’on puisse glisser le miroir sous le voile du
palais en demandant au patient de respirer par le nez, la bouche ouverte. Le miroir a été préalablement tiédi. VG : végéta-
tions adénoïdes (chez l’enfant calme, elles sont souvent bien observées car elles repoussent le voile en avant). B. L’image
est renversée dans le sens vertical, c’est-à-dire que la luette est vue en haut, tandis que la queue du cornet supérieur est
vue en bas. Les côtés restent comme dans la lecture d’une radio pulmonaire, c’est-à-dire que la choane droite du patient
est vue à gauche et sa choane gauche est vue à droite.
Sauvage J.-P., Bessède J.-P. Révision accélérée en ORL. Paris : Maloine, 1987, p. 16 (fig. 9).

d’Eustache et l’amygdale pharyngée quand elle calmement par la bouche, ce qui a pour effet de
est hypertrophiée. faire reculer le larynx. On place alors le miroir
laryngien de diamètre adapté juste en avant du
voile sans le toucher, la lampe frontale éclairant
Laryngoscopie indirecte ce dernier. Lorsque les cordes vocales sont cor-
Elle permet en même temps de faire une hypo- rectement observées en abduction, on demande
pharyngoscopie en visualisant les deux sinus piri- au patient de prononcer la lettre « è » sur un ton
formes, les vallécules et la base de langue. très aigu. Les cordes s’accolent et on peut ainsi
apprécier la mobilité laryngée.
Technique (vidéo 1.3 )
Résultat chez le sujet normal (fig. 1.18)
C’est Manuel Garcia, un professeur de chant à
Paris puis à Londres, qui a eu l’idée en 1854 Pour bien comprendre l’image observée, il faut
d’utiliser un miroir laryngien pour examiner ses concevoir l’hypopharynx comme un entonnoir
propres cordes vocales. Ce procédé reste utilisé en débouchant dans l’œsophage. Sa paroi anté-
consultation pour examiner de nombreux malades rieure est constituée par la base de langue
avec du matériel peu coûteux et facile à stériliser recouverte de l’amygdale linguale. Le larynx
(ce qui n’est pas le cas des fibroscopes naso- est comme un puits faisant saillie dans la partie
pharyngés). antérieure de l’entonnoir hypopharyngé à la
Une lampe frontale est nécessaire. Le miroir manière d’une margelle constituée de l’épiglotte,
laryngien est tiédi selon la même technique que des aryténoïdes et des bandes ventriculaires.
précédemment. On saisit la langue avec une Entre l’épiglotte et la base de langue se trou-
compresse, et on exerce une traction passive vent deux dépressions nommées vallécules. Ce
de la langue permettant d’attirer le larynx vers puits s’ouvre dans la trachée après avoir franchi
le haut par l’intermédiaire de l’os hyoïde. En l’espace glottique entre les deux cordes vocales.
même temps, on demande au sujet de respirer Ainsi comprend-on l’existence des deux sinus
Chapitre 1. Examen clinique ORL 17

Figure 1.18. Laryngoscopie indirecte.


A. Le principe est d’utiliser un miroir laryngien. B. Le patient ouvre la bouche et respire calmement pour rétropulser le
larynx et l’aligner sur l’oropharynx. On lui tire passivement la langue avec une compresse pour faire remonter le larynx.
C. Dans l’image observée sur le miroir tiédi, la partie antérieure du larynx est en haut et sa partie postérieure est en bas.
Quant au côté, il se lit comme sur une radio pulmonaire. D. Les structures à observer sont l’entonnoir hypopharyngé
s’ouvrant sur l’œsophage (j), et la margelle laryngée (a) comme un puits s’ouvrant sur la trachée (k). Latéralement, les deux
sinus piriformes (SP) sont constitués par le raccordement des parois de la margelle laryngée avec celles de l’hypopharynx
(b). E et F. La margelle est constituée de l’épiglotte (épi) séparée de la base de langue (d) par les deux vallécules (c) et
des cartilages aryténoïdes (h) sur lesquels s’insèrent les cordes vocales blanc nacré (f) partiellement recouvertes par les
bandes ventriculaires (BV). La paroi hypopharyngée postérieure (i) se raccorde au larynx par les zones des trois replis (e).
En F1, le patient inspire. Les cordes vocales se mettent en abduction, ouvrant l’espace glottique (G) pour laisser le pas-
sage au flux aérien. En F2, on demande au patient de prononcer la lettre « è », les cordes vocales s’accolent en adduction
pour permettre la phonation. Pour mieux comprendre la structure du larynx en trois étages (sus-glottique, glottique et
sous-glottique), voir une coupe sagittale du larynx (cf. fig. 2.1).
Sauvage J.-P., Bessède J.-P. Révision accélérée en ORL. Paris : Maloine, 1987, p. 18 (fig. 10).

piriformes qui sont les deux culs-de-sac placés de Palpation du cou


chaque côté de la margelle.
Elle doit être méthodique, à la recherche d’une
masse suspecte. Elle se pratique comparativement
Laryngoscopie au fibroscope à deux mains : la main gauche pour le côté droit
nasopharyngé du patient et la main droite pour le côté gauche
du patient.
La fibroscopie nasopharyngée a supplanté la • La palpation commence par les chaînes gan-
laryngoscopie indirecte dans presque tous les cas. glionnaires superficielles en partant de la région
En particulier lorsque les réflexes nauséeux sont rétromastoïdienne. Puis on palpe l’espace paro-
importants chez les patients anxieux ou alcoolo- tidien entre le bord antérieur de la mastoïde et
tabagiques (vidéo 1.4 ). le bord postérieur de la branche montante de la
18 ORL thématique

mandibule. Au niveau de la glande sous-maxil- complémentaires sont effectuées ou demandées


laire, on recourbe les doigts en crochet sous le dans la foulée.
bord inférieur de la mandibule et on termine • Pour la face profonde et la région cervicale
cette première phase par la région sous-mentale sus-hyoïdienne : une endoscopie nasosinu-
(fig. 1.19a). sienne à l’optique et parfois une prescription
• La deuxième phase concerne la partie anté- d’examen tomodensitométrique des sinus de
rieure du cou en palpant l’os hyoïde et la région la face.
thyroïdienne (fig. 1.19b). • Pour la région cervicale sous-hyoïdienne :
• Puis on remonte le long des bords antérieurs des l’organisation d’une endoscopie pharyngo-
muscles sterno-cléido-mastoïdiens en palpant laryngée sous anesthésie pour biopsier une
les chaînes ganglionnaires jugulo-carotidiennes lésion suspecte.
jusqu’aux régions sous-digastriques derrière • Pour l’os temporal et la base du crâne : une
l’angle de la mâchoire tout en faisant relâcher acoumétrie, une audiométrie, un examen ves-
les muscles droit et gauche alternativement par tibulaire, une imagerie par tomodensitométrie
une inclinaison de la tête sur le côté (fig. 1.19c). pour le rocher et une IRM pour la fosse céré-
• Enfin, on termine par la région spinale et brale postérieure.
sus-claviculaire en faisant tousser le patient
(fig. 1.19d).
`` Compléments en ligne
Des compléments numériques sont associés à ce
chapitre, ils sont indiqués dans le texte par un
picto . Ils proposent les vidéos du chapitre.
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Vidéo e1.1. Endoscopie nasale à l’optique.


Chez un patient assis, après avoir pulvérisé de la
xylocaïne à 5 % additionnée d’un vasoconstricteur, la
naphtazoline, on utilise une optique rigide de 4 mm de
diamètre et de 17 cm de long. On commence par le côté
gauche. La cloison est à gauche. Le cornet inférieur à
droite est marqué par l’astérisque. On remonte vers le
cornet moyen (astérisque) jusqu’à sa racine. On découvre
le méat moyen (astérisque) où débouchent le sinus frontal
Figure 1.19. Étapes de la palpation du cou. et le sinus maxillaire. Sous le cornet inférieur, on trouve
a : chaîne ganglionnaire superficielle, parotide et glande le méat inférieur où débouche la voie lacrymale. Passons
sous-maxillaire ; b : région cervicale antérieure ; c : chaîne maintenant au côté droit. Après avoir passé les vibices
jugulo-carotidienne ; d : région spinale et sus-claviculaire ; (poils de nez), la cloison nasale est à droite, un peu
SCM : muscle sterno-cléido-mastoïdien. inflammatoire. On voit ensuite successivement : le cornet
inférieur droit, puis le cornet moyen droit avec en des-
sous, son méat moyen.
Conclusion
À la fin de l’examen, l’attention se porte
généralement sur une région extracrânienne
de la tête et du cou. Certaines investigations
Chapitre 1. Examen clinique ORL 19

Vidéo e1.2. Examen de l’isthme du gosier. Vidéo e1.4. Laryngoscopie au fibroscope nasopha-
L’isthme du gosier possède une architecture qu’il faut ryngé.
bien comprendre. Le voile du palais tombe comme un Nous allons la faire au cours d’une consultation, après
rideau séparant la cavité buccale du pharynx. C’est une pulvérisation dans chaque fosse nasale d’un anesthésique
structure musculaire reposant sur quatre piliers : les deux local. Ici, c’est une fosse nasale gauche, donc à votre
piliers antérieurs (PA) constitués par les deux muscles gauche vous avez la cloison nasale, et à votre droite
glosso-staphylins s’insérant aux extrémités du V lingual, l’astérisque indique le cornet inférieur gauche avec son
les deux piliers postérieurs (PP) se perdant sur la paroi méat inférieur en dessous. Puis on progresse le long du
latérale du pharynx. Ces quatre piliers se recourbent pour plancher des fosses nasales jusqu’à la choane. Un nouvel
se prolonger par la luette (Lu) se présentant comme un astérisque indique le bourrelet tubaire limitant en arrière
pendentif en architecture. Entre chaque pilier antérieur l’orifice de la trompe d’Eustache. En incurvant l’extrémité
et postérieur, se forme une loge contenant l’amygdale du fibroscope, on pénètre dans le rhinopharynx ou cavum.
palatine. De l’autre côté du voile, on aperçoit la paroi L’astérisque montre la face postérieure de la luette. Après
postérieure du pharynx, appelée oropharynx, en regard de avoir passé la base de langue recouverte de l’amygdale
la cavité buccale. Quand on utilise un abaisse-langue, son linguale, on observe l’épiglotte. On passe derrière elle et
extrémité ne doit ni dépasser, ni toucher le V lingual sous on tombe sur le plan glottique avec ses cordes vocales
peine de déclencher un violent réflexe nauséeux. blanchâtres fixées en arrière sur les aryténoïdes qui
agissent à la manière d’un battant de porte. Lorsque
les aryténoïdes se rapprochent, les cordes vocales se
mettent en adduction permettant la phonation. Lorsque
les aryténoïdes s’écartent, les cordes vocales se mettent
en abduction permettant l’inspiration. Ensuite, on fait
dire « è » au patient pour vérifier la bonne mobilité des
cordes vocales et l’absence de paralysie. Enfin, un dernier
astérisque indique le sinus piriforme droit situé entre la
margelle laryngée et la paroi latérale de l’hypopharynx
droit. On passe ensuite au sinus piriforme gauche. Notons
qu’au cours de la déglutition, on utilise toujours le même
Vidéo e1.3. Laryngoscopie indirecte.
sinus piriforme droit ou gauche, dit préférentiel. C’est lui
La laryngoscopie indirecte est la moins chère des façons
qui sera atteint de cancer en cas de brûlures multiquoti-
d’examiner les cordes vocales. Elle ne nécessite qu’une
diennes liées à l’ingestion d’alcool pendant 20 ans.
lampe frontale, un miroir laryngien tiédi pour éviter la buée
et un manche vissé pour bien maîtriser le miroir. La langue
est tirée à l’aide d’une compresse pour faire monter le
larynx, et le patient respire doucement pour projeter
son larynx en arrière dans l’axe du pharynx. L’image est
renversée latéralement, comme quand on lit une radio
pulmonaire, mais le haut reste le haut et l’épiglotte occupe
le haut de l’image. L’image est excellente, tant par sa
netteté que par ses couleurs. On fait dire « è » au patient
pour voir les cordes vocales en fermeture et en ouverture
et rechercher une éventuelle paralysie récurrentielle. Il ne
faut que 3 à 4 semaines d’entraînement pour devenir un
expert.
Chapitre 2
Cancers du larynx
et de l’hypopharynx
Points forts gique. Leur consommation cumulée augmente le
Plus de 70 % de ces cancers sont diagnostiqués à risque de cancer (encadré 2.1).
un stade tardif, car leurs signes d’appel sont banals Le larynx est divisé en trois étages (fig. 2.1) :
et que le médecin non spécialiste ne dispose pas du • la région glottique, comprenant la corde vocale
matériel adéquat pour trouver une tumeur débutante. (1) : bord libre, face inférieure et commissure
Mais, contrairement aux cancers du poumon, les antérieure (2) ;
cancers du larynx et de l’hypopharynx sont de • au-dessus, se trouve la région sus-glottique
bon pronostic, car leur évolution reste longtemps
séparée du plan glottique par la cavité du ven-
locorégionale, cantonnée derrière des barrières
aponévrotiques, carcinologiquement résistantes. tricule (8). Elle comprend l’épiglotte avec sa
j Ces cancers surviennent chez des fumeurs portion sus-hyoïdienne (3) et sa portion sous-
et des consommateurs d’alcool. hyoïdienne (6), les deux aryténoïdes (5) reliés
j Sur ce terrain, toute dysphonie ou dysphagie à l’épiglotte par les replis ary-épiglottiques (4)
durant plus de trois semaines nécessite une avec les bandes ventriculaires (7) constituant le
pharyngo-laryngoscopie effectuée par un ORL. vestibule laryngé ;
j L’aspect typique est celui de l’ulcération
• en dessous du plan glottique, on trouve la
bourgeonnante des carcinomes épidermoïdes. sous-glotte jusqu’au bord inférieur du cartilage
j Tant que la corde vocale reste mobile, les
thyroïde (9).
survies à cinq ans atteignent 70 à 95 %.
j En cas d’hémilarynx fixé, la laryngectomie

totale suivie d’irradiation obtient 30 Encadré 2.1


à 60 % de survie à 5 ans.
j Les protocoles de préservation laryngée associant Épidémiologie
radiothérapie et chimiothérapie obtiennent En France, les cancers des voies aérodiges-
ces mêmes résultats dans 70 % des cas. tives supérieures (VADS) sont, tout sexe
j Les cancers du larynx sont d’un meilleur confondu, le cinquième cancer (14 638 nou-
pronostic que les cancers de l’hypopharynx, car veaux cas en 2012) juste après les cancers
l’extension ganglionnaire y est moins fréquente. du poumon (39 495). Cette fréquence est
supérieure à celle des autres pays européens,
car l’imprégnation alcoolo-tabagique fait de
Sites anatomiques la France le pays où le taux de mortalité par
ces cancers est le plus élevé. Parmi ceux-ci, les
concernés cancers du larynx et de l’hypopharynx sont
les plus représentatifs.
Schématiquement :
Cancers du larynx
• le tabac provoque les cancers du larynx (passage
En 2012, ils ont représenté 2 821 nouveaux
obligé de la fumée par la filière glottique) ;
cas chez l’homme et 501 chez la femme.
• l’alcool provoque les cancers du sinus piriforme Entre 1980 et 2012, le nombre de nouveaux
(passage obligé de l’alcool par l’hypopharynx). cas chez l’homme a été réduit de 37 %, soit
En fait, les deux intoxications sont souvent en 2012 à 5,4 cas pour 100 000 habitants :
associées. L’effet de l’alcool et du tabac est syner- 
Guide d'ORL
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22 ORL thématique

 et glosso-épiglottique. En avant, c’est la région


probablement en raison des campagnes anti- rétrocricoïdienne (11) ; en arrière, la paroi pharyn-
tabac et en raison de la baisse légale du taux
gée postérieure. Tout en bas, la bouche œsopha-
de goudron dans les cigarettes depuis 19911.
Au contraire, chez la femme, le nombre de gienne (12) correspond à la 6e vertèbre cervicale.
cas est passé de 0,6 pour 100 000 habitants à
0,9. Le sex-ratio homme/femme qui était de
9/1 est maintenant de 5/1 en rapport avec la Signes d’appel
progression du tabagisme féminin. Le cancer
du larynx était en 2012 en 12e position des
des cancers du larynx
causes de décès par cancer chez l’homme et et de l’hypopharynx
au 17e rang chez la femme avec un taux de
survie global à cinq ans de 53 % et à dix ans L’association de trois ordres d’arguments doit
de 41 %. imposer la pratique d’une consultation ORL avec
Cancers de l’hypopharynx laryngoscopie au fauteuil :
Ils sont comptabilisés avec les autres cancers • le terrain alcoolo-tabagique ;
des VADS (lèvre, cavité buccale et pharynx). • une dysphonie ou une dysphagie persistante ;
Leur incidence est restée la même, voire en • la présence d’une adénopathie caractéristique.
augmentation.
1Arrêté du 26 avril 1991 fixant les goudrons émis
par les cigarettes à 15 mg en janvier 1993 puis à
Terrain
10 mg en 2004.
• C’est un patient de plus de 40 ans : il faut au
moins 20 ans d’imprégnation alcoolo-tabagique
pour déclencher le processus carcinologique. Le
L’hypopharynx comprend latéralement les deux risque augmente avec l’âge et le maximum de
sinus piriformes (10) limités en haut par la zone fréquence se situe entre 50 et 70 ans.
des trois replis (13), constituée de la jonction entre • C’est un fumeur : le tabagisme est habituelle-
les replis ary-épiglottique, pharyngo-épiglottique ment facilement avoué. Le risque croît avec la

Figure 2.1. Anatomie du larynx et de l’hypopharynx.


Vue postérieure et coupe sagittale. Voir texte. La région est séparée de la base de langue par les deux vallécules (Va).
La loge hyo-thyro-épiglottique (HTE) en forme d’entonnoir à sommet inférieur est située en avant de l’épiglotte sous-
hyoïdienne ; en arrière de la moitié supérieure du cartilage thyroïde et de la membrane thyro-hyoïdienne (MTH) ; sous la
membrane hyo-épiglottique (MHE). Elle contient de la graisse. OH : os hyoïde.
Chapitre 2. Cancers du larynx et de l’hypopharynx 23

quantité consommée : de 0,5 à 4 paquets par Son existence abaisse de moitié les espoirs de
jour pendant 20 ans. survie à 5 ans de la lésion primitive.
• C’est un consommateur d’alcool : l’alcoolisme,
même non avoué, se reconnaît au faciès, à la
langue trémulante et à l’état fortement conges- Signes tardifs
tif « lie-de-vin » de l’isthme du gosier. Le risque
augmente avec le degré d’alcool des boissons Douleurs et tuméfactions cervicales antérieures
alcoolisées. palpables témoignent de l’extension aux struc-
• La denture est souvent détériorée et l’infection tures cartilagineuses. La filière laryngée finit par
gingivale constitue un facteur de risque sup- être obstruée au point de provoquer une dyspnée
plémentaire. laryngée avec bradypnée inspiratoire imposant
une trachéotomie en urgence. Les hémorragies
par ulcération carotidienne ne surviennent que
Dysphonie ou dysphagie dans les formes très évoluées.
persistante
• La dysphonie est permanente, progressivement Conduite à tenir
croissante, devenant de plus en plus dure (voix
de bois). Il convient d’être très vigilant en cas
Ces signes d’appel plus ou moins regroupés
de laryngite chronique du fumeur.
constituent l’indication formelle d’un examen
• La dysphagie haute est d’abord une simple gêne
complet de la sphère ORL avec palpation des aires
pharyngée mécanique. Elle retentit ensuite sur
ganglionnaires cervicales. En particulier, une pha-
les capacités de déglutition, entraînant un amai-
ryngo-laryngoscopie au fauteuil doit être réalisée
grissement. Elle ne devient douloureuse que
par un spécialiste entraîné, car les réflexes nau-
tardivement (odynophagie).
séeux sont généralement importants en raison de
• Parfois, tout se résume à une otalgie réflexe
l’intoxication alcoolo-tabagique (cf. chapitre 1).
déclenchée ou aggravée par la déglutition.
• Ce peut être une laryngoscopie indirecte au
Elle est liée aux connexions existant entre le
miroir laryngé donnant une excellente image
plexus pharyngien et le nerf glosso-pharyn-
chez un patient docile et décontracté.
gien dont le territoire sensitif comprend aussi
• L’examen au fibroscope nasopharyngé souple
l’oreille (nerf de Jacobson). Toute otalgie
est indispensable. Il est effectué au repos, en
avec otoscopie normale est suspecte sur un tel
phonation et lors de manœuvres de Valsalva
terrain.
pour mieux visualiser les petites lésions du fond
du sinus piriforme et de la région rétro-crico-
Adénopathie cervicale aryténoïdienne.
• Le cancer se manifeste par une tumeur ulcéro-
• Elle est dure, indolore, ronde et de taille pro- bourgeonnante. Stase salivaire, érythème et
gressivement croissante. L’avoir palpée une œdème muqueux sont des signes indirects
seule fois permet ensuite de la reconnaître en devant aussi attirer l’attention. Parfois, on ne
toutes circonstances. met en évidence qu’une laryngite chronique,
• Son siège est le plus souvent sous-digastrique mais elle prend chez le fumeur un véritable
(ganglion de Küttner), soulevant le bord anté- caractère prénéoplasique : dysplasie plus ou
rieur du muscle sterno-cléido-mastoïdien dans moins kératinisée se présentant le plus souvent
son tiers supérieur. comme une plaque de leucoplasie siégeant sur
• Elle représente une circonstance de découverte une corde vocale, susceptible de dégénérer à
non négligeable des cancers ORL. C’est une tout moment.
métastase ganglionnaire déjà présente d’emblée • Le site anatomique de la lésion doit être
dans 10 à 80 % des cas selon les localisations. précisé : cancer du larynx (étage glottique,
24 ORL thématique

supraglottique ou sous-glottique) ou cancer de Encadré 2.2


l’hypopharynx (sinus piriforme le plus souvent).
Imagerie des cancers laryngés
Cette laryngoscopie au fauteuil chez un patient
et hypopharyngés
conscient est la seule façon de préciser s’il existe
un trouble de la mobilité d’une corde vocale. Acquisitions tomodensitométriques
En effet, la fixation d’un hémilarynx avec corde spiralées
vocale immobile est le témoin d’une extension Elles doivent durer moins d’une minute pour
intralaryngée ne permettant plus de proposer une réduire les artéfacts liés aux mouvements de
déglutition. Des coupes d’environ 1 mm de
laryngectomie partielle (cf. infra).
toute la région pharyngo-laryngo-trachéale
et des aires ganglionnaires cervicales sont
effectuées. Une spirale thoracique supplé-
En résumé
mentaire est systématique à la recherche de
Un enrouement, une dysphagie unilatérale, associés à pathologies concomitantes pulmonaire, œso-
une otalgie à la déglutition, survenant chez un patient phagienne et médiastinale.
fumeur et consommateur d’alcool de plus de 40 ans et Pour la recherche d’une extension ganglion-
persistant plus de 3 semaines, nécessitent un examen naire, sont prises en compte les adénopathies
laryngé fait par un spécialiste ORL. dont le plus petit diamètre dépasse 12 mm.
La découverte d’une adénopathie cervicale suspecte Sont aussi considérées comme significatives
nécessite d’abord un examen de la sphère ORL, leur hétérogénéité et la présence d’une hypo-
et plus particulièrement un examen laryngé réalisé densité centrale avec prise de contraste péri-
avant tout acte chirurgical ganglionnaire. Pratiquer une phérique évoquant une nécrose. On profite
biopsie en « quartier d’orange » sans reconnaître la de l’examen pour étudier les territoires gan-
lésion primitive revient à provoquer une catastrophique glionnaires rétropharyngés et de la base du
rupture capsulaire iatrogénique divisant les chances crâne.
de survie du patient à 5 ans par 4. Au contraire, le
traitement simultané de la tumeur primitive et des IRM
aires ganglionnaires permet de conserver le meilleur Sa place est réduite, mais elle peut être utile
pronostic possible. en cas de doute sur une extension cartilagi-
neuse qui est un critère d’exclusion des pro-
tocoles de préservation laryngée (cf. infra).
Prise en charge L’atteinte du cartilage se traduit par une
augmentation de signal en T2 par rapport au
en milieu spécialisé cartilage normal et par une prise de contraste
en T1 avec gadolinium.
Devant un cancer évident en laryngoscopie au fau- TEP (tomodensitométrie avec émission
teuil, il faut commencer par un bilan d’extension de positons)
radiologique tomodensitométrique (TDM). Ce Elle n’est pratiquée qu’en cas d’adénopathie
n’est qu’ensuite qu’il est procédé à une panendo- cervicale sans porte d’entrée évidente pour
scopie sous anesthésie générale avec biopsie. En rechercher la lésion primitive. En revanche,
effet, si la biopsie était effectuée avant l’examen elle est plus souvent indiquée dans les lésions
TDM, des réactions inflammatoires risqueraient très évoluées de l’hypopharynx pour recher-
d’être confondues avec de la tumeur. cher une métastase ou un cancer secondaire
(à condition qu’aucun geste chirurgical n’ait
été effectué auparavant).
Bilan d’imagerie (encadré 2.2)
L’envahissement en profondeur est mal appré- sous-muqueuses pouvant faire passer un stade T1
hendé par l’examen laryngoscopique. Un seul à un stade T3, voire T4, interdisant par exemple la
critère clinique existe : c’est la fixité de la corde chirurgie partielle du larynx (cf. infra).
vocale. En revanche, l’examen tomodensitomé- Des manœuvres dynamiques complètent l’exa-
trique est très sensible à la présence d’extensions men. La manœuvre de phonation consiste à faire
Chapitre 2. Cancers du larynx et de l’hypopharynx 25

prononcer « é »… Ainsi, en reconstruction coronale,


les ventricules laryngés s’ouvrent, permettant de
bien séparer le plan sus-glottique du plan glottique
(fig. 2.2). La manœuvre de Valsalva est utilisée pour
ouvrir les sinus piriformes jusqu’en région rétro-
crico-aryténoïdienne. Des injections de produits de
contraste rehaussent la tumeur, mettant en évidence
son caractère infiltrant, exophytique ou ulcéré.

Panendoscopie sous anesthésie


Figure 2.2. Reconstruction coronale d’un larynx normal générale (vidéo 2.1 )
en phonation.
Les cordes vocales (flèche longue) s’affrontent, réduisant L’anesthésie générale doit être courte mais pro-
l’espace glottique. L’espace sus-glottique est représenté
fonde. La technique de jet-ventilation par ponction
par les bandes ventriculaires (flèche courte) qui sont un repli
situé au-dessus de chaque corde vocale. Entre la corde inter-crico-thyroïdienne est préférable à une anes-
vocale et la bande ventriculaire existe un espace aérien : le thésie avec intubation ou à une neuroleptanalgésie.
ventricule laryngé (rond blanc). Celui-ci s’ouvre sous l’effet Outre la laryngoscopie sont pratiquées une hypo-
de la phonation, permettant de bien séparer l’étage sus-
pharyngoscopie et une œsophagoscopie au tube
glottique de l’étage glottique et de l’ogive sous-glottique.
Dubrulle F., Martin-Duverneuil N., Moulin G. Imagerie en ORL. Elsevier rigide. Les structures laryngées et hypopharyngées
Masson, 2010, p. 154 (fig. 10.1). sont examinées une à une (fig. 2.3 et 2.4). On se

Figure 2.3. Vue laryngoscopique du larynx (A) et coupe frontale de l’endolarynx (B). La flèche indique l’entrée du ven-
tricule laryngé.
D’après Legent F., Perlemuter L., Vandenbrouck C. Cahiers d’anatomie ORL. Sinus piriforme et larynx, Volume 2, 4e édition. Masson, 1986.

Figure 2.4. Cancer de la commissure antérieure par dégénérescence d’une plaque de leucoplasie chez un fumeur.
L’exposition insuffisante de la laryngoscopie directe en suspension ne permet pas de le voir (A). La lésion n’est visible
qu’avec une optique à 30° (B).
26 ORL thématique

tient prêt à faire des biopsies. Pour l’endolarynx, sont des formes pseudo-sarcomateuses de mauvais
on met en place une suspension avec appui thora- pronostic. Elles associent des cellules épithéliales
cique permettant l’emploi du microscope opéra- malignes à des cellules mésenchymateuses don-
toire libérant les deux mains pour manier la pince nant un aspect polypoïde.
à biopsie et l’aspiration. Des optiques à 30 et à 70° Enfin, il existe des états précancéreux : plaques
permettent de ne pas manquer un petit cancer du de leucoplasie blanchâtres sur les cordes vocales ou
ventricule ou une extension à la sous-glotte. On papillomes cornés diffus (vidéo 2.2 ). Ces dys-
profite de l’anesthésie pour palper la base de langue kératoses se caractérisent par des amas de kératine
et les vallécules à la recherche d’une extension remplaçant les cellules épithéliales superficielles.
sous-muqueuse. Pour les bronches, on préfère On y trouve des dysplasies plus ou moins sévères
généralement une fibroscopie décalée en fonction avec parfois un carcinome in situ. Le risque de
des indications données par le scanner thoracique. transformation atteindrait 2 à 25 % (cf. partie 2,
On peut profiter de cette anesthésie pour effec- fiche « Lésions précancéreuses des muqueuses des
tuer la remise en état buccodentaire avant traite- voies aérodigestives supérieures »).
ment radiothérapique. En effet, si des soins et des
extractions dentaires sont ultérieurement néces-
saires, il y a un risque important d’ostéoradioné- Bilan carcinologique global
crose mandibulaire.
À chaque consultation, il faut rester vigilant à
la présence d’un autre carcinome épidermoïde
primitif, résultat des mêmes facteurs carcinogènes.
C’est le chirurgien qui doit pratiquer cet examen avec
un compte-rendu comportant une description morpho-
Il peut être situé au niveau de la cavité buccale,
logique et surtout un schéma de la lésion et des adé- de l’oropharynx, de l’œsophage ou du poumon.
nopathies cervicales, annoté, daté et signé. Il convient Cette tumeur est dite « synchrone » quand elle
aussi de déterminer le caractère exposable de la tumeur est décelée en même temps que le carcinome
en vue d’une exérèse par voie endoscopique (cf. infra). laryngé. Elle est dite « métachrone » quand elle
Enfin, tenant compte du bilan tomodensitométrique, sa est décelée dans la période de surveillance. Ce
conclusion doit comporter une proposition chirurgicale cancer secondaire survient dans 25 à 30 % des
à débattre avec les autres spécialistes (cf. infra). À noter cas. Le traitement reste aussi efficace que celui de
que l’endoscopie sous anesthésie ne remplace pas
la première localisation, sauf pour l’œsophage et
l’examen de la mobilité laryngée au fauteuil chez un
patient conscient et coopérant.
le poumon.
Les métastases sont rares au cours de l’évolu-
tion, mais elles sont souvent multiples au moment
de l’autopsie.
Histopathologie
Dans 85 à 90 % des cas, ce sont des carcinomes Bilan des comorbidités
épidermoïdes. Sous l’effet du tabac associé à et bilan psychosocial
l’alcool, la muqueuse prend un aspect kératinisé
superficiel. La cancérisation se traduit par une L’objectif est d’évaluer les conséquences de
ulcération surinfectée infiltrant peu à peu les tissus l’intoxication alcoolo-tabagique risquant de se
en profondeur. C’est la quantité de kératine qui décompenser à l’occasion du traitement.
détermine si l’épithélioma malpighien est très, Il comporte :
peu ou pas différencié. • un bilan cardiovasculaire pour évaluer l’opé-
Il existe aussi quelques variantes des carci- rabilité (échographie cardiaque, écho-doppler
nomes épidermoïdes, ne changeant pas la stra- artériel des vaisseaux du cou, angioscanner) ;
tégie thérapeutique. Les formes verruqueuses se • des explorations fonctionnelles pulmonaires
présentent comme des papillomes à larges bases (une bronchopneumopathie obstructive aggra-
d’implantation. Les formes à cellules fusiformes verait la survenue de fausses-routes, cf. infra) ;
Chapitre 2. Cancers du larynx et de l’hypopharynx 27

• un bilan hépatique, rénal et hématologique Cancer de la commissure antérieure


(surtout si une chimiothérapie est envisagée) ; Il siège dans l’angle rentrant du cartilage thy-
• un bilan nutritionnel pour corriger une perte roïde. À ce niveau, le cartilage est une zone de
de poids (compléments alimentaires, sonde d’ali- faiblesse favorisant l’extension tumorale extrala-
mentation entérale, gastrostomie d’alimentation). ryngée du fait de l’absence de périchondre interne
Il faut aussi évaluer les conséquences de futures et de l’apparition avec l’âge d’une métaplasie
séquelles en fonction de la profession, du milieu osseuse très vascularisée. Tout cancer développé à
familial et des déficits sensoriels associés. partir de la commissure antérieure doit donc être
considéré d’emblée comme un T4 (encadré 2.3,
classification TNM), même si la mobilité laryngée
Formes topographiques est conservée. Toutefois, une lésion superficielle
sautant d’une corde vocale à l’autre peut res-
Au début, ces cancers ne sont que des ulcérations pecter la commissure antérieure. C’est l’analyse
superficielles très localisées n’intéressant qu’une de l’examen tomodensitométrique qui tranche
seule structure. Puis une infiltration profonde en montrant ou non la présence d’une atteinte
se développe et le pronostic s’aggrave dès que cartilagineuse.
la tumeur dépasse une épaisseur de 5 mm. Les
structures voisines sont ensuite envahies en fonc-
tion de barrières de résistance et de points de fai-
Encadré 2.3
blesse différents selon la localisation initiale. Les
cartilages sont peu vascularisés et sont donc des Classification TNM simplifiée
barrières efficaces. Le statut ganglionnaire varie En pratique, pour les indications théra-
aussi en fonction des formes topographiques. Ces peutiques, c’est la présence d’une mobilité
modalités sont essentielles à connaître pour poser laryngée normale ou altérée qui fait la diffé-
rence. Au maximum, il s’agit d’une fixation
les indications thérapeutiques.
aryténoïdienne et de la corde vocale par
infiltration des muscles crico-aryténoïdiens
dans l’espace paraglottique avec atteinte
Étage glottique du larynx de l’articulation crico-aryténoïdienne. Au
minimum, la diminution de mobilité d’une
À ce niveau, le cône élastique double la muqueuse
corde vocale est en rapport avec le volume
dans toute son étendue et limite l’extension
tumoral avec conservation de la mobilité
tumorale en profondeur (structure noire de la de l’articulation crico-aryténoïdienne. La
figure 2.3B). Il présente, en outre, des épaissis- classification complète est indiquée dans
sements appelés ligaments thyro-aryténoïdiens. l’encadré 2.4.
Le ligament inférieur (ligament vocal) double la
Schématiquement
corde vocale en la divisant en une partie muqueuse
• T1-T2 représentent de petites tumeurs res-
(espace de Reinke) et une partie musculeuse.
pectant la mobilité laryngée avec une à deux
Lorsqu’il est franchi, l’extension profonde se fait sous-localisations au maximum.
à l’espace paraglottique, ouvrant la voie aux trois • T3 représente les tumeurs immobilisant un
étages laryngés (cancer transglottique). hémilarynx ou avec une extension rétrocri-
coïdienne ou paraglottique.
Cancer de la corde vocale • T4a représente les cas où existent une lyse
L’atteinte de son bord libre est dépistée tôt, du du cartilage thyroïde ou une atteinte de la
trachée ou une extension aux tissus mous ou
fait de la précocité de la dysphonie. Le pronostic
aux muscles de la langue.
est bon en raison de la pauvreté en réseau lym-
• T4b représente les cas inopérables avec
phatique et reste excellent tant que la corde vocale extension à l’espace prévertébral, médiastinal
reste mobile. Traités, on peut espérer des survies ou avec envahissement de la carotide.
de 95 % à 5 ans (vidéo 2.3 ).
28 ORL thématique

Encadré 2.4

Classification TNM de l’Union internationale contre le cancer (UICC)


remise à jour en 2010
Carcinomes du larynx extralaryngées (trachée, parties molles du cou
Étage glottique dont les muscles profonds extrinsèques de la
• T1 : tumeur limitée à une (aux) corde(s) langue, muscles infra-hyoïdiens, thyroïde, œso-
vocale(s), pouvant envahir les commissures phage).
antérieure et postérieure, avec mobilité nor- • T4b : tumeur envahissant l’espace préverté-
male. bral, les structures médiastinales, ou englobant
• T1a : tumeur limitée à une seule corde l’artère carotide.
vocale.
Étage sous-glottique
• T1b : tumeur envahissant les deux cordes
vocales. • T1 : tumeur limitée à la sous-glotte.
• T2 : tumeur glottique étendue à l’étage • T2 : tumeur à point de départ sous-glottique
supraglottique et/ou sous-glottique, et/ou étendue au plan glottique avec mobilité conser-
avec diminution de la mobilité glottique. vée ou légèrement diminuée.
• T3 : tumeur glottique avec fixité de la corde • T3 : tumeur à point de départ sous-glottique
vocale et/ou envahissement de l’espace para- limitée au larynx avec fixation glottique.
glottique et/ou lyse minima du cartilage thy- • T4a : tumeur étendue à travers le carti-
roïde (corticale interne). lage thyroïde ou cricoïde et/ou s’étendant
• T4a : tumeur étendue à travers le cartilage à d’autres structures extralaryngées (trachée,
thyroïde et/ou s’étendant à d’autres structures parties molles du cou dont les muscles profonds
extralaryngées (trachée, parties molles du cou extrinsèques de la langue, muscles infra-hyoï-
dont les muscles profonds extrinsèques de la diens, thyroïde, pharynx, œsophage).
langue, muscles infra-hyoïdiens, thyroïde, œso- Hypopharynx
phage).
• T1 : tumeur limitée à un des sites de l’hypo-
• T4b : tumeur envahissant l’espace préverté- pharynx, ≤ 2 cm dans sa plus grande dimen-
bral, les structures médiastinales, ou englobant sion, sans fixation de l’hémilarynx.
l’artère carotide.
• T2 : tumeur envahissant plus d’un site de
Étage sus-glottique l’hypopharynx, ou des sites adjacents (oro-
• T1 : tumeur limitée à une seule localisation pharynx, larynx), ou comprise entre 2 et 4 cm
de l’étage sus-glottique avec mobilité normale dans sa plus grande dimension, sans fixation de
des cordes vocales. l’hémilarynx.
• T2 : tumeur à point de départ sus-glottique • T3 : tumeur mesurant plus de 4 cm dans
étendue à une région adjacente (vallécule, sa plus grande dimension ou avec fixation de
muqueuse de la base de langue, paroi interne l’hémilarynx.
du sinus piriforme) avec mobilité cordale • T4a : tumeur envahissant une des struc-
conservée. tures adjacentes suivantes : cartilage thyroïde,
• T3 : tumeur à point de départ sus-glottique cartilage cricoïde, os hyoïde, glande thyroïde,
avec fixation d’une corde vocale et/ou enva- œsophage (y compris la bouche) et tissus mous
hissement de la zone rétrocricoïdienne et/ du compartiment central (muscles prélaryngés
ou envahissement de l’espace graisseux pré- et graisse sous-cutanée).
épiglottique (loge hyo-thyro-épiglottique) et/ • T4b : tumeur envahissant les muscles préver-
ou envahissement de la paroi interne du sinus tébraux, englobant l’artère carotide ou envahis-
piriforme, et/ou envahissement de la base sant les structures médiastinales.
profonde de la langue et/ou lyse minima du Remarque : contrairement à la classification des
cartilage thyroïde (corticale interne). tumeurs du larynx, la tumeur est classée T4 dès
• T4a : tumeur étendue à travers le cartilage l’envahissement du cartilage thyroïde et non
thyroïde et/ou s’étendant à d’autres structures pas son franchissement.

Chapitre 2. Cancers du larynx et de l’hypopharynx 29


N – Métastases ganglionnaires • N2a : métastase dans un seul ganglion lym-
• N0 : pas de signe d’atteinte des ganglions phatique > 3 cm mais ≤ 6 cm.
lymphatiques régionaux. • N2b : métastases homolatérales multiples
• N1 : métastase dans un seul ganglion lym- toutes ≤ 6 cm.
phatique homolatéral ≤ 3 cm dans sa plus • N2c : métastases bilatérales ou controlaté-
grande dimension. rales ≤ 6 cm.
• N2 : métastase unique dans un seul ganglion • N3 : métastase dans un ganglion lymphatique
> 6 cm dans sa plus grande dimension.
lymphatique régional homolatéral > 3 cm et
≤ 6 cm dans sa plus grande dimension, ou M – Métastases à distance
métastases ganglionnaires multiples toutes • M0 : pas de métastase à distance.
≤ 6 cm. • M1 : présence de métastase(s) à distance.

Étage sus-glottique du larynx ne se révèlent que par un bombement de la bande


ventriculaire sus-jacente. L’extension se fait vers
À ce niveau, les cancers ont un pronostic plus l’espace paraglottique bordé en dedans par le cône
réservé du fait de connexions lymphatiques plus élastique et latéralement par le cartilage thyroïde.
importantes que pour la glotte. Traités, on peut Souvent méconnu au stade initial, le carcinome du
espérer des survies de 50 à 60 % à 5 ans. ventricule réalise rapidement une atteinte des trois
étages du larynx (cancer transglottique).
Cancers de la margelle laryngée
ou épilarynx (épiglotte sus-hyoïdienne,
replis ary-épiglottiques et aryténoïdes) Étage sous-glottique du larynx
La dysphagie et l’otalgie s’associent rapidement à À ce niveau, les localisations à la face inférieure
la dysphonie en raison de la proximité de l’hypo- de la corde vocale s’étendant au cricoïde sont
pharynx. Ces cancers s’étendent vers les vallécules rarement isolées. Ces cancers s’apparentent à celui
et les sinus piriformes. de la trachée avec une dyspnée précoce. L’atteinte
du cartilage cricoïde impose une laryngectomie
Cancers du vestibule laryngé totale, associée à une résection étendue vers la
Ils siègent sur l’épiglotte sous-hyoïdienne (face trachée. Les lymphatiques récurrentiels, paratra-
laryngée et pied) et sur les bandes ventriculaires chéaux et médiastinaux peuvent être envahis.
dont la charpente est constituée par le ligament
thyro-aryténoïdien supérieur. Le cartilage épiglot-
tique est un point de faiblesse en raison de la pré- Hypopharynx
sence de nombreux orifices vasculaires ouvrant la Les cancers de l’hypopharynx cumulent tous les
loge hyo-thyro-épiglottique (HTE) à l’extension facteurs de mauvais pronostic. Des prolongements
tumorale. Ainsi, une tumeur de la face laryngée de sous-muqueux suivent les voies nerveuses et vas-
l’épiglotte infrahyoïdienne apparemment T1 peut culaires, envahissant rapidement le mur pharyngo-
envahir massivement la loge HTE et devoir être laryngé et l’espace paraglottique. Une otalgie réflexe
classée T3. Comme il n’y a pas de latéralisation égare souvent le diagnostic qui n’est suspecté que
du réseau lymphatique supraglottique, tout carci- lorsque survient une dysphonie en rapport avec
nome du vestibule peut présenter des métastases l’atteinte de l’articulation crico-aryténoïdienne
lymphatiques des deux côtés. bloquant l’hémilarynx. Ces cancers sont très lym-
phophiles. Une adénopathie cervicale métastatique
Cancer du ventricule laryngé est présente dès le premier examen dans 80 % des
Il est situé dans l’espace compris entre la bande cas. Des métastases pulmonaires et hépatiques sont
ventriculaire et le plan glottique. Les petits cancers présentes initialement dans 5 à 10 % des cas pour
30 ORL thématique

atteindre 30 % au cours du suivi. La présence d’un chirurgien, radiothérapeute et chimiothérapeute


cancer secondaire est plus importante que pour les donnent chacun leur point de vue. On prévoit
cancers du larynx. En conséquence, la survie à 5 ans alors une consultation d’annonce avec remise au
n’est en moyenne que de 35 %. patient d’un programme personnalisé de soin.
• Cancer du sinus piriforme (vidéo 2.4 ) : le Historiquement, il convient de préciser que
plus fréquent (face latérale, médiale et angle l’association radiochirurgicale avait fait la preuve
antérieur). de son efficacité. L’acte chirurgical était systéma-
• Cancer rétrocricoïdien : parfois attribué aux tiquement réalisé en premier du fait des difficultés
brûlures provoquées par l’ingestion de thé brû- de cicatrisation liées aux irradiations préopéra-
lant en Extrême-Orient. toires. La radiothérapie était postopératoire sur
• Cancer des parois latérales et cancer de la face le lit tumoral et les aires ganglionnaires, visant les
postérieure, parfois accessibles à des chirurgies microlésions passées inaperçues et ayant échappé
partielles. à l’exérèse chirurgicale.
• Extension à la bouche œsophagienne relevant Mais larynx et hypopharynx constituent un
d’une pharyngectomie circulaire (cf. infra). carrefour aérodigestif aux fonctions vitales mul-
tiples. Il faut donc concilier la qualité du contrôle
carcinologique local avec la préservation de la
Formes avec extension phonation, de la respiration et de la déglutition.
lymphatique Une chirurgie partielle ne peut atteindre cet
objectif que si le diagnostic a été précoce. Mal-
La précocité de l’envahissement ganglionnaire heureusement, lors du premier examen, il s’agit
représente un des principaux facteurs pronos- déjà de tumeurs étendues dans 50 % des cas en
tiques. Les localisations offrant un drainage lym- ce qui concerne le larynx et dans 80 % des cas
phatique important sont donc les plus graves : au en ce qui concerne l’hypopharynx. Autrefois,
maximum, base de langue et sinus piriforme. Au une laryngectomie totale systématique était alors
niveau du larynx, plus on s’éloigne du plan glot- inévitable. Actuellement, les protocoles de chi-
tique, plus le drainage lymphatique est important mio-radiothérapie assureraient un contrôle local
et plus la survie à 5 ans baisse. identique à la chirurgie dans 70 % des indications
Pour une métastase ganglionnaire, la rupture de sacrifice laryngé. Ces protocoles dits de pré-
capsulaire se traduit cliniquement par la fixation servation laryngée permettraient d’éviter cette
de l’adénopathie aux plans profonds. Cette rup- terrible mutilation avec la même durée de survie.
ture est de très mauvais pronostic.
Enfin, des nodules de perméation cutanés
s’associent en règle aux adénopathies cervicales Chirurgie
infiltrant la peau.
L’exérèse de la lésion exige des marges de sécurité
de 5 à 10 millimètres. Schématiquement, les
Principes du traitement lésions à mobilité laryngée normale (classées T1
ou T2) relèvent d’une chirurgie partielle. Quant
aux lésions classées T3 ou T4, elles relèveraient en
Le cancer doit d’abord être l’objet d’une clas-
principe d’une laryngectomie ou d’une pharyngo-
sification TNM en fonction de la taille de la
laryngectomie totale. Il faut encore distinguer la
tumeur (T), de la présence d’adénopathies (N) et
chirurgie de première intention de la chirurgie
de métastases à distance (M) (encadré 2.4).
post-radique, dite de rattrapage.
La survie à cinq ans dans ces cancers est liée à
la qualité du contrôle locorégional. Ceci en raison
Chirurgie endoscopique au laser CO2
de la rareté des métastases à distance. Les choix
thérapeutiques sont discutés en réunion spéci- Elle est réalisée au microscope opératoire sous
fique de concertation pluridisciplinaire (RCP) où laryngoscopie directe en suspension. La qualité de
Chapitre 2. Cancers du larynx et de l’hypopharynx 31

l’exérèse dépend de la conformation bucco-pha- Laryngectomie totale,


ryngée, autorisant ou non une bonne exposition pharyngo-laryngectomie totale
des lésions. et pharyngo-laryngectomie circulaire
Leurs indications classiques étaient les contre-
Chirurgie transorale assistée par robot indications à la chirurgie partielle : abolition de
Dans les cancers du pharyngo-larynx, la chi- la mobilité aryténoïdienne, extension sous-glot-
rurgie au robot a pris sa place dans les lésions tique nécessitant le sacrifice du cartilage cricoïde,
superficielles de l’épiglotte, des bandes ven- envahissement massif de la loge HTE, extension
triculaires, des replis aryténoïdiens, voire de la muqueuse superficielle mal limitée, chirurgie de
zone des trois replis et de la paroi médiale du rattrapage post-radique.
sinus piriforme. La section et la coagulation au Le geste chirurgical comporte une exérèse des
bistouri électrique permettent l’exérèse tumorale trois étages laryngés avec l’os hyoïde et le cricoïde
et le contrôle de l’hémorragie peropératoire. La depuis les vallécules jusqu’aux deux premiers
trachéotomie et la sonde nasogastrique ne sont anneaux trachéaux (fig. 2.5) (vidéo 2.5 ). En
pas toujours nécessaires. Il faut insister sur la fonction de l’extension tumorale, la laryngec-
qualité des suites opératoires en comparaison de tomie est étendue à l’hypopharynx (pharyngo-
la chirurgie transcutanée dont les voies d’abord laryngectomie totale), à la base de langue et aux
sont souvent disproportionnées en cas de petite tissus prélaryngés. En cas d’atteinte de la bouche
lésion. La reprise de la déglutition est plus œsophagienne, c’est une pharyngo-laryngecto-
rapide et les fausses-routes moins fréquentes. mie circulaire qu’il faut réaliser, nécessitant une
L’attitude vis-à-vis des aires ganglionnaires reste reconstruction.
en revanche inchangée. Le curage ganglionnaire Les suites opératoires sont le plus souvent sim-
peut être réalisé quelques jours après le geste ples, car le patient peut être mis au fauteuil dès le
endoscopique pour des raisons d’organisation lendemain, suivi d’un lever précoce. L’alimenta-
des blocs opératoires. tion par une sonde nasogastrique est poursuivie
Cette chirurgie peut aussi être proposée en rat- jusqu’à son ablation au 7-10e jour après qu’un
trapage pour de petites récidives. test d’étanchéité au bleu de méthylène a été effec-
tué. L’utilisation d’aérosols humidificateurs évite
Chirurgie partielle par voie externe la trachéite croûteuse. La complication redou-
tée est le pharyngostome. C’est une fistule avec
Ses indications restent guidées par la nécessité écoulement de salive entre le néopharynx et la
d’une exérèse complète en monobloc. Mais il faut peau, nécessitant des soins locaux par pansement
garder le sphincter aérodigestif. On peut vivre, compressif, voire une reprise chirurgicale.
manger, parler et respirer sans canule, à condition Ces chirurgies ont pour conséquence la création
de garder le cartilage cricoïde et un aryténoïde d’un trachéostome et la privation de la voix natu-
fonctionnel. La dysphonie postopératoire est plus relle. Elles nécessitent d’adopter une voix œso-
ou moins marquée selon le type d’exérèse imposé phagienne ou de poser un implant phonatoire (cf.
par l’extension de la lésion. Dans les interventions infra). En revanche, la déglutition est respectée.
par voie externe sacrifiant la moitié supérieure du
larynx ou un hémilarynx vertical, l’importance
Chirurgie ganglionnaire (cf. partie 2,
des fausses-routes postopératoires doit faire poser
fiche « Chirurgie ganglionnaire »)
les indications avec prudence chez le sujet âgé,
même avec rééducation. Le risque de dyspnée Si un geste chirurgical sur la tumeur est envisagé,
laryngée est en rapport avec un rétrécissement un geste ganglionnaire prophylactique des aires
postopératoire ou un œdème post-radiothéra- II, III et IV est systématiquement proposé du
pique. En cas de radiothérapie postopératoire sur côté de la lésion ou bilatéral si elle est proche
les aires ganglionnaires, les structures du larynx de la ligne médiane (cf. encadré 4.2). Le fait
doivent être protégées. d’associer les deux gestes améliore la survie,
32 ORL thématique

Figure 2.5. Principe de la laryngectomie totale.


À la fin de l’intervention, la trachée est abouchée à la peau, formant le trachéostome. Ainsi, l’axe digestif devient-il
complètement séparé de l’axe respiratoire, prévenant tout risque de fausses-routes.

comparé à une simple surveillance ganglionnaire. Radiothérapie après


Les cancers T1 du bord libre de la corde vocale chimiothérapie d’induction
font toutefois exception à cette règle, compte Il convient de se baser sur les volumes tumoraux
tenu de l’absence de drainage lymphatique à leur initiaux, car la probabilité que des microlésions
niveau. n’aient pas été détruites est très forte.

Radiothérapie (cf. partie 2, Radiothérapie après


fiche « Radiothérapie ») laryngectomie partielle
Si les recoupes des bords de l’exérèse de la tumeur
La radiothérapie peut être délivrée de plusieurs
sont saines et qu’il y a une extension ganglionnaire,
façons : soit exclusivement, soit en complément de
la radiothérapie ne sera faite que sur les aires gan-
la chirurgie (radiothérapie adjuvante), ou encore
glionnaires afin de ne pas compromettre le résultat
en association à la chimiothérapie (radiothérapie
laryngé fonctionnel. Si les recoupes des bords de
séquentielle ou concomitante). Sa place dépend
l’exérèse sont envahies, on choisit une radio-chimio-
d’habitudes locales, voire nationales. L’Europe
thérapie ou une reprise chirurgicale en fonction de
latine favorise la chirurgie, alors que l’Europe du
l’existence ou non d’une extension ganglionnaire.
Nord favorise la radiothérapie.
La radiothérapie exclusive s’est avérée déce-
Radiothérapie après
vante. Des progrès ont été obtenus en triant les
laryngectomie totale
patients admis à cette radiothérapie par une chi-
miothérapie première dite d’induction redonnant Pour un T3, si l’exérèse de la tumeur a été
sa mobilité au larynx ou diminuant significati- complète et que les curages ont donné 20 à
vement le volume tumoral. Enfin, l’association 30 ganglions non envahis, on peut s’abstenir
radio-chimiothérapie concomitante donne de de radiothérapie postopératoire pour garder ce
l’espoir avec l’utilisation de chimiothérapie ciblée traitement en vue d’une éventuelle 2e, voire 3e,
(cf. infra). localisation secondaire. Dans les T4, l’irradiation
Chapitre 2. Cancers du larynx et de l’hypopharynx 33

postopératoire est systématique, comprenant Indications thérapeutiques


l’entonnoir pharyngé, le trachéostome et les
aires ganglionnaires. La limite supérieure du La chirurgie transorale ou partielle pour les T1
champ doit inclure la base du crâne pour couvrir et les T2 reste préférable, car la radio-chimio-
une extension ganglionnaire haute. S’il existait thérapie concomitante dans les T2 mobiles ajoute
une extension à la base de langue, un surdosage un risque toxique atteignant 10 à 15 %. De
doit être prévu à ce niveau. S’il s’agissait d’une plus, l’intérêt est que le contrôle locorégional
lésion sous-glottique ou d’adénopathies sus-cla- est obtenu immédiatement et rapidement après
viculaires et récurrentielles, l’irradiation doit être la biopsie. L’idéal est d’éviter une radiothérapie
étendue au médiastin supérieur. En cas d’atteinte postopératoire qui risque de compromettre le
proche de la bouche œsophagienne, les gan- bon résultat fonctionnel. Toutefois, en cas d’indi-
glions rétropharyngiens doivent être intéressés. cation en rapport avec un envahissement gan-
glionnaire, cette radiothérapie peut être pratiquée
Radiothérapie sur les aires en protégeant les structures laryngées restantes.
ganglionnaires
Deux situations sont possibles.
• Dans la première, il n’y a pas d’extension gan- Cancers T1 et T2
glionnaire clinique. Dans ce cas, on peut être de la corde vocale
amené à contourer les aires ganglionnaires dites
sentinelles pour une irradiation prophylactique On a le choix entre plusieurs attitudes.
par crainte d’un envahissement microscopique.
Exemples : Cordectomie au laser CO2
– l’aire II pour les cancers laryngés sus-glot- Parfois, il faut découper la bande ventriculaire
tiques ; pour accéder à la partie latérale de la corde. Le
– les chaînes récurrentielles pour les cancers de patient peut sortir le même jour. L’inconvénient
la sous-glotte ; est que les tissus sont brûlés et qu’à l’examen his-
– les aires II et III pour l’hypopharynx. topathologique, on ne peut pas savoir si on est
• Dans la deuxième situation, il existe une exten- passé en zone saine.
sion ganglionnaire clinique. Dans ce cas, toutes
les aires ganglionnaires cervicales seront irra- Cordectomie par voie externe (fig. 2.6A)
diées à dose thérapeutique. Toutefois, dans
les cancers laryngés, les aires I et Ib peuvent Le geste nécessite de faire une thyrotomie sur
être exclues de l’irradiation en raison du faible la ligne médiane, puis d’écarter les ailes du car-
risque d’envahissement. tilage thyroïdien, de décoller son périchondre
thyroïdien en regard de la corde vocale et enfin
de réséquer celle-ci avec l’espace paraglottique
Chimiothérapie (cf. partie 2, sous contrôle de la vue. La fermeture est faite
fiche « Chimiothérapie des par rapprochement des deux ailes thyroïdiennes
carcinomes épidermoïdes ORL ») après amarrage du pied de l’épiglotte en avant.
Cette chirurgie s’adresse au carcinome T1 du
La chimiothérapie peut être délivrée de plusieurs plan glottique sans extension à la commissure
façons : antérieure. Elle entre en concurrence avec la
• avant tout autre traitement (chimiothérapie cordectomie endoscopique au laser CO2. On
d’induction) ; choisit la voie externe si on prévoit des difficultés
• après une séquence radio-chirurgicale (chimio- d’exposition ou si l’extension jouxte la commis-
thérapie adjuvante) ; sure antérieure ou le plancher du ventricule. Les
• associée simultanément à la radiothérapie suites opératoires sont simples, ne nécessitant ni
(radio-chimiothérapie concomitante). pose de sonde nasogastrique ni trachéotomie.
34 ORL thématique

Figure 2.6. Chirurgie partielle à l’étage glottique.


AR : cartilage aryténoïde ; CC : cartilage cricoïde ; EP : épiglotte ; OH : os hyoïde ; TH : cartilage thyroïde.
D’après : Lefebvre J.-L., Chevalier D. Cancers du larynx. EMC, Paris (Elsevier Masson), ORL, 2005 [Article 20-710-A10].

Radiothérapie exclusive en petit champ Cancers de la corde


C’est l’option à choisir chez les professionnels de vocale étendus
la voix (enseignant, artiste, etc.). La dysphonie à la commissure antérieure
postopératoire est moins importante qu’après
chirurgie. Un seul niveau de dose est utilisé : Le bilan tomodensitométrique est essentiel.
64 à 66 Gy. Le ganglion sentinelle est le gan-
glion prélaryngé. Il est englobé dans le volume Laryngectomie fronto-latérale
tumoral. Elle est indiquée si l’épaississement tissulaire
Aucune prise en charge ganglionnaire de à l’examen TDM n’infiltre pas le cartilage.
principe n’est indiquée. La survie à 5 ans d’une Le geste consiste à faire une cordectomie par
tumeur « T1a » dépasse encore 90 %. voie externe à laquelle on ajoute une résec-
Chapitre 2. Cancers du larynx et de l’hypopharynx 35

tion cartilagineuse triangulaire de précaution Laryngectomie supracricoïdienne avec


(fig. 2.6B). crico-hyoïdo-pexie (CHP) (fig. 2.6E)
En plus de l’exérèse précédente, elle emporte la
Laryngectomie frontale antérieure totalité de la loge HTE avec la totalité de l’épi-
avec épiglottoplastie (fig. 2.6C) glotte. Elle s’adresse en particulier aux cancers
Elle est indiquée en cas d’atteinte du cartilage pied-bandes, détruisant le pied de l’épiglotte et
thyroïde à l’examen TDM, se traduisant par respectant la partie supérieure de la loge HTE. La
une condensation ou une érosion au contact de reconstruction repose encore sur l’impaction de
l’épaississement tissulaire avec une fixation de l’os hyoïde sur le cartilage cricoïde. L’ablation de
gadolinium à l’IRM en T1. En effet, dans les l’épiglotte augmente le risque de fausses-routes.
atteintes infiltrantes de la commissure antérieure, Les patients âgés doivent en être écartés. Les
la laryngectomie fronto-latérale ne suffit pas. rééducations de la phonation et de la déglutition
L’exérèse doit être plus large, emportant la bande sont indispensables.
ventriculaire avec la partie antérieure du cartilage
thyroïde sur toute sa hauteur. La reconstruction
utilise l’épiglotte descendue dans le défect carti- Cancers sus-glottiques T1-T2
lagineux à la manière de Tucker (fig. 2.6C). Elle Le point clé du bilan laryngoscopique et radiogra-
entraîne souvent une voix de fuite postopératoire phique est d’être certain que la tumeur respecte le
handicapante. plan glottique et la mobilité laryngée. Ces cancers
sont alors accessibles à une chirurgie partielle.
Cancers glottiques mobiles T2 Une prise en charge ganglionnaire bilatérale de
principe est systématique.
Il s’agit de cancers glottiques parfois bilatéraux, On peut les classer en deux groupes :
infiltrant l’espace paraglottique proche du carti- • les cancers de la margelle laryngée concernent
lage thyroïde avec mobilité laryngée préservée, le bord libre de l’épiglotte et sa portion sus-
mais sans extension sous-glottique. On a le choix hyoïdienne, la zone des trois replis et les aryté-
entre deux interventions en fonction de l’état de noïdes. D’exposition facile, ils sont accessibles à
la loge HTE. la chirurgie endoscopique avec robot ;
• les cancers du vestibule laryngé concernent
Laryngectomie supracricoïdienne l’épiglotte sous-hyoïdienne et les bandes ven-
avec crico-hyoïdo-épiglottopexie triculaires. En profondeur, la tumeur transperce
(CHEP) (fig. 2.6D) le cartilage épiglottique, envahissant la loge
Elle est réservée à ces cancers lorsqu’ils respec- hyo-thyro-épiglottique (HTE). Radiologique-
tent le pied de l’épiglotte. Elle réalise l’ablation ment, la tumeur remplace la graisse pré-épiglot-
d’un tiroir de larynx avec bouclier thyroïdien tique, partiellement ou en totalité. Ces cancers
comprenant l’étage glottique et supraglottique, relèvent d’une laryngectomie sus-glottique (ou
mais préservant l’os hyoïde, presque toute l’épi- supraglottique).
glotte et le cartilage cricoïde. On laisse obliga-
Laryngectomie horizontale
toirement au moins un aryténoïde fonctionnel
sus-glottique (fig. 2.7)
en respectant le nerf récurrent du même côté.
L’intervention est terminée par une pexie fixant Elle consiste en une exérèse partielle ou totale
l’os hyoïde et l’épiglotte au cartilage cricoïde. de l’étage supraglottique du larynx. On enlève
Une trachéotomie provisoire est nécessaire. le corps de l’os hyoïde, un triangle cartilagineux
L’alimentation entérale par sonde nasogastrique thyroïdien à base supérieure, la loge HTE, l’épi-
est poursuivie jusqu’aux 10-12e jours postopéra- glotte, les replis ary-épiglottiques, les bandes ven-
toires. La décanulation doit attendre une reprise triculaires. On laisse les cordes vocales en place,
alimentaire satisfaisante. ainsi que les deux aryténoïdes. On respecte au
36 ORL thématique

la résection d’un hémi-os hyoïde, d’une hémi-épi-


glotte et du tiers supérieur de l’aile thyroïdienne
correspondante. Le plan glottique et les aryté-
noïdes sont préservés. La fermeture utilise la paroi
pharyngée postérieure restante et les muscles
infrahyoïdiens. L’émission vocale et la déglutition
sont peu perturbées.

Hémi-laryngo-pharyngectomie
supracricoïdienne (fig. 2.8C et 2.9)
Cette intervention, encore appelée hémi-laryn-
gectomie verticale, est utilisée pour les tumeurs
Figure 2.7. Laryngectomie horizontale sus-glottique de l’angle antérieur du sinus piriforme obligeant à
(ou supraglottique).
D’après : Lefebvre J.-L., Chevalier D. Cancers du larynx. EMC, Paris sacrifier l’aryténoïde mais restant à distance du cri-
(Elsevier Masson), ORL, 2005, [Article 20-710-A10]. coïde. Les extensions au fond du sinus piriforme
contre-indiquent ce type d’exérèse. L’interven-
moins un des nerfs laryngés supérieurs. Cette tion réalise une exérèse en bloc du sinus piriforme
chirurgie peut être élargie aux vallécules, voire à supracricoïdien et de l’hémilarynx attenant sous
la base de langue. L’intervention est terminée par couvert d’une trachéotomie. L’hémicartilage thy-
une pexie entre les restes du cartilage thyroïde et roïde, l’hémi-épiglotte, la bande ventriculaire, la
la base de langue. Un geste ganglionnaire bilatéral corde vocale avec l’aryténoïde et la partie haute
est systématique. La trachéotomie transitoire est du mur médial du sinus piriforme sont sacrifiés.
nécessaire. L’hospitalisation dure trois semaines. L’hémilarynx controlatéral est conservé, ainsi que
Les résultats fonctionnels sont habituellement tout le cricoïde. La fermeture est effectuée à
satisfaisants. l’aide de la paroi pharyngée postérieure restante
en la mobilisant vers l’avant. L’alimentation est
assurée par une sonde nasogastrique pendant
Cancers hypopharyngés T1-T2 la période postopératoire. Les fausses-routes
sont fréquentes, nécessitant une rééducation. La
Les petites tumeurs de l’hypopharynx respectant canule est progressivement obturée à partir du 6e
la mobilité laryngée sont rares et la chirurgie jour. La dysphonie reste importante. Cette inter-
partielle limitée (fig. 2.8). vention ne doit donc pas être proposée aux sujets
âgés et aux sujets à la fonction respiratoire altérée.
Pharyngectomie partielle
latérale (fig. 2.8A)
Il s’agit de lésions limitées de la paroi pharyngée Cancers du larynx
latérale restant à distance de l’angle antérieur et de l’hypopharynx T3
du sinus piriforme. La résection d’une partie de
La fixation de l’hémilarynx imposait autrefois
l’aile du cartilage thyroïde permet d’accéder à la
l’ablation du larynx. Ainsi, dans les années 1970-
lésion et d’en effectuer l’exérèse. La fermeture est
1980, cette mutilation suivie de radiothérapie
effectuée à l’aide des muscles infrahyoïdiens.
obtenait le contrôle carcinologique locorégional
dans 50 à 60 % des cas. Le taux de survie à 5 ans
Pharyngo-laryngectomie latérale
après laryngectomie totale dans les cancers de
supraglottique (intervention
l’endolarynx était de 60 %. Le taux de survie à
d’Alonso) (fig. 2.8B)
5 ans après pharyngo-laryngectomie totale (PLT)
C’est une intervention réservée aux petites pour cancer du sinus piriforme était de 35 %.
tumeurs de la région des trois replis. Elle comporte L’objectif des protocoles de préservation laryngée
Chapitre 2. Cancers du larynx et de l’hypopharynx 37

Figure 2.8. Chirurgie partielle de l’hypopharynx.


Repris de : Sauvage J.-P., Bessède J.-P. Indications de la chirurgie
partielle du larynx. Paris : Arnette, 1988, pp. 32-34, avec l’autorisa-
tion des Éditions John Libbey Eurotext, Paris.

Figure 2.9. Vue peropératoire de l’hémilarynx gauche après hémi-laryngectomie verticale droite.
Une sonde nasogastrique pénètre dans l’œsophage. 1 : cartilage thyroïde sectionné sur la ligne médiane ; 2 : entrée dans
la trachée ; 3 : corde vocale ; 4 : bande ventriculaire ; 5 : aryténoïde restant.
38 ORL thématique

est donc encore d’égaler ces résultats sans sacrifier 10 % supplémentaire dans les bras comportant la
le larynx en attendant mieux. chimiothérapie. En tout cas, les hypopharynx res-
Pour les cancers du larynx, il s’agit d’atteinte des tent de plus mauvais pronostic que les endolarynx.
trois étages : glottique, sus-glottique et sous-glot-
tique (cancers transglottiques). C’est par exemple
le cas des cancers du ventricule (cf. supra).
Cancers du larynx
Pour les cancers de l’hypopharynx, il s’agit de et de l’hypopharynx T4
lésions occupant tout le sinus piriforme et enva- La chirurgie radicale avec sacrifice du larynx
hissant rapidement le mur pharyngo-laryngé et reste indiquée pour les T4a (fig. 2.10) qui sont
l’espace paraglottique pour bloquer l’articulation de mauvais candidats à l’induction et à la radio-
crico-aryténoïdienne (cf. supra). chimiothérapie concomitante. En revanche, les
T4b relèvent d’emblée de la radio-chimiothéra-
Protocoles de préservation laryngée pie concomitante, puisqu’en général ce sont des
avec chimiothérapie d’induction tumeurs non résécables.
Le principe est de trier les patients répondeurs à la
chimiothérapie pour les soumettre à une radiothé-
rapie (70 Gy). Les critères de ce tri sont le retour Surveillance
à une mobilité normale du larynx et/ou une dimi-
nution du volume tumoral de 50 à 80 %. Ces chi- L’objectif est de dépister une récidive locoré-
miothérapies d’induction sont utilisées depuis les gionale ou la survenue d’un second cancer. La
années 90-95 avec une association 5 FU-cisplatine Société française d’ORL recommande qu’un
(PF). Dernièrement, une taxane (docétaxel) a été
ajoutée aux deux précédents et la chimiothérapie
d’induction par TPF est considérée comme la réfé-
rence. Dans 20 % des cas, les critères précédents ne
sont pas remplis et une chirurgie sacrifiant le larynx
reste proposée. Le patient doit donc être informé
et accepter le marché à l’avance. Dans 70 %, des
cas, ce sont de bons répondeurs et la question est
ensuite de savoir quoi faire : radiothérapie seule ou
radio-chimiothérapie ? Les résultats définitifs des
essais comparatifs ne pourront être donnés que
dans les années 2020.

Protocoles de préservation laryngée


par radio-chimiothérapie concomitante
Dans les pays anglo-saxons, la radio-chimiothéra-
pie concomitante d’emblée a été annoncée avec un
taux de contrôle locorégional de 50 à 85 %. Reste
que les essais thérapeutiques subissent des cri-
tiques. Par exemple, certaines séries mélangent des
Figure 2.10. Pièce opératoire après pharyngo-laryn-
larynx mobiles et des larynx fixés, des endolarynx gectomie totale (PLT) et évidements ganglionnaires droit
et des hypopharynx. Les patients auxquels sont et gauche en monobloc pour cancer du sinus piriforme
proposés ces protocoles de préservation laryngée gauche T4a N3. 1 : axe aérien laryngo-trachéal ; 2 :
cancer occupant tout le sinus piriforme et envahissant le
sont en meilleure santé que les autres. Dans 15 %
mur pharyngo-laryngé ; 3 : volumineuse adénopathie qui a
des cas, la toxicité liée à la chimiothérapie est été ouverte par l’anatomopathologiste pour prélèvements ;
importante et la mortalité non liée au cancer est de 4 : épiglotte ; 5 : région rétrocricoïdienne.
Chapitre 2. Cancers du larynx et de l’hypopharynx 39

premier bilan clinique soit effectué tous les deux La conséquence est de devoir en passer par une
mois la première année et qu’une imagerie de alimentation semi-liquide.
référence post-thérapeutique soit proposée au • Les voies aériennes inférieures ne sont plus
troisième mois. L’examen clinique est renouvelé protégées par les voies aériennes supérieures.
ensuite tous les trois mois la deuxième année, tous L’air respiré n’est plus chauffé ni humidifié. Il
les quatre mois la troisième année, puis enfin tous apparaît une métaplasie de l’épithélium bron-
les six mois. chique avec disparition de la fonction ciliaire.
L’élimination du mucus ne peut plus se faire.
La perte de la fermeture glottique rend la toux
Cas du patient moins efficace. La conséquence est l’apparition
laryngectomisé total humiliante en société de raclements et d’expec-
torations indisposant l’entourage.
Sa prise en charge morale est un point important • Les capacités physiques sont diminuées. Le
de la responsabilité de l’équipe soignante, de port de lourdes charges est devenu difficile, car
la famille et de ses amis. Chez ce grand mutilé, la perte de la fermeture glottique ne permet
souvent guéri, la réinsertion sociale repose sur la plus de maintenir la pression thoracique en
compréhension familiale, la reprise du travail, la soulevant un gros poids.
vie associative (association des mutilés de la voix)
et la réhabilitation de de la voix. Qualité de vie du patient
laryngectomisé
Déficits en rapport avec Un syndrome dépressif réactionnel postopératoire
le trachéostome survient, lié à la perte de l’image de soi vis-à-vis
Lorsque le laryngectomisé total se réveille, il est de la famille et des amis. La conséquence est l’iso-
devenu un grand invalide. Il doit donc entière- lement et la poursuite fréquente de l’intoxication
ment modifier son quotidien de vie. éthylique. La sortie de cet état dépressif dépend
• Il est privé de sa voix naturelle. Même en cas d’une bonne relation avec l’équipe médicale et de
de réhabilitation vocale (cf. infra), le laryn- la pugnacité du patient. Environ un quart d’entre
gectomisé craint de ne pas être entendu dans eux reprennent leur ancien travail. En revanche,
les endroits bruyants. Il est inhibé dans sa vie la vie conjugale est souvent fortement altérée.
sociale et s’isole progressivement. L’attitude du conjoint (rejet ou infantilisation)
• Il respire par un trachéostome. Celui-ci néces- contribue à la stigmatisation sociale. Au contraire,
site un nettoyage quotidien et le port de pro- un conjoint affichant la conservation de son
tection contre les projections de mucus. Au estime malgré la perte de la voix originelle et la
début, le patient ne se sent plus respirer et il a présence d’un trou au milieu du cou redonne
l’impression angoissante de manquer d’air. Il y confiance au laryngectomisé. Les rencontres avec
a aussi un danger d’inhalation d’eau lors de la les personnes valides deviennent moins angois-
douche ou de la baignade. Tantôt le trachéos- santes et moins embarrassantes. Son désir de
tome est large et béant, tantôt il a tendance à se réhabilitation vocale est stimulé.
rétrécir et impose le port d’une canule.
• Il présente des troubles de l’alimentation. La Réhabilitation vocale
perte de la ventilation rétropharyngée altère
le goût et l’odorat. La radiothérapie provoque Après l’intervention, la voix reste faiblement chu-
une hyposialie. Les extractions dentaires préo- chotée. Pour recouvrer une communication orale,
pératoires ne sont appareillées que tardive- il existe trois méthodes qui se complètent en cas
ment et les prothèses sont mal supportées. d’échec.
40 ORL thématique

Voix oro-œsophagienne coopérer en arrêtant le tabac et l’alcool pour


Le principe de la voix œsophagienne consiste limiter le risque de complications pendant et après
en une éructation d’air produisant une vibration les traitements.
sonore du sphincter de la bouche œsophagienne.
Le réservoir d’air est l’œsophage qu’il faut
d’abord remplir. Pour devenir parole, le son émis `` Compléments en ligne
est articulé par le pharynx et la cavité buccale.
L’apprentissage revient aux orthophonistes et aux Des compléments numériques sont associés à ce
phoniatres. Le taux de réussite est d’environ 60 %. chapitre, ils sont indiqués dans le texte par un
picto . Ils proposent les vidéos du chapitre.
Voix trachéo-œsophagienne Pour voir une vidéo, scannez le flashcode corres-
pondant à l’aide de votre smartphone ou de votre
Le principe repose sur la création d’une fistule tablette, ou connectez-vous sur http://www.em-
entre le trachéostome et le néopharynx (inter- consulte.com/e-complements/474503 et suivez
vention de Pearson). Lorsque le sujet veut parler, les instructions.
il doit couvrir son trachéostome avec le pouce
et dévier le flux expiratoire vers le pharynx. Les
résultats sont aléatoires, du fait de fréquentes
complications : sténose, infection et fuite salivaire.
Les résultats sont maintenant très améliorés
Vidéo e2.1. Laryngoscopie directe en suspension.
par la mise en place dans la fistule (ou shunt
Le principe de la suspension est de mettre en place
trachéo-œsophagien) d’une prothèse interne : une lame de laryngoscope sous la base de langue et
l’implant phonatoire. C’est un tube muni d’un l’épiglotte, puis à l’aide d’un appui coincé sur une tablette
système antireflux avec valve unidirectionnelle. opératoire, on visse pour fermer l’angle entre le manche
du laryngoscope et le bras d’appui. Ce geste a pour effet
En dehors des périodes de phonation, la valve se
de soulever la base de langue et d’exposer le larynx. Les
referme, empêchant la salive de tomber dans la deux mains restent libres pour effectuer des gestes chi-
trachée (Provox®, Blom-Singer®, Phonak®, etc.). rurgicaux avec un laser CO2 par exemple. On peut même
L’implant phonatoire peut être posé pendant la passer des optiques pour descendre dans la trachée.
laryngectomie ou dans un second temps, avant ou
après la radiothérapie. Les résultats vocaux sont
satisfaisants dans plus de 80 % des cas. Toutefois,
la formation de biofilms bactériens et fongiques
sur les implants limite leur durée de vie à environ
six mois et nécessite leurs changements réguliers.

Voix électrique
Les laryngophones sont des appareils en forme
de cylindre que le patient applique sur son cou Vidéo e2.2. Leucoplasie de la corde vocale.
et qui amplifient la voix chuchotée naturelle. Ils Chez ce patient fumeur, les deux cordes vocales sont
sont proposés en cas d’échec des méthodes précé- hyperplasiques avec une leucoplasie très blanche,
dentes. La voix obtenue est monotone et souvent paraissant superficielle, occupant la moitié antérieure de
la corde vocale gauche. Certes, ce n’est probablement
comparée à une « voix de robot ». qu’une lésion précancéreuse, mais elle doit être considé-
rée comme un cancer.

Conclusion
La prise en charge des cancers du larynx et de
l’hypopharynx est lourde. Le patient doit aussi
Chapitre 2. Cancers du larynx et de l’hypopharynx 41

Vidéo e2.3. Cancer de la corde vocale (épipharyngo- Vidéo e2.5. Laryngectomie totale.
scope). Il faut d’abord séparer la base de langue de l’os hyoïde.
Ce cancer occupe la moitié antérieure de la corde vocale Puis on ouvre l’hypopharynx au niveau des vallécules. On
gauche et bourgeonne sur le plancher du vestibule sans saisit l’épiglotte avec une pince de Museux et on découpe
atteindre la commissure antérieure. La mobilité de la la paroi hypopharyngée en contournant le sinus piriforme
corde est normale, sauf le poids de la lésion qui retarde droit à distance du cancer (flèche). On fait la même chose
l’ouverture laryngée. Dans une vue avec une optique du côté gauche en conservant le maximum de muqueuse.
comme l’épipharyngoscope, l’épiglotte est en bas. Au niveau de la région rétrocricoïdienne, on réalise un
tunnel qui permet de séparer l’œsophage de la pièce
opératoire. La trachée est alors sectionnée en sifflet. La
pièce opératoire montre que l’exérèse est passée à plus
de 2 cm du cancer (flèches). On ferme la brèche hypo-
pharyngée en plusieurs plans sur la sonde nasogastrique
qui avait été placée en début d’intervention. La fermeture
cutanée ménagera un orifice pour le trachéostome.

Vidéo e2.4. Cancer du sinus piriforme.


Le cancer siège dans le sinus piriforme droit contre
l’aryténoïde gauche (Ary). La corde vocale droite (CVD)
reste encore bien mobile avec au-dessus une bande
ventriculaire normale (BV). La trachée est bien visible (T)
chaque fois que la corde vocale se met en abduction.
Dans une vue à l’épipharyngoscope, l’épiglotte est
antérieure, vue en bas, séparée de la base de langue par
la vallécule droite.
Chapitre 3
Cancers ORL autres que ceux
du larynx et de l’hypopharynx
Points forts d’origine géographique déterminée pour les cancers
Pour dépister ces cancers, un examen ORL avec indifférenciés du rhinopharynx. Ces cancers se
fibroscopie nasopharyngée doit être obtenu développent à la jonction du massif facial et
rapidement lorsque certains symptômes isolés ou de la base du crâne. Leurs voies d’extension
associés surviennent sur un terrain à risque. illustrent l’anatomie complexe de cette région.

Terrains à risque
j Sujet alcoolo-tabagique : carcinomes épidermoïdes
Cancers survenant sur
de la cavité buccale et de l’oropharynx.
j Travailleurs du bois (ébénistes et menuisiers) :
un terrain alcoolo-tabagique
adénocarcinome de l’ethmoïde.
j Sujet originaire du pourtour méditerranéen Sites concernés
ou du Sud-est asiatique : cancers (cf. fig. 1.14 et 1.15)
indifférenciés du nasopharynx (UCNT).
j Patient immunodéprimé (tout type de cancer).
Ce sont la cavité buccale et l’oropharynx.
Symptômes inquiétants • La cavité buccale comprend les lèvres rouges,
j Ulcération de la cavité buccale. les faces internes des joues, les gencives, la
j Angine unilatérale traînante. langue en avant du V lingual, le plancher de la
j Obstruction nasale unilatérale récente.
bouche, la région rétromolaire, la commissure
j Otalgie à la déglutition avec tympan normal.
intermaxillaire et le palais dur.
j Surdité récente chez un adulte avec tympan(s) opaque(s)
• L’oropharynx comprend d’abord un rideau le
jaune ambré évoquant une otite séromuqueuse. séparant de la cavité buccale et situé à l’aplomb
j Adénopathie cervicale augmentant
du V lingual. Ce rideau est l’isthme du gosier
progressivement de volume.
constitué du voile du palais, des loges amygda-
Cancers concernés liennes avec leurs piliers antérieur et postérieur
Si les cancers du larynx et de l’hypopharynx sont les qui se prolongent dans le voile et se retournent
plus représentatifs des carcinomes épidermoïdes ORL,
pour former la luette à la manière d’un pen-
deux autres types de cancers doivent être connus.
j Le premier survient encore sur un terrain
dentif en architecture. En arrière du V lingual
alcoolo-tabagique : ce sont les carcinomes se trouve la partie cachée de l’oropharynx : la
épidermoïdes de la cavité buccale et de l’oropharynx. base de langue, séparée des parois pharyngées
Ils représentent près de la moitié des cancers des latérales par les sillons amygdaloglosses. La paroi
voies aérodigestives supérieures (VADS). La survie postérieure, les deux vallécules et la face linguale
à 5 ans tous stades confondus est de 50 %. Même de l’épiglotte font aussi partie de l’oropharynx.
guéris, ils laissent encore souvent des troubles de
la respiration, de la déglutition et de l’élocution.
j Les cancers du deuxième type ne sont pas liés Épidémiologie
à l’alcool et au tabac. Cependant, ces cancers
surviennent dans des contextes également L’incidence des cancers de l’oropharynx diminue
évocateurs : les travailleurs du bois pour les légèrement chez les hommes et augmente légère-
adénocarcinomes de l’ethmoïde et des patients ment chez les femmes. Globalement, elle reste stable.
Guide d'ORL
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44 ORL thématique

En Europe, les facteurs de risque sont l’alcool • Enfin, une lésion précancéreuse déjà connue
et le tabac. En Extrême-Orient, c’est le bétel à (leucoplasie ou érythroplasie) devient doulou-
chiquer qui est un mélange astringent de feuilles reuse ou hémorragique, annonçant sa trans-
de poivrier, de noix d’arec et de chaux. Cette formation (cf. infra).
pratique explique la grande fréquence des cancers • Ce n’est qu’à un stade avancé qu’apparaissent
des faces internes des joues en Inde, en Asie du des saignements, des douleurs, voire un tris-
Sud-Est et en Mélanésie. Le gène p53 et l’EGF mus. Dans les cancers des vallécules et de la face
(epidermal growth factor) seraient également linguale de l’épiglotte, une dyspnée peut sur-
impliqués (cf. partie 2, fiche « Biologie tumorale venir par bascule d’une masse bourgeonnante
et carcinogenèse »). sur l’orifice laryngé.
La stabilité de l’incidence des cancers de la
cavité buccale et de l’oropharynx est en rapport Examen
avec d’autres facteurs de risque. Le virus HPV
jouerait un rôle plus important que pour les • L’examen endobuccal se fait avec deux
cancers du larynx et de l’hypopharynx (cf. partie abaisse-langues pour déplisser chaque repli de
2, fiche « HPV16-18 et cancers des VADS »). Le muqueuse. Il faut relever la langue pour voir sa
rôle de l’immunodépression est aussi reconnu, face ventrale et le plancher antérieur. Puis on
comme chez les porteurs de VIH ou chez les s’insinue entre langue et gencive pour examiner
patients ayant subi une chimiothérapie. Chez le sillon pelvi-lingual jusqu’au pilier antérieur
eux, il faut demander un examen ORL au moin- et la commissure intermaxillaire. Il faut aussi
dre doute. faire basculer la tête du patient en arrière pour
examiner la voûte du palais osseux. Même si ça
Signes d’appel ce ne lui est pas agréable, il faut palper toute la
bouche et surtout le plancher, le doigt protégé
• Dans la plupart des cas, le patient découvre lui- par un doigtier. La palpation de la base de
même une ulcération hémorragique. Elle est à langue ne pourra vraiment être pratiquée qu’au
l’origine de paresthésies, de gêne à la mobili- moment de l’anesthésie générale pour la panen-
sation de la langue et de sensations de brûlure doscopie. Dans la plupart des cas, la lésion
lors de l’ingestion d’épices. Il est fréquent est directement visible à l’examen de la cavité
que, socialement isolés dans leurs addictions, buccale et de 1’oropharynx. C’est une ulcéra-
fatigués, fatalistes et négligents, ces patients ne tion bourgeonnante, indolore et fréquemment
consultent que tardivement, à un stade avancé. surinfectée. La palpation retrouve des bords
• La découverte de la lésion peut aussi être indurés et évalue l’étendue de l’infiltration
fortuite, à l’occasion d’un examen dentaire sous-jacente en centimètres. Il faut noter ses
pour des dents qui bougent. Ailleurs, c’est une rapports avec les structures voisines, y compris
histoire d’angine traînante traitée par plusieurs avec la mandibule.
cures d’antibiotiques. Deux signes évocateurs • La palpation des aires ganglionnaires doit
auraient dû attirer l’attention : le caractère se faire le cou fléchi pour détendre les muscles
unilatéral des symptômes et la présence d’une sterno-cléido-mastoïdiens, au besoin en se pla-
otalgie à la déglutition avec un tympan normal çant derrière le malade. La région sous-maxil-
à l’otoscopie. Sur un terrain alcoolo-tabagique, laire est palpée les doigts recourbés en crochet,
ces signes imposent d’adresser rapidement le en combinant une palpation endobuccale du
patient à l’ORL. plancher avec l’autre index. Toutes les aires sont
• Souvent, c’est l’apparition d’une volumineuse méthodiquement explorées (cf. chapitre 1).
métastase ganglionnaire cervicale dure et indo- • La fibroscopie nasopharyngée étudie la
lore, qui amène à rechercher sa porte d’entrée. base de langue et les sillons amygdaloglosses.
Le contraste entre la grande taille de l’adéno­ Elle recherche d’autres localisations synchrones
pathie et la petite taille de la tumeur est classique. au niveau du larynx et de l’hypopharynx.
Chapitre 3. Cancers ORL autres que ceux du larynx et de l’hypopharynx 45

Figure 3.1. Cancers de la cavité buccale et de l’oropharynx.


1 : bord marginal de la langue ; 2 : plancher de bouche ; 3 : gencive ; 4 : région rétromolaire ou commissure intermaxil-
laire ; 5 : zone de jonction (extrémité inférieure du pilier antérieur, extrémité du V lingual et extrémité antérieure du sillon
amygdaloglosse) ; 6 : sillon amygdaloglosse ; 7 : base de langue ; 8 : vallécule ; 9 : face linguale de l’épiglotte ; 10 : loge
amygdalienne entre les piliers antérieur et postérieur ; 11 : voile mou ; 12 : palais dur ; 13 : face postérieure de l’oro-
pharynx ; 14 : zone des trois replis (replis pharyngo-épiglottique, ary-épiglottique et glosso-épiglottique). 15 : adénopathie
sous-maxillaire ; 16 : adénopathie sous-digastrique.

• Le schéma de la tumeur primitive et des aires Principales localisations


ganglionnaires (fig. 3.1) doit indiquer l’étendue
de l’infiltration, sans oublier d’indiquer le côté. Cavité buccale (fig. 3.2)
• La biopsie devrait être pratiquée d’emblée Langue mobile
en consultation pour gagner du temps. Si on L’ulcération siège le plus souvent sur l’un des
attend la panendoscopie, le délai de son orga- bords de la langue, s’étendant sur la face dorsale
nisation fait déjà perdre 10 à 15 jours. Dans et ventrale. Le diagnostic différentiel avec une
ces conditions, le diagnostic ne sera établi ulcération d’origine dentaire se pose d’autant plus
que 3 semaines après. Sur des lésions bour- souvent que l’état de la denture est mauvais. Mais
geonnantes, on peut faire un prélèvement sans l’ulcération néoplasique est dure au toucher et
douleur et sans augmenter les réactions inflam- surtout ne disparaît pas rapidement avec l’avulsion
matoires. Chez un patient sous anticoagulants, de la dent en cause. L’atteinte de la pointe est
on risque un saignement facilement maîtrisé. rare, mais les adénopathies sont bilatérales.
46 ORL thématique

Figure 3.2. Quelques carcinomes épidermoïdes de la cavité buccale et de l’oropharynx.


1, 2, 3, 4 : amygdales droites ; 5, 6, 7, 8 : bords de la langue droite ; 9 : commissure intermaxillaire ; 10 : plancher
antérieur ; 11 : pelvi-lingual (face ventrale de la langue) ; 12 : pelvi-gingival ; 13 : leucoplasie ; 14 : leucoplasie dégénérée ;
15 : face interne de joue ; 16 : paroi postérieure de l’oropharynx.

Le carcinome de la zone de « jonction linguale » L’aspect est différent d’un sialendocèle de la glande
correspond à une forme développée autour de la sublinguale (cf. partie 2, fiche « Grenouillette »).
base d’implantation linguale du pilier antérieur Dès que la gencive est atteinte, on peut considérer
de la loge amygdalienne. En cas d’extension au qu’il y a une extension osseuse. L’extension gan-
sillon amygdaloglosse, il correspond davantage à glionnaire commence par la loge sous-maxillaire.
un cancer de l’oropharynx.
Région rétromolaire (anciennement appelée
Plancher de la bouche (vidéo 3.1 ) commissure intermaxillaire) (vidéo 3.2 )
Ici, l’ulcération est pelvi-linguale ou pelvi-gingivale Ces tumeurs situées sur l’os sont très agressives.
en feuillets de livre. L’atteinte du plancher buccal Elles s’étendent rapidement vers l’espace mas-
postérieur ne peut être mise en évidence qu’en ticateur et les muscles ptérygoïdiens, entraînant
déplissant le sillon gingivo-lingual postérieur. un trismus gênant l’examen (fig. 3.3).
Chapitre 3. Cancers ORL autres que ceux du larynx et de l’hypopharynx 47

l’espace rétrostylien, l’extension ganglionnaire


gagne directement l’axe jugulo-carotidien. Quant
à l’espace rétropharyngé, il communique avec les
espaces prévertébraux et la base du crâne.

Loge amygdalienne (vidéo 3.3 )


L’ulcération s’étend entre les deux piliers de
l’amygdale, simulant une angine unilatérale ou un
phlegmon. Mais l’examen découvre l’ulcération
bourgeonnante caractéristique à bords surélevés.
La palpation met en évidence l’induration typique
et une adénopathie de l’aire IIa (dite sous-digas-
trique) est quasi constante. Parfois, le diagnostic
est difficile lorsque l’ulcération est petite, cachée
derrière un pilier ou située au fond d’un récessus
amygdalien.
Les voies de l’extension sont musculaires :
soit l’extension suit le pilier antérieur vers la
Figure 3.3. Coupe horizontale de la face interne de la
joue et de la région rétromolaire. langue (muscle glosso-staphylin), soit elle suit
1 : orbiculaire des lèvres ; 2 : buccinateur ; 3 : vaisseaux le pilier postérieur vers le sillon amygdaloglosse
faciaux ; 4 : nerf facial ; 5 : boule graisseuse de Bichat ; (muscle pharyngo-staphylin). La présence d’un
6 : ligament ptérygo-maxillaire ; 7 : pilier antérieur ; 8 :
trismus témoigne de l’envahissement du muscle
nerf lingual ; 9 : masséter ; 10 : ptérygoïdien interne ; 11 :
branche montante de la mandibule ; 12 : styloglosse ; 13 : ptérygoïdien médial situé juste sous l’aponévrose
stylopharyngien ; 14 : parotide ; 15 : stylo-hyoïdien ; 16 : pharyngée.
carotide externe ; 17 : veine jugulaire interne ; 18 : digas-
trique ; 19 : sterno-cléido-mastoïdien. Voile du palais
Fakhry N., Zanaret M. Cancers de la face interne de la joue et de la
région rétromolaire. EMC, Paris (Elsevier Masson), ORL, 2008 : 1-13, L’ulcération est souvent fissuraire, engainant la
fig. 1 [Article 20-627-C-10].
luette. À l’inverse, les lésions peuvent être très
bourgeonnantes, avec un aspect papillomateux
framboisé évoquant le rôle du virus HPV. Cette
Oropharynx
localisation est très fréquemment associée à
Ce qui distingue l’oropharynx de la cavité buc- d’autres lésions épithéliomateuses des voies aéro-
cale, c’est la présence d’un riche réseau vasculaire digestives supérieures. Il faut prendre garde du
et lympho-veineux sous-muqueux. Au début, la fait que la lésion peut paraître minime sur la face
lésion reste superficielle, puis très rapidement, les antérieure, alors que le cancer a transfixié le voile
muscles constricteurs du pharynx et l’aponévrose et envahi le rhinopharynx. Ce sont des cancers
pharyngo-basilaire (péripharyngée) sont franchis. très lymphophiles.
Dès lors, il n’y a plus d’obstacle à la dissémination
des cellules cancéreuses. Ceci explique qu’il y ait Base de langue
des adénopathies palpables chez la moitié des C’est la localisation la plus grave en termes de
patients au moment du diagnostic et que les can- survie à 5 ans (moins de 15 %). Ces cancers
cers de l’oropharynx soient révélés par une métas- sont longtemps méconnus, car ils n’entraînent au
tase ganglionnaire cervicale dans 30 % des cas. début qu’une discrète sensation de corps étranger.
L’extension à l’espace parapharyngé est dif- L’ulcération n’est pas directement visible, car
férente selon qu’elle se fait en avant ou en elle siège en arrière du V lingual. Le diagnostic
arrière du rideau stylien (cf. fig. 11.6). Dans ne peut être fait que par l’examen au miroir ou
l’espace préstylien, l’extension tumorale s’étend en fibroscopie nasopharyngée. L’envahissement
directement vers la loge sous-mandibulaire. Dans musculaire entraîne rapidement une gêne à la
48 ORL thématique

protraction de la langue qui est déviée vers le côté ligne médiane ou s’il existe un envahissement de
atteint. Les formes infiltrantes sont fréquentes, l’espace parapharyngé ou de la médullaire osseuse
s’étendant latéralement vers les sillons amygdalo- de la mandibule.
glosses. Une petite ulcération proche des vallé-
cules peut avoir une extension antérieure suivant Examen TDM cervico-thoracique
les fibres musculaires des muscles hyoglosse et Injecté, il est indispensable pour l’étude des cor-
génioglosse jusqu’à la symphyse mandibulaire. ticales osseuses. Il est également performant dans
Au moment du diagnostic, l’extension ganglion- la recherche de métastases ganglionnaires cervi-
naire est presque toujours présente et rapidement cales. Outre l’augmentation de taille, le caractère
bilatérale. Dans les localisations unilatérales, l’adé- sphérique et la prise de contraste, c’est surtout la
nopathie cervicale peut être controlatérale (croisée). présence d’une zone hypodense au sein de l’adé-
Lésions étendues de l’oropharynx nopathie qui signe son envahissement. Un autre
intérêt de l’examen TDM est d’effectuer le bilan à
II s’agit de volumineux cancers touchant l’amyg- distance : recherche de métastases pulmonaires ou
dale, la langue au niveau de la zone de jonction et d’un second cancer primitif au niveau bronchique
le voile du palais. L’extension déborde largement ou œsophagien.
vers les structures adjacentes. Il est impossible
de préciser le point de départ chez ce patient TEP-scan
en proie à une dysphagie intense avec sialorrhée
hémorragique, nauséabonde et surinfectée (anaé- Il n’est demandé que pour les tumeurs étendues.
robies). L’examen de la lésion est gêné par le tris- L’objectif est d’avoir le statut complet du patient
mus, la fixité de la langue et la douleur déclenchée avant de proposer des chirurgies lourdes et muti-
par le moindre contact. L’adénopathie satellite est lantes. Il sera surtout utilisé en post-thérapeutique
souvent déjà énorme, fixée aux plans profonds et pour différencier les remaniements cicatriciels des
au plan cutané. récidives.

Panendoscopie
Examens complémentaires Elle est effectuée sous anesthésie générale en ven-
Le bilan d’extension repose sur l’imagerie et tilation spontanée pour bien voir toutes les voies
l’endoscopie. L’obtention de la preuve histolo- aérodigestives supérieures. La base de langue est
gique est obligatoire. Le bilan comporte aussi la palpée plus facilement. Des biopsies multiples
recherche d’une seconde localisation tumorale sont réalisées à la recherche de lésions synchrones.
synchrone ou d’une métastase découverte une On en profite pour faire la mise en état dentaire
fois sur dix : au niveau du carrefour aérodigestif, avec un panoramique préalable. Le schéma défini-
de l’œsophage et des poumons. tif de la lésion est arrêté en vue de la RCP.

Bilan d’opérabilité
IRM
On profite de l’hospitalisation pour faire un bilan
Elle doit être réalisée avant les soins dentaires
complet : cardiaque, pulmonaire, hépatique, nutri-
en séquences pondérées en T1, sans puis avec
tionnel et audiogramme de référence si une chimio-
injection de gadolinium, avec éventuellement
thérapie ototoxique est envisagée (sels de platine).
saturation de graisse (SAT-FAT) et en séquences
pondérées en T2. En T2, la lésion est habi-
tuellement en hypersignal. L’IRM est particu- Histopathologie
lièrement utile dans les lésions de la langue, car
elle est supérieure à l’examen TDM pour fixer La biopsie tumorale montre qu’il s’agit de car-
les limites de la tumeur dans les structures mus- cinomes épidermoïdes dans 95 % des cas. Les
culaires. Notamment pour savoir si elle dépasse la tumeurs « micro-invasives » n’infiltrent que
Chapitre 3. Cancers ORL autres que ceux du larynx et de l’hypopharynx 49

les couches les plus superficielles du chorion. Le • T4b (tumeur non résécable) : tumeur envahis-
carcinome « invasif » pénètre largement le chorion sant tout l’espace masticateur (muscle pté-
et les faisceaux musculaires. Il peut être différencié rygoïdien latéral), l’apophyse ptérygoïde, le
et constitué de lobules kératosiques ou indiffé- cavum, la base du crâne ou l’artère carotide
rencié sans kératine. Le carcinome verruqueux interne.
est une forme rare, très différenciée, pouvant être
confondue avec un papillome. De même, le carci- N : adénopathie(s)
nome à cellules fusiformes est une forme très peu • N0 : absence d’adénopathie métastatique.
différenciée, pouvant en imposer pour un sarcome. • N1 : adénopathie métastatique homolatérale
Au niveau de la langue, le diagnostic avec les unique ≤ 3 cm.
tumeurs bénignes est facile pour le papillome, le • N2a : adénopathie métastatique homolatérale
fibrome et le neurinome. Il peut être difficile pour unique > 3 cm et ≤ 6 cm.
le myoblastome granuleux d’Abrikossof. • N2b : adénopathies métastatiques homolaté-
Au niveau du voile, la présence de nombreuses rales multiples ≤ 6 cm.
glandes salivaires accessoires rend compte d’autres • N2c : adénopathies métastatiques bilatérales ou
pathologies tumorales : adénome pléomorphe, controlatérales ≤ 6 cm.
carcinome adénoïde kystique (ou cylindrome) et • N3 : adénopathie métastatique > 6 cm.
adénocarcinomes.
Au niveau de l’oropharynx, les lymphomes sont
M : métastases
d’aspect différent : amygdale unilatéralement très
volumineuse indolore et prenant un aspect bleuté M0/M1 : absence ou présence de métastases à
du fait de la congestion veineuse (cf. partie 2, distance.
fiche « Lymphomes ORL »).
Les lésions précancéreuses dégénèrent dans 4 à
5 % des cas (cf. partie 2, fiche « Lésions précan- Thérapeutique, méthodes
céreuses des muqueuses des voies aérodigestives
Chirurgie
supérieures »).
Avant d’envisager les indications, faisons la liste
des techniques chirurgicales envisageables. Les
Classification TNM exérèses se font en fonction de l’extension et
visent la cavité buccale, l’oropharynx ou l’une
Elle ne dispense pas de décrire la tumeur : bour- débordant sur l’autre (encadré 3.1)
geonnante ou ulcérée, dimension de l’infiltration
et description des adénopathies cervicales. Exérèse de la tumeur primitive
• Glossectomies partielles pouvant intéresser la
T : tumeur pointe de la langue, son bord libre ou sa face
• T1 : tumeur ≤ 2 cm dans sa plus grande dimen- dorsale. Elles sont réalisées par voie endobuc-
sion. cale en électrosection chez un patient intubé.
• T2 : tumeur > 2 cm mais ≤ 4 cm dans sa plus • Hémipelviglossectomie comportant l’exérèse
grande dimension. du plancher latéral et de l’hémilangue adja-
• T3 : tumeur > 4 cm dans sa plus grande dimen- cente.
sion. • Pelviglossectomies intéressant la langue et le
• T4a (tumeur résécable) – tumeur s’étendant plancher. L’intervention classique est le pull
aux structures voisines : larynx, muscles pro- through. Cette intervention consiste à désinsé-
fonds de la langue (génioglosse, hyoglosse, rer la langue et le plancher, à les extérioriser
palatoglosse et styloglosse), sinus maxillaire, par une voie d’abord cervicale, puis à réséquer
muscle ptérygoïdien médial, peau du visage, la lésion sous contrôle de la vue, et enfin à
palais dur ou mandibule. remettre en place les structures restantes.
50 ORL thématique

Encadré 3.1

Cancers de la cavité buccale et de l’oropharynx – Principes de la chirurgie


• L’exérèse est faite sous contrôle de la vue en • La chirurgie transorale assistée par robot peut
tenant compte des données de l’imagerie et de être utilisée dans le cadre des tumeurs de l’oro-
la palpation peropératoire de la tumeur. Les ins- pharynx. La zone d’exérèse est laissée en cica-
truments de section/coagulation (ultracision, trisation dirigée ou recouverte d’un lambeau
thermofusion et thermocision) permettent une local.
chirurgie exsangue. • Il faut préserver au moins une hémi-base de
• En cas de chirurgie première, un évidement langue fonctionnelle.
cervical est systématiquement associé à l’exérèse • Un trismus traduit l’envahissement des mus-
de la tumeur primitive. Le curage ganglion- cles masticateurs et impose une bucco-pharyn-
naire prophylactique reste indispensable chez gectomie transmandibulaire interruptrice avec
les patients cliniquement N0, compte tenu de exérèse mandibulaire segmentaire.
la fréquence de l’envahissement ganglionnaire • Sauf la chirurgie par voie transorale, la chi-
infraclinique. Chez les patients opérés d’une rurgie des cancers de l’oropharynx nécessite
tumeur T1-T2 N0 de la langue mobile, la généralement la réalisation d’une trachéotomie
récidive régionale est inférieure à 10 % avec une laissée en place pendant une semaine. Une
survie à 5 ans supérieure à 80 % si un curage des alimentation entérale pendant 7 à 10 jours est
niveaux I, II et III a été réalisé. également nécessaire.

• Pelvimandibulectomies intéressant le plan- résection mandibulaire interruptrice en prenant


cher et la mandibule. Si la lésion du plancher des marges de sécurité de 1 cm (fig. 3.4).
affleure l’os mandibulaire, on enlève seulement • Amygdalectomie élargie à toute la loge amygda-
la baguette osseuse en regard pour obtenir une lienne, exploitant le plan de clivage existant entre
marge de sécurité suffisante. Les suites sont aponévrose pharyngée et ptérygoïdien interne.
simples, mais il y a un risque d’ostéoradioné- • Buccopharyngectomie transmandibulaire section-
crose en cas de radiothérapie postopératoire. nant la mandibule pour emporter la loge amygda-
Si l’os est envahi, il faut en passer par une lienne et l’angle de la mandibule (fig. 3.5).

Figure 3.4. Pelvimandibulectomie antérieure avec en monobloc, curage ganglionnaire radical du côté gauche et sous-
maxillaire du côté droit.
A. Principe de l’intervention en « pull through » désinsérant la langue et l’extériorisant par voie cervicale, permettant une
résection du plancher de la bouche et de la langue à la demande. B. Malheureusement, dans ce cas, l’extension intra-
osseuse obligea à sacrifier la symphyse avec une marge de sécurité de 1 cm suivi de reconstruction par un greffon osseux.
A. D’après Rouvière H. Anatomie humaine – Tome I. Paris : Masson, 1959, p. 26 (fig. 262).
Chapitre 3. Cancers ORL autres que ceux du larynx et de l’hypopharynx 51

Figure 3.5. Buccopharyngectomie transmaxillaire.


Lésion T3 de la loge amygdalienne étendue au plancher de la bouche et à la langue ainsi qu’au sillon amygdaloglosse
avec volumineuse adénopathie sous-digastrique ipsilatérale. Curage ganglionnaire radical gauche. Reconstruction par un
lambeau frontal prenant tout le front et comblé par une greffe mince prélevée sur la cuisse. A. Tracé des incisions. B. Après
exérèse, vue sur la section linguale, le moignon mandibulaire et la carotide dénudée par le curage. C. Reconstruction par
une prothèse en titane. D. Pièce opératoire avec le curage en monobloc. E. Aspect postopératoire 6 mois après.

• Hémi-pharyngo-laryngectomie supraglottique Méthodes de reconstruction


supplémentaire en cas d’extension au carrefour Elles doivent permettre de conserver une mas-
des trois replis (cf. chapitre 2). tication, une bonne phase orale de la déglutition
• Laryngectomie partielle supraglottique étendue et une articulation de la parole compatibles avec
aux vallécules et à la base de langue. Cette une bonne qualité de vie. Les lambeaux, une
chirurgie peut être étendue en avant. Toutefois, fois cicatrisés, doivent tolérer l’irradiation post-
si l’extension imposait de sacrifier la base de opératoire.
langue, il faudrait théoriquement y associer une • Fermeture directe bord à bord des petites
laryngectomie totale. pertes de substances muqueuses.
52 ORL thématique

• Cicatrisation dirigée en laissant le lit tumoral cavité buccale, il doit être supra-omo-hyoïdien
cruenté. (niveaux I à III) et complété en fonction du
• Lambeau muqueux local (lingual, face interne résultat obtenu en extemporané.
de joue ou boule de Bichat) • Curage ganglionnaire cervical fonctionnel
• Lambeau nasogénien. (modified radical neck dissection), incluant les
• Lambeau de peaucier du cou consistant à lever groupes ganglionnaires ipsilatéraux de I à V,
une palette sous-cutanée fine et malléable dans mais épargnant la veine jugulaire interne et le
le plan sous-platysmal en la pédiculant sur muscle sterno-cléido-mastoïdien. Il est réalisé
l’artère faciale. Cette palette est ensuite passée pour des métastases ganglionnaires qui n’infil-
en bouche et suturée aux berges de la perte de trent pas ces structures.
substance muqueuse. • Curage ganglionnaire cervical radical, incluant
• Lambeau pédiculé de muscle grand pectoral ou les groupes ganglionnaires ipsilatéraux de I à V,
de muscle grand dorsal. Ils sont très utiles si la veine jugulaire interne et le muscle sterno-
un comblement est souhaité, mais ne sont pas cléido-mastoïdien. Le curage peut être étendu à
adaptés à la reconstruction de structures fines d’autres structures anatomiques, mais doit res-
comme le voile du palais. pecter l’artère carotide sous peine d’hémiplégie
• Lambeau libre antébrachial ou lambeau chinois. postopératoire.
Il apporte une grande surface tissulaire facile à • Curage homolatéral à la lésion quand elle est
modeler avec un bon pédicule vasculaire. bien latéralisée (gencive latérale, trigone rétro-
• Lambeau libre composite ostéo-cutané de fibula molaire, face muqueuse de la joue, zone de
(péroné) ou de scapula (omoplate) lorsqu’une jonction linguale, plancher latéral).
mandibulectomie interruptrice a été effectuée. • Curage bilatéral si la lésion se trouve sur la
Des prothèses mandibulaires sont aussi utilisées lèvre, le plancher antérieur et la pointe de la
avec des résultats inégaux. langue (sauf T1 des lèvres).

Chirurgie des aires ganglionnaires cervicales


Curiethérapie (cf. partie 2,
(cf. partie 2, fiche « Chirurgie ganglionnaire »)
fiche « Curiethérapie »)
• Curage ganglionnaire sélectif, reposant sur la
notion de drainage lymphatique anatomique Lorsqu’elle est possible, c’est une méthode aussi
préférentiel (fig. 3.6). Pour les cancers de la efficace que l’association radio-chirurgicale. Elle
s’adresse à des cancers de moins de 2 cm, éloi-
gnés de toute structure osseuse. En pratique, elle
ne peut être utilisée que pour de petits cancers :
lèvre, langue, voile du palais, et plancher lorsque
la lésion reste à distance de la mandibule. En
postopératoire, elle est parfois utilisée pour des
tumeurs de la base de langue dans les zones où
l’examen anatomopathologique a montré que la
résection était insuffisante.

Radiothérapie et chimiothérapie
adjuvante (cf. partie 2, fiches
« Radiothérapie » et « Chimiothérapie
des carcinomes épidermoïdes ORL »)
Les traitements complémentaires à la chirurgie
Figure 3.6. Sous-groupe des niveaux ganglionnaires peuvent rarement être évités, sauf dans les petites
de I à V.
Prades J.-M., Schmitt T., Timoshenko A. Cancers de la langue. EMC,
tumeurs T1 où l’exérèse s’est effectuée avec de
Paris (Elsevier Masson), ORL, 2003 : 1-14, fig. 6 [Article 20-627-A-10]. bonnes marges de sécurité et où il n’y avait qu’un
Chapitre 3. Cancers ORL autres que ceux du larynx et de l’hypopharynx 53

seul petit ganglion atteint. Ailleurs, une radio- Indications chirurgicales


thérapie postopératoire est proposée, voire une Le principe est de préconiser une chirurgie pre-
radio-chimiothérapie dans les stades avancés. mière lorsque la tumeur atteint ou dépasse T3,
lorsqu’il y a des extensions antérieures et lin-
Radiothérapie exclusive ou associée guales, lorsque macroscopiquement on a affaire
à une chimiothérapie concomitante à des formes ulcérées et infiltrantes, c’est-à-dire :
Compte tenu de la lourdeur de certains actes • les tumeurs de l’oropharynx s’étendant vers
chirurgicaux, le traitement de première inten- le trigone rétromolaire ou vers la commis-
tion dans beaucoup de cancers de l’oropharynx sure intermaxillaire, car ce sont des tumeurs
est la radiothérapie. La technique de modu- reposant sur l’os ;
lation d’intensité (IMRT) doit être utilisée le • les tumeurs infiltrantes étendues au sillon amyg-
plus souvent possible pour épargner la fonction daloglosse et à la zone de jonction linguale ;
salivaire. Une chimiothérapie à base de sels de • les tumeurs infiltrantes à cheval sur les vallécules
platine concomitante est associée dans les formes et la base de langue, accessibles à une laryn-
avancées. Si l’état général la contre-indique, on gectomie partielle supraglottique étendue aux
peut tenter de potentialiser la radiothérapie en y vallécules et à la base de langue ;
associant le cétuximab ou en utilisant un bifrac- • les tumeurs résécables de la paroi postérieure.
tionnement quotidien (une demi-séance le matin, L’irradiation postopératoire est systématique ou
et l’autre l’après-midi). Dans les lésions de la base complétée par une radio-chimiothérapie conco-
de langue, les aires ganglionnaires sont traitées de mitante s’il existe un doute sur l’envahissement
façon bilatérale et complète. des berges de l’exérèse ou des adénopathies en
rupture capsulaire (N3).

Indications de radiothérapie première


Indications
La radiothérapie externe exclusive peut être pré-
Cancers de la cavité buccale férée pour les lésions T1-T2 N0. Si la réponse
Le traitement de référence est la chirurgie. est complète cliniquement et radiologiquement,
Schématiquement, tant que la tumeur est résé- on se contente d’une simple surveillance. Si des
cable, il faut opérer avec une marge de sécurité lésions résiduelles sont constatées 3 à 4 mois
suffisante. L’intérêt est de préserver la radiothé- après, il est mis en œuvre une chirurgie de rat-
rapie pour une localisation métachrone. Mais les trapage visant aussi les aires ganglionnaires.
séquelles peuvent être majeures. Par exemple, La présence d’un statut tumoral T3-T4a ou
lorsque la langue mobile reste fixée au plancher, ganglionnaire N1 ferait préférer une radio-chi-
l’alimentation devient impossible en raison de la miothérapie concomitante.
perte des premiers temps de la déglutition. Les
troubles de l’élocution peuvent être si impor-
tants qu’ils rendent la communication orale
Surveillance et résultat
impossible. Une bonne reconstruction est donc
(cf. partie 2, fiche « Surveillance
indispensable. d’un cancer ORL »)
Un bilan d’imagerie (TDM, IRM) de référence
Cancers de l’oropharynx doit être fait au 3e mois. Ensuite, les examens
L’attitude est plus nuancée, du fait de la radio- ne sont prescrits qu’en cas de suspicion clinique.
sensibilité connue de certaines de ces tumeurs, De plus, au moindre doute, on pratique une
y compris de leurs métastases ganglionnaires. exploration endoscopique sous anesthésie géné-
Cette radiosensibilité pourrait être en rapport rale. Le TEP-scan aide à distinguer une lésion
avec le rôle du papillomavirus (cf. partie 2, fiche résiduelle ou une récidive de lésions séquellaires.
« HPV16-18 et cancers des VADS »). En l’absence de fixation pathologique de 18-FDG
54 ORL thématique

au TEP-scan, le contrôle carcinologique peut être et de 1’isopropanolol. Le cancer primitif de l’eth-


affirmé avec peu de risque d’erreur. moïde et des sinus de la face est reconnu maladie
Dans les cancers de la cavité buccale, la survie professionnelle depuis 1982 après 15 ans d’expo-
globale à 5 ans est de l’ordre de 40 à 45 %, tous sition. Un délai de 30 ans après l’exposition est
stades confondus. Pour les petites tumeurs T1 admis. Quand on prend en charge ces patients,
ou T2, un contrôle locorégional est obtenu dans il faut remplir la déclaration de maladie profes-
70 à 90 % des cas N0 avec survie globale à 5 ans sionnelle no 47.
d’environ 65 à 85 %. Dans les tumeurs T3, T4 Actuellement, ce risque bien connu a donné lieu
ou N ≥ 1, M0, les récidives sont fréquentes dès à de multiples mesures préventives. Les ateliers
la première année avec une survie à 5 ans de 15 doivent être équipés de systèmes d’aspiration adé-
et 35 %. La survie des patients traités de façon quats. Les travailleurs sont soumis à des contrôles
palliative est de 6 à 12 mois. et des examens ORL réguliers. Les cancers en
Dans le cancer de l’oropharynx, les formes réci- rapport avec le nickel ont disparu. Concernant le
divantes restent de pronostic très sévère. Même bois, les effets des mesures préventives ne pour-
si une chirurgie de rattrapage peut être réalisée ront être évalués que dans une dizaine d’années.
après échec de la radiothérapie ou de la radio-
chimiothérapie, les taux de survie à 5 ans sont Circonstances de découverte
d’environ 30 %. Le dépistage des lésions méta-
Bien que classée parmi les maladies rares, la
chrones reste aussi un objectif essentiel de la sur-
maladie est fréquente chez les menuisiers, même à
veillance après traitement. Le risque de survenue
la retraite (pic de fréquence à 60 ans). Il faut donc
d’une seconde lésion des VADS serait de 7 % par
être vigilant sur un tel terrain devant :
an (vidéo 3.4 ).
• de soi-disant polypes avec obstruction nasale et
saignements unilatéraux ;
• un syndrome oculo-orbitaire unilatéral compor-
Cancers pouvant ne pas tant une exophtalmie, une diplopie et une
survenir sur un terrain baisse de l’acuité visuelle (fig. 3.7) ;
alcoolo-tabagique • un syndrome déformant de la face typique
avec comblement de l’angle interne de l’œil ou
Adénocarcinome de l’ethmoïde voussure prémaxillaire unilatérale ;
• un syndrome neurologique avec névralgie du V
C’est le plus fréquent des cancers des sinus de la ou une paralysie oculomotrice témoignant de
face. Il reste longtemps asymptomatique et son l’atteinte à la base du crâne.
diagnostic est presque toujours tardif. En bref, il faut se méfier chez eux de toute
sinusite douloureuse rebelle à un traitement
Facteurs étiopathogéniques médical bien conduit. L’examen TDM des sinus
de la face montre alors des opacités avec des lyses
Plus de 90 % des patients atteints d’adénocarci-
osseuses suspectes. En revanche, un comblement
nomes de l’ethmoïde ont été exposés à la pous-
du sinus maxillaire ou du sinus sphénoïdal peut
sière de bois : menuisiers et ébénistes. Il s’agit de
n’être qu’une image de rétention liquidienne.
bois durs, libérant des poussières au moment du
L’IRM injectée permet de faire la différence et
ponçage et du sciage. Leur rôle est à la fois chi-
de mieux préciser une extension aux méninges et
mique et physique. Chimique parce que l’action
au cerveau.
des tanins a été prouvée. Physique parce que les
particules de moins de 5 µ ont en elles-mêmes
Conduite à tenir
une action carcinogène par effet irritant.
D’autres professions sont sujettes au risque : La lésion étant le plus souvent extériorisée dans
les travailleurs du cuir, les mineurs du nickel, les la fosse nasale, la biopsie est facile. Elle révèle
travailleurs de l’amiante, du chrome, de l’arsenic un adénocarcinome typique des cancers profes-
Chapitre 3. Cancers ORL autres que ceux du larynx et de l’hypopharynx 55

Figure 3.7. Adénocarcinome de l’ethmoïde gauche.


A. Syndrome oculo-orbitaire avec comblement de l’angle interne de la cavité orbitaire gauche et exophtalmie. B. Aspect
bourgeonnant de la fosse nasale. C. Otite séreuse gauche en rapport avec l’obstruction de la trompe d’Eustache dans
le cavum (cf. chapitre 6). D. Examen TDM montrant l’irruption de la tumeur dans l’orbite par effraction de l’os planum de
l’ethmoïde. E. Topographie des sinus de la face (E : ethmoïde ; SM : sinus maxillaire ; LC : lame criblée laissant passer les
filets olfactifs vers le bulbe olfactif de l’encéphale).
E. D’après Legent F., Perlemuter L., Vandenbrouck G. Cahiers d’anatomie ORL. Paris : Masson, 1986.

sionnels. Toutefois, un épithélioma malpighien revanche, la pénétration dans l’orbite ou dans le


est aussi admis comme professionnel. Si aucune sinus maxillaire fait classer la tumeur en T3. La
lésion nasale n’est mise en évidence à la rhino- classification en T4a correspond à une minime
scopie antérieure, l’examen anatomopathologique extension à la base du crâne ou au sinus frontal
en extemporané est demandé au moment de ou sphénoïdal. La classification T4b est donnée
l’exploration chirurgicale. lorsque la dure-mère est franchie et qu’il y a une
D’autres cancers glandulaires peuvent être extension au lobe frontal.
retrouvés : carcinomes adénoïdes kystiques ou
carcinomes muco-épidermoïdes. Exceptionnelle- Traitement
ment, il s’agit d’un mélanome, d’un esthésioneu- Autrefois, le décès rapide était inéluctable, du fait
roblastome ou de la métastase d’un cancer du rein que la chirurgie se faisait par voie basse et laissait
à cellules claires. en place une lame criblée pratiquement toujours
envahie. Les progrès décisifs ont été obtenus par
Bilan de l’extension la collaboration ORL et neurochirurgicale. Le
Le point de départ est dans la fosse nasale : lame neurochirurgien effectue les ostéotomies au ras
criblée et face nasale de l’ethmoïde. Puis la lésion des cavités orbitaires. L’ethmoïde peut ainsi être
pénètre dans les cellules ethmoïdales. La clas- retiré en monobloc par voie basse avec toute la
sification T1 ou T2 est difficile à donner, du fait lame criblée et la partie supérieure de la cloison.
de l’impossibilité d’affirmer que la tumeur reste La voie d’abord est donc double : paralatéro-
cantonnée dans le complexe naso-ethmoïdal. En nasale pour l’ORL et frontale bicoronale pour
56 ORL thématique

Figure 3.8. Patient présentant un adénocarcinome de l’ethmoïde gauche.


A. Rhinoscopie à l’optique de 4 mm. B. Examen TDM montrant la maladie du côté gauche sans distinguer les opacités
tumorales des rétentions liquidiennes. C et D. IRM coronale et sagittale en T2, montrant la présence d’une extension
endocrânienne (flèches). E. Vue postopératoire montrant la voie d’abord ORL paralatéronasale gauche et la voie d’abord
neurochirurgicale.

le neurochirurgien (fig. 3.8 et 3.9). Une recons- En cas d’atteinte du sinus maxillaire, on
truction de l’étage antérieur de la base du crâne réalise une maxillectomie qui est habituellement
doit être effectuée dans le même temps en évi- une intervention très mutilante lorsqu’elle est
tant les greffons osseux qui se nécrosent avec la totale.
radiothérapie postopératoire. Aucune exploration
ganglionnaire n’est nécessaire. La radiothérapie Cancer du rhinopharynx
est particulièrement difficile, compte tenu de (fig. 3.10)
la proximité de nombreux organes à risque :
cerveau, œil et plexus nerveux. C’est un cancer viro-induit (virus Epstein-Barr
Certaines équipes réalisent un abord antérieur ou EBV), analogue du cancer viro-induit de
direct sur la lame criblée non neurochirurgical. l’oropharynx (virus HPV). Son diagnostic reste
Dans certains cas, celle-ci peut même être retirée longtemps méconnu, du fait de son inaccessibilité
par voie endoscopique. à l’examen non spécialisé.
Chapitre 3. Cancers ORL autres que ceux du larynx et de l’hypopharynx 57

Figure 3.9. Résultats d’ethmoïdectomies à double équipe, ORL et neurochirurgicale, pour adénocarcinome
de l’ethmoïde.
Aucune récidive, greffons osseux toujours en place 4 ans après (A) et 15 ans après (B). Noter dans ce dernier cas
la présence d’un comblement cicatriciel stable des cavités ethmoïdo-maxillaires droites.

type indifférencié (UCNT : undifferentiated


carcinoma nasopharyngeal tumor), encore appelé
cancer lympho-épithélial. Ces deux sous-types
sont souvent présents dans la même tumeur et
sont presque toujours corrélés à la présence du
virus EBV.
Les carcinomes épidermoïdes kératinisants sont
plus rares et de moins bon pronostic. Ils tou-
chent des sujets habituellement âgés et d’origine
européenne.
D’autres tumeurs malignes peuvent être retrou-
vées : adénocarcinomes, carcinomes adénoïdes
kystiques (cylindromes), sarcomes et lymphomes.
Les tumeurs bénignes sont plus exceptionnelles
(kyste de Thornwald bien limité du toit du cavum
dérivant de la notochorde).

Épidémiologie
Figure 3.10. Coupe sagittale du nasopharynx ou cavum
en IRM TSE T2 (astérisque). Les pays à haut risque sont la Chine du Sud (18 %
Corps du sphénoïde en haut (flèche). Clivus (tête de de l’ensemble des cancers), l’Asie du Sud-Est et
flèche). La limite virtuelle entre le nasopharynx et l’oropha-
rynx est la ligne partant du palais osseux jusqu’au rebord le Groenland (Inuits). Le risque est très faible en
supérieur de l’arc antérieur de l’atlas (ligne rouge). Europe, au Japon, en Amérique du Nord et en
Dubrulle F., Martin-Duverneuil N., Moulin G. Imagerie en ORL. Elsevier Océanie. Le nord-est de l’Afrique et le pourtour
Masson, 2010, p. 115 (fig. 8.1).
méditerranéen présentent un risque intermédiaire.
En France, ces tumeurs frappent presque toujours
Histopathologie des populations immigrées d’Afrique du Nord
Deux types sont distingués : les carcinomes non et du Vietnam. L’âge moyen est de 50 ans, mais
kératinisés et les carcinomes épidermoïdes kéra- des sujets jeunes entre 10 et 20 ans peuvent être
tinisants. atteints. Il y a une prédominance masculine avec
Les carcinomes non kératinisés touchent des un sex-ratio entre 2 et 3. À Hong Kong, l’inci-
sujets jeunes d’origine géographique typique dence de ce cancer aurait baissé de 50 % en 10 ans.
(cf. infra). Ils sont de deux sous-types : le car- En même temps, la baisse de mortalité de 60 %
cinome épidermoïde peu différencié et le sous- témoigne d’une efficacité thérapeutique modérée.
58 ORL thématique

Étiologie En bref, le diagnostic doit être évoqué en


La relation entre le virus Epstein-Barr et les UCNT cas de surdité de transmission uni- ou bilaté-
est significative. Le virus est trouvé dans la tumeur rale, associée à une obstruction nasale croissante
et la sérologie montre des taux élevés d’anticorps chez un adulte originaire d’Afrique du Nord ou
anti-EBV. Le rôle physiopathologique du virus d’Extrême-Orient.
reste inconnu. Il doit toutefois exister d’autres La fibroscopie nasopharyngée montre une
facteurs, puisqu’en France l’ubiquité du virus lésion plus ou moins exophytique naissant du
contraste avec la rareté de ce cancer. Des facteurs récessus latéral ou de la fossette de Rosenmüller.
génétiques en rapport avec certains groupes HLA Une biopsie est réalisée après pulvérisation d’un
sont soupçonnés sur la persistance d’un risque anesthésique local.
élevé chez les enfants des migrants. Dans les cas
sporadiques, un dépistage familial doit être prati- Bilan de l’extension
qué. Il a été aussi invoqué le rôle des nitrosamines La palpation cervicale s’attache à rechercher des
alimentaires, des huiles végétales inhalées et de la adénopathies au niveau de l’aire IIb, mais pouvant
méthode de salage des poissons séchés. occuper n’importe quelle localisation, voire sus-
claviculaire ou axillaire.
Circonstances de découverte Compte tenu de la fréquence de l’extension
• Apparition d’une obstruction nasale progres- ganglionnaire, deux examens sont systématiques :
sivement croissante avec rhinorrhée sanguino- l’IRM et le TEP-scanner au 18-FDG. L’intérêt
lente et gêne rétronasale. de l’examen TDM reste de dépister les extensions
• Développement unilatéral d’une hypoacousie avec osseuses.
otalgie et sensation d’oreille bouchée. L’otosco- L’IRM confirme la présence d’une tumeur en
pie, l’acoumétrie, l’impédancemétrie et l’audiomé- hyposignal T1 et en signal T2 plus dense que le
trie montrent qu’il s’agit d’une otite séreuse par signal musculaire. La prise de gadolinium reste
obstruction de la trompe d’Eustache inhabituelle modérée. Il y a précocement une infiltration du
chez un adulte sans antécédents (fig. 3.11). muscle élévateur du voile (responsable de l’ouver-
• Céphalées, névralgie du V et paralysie oculo­ ture de la trompe d’Eustache), d’où la présence
motrice témoignent de tumeurs évoluées. d’une otite séreuse. Puis la tumeur s’étend aux
• Adénopathie cervicale haut située souvent révé- espaces profonds en traversant les zones de fai-
latrice. blesse du fascia pharyngo-basilaire (fig. 3.12).

Figure 3.11. Vue endoscopique de la trompe d’Eustache et coupe horizontale du cavum.


1 et flèche : orifice tubaire. 2 et astérisque : torus tubaire. 3 et tête de flèche : fossette de Rosenmüller. EV : muscle
élévateur du voile. TV : muscle tenseur du voile.
Dubrulle F., Martin-Duverneuil N., Moulin G. Imagerie en ORL. Elsevier Masson, 2010, p. 116 (fig. 8.2).
Chapitre 3. Cancers ORL autres que ceux du larynx et de l’hypopharynx 59

Figure 3.12. Patient présentant une tumeur du cavum.


Sur les coupes SE T1 avec injection et saturation de la graisse, on visualise les diverses extensions (colonne de gauche).
En regard de chaque cliché, des schémas montrent les correspondances anatomiques. La fissure sphéno-palatine
représente un carrefour de la base du crâne. A. Franchissement du fascia pharyngo-basilaire avec extension à l’espace
rétropharyngé (1), à l’espace rétrostylien (2) et à l’espace préstylien (3). La tumeur progresse en surface jusqu’au foramen
sphéno-palatin (4). La flèche (IRM) indique le niveau de l’orifice de la trompe d’Eustache droite, point de faiblesse du fas-
cia. B. Extension à la fissure sphéno-palatine (IRM flèche et coupe 1 & 2). Sur les coupes horizontales 1 et 2, on observe
le foramen sphéno-palatin (1) par lequel la tumeur a pénétré dans la fissure sphéno-palatine (4) et de là progresse vers la
fosse infratemporale (5). Coupe de deux ailes ptérygoïdiennes délimitant le canal vidien (2). Coupe du sinus maxillaire (6).
B’. Le foramen sphéno-palatin (2) est vu par la fosse nasale entre la lame verticale du palatin (4) et le sphénoïde. Unguis
(1). Aile ptérygoïdienne (5). Apophyse horizontale du palatin (6). C. Extension vers l’orbite. Par la fissure sphéno-palatine, la
tumeur gagne la fissure orbitaire inférieure (flèche et 2). Fissure orbitaire supérieure (1). Canal optique (3). Trous des artères
ethmoïdales (4). Gouttière lacrymale (5 et 6). Orifice lacrymal (7). D. La tumeur a progressé dans la fosse infratemporale,
atteignant le muscle ptérygoïdien externe (IRM flèche) et le canal ptérygoïdien (vidien) avec extension périnerveuse le long
du nerf ptérygoïdien ou vidien (IRM tête de flèche). D’. L’extension endocrânienne se fera par le foramen ovale et le V3
(crâne sec et IRM petites flèches) qui est en dehors du fascia pharyngo-basilaire (insertion tracée en vert), tandis que le
foramen lacerum (trou déchiré antérieur) est en dedans (crâne sec et IRM longues flèches).
IRM : Dubrulle F., Martin-Duverneuil N., Moulin G. Imagerie en ORL. Elsevier Masson, 2010, p. 120 (fig. 8.6).
60 ORL thématique

Extension antérieure cate. C’est pourquoi il est recommandé d’adresser


Les fosses nasales sont d’abord envahies. L’exten- ces patients (200 à 300 cas par an) à des centres
sion emprunte ensuite le foramen (trou) sphéno- de recours possédant l’expertise clinique, radiolo-
palatin pour envahir la fissure sphéno-palatine et gique et radiothérapique.
la fosse ptérygo-palatine (arrière-fond de la fosse
ptérygo-maxillaire). De là, elle gagne les muscles
ptérygoïdiens et toute la fosse infratemporale (pté- `` Compléments en ligne
rygo-maxillaire) qui a notamment pour plafond la
grande aile du sphénoïde et ses orifices (fig. 3.12) : Des compléments numériques sont associés à ce
• le foramen rond avec le nerf maxillaire (V2) que la chapitre, ils sont indiqués dans le texte par un
tumeur remonte pour pénétrer dans l’endocrâne ; picto . Ils proposent les vidéos du chapitre.
• la fissure orbitaire inférieure (fente sphénoï- Pour voir une vidéo, scannez le flashcode corres-
dale), permettant à la tumeur de gagner la pondant à l’aide de votre smartphone ou de votre
cavité orbitaire ; tablette, ou connectez-vous sur http://www.em-
• le foramen ovale avec le nerf mandibulaire (V3) consulte.com/e-complements/474503 et suivez
qui lui permet également d’arriver dans l’endo- les instructions.
crâne.

Extension postérieure
Elle peut se faire directement dans l’espace rétro-
pharyngé à travers le fascia pharyngo-basilaire ou
Vidéo e3.1. Cancer du plancher de la bouche.
par le biais d’une adénopathie rétropharyngée. Pour le dépister, il ne faut pas manquer de vérifier la face
Puis elle s’étend latéralement vers l’espace rétro- ventrale de la langue et le plancher de la bouche. Avec
stylien avec son paquet jugulo-carotidien, les nerfs deux abaisse-langues, on évalue l’extension au frein, aux
IX, X et XI et le sympathique cervical (syndrome caroncules, aux orifices des canaux de Wharton, aux
sillons pelvi-linguaux, et surtout la distance de la lésion
de Claude Bernard-Horner, cf. partie 2, fiche par rapport à l’os mandibulaire. Enfin, on termine par la
« Paralysie des nerfs crâniens »). Au maximum, palpation et une biopsie après avoir pulvérisé un anes-
l’extension gagne l’espace prévertébral. thésique local.

Principe du traitement
En Asie du Sud-est, des chirurgies sont parfois
proposées. Mais en France, le traitement repose
sur l’irradiation exclusive avec modulation
d’intensité associée ou non à une chimiothérapie
concomitante par sels de platine. Dans la plupart
des cas, l’irradiation inclut les aires ganglionnaires
Ib à V des deux côtés et les ganglions rétropha-
ryngés.
Chez ces sujets relativement jeunes, souvent
Vidéo e3.2. Cancer gingival supérieur droit.
guéris, se pose le risque de toxicité à long terme
Ce cancer occupe toute la face vestibulaire de la gencive
de la radiothérapie : supérieure droite avec peut-être extension à la commis-
• paralysie des nerfs crâniens et séquelles neurolo- sure intermaxillaire.
giques dans 40 % des cas ;
• cou très fin avec télangiectasies et trismus ;
• surdité post-radique.
Les organes à risque de la région sont nom-
breux et la radiothérapie particulièrement déli-
Chapitre 3. Cancers ORL autres que ceux du larynx et de l’hypopharynx 61

Vidéo e3.3. Cancer de l’amygdale. Vidéo e3.4. Cancer de l’amygdale métachrone.


L’extension de ce cancer à la loge amygdalienne droite Ce patient présente un cancer de la partie basse de la
est particulièrement difficile à évaluer, car il y a un trismus loge amygdalienne gauche débordant sur le sillon amyg-
signant l’extension au muscle ptérygoïdien interne. daloglosse et le pilier antérieur. La difficulté thérapeutique
est qu’il avait déjà été opéré d’une laryngectomie totale
plusieurs années auparavant sans aucune récidive locale.
C’est donc un cancer de l’amygdale métachrone.
Chapitre 4
Masses et tuméfactions cervicales
Points forts d’hyperthyroïdie. En revanche, le dosage de la
j Une tumeur médiane du cou chez un enfant TSH et une calcitoninémie restent indispensables.
évoque un reliquat embryonnaire. Quand le bilan étiologique est négatif :
j Une masse latérale du cou chez un adulte • il faut proscrire la biopsie en quartier d’orange
évoque une adénopathie cervicale métastatique
sous anesthésie locale, car ce geste crée une
d’un carcinome épidermoïde des voies
aérodigestives supérieures (VADS).
effraction capsulaire, entraînant une flambée
j La fibroscopie nasopharyngée à la recherche néoplasique avec perméation cutanée et pro-
d’une porte d’entrée et de signes de compression nostic catastrophique ;
est le premier examen à effectuer. • si une TEP est rapidement disponible, on peut
j En l’absence de porte d’entrée, faire une cervicotomie recourir à la recherche d’une hyperfixation au
exploratrice pour examen anatomopathologique 18F-FDG pour trouver une porte d’entrée
en extemporané et éventuellement traitement infraclinique ;
chirurgical dans le même temps opératoire. • en tout cas, il faudra pratiquer une cervicotomie
La chirurgie de la thyroïde expose aux
exploratrice sous anesthésie générale avec
j

paralysies des cordes vocales.


j La chirurgie de la parotide expose
examen anatomopathologique en extempo-
aux paralysies faciales. rané. Si le traitement est chirurgical, il est effec-
j Une tumeur parotidienne unilatérale, isolée, tué dans le même temps opératoire : évidement
d’évolution lente, évoque un adénome ganglionnaire, thyroïdectomie, parotidectomie,
pléomorphe susceptible de dégénérer. etc. Cette cervicotomie doit donc être pratiquée
j Une tumeur de la parotide avec paralysie par un chirurgien entraîné à toute la chirurgie
faciale évoque un cancer. du cou. Le malade doit aussi être averti de la
j Une tuméfaction salivaire gonflant à chaque possibilité d’une intervention plus importante.
repas évoque un calcul salivaire.
j La parotidite infectieuse du patient
grabataire évoque une déshydratation.
Masses et tuméfactions
L’origine des masses et tuméfactions cervicales est cervicales médianes
très variée. Le diagnostic est fonction de la situa-
tion de la masse par rapport à la ligne médiane L’examen clinique doit situer la tuméfaction par
et en hauteur, par rapport à l’os hyoïde. Le bilan rapport à l’os hyoïde, au cricoïde et au sternum.
clinique repose d’abord sur la palpation cervicale, Il doit aussi apprécier sa mobilité lors de la déglu-
la fibroscopie nasopharyngée et l’examen des tition et lors de la protraction de la langue. Enfin,
paires crâniennes (X, XI, XII) et du sympathique il faut noter l’état de la peau en regard. Les lésions
cervical (encadré 4.1). seront envisagées de haut en bas.
En présence d’une grosseur du cou, l’échogra-
phie, la cytoponction et l’IRM sont essentielles.
Par exemple, l’indication de parotidectomie Au-dessus de l’os hyoïde :
repose sur l’échographie et la cytoponction. Le kyste dermoïde
dépistage du cancer thyroïdien repose sur la
cytoponction. Le bilan thyroïdien ne nécessite Cette tumeur bénigne est une formation kys-
plus de scintigraphie thyroïdienne, sauf en cas tique congénitale asymptomatique, découverte
Guide d'ORL
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64 ORL thématique

Encadré 4.1

Bilan devant une masse cervicale


• Questions clés :
– apparition brutale (kyste amygdaloïde)
ou progressive (adénome pléomorphe,
adénopathie métastatique) ;
– ancienneté : moins de 3 semaines (masse
aiguë) ou plus de 6 semaines (masse chro-
nique) ;
– rôle aggravant des règles ou de la gros-
sesse (pathologie thyroïdienne) ;
Figure 4.1. Kyste dermoïde sus-hyoïdien. Exérèse.
– douleurs (origine inflammatoire) ou non
(origine tumorale) ;
– existence de fluctuations (origine
embryonnaire) ; Entre l’os hyoïde
– signes associés : dysphonie et dyspnée et le cartilage thyroïde
(compression laryngée) ;
Le kyste du tractus thyréoglosse (KTT) est la
– ablation récente d’un nævus du cuir che-
velu ou chirurgie de la rétine (mélanome). malformation congénitale cervicale la plus fré-
• Examen du cou : quente.
– patient assis sur un tabouret, médecin
debout ; Embryologiquement
– dégager les régions scapulaires et axillaires ; La thyroïde migre au cours des premières semaines
– inspection de face, palpation de dos de la vie embryonnaire, depuis la base de langue
(chaînes ganglionnaires, cf. fig. 3.1).
jusqu’à la hauteur du 2e anneau trachéal. Dans
• La grosseur est-elle :
ce trajet, elle suit le canal thyréoglosse de Boch-
– mobile ? infiltrée ? → Maligne ou inflam- dalek qui développe des rapports étroits avec l’os
matoire ;
hyoïde. Le canal régresse ensuite complètement
– fistulisée ? → Écrouelles de la tuberculose ;
en laissant deux vestiges : le foramen cæcum en
– battante avec souffle à l’auscultation ?
haut et la pyramide de Lalouette en bas.
→ Tumeur vasculaire contre-indiquant la
cytoponction.
Deux malformations peuvent se produire,
• Consistance :
parfois associées :
– ferme (origine tissulaire) ;
• la première est l’absence de migration, laissant
une thyroïde ectopique restée sous la base de
– rénitente (kyste) ;
langue à proximité du foramen cæcum. Elle
– molle (lymphoïde) ;
réalise une masse découverte à l’occasion d’une
– réductible avec gargouillement (tumé-
faction aérique). hypothyroïdie ou d’une dysphagie. Le diagnos-
• Compléments :
tic est scintigraphique (iode 131) ou scanogra-
– VS-NFS-VIH-intradermo-réaction à la
phique ;
tuberculine ; • la seconde est la persistance d’une partie du
– échographie. canal d’où peut naître un kyste : le KTT.

avant l’âge de 3 ans. Elle contient des poils, de la Cliniquement


graisse et des glandes sébacées. Sa topographie est Dans la plupart des cas, le kyste se manifeste dans
médiane (fig. 4.1), car c’est le résultat d’une inclu- l’enfance ou chez l’adulte jeune et plus rarement
sion d’ectoderme lors de la fusion des premiers arcs ensuite. Il se forme parfois brutalement après une
branchiaux. L’examen TDM montre ses différents pharyngite. Le diagnostic est évoqué devant une
constituants : graisse, tissus mous, voire des dents. masse cervicale indolore, arrondie, médiane ou
Chapitre 4. Masses et tuméfactions cervicales 65

Figure 4.2. Kyste du tractus thyréoglosse (KTT).


A. Formation de la thyroïde et du canal de Bochdalek. B. KTT surinfecté chez une enfant de 8 ans. C. Coupe tomogra-
phique sagittale. D. Traitement chirurgical : le crochet tracte le kyste surmonté du corps de l’os hyoïde, tandis que le
tractus thyréoglosse disséqué se tend jusqu’à la base de langue. 1 : base de langue ; 2 : foramen cæcum ; 3 : tractus
thyréoglosse ; 4 : cartilage thyroïde ; 5 : pyramide de Lalouette ; 6 : épiglotte ; H : os hyoïde ; K : kyste.

paramédiane, située en avant et en dessous de • En cas d’orifice cutané, une fistulographie


l’os hyoïde auquel elle est fixée (fig. 4.2). Elle peut être pratiquée pour visualiser le trajet en
ascensionne à la protraction de la langue. siphon en arrière puis en avant du corps de l’os
En l’absence d’exérèse, le kyste évolue vers hyoïde jusque dans la base de langue.
la surinfection. La peau qui le recouvre devient
inflammatoire. Les antibiothérapies se succèdent, Traitement chirurgical
de moins en moins efficaces. Le kyste finit par Il repose sur l’exérèse du kyste avec le canal
fistuliser. thyréoglosse et le corps de l’os hyoïde. L’abord
est une cervicotomie médiane transversale. La
Examens complémentaires portion intralinguale du canal est disséquée en se
• L’échographie permet d’affirmer la nature kys- guidant sur un doigt placé dans la bouche refou-
tique de la lésion et de vérifier que la glande lant le foramen cæcum (manœuvre de Sistrunk).
thyroïde est bien en place. Ce serait dramatique Le diagnostic doit être confirmé histologique-
de confondre une thyroïde ectopique avec un ment sur la pièce opératoire. Les récidives sont
kyste conduisant à son ablation. fréquentes en cas de formes fistulisées à la peau.
66 ORL thématique

En avant et de part et d’autre Échographie


du cricoïde et des premiers Pour éviter les chirurgies inutiles, elle doit être
anneaux trachéaux réalisée par un opérateur expérimenté. Les signes
en faveur de la malignité sont la présence de
Les pathologies thyroïdiennes se présentent sous microcalcifications, de contours irréguliers, d’une
la forme d’un nodule palpable, d’un goitre diffus hypervascularisation centrale et d’un aspect hypo-
avec ou sans nodules, d’une thyroïdite et rarement échogène comparé au parenchyme thyroïdien
sous forme d’une tumeur maligne infiltrante. sain. Les signes en faveur de la bénignité d’un
nodule sont un aspect kystique ou en éponge,
Bilan clinique une vascularisation purement périphérique, un
Il s’agit presque sûrement d’une lésion thyroï- caractère iso- ou hyperéchogène et des macro-
dienne lorsque la masse est mobile à la dégluti- calcifications témoignant d’un goitre ancien.
tion. Il faut apprécier le refoulement du larynx Les aires ganglionnaires cervicales doivent être
qu’il ne faut pas prendre pour de la tumeur. examinées.
Une adénopathie satellite est recherchée dans les
aires III et IV (cf. infra). Une laryngoscopie sys- Cytologie
tématique étudie la mobilité des cordes vocales. La cytoponction est une ponction à l’aiguille fine
Une simple parésie ne s’accompagne pas toujours guidée par échographie avec lecture immédiate
de dysphonie. Une paralysie brutale et complète des frottis. C’est l’examen le plus sensible et
se caractérise par une voix bitonale. le plus spécifique pour déterminer la nature
bénigne ou maligne d’un nodule thyroïdien.
Bilan biologique Elle est préconisée pour tout nodule de taille
supérieure à 15 mm. En cas de facteur de risque
Thyréostimuline hypophysaire (TSH)
de cancer thyroïdien (cf. infra), cette limite
Son dosage sanguin est normal dans la plupart est baissée à 5 mm. Les résultats sont reportés
des cas (euthyroïdie). Si la TSH est basse, selon la classification « de Bethesda », évaluant
c’est en faveur d’une thyroïdite nécessitant le risque de cancer et recommandant la conduite
un dosage d’anticorps antithyroperoxydase et à tenir. Il existe aussi des tests diagnostiques
antithyroglobuline. En cas de TSH élevée, une s’appuyant sur un profil d’expression génétique
scintigraphie thyroïdienne (au technétium 99 pour diminuer le taux de résultats douteux
ou iode 123) est indiquée. Elle permet de incitant à la chirurgie.
reconnaître un nodule chaud isolé (« hyper-
fixant »), un goitre hétéronodulaire associant Formes cliniques des goitres
des nodules chauds et froids ou une maladie de
Basedow (hyperfixation diffuse et homogène). Hyperplasie simple
La cytoponction n’est indiquée que pour les Elle est fréquente chez la femme au moment de
nodules froids, car moins de 1 % des nodules la puberté et lors de la ménopause. Elle doit être
chauds sont malins. respectée.

Calcitoninémie Goitre multinodulaire


Son dosage systématique est recommandé pour La ponction cytologique échoguidée est indi-
assurer un diagnostic précoce des carcinomes quée pour les nodules dominants ou les nodules
médullaires de la thyroïde (cf. partie 2, fiche suspects à l’échographie. Classiquement, il
« Paragangliomes temporaux »). Cependant, il ne nécessite de chirurgie totale que lorsqu’il
existe des cas de faux positifs de la calcitonine, devient compressif (fig. 4.3) ou en cas de
en particulier iatrogéniques (oméprazole, bêta- goitre plongeant dans le thorax, nécessitant une
bloquants, glucocorticoïdes). sternotomie.
Chapitre 4. Masses et tuméfactions cervicales 67

Figure 4.3. Goitre multinodulaire compressif.


A. Profil de la patiente. B. Croisement du nerf récurrent droit et de l’artère thyroïdienne inférieure. C. Nerf récurrent gauche
divisé précocement, situé dans l’angle trachéo-œsophagien et pénétrant sous le cartilage thyroïde. D. Pièce de thyroïdec-
tomie totale dont la taille peut être évaluée en se basant sur le diamètre d’une alliance. At : artère thyroïdienne inférieure ;
Pa : parathyroïde ; PL : pyramide de Lalouette ; Ré : nerf récurrent.

Maladie de Basedow d’ostéoporose. Un nodule bénin ne se trans-


Elle peut donner lieu à des gestes chirurgicaux forme pas en cancer. Si c’en est un, il l’est
en cas d’échec du traitement médical ou chez la d’emblée. S’il est purement kystique, il peut
femme jeune ayant un désir de maternité contre- être simplement ponctionné et vidé.
indiquant l’iode radioactif. • En cas de nodule chaud, le traitement peut être
chirurgical ou par l’iode radioactif. L’avantage
Thyroïdites d’origine auto-immune de l’iode radioactif est de ne pas prendre le
(de Hashimoto, de Guerlain) risque d’une paralysie récurrentielle. À l’inverse,
Ce ne sont pas des indications chirurgicales, sauf des doses importantes d’iode radioactif présen-
la thyroïdite ligneuse de Riedel ou goitre de fer tent le risque de cancer radio-induit.
comprimant les deux nerfs récurrents avec para-
lysie récurrentielle bilatérale en fermeture entraî- Nodule suspect
nant l’asphyxie (cf. partie 2, fiche « paralysies S’il y a suspicion de carcinome folliculaire (ou
récurrentielles »). vésiculaire), le diagnostic est difficile sur la seule
cytoponction. Une chirurgie à visée diagnos-
Nodule bénin tique est souvent nécessaire : lobectomie du côté
• Le plus souvent, il s’agit d’un adénome banal atteint avec examen anatomopathologique de la
non sécrétant. Le traitement par L-thyroxine pièce opératoire. Si la réponse n’a pas pu être
dans le but de « freiner » sa croissance est donnée en extemporané, une totalisation peut
inutile et présente un risque d’effets secondaires être pratiquée secondairement sans effet péjoratif
à type de trouble du rythme cardiaque et sur le pronostic.
68 ORL thématique

Cancer différencié Chirurgie des goitres


Certains signes cliniques militent d’emblée en sa Quelle que soit la chirurgie thyroïdienne propo-
faveur : sée, il faut informer le patient des risques post-
• caractère infiltrant du goitre ; opératoires de troubles de la voix, de troubles de
• paralysie d’une corde vocale (paralysie récurren- la déglutition, d’hématome compressif et d’hypo-
tielle) ; calcémie.
• présence d’adénopathies cervicales ; • En cas de microcancer papillaire unifocal sans
• augmentation de volume récente, rapide avec adénopathie suspecte, une lobectomie est suffi-
contexte inflammatoire. sante avec dissection du nerf récurrent jusqu’à
Modalités cliniques attachées aux variétés ana- son entrée dans le larynx (fig. 4.4). Le lobe res-
tomopathologiques : tant doit être surveillé (vidéo 4.1 ).
• le cancer folliculaire donne des métastases par • Dans les carcinomes différenciés de taille supé-
voie hématogène (poumon et os). Il fixe bien rieure à 10 mm, le traitement repose sur la
l’iode radioactif ; thyroïdectomie totale avec exploration gan-
• le cancer papillaire est très lymphophile et glionnaire bilatérale, complétée ou non d’évi-
donne fréquemment des métastases ganglion- dement ganglionnaire complet, y compris la
naires cervicales révélatrices. La radiologie met chaîne récurrentielle. L’envahissement trachéal
parfois en évidence des calcosphérites. Il ne fixe pose de difficiles problèmes thérapeutiques,
pas l’iode radioactif. L’évolution est longue : parfois seulement justiciables de traitements
10 à 20 ans. endoscopiques palliatifs.
• L’administration d’iode radioactif n’est vrai-
Cancer indifférencié (ou anaplasique)
ment utile que dans les cancers vésiculaires.
Il ne représente en France que 100 nouveaux La stimulation par la TSH avec scintigraphie
cas par an, mais il est responsable de 50 % de la
mortalité par cancer de la thyroïde. La tumeur
augmente rapidement de volume, devenant volu-
mineuse avec signes compressifs : dyspnée et dys-
phagie imposant la trachéotomie. Les métastases
pulmonaires, osseuses, hépatiques et cérébrales sont
souvent présentes d’emblée. Le diagnostic repose
sur la microbiopsie sous anesthésie locale. La chi-
rurgie est rarement réalisable. L’iode radioactif n’a
aucune indication. Malgré la radio-chimiothérapie,
la médiane de survie est de trois mois.
Cancer médullaire (CMT)
Il fait partie des apudomes se développant à partir
des cellules C et représentant 5 % des cancers
de la thyroïde. Cliniquement, il s’accompagne
d’une diarrhée évocatrice. Biologiquement, il y a Figure 4.4. Coupe horizontale du larynx illustrant la
une élévation de l’antigène carcino-embryonnaire pénétration laryngée du nerf récurrent.
et du taux de calcitonine (CT). Dans un quart 1 : arcade fibreuse du muscle constricteur inférieur ; 2 :
des cas, il s’agit d’un cancer héréditaire auto- membrane fibreuse crico-thyroïdienne ; 3 : muscle crico-
thyroïdien ; 4 : cartilage cricoïde ; 5 : muscle constricteur
somique dominant à pénétrance variable, lié à inférieur du pharynx ; 6 : faisceau crico-pharyngien du
une mutation germinale du proto-oncogène RET constricteur inférieur ; 7 : œsophage ; 8 : petite corne du
(rearranged during transfection). L’incidence de cartilage thyroïde ; 9 : nerf récurrent ; 10 : pharynx.
Tran Ba Huy P., Kania R. Thyroïdectomie. EMC, Paris (Elsevier Masson),
métastases ganglionnaires est liée au taux préopé- Techniques chirurgicales Tête et cou, Thyroïdectomie, 2004, p. 6,
ratoire de CT. fig. 9 [Article 46-460].
Chapitre 4. Masses et tuméfactions cervicales 69

corps entier couplée à la tomodensitométrie Masses et tuméfactions


visualise les régions qui fixent de l’iode. cervicales latérales
L’objectif est de détecter et de détruire
tout reliquat de tissu thyroïdien normal, les
Il y a deux hypothèses principales :
foyers tumoraux restants et les métastases à
• on est en présence d’une tumeur mixte de la
distance.
parotide, ou plus rarement d’une tumeur mixte
• En cas de métastase, l’utilisation de chimio-
de la glande submandibulaire. Les diagnostics
thérapies avec activité antityrosine kinase est
de sialite et de sialose sont très différents dans
intéressante. L’utilisation de molécules ciblant
ce cas ;
les récepteurs du facteur de croissance de
• on est en présence d’une adénopathie cervicale,
l’endothélium vasculaire ou le récepteur du
métastase d’un cancer des VADS. Les diagnos-
facteur de croissance de l’épiderme est en cours
tics de tumeur du glomus carotidien, de kyste
de développement (cf. partie 2, fiche « Biologie
amygdaloïde, de laryngocèle ou de diverticule
tumorale et carcinogenèse »).
œsophagien sont très différents dans ce cas.

Tumeurs sus-sternales
Masse latérale et très haut située
Dans l’espace sus-sternal de Grüber peuvent se
Nature parotidienne de la lésion
développer des kystes dermoïdes et des lipomes.
Elles ressemblent à des tumeurs de l’isthme de Elle se reconnaît au fait que le lobule est déjeté
la thyroïde, mais elles ne « montent » pas à la en dehors et que l’espace situé entre le tragus
déglutition. et la mandibule est comblé (fig. 4.5). Quand

Figure 4.5. Adénome pléomorphe de la parotide droite.


A. Tumeur arrondie déjetant le lobe de l’oreille et comblant le sillon rétromandibulaire. B. Tracé de l’incision de parotidec-
tomie et zone de dissection (en rose).
B. Petelle B., Sauvaget E., Tran Ba Huy P. Parotidectomies. EMC, Paris (Elsevier Masson) Techniques Chirurgicales Tête et cou, 2003,
p. 2, fig. 1 [Article 46-510].
70 ORL thématique

la lésion siège dans le prolongement antérieur composante cellulaire (épithéliale et myo-épithé-


de la parotide, c’est un nodule situé sous la liale) avec une composante conjonctive myxoïde.
peau en regard de la branche montante de • Son mode évolutif est lent, sur plusieurs années,
la mandibule. Il faut rechercher la présence aboutissant à des tumeurs volumineuses. La
d’une paralysie faciale, même minime. En cas présence d’une paralysie faciale, si partielle soit-
de tumeur siégeant dans le lobe profond de la elle, ferait réviser le diagnostic ou ferait craindre
parotide, l’examen de l’oropharynx montre un sa dégénérescence maligne.
refoulement en dedans de la loge amygdalienne • L’échographie suffit à poser l’indication opé-
et de son pilier antérieur. ratoire en montrant l’aspect caractéristique :
tumeur tissulaire hypo-échogène, bien limitée,
Bilan paraclinique lobulée avec un renforcement postérieur. Elle
• L’échographie confirme le siège intraparotidien est peu vascularisée en écho-Doppler. La cyto-
en éliminant une adénopathie du groupe IIA ponction n’est pas indispensable.
• La TDM montre parfois des calcifications.
(sous-digastrique) et une tumeur de la partie
• L’IRM montre une lésion aux contours lobu-
postérieure de la glande submandibulaire
lés, en franc hypersignal T2 homogène avec
(cf. infra). Elle différencie les masses localisées
hyposignal T1. L’étude ADC en IRM montre
des hypertrophies diffuses de la parotide. Elle
un coefficient élevé. Après injection de gado-
distingue les zones tissulaires des zones kys-
linium, les séquences dynamiques montrent,
tiques. Elle cherche des éléments en faveur de
dans 75 % des cas, un pic retardé avec rehaus-
la malignité : contours irréguliers, hypervas-
sement progressif (type A) :
cularisation au Doppler, présence d’adénopa-
– la présence d’une hypercellularité en IRM fait
thies satellites de plus de 15 mm avec hile non
craindre une dégénérescence maligne ;
échogène.
– elle se caractérise par la perte de l’hypersignal
• La cytoponction à l’aiguille fine (25 à 27 Gauge)
T2, un rehaussement hétérogène après injec-
sous contrôle échographique permet d’appré-
tion de produit de contraste et une baisse de
cier le caractère malin avec une sensibilité de
l’ADC.
80 % et une spécificité de 95 %.
• La chirurgie tient compte du fait que l’adénome
• L’IRM est réalisée avec des séquences pour
pléomorphe reste limité au lobe superficiel dans
mesurer le coefficient apparent de diffusion
90 % des cas (fig. 4.6). Compte tenu du carac-
(ADC). L’injection de gadolinium permet
tère multilobé de la tumeur, une simple énu-
des séquences dynamiques étudiant le pic de
cléation conduirait à la récidive. Le traitement
rehaussement et le wash out (élimination du
est donc le plus souvent une parotidectomie
produit de contraste). Les séquences de sialo-
superficielle exofaciale. L’ablation supplémen-
IRM en coupes fines inframillimétriques T2
taire du lobe profond n’est obligatoire que si
haute résolution remplacent même la sialogra-
l’exérèse ne reste pas suffisamment à distance
phie dans les pathologies canalaires obstruc-
de la lésion. L’analyse anatomopathologique
tives. Si on les associe, la cytoponction et l’IRM
extemporanée doit confirmer le diagnostic.
sont complémentaires avec une sensibilité de
Une paralysie faciale transitoire peut survenir
près de 100 % pour la parotide.
en cas de dissection difficile (vidéo 4.2 ).
• L’apparition d’un syndrome de Frey postopé-
Adénome pléomorphe ratoire est fréquente. Ce syndrome consiste en
C’est la plus fréquente des tumeurs bénignes de écoulements de sueur survenant au moment des
la parotide. Le risque de dégénérer en adéno- repas dans la zone opératoire. C’est le résultat
carcinome serait plus proche de 3 à 5 % que des de la section des filets du nerf facial destinés à la
25 % classiques. C’est ce risque qui impose une glande qui repoussent et innervent les glandes
sanction chirurgicale. L’adénome pléomorphe est sudoripares cutanées. Des traitements par injec-
encore appelé tumeur mixte du fait d’une double tion de toxine botulique ont été proposés.
Chapitre 4. Masses et tuméfactions cervicales 71

Figure 4.6. Parotidectomie totale.


L’intervention commence par le repérage du nerf facial à la sortie du foramen stylo-mastoïdien jusqu’à sa division. Puis on
dissèque ses branches jusqu’aux plus fines en soulevant le lobe superficiel. A. Nerf facial (VII) avec sa branche supérieure
temporo-faciale et sa branche inférieure cervico-faciale. La dissection minutieuse est poursuivie jusqu’aux rameaux à des-
tinée zygomatique et buccale supérieure pour la première et jusqu’aux rameaux à destinée mentonnière et cervicale pour
la seconde. B. Résultat après exérèse du lobe superficiel suivie d’exérèse du lobe profond.
A. Petelle B., Sauvaget E., Tran Ba Huy P. Parotidectomies. EMC, Paris (Elsevier Masson), Techniques Chirurgicales Tête et cou, 2003, p. 7, fig. 9
[Article 46-510].

Autres tumeurs parotidiennes bien vascularisée au Doppler avec des cloisons


La richesse de la pathologie de la région paroti- donnant un aspect kystique. En TDM, c’est
dienne vient de ce qu’on y trouve tous les dérivés une hyperdensité spontanée. En IRM, un hyper-
des trois feuillets embryologiques : ectoderme, signal T1 correspondant aux portions kystiques
endoderme et mésoderme. Tout type de tumeur est évocateur. Après injection de gadolinium, les
peut donc y être rencontré : tumeur épithé- séquences dynamiques montrent un pic précoce
liale, tumeur glandulaire, tumeur myo-épithéliale et un lavage rapide (type B). La cytoponction,
conjonctive myxoïde, tumeur vasculaire, nerveuse en accord avec l’imagerie, confirme le diagnostic.
et graisseuse. Enfin, la parotide possède anatomi- Il n’y a pas de risque de dégénérescence. L’abs-
quement en son sein des structures lymphoïdes tention chirurgicale peut s’envisager.
donnant naissance au cystadénolymphome, au Cancer de la parotide
lymphome dans sa forme ganglionnaire, aux
Les principaux cancers de la parotide sont les épi-
métastases ganglionnaires, aux kystes lympho-
théliomas malpighiens, les épithéliomas glandu-
épithéliaux rencontrés lors d’une séroconversion
laires, les cylindromes, les métastases d’un cancer
au VIH, etc. (cf. partie 2, fiche « Pathologie
ORL au sein d’un ganglion parotidien, etc. Ils
tumorale salivaire »).
sont suspectés sur leur caractère infiltrant, leur
Cystadénolymphome (adénolymphome extension rapide et surtout sur l’apparition d’une
ou tumeur de Warthin) paralysie faciale périphérique.
En fréquence, c’est la seconde tumeur bénigne de
la glande parotide. Elle associe des portions kys- Autres diagnostics
tiques et tissulaires avec une composante cellulaire Les sialites parotidiennes désignent une infec-
épithéliale et lymphoïde. Il s’agit souvent d’un tion ou une inflammation de la glande parotide
homme autour de la soixantaine, grand fumeur. À (cf. partie 2, fiche « Sialendoscopie »). Une
la palpation, le cystadénolymphome est ovalaire, sialadénite est une inflammation à point de départ
de consistance molle, typiquement situé au pôle parenchymateux. Une sialadochite est une inflam-
inférieur et souvent bilatéral. En échographie, mation à point de départ canalaire (lithiase ou
il existe une composante tissulaire hétérogène sténose). Les sialites lithiasiques de la glande
72 ORL thématique

parotide sont trois fois moins fréquentes que Tumeurs


celles de la glande sous-mandibulaire. La paroti- La masse est dure et lentement croissante. L’adé-
dite récidivante de l’enfant se rencontre régulière- nome pléomorphe est moins fréquent que dans
ment. Son origine reste mystérieuse, elle disparaît la pathologie parotidienne, mais le risque de
généralement vers l’âge de 12 à 14 ans. dégénérescence est plus grand. Sur un terrain
La parotidite bactérienne survient généra- alcoolo-tabagique, il faut évoquer la métastase
lement chez un patient déshydraté grabataire ganglionnaire d’un épithélioma malpighien de la
ou au décours d’une intervention chirurgicale. cavité buccale qu’il faut soigneusement recher-
La tuméfaction parotidienne apparaît brutale- cher. Ces adénopathies diffèrent des lésions glan-
ment. Lorsqu’on appuie sur la glande et qu’on dulaires par le fait qu’elles ne sont pas palpables
examine la face interne de la joue, on voit par le toucher endobuccal.
sourdre du pus au niveau de l’orifice du canal L’exérèse de la glande sous-mandibulaire est
de Sténon. Le traitement repose sur 1’antibio- moins stressante que la parotidectomie. Il existe
thérapie visant les germes anaérobies et surtout néanmoins deux dangers nerveux. La blessure du
sur la réhydratation pour rétablir un bon flux rameau marginal de la mandibule (anciennement
salivaire. rameau mentonnier du nerf facial) doit être évitée
Les sialoses désignent une augmentation de en pratiquant l’incision cervicale horizontale à
volume chronique de plusieurs glandes sali- 4 cm en dessous du rebord mandibulaire. Quant
vaires (dont la parotide) avec sécheresse buccale au nerf lingual, il est repéré lorsqu’il pénètre sous
et oculaire (syndrome sec) (cf. partie 2, fiche le muscle mylo-hyoïdien (fig. 4.8).
« Pathologie salivaire parotidienne non tumo-
rale »). Il y a presque toujours une pathologie
générale sous-jacente. La sarcoïdose ou maladie Pathologie inflammatoire
de Besnier-Boeck-Schaumann (BBS) associe Elle domine.
une hypertrophie parotidienne bilatérale, une
uvéite et une paralysie faciale dans le syndrome Ostéophlegmon d’origine dentaire
de Heerfordt. En cas d’association avec une C’est le cas le plus fréquent. La tuméfaction s’étend
atteinte des glandes lacrymales, c’est le syn- de façon rapide avec douleurs et adhérences à l’os
drome de Mikulicz. Le syndrome de Gouge- mandibulaire. Les soins odontologiques et anti-
rot-Sjögren entre dans le cadre des maladies biotiques résolvent habituellement l’affaire. Après
auto-immunes. l’extraction de la dent en cause, une cellulite
cervicale à anaérobies peut survenir, favorisée par la
prise d’anti-inflammatoires non stéroïdiens.
Masse de la région
sous-maxillaire Lithiase salivaire
L’aspect clinique caractéristique est l’évolution
Elle siège sous le rebord mandibulaire et sa mobi-
par crises douloureuses de colique salivaire. La
lité par rapport à l’os doit être évaluée (fig. 4.7).
glande gonfle au cours de chaque repas (hernie
salivaire), mais dégonfle entre eux. Le palper
endobuccal découvre le calcul au niveau du plan-
cher de la bouche. Sa présence est confirmée
par l’échographie cervicale montrant le retentis-
sement de la lithiase du Wharton sous forme d’un
cône d’ombre postérieur avec dilatation canalaire
en amont. L’exérèse sous guidage endoscopique
n’est possible que si la lithiase est mobile dans
le canal (fig. 4.9). Sinon, l’exérèse est tentée par
Figure 4.7. Masse tumorale de la loge sous-mandibulaire. incision endobuccale sous anesthésie locale.
Chapitre 4. Masses et tuméfactions cervicales 73

Figure 4.8. Loge sous-mandibulaire.


A. Anatomie. B. Chirurgie à ciel ouvert. 1 : glande parotide (pôle inférieur) ; 2 : trajet du nerf facial (rameau marginal mandibu-
laire) ; 3 : nerf lingual ; 4 : veine jugulaire externe ; 5 : veine jugulaire interne ; 6 : sterno-cléido-mastoïdien ; 7 : artère faciale ;
8 : veine faciale ; 9 : muscle mylo-hyoïdien ; 10 : ventre antérieur du muscle digastrique ; 11 : glande sous-mandibulaire.
A. Delas B., Dehesdin D. Chirurgie de la glande sous-mandibulaire. EMC, Paris (Elsevier Masson), Techniques chirurgicales – Tête et cou, 2009,
p. 2, fig. 1 [Article 46-539].

intraglandulaires. L’évolution se fait vers une


glande scléro-atrophique indurée pseudo-tumorale.
La sous-maxillectomie peut être nécessaire.

Autres pathologies de la glande


sous-mandibulaire
Sialite infectieuse, auto-immune, sous-maxillites
« iodées », etc. (cf. partie 2, fiche « Pathologie
salivaire submandibulaire non tumorale »).

Masse cervicale soulevant le


muscle sterno-cléido-mastoïdien
À tous les âges de la vie, une masse cervicale
unique fait penser d’emblée à une métastase gan-
glionnaire. C’est ainsi que sont souvent révélées
toutes sortes de tumeurs cancéreuses primitives.
Le cas d’adénite aiguë de l’enfant sera décrit
dans le chapitre 11. Les poly-adénopathies de la
Figure 4.9. Abord du canal de Wharton sous guidage
endoscopique. rubéole, de la toxoplasmose, de la maladie des
1 : frein de la langue ; 2 : ouvre-bouche ; 3 : sialolithe ; 4 : griffes du chat, les adénites tuberculeuses et ses
sialendoscope. écrouelles font partie d’un tableau à symptomato-
Delas B., Dehesdin D. Chirurgie de la glande sous-mandibulaire.
EMC, Paris (Elsevier Masson), Techniques chirurgicales – Tête et cou, logie générale, infectieux ou ORL.
2009, p. 6, fig. 8 [Article 46-539].
La masse siège sur un site lymphatique
Ailleurs, la lithiase augmente progressivement de Au niveau du cou, les lymphatiques forment deux
taille dans le bassinet de la glande, ne se manifestant figures géométriques : le cercle des lymphatiques
que par des inflammations à répétition. L’échogra- superficiels de Cunéo et le triangle des lympha-
phie montre une dilatation modérée des canaux tiques profonds de Rouvière (encadré 4.2).
74 ORL thématique

Encadré 4.2

Lymphatiques cervicaux et leurs aires de drainage (côté gauche)


Cercle de Cunéo : AB. Chaîne jugulo-carotidienne (thyroïde,
lymphatiques superficiels larynx, hypopharynx, œsophage).
1. Groupe occipital (rubéole, toxoplasmose et AC. Chaîne spinale (scalp postérieur, pavillon
mononucléose infectieuse). d’oreille postérieur, cavum). Dans un curage
2. Groupe mastoïdien (lésions du scalp moyen). ganglionnaire, le sacrifice du nerf spinal entraîne
3. Groupe parotidien (scalp antérieur, front, une paralysie du muscle trapèze avec chute du
parotide). Si conjonctivite associée : syndrome moignon de l’épaule.
de Parinaud. BC. Chaîne cervicale transverse : en cas
4. Groupe sous-maxillaire (nez, face, sinus, d’adénopathie susclaviculaire gauche, risque
cavité buccale, glande sous-mandibulaire). de métastase ganglionnaire d’un cancer sous-
5. Groupe sous-mental (plancher buccal, lèvre diaphragmatique digestif, gynécologique ou
inférieure, gencive inférieure). néphrologique en raison de l’abouchement à
ce niveau du canal thoracique (T = ganglion de
Triangle de Rouvière : Troisier). En cas d’adénopathie susclaviculaire
lymphatiques profonds droite, risque de métastase d’un cancer du
A. Groupe sous-digastrique (cavité buccale, poumon (abouchement de la grande veine lym-
oropharynx, cavum, hypopharynx, larynx sus- phatique thoracique).
glottique).

Systématisation des ganglions du cou.


Zanaret M., Paris J., Duflo S. Évidements ganglionnaires cervicaux. EMC, Paris (Elsevier Masson), Techniques chirurgicales – Tête et Cou,
2005 [Article 46-470].

Bilan étiologique alcoolo-tabagique et rechercher un carcinome


Examen ORL épidermoïde. Il faut également être vigilant chez
un patient originaire du Maghreb ou de l’Asie du
Il constitue le pivot de la démarche diag-
nostique en recherchant une porte d’entrée Sud-Est et rechercher un carcinome indifférencié
néoplasique sur les voies aérodigestives supé- du cavum. En tout cas, aucune biopsie en quartier
rieures. Il faut être particulièrement vigilant d’orange ne sera effectuée avant qu’un bilan ORL
lorsque cette adénopathie survient sur un terrain complet n’ait eu lieu (encadré 4.3).
Chapitre 4. Masses et tuméfactions cervicales 75

Encadré 4.3

Conséquence d’une biopsie en quartier d’orange sur l’adénopathie


métastatique d’un cancer ORL
Elle provoque une rupture iatrogénique de la
capsule de l’adénopathie, ouvrant la voie à une
extension cutanée. Deux cas illustrent ce principe.
Cas clinique no 1
Patient qui avait consulté pour l’apparition
d’une adénopathie cervicale droite située dans
l’aire IIa d’un diamètre de 3 cm. Elle était
indolore, ferme et grossissait progressivement.
Le patient fumait un paquet par jour depuis
20 ans et buvait quotidiennement des apéri-
tifs alcoolisés. Aucun examen ORL n’avait été
demandé. Une biopsie en quartier d’orange Tissu cicatriciel surmontant la zone biopsiée.
sous anesthésie locale fut effectuée. L’anatomo- Sur cette coupe anatomopathologique, la flèche
pathologie montra qu’il s’agissait de la métas- désigne une tache violacée au sein du cercle pointillé
tase ganglionnaire d’un épithélioma malpighien correspondant à un essaimage métastatique.
bien différencié d’origine probablement ORL. Cas clinique no 2
La fibroscopie nasopharyngée découvrit alors
L’histoire clinique fut identique à celle du cas
une petite lésion asymptomatique du sinus
clinique no 1 à deux différences près. La porte
piriforme droit, justiciable d’une chirurgie
d’entrée de l’adénopathie cervicale métasta-
partielle. Le premier temps opératoire consista
tique était un petit épithélioma de l’amygdale
en un évidement ganglionnaire radical droit. La
gauche. Le patient ne fut adressé en ORL que
zone cutanée entourant la cicatrice de biopsie
trois mois après la biopsie en quartier d’orange
fut laissée attachée au curage ganglionnaire.
devant l’apparition d’une extension cutanée
L’examen anatomopathologique de la colonne
sévère inopérable. C’est probablement ce qui
de tissu conjonctif reliant la cicatrice à l’adé-
serait arrivé dans le cas no 1 s’il n’avait pas été
nopathie métastatique fut effectué à part. Bien
opéré à temps.
que seulement trois semaines se fussent écou-
lées depuis la biopsie, il existait déjà une petite
métastase de quelques millimètres de diamètre.

Premier temps du curage ganglionnaire cervical droit.


Le lambeau cutané a été levé en laissant attachée la zone
cutanée autour de la cicatrice laissée par la biopsie en
quartier d’orange. Av : partie antérieure du curage ; Ar : partie
postérieure ; 1 : muscle digastrique ; 2 : saillie du larynx
recouvert par les muscles sous-hyoïdiens ; 3 : veine jugulaire Envahissement cutané à la suite de la biopsie en quartier
externe ; 4 : relief de l’adénopathie métastatique. Ligne d’orange d’une adénopathie métastatique d’un cancer
pointillée : bord antérieur du muscle sterno-cléido-mastoïdien. de l’amygdale gauche effectuée sous anesthésie locale.
76 ORL thématique

• L’interrogatoire recherche une otalgie discrète


accentuée par la déglutition, une obstruction
nasale unilatérale, une gêne pharyngée, voire
des crachats hémoptoïques.
• Dans une atteinte du groupe I, la langue, le
plancher de bouche, le trigone rétromolaire
et les sillons alvéolo-linguaux sont examinés
scrupuleusement. Le doigt est plus important
que l’œil pour le diagnostic.
• Dans une atteinte du groupe II, l’oropharynx est
plus spécifiquement visé. Par exemple, un petit
cancer de l’amygdale inapparent ou masqué par Figure 4.10. Ganglion de Troisier (flèche).
un pilier antérieur est seulement perceptible au
toucher. C’est aussi le cas d’une ulcération de
Examens complémentaires
la base de langue ou d’une rhagade (fissure)
douloureuse d’un sillon amygdaloglosse, sus- • L’endoscopie sous anesthésie générale n’est pas
pectes à cause d’une infiltration douloureuse. superflue chez un patient impossible à examiner
Un gros ganglion peut être provoqué par une à cause de l’importance de ses réflexes nau-
petite tumeur primitive. séeux.
• En cas d’atteinte des groupes III et IV, le • L’échographie est surtout utile chez l’enfant
larynx et surtout l’hypopharynx sont soigneu- pour reconnaître la nature kystique des tumé-
sement examinés en fibroscopie nasopharyngée. factions. Chez l’adulte, elle permet de repérer
Le cancer peut être caché dans un ventricule un nodule thyroïdien et de compléter par une
laryngé, sous la bascule d’une épiglotte ou cytoponction.
dans le fond d’un sinus piriforme étroit. C’est • Le bilan radiologique comporte un examen
aussi un siège fréquent dans les cancers de la TDM thoraco-cervical et une IRM.
thyroïde. • La recherche de la cause primitive d’une adé-
• En cas d’adénopathie susclaviculaire droite ou nopathie doit aussi inclure une étude tho-
gauche, on pense à un cancer du poumon. Du raco-abdomino-pelvienne, avec une imagerie
côté gauche, en raison de l’aboutissement du fonctionnelle par TEP-scan au 18F-FDG pour
canal lymphatique thoracique, la porte d’entrée toute localisation. Elle trouve l’origine dans
peut être sous-diaphragmatique : abdominale 25 % de ces cas.
ou gynécologique. C’est le ganglion de Troisier • Le bilan hématologique ne doit pas être oublié.
(fig. 4.10).
• Dans l’atteinte isolée du groupe V (adénopathie Absence de porte d’entrée confirmée
spinale ou rétropharyngée), le rhinopharynx est Le bilan étiologique est négatif. Un examen
au mieux examiné à l’optique de 4 mm. anatomopathologique de l’adénopathie doit être
• En cas d’adénopathies bilatérales, les recherches obtenu. Il faut alors procéder à une cervicotomie
d’un cancer de la pointe de la langue, du exploratrice sous anesthésie générale. Une adéno-
rhinopharynx, de la base de langue ou d’une pathie complète doit être prélevée et adressée en
hémopathie sont privilégiées. extemporané à l’anatomopathologiste. En fonc-
Au terme de cet examen, la porte d’entrée est tion des réponses, l’attitude est alors la suivante.
trouvée. À l’évidence, c’est un cancer. La lésion
sera biopsiée et traitée « en bloc » avec les aires C’est la métastase ganglionnaire
ganglionnaires, offrant les meilleures chances de d’un épithélioma malpighien
survie aux patients (cf. chapitres 2 et 3). Si la Chez un patient alcoolo-tabagique, 10 % de
porte d’entrée n’est pas trouvée cliniquement, il ces adénopathies révélatrices s’avèrent sans porte
faut s’aider d’examens complémentaires. d’entrée décelable. Il s’agit de micro-cancers
Chapitre 4. Masses et tuméfactions cervicales 77

pouvant siéger sur n’importe quel lieu des voies


aérodigestives supérieures. Les meilleures chances
de survie sont offertes en réalisant un évide-
ment ganglionnaire complet, suivi d’une irradia-
tion postopératoire à dose totale sur toutes les
muqueuses ORL.

C’est la métastase d’un cancer thyroïdien


L’adénopathie révélatrice d’un cancer thyroïdien
se rencontre surtout dans les carcinomes papil-
laires et médullaires. Il faut réaliser un curage
Figure 4.11. Kyste amygdaloïde gauche récent chez
ganglionnaire avec une lobectomie thyroïdienne
une femme de 35 ans.
ipsilatérale avec isthmectomie.
C’est la métastase ganglionnaire d’un mélanome un sujet jeune, il en impose pour une hémopa-
La découverte d’une adénopathie noirâtre fait thie maligne. Les variations de volume et le rôle
évoquer d’emblée le diagnostic. C’est exception- des infections bucco-pharyngées sont évocateurs.
nel, car la lésion primitive est évidente au niveau L’interrogatoire découvre parfois la présence de
de la face et du cuir chevelu ou parce qu’à l’inter- cas semblables au sein de la famille. L’intervention
rogatoire on a eu la notion d’intervention sur la confirme le diagnostic. C’est une poche de taille
rétine. La ponction cytologique à l’aiguille fine, impressionnante, remplie de mucus, mais qui se
couplée à l’étude échographique, aurait permis le décolle facilement grâce à un plan de clivage bien
diagnostic. marqué.

C’est probablement une hémopathie Lymphangiome kystique


Seul un examen anatomopathologique plus Cf. partie 2, fiche « Lymphangiomes kystiques ».
détaillé donne la variété en cause : Hodgkin ou
lymphome non hodgkinien. De toute façon, le
traitement est médical et l’intervention s’arrête à Tumeur battante du cou
la simple adénectomie pour transférer ensuite le
patient entre les mains de l’hématologue. Un bulbe carotidien athéromateux très dur ou
une dolicho-méga-carotide peuvent être confon-
dus avec un anévrysme, surtout chez les femmes
Autres tumeurs du cou dont le sterno-cléido-mastoïdien est peu déve-
loppé. Chez elles, une tumeur battante basicer-
Reliquats embryonnaires vicale droite évoque une dolicho-méga-artère par
allongement et plicature du tronc artériel bra-
Kyste amygdaloïde chio-céphalique. Une tumeur vasculaire est clas-
sique en ORL : la tumeur du glomus carotidien
C’est un kyste branchial (cf. partie 2, fiche
(cf. partie 2, fiche « Paragangliomes temporaux »).
« Appareil branchial (embryologie de l’) »).
Il simule une grosse adénopathie du groupe
sous-digastrique située sous le bord antérieur Tuméfactions aériques
du muscle sterno-cléido-mastoïdien et en arrière
de la grande corne de l’os hyoïde (fig. 4.11). Deux tumeurs aériques sont classiques en ORL :
À la différence d’une adénopathie, il apparaît le laryngocèle externe (cf. partie 2, fiche « Laryn-
brutalement. La tuméfaction est unique, molle, gocèle externe ») et le diverticule de l’œsophage
indolore, bien limitée, mobile transversalement et (cf. partie 2, fiche « Diverticule pharyngo-œso-
recouverte de peau normale non adhérente. Chez phagien de Zenker »).
78 ORL thématique

Tumeurs et tuméfactions Encadré 4.4


rares du cou (encadré 4.4) Masses cervicales de l’enfant
• Masse sus-hyoïdienne : kyste dermoïde.
Schwannome du X et du XII (cf. partie 2, fiche
• Masse préhyoïdienne : kyste du tractus
« Schwannomes et autres tumeurs neurogènes
thyréoglosse.
bénignes »), lymphome (cf. partie 2, fiche « Lym-
• Kyste amygdaloïde (adolescent).
phomes ORL »), lipome, etc.
• Parotidite ourlienne (bilatérale).
• Parotidite récidivante de l’enfant
`` Compléments en ligne (cf. partie 2, fiche « Pathologie salivaire paro-
tidienne non tumorale »).
• Adénite cervicale aiguë de l’enfant (cf.
Des compléments numériques sont associés à ce chapitre 11).
chapitre, ils sont indiqués dans le texte par un • Lymphome de Burkitt (cf. partie 2, fiche
picto . Ils proposent les vidéos du chapitre. Pour « Lymphomes ORL »).
voir une vidéo, scannez le flashcode correspondant • Lymphangiome kystique (cf. partie 2, fiche
à l’aide de votre smartphone ou de votre tablette, « Lymphangiomes kystiques »).
ou connectez-vous sur http://www.em-consulte. • Kyste thymique.
com/e-complements/474503 et suivez les ins- • Fibromatosis colli.
tructions.

Vidéo e4.1. Lobo-isthmectomie thyroïdienne. Vidéo e4.2. Parotidectomie totale.


C’est un côté droit. Après la traversée des plans super- Côté droit. L’incision suit le tragus en haut et dégage
ficiels, repérer l’artère thyroïdienne supérieure. Suivre sa la mastoïde en bas. Le sillon tympano-mastoïdien est
branche interne formant l’arcade sus-isthmique. Repérer situé entre la mastoïde et le tympanal. Le nerf facial est
le nerf laryngé externe. Lier l’artère thyroïdienne supérieure là à 3 mm en dessous de son extrémité profonde, caché
en respectant le nerf laryngé externe. Séparer le pôle par le trousseau fibreux de Loré. Une fois trouvé le nerf
supérieur de la thyroïde du muscle constricteur inférieur facial, suivre son tronc jusqu’à la bifurcation pour être sûr
jusqu’au ligament de Grüber latéral. Relever le muscle que c’est lui. On sépare ensuite la parotide du lambeau
sterno-thyroïdien constituant le couvercle de la loge thy- cutané. La dissection de la branche cervico-faciale se
roïdienne jusqu’au pôle inférieur de la thyroïde. Sectionner fait par tunnellisation. Du plat des ciseaux, soulever le
la veine thyroïdienne moyenne pour ouvrir l’espace chirur- parenchyme parotidien pour le sectionner sous contrôle
gical dans lequel se tend l’artère thyroïdienne inférieure. de la vue. Écarter ensuite les deux berges pour faire une
Le nerf récurrent est situé dans la bissectrice de l’angle tranchée et recommencer. On procède de la même façon
formé par l’artère thyroïdienne inférieure et la trachée. pour la branche temporo-faciale : soulever, sectionner,
Suivre le nerf récurrent avec deux écarteurs situés de part écarter. Progressivement, on passe ainsi sous le lobe
et d’autre du nerf. Tracter le fascia qui le recouvre, pour superficiel de la parotide pour rejoindre la peau au niveau
créer un tunnel où s’engageront les branches des ciseaux. du muscle masséter. Une fois le lobe superficiel tombé, il
Suivre ainsi le nerf jusqu’à son entrée dans le larynx. faut passer au lobe profond.
Enfin, séparer l’isthme de la trachée. Le sectionner et lier
son moignon par un point de meunier.
Chapitre 5
Otites aiguës de l’enfant
Points forts (crèches) où elle est souvent récidivante (trois
j L’otite moyenne aiguë (OMA) est la plus épisodes et plus). Les complications mastoï-
bactérienne des infections ORL. diennes sont devenues exceptionnelles. Mais il
j Les deux bactéries à prendre en compte faut se rappeler qu’en 1944, à l’Hôpital des
sont : Streptococcus pneumoniae
Enfants malades à Paris, 6 % des enfants hospita-
et Haemophilus influenzae.
j L’otite moyenne aiguë purulente (OMAP) évolue en
lisés avec le diagnostic d’otite aiguë décédaient.
trois stades : congestion (otite congestive), puis
épanchement rétrotympanique (tympan opaque,
sans relief et bombant), puis rupture (otorrhée).
Considérations
j L’antibiothérapie probabiliste par amoxicilline morphologiques
est réservée aux otites moyennes aiguës
purulentes de l’enfant de moins de deux ans Axes de l’oreille
et seulement aux otites purulentes fébriles et
hyperalgiques de l’enfant de plus de deux ans. Dans l’os temporal, les structures anatomiques de
j Une paracentèse n’est pratiquée dans une OMAP l’oreille se répartissent selon deux axes (fig. 5.1) :
qu’après deux échecs successifs de l’antibiothérapie
• un axe transversal. Il comprend successive-
et seulement pour identifier le germe en cause.
j Une rhinopharyngite peut comporter une otite ment : le conduit auditif externe, la caisse du
congestive virale spontanément régressive. tympan, l’oreille interne et le conduit auditif
j Une myringite phlycténulaire est hyperalgique, interne. C’est l’axe sensoriel ;
mais spontanément régressive. • un axe longitudinal oblique d’origine endo-
dermique. Il est constitué en avant par la
L’otite moyenne aiguë purulente (OMAP) cor-
trompe d’Eustache qui s’ouvre dans le cavum,
respond à la surinfection bactérienne de l’oreille
puis par la caisse du tympan en regard du
moyenne, avec présence d’un épanchement
conduit auditif externe, et enfin par les cavités
purulent ou mucopurulent dans la caisse du
mastoïdiennes se prolongeant jusqu’au contact
tympan. Elle doit être distinguée des autres otites
veineux du sinus latéral. Cet axe longitudinal
moyennes aiguës (otite congestive et myringite
est l’axe aérien, car ces cavités sont toutes
phlycténulaire). Quant à l’otite séromuqueuse,
recouvertes d’un épithélium respiratoire.
c’est une otite moyenne chronique se manifes-
tant par un épanchement rétrotympanique sans
inflammation de la membrane tympanique, ni Effets otoscopiques de l’infection
otalgie, ni signes généraux (cf. chapitre 6).
Même si les OMA sont surtout bactériennes, la Sur une coupe coronale de la caisse du tympan
participation des virus est fréquente (virus respira- (fig. 5.2), la membrane tympanique a la forme
toire syncytial [VRS], virus para-influenza, virus d’un cône. Elle a un versant cutané et un ver-
grippaux A et B, adénovirus, rhinovirus, entérovi- sant muqueux, séparés par la couche moyenne
rus et métapneumovirus humain [hMPV]). conjonctive qui lui donne toute sa résistance. Le
La plupart des enfants font au moins un épisode manche du marteau y est solidement enchâssé.
d’OMA. L’incidence est maximale entre 6 et Son apophyse externe est une pointe blanche
18 mois. Elle est favorisée par la vie en collectivité dépassant de un à deux millimètres.

Guide d'ORL
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80 ORL thématique

Figure 5.1. Axes de l’oreille (rocher droit).


Axe aérien : trompe d’Eustache + membrane tympanique + seuil de l’additus + mastoïde au contact du sinus veineux laté-
ral. Axe sensoriel : conduit auditif externe + conduit auditif interne. Point de croisement des deux axes : caisse du tympan.

De ces notions morphologiques découlent la membrane tympanique perd ses reliefs ossicu-
quelques éléments anatomopathologiques essentiels : laires (fig. 5.2).
• le tympan est une fenêtre placée sur une
muqueuse respiratoire dont certains aspects Épanchement
congestifs traduisent l’atteinte de toutes les Sous pression, il repousse le tympan qui bombe
voies aériennes supérieures ; en verre de montre. Ce bombement est surtout
• les aspects otoscopiques pathologiques de la visible en arrière, car la membrane tympanique
membrane tympanique sont provoqués par cinq n’est pas dans un plan seulement sagittal, mais
processus (cf. ci-après). regarde un peu en avant (fig. 5.2).
Inflammation Perforation
Elle se traduit par la perte de la couleur grise Elle permet au pus de s’écouler (otorrhée), ce qui
normale du tympan, remplacée par une couleur oblige à réaliser une aspiration douce pour réaliser
rougeâtre et une hypervascularisation le long du l’otoscopie.
manche du marteau.
Rétraction
Œdème
Elle appartient au diagnostic différentiel
Il réalise un épaississement noyant progressive- (fig. 5.2). Elle rend compte d’un dysfonc-
ment l’apophyse externe qui finit par disparaître : tionnement tubo-tympanique, par exemple une
Chapitre 5. Otites aiguës de l’enfant 81

Figure 5.2. Coupes


coronales de la caisse du
tympan.
Sauvage J.-P., Bessède J.-P.
Révision accélérée en ORL.
Paris : Maloine, 1987, p. 61
(fig. 19).

obstruction de la trompe d’Eustache (catarrhe Signes d’alarme


tubaire). Elle peut s’associer à un épanchement
dans le cadre de l’otite chronique séromu- Une otalgie, chez un enfant qui se touche l’oreille,
queuse (cf. chapitre 6). est évocatrice, surtout dans le cadre d’une affec-
tion respiratoire aiguë d’installation récente.
Avant deux ans, l’otalgie est souvent rem-
Clinique placée par une irritabilité et des pleurs survenant
la nuit. Une toux peut être liée à l’irritation
Chez l’enfant, alors que les rhinopharyngites du rameau auriculaire du vague (Xe paire crâ-
sont virales, les otites aiguës sont d’origine bac- nienne). Parfois, il y a des vomissements ou de
térienne. La contamination se fait par l’inter- la diarrhée. Les signes généraux sont dominés
médiaire de la trompe d’Eustache. Elle provient par la fièvre.
du rhinopharynx où se trouvent des germes à Mais otalgie n’est pas synonyme d’OMA.
l’état saprophytes dont Streptococcus pneumoniae Chez le grand enfant, une angine ou une
et Haemophilus influenzae. Chez le nourrisson, amygdalite sont aussi des causes d’otalgie.
la trompe d’Eustache est courte, souple et hori- Mais alors, il n’y a pas de sensation d’oreille
zontale. En cas de division palatine ou de reflux bouchée. L’otite externe est encore un diag-
gastrique, elle fonctionne mal, entraînant une nostic différentiel (cf. partie 2, fiche « Otite
stase en amont. externe »).
82 ORL thématique

Figure 5.3. Otoscopies :


aspects schématiques
(tympans gauches).
Sauvage J.-P., Bessède J.-P.
Révision accélérée en ORL.
Paris : Maloine, 1987, p. 64
(fig. 20).

Diagnostic otoscopique ment des voies aériennes supérieures. La gorge


est rouge et la fièvre élevée avec frissons, myalgies
On ne doit pas faire le diagnostic d’otite sans oto- et céphalée. Dans ce cas, l’otite congestive ne
scopie (fig. 5.3 et encadré 5.1) représente que l’une des manifestations catar-
rhales atteignant l’ensemble de la muqueuse des
Otite congestive voies aériennes. Le traitement restera purement
C’est une hyperhémie de la membrane tympa- symptomatique.
nique (fig. 5.4), parfois seulement localisée au
Un processus d’origine bactérienne
pourtour du manche du marteau ou à la mem-
brane de Shrapnell (pars flaccida). Mais il ne Une rhinopharyngite a débuté plusieurs jours
faut pas prendre la rougeur provoquée par les auparavant. Elle a évolué vers la surinfection dont
cris de l’enfant pour une otite congestive. Tous témoigne, à l’examen de gorge, l’existence d’une
les reliefs du tympan sont préservés. Il reste rhinorrhée postérieure purulente dégoulinant
transparent et il n’y a aucun bombement, ce qui derrière le voile du palais. Il persiste une fébricule
atteste de l’absence d’épanchement rétrotym- à 37,5°C, 38°C. L’otalgie est progressivement
panique. croissante.
Dans ce cas, l’otite congestive risque d’être le
Signification de l’otite congestive premier stade d’une OMAP. En quelques heures,
Elle peut correspondre à deux processus diffé- on passe de l’otite congestive à l’otite exsuda-
rents. tive aiguë. La membrane tympanique commence
à bomber. Les reliefs commencent à s’effacer.
Un processus d’origine virale (rhinopharyngite) L’apophyse externe disparaît progressivement.
D’autres manifestations respiratoires surviennent Elle est noyée dans l’épaississement du tym-
simultanément : rhinorrhée claire et encombre- pan. Il n’en persiste que la pointe émergeant
Chapitre 5. Otites aiguës de l’enfant 83

Encadré 5.1

Otoscopie du nourrisson et du jeune enfant


L’otoscopie à ces âges est un point délicat, car il
faut visualiser au moins 50 % de la surface de la
pars tensa. L’enfant le plus aimable peut bruta-
lement se transformer en démon se débattant au
simple contact du spéculum d’oreille. Lorsque la
persuasion a épuisé ses effets, force est de recou-
rir avec le secours des parents à des méthodes
plus autoritaires. Sans tomber dans la brutalité,
il faut bien se résoudre à une certaine insistance.
Commencer par examiner l’enfant assis sur les
genoux de sa mère avec ses jambes maintenues
entre les jambes croisées de celle-ci. En cas
d’échec ou chez le nourrisson, la solution la
plus commode est d’allonger l’enfant sur la table
d’examen, bras et jambes maintenus ensemble
par la mère, tandis que l’examinateur maintient
la tête d’une main et tient l’otoscope de l’autre.
Le pire est la présence de cérumen. On prendra
d’abord un spéculum plus fin pour se faufiler
jusqu’au tympan. En cas d’obstruction totale, Examen ORL pédiatrique.
une cotonnette imbibée de glycérine émolliente Trois points sont essentiels pour un maintien doux mais
ferme : a) serrer les jambes de l’enfant entre les genoux ;
placée au contact du cérumen peut faire des
b) tenir les deux mains de la main droite ; c) plaquer la
miracles. Sinon, force sera d’allonger l’enfant main gauche sur la tempe du côté examiné.
sous un microscope binoculaire et de faire un net-
toyage et une aspiration douce avec l’aide d’une enroulé entre deux tours d’un drap bloquant
deuxième personne maintenant la tête tournée séparément les bras sur le thorax. Aujourd’hui,
du côté opposé. Au pire des méthodes barbares, le recours à une brève anesthésie au protoxyde
les anciens pratiquaient la paracentèse, l’enfant d’azote est sans doute la meilleure des solutions.

d’un œdème vultueux prédominant à la moitié


supérieure de la membrane. À ce stade, si une
paracentèse était effectuée, elle ne retirerait que
quelques gouttes de liquide louche.

Otite moyenne aiguë


purulente non perforée
• Ce stade est atteint progressivement. Les pre-
mières otalgies datent de 24 heures.
• La membrane tympanique est bombée (fig. 5.5).
L’angle de raccordement entre le tympan et la
paroi postérieure du conduit auditif externe, habi-
tuellement obtus, devient aigu, en « verre de
Figure 5.4. Otite congestive gauche. montre ». La couleur rouge vif devient blanchâtre,
La congestion est maximum au niveau de la pars laissant deviner la suppuration siégeant derrière
flaccida et le long du manche du marteau. La pars tensa
reste transparente du fait de l’absence d’épanchement. elle. Tous les reliefs du tympan disparaissent, y
La pointe de l’apophyse externe émerge, noyée dans compris le manche du manteau qu’on ne devine
l’épaisseur de l’œdème. que parce qu’il bride le bombement en son milieu.
84 ORL thématique

Figure 5.5. Otite aiguë purulente droite.


Le tympan est opaque et congestif, mais blanchit, laissant
Figure 5.6. Surinfection asthénique d’une otite
voir la suppuration qui remplit la caisse. On ne voit plus
séromuqueuse gauche.
les reliefs et il y a un bombement de l’ensemble de la
Malgré une pression de mucus surinfecté faisant forte-
membrane.
ment bomber le tympan, il n’y a aucun signe inflammatoire
et cette otite est indolore.
• L’apparition d’exsudats couenneux dans le
conduit auditif externe annonce une perfora-
tion imminente.

Otite moyenne aiguë purulente perforée


C’est le terme ultime d’une évolution de plusieurs
jours. L’otoscopie n’est plus possible sans une
aspiration d’oreille sous microscope binoculaire.
L’orifice est minuscule. L’otorrhée purulente fait
céder l’otalgie, mais sa signification pronostique
est mauvaise.
• Souvent, c’est encore une otite purulente négli-
gée chez un enfant vivant en milieu social non
attentif. La précocité dans l’âge de survenue
Figure 5.7. Myringite phlycténulaire gauche.
(avant 12 mois) annonce de multiples récidives Deux phlyctènes sont présentes. Une trace séro-
finissant par laisser des dégâts tympano-ossicu- hématique témoigne de l’affaissement spontané d’une
laires altérant la fonction auditive. troisième.
• Ce peut être aussi la surinfection d’une otite
séreuse préexistante (cf. chapitre 6). Dans ce minutes, rien ne peut soulager l’enfant. Une
cas, l’otite purulente évolue de façon indolore otorrhée sérosanguinolente apparaît, inquiétant
du fait de 1’hypoesthésie du tympan présente les parents mais représentant un stigmate carac-
dans cette affection (fig. 5.6). La membrane téristique. La fièvre peut être importante, mais
tympanique se rompt sans signes prémonitoires pas toujours. Si l’otoscopie était faite à ce stade,
et ce n’est qu’au matin que la mère découvre elle découvrirait le signe essentiel : présence
que l’oreiller est souillé de pus. de phlyctènes à cheval sur la membrane tym-
panique et la peau du conduit auditif externe
Myringite phlycténulaire (vidéo 5.1 ) (fig. 5.7).
• C’est une OMA différente de l’OMAP. Le • L’évolution est spontanément résolutive en
début en est très brutal, en pleine nuit, par des quelques heures et l’otalgie a disparu au petit
sensations de brûlure dans l’oreille. En quelques matin. L’otoscopie ne découvre plus alors que
Chapitre 5. Otites aiguës de l’enfant 85

kg/prise, sans dépasser 80 mg/kg/j, répartis en


quatre à six prises). En cas de douleur sévère et
persistante, la codéine orale, associée au paracéta-
mol, peut être prescrite à partir de l’âge de 1 an.
Dans l’otite moyenne congestive et l’otite
phlycténulaire, chez l’enfant de plus de 1 an, des
gouttes auriculaires contenant un anesthésique
local (Otipax®, Panotile®) peuvent être prescrites
en l’absence de perforation tympanique.
L’utilité d’un anti-inflammatoire non stéroïdien à
dose anti-inflammatoire et des corticoïdes n’est pas
démontrée. Les gouttes auriculaires contenant des
antibiotiques n’ont aucune indication dans l’OMA.
Figure 5.8. Myringite phlycténulaire. Aspect du lende-
main. Phlyctènes flétries.
Antibiothérapie
l’« aspect feuilles mortes » correspondant aux
phlyctènes flétries parsemées de quelques taches L’antibiothérapie réduit la durée et l’intensité des
hématiques (fig. 5.8). symptômes et augmente le pourcentage d’enfants
• L’étiologie virale a longtemps été privilégiée. guéris. Toutefois, plus de 50 % des otites puru-
Les phlyctènes étaient considérées comme le lentes guérissent spontanément. De nombreuses
résultat de la nécrose de la muqueuse res- études ont montré que le bénéfice apporté par
piratoire de la caisse du tympan par le virus l’antibiothérapie ne serait que de 10 à 20 %. Il
de la grippe. Puis Mycoplasma pneumoniae a est vrai qu’avec le seul traitement antalgique, sous
été incriminé. En fait, ce sont des myringites contrôle otoscopique, on observe des régressions
bulleuses souvent associées à un épanchement spontanées en 24 à 72 heures. Mais il faut souli-
rétrotympanique bactérien incitant à prescrire gner qu’il s’agit d’enfants plus âgés et avec moins
une antibiothérapie. Le pronostic est presque de symptômes aigus.
toujours bon. Toutefois, dans quelques cas,
l’oreille interne peut être touchée avec surdité Antibiothérapie probabiliste
de perception sur les fréquences aiguës (atteinte Les OMAP étant traitées sans preuve bactério-
neuro-ectodermique définitive). logique, les deux bactéries à prendre en compte
sont : Streptococcus pneumoniae (environ un tiers
des cas) et Haemophilus influenzae (environ un
Traitement1 tiers des cas).
Il y a suspicion d’infection par le pneumocoque
Il faut soulager la douleur, contrôler la fièvre et si la fièvre est élevée et l’otalgie intense. Les
prévenir les complications bactériennes. pneumocoques présentent une sensibilité dimi-
nuée aux ß-lactamines dans 40 % des cas et sont
résistants aux macrolides. Mais la plupart de ces
Traitement antalgique souches restent sensibles à l’amoxicilline et moins
souvent aux céphalosporines orales.
Le paracétamol ou l’ibuprofène sont recomman-
Les otites à Haemophilus influenzae sont sou-
dés en première ligne (paracétamol, 10 à 15 mg/
vent peu fébriles et peu douloureuses. Elles se
manifestent classiquement par le syndrome otite-
1. D’après les recommandations de bonne pratique :
antibiothérapie par voie générale en pratique courante conjonctivite. Le pourcentage de souches résis-
dans les infections respiratoires hautes de l’adulte et de tantes productrices de pénicillinase a récemment
l’enfant (mises à jour : sforl.org). diminué pour descendre à moins de 20 %. Les
86 ORL thématique

souches de sensibilité diminuée aux β-lactamines2 Autres antibiotiques


par modification de la PLP3 (une des protéines Ils exposent soit à une efficacité moindre (cef-
liant les pénicillines) sont de l’ordre de 5 %. podoxime, érythromycine-sulfafurazole, cotri-
En outre, Branhamella catarrhalis (Moraxella moxazole), soit à plus d’effets indésirables
catarrhalis) se rencontre dans 5 à 15 % des cas. Sa (amoxicilline-acide clavulanique, cefpodoxime,
résistance à l’amoxicilline provient de la production érythromycine-sulfafurazole, cotrimoxazole) :
de β-lactamase, d’où sa sensibilité à l’association • l’association amoxicilline-acide clavulanique
amoxicilline-acide clavulanique. Elle est sensible peut être proposée en cas de syndrome otite-
aux céphalosporines de deuxième et troisième géné- conjonctivite (forte probabilité d’infection à
rations, ainsi qu’aux macrolides et aux sulfamides. Haemophilus influenzae) ;
Streptococcus pyogenes est très rare. Staphylococcus • le cefpodoxime est proposé en cas d’allergie aux
aureus, fréquent autrefois, a pratiquement disparu. pénicillines sans allergie aux céphalosporines,
Chez le nouveau-né, l’enfant de moins de situation la plus fréquente ;
trois mois ou sur un terrain immunodéprimé, on • l’érythromycine-sulfafurazole ou cotrimoxazole
trouve souvent : Staphylococcus aureus, Pseudomo- (triméthoprime-sulfaméthoxazole), en cas de
nas aeruginosa ou des streptocoques du groupe B. contre-indication aux β-lactamines (pénicillines
Sur de tels terrains, l’éventualité de leur survenue et céphalosporines) ;
justifie la pratique d’une paracentèse d’emblée • le recours à la ceftriaxone en une seule injection
pour l’étude bactériologique. IM en première intention en cas d’impossibilité
d’assurer un traitement adapté par voie orale
Choix de l’antibiotique en première (cf. autorisation de mise sur le marché [AMM]).
intention (encadré 5.2)
Amoxicilline Prise en charge des échecs
du traitement antibiotique
Elle est à privilégier en première intention à la dose
de 80-90 mg/kg/j en 2 à 3 prises quotidiennes. L’échec du traitement antibiotique est défini par
En effet, c’est la molécule orale la plus active sur l’aggravation, la persistance au-delà de 48 heures
les pneumocoques de sensibilité diminuée à la après le début du traitement antibiotique, ou la
pénicilline. De plus, elle est active sur plus de 80 % réapparition dans les 4 jours suivant la fin du traite-
des Haemophilus influenzae. La durée de l’antibio- ment, des signes fonctionnels ou généraux, associés
thérapie est de 8 à 10 jours chez l’enfant de moins à des signes otoscopiques d’OMAP. Cette éven-
de 2 ans et de 5 jours après 2 ans. tualité est surtout à envisager chez les nourrissons
de moins de 2 ans et justifie alors un changement
Encadré 5.2 d’antibiotique. Le choix de la molécule dépend du
Spécialités pharmaceutiques traitement initial et de la situation clinique :
• Association amoxicilline/acide clavula- • si l’amoxicilline a été le traitement initial, en cas
nique (Augmentin®). d’échec en cours de traitement, changer pour
• Cefpodoxime-proxétil (Orelox®). l’association amoxicilline-acide clavulanique ou
• Cotrimoxazole (triméthroprime-sulfamé- le cefpodoxime. Si l’échec n’est constaté qu’à
thoxazole) (Bactrim®). la fin du traitement, changer seulement pour
• Érythromycine-sulfafurazole (Pédiazol®). l’association amoxicilline-acide clavulanique ;
• Ceftriaxone (Rocéphine®) en injection • en cas de deuxième échec, un avis ORL est
intramusculaire : doit rester exceptionnel et recommandé pour juger de l’opportunité d’une
se conformer au libellé d’AMM. paracentèse avec examen bactériologique qui
• Céfuroxime-axétil (Zinnat®). permet d’isoler la bactérie en cause dans deux
• Bétaméthasone (Célestène®). tiers des cas avec évaluation de sa sensibilité
aux antibiotiques. Le traitement en attente
du résultat des examens bactériologiques est
2. β-lactamines = pénicillines + céphalosporines. l’association amoxicilline-acide clavulanique
Chapitre 5. Otites aiguës de l’enfant 87

(80 mg/kg/jour d’amoxicilline) + amoxicilline dans 50 à 75 % des cas. Lorsque l’enfant a eu une
(70 mg/kg/jour) ou monothérapie par cef- ou plusieurs antibiothérapies dans l’hiver, il est
triaxone (50 mg/kg/jour) pour 3 jours. utile de réaliser un bilan audiométrique à la fin de
celui-ci. En cas d’évolution favorable, le contrôle
Indications de l’antibiothérapie systématique des tympans après trois semaines
n’est pas recommandé car une otite séreuse post-
• Chez l’enfant de moins de 2 ans, on prescrit une
infectieuse peut survenir et régresser spontanément
antibiothérapie probabiliste par amoxicilline.
dans les trois mois, surtout aux approches de l’été.
• Chez l’enfant de plus de 2 ans, on ne pres-
Toutefois, à notre avis, en cas de récidive, il importe
crit une antibiothérapie probabiliste d’emblée
de savoir si le tympan était redevenu normal car
par amoxicilline que si le risque infectieux
l’attitude serait différente (cf. infra).
est important (immunodépression, division
palatine, antécédent de mastoïdite) ou en cas
de suspicion d’infection par le pneumocoque Otites récidivantes
(fièvre élevée et otalgie intense).
• Sinon, en cas de symptômes peu bruyants et Chaque cas est particulier. Il est prouvé qu’une
sans risque particulier, on ne prescrit qu’un trai- antibiothérapie en continu n’a pas d’intérêt en
tement antalgique. Une réévaluation est effec- prophylaxie. D’autre part, la vaccination antipneu-
tuée après 48 à 72 heures pour éventuellement mococcique ne fait que substituer les sérotypes
prescrire l’antibiothérapie en cas de persistance non vaccinaux aux sérotypes vaccinaux. Les enfants
ou d’aggravation. sujets aux récidives d’otite sont probablement en
• Dans l’otite congestive, l’antibiothérapie n’est déficits d’IgA et d’IgG2 liés à une immunité imma-
pas recommandée à tout âge. En revanche, il ture. Il existerait aussi une prédisposition familiale
faut surveiller l’enfant et refaire une otoscopie démontrée chez les jumeaux monozygotes. La
après 48 heures d’antalgiques. Dans la plupart division palatine, opérée ou non, augmente consi-
des cas, il y a une amélioration. Rarement, la dérablement le risque d’otite récidivante, car la
situation persiste ou s’aggrave, amenant à pres- musculature tubaire participe à la malformation.
crire l’antibiothérapie.
Le point essentiel est de savoir si le tympan
• En cas d’allergie aux pénicillines, sans contre-
revient ou non complètement à la normale
indication aux céphalosporines, on prescrit le
entre chaque épisode (fig. 5.9).
cefpodoxime. En cas d’allergie à l’ensemble des
β-lactamines, on choisit le cotrimoxazole ou
l’érythromycine-sulfafurazole. Otites indépendantes
• Si une otoscopie correcte est impossible (céru- les unes des autres
men, agitation), l’antibiothérapie ne doit pas Entre les épisodes aigus, l’otoscopie montre le
être prescrite à l’aveugle. Avant l’âge de 2 ans, retour d’une belle membrane tympanique grise,
le recours à l’ORL doit être envisagé. transparente et non rétractée. Il faut alors évoquer
des contaminations à répétition :
Évolution • rhinopharyngites à répétition chez un enfant
gardé en crèche ;
Évolution sous traitement • tabagisme chez les parents ;
• maintien de la tétine au cours du sommeil ;
Elle doit être suivie par l’otoscopie, l’impédancemé- • lavages de nez pluriquotidiens au sérum phy-
trie et l’audiométrie chez l’enfant plus âgé (cf. cha- siologique en position allongée, qui projette les
pitre 8). Le plus souvent, l’évolution est favorable. sécrétions purulentes vers la trompe d’Eustache ;
L’aspect de la membrane tympanique revient à la • reflux gastro-œsophagien.
normale en 7 à 10 jours. L’impédancemétrie peut Pour lutter contre les facteurs environnementaux,
rester anormale pendant plusieurs semaines, car il on doit d’abord isoler l’enfant des autres enfants
peut persister un épanchement intratympanique infectés (le garder seul chez une grand-mère).
88 ORL thématique

Antrites et mastoïdites
Avant l’âge de 1 an, la mastoïde ne s’est pas déve-
loppée et il n’existe qu’une cellule unique appelée
antre dont l’infection est l’antrite. Chez l’enfant
au-delà de 1 an, les cellules mastoïdiennes se
multiplient et leur infection est la mastoïdite. Une
particularité est que la muqueuse tapissant les cel-
lules mastoïdiennes fait office de périoste. Donc
toute inflammation muqueuse à ce niveau est une
sorte de périostite ouvrant la voie à l’ostéite.
Antrite et mastoïdite peuvent encore se voir.
Elles revêtent deux formes.

Figure 5.9. Évolution des otites moyennes aiguës Forme extériorisée (fig. 5.10)
récidivantes.
Si le tympan revient à la normale entre les épisodes aigus, Non exceptionnelle, elle survient généralement
c’est que les otites à répétition sont en rapport avec des dès la première otite de l’enfant. Le seuil de
facteurs environnementaux. Si le tympan reste anormal
l’additus ad antrum (cf. fig. 5.1) faisant commu-
entre deux épisodes, c’est qu’il existe un épanchement
rétrotympanique qui se réinfeste régulièrement. niquer la caisse du tympan avec l’antre se ferme
du fait de son étroitesse sous l’effet de l’inflamma-
Épanchement rétrotympanique chronique tion et de l’œdème de la muqueuse. Il se consti-
tue alors en amont un empyème s’extériorisant
Entre les épisodes aigus, la membrane tympanique rapidement par la peau rétro-auriculaire. Les deux
reste opaque, inflammatoire et rétractée. La cause signes pathognomoniques sont le décollement
en est la présence d’un épanchement liquidien du pavillon de l’oreille et le comblement du
résiduel. Sa réinfestation épisodique explique les sillon rétro-auriculaire. Une otorhée purulente est
récidives. En milieu d’hiver, la mise en place d’un fréquement associée.
aérateur tympanique sous anesthésie générale est Ces signes permettent de distinguer l’antrite
efficace en aérant la caisse du tympan, palliant ainsi ou la mastoïdite extériorisée de l’adénite prémas-
le dysfonctionnement tubaire (cf. partie 2, fiche toïdienne qui provient d’une infection siégeant au
« Myringotomie et paracentèse »). Au printemps, niveau du cuir chevelu.
il existe une dernière chance de guérir médicale-
ment pour attendre l’amélioration estivale : pres-
crire une corticothérapie de 10 jours (Célestène® Une forme subaiguë (décapitée
goutte), sous couvert d’une cure d’amoxicilline par les antibiotiques)
de 21 jours. Avant l’âge de deux ans, l’hypertro- C’est le tableau d’un nourrisson dont l’otor-
phie des végétations adénoïdiennes est rare, mais rhée purulente persiste depuis plus de 21 jours.
son absence est vérifiée au cours de l’intervention. Après tout ce temps, l’infection perdure car elle
Sinon, une adénoïdectomie peut être utile chez a dépassé le cadre anatomique de la caisse du
un enfant de 3 à 4 ans (cf. chapitre 11). tympan pour se cantonner dans la mastoïde. Les
deux signes pathognomoniques sont l’abondance
Complications de cette otorrhée et l’apparition d’un polype. Le
polype est en fait une extrusion de la muqueuse
Septicémies hypertrophiée de la caisse, s’évaginant par une
perforation tympanique postéro-supérieure. À son
Les méningites et les abcès du cerveau liés à la dis- sommet siège un orifice à la manière d’une tétine
sémination du germe par voie hématogène sont par où sourd du liquide infecté (cf. fig. 6.10). À
devenus exceptionnels. peine a-t-on aspiré ce liquide qu’il se reproduit.
Chapitre 5. Otites aiguës de l’enfant 89

Figure 5.10. Mastoïdite extériorisée gauche.


Sauvage J.-P., Bessède J.-P. Révision accélérée en ORL. Paris : Maloine, 1987, p. 71 (fig. 21).

Il ne provient donc pas de la caisse dont le volume `` Complément en ligne


ne dépasse pas un cc, mais de la vaste cavité
antrale ou mastoïdienne. Un complément numérique est associé à ce cha-
Parfois, le diagnostic est moins évident du fait pitre, il est indiqué dans le texte par un picto .
que l’antibiothérapie a masqué tous les signes Il propose la vidéo du chapitre. Pour voir la vidéo,
caractéristiques. Il est alors nécessaire de suivre scannez le flashcode correspondant à l’aide de
l’évolution en milieu hospitalier après arrêt du votre smartphone ou de votre tablette, ou connec-
traitement antibiotique. S’il ne s’agit pas d’une tez-vous sur http://www.em-consulte.com/e-
antrite, l’évolution n’est pas influencée. S’il complements/474503 et suivez les instructions.
s’agit d’antrite du nourrisson ou de mastoïdite
décapitée, les signes otologiques caractéristiques
Vidéo e5.1. Myringite phlycténulaire.
avec perte pondérale apparaissent en 48 heures. Enfant réveillé en pleine nuit par de violentes otalgies
Dès lors, une antrotomie ou une mastoïdecto- droites cédant spontanément en quelques heures, suivies
mie avec antibiothérapie parentérale adaptée est d’une otorragie minime mais inquiétante. Examiné le
indiquée. matin, le tympan est très rouge, inflammatoire ; ses reliefs
normaux ne sont plus visibles en raison de la présence
de phlyctènes hémorragiques. Vraisemblable otite virale
phlycténulaire.
Chapitre 6
Otite moyenne chronique
Points forts d’Eustache par des végétations adénoïdes. Mais ce
j La rétraction tympanique traduit une n’est pas obligatoirement le cas avant l’âge de 3 ans.
dépression dans la caisse. Elle s’oppose Le déclencheur initial est bactérien, car même
au bombement de l’otite purulente. si les prélèvements bactériologiques de l’exsudat
j L’otite séromuqueuse (OSM) est une maladie sont négatifs, les méthodes d’amplification génique
inflammatoire de l’oreille moyenne qui se traduit
(PCR) montrent la persistance de gènes appartenant
par la présence d’un exsudat aseptique dans
la caisse du tympan sans signe otoscopique
à Streptococcus pneumoniae, Haemophilus influenzae
d’inflammation pendant plus de trois semaines. et Branhamella catarrhalis. Ainsi, l’exsudat per-
j Chez l’adulte, en cas d’OSM, il est impératif dure et se réinfecte périodiquement. Certes, grâce
de faire une fibroscopie nasopharyngée à la à l’antibiothérapie, les complications infectieuses
recherche d’une tumeur du rhinopharynx. méningo-encéphaliques sont devenues exception-
j Un défaut chronique d’aération de l’oreille nelles. Mais l’incidence de l’OSM a augmenté du
moyenne entraîne une métaplasie sécrétoire fait de la collectivisation des jeunes enfants.
de la muqueuse, expliquant la présence La belle saison et la croissance améliorent l’aéra-
d’un mucus épais comme de la glu. tion des voies aériennes supérieures et le processus
j Chez l’enfant, il y a une filiation entre l’otite s’arrête spontanément dans la plupart des cas. Au
séromuqueuse et les autres formes d’otite
besoin, la pose d’aérateurs tympaniques permet
moyenne chronique (OMC) : otite atélectasique
(réversible) et otite adhésive (irréversible).
d’attendre cette amélioration spontanée.
j La poche de rétraction et la migration épithéliale L’évolution redoutée est l’atrophie de la couche
au travers d’une perforation tympanique moyenne conjonctive de la membrane tympa-
(épidermose) sont actuellement les deux nique (lamina propria). Parallèlement, l’inflam-
causes d’otite chronique à tympan ouvert. mation du système tubo-tympanique perdure et
j Le cholestéatome est une pseudo-tumeur continue de provoquer une dépression. Le résul-
épidermique des cavités de l’oreille moyenne tat est une aspiration du tympan désarmé sous la
en rapport avec la présence d’épiderme, là où forme de poches de rétraction localisées ou d’une
il ne devrait y avoir que de l’endoderme. atélectasie globale progressive. Le dernier stade
Le traitement du cholestéatome repose
est l’accolement au fond de la caisse, comme un
j

sur la chirurgie visant la prévention des


tissu mouillé moulant ses reliefs.
complications méningo-encéphaliques et
la limitation des séquelles auditives. Enfin, au stade adhésif, la membrane tympa-
nique, réduite à sa couche épidermique, se soude
L’otite moyenne chronique (OMC) est le résultat à l’os en détruisant les muqueuses sous-jacentes et
d’un processus inflammatoire entretenu par un leur lamina propria. La peau du conduit auditif
défaut d’aération des cavités de l’oreille moyenne. externe a donc pénétré dans l’oreille moyenne.
Le premier stade se fait à tympan fermé. Il Elle change alors son mode de prolifération et
apparaît un exsudat chronique derrière le tympan devient cholestéatome. La desquamation centri-
sans signes d’inflammation à l’otoscopie : c’est pète explose et la basale se transforme en matrice
l’otite séromuqueuse (OSM). Elle atteint 10 % avec des propriétés ostéolytiques. Il se forme une
des enfants dans le cadre d’infections nasales et pseudo-tumeur épithéliale qui grossit en érodant
rhinopharyngées. Vers l’âge de 4 ans, elle peut l’os temporal. Cette situation dangereuse impose
être le résultat d’une obstruction de la trompe une attitude chirurgicale énergique.
Guide d'ORL
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92 ORL thématique

Figure 6.1. Physiopathologie de l’otite séromuqueuse.


Il n’y a pas d’obstruction tubaire, mais une inflammation de tout le système tubotympanique. A. Muqueuse normale
comportant (1) 5 % de cellules mucipares et 95 % de cellules ciliées. B. Métaplasie sécrétoire avec sécrétion de mucus
en abondance (2) avec 95 % de cellules mucipares (3).
Sauvage J.-P., Bessède J.-P. Révision accélérée en ORL. Paris : Maloine, 1987, p. 77 (fig. 22).

À l’otoscopie, l’OMC se présente donc sous ce régime, la muqueuse de l’oreille moyenne se


quatre aspects. Les trois premiers sont l’otite séro- transforme. Il se produit une métaplasie de type
muqueuse, l’otite atélectasique et l’otite adhé- sécrétoire, c’est-à-dire que les cellules ciliées dis-
sive. Leur prise en charge est censée prévenir le paraissent tandis que se multiplient les cellules
cholestéatome représentant le quatrième aspect. mucipares. Celles-ci sécrètent en abondance un
mucus épais, gluant et filant, responsable du pas-
sage à l’otite muqueuse ou mucoïde (fig. 6.1).
Otite séromuqueuse (OSM) Déjà à ce stade, l’atteinte conjonctive se traduit
par une hypoesthésie du tympan.
Elle se caractérise par un épanchement rétro-
tympanique aseptique, séreux ou mucoïde. Pour
distinguer l’OSM de l’épanchement résiduel tran- Facteurs favorisants
sitoire de l’otite aiguë, on exige qu’elle persiste
Chez le nourrisson et le jeune enfant, les rhino-
depuis plus de trois semaines.
pharyngites virales à répétition favorisent l’état
inflammatoire du rhinopharynx. Puis, entre 3 et
Physiopathologie 5 ans, les rhinopharyngites cessent. Toutefois,
leur répétition a provoqué une hypertrophie des
La persistance de l’épanchement rétrotympa- végétations adénoïdes, se surinfectant et relançant
nique est liée à l’installation d’un cercle vicieux. l’inflammation.
L’inflammation provoque un défaut d’aération et Une déficience de la musculature de la trompe
le défaut d’aération provoque l’inflammation. La d’Eustache est aussi un facteur favorisant : divi-
cause en est qu’à travers la muqueuse épaissie et sion palatine avec anomalies des muscles péris-
enflammée, les échanges gazeux se font mal. Une taphylins et trisomie 21 avec hypotonie du voile
pression négative apparaît dans l’oreille moyenne, du palais. Chez l’adulte, il peut s’agir d’une
rétractant le tympan et collabant les parois de rhinopharyngite chronique d’origine allergique
la trompe d’Eustache. L’exsudat inflammatoire ou toxique (alcool, tabac).
séreux ne peut pas s’évacuer du fait de la para- Chez l’adulte, ce peut être aussi une tumeur du
lysie muco-ciliaire. Après plusieurs semaines de rhinopharynx à l’origine de la trompe d’Eustache.
Chapitre 6. Otite moyenne chronique 93

Figure 6.2. Otoscopies d’otites séromuqueuses.


A. Otite muqueuse droite avec tympan opaque, ambré foncé et rétracté (saillie exagérée de l’apophyse externe du
marteau ; horizontalisation de son manche ; reliefs marqués des deux ligaments tympano-malléaires). B. Otite muqueuse
gauche avec rétraction de la partie antérieure de la membrane de Shrapnell. C. Otite séreuse droite avec tympan ambré
clair encore légèrement transparent et peu rétracté. D. Otite séreuse gauche avec bulles vues par transparence.

Le cancer du cavum se révèle souvent par une au cours des rhinopharyngites, lors de la sur-
otite séreuse douloureuse. D’où la règle chez veillance des enfants ayant fait des otites aiguës,
l’adulte de faire systématiquement une fibro- ou en cas de retentissement sur les acquisitions
scopie nasopharyngée en cas d’OSM. scolaires et après un dépistage scolaire de la sur-
dité (fig. 6.2).
• À l’otoscopie, les membranes tympaniques sont
Clinique opaques et prennent typiquement un aspect
jaunâtre, ambré, avec parfois des bulles d’air
• Il s’agit le plus souvent d’enfants âgés de 6 mois devinées derrière le tympan. Les reliefs ossicu-
à 7 ans. La pathologie est souvent bilatérale. Il laires sont très marqués. L’apophyse externe
peut y avoir quelques otalgies, mais ce n’est pas est saillante et le manche du marteau est hori-
le cas habituel. L’otite séromuqueuse est le plus zontal, car il a pivoté de telle sorte que son
souvent une découverte d’otoscopie effectuée extrémité (umbo) est plaquée sur le fond de la
94 ORL thématique

caisse. À la limite de la membrane de Shrapnell, • La présence d’une otite séreuse impose l’exa-
on devine le relief des deux ligaments tympano- men du cavum à la recherche d’une hyper-
malléaires (cf. fig. 5.2). Le tympan est dit trophie des végétations adénoïdes chez l’enfant
rétracté. Cette position anormale est en rapport (cf. chapitre 11) ou d’une tumeur du cavum
avec la présence d’une pression négative dans chez l’adulte (cf. chapitre 3).
les cavités de l’oreille moyenne. Il n’y a aucun
signe inflammatoire.
• Il existe une surdité de transmission de 15 à Évolution
40 dB selon que 1’épanchement est séreux
ou mucoïde. L’impédancemétrie montre une • Elle est imprévisible. De nombreuses otites
courbe plate (cf. chapitre 7). L’acoumétrie à la séreuses régressent spontanément, surtout à la
voix chuchotée et la recherche d’un Rinne au belle saison.
diapason 250 ou 500 Hz peuvent être réalisés • L’hiver, chez un enfant qui fait des otites à répé-
chez des enfants très jeunes, sauf le signe de tition, dans la plupart des cas, l’otite séromu-
Weber car, avant l’âge de 6 ans, l’enfant ne queuse persiste entre chaque épisode (fig. 6.4).
latéralise pas. Si on faisait une TDM, on trou- Les antibiothérapies multiples deviennent inef-
verait une opacité grisâtre remplissant toutes les ficaces. En pareil cas, l’arrêt du processus passe
cavités de l’oreille moyenne (fig. 6.3). par la mise en place d’un aérateur (cf. infra).

Figure 6.3. Otite séromuqueuse bilatérale.


Adulte ; surdité de transmission atteignant 20 dB en moyenne du côté droit et 45 dB du côté gauche. En TDM coronale et
axiale : opacité homogène de toutes les cavités de l’oreille moyenne gauche avec rétraction du tympan.
Chapitre 6. Otite moyenne chronique 95

collectivités d’enfants, tabagisme parental,


hygiène défectueuse, etc. L’amélioration
peut être obtenue par un séjour en moyenne
altitude ;
• apporter de l’air derrière le tympan :
– autrefois, l’insufflation tubaire répétée était
le seul moyen (cf. partie 2, fiche « Aération
de l’oreille moyenne »). Elle reste encore très
pratiquée au cours des cures thermales. Elle a
l’avantage d’être physiologique, mais elle est
mal supportée chez l’enfant,
– actuellement, les aérateurs tympaniques sont
Figure 6.4. Otite séromuqueuse gauche surinfectée.
Le tympan très bombant est dépourvu de signes inflam-
indiqués en cas de répétition des otites et en
matoires. Les troubles trophiques débutants expliquent cas de surdité dûment constatée. Ils ont la
que ces otites aiguës soient peu douloureuses. La rupture forme de yoyo ou de diabolo et sont insérés
survient silencieusement dans la nuit. Ce n’est qu’au dans le tympan en utilisant un microscope
matin qu’on découvre l’oreille de l’enfant et son oreiller
tachés de pus.
opératoire (fig. 6.5). Leur orifice central per-
met à l’air de pénétrer dans la caisse. Mis en
place chez l’enfant sous anesthésie générale,
• Après l’âge de 4 ans, l’otite séromuqueuse on en profite pour rechercher la présence de
bilatérale se signale par sa surdité, notée par les végétations adénoïdes et en pratiquer l’exé-
parents et l’instituteur. L’indication des aéra- rèse (vidéo 6.2 ). Les aérateurs s’éliminent
teurs s’impose, sauf aux approches des vacances spontanément en 3 à 18 mois. L’introduction
estivales où cette intervention sera renvoyée à la d’eau dans l’oreille est contre-indiquée tant
rentrée scolaire de septembre en cas de persis- qu’ils restent en place. Parfois se produit une
tance de la pathologie. otorrhée purulente sur yoyo en rapport avec
une surinfection à staphylocoque ou à germes
Prise en charge Gram négatif originaire du conduit auditif
externe. Les antibiotiques par voie géné-
La réversibilité de cette métaplasie est possible rale sont inefficaces. Après aspiration sous
après rétablissement d’une aération normale de microscope, seuls les bains d’oreille avec une
la caisse du tympan. Par exemple, dès la mise fluoroquinolone sont efficaces. Les gouttes
en place d’un aérateur tympanique (cf. infra), auriculaires contenant un aminoside sont
les cellules à mucus disparaissent et les cellules contre-indiquées (cf. partie 2, fiche « Otite
ciliées reviennent. Mais des dégâts ont déjà été externe »). La récidive de l’otite muqueuse
faits : au minimum apparaît une myringosclérose après la chute du yoyo amène à proposer des
constituée de plaques blanchâtres sur le tympan aérateurs longue durée (T-tubes ou Papa-
(vidéo 6.1 ). rella).
Plus grave est l’atrophie de sa couche moyenne L’éviction du reniflement (enfants sniffer),
conjonctive. La membrane tympanique est alors l’apprentissage du mouchage et les techniques
désarmée pour affronter l’étape suivante : les d’auto-insufflation au ballonnet donnent parfois
poches de rétractions et l’atélectasie. Pour rétablir de bons résultats (Otovent®). Il faut aussi se
une bonne aération de l’oreille moyenne, trois méfier des lavages de nez en position allongée
principes sont à respecter : qui envoient le pus vers le rhinopharynx. Certains
• rétablir la liberté des voies aériennes supé- utilisent des aérosols manosoniques en faisant
rieures : adénoïdectomie ; avaler les patients. Aucun traitement de fond des
• soustraire l’enfant aux milieux infectants et rhinopharyngites à répétition n’a fait la preuve
aux mauvaises conditions socio-climatiques : de son efficacité. Pour ne pas abandonner psy-
96 ORL thématique

Figure 6.5. Aérateur tympanique.


A et B. Mise en place au microscope binoculaire dans le quadrant antéro-inférieur du tympan droit. On utilise l’anesthésie
locale chez l’adulte et l’anesthésie générale chez l’enfant, en même temps qu’une adénoïdectomie est pratiquée.
C. Principe : l’aérateur en plastique souple a la forme d’un yoyo dans la rainure duquel s’encastre le tympan avec ses trois
couches. Il est percé d’un orifice central pour laisser entrer l’air dans l’oreille moyenne. La surdité régresse en 24 heures.
D. Aérateur de longue durée Paparella (couleur verte) : son plateau intérieur le retient de tomber pendant 12 à 18 mois.

chologiquement ces familles désespérées, on peut Otites atélectasiques


quand même recommander l’homéopathie. et otite adhésive
Dans tous les cas, ces enfants doivent être sur-
veillés jusqu’à l’âge de 10 ans, car ils restent sous
L’otite atélectasique est ainsi nommée pour se cal-
le coup d’une reprise du processus inflammatoire
quer sur le modèle broncho-pulmonaire. Même
de l’oreille moyenne. En particulier, il faut détec-
si le modèle de la bronche ne correspond pas
ter précocement des troubles trophiques avec
au fonctionnement de la trompe d’Eustache, le
perte de la rigidité du tympan par atrophie de sa
déficit d’aération de la caisse correspond bien
couche moyenne (fig. 6.6).
à une atélectasie avec cette particularité qu’une
seule paroi se collapse : la membrane tympanique.

Physiopathologie
Concept d’atélectasie
Il repose sur une double observation. Il y a
simultanément une disparition de la couche
moyenne conjonctive du tympan (atrophie de la
lamina propria d’origine inflammatoire) et une
aspiration de la membrane devenue flasque et
désarmée (pression négative régnant dans l’oreille
moyenne). On distingue plusieurs types d’até-
Figure 6.6. Troubles trophiques débutants (tympan droit). lectasies selon que l’atrophie est localisée (poche
L’otite séromuqueuse est toujours présente avec son de rétraction) ou généralisée à tout le tympan
tympan opaque de couleur ambrée foncée. L’atrophie (atélectasie totale). Schématiquement, on décrit
présente sur la partie postérieure du tympan a la forme
d’une cupule. La région atticale antérieure est aussi le siège
quatre formes cliniques :
d’une rétraction. En avant se trouve une plaque blanchâtre • la poche de rétraction localisée centrale débu-
de myringosclérose, cicatrice des épisodes antérieurs. tant au niveau de l’umbo et allant rapidement
Chapitre 6. Otite moyenne chronique 97

s’accoler et se fixer au promontoire. Ces formes diffusion des gaz aériens à partir des capillaires
sont les moins dangereuses, car vite bloquées sanguins. La trompe d’Eustache ne fait qu’équi-
et éloignées du nerf facial et de la platine de librer les pressions de façon intermittente en
l’étrier ; s’ouvrant 200 fois par jour, lors des dégluti-
• la poche de rétraction localisée atticale tions. Si la muqueuse de l’oreille moyenne est
(cf. infra) ; inflammatoire, la diffusion des gaz se fait mal.
• la poche de rétraction localisée mésotympa- Il s’installe alors une dépression dans l’oreille
nique excentrée postérieure (cf. infra) ; moyenne qui collabe les parois de la trompe
• atélectasie totale : il n’y a plus de cavité d’Eustache et rétracte le tympan. C’est ainsi
aérienne. La caisse du tympan devient virtuelle. que se produisent les poches de rétraction. Elles
Réduite à sa couche épidermique, la membrane évoluent par stades successifs qui se stabilisent
tympanique se moule sur tous les reliefs de la temporairement. La loi de Mariotte veut en
paroi interne à la manière d’un linge mouillé effet que le produit de la pression d’un gaz par
(vidéo 6.3 ). le volume qu’il occupe soit constant. Ainsi, la
Les trois dernières sont des formes dangereuses, poche réduisant le volume de la caisse, elle aug-
car elles s’invaginent en profondeur dans l’anato- mente la pression qui redevient temporairement
mie de l’oreille moyenne. Elles se fixent aux parois normale.
osseuses (stade adhésif). Elles acquièrent alors
des propriétés ostéolysantes. Points de faiblesse
de la membrane tympanique
Défaut d’aération du système La plupart des poches de rétraction se produisent
tubotympanique en deux endroits précis : la membrane de Shrap-
Pour que le tympan vibre de façon optimale, nell au niveau de l’attique et le quadrant pos-
la pression de l’air intratympanique doit être téro-supérieur du tympan (fig. 6.7 et 6.8). Dans
égale à la pression atmosphérique. L’aération de les formes récidivantes, la poche recommence
l’oreille moyenne résulte principalement d’une toujours au même endroit.

Figure 6.7. Siège habituel des poches de rétraction.


A. Pars flaccida (membrane de Shrapnell). 1 : tête du marteau ; 2 : incisure tympanique osseuse de Rivinus ; 3 : col
du marteau et ligament latéral du marteau ; 4 : ligament tympano-malléaire postérieur ; 5 : ligament tympano-malléaire
antérieur ; 6 : processus latéral du marteau (apophyse externe) ; 7 : processus antérieur du marteau. PS. Quadrant
postéro-supérieur du tympan (correspondant à la zone mésotympanique postérieure). Après ablation du tegmen, on voit
en vert les replis muqueux formant le diaphragme inter-attico-tympanique. 1 : pyramide de l’étrier ; 2 : tendon du muscle
de l’étrier ; 3 : étrier ; 4 : isthme tympanique antérieur ; 5 : tendon du muscle tenseur du tympan (muscle du marteau) ;
6 : ligament antérieur du marteau ; 7 : tête du marteau ; 8 : corps et branche courte de l’enclume ; 9 : ligament postérieur
de l’enclume ; 10 : isthme tympanique postérieur.
98 ORL thématique

Figure 6.8. Poches de rétraction (tympans droits).


A. Petite poche centrale à surveiller. B. Atrophie globale du tympan avec poche de rétraction accolée à la branche
descendante de l’enclume. Prévoir rapidement un renforcement de la membrane tympanique. C. Poche de rétraction
postéro-supérieure décollable au Valsalva. Prévoir un renforcement tympanique dès que possible. D. Poche de rétraction
mésotympanique postérieure au stade adhésif. Prévoir des difficultés chirurgicales pour relever la poche sans laisser de
débris épidermiques dans la caisse. E. Poche de rétraction atticale avec atticotomie spontanée. Suspicion d’envahisse-
ment de la fossette sus-tubaire en avant. Prévoir un nettoyage complet avec reconstruction du mur de la logette. F. Poche
de rétraction non contrôlable. Étrier noyé dans les squames et lyse de la branche de l’enclume. Probable cholestéatome
sous-jacent. Attendre le résultat de la TDM.

Poche de rétraction atticale Poche de rétraction


mésotympanique postérieure
À cet endroit, la membrane de Shrapnell ne pos- (vidéo 6.4 )
sède pas de couche moyenne conjonctive. On
l’appelle aussi pars flaccida. D’autre part, l’os Son mécanisme est différent, car il existe des
tympanal est souvent absent, formant l’incisure de cloisonnements dans l’oreille moyenne. L’attique,
Rivinus. La dépression déprime facilement cette qui contient le corps des osselets, est séparé de
zone flaccide. Mais l’extension de cette poche de la caisse (atrium) par le diaphragme inter-attico-
rétraction atticale est vite limitée par le corps des tympanique formé de multiples replis muqueux et
osselets. du tendon du muscle du marteau. La circulation
Chapitre 6. Otite moyenne chronique 99

d’air entre le système tubotympanique et les quart postéro-supérieur du tympan. En cas de


cavités de l’attique interne et de la mastoïde passe dépression dans les cavités attico-mastoïdiennes,
par une déhiscence réduite : isthme tympanique l’aspiration en direction de cette vaste cavité
antérieur. En pratique, c’est l’unique voie d’aéra- est puissante et finit par déprimer toute la zone
tion de toutes les cavités postérieures de l’oreille mésotympanique postérieure. Précisons toutefois
moyenne. Or, cet isthme est situé en regard du qu’il existe d’autres théories (encadré 6.1).

Encadré 6.1

Cholestéatome acquis : théorie de la traction muqueuse


L’existence d’un processus inflammatoire • Pourquoi le cholestéatome frappe-t-il surtout
chronique dans l’oreille moyenne, provoquant l’enfant après 7 ans et les jeunes adultes ?
une pression négative dans le système tubo- La théorie de la traction muqueuse repose sur
tympanique, et d’une atrophie conjonctive de le fait que le cholestéatome est rare dans les dys-
la lamina propria avec migration épithéliale kinésies ciliaires et dans la mucoviscidose où la
(cf. supra) n’expliquent pas tout. Des questions fonction mucociliaire est très déficiente. En réalité,
restent en suspens. la clairance mucociliaire reste importante chez les
• Pourquoi les cholestéatomes se développent- patients atteints de cholestéatome. Si la muqueuse
ils aux dépens des quadrants supérieur et pos- de la face interne du tympan entre en contact avec
térieur du tympan et rarement de ses quadrants la muqueuse de la face latérale de l’enclume, la
inférieur et antérieur ? propulsion ciliaire est couplée. Le tapis mouvant
• Comment le cholestéatome pourrait-il se de la couche de mucus drague littéralement la
développer dans des régions complètement membrane de Shrapnell vers le haut, créant une
obstruées de l’attique et de l’antre ? migration muqueuse doublée d’une migration
• Pourquoi certaines oreilles développent-elle épithéliale externe s’infiltrant dans tous les inter-
un cholestéatome et d’autres restent au stade stices de l’attique. Ainsi se crée une poche de
d’atélectasie stable ? rétraction qui lyse la muqueuse et l’os en se fixant
• Pourquoi la présence d’un aérateur tympa- au mur de la logette qu’elle détruit. D’autres
nique fonctionnel ne prévient-elle pas la genèse arguments concernant les médiateurs de l’inflam-
d’un cholestéatome ? mation s’ajoutent pour confirmer cette théorie.

Théorie de la traction muqueuse.


A. La muqueuse de la face interne du tympan s’accole à la muqueuse tapissant la tête du marteau. B. La
migration ciliaire de la couche de mucus s’ajoute à la traction muqueuse et à la migration épithéliale pour
déprimer et tirer la membrane de Shrapnell vers le haut. C. Elle finit par se fixer au marteau pour l’éroder.
Jackler RK, Santa Maria PL, Varsak YK, et al., A new theory on the pathogenesis of acquired cholesteatoma : mucosal traction,
Laryngoscope, 2015 ; 125 : S1-S14.
100 ORL thématique

Évolution des poches Séquelles


de rétraction
Spontanément ou après une bonne prise en
Cliniquement, elles sont dites contrôlables quand charge, le processus cesse d’être évolutif. Deux
on en voit encore le fond. Pour en être sûr, l’examen types de séquelles peuvent toutefois se rencon-
à l’optique d’oreille de 4 mm est supérieur à un exa- trer : les perforations tympaniques et la tympanos-
men au microscope binoculaire de consultation. À clérose (fig. 6.9). Elles s’accompagnent d’une
ce stade, chez un adulte, elles sont même réductibles surdité de transmission pouvant atteindre une
par une manœuvre de Valsalva (fig. 6.8B et C). perte de 60 dB (cf. chapitre 7). Mais il s’agit
Dans un deuxième stade, on ne peut plus en d’adolescents et d’adultes qui gardent un tel
apercevoir le fond. La poche est devenue incon- mauvais souvenir de leur passé otitique qu’ils
trôlable. L’apparition de petites coulées purulentes répugnent à revoir un ORL.
montre qu’une ostéolyse du cadre tympanique a
commencé. On avait baptisé ces poches sous Perforations tympaniques
le nom de perforations marginales dangereuses. Perforations sèches
Mais ce ne sont pas de simples perforations. Ce
Elles intéressent un (ou plusieurs) quadrant(s)
sont déjà des passages à l’épidermisation et au
du tympan. Elles ne sont pas marginales, ce qui
cholestéatome (vidéo 6.5 ).
atteste de leur caractère séquellaire. La nature a
Au troisième stade, la poche se rompt et l’épi-
ainsi inventé la perforation tympanique en guise
derme se répand dans l’oreille moyenne. Une
d’aérateur. On peut apprécier la bonne qualité
poche atticale reste longtemps cantonnée à
de la muqueuse du fond de caisse. L’étrier, la
l’attique externe. Une poche mésotympanique
branche descendante de l’enclume et l’aqueduc
postérieure envahit rapidement le récessus facial,
de Fallope sont souvent visibles avec leurs ano-
découvrant la branche descendante de l’enclume
malies. Une myringoplastie avec éventuellement
à laquelle elle s’accole avant de la lyser.
ossiculoplastie peut être proposée en fonction des
désirs des patients : mieux entendre, pouvoir se
Conduite à tenir doucher et se baigner sans précautions particu-
lières (cf. chapitre 8).
Chez l’enfant, si les poches centrales peuvent être
seulement surveillées, pour les poches excentrées, Otite muqueuse à tympan ouvert
il convient d’être interventionniste pour éviter Deux situations sont à distinguer.
l’évolution vers le cholestéatome. Les récidives • Dans la première, il s’agit de grandes pertes de
d’otite séromuqueuse imposent de nouvelles substances de la membrane tympanique chez
poses d’aérateurs. Un renforcement du tympan des patients travaillant dans la poussière, dans
par du périchondre ou de fines lamelles de car- le froid ou dans l’humidité. L’oreille n’est que
tilage est facile tant que la poche est décollable. légèrement humide, mais coule davantage de
Il doit être effectué avant que la poche ne se temps en temps. La fermeture chirurgicale de
fixe, compliquant le geste chirurgical. Ainsi, pour l’oreille sera efficace pour la protéger des intru-
les poches atticales, un envahissement de la fos- sions polluantes. Mais il faut d’abord sécher
sette sus-tubaire et une destruction du mur de l’oreille avec des bains de gouttes auriculaires
la logette nécessiteront une reconstruction par ne contenant pas d’ototoxiques (cf. supra).
des greffons osseux toujours difficiles à stabiliser. • Dans la seconde situation, ce sont des adultes
Dans les poches mésotympaniques postérieures, aux voies aériennes supérieures restant chro-
la fosse ovale est vite menacée et une lyse de niquement enflammées : sujet asthmatique ou
la branche descendante de l’enclume ou de la allergique, intoxiqué alcoolo-tabagique, obèse
superstructure de l’étrier nécessitera une recons- diabétique. L’otorrhée est abondante. Elle est
truction ossiculaire toujours délicate. muqueuse et s’exagère lors des rhumes. Elle
Chapitre 6. Otite moyenne chronique 101

Figure 6.9. Séquelles d’OMC (tympans droits).


A. Perforation postérieure sèche ; muqueuse du promontoire normale ; articulation incudo-stapédienne et muscle de
l’étrier intacts. B. Suppuration tympanique pure après contamination d’une perforation sèche. C. Myringosclérose ;
audition normale. D. Tympanosclérose envahissant toute la caisse et bloquant les osselets. Une petite perforation antéro-
inférieure a permis d’aérer la caisse.

était autrefois appelée otorrhée tubaire. On ne que dans un deuxième temps après s’être assuré
peut espérer sécher l’oreille que si la prise en que la myringoplastie a été couronnée de succès.
charge commence par l’éradication des facteurs
favorisants.
Otite ostéitique
Tympanosclérose et fibro-inflammatoire
Il ne faut pas la confondre avec la myringos-
clérose, petites taches blanchâtres en avant du À l’ère des antibiotiques, on ne voit plus ces ostéites
manche du marteau, cicatrice de la pose d’un diffuses à staphylocoques des siècles précédents
aérateur ou séquelles sans conséquence de la (fig. 6.10). Elles succédaient à des infections oti-
guérison d’une otite séromuqueuse. tiques aiguës pendant des semaines, évoluant vers
La tympanosclérose représente des cas où la les complications méningo-encéphaliques avant
caisse du tympan est comme pétrifiée. Le pro- le décès. En revanche, il n’est pas exceptionnel
montoire, les reliquats ossiculaires et les fenêtres de rencontrer des otites fibro-inflammatoires qui
sont recouverts d’une couche blanchâtre en tache en représentent une forme décapitée. Le tympan
de bougie qu’il faut gratter au décolleur sans est opaque, non rétracté car la caisse est pleine,
savoir où est l’aqueduc de Fallope. Il s’agit d’une remplie d’un tissu inflammatoire occupant toute
dégénérescence hyaline de la lamina propria. l’oreille moyenne. Il n’y a plus d’espace aérien. Ce
Le blocage des osselets entraîne des surdités de n’est pas un épanchement liquidien. C’est tantôt
transmission importantes. En cas de perforation un granulome, tantôt une fibrose impossible à
tympanique associée, si le blocage de l’étrier nettoyer chirurgicalement. Certains distinguent un
nécessite une stapédectomie, il ne faut la pratiquer stade fibro-inflammatoire et un stade fibro-adhésif.
102 ORL thématique

Figure 6.10. Otite


chronique ostéitique
à staphylocoque (côté
gauche).
Pseudo-polype en pis
de vache. La muqueuse
tympanique hypertrophiée
s’est évaginée au travers de
la perforation et a constitué
un pis au sommet duquel
l’orifice laisse couler une
abondante suppuration.
1 : caisse du tympan
comblée par la muqueuse
très hypertrophiée ; 2 :
conduit auditif externe ;
3 : pseudo-polype en pis
de vache avec otorrhée
purulente.

La TDM montre des cavités d’oreille moyenne Il en existe trois formes :


opaques. Lorsqu’elles sont stabilisées, mieux vaut • le cholestéatome sac est l’aboutissement d’une
se résoudre à un appareillage auditif. poche de rétraction qui se referme sur elle-même.
Il est constitué d’une paroi limitante d’épithé-
lium malpighien remplie de lamelles de kératine ;
Otite cholestéatomateuse • la forme racémeuse comporte de nombreuses
expansions digitiformes dans les cellules
Le cholestéatome a pris la première place dans aériennes de l’oreille moyenne ;
l’otite moyenne chronique. C’est une pseudo- • l’épidermose envahissante est la migration de
tumeur inflammatoire d’origine épithéliale. cellules épidermiques dans l’oreille moyenne à
Schématiquement, c’est le développement de partir d’une perforation tympanique en suivant
tissu ectodermique là où ne devraient exister que le marteau (épidermose malléaire) (encadré 6.1).
des tissus endodermiques. Lorsque l’épiderme Le cholestéatome diffère de la peau en
n’est plus à sa place, sa croissance est déréglée ce qu’il desquame de façon centripète avec
(fig. 6.11). hyperproduction de kératine donnant l’aspect

Figure 6.11. Cholestéatome (côté droit, vue latérale).


A. Forme extensive née d’une poche de rétraction postéro-supérieure (flèche). B. Structures restantes après évidement
en technique fermée. 1 : canaux semi-circulaires ; 2 : sinus veineux latéral ; 3 : paroi interne de l’antre mastoïdien ; 4 :
attique, tête du marteau et corps de l’enclume ; 5 : tegmen tympani ; 6 : parois supérieure et postérieure du conduit auditif
externe ; VII : nerf facial dans l’aqueduc de Fallope.
Chapitre 6. Otite moyenne chronique 103

marron cuit classique. D’autre part, la basale place d’aérateurs et de tentatives de chirur-
se transforme en matrice ayant acquis des gie otologique. Très souvent, l’atteinte est
propriétés ostéolysantes et se développant de bilatérale. L’interrogatoire s’enquiert de la
façon centrifuge. Le résultat est la destruction présence de surdité, de vertiges et d’otalgies.
progressive des parois de la caisse du tympan, Parfois, l’affection n’est découverte qu’après
de la mastoïde, des osselets (surdité de trans- une douche ou une baignade qui a déclenché
mission), de la cochlée (surdité de perception), un épisode aigu.
du canal semi-circulaire latéral (vertiges) et de
l’aqueduc de Fallope (paralysie faciale). Si on Otoscopie
le laisse faire, il gagne les méninges de l’étage
Parmi les signes cliniques, l’otorrhée est peu
moyen du crâne au travers du tegmen tympani
abondante mais fétide. Elle peut même être
(méningite et abcès du cerveau) et le sinus laté-
absente ou méconnue. L’otoscopie, faite à
ral dans la fosse postérieure (thrombophlébite
l’optique Panoview de 4 mm, découvre une
et septicémie).
perforation marginale de la membrane tympa-
nique au niveau de la pars flaccida (membrane
Diagnostic de Shrapnell) ou au niveau de la région pos-
téro-supérieure. La paroi latérale de l’attique
Le diagnostic de cholestéatome se pose en trois (mur de la logette) ou le cadre tympanique pos-
étapes : térieur ont déjà été érodés par des granulomes
• le reconnaître à l’otoscopie ; inflammatoires infectés. La perte de substance est
• évaluer la perte auditive par l’audiométrie ; couverte d’une croûte sanieuse d’où s’échappent
• juger de son extension par la tomodensitomé- des squames épidermiques blanches et brillantes
trie (TDM). (fig. 6.12). Ses limites ne peuvent être recon-
L’anamnèse permet de reconstruire une nues qu’après une aspiration sous microscope
longue histoire d’otites aiguës, de mise en binoculaire.

Figure 6.12. Cholestéatomes.


A. Attical gauche. B. Attical droit.
C. Rétrotympanique gauche. D. Invasif.
104 ORL thématique

Acoumétrie et audiométrie Formes cliniques (encadré 6.2)


Elles mettent en évidence une surdité de trans- Outre les formes topographiques (fig. 6.13
mission d’importance variable (cf. chapitre 7). et 6.14), il faut signaler les cholestéatomes
Il y a parfois déjà une labyrinthisation par congénitaux et post-traumatiques. Au chapitre
atteinte de l’oreille interne. En cas d’atteinte du diagnostic différentiel, le granulome à choles-
bilatérale, il faut identifier l’oreille la plus térine atteint souvent la pointe du rocher, mais
sourde. L’audiométrie est essentielle pour gui- peut se rencontrer dans la caisse du tympan. Il
der la prise en charge et possède une valeur peut avoir un comportement pseudo-tumoral. Il
médico-légale. serait secondaire à une hémorragie postopératoire
dans la cavité tympanique. L’IRM permet de le
TDM différencier d’une récidive de cholestéatome en
montrant l’hypersignal spontané en T1 et T2 non
Elle seule permet de juger de l’extension du
modifié par le gadolinium.
cholestéatome en la comparant à la TDM d’une
oreille normale (cf. partie 2, fiche « TDM de
l’oreille normale »). L’IRM est réservée à la Prise en charge
surveillance et aux complications méningo-encé-
phaliques. Les signes tomodensitométriques évo- Elle est toujours chirurgicale. Il faut éradiquer
cateurs sont la présence d’une masse tissulaire le cholestéatome et sa matrice en s’efforçant
homogène des cavités tympano-mastoïdiennes de sauvegarder la fonction de l’oreille normale
avec des zones d’ostéolyse. Ses contours sont (encadré 6.3).
typiquement convexes. Schématiquement, il s’agit
de cholestéatome rétrotympanique, attical, antral Principe des techniques fermées
(attico-antral), mastoïdien (antro-mastoïdien) ou Ces interventions, appelées évidements, consis-
invasif s’il atteint plus de deux de ces régions. La tent à fraiser et à mettre à plat les différentes
TDM recherche plus particulièrement si l’atrium structures anatomiques envahies par le choles-
(caisse du tympan) est sain, s’il existe une lyse des téatome. En fonction des zones de sacrifice osseux
osselets, une dénudation de l’aqueduc de Fallope, (attique, antre, mastoïde, atrium), on distingue
une fistule du canal semi-circulaire latéral et une les évidements attico-mastoïdien ou antro-attical
dénudation de la méninge. Elle évalue la mas- ou total étendu à la zone atriale de l’oreille.
toïde : si elle est vaste et cellulaire, ou au contraire Ces interventions peuvent comporter un sacrifice
si elle est condensée (sclérotique ou éburnée). ossiculaire (enclume, tête du marteau, marteau

Encadré 6.2

Cholestéatomes rares
• Le cholestéatome congénital de l’oreille • Le cholestéatome post-traumatique corres-
moyenne correspond à l’absence de résorption pond à l’incarcération de fragments d’épiderme
des cellules embryonnaires épidermiques. Il se dans l’oreille moyenne à la suite d’une frac-
développe au début, derrière une membrane tym- ture du rocher ou d’un geste chirurgical. Leur
panique intacte, sans pathologie inflammatoire principale caractéristique est leur survenue sur
muqueuse. Lors des premières années de la vie, des oreilles moyennes bien pneumatisées. Leur
ce cholestéatome a une taille limitée et occupe révélation clinique tardive, plusieurs années
habituellement le quadrant antéro-supérieur de la après le traumatisme, pose des problèmes
caisse du tympan. À la TDM, il a une forme de médico-légaux, compte tenu de la latence des
bille. En l’absence de diagnostic précoce, il peut symptômes révélateurs.
se révéler par une paralysie faciale et une surdité.

Chapitre 6. Otite moyenne chronique 105

Cholestéatome post-traumatique.
La flèche désigne le trait de fracture par où s’est faite
l’inclusion épidermique. Mastoïde bien pneumatisée.

Cholestéatome congénital chez un enfant de 7 ans.

Figure 6.13. Tomodensitométries (TDM) de cholestéatomes épitympaniques antérieurs


(vidéo 6.6 ).
A. Forme occupant seulement la fossette sus-tubaire en avant du cog (ou espace supraméatal). B. Forme révélée par des
vertiges, car étendue au canal semi-circulaire antérieur. C. Forme respectant l’attique externe et postérieure, mais ayant
progressé vers le ganglion géniculé avec dénudation du nerf facial. D. Forme atticale invasive étendue au mésotympan,
ayant détruit le tegmen tympani et dénudé la dure-mère.
106 ORL thématique

Figure 6.14. Cholestéatomes holotympaniques.


Ils naissent du mésotympan postérieur avec poche de rétraction envahissant le récessus facial, la fosse ovale et le sinus
tympani. A. Forme étendue à l’antre et à la mastoïde. B. Forme étendue à l’attique postérieure, à l’antre mastoïdien et
ayant dénudé le sinus latéral. C et D. Idem, mais ayant créé une fistule du canal latéral.

Encadré 6.3 derme et l’ectoderme. Il faut donc conserver un


conduit osseux ou le reconstruire. La membrane
Dogmes thérapeutiques tympanique doit aussi être refaite (myringoplastie)
• Lyse atticale isolée, mais pars tensa intacte.
et renforcée par de minces lamelles de cartilage.
Il faut prévoir une reconstruction de l’attique.
L’idéal est enfin de refaire un effet columel-
• Cholestéatome du rétrotympanum enva-
hissant la fosse ovale. Il faut prévoir une laire par ossiculoplastie (cf. chapitre 8). Le point
chirurgie longue et délicate, compte tenu de de départ doit être noté dans le compte-rendu
l’atteinte de l’étrier, de la situation du nerf opératoire, car en cas de récidive, c’est presque
facial et de l’extension au sinus tympani. toujours par là qu’elle débute : attique ou région
• Présence d’un polype = présence d’une tympanique postérieure.
ostéite. Autrefois, ces interventions se faisaient en deux
• Cas d’une oreille unique. En cas de sur- temps espacés d’une année : la première pour
dité profonde controlatérale (cophose), la éradiquer et reconstruire, et la deuxième pour
chirurgie d’un cholestéatome reste d’autant
détecter et supprimer une récidive sous forme de
plus nécessaire mais est très stressante.
perles de cholestéatome. Actuellement, grâce à la
• Surveillance d’un cholestéatome opéré :
distinguer le cholestéatome résiduel d’une
surveillance par imagerie, on renonce souvent à ce
récidive au sein d’une opacité diffuse (IRM deuxième temps (encadré 6.4).
de diffusion).
• Surveillance d’un cholestéatome opéré : Principe des techniques ouvertes
IRM pour savoir ce qui se passe derrière une
Des récidives multiples peuvent faire renoncer à
myringoplastie à base de cartilage.
reconstruire cette frontière entre l’endoderme et
l’ectoderme. Le recours est de passer à un évide-
entier, superstructure de l’étrier). Rarement, la ment radical. C’est une technique qui consiste à
chaîne, intacte, peut être respectée. sacrifier le conduit osseux postérieur et supérieur
D’autre part, pour éviter la récidive, il faut et à effectuer une plastie de conque pour aérer
reconstruire une frontière étanche entre l’endo- largement la cavité d’évidement. On assiste alors
Chapitre 6. Otite moyenne chronique 107

Encadré 6.4

Technique fermée pour un cholestéatome


A. Voie rétro-auriculaire et mastoïdectomie sus- D. Dissection anatomique (VII : nerf facial).
et rétroméatique avec préservation du conduit E. Vue opératoire d’une tympanotomie pos-
osseux abrasé. La tête du marteau et la face térieure par laquelle on voit une transposi-
externe du corps sont dégagées. tion d’enclume rétablissant l’effet columellaire
B. Traitement des lésions du récessus facial (cf. chapitre 8).
suprapyramidal par fraisage d’une fenêtre sur la F. TDM postopératoire montrant la cavité
caisse (tympanotomie postérieure) ayant la forme aérienne sus-méatique en haut et le conduit
d’un triangle à base supérieure compris entre nerf auditif externe en bas. À noter la présence
facial en dedans et cadre tympanal parcouru par d’une transposition d’enclume dans la fosse
la corde du tympan en dehors (coupe horizontale ovale.
avec triangle osseux à fraiser en hachuré). G. Technique ouverte reconstruite en technique
C. Tympanotomie postérieure réalisée, donnant fermée par un greffon osseux avec ossiculoplas-
accès sur la partie postérieure de la caisse tout tie par une prothèse en type III (cf. chapitre 8)
en préservant le cadre tympanal.

Chirurgies en technique fermée


(rochers, côté droit).
108 ORL thématique

à une épidermisation de cette cavité en quelques • forme latérale dans la poche de Prussak entre
semaines. Mais c’est une intervention chirurgicale pars flaccida et col du marteau avec son liga-
longue et difficile. Il faut fraiser jusqu’aux corti- ment suspenseur.
cales pour ne laisser aucune cellule osseuse. Il faut
abaisser le mur du facial et le mur de la logette
Indications dans le cholestéatome
au maximum pour obtenir une cavité en parfaite
mésotympanique
continuité avec le conduit auditif externe. Des
soins postopératoires pendant plusieurs semaines La partie postéro-supérieure du tympan se rétracte
sont nécessaires pour guider l’épidermisation. En dans le mésotympan, envahissant le récessus facial
respectant ces principes, on obtient d’excellents et le sinus tympani. Dans une chirurgie en tech-
résultats, y compris sur l’audition en construisant nique fermée, on pratique d’abord une mas-
une caisse réduite avec une myringo-stapédopexie toïdectomie, puis on réalise une tympanotomie
(cf. chapitre 8). Toutefois, même techniquement postérieure dans le récessus facial entre l’aqueduc
parfaite, cette cavité peut suinter et faire des de Fallope et l’annulus. Le nettoyage du sinus
croûtes. On peut être amené à proposer une tympani, toujours difficile, nécessite de fraiser
exclusion de l’oreille moyenne avec fermeture du la pyramide après section du muscle de l’étrier
conduit auditif externe et de la trompe d’Eus- (vidéo 6.8 ).
tache (encadré 6.5 et vidéo 6.7 ).
Indications dans le cholestéatome
Indications dans le cholestéatome hypotympanique
épitympanique La chirurgie reste cantonnée à l’atrium en relevant
En technique fermée, on pratique une tympano- la membrane tympanique vers l’avant. Le choles-
tomie antérieure en ouvrant l’attique sans détruire téatome envahit profondément les petites cellules
le mur de la logette. Mais on peut être limité en situées sous le promontoire, dont le fraisage n’est
avant du fait de l’obliquité du tegmen tympani. pas toujours possible du fait de l’étroitesse de l’accès.
Dans ce cas, on réalise une épitympanotomie
transcanalaire détruisant le mur de la logette.
Indications dans le cholestéatome
Le nettoyage de l’attique externe est facilité. Le
holotympanique
cog est fraisé pour ouvrir et nettoyer la fossette
sus-tubaire, et la tête du marteau et l’enclume Il occupe le mésotympan postérieur et s’étend
peuvent être réséquées pour faciliter l’accès à vers l’antre mastoïdien en arrière et vers l’attique
l’attique interne (cf. partie 2, fiche « TDM de interne en haut.
l’oreille normale »). La reconstruction du mur de • Si la mastoïde est petite et sclérotique ou dans
la logette et de l’attique se fait avec du cartilage les formes récidivées, on choisit une technique
de conque ou de tragus façonné pour s’encastrer ouverte en associant le sacrifice de la paroi atti-
dans le défect osseux. cale et en abaissant le mur du facial pour avoir
Ces techniques doivent s’adapter aux trois formes accès à toutes les traînées cellulaires envahies.
de cholestéatome épitympanique (fig. 6.13) : La reconstruction se fait avec de l’os ou des
• forme antérieure naissant au niveau de la partie billes d’hydroxyapatite.
antérieure de la membrane de Shrapnell et • Si la mastoïde est large et très cellulaire, dans
fusant vers le ganglion géniculé du nerf facial ; un premier temps, on associe une large tympa-
• forme postérieure naissant aux dépens de la notomie antérieure et une mastoïdectomie avec
partie postérieure de la membrane de Shrapnell, tympanotomie postérieure. Dans la mesure du
se développant en dehors de la chaîne ossiculaire possible, on évite les techniques ouvertes qui
et fusant le long du corps de l’enclume vers exposent à des cavités très suintantes pendant
l’additus et la mastoïde ; de nombreuses années.
Chapitre 6. Otite moyenne chronique 109

Encadré 6.5

Technique ouverte pour un cholestéatome


A. Limites d’une masto-antro-atticotomie en D. Otoscopie d’une antro-atticotomie en tech-
position opératoire. nique ouverte sur mastoïde petite et sclérotique.
B. Vaste cavité d’évidement effectuée par voie Marteau en place avec rehaussement d’étrier
transméatique. Abrasion maximale du massif pour refaire un effet columellaire. Bonne épi-
du facial pour aboutir à une cavité à l’aspect dermisation de la cavité qui est propre et sèche.
harmonieux, régulier, sans recoin inaccessible. E. Idem avec abaissement complet de l’aque-
La région de la pointe mastoïdienne forme duc de Fallope.
toutefois un bas-fond, car elle est tout entière F. Pièce de cholestéatome après évidement
située en contrebas du plancher du conduit. montrant l’aspect marron-cuit classique.
C. Otoscopie montrant la position du nerf
facial par rapport à l’annulus du tympan (ostéite
bénigne circonscrite).

Chirurgies en technique
ouverte (rochers, côté
droit).
110 ORL thématique

Surveillance postopératoire
La récidive du cholestéatome est le risque prin-
cipal. L’examen TDM montre fréquemment des
opacités partielles de la cavité tympanique. Dans
ce cas, l’IRM a une valeur prédictive de 90 %. Elle
visualise des lésions de 5 mm et plus en associant
des séquences conventionnelles en spin-écho T1
(hyposignal, contrairement au granulome à cho-
lestérine) et T2 (hypersignal) à des séquences T1
gadolinium tardives (30 à 45 minutes : pas de
rehaussement, contrairement à la fibrose) et des
séquences en diffusion réalisées en turbo spin-
écho (hypersignal sans artéfacts).

Complications
des otites chroniques
Figure 6.15. Complications neurologiques des choles-
• La labyrinthite purulente est liée à l’irruption téatomes. VII : nerf facial.
Sauvage J.-P., Bessède J.-P. Révision accélérée en ORL. Paris :
des germes dans l’oreille interne par une fistule Maloine, 1987, p. 80 (fig. 23).
siégeant au niveau des fenêtres ou en rapport avec
l’érosion du canal semi-circulaire latéral par un en urgence à la recherche d’un abcès dans la
cholestéatome de l’antre mastoïdien. Le signe de fosse postérieure ;
la fistule est pathognomonique : vertige et nys- – thrombophlébite du sinus latéral : l’extension
tagmus à la compression dans le conduit auditif de l’ostéite ou du cholestéatome vers le
externe (cf. partie 2, fiche « Fistule (signe de la) »). sinus veineux latéral provoque sa thrombose.
• Les complications neurologiques (fig. 6.15) Celle-ci gagne de proche en proche le golfe
demeurent possibles dans l’otite chronique de la jugulaire et la veine jugulaire interne.
cholestéatomateuse, d’où la règle de faire une Cliniquement, c’est un grand tableau septicé-
otoscopie devant toute neuropathie fébrile : mique avec hémoculture positive. Les signes
– paralysie faciale périphérique : elle est liée à d’appels mastoïdiens sont souvent minimes
une atteinte de l’aqueduc de Fallope (2e por- et c’est l’otoscopie qui est le plus souvent
tion et coude) au moment où le nerf traverse décisive. Avant de sacrifier cet axe veineux, il
l’oreille moyenne ; faut vérifier que le sinus controlatéral est bien
– méningite, abcès du cerveau : la méningite présent.
otogène est généralement liée à l’effraction Les complications méningo-encéphaliques des
des espaces méningés par un processus ostéi- otites ne sont pas exceptionnelles. Elles justifient
tique ou cholestéatomateux. L’abcès cérébral la surveillance et le traitement spécialisé de toute
est redouté devant une méningite qui tarde otorrhée chronique, et plus particulièrement de
à guérir et qui se complique d’un tableau l’otite chronique cholestéatomateuse.
d’hypertension intracrânienne. Souvent, les
tableaux sont décapités par des antibiothé-
rapies mal adaptées. Le diagnostic repose `` Compléments en ligne
alors sur l’existence d’une obnubilation pro-
gressive +++ avec élévation du nombre de Des compléments numériques sont associés à ce cha-
polynucléaires dans le liquide céphalo-rachi- pitre, ils sont indiqués dans le texte par un picto .
dien. L’imagerie doit alors être demandée Ils proposent les vidéos du chapitre. Pour voir
Chapitre 6. Otite moyenne chronique 111

une vidéo, scannez le flashcode correspondant à Vidéo e6.4. Poche de rétraction postéro-supérieure.
l’aide de votre smartphone ou de votre tablette, Membrane tympanique gauche. Sa couleur est normale
et il n’y a aucun signe inflammatoire. Le tympan est trans-
ou connectez-vous sur http://www.em-consulte. parent et il n’y a pas d’épanchement rétrotympanique.
com/e-complements/474503 et suivez les ins- En revanche, le tympan est très rétracté : 1) l’apophyse
tructions. externe est très saillante avec un manche du marteau
horizontal ; 2) le ligament tympano-malléaire postérieur
est moulé ; 3) il existe une poche de rétraction postéro-
supérieure ; 4) cette poche de rétraction moule la branche
descendante de l’enclume avec un fort risque d’évolution
Vidéo e6.1. Myringosclérose.
vers la rupture de la chaîne ossiculaire et vers le choles-
Ce tympan droit est presque normal, sauf qu’il est infiltré
téatome. Devant cette grande rétraction avec atrophie
par deux plaques de myringosclérose, stigmates des
de la membrane tympanique, il est urgent de faire un
otites séromuqueuses anciennes et sans conséquence sur
renforcement de la membrane tympanique.
l’audition en l’absence de tympanosclérose ossiculaire.

Vidéo e6.5. Poche de rétraction incontrôlable.


C’est une oreille gauche. Toute la membrane tympanique
Vidéo e6.2. Pose d’aérateur transtympanique (yoyo ou gauche est fine et rétractée. En avant du manche du
diabolo). marteau, cette rétraction est minime et, par transparence,
Otite séromuqueuse gauche responsable d’otites à répéti- on devine l’ouverture de la trompe d’Eustache. En arrière,
tion. Incision dans le quadrant antéro-inférieur du tympan. on voit une grande poche de rétraction indiquée par la
Aspiration douce de l’épanchement séromuqueux. Poser flèche qui s’enfonce vers le retrotympanum ; elle moule
l’aérateur de guingois sur l’incision et le mettre en place l’articulation incudo-stapédienne (1) et le promontoire (2).
avec une pointe fine. Malgré l’utilisation d’une optique 0° de 4 mm de diamètre,
on ne voit pas le fond de cette poche de rétraction. En
fait, bien que ce n’en soit pas encore un, il faut considérer
cette situation comme un véritable cholestéatome.

Vidéo e6.3. Séquelles fibro-adhésives d’otite chronique.


Tympan droit. Patient adulte, ayant présenté de nom-
breuses otites. La ligne pointillée délimite une atticotomie Vidéo e6.6. Cholestéatomes épitympaniques.
spontanée en rapport avec une poche de rétraction ayant Le microscope de consultation et les optiques de 4 mm
dénudé une partie de la tête du marteau (M) et l’enclume sont indispensables pour un bon bilan otoscopique. Ici,
(En), mais ayant respecté le ligament tympano-malléaire la membrane tympanique gauche est opaque, traduisant
postérieur (ltm). L’articulation incudo-stapédienne (AIS) la présence de cholestéatome dans la caisse. C’est au
reste fonctionnelle et la surdité est légère. Il existe aussi niveau de l’attique qu’on trouve l’aspect marron cuit
une poche de rétraction postéro-supérieure encore typique, envahissant une grande atticotomie spontanée.
contrôlable, moulant le promontoire (Pr) et la fenêtre Le piège classique est qu’une otoscopie trop rapide laisse
ronde (FR). À part des difficultés pour la baignade, le croire que le tympan est normal. Pour cet autre patient, on
patient se contente de son état et refuse toute intervention découvre le cholestéatome au-dessus du tympan droit qui
chirurgicale. paraissait normal au premier abord.
112 ORL thématique

Vidéo e6.7. Évidement radical et audio (résultats). Vidéo e6.8. Tympanotomie postérieure.
Ce patient avait subi un évidement radical gauche pour La tympanotomie postérieure consiste à réaliser une
cholestéatome multi-opéré étendu de l’attique à la mas- fenêtre entre la mastoïde et la caisse du tympan. Voici la
toïde. À l’époque, une méatoplastie avait été réalisée, fenêtre vue de la caisse du tympan chez un sujet debout.
donnant une bonne vue et permettant une bonne aération. Elle sera creusée dans la zone rose comprise entre le
On peut apercevoir l’attique ouverte en haut (Att), la bosse tympan (Ty) et le facial (VII). Elle donne une vue sur l’étrier
du canal latéral (CL) et celle du massif du facial (MF) qui (Et) et la fenêtre ronde (FR). Voici la même fenêtre en
avait été abaissé de façon insuffisante. La mastoïde (Ma) position opératoire chez un sujet couché (oreille droite :
était bien épithélialisée et propre. Le patient était satisfait NF = nerf facial, CT = corde du tympan, E = enclume, CL =
car la cavité était sèche et l’audition presque normale canal semi-circulaire latéral, CP = canal semi-circulaire
(audiogramme) grâce au rehaussement de l’étrier (Et) et postérieur). L’intervention consiste à prolonger la zone
à la conservation du marteau (M). Un nettoyage annuel rose vers le bas. Oreille droite. On commence par la
de la cavité est suffisant, mais l’introduction d’eau reste mastoïdectomie. Puis on crée la fenêtre à la fraise diamantée
déconseillée. sous bonne irrigation pour ne pas léser le facial qui est juste
en dedans. Voici l’étrier et plus bas, c’est la fenêtre ronde.
Chapitre 7
Examen d’une surdité
Points forts l’oreille interne. Grâce au système tympano-ossicu-
j Les surdités de transmission sont celles qui laire, le rendement passe à plus de 60 %2.
concernent l’oreille externe et l’oreille moyenne.
j Les surdités de perception sont celles qui concernent
l’oreille interne et les voies rétrocochléaires.
j Les épreuves au diapason de Rinne et de Types de surdité
Weber permettent de distinguer surdité de
transmission et surdité de perception.
Les pertes auditives peuvent être classées sui-
j L’audiométrie tonale mesure les pertes
auditives pour chaque fréquence.
vant deux catégories : les surdités de transmis-
j L’audiométrie vocale mesure la sion (altération du système tympano-ossiculaire)
discrimination et l’intelligibilité. et les surdités de perception (altérations endo- et
j L’impédancemétrie teste la mécanique rétrocochléaires). En fonction du siège de la lésion,
de l’oreille moyenne. on distingue encore plusieurs types de surdité
j Les oto-émissions acoustiques provoquées (fig. 7.1) :
testent la mécanique de l’oreille interne. • les surdités de transmission sont en rapport avec
j Les potentiels évoqués auditifs testent une obstruction de l’oreille externe ou avec une
seulement les fréquences aiguës.
lésion de l’oreille moyenne (tympan, osselet,
j Les ASSR (auditory steady-state responses) testent
les fréquences graves et les fréquences aiguës.
épanchement rétrotympanique, cholestéatome,
etc.) ;
L’oreille interne nous vient des poissons. Conçue • les surdités de perception (ou neurosenso-
pour capter des vibrations liquidiennes, elle a rielles) sont en rapport avec une atteinte de
dû s’adjoindre l’oreille moyenne pour capter les l’oreille interne ou avec une atteinte sur les
vibrations aériennes quand la phylogenèse s’est voies nerveuses ;
poursuivie sur les continents. C’est la fonction du • les surdités de perception peuvent encore être
tympan et de la chaîne des osselets. Ils mettent les classées par rapport à la cochlée :
liquides de l’oreille interne en vibration (cf. partie – surdités cochléaires (ou endocochléaires),
2, fiche « Anatomophysiologie de l’audition »). lorsque l’affection siège au niveau de la coch-
Le son n’est que le déplacement local des molé- lée (traumatisme sonore, ototoxicité, maladie
cules de part et d’autre de leur position moyenne. Il de Menière),
se propage dans l’air à une vitesse de 340 m/sec et – surdités rétrocochléaires, lorsque la lésion
dans l’eau à une vitesse 1 500 m/sec. L’air et l’eau est située sur le nerf cochléaire (VIIIe paire
sont des milieux d’impédance1 très différente : crânienne) ou sur les voies cochléaires du
92 dyn/sec/cm3 pour l’air et 0,35 × 106 dyn/ tronc cérébral et du diencéphale (tumeur de
sec/cm3 pour les liquides de la cochlée. Sans la fosse postérieure) ;
un système d’adaptation d’impédance, seulement • la surdité est dite corticale lorsque c’est le lobe
1,6 % de l’énergie des sons serait transmise à temporal ou les aires associatives qui sont en
cause.
1. Impédance : rapport de l’amplitude d’une grandeur
sinusoïdale (pression acoustique, tension électrique) à
l’amplitude de la grandeur sinusoïdale induite (flux de 2. Buser P., Imbert M. Neurophysiologie fonctionnelle. 3,
vitesse, courant électrique). Audition. Paris : Herman, 1987.
Guide d'ORL
© 2016 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
114 ORL thématique

Figure 7.1. Types de surdité.


Schéma : Sauvage J.-P., Bessède
J.-P. Révisions accélérées en
ORL. Paris : Maloine, 1987, p. 86
(fig. 24).

Examen clinique faible intensité. L’amplification par un appa-


du malentendant reillage améliore la situation dans la plupart
des cas ;
– ceux qui comprennent mal. Le sujet entend
Interrogatoire les sons, mais ne comprend pas leur sens. En
L’hypoacousie est le symptôme déclaratif d’un milieu silencieux, l’hypoacousie est mineure
patient qui se plaint de moins bien entendre. Dire mais s’aggrave en milieu bruyant. L’appareil-
qu’il a une surdité est le résultat d’une démarche lage risque d’être décevant.
diagnostique.
• L’hypoacousie peut être d’apparition brutale, Otoscopie
souvent unilatérale, pouvant nécessiter un trai-
tement en urgence. C’est une surdité brutale C’est le premier geste à effectuer. Il faut savoir
qui entre dans le cadre d’une affection recon- si le tympan est normal ou non. L’otoscopie
nue : par exemple, l’hémorragie intratumorale peut révéler un rétrécissement du conduit auditif
d’un neurinome de l’acoustique. En revanche, externe ou une otorrhée. L’ablation complète du
l’appellation surdité brusque est réservée à une cérumen est indispensable pour ne pas mécon-
entité où la cause reste inconnue après toutes naître une petite perforation.
les investigations nécessaires (cf. chapitre 8).
• L’hypoacousie peut être progressive, s’aggra-
vant au fil du temps, en quelques mois ou en Acoumétrie à la voix
quelques années, comme les surdités profes-
sionnelles ou les presbyacousies (surdités liées • Il est demandé au patient de répéter les chif-
au vieillissement). fres que l’examinateur prononce à voix haute
• On peut encore distinguer deux catégories de puis à voix chuchotée. Chaque côté est étudié
patients hypoacousiques : séparément en bouchant l’oreille controlatérale
– ceux qui entendent mal. La gêne auditive avec l’index agité d’un mouvement alternatif.
n’apparaît que pour les sons ou les voix de La voix chuchotée consiste à prononcer les
Chapitre 7. Examen d’une surdité 115

chiffres après une expiration profonde en vidant


les poumons. Les chiffres à base de 9 comme
99 étudient plutôt les fréquences graves. Les
chiffres à base de 6 comme 66 étudient plutôt
les fréquences aiguës.
• L’audition normale perçoit la voix chuchotée à
six mètres. Lorsqu’elle n’est perçue qu’à moins
de 30 cm du pavillon, il s’agit d’une perte
auditive atteignant approximativement 40 à
50 dB. Quand la voix haute est perçue au ras
du conduit, mais pas la voix chuchotée, c’est
une perte auditive sévère atteignant au moins
60 dB. Si le sujet ne peut répéter la voix haute
prononcée au ras du conduit, c’est une surdité
profonde. En pareil cas, il faut masquer l’oreille
controlatérale avec une aide soufflant douce- Figure 7.2. Épreuve de Rinne.
ment dans le conduit auditif externe contro- CA : conduction aérienne ; CO : conduction osseuse.
Schéma : Sauvage J.-P., Bessède J.-P. Révisions accélérées en ORL.
latéral en même temps que l’on prononce les Paris : Maloine, 1987, p. 88, (fig. 25).
chiffres. Sinon, le transfert crânien peut faire
croire qu’il reste de l’audition. centimètres du pavillon (en CA). Normalement, il
doit l’entendre à nouveau en conduction aérienne
Acoumétrie au diapason (CA) pendant au moins 20 secondes. S’il l’entend
moins longtemps ou s’il ne l’entend pas, c’est qu’il
Un diapason médical (modèle y a une surdité de transmission atteignant au maxi-
Hartmann de fréquence 256 ou mum 60 dB (ex. : une rupture de la chaîne des
512 Hz), mis en vibration, peut être osselets). S’il ne l’entend à nouveau que pendant
entendu de deux façons différentes 5 à 10 secondes, c’est une surdité de transmission
• Présenté à quelques centimètres du pavillon atteignant 20 à 40 dB (ex. : en rapport avec une
de l’oreille, le sujet l’entend en « conduction perforation tympanique).
aérienne » (CA). Toutes les structures auricu-
laires participent : oreille externe (pavillon et Épreuve de Weber (fig. 7.3)
conduit), oreille moyenne (tympan et osselets), Normalement, le pied du diapason en vibration
oreille interne (cochlée) et voies cochléaires appliqué sur le vertex (ou sur le nasion, ou sur les
centrales. dents) est entendu au centre. Dans les surdités de
• Appuyé par son pied sur un os du crâne transmission, il est entendu du côté sourd. Dans les
(mastoïde ou os frontal), le sujet l’entend en surdités de perception, il est entendu du côté sain.
« conduction osseuse » (CO). La vibration
atteint alors directement l’oreille interne, court- Synthèse
circuitant l’oreille externe et l’oreille moyenne.
S’agit-il d’une surdité de transmission ou d’une
Seules l’oreille interne et les voies cochléaires
surdité de perception ?
centrales sont alors étudiées.
L’acoumétrie à la voix et celle
Épreuve de Rinne (fig. 7.2) au diapason ne sont pas désuètes
Après avoir mis le diapason en vibration, on Elles permettent de contrôler les résultats de
commence par l’appliquer sur la mastoïde (en CO). l’audiométrie tonale en cas de surdité unilatérale
Le sujet doit lever la main lorsqu’il ne l’entend ou fortement asymétrique (cf. infra). Dans le cas
plus. On présente alors le diapason à quelques d’une hypoacousie unilatérale atteignant environ
116 ORL thématique

Figure 7.3. Épreuve de Weber.


A. Sujet normal : le son est perçu au milieu. B. Surdité de transmission gauche, le son est latéralisé à gauche, du côté
sourd. C. Surdité de perception gauche, le son est latéralisé à droite du côté sain.
Schéma : Sauvage J.-P., Bessède J.-P. Révisions accélérées en ORL. Paris : Maloine, 1987, p. 88 (fig. 26).

60 dB (gauche par exemple), où le patient côté sain. L’otoscopie est normale. Le diagnos-
entend la voix haute mais pas la voix chuchotée tic de neurinome de l’acoustique est redouté
au ras du conduit, deux situations peuvent se en pareil cas, déclenchant la batterie des tests
présenter. audiométriques objectifs (cf. chapitre 8).
• Dans la première, c’est une surdité de transmis-
sion. Dans l’épreuve de Rinne, la conduction Autres caractéristiques des surdités
osseuse du côté gauche est normale. Mais le de transmission
patient n’entend pas le diapason quand on le Toutes les fréquences sont généralement atteintes,
présente devant le pavillon. La confirmation surtout les graves. Il s’agit de simples décalages
du caractère transmissionnel est apportée par des seuils auditifs sans distorsion sonore. Ce sont
l’épreuve de Weber où le patient latéralise du des sujets qui « entendent mal » (cf. supra). Les
côté gauche (côté sourd). Si l’otoscopie est surdités de transmission isolées ne sont jamais
anormale, il peut s’agir de séquelles d’otite totales, elles atteignent au maximum 60 dB et
chronique (cf. chapitre 8). Si le tympan est sont toujours facilement appareillables et presque
normal, il peut s’agir d’une ankylose de l’étrier toutes opérables.
(otospongiose). Quoi qu’il en soit, cette surdité
de transmission est une bonne indication de Caractéristiques des surdités de perception
chirurgie de la surdité. Au contraire des surdités de transmission, elles
• Dans la seconde, c’est une surdité de percep- s’accompagnent fréquemment d’importantes dis-
tion. Le diapason présenté à gauche en conduc- torsions, en particulier les surdités d’origine cen-
tion osseuse n’avait été entendu que pendant trale. Le plus souvent, la surdité prédomine sur
3 à 4 secondes. En revanche, présenté devant les fréquences aiguës. Elles représentent les cas
le pavillon, en conduction aérienne, le patient typiques où le sujet entend mais comprend mal.
l’avait encore entendu au moins 20 secondes. La Elles sont difficiles à appareiller. Au maximum, la
confirmation du caractère perceptif est apportée destruction de l’oreille interne entraîne une perte
par l’épreuve de Weber latéralisée à droite du complète de l’audition : c’est la cophose.
Chapitre 7. Examen d’une surdité 117

Audiométrie subjective Encadré 7.1

Analyse temporo-spectrale d’un


Les bases de l’exploration fonctionnelle sub- son utilisé en audiométrie tonale
jective sont psycho-acoustiques. L’audiométrie Les sons peuvent se représenter en plusieurs
mesure l’audition à l’aide d’épreuves nécessitant dimensions : le temps, la fréquence (f) et
la coopération du sujet. L’audiogramme tonal l’amplitude (a). L’oreille chez le sujet jeune
et l’audiogramme vocal sont irremplaçables. Ils perçoit les sons de fréquence comprise entre
20 Hz et 20 000 Hz. L’intensité d’un son
sont indispensables pour adapter un appareillage
correspond à l’énergie que transporte l’onde
auditif. sonore par unité de surface et par unité
de temps. Cette intensité correspond à une
puissance P par unité de surface. La loi
Audiométrie tonale de Fechner édicte que la sensation croît
L’audiométrie tonale liminaire mesure, pour comme le logarithme de l’intensité du stimu-
lus. L’intensité en dB est donc une échelle
chaque oreille, les seuils en conduction aérienne
logarithmique dans les rapports d’intensité.
et en conduction osseuse. Le seuil d’audition
• Les sons purs ne comportent qu’une seule
est le niveau le plus faible auquel le son est fréquence représentée par une sinusoïde tout
perçu pour chacune des fréquences testées. le temps qu’ils durent. L’analyse spectrale ne
Les signaux utilisés en audiométrie tonale sont montre qu’une raie unique. Les sons purs
des sons purs de fréquences 125, 250, 500, sont employés en conduction aérienne et en
1 000, 2 000, 4 000 et 8 000. Les fréquences conduction osseuse.
500, 1 000 et 2 000 sont les plus importantes • Les sons pulsés sont des sons purs durant
dans la compréhension du langage : elles sont 0,2 seconde, séparés par des intervalles de
dites conversationnelles. À tout âge, leurs seuils 0,2 seconde. Les sons pulsés sont utilisés chez
doivent rester reproductibles lors d’examens les patients présentant des bourdonnements
et des sifflements pour les aider à distinguer
répétés. Les fréquences 12 000 et 14 000 sont
les sons testés de leurs acouphènes.
mieux perçues chez les sujets très jeunes (audio-
métrie haute-fréquence). Leur étude est utile
dans le dépistage précoce d’une ototoxicité
cochléaire au cours d’une chimiothérapie (cis-
platine).

Principe
L’audiométrie tonale doit être effectuée en cabine
insonore. Les sons sont présentés au patient
à l’aide d’un casque comportant un écouteur
sur chaque oreille, entouré d’un bourrelet pour
améliorer l’insonorisation. D’autres transducteurs
sont nécessaires : un vibrateur osseux applicable
sur l’os frontal et l’os mastoïdien et des haut- • Les sons vobulés sont des sons comportant
des cycles de modulation de fréquence très
parleurs pour l’audiométrie en champ libre. Les
proches du son étudié. L’analyse spectrale
sons sont produits par un audiomètre permet- montre une bande étroite. Ils sont utilisés
tant de choisir le type de son, sa fréquence en pour vérifier l’efficacité d’un appareillage :
hertz (Hz) et son intensité en décibels (dB) en champ libre avec des haut-parleurs. Si on
(encadré 7.1). Sur l’audiogramme, on indique utilisait des sons purs, on créerait des ondes
non pas l’intensité physique réellement perçue stationnaires et des résonnances perturbant
par le sujet, mais la perte auditive par rapport aux l’examen.
sujets normaux (encadré 7.2). 
118 ORL thématique

 Encadré 7.2

Sensibilité auditive en dB SPL et HL


Les seuils tonaux varient en fonction de la
fréquence du son testé. L’intensité physique
est exprimée en décibels SPL (sound pression
level). Elle est mesurée avec un sonomètre et
représente une pression sonore s’exprimant
en micropascals (µPa). En pratique audiomé-
trique, une telle représentation serait peu
pratique car la courbe au seuil 0 dB SPL serait
• Les bruits masquant la parole sont utilisés courbe et non plate comme celle d’un audio-
pour masquer une oreille pendant qu’on gramme. L’audiogramme clinique a donc été
effectue une audiométrie vocale sur l’autre défini en prenant comme référence le seuil
oreille. Ce sont des bruits anarchiques audiométrique moyen d’une population de
comportant de multiples fréquences et de sujets jeunes normo-entendants. Les pertes
multiples amplitudes. auditives sont exprimées par rapport à cette
population en décibels HL (hearing level).

Pratique
Le testeur doit d’abord expliquer au patient testé
comment il doit répondre lorsqu’il a perçu le Seuils tonaux exprimés en dB SPL.
son. Une première méthode est de lui demander La plus petite intensité physique qu’un sujet normal
peut entendre est 20 µPa aux fréquences 1 000 et
d’appuyer sur un bouton lorsqu’il a entendu. Un
2 000 Hz. Pour chaque fréquence, le seuil auditif est
voyant lumineux s’allume alors sur l’audiomètre. obtenu en augmentant la stimulation du nombre de
Mais ce n’est pas la meilleure méthode, car elle décibels SPL requis indiqués dans la figure.
oblige à quitter le patient des yeux pour rester
fixé sur le voyant. Or, il est capital d’observer le
patient au moment de sa réponse qui peut être la méthode des niveaux ascendants. Des pas de
franche ou hésitante. L’autre méthode consiste à 5 dB sont utilisés en pratique courante. Plusieurs
lui demander de lever la main du côté où il entend mesures successives sont parfois nécessaires pour
le son. Ce point est essentiel dans les surdités valider un seuil douteux.
unilatérales ou fortement asymétriques (cf. infra). Ensuite, on étudie la conduction osseuse. Le
L’examen débute par l’oreille présumée la meil- transducteur est alors le vibrateur osseux. On
leure à partir des données de l’interrogatoire. commence par le placer sur l’os frontal pour une
Le test commence en conduction aérienne à épreuve de Weber audiométrique destinée à mettre
1 000 Hz, se poursuit par les fréquences aiguës en évidence une asymétrie en conduction osseuse
et se termine par les fréquences graves en ordre (cf. supra). Puis on étudie la conduction osseuse
décroissant. À chaque niveau, le temps de stimu- en plaçant le vibrateur sur la mastoïde de l’oreille
lation doit être de 1 à 2 secondes. Il est recom- testée. Dans cette dernière mesure, le vibrateur ne
mandé d’effectuer la recherche des seuils selon doit pas toucher le pavillon de l’oreille, sinon le
Chapitre 7. Examen d’une surdité 119

résultat est faussé. Il faut donc toujours bien veiller Le masquage de l’oreille controlatérale à
à ce qu’il y ait un écart entre les deux. l’oreille testée est basé sur l’emploi d’un bruit
blanc dont le delta d’assourdissement est de
Masquage ou assourdissement l’ordre de 15 dB pour une audition normale. En
L’écueil en audiométrie est que le patient réponde cas de surdité asymétrique, l’assourdissement uti-
en se basant sur le côté opposé à celui testé. lise un bruit masquant par voie aérienne, prenant
Le transfert transcrânien controlatéral est source en compte l’énergie du transfert transcrânien
de mesures erronées. Des courbes fantômes se capable de masquer la conduction osseuse du
produisent en cas d’asymétrie entre les deux côté opposé, soit environ 50 dB (encadré 7.3).
oreilles dépassant 50 dB en conduction aérienne En retour, ce bruit masquant ne doit pas être
et 10 dB en conduction osseuse. Autant dire trop intense pour ne pas retentir sur la sensibilité
qu’en conduction osseuse, on ne sait jamais quelle de l’oreille testée. Il y a donc un assourdissement
est l’oreille qui répond. La conséquence est que minimum permettant de masquer efficacement
l’on peut confondre une surdité de perception l’oreille controlatérale. Il y a aussi un assourdis-
sévère inopérable avec une surdité de transmission sement maximum au-delà duquel le masquage
justiciable d’une chirurgie par ossiculoplastie. retentit sur l’oreille testée.

Encadré 7.3

Méthodes de masquage de l’oreille opposée à l’oreille testée


• En conduction aérienne (au casque), il faut • Si c’est l’oreille testée qui perçoit le son-test,
assourdir quand l’écart entre la conduction l’augmentation d’intensité du son masquant
aérienne de la moins bonne oreille et la conduc- ne modifie pas le seuil de perception du son-
tion osseuse de la meilleure oreille atteint ou test : c’est le plateau qui correspond au seuil de
dépasse 50 dB. En conduction osseuse (vibra- l’oreille testée.
teur), il faut assourdir quand l’écart entre la • Après ce plateau, le son masquant retentit sur
conduction osseuse de la moins bonne oreille l’oreille testée et l’augmentation de l’intensité
atteint ou dépasse de 10 dB celle de la meilleure du masque entraîne une augmentation du seuil
oreille. La conséquence est qu’on assourdit de perception du son-test.
presque toujours en conduction osseuse et rare-
ment en conduction aérienne. En pratique
• Valeur du masquage pour l’étude de la voie • La première oreille à tester est la meilleure
aérienne : oreille ou celle indiquée par une latéralisa-
tion franche du Weber audiométrique. Si les
– valeur minimum = intensité du son-test
réponses de la mauvaise oreille sont inférieures
- 50 dB + Rinne oreille masquée + 15 dB ;
de plus de 40 dB en conduction aérienne par
– valeur maximum = seuil osseux de l’oreille
rapport à la bonne, il faut assourdir progres-
testée + 50 dB + 15 dB.
sivement :
• Valeur du masquage pour l’étude de la voie
– si le son-test reste audible jusqu’à ce que
osseuse. Le calcul est identique à celui réalisé
l’intensité du masque atteigne l’intensité du
pour la conduction aérienne, mais dans ce cas, la
son-test, c’est le bon seuil aérien ;
valeur de l’atténuation crânienne est négligeable :
– si le son-test disparaît après une faible
– valeur minimum = intensité du son-test
augmentation de l’intensité du masquage,
+ Rinne oreille masquée + 15 dB ;
on augmente l’intensité du son-test par sauts
– valeur maximum = seuil osseux de l’oreille de 5 dB jusqu’à ce que le son-test reste per-
testée + 50 dB + 15 dB. ceptible malgré l’augmentation de l’intensité
Méthode par la recherche d’un plateau (plateau).
Principe • On procède ensuite de la même façon pour la
• Si c’est l’oreille masquée qui perçoit le son- détermination des seuils osseux.
test, le masque est insuffisant.
120 ORL thématique

Représentation graphique Le graphique de l’audiogramme tonal doit


de l’audiogramme obéir à plusieurs conventions. En haut, le trait
L’audiogramme est un graphique où on reporte épais horizontal représente le 0 dB HL pour les
les fréquences en abscisses et les pertes audi- sujets normaux à toutes les fréquences testées.
tives en ordonnées négatives. Chaque point L’intensité du son testé augmente de 5 dB en
indique, pour la fréquence concernée, la perte 5 dB en allant vers le bas. L’entrecroisement
auditive en dB par rapport au seuil des sujets des lignes forme des cases de telle sorte que
normaux. Les appareils sont étalonnés de telle deux cases empilées forment un carré. Soit
sorte que le plus faible son perçu par un sujet 10 dB en ordonnées et un écart entre deux fré-
normal corresponde à la cotation « 0 décibel de quences étudiées en abscisse. Chez un adulte,
perte ». Le même procédé est utilisé, tant pour on estime normale une réponse entre 0 et
la conduction aérienne que pour la conduction 5 dB. À partir de 30 dB, il peut y avoir une
osseuse. Ainsi, pour une audition normale, en gêne sociale.
rejoignant les points obtenus, on obtient deux On représente les réponses de l’oreille droite en
courbes plates superposées sur le zéro décibel rouge et les réponses de l’oreille gauche en bleu
(fig. 7.4). (fig. 7.5). En conduction aérienne, la réponse
est notée par une croix (x) quand il s’agit de
l’oreille gauche et un rond (o) quand il s’agit de
l’oreille droite. En conduction osseuse, c’est un
carré ouvert à gauche (>) pour l’oreille gauche
et à droite (<) pour l’oreille droite. Les seuils
d’inconfort sont désignés par des croix barrées (x)
pour l’oreille gauche et des ronds barrés (o) pour
l’oreille droite.
Les figures 7.6, 7.7 et 7.8 montrent les audio-
grammes respectifs d’une surdité de transmission,
d’une surdité de perception et d’une surdité
mixte. La courbe de conduction osseuse ne peut
être placée au-dessous de la courbe de conduction
aérienne, du fait de la convention précédente.
Plusieurs formules de perte audiométrique
Figure 7.4. Audiogramme tonal normal. tonale moyenne ont été proposées. Elles privilé-
Les fréquences sont reportées en abscisse et les décibels
de perte auditive sont indiqués en ordonnées.
gient toutes la fréquence 1 000. Certaines sont
Schéma : Sauvage J.-P., Bessède J.-P. Révisions accélérées en ORL. réservées à des expertises particulières (médecine
Paris : Maloine, 1987, p. 91 (fig. 27). militaire, maladies professionnelles, etc.).

Figure 7.5. Conventions.


En conduction aérienne, les seuils sont reliés par un trait plein, tandis qu’en conduction osseuse, ils le sont par un trait
pointillé.
Schéma : SFA, « Guide de bonnes pratiques en audiométrie de l’adulte », www.sfaudiologie.fr
Chapitre 7. Examen d’une surdité 121

Figure 7.6. Audiogramme tonal d’une surdité


de transmission. Figure 7.8. Audiogramme tonal d’une surdité mixte.
La conduction osseuse (CO) reste normale, mais la Conduction aérienne et conduction osseuse sont
conduction aérienne (CA) baisse. L’écart entre les deux abaissées, simultanément mais dans des proportions
courbes est appelé Rinne audiométrique (on dit aussi différentes (plus pour la conduction aérienne que pour la
que le Rinne est ouvert). À la fréquence 4 000, le Rinne conduction osseuse). Il existe une atteinte concomitante
audiométrique est très faible, ce qui est en faveur d’une de l’oreille interne et de l’oreille moyenne. L’écart entre
chaîne ossiculaire continue (ankylose de l’étrier ?) CA et CO représente la partie transmissionnelle de la sur-
Sauvage J.-P., Bessède J.-P. Révisions accélérées en ORL. Paris : dité. La perte en conduction osseuse représente la partie
Maloine, 1987, p. 91 (fig. 28). perceptive de la surdité, souvent appelée labyrinthisation.
Sauvage J.-P., Bessède J.-P. Révisions accélérées en ORL. Paris :
Maloine, 1987, p. 92 (fig. 30).

Voici la plus complexe :


2 × (P500 Hz) + 4 × (P1000 Hz)
+3 × (P2000 Hz) + 1 × (P4000 Hz)
PM =
10

Limites techniques
de l’audiométrie tonale
En conduction osseuse, la fréquence 8 000 est
impossible à mesurer. En conduction aérienne,
Figure 7.7. Audiogramme tonal d’une surdité de si les mesures entre 500 et 4 000 Hz sont fiables
perception. jusqu’à 120 dB HL, elles le sont moins pour les
Conduction osseuse et conduction aérienne sont abais-
sées simultanément et dans la même proportion, de telle
fréquences graves, ce qui peut faire ignorer une
sorte qu’elles restent superposées (le Rinne est dit fermé). sensibilité aux basses fréquences et faire confon-
Sauvage J.-P., Bessède J.-P. Révisions accélérées en ORL. Paris : dre une surdité profonde avec une cophose (sur-
Maloine, 1987, p. 92 (fig. 29).
dité totale). Si le Rinne de l’oreille à masquer
dépasse 45 dB, le masque en bruit blanc modifiera
Voici la plus simple (PM = perte moyenne,
les seuils de l’oreille que l’on désire étudier. Une
P500 = perte à la fréquence 500, etc.) :
épreuve de Rainville avec masquage par voie
osseuse est alors nécessaire. Enfin, les audiomètres
1 × (P500 Hz) + 2 × (P1000 Hz) et les transducteurs doivent être vérifiés et étalon-
+1 × (P2000 Hz) nés tous les 6 mois par un technicien muni d’une
PM =
4 chaîne de calibrage.
122 ORL thématique

Certains patients peuvent présenter une fatiga- donc une mesure de l’intelligibilité de la parole
bilité en cours d’examen. Elle est liée à l’âge ou à qui teste non seulement l’appareil neurosensoriel
des traitements médicamenteux. Il faut alors limiter de l’audition, mais aussi l’intelligence, la connais-
le nombre de fréquences testées pour privilégier la sance de la langue et le pouvoir de la suppléance
précision des réponses. En cas d’acouphènes, avec mentale. Elle est complémentaire de l’audiomé-
ou sans hyperacousie, le masquage et les stimuli trie tonale à laquelle il faut toujours l’associer en
peuvent être mal tolérés. Le risque de majoration vue de réhabiliter une surdité (encadré 7.4).
des acouphènes doit être pris en compte et incite à
limiter les stimulations acoustiques intenses. En pratique
Il vaut mieux utiliser des voix enregistrées, de
Audiométrie vocale préférence par des hommes, le spectre étant plus
riche. En français, on utilise des listes de mots
Principe dissyllabiques. Les listes de Fournier sont les plus
Les signaux utilisés en audiométrie vocale sont utilisées. L’étude se fait oreille par oreille avec
des listes de mots que le sujet doit répéter. C’est masquage de l’autre oreille. Les listes cochléaires

Encadré 7.4

Introduction aux sons complexes


Les sons purs de l’audiométrie tonale ne sont et de 200 Hz pour les femmes. Les formants
jamais rencontrés dans la vie quotidienne. Seule de fréquence basse caractérisent les voyelles.
l’audiométrie vocale rend compte de l’audition Pour les consonnes, les formants sont faibles,
d’un patient. Encore faudrait-il la faire dans le se situant à des fréquences très élevées et c’est
bruit pour mesurer son handicap en cocktail plutôt leur dynamique qui les caractérise.
party. Pour comprendre en quoi une note de En intensité, la parole humaine oscille entre 30
musique jouée par un piano diffère de la même et 60 dB. En fréquence, les formants oscillent
note jouée par un violon, il faut rappeler que entre 500 et 4 000 Hz. Une perte entre 1 000
les instruments de musique donnent un son et 2 000 Hz est très handicapante avec troubles
fondamental et des harmoniques ou formants de la compréhension. Il a été constitué des
qui sont des multiples du fondamental. C’est spectres de la parole en fonction des langues,
la même chose pour la voix humaine. Le son communément intitulés bananes. En anglais,
fondamental est de 100 Hz pour les hommes il y a une forte représentation des consonnes.

Spectre de la parole.
Pour toutes les langues, les fondamentaux sont entre 125 et 250. La zone du
2e formant est la plus importante pour les fréquences conversationnelles. Exem-
ples de formants pour le « è » et le « o ».
Chapitre 7. Examen d’une surdité 123

de J.-C. Lafon utilisent des mots dont la struc- traduisant par une courbe en cloche. Le bénéfice
ture et la signification interfèrent le moins pos- attendu d’un appareillage risque d’être décevant.
sible avec leur compréhension. Elles mesurent
mieux les distorsions, mais sont d’utilisation plus Concordance avec la tonale
complexe. La différence entre le seuil d’intelligibilité vocal
L’audiogramme vocal est un graphique où on et le seuil tonal moyen (500, 1 000, 2 000 Hz)
reporte les intensités en abscisse. En ordonnée, on en dB HL ne doit pas excéder 5 à 10 dB. Une
reporte le pourcentage de mots correctement répé- vocale meilleure que la tonale peut s’expliquer en
tés dans une liste de 5 ou 10 mots. Chaque liste cas d’acouphènes rendant difficile la distinction
est présentée en augmentant le niveau vocal de 5 à des sons testés proches de la fréquence de l’acou-
10 dB selon les performances. On trace une courbe
phène. Il faut alors recourir à des sons pulsés (cf.
d’intelligibilité vocale en extrapolant à partir de 5 à
encadré 7.1). Si l’écart entre la tonale et la vocale
10 points. Elle a une forme de S allongé.
est important, il faut penser à une simulation.
Le résultat se traduit en trois scores (fig. 7.9) :
Si la vocale est moins bonne que la tonale d’un
• le seuil d’intelligibilité est l’intensité sonore à
seul côté, on recherche une atteinte rétrococh-
partir de laquelle le sujet perçoit plus de 50 % des
léaire par les potentiels évoqués auditifs (PEA)
mots. Chez le sujet normal, il est égal à 10 dB ;
(cf. infra). Si la disparité est bilatérale, on évoque
• le maximum d’intelligibilité est le pourcentage
des troubles centraux.
maximal de mots correctement perçus. Chez le
sujet normal, il est égal à 100 % ;
• le pourcentage de discrimination est le pour- Audiométrie objective
centage de mots compris lorsque l’intensité est
35 dB au-dessus du seuil d’intelligibilité. Chez Les épreuves objectives se passent de la partici-
le sujet normal, il est égal à 100 %. pation du patient et sont donc utilisables chez
Parfois, le point culminant de la courbe ne l’enfant et le simulateur. Encore faut-il que le
dépasse pas 60 %. De plus, ce score se dégrade sujet soit suffisamment calme.
en continuant d’augmenter l’intensité. On est
alors en présence de distorsions en amplitude, se
Impédancemétrie
Elle comprend deux mesures : la tympanométrie
et la mesure des seuils de réflexe stapédien.

Principe de la tympanométrie
Rappelons que l’impédance acoustique corres-
pond au pourcentage d’énergie transmise ou réflé-
chie par un système. La tympanométrie mesure les
variations d’impédance de l’oreille moyenne en
faisant varier la pression dans le conduit auditif
Figure 7.9. Audiométrie vocale avec listes de Fournier.
Le seuil d’intelligibilité se lit au croisement de la ligne du externe de − 400 mm d’eau à + 400 mm d’eau.
50 % de mots compris et de la courbe d’intelligibilité La tympanométrie teste simultanément la méca-
extrapolée à partir de 5 à 10 listes présentées à des nique du tympan, celle de la chaîne des osselets et
intensités différentes.1 : courbe chez un sujet normal ; 2 :
la pression dans les cavités de l’oreille moyenne.
courbe chez un patient présentant une surdité de trans-
mission : elle est sans distorsion, simplement décalée, Une sonde à trois orifices est introduite dans
restant parallèle à la précédente ; 3 : courbe en cloche le conduit auditif externe, le fermant hermé-
chez un sujet présentant une surdité de perception avec tiquement. Par le premier de ces orifices, elle
distorsions.
Sauvage J.-P., Bessède J.-P. Révisions accélérées en ORL. Paris :
émet un son de 220 Hz. La réflexion de ce son
Maloine, 1987, p. 94 (fig. 31). sur la membrane tympanique est enregistrée par
124 ORL thématique

Figure 7.10.
Technique et résultat
de la tympanométrie.
Classification de Jerger.
Sauvage J.-P., Bessède
J.-P. Révisions accélérées
en ORL. Paris : Maloine,
1987, p. 94 (fig. 32).

un capteur situé dans le deuxième orifice. Le épanchement, la compliance devient nulle, quelle
calcul de compliance (inverse de l’impédance) que soit la pression appliquée dans le conduit
est effectué à partir du son émis et du son réflé- auditif externe : la courbe est dite plate (type B).
chi. Le troisième orifice communique avec une Ce peut être une otite séromuqueuse ou un
pompe qui fait varier la pression dans le conduit cholestéatome. Un tympanogramme avec un très
auditif externe par rapport à la pression atmo- fort pic en tour Eiffel évoque une disjonction
sphérique. de la chaîne ossiculaire, rendant le tympan très
mobile.
Résultat
Principe de la mesure
Normalement, la courbe de tympanométrie
des réflexes stapédiens
typique (fig. 7.10) présente un pic étroit centré
sur la pression atmosphérique (courbe de type A). Le muscle de l’étrier (plus petit muscle de l’orga-
En effet, la compliance est maximum lorsque les nisme) est innervé par le nerf facial (VII). Par
pressions de part et d’autre du tympan sont iden- voie réflexe, il se contracte pour des sons dépas-
tiques : en l’occurrence, chez un sujet normal, sant le seuil auditif de 85 dB. Ceci bloque la
c’est la pression atmosphérique quand le système platine de l’étrier pour protéger l’oreille interne.
tubotympanique d’aération de la caisse fonc- Cette action mobilise la chaîne ossiculaire en
tionne bien. Si le pic de compliance est décalé vers provoquant une brusque variation de compliance
les pressions négatives, cela signifie qu’il règne du tympan qui peut être détectée à l’impédan-
dans la caisse du tympan une pression négative cemétrie. La voie de ce réflexe passe par le VIII
par rapport à la pression atmosphérique (courbe et par des connexions croisées et non croisées
de type C). C’est un catarrhe tubaire, traduisant entre les noyaux cochléaires et celui du nerf facial
une inflammation isolée de la trompe d’Eus- (fig. 7.11). Cette recherche peut donc s’effectuer
tache. Si la caisse du tympan est remplie par un en controlatéral ou en ipsilatéral.
Chapitre 7. Examen d’une surdité 125

Figure 7.11. Voies réflexes du réflexe stapédien.


Une stimulation sonore brève dépassant 85 dB HL est produite dans l’oreille gauche. Une connexion avec le noyau du
nerf facial controlatéral et ipsilatéral déclenche une contraction du muscle de l’étrier ipsi- et controlatéral. L’action sur le
système tympano-ossiculaire produit une brusque variation de compliance détectée par l’impédancemètre ; ici, seule la
voie controlatérale est représentée.
Sauvage J.-P., Bessède J.-P. Révisions accélérées en ORL. Paris : Maloine, 1987, p. 96 (fig. 33).

Figure 7.12. Report des seuils de réflexes stapédiens sur l’audiogramme tonal.
Du côté droit, il existe une surdité de perception prédominant sur les fréquences 2 000 à 4 000. Les réflexes ipsilatéraux
sont notés par un symbole « I » et les réflexes controlatéraux par un symbole « C ». La présence de ces réflexes témoigne
que la chaîne ossiculaire est intacte des deux côtés, et en particulier que les deux étriers sont bien mobiles. On constate
aussi que les seuils des réflexes ne changent pas, quel que soit le seuil tonal. Les écarts entre les seuils tonaux et les
seuils de réflexes se réduisent, en particulier pour la fréquence 2 000. Ceci témoigne d’un recrutement sur les fréquences
aiguës. S’il s’était agi d’une surdité de transmission, les écarts seraient restés constants.
SFA, « Guide de bonnes pratiques en audiométrie de l’adulte », www.sfaudiologie.fr.

Résultats Le STAR (supra threshold amplitude of the


Le seuil du réflexe stapédien est défini comme reflex) est l’amplitude du réflexe à 10 dB au-des-
l’intensité sonore la plus basse donnant lieu à une sus du seuil. Cette valeur dépasse habituellement
variation d’impédance durant autant que la stimu- l’amplitude observée au seuil de 50 %.
lation. Les seuils moyens controlatéraux obtenus Le test d’adaptation anormale ou « decay test »
chez un sujet adulte normo-entendant pour des est présent chez 80 % des sujets ayant une patho-
fréquences de 500 à 2 000 Hz sont compris entre logie rétrocochléaire. Il consiste à présenter une
85 et 90 dB HL. Ils sont indiqués pour chaque stimulation sonore à 500 ou 1 000 Hz pendant
fréquence sur l’audiogramme tonal (fig. 7.12). 10 s à une intensité de 10 dB au-dessus du seuil
Dans les surdités de transmission, ces seuils de détection du réflexe stapédien. En cas d’adap-
s’élèvent proportionnellement à l’importance de tation anormale, l’amplitude du réflexe diminue
la surdité. Dans une surdité de perception, le seuil de plus de 50 % en 10 s.
du déclenchement des réflexes peut rester normal
s’il existe un recrutement. Ce phénomène est Intérêt dans le bilan auditif
détecté au test de Metz, montrant un pincement À l’interrogatoire, le déficient auditif qui présente
entre le seuil audiométrique tonal du sujet et le un recrutement important est un patient qui entend
seuil de détection du réflexe stapédien. mal au seuil, mais qui entend bien mieux au-dessus
126 ORL thématique

du seuil (en supraliminaire). Il n’entend pas la voix


basse, mais dès que l’on parle fort, il dit : « Ne criez
pas, je ne suis pas sourd ». Lorsque l’écart entre le
seuil d’audition et le seuil de déclenchement des
réflexes stapédiens est égal ou inférieur à 60 dB, il
convient d’en avertir l’audioprothésiste. En effet, ce
patient risque de mal supporter l’appareillage.
Dans les surdités de transmission, un tympano-
gramme normal, associé à une absence de réflexes
stapédiens, objective le blocage de la platine de
Figure 7.13. Dépistage néonatal de la surdité par les
l’étrier typique de l’otospongiose (cf. chapitre 8). oto-émissions acoustiques.
Dans une paralysie faciale, la persistance des
réflexes stapédiens incrimine une lésion de la valide ou non la réponse qui témoigne du bon
partie basse de la troisième portion de l’aqueduc fonctionnement de la mécanique cochléaire.
de Fallope ou une lésion de la parotide. Il faut encore citer les produits de distorsion qui
sont également générés par l’oreille interne. Cette
fois, ce sont deux sons stimulants (dits primaires)
Oto-émissions acoustiques qui en produisent un troisième. En faisant varier
provoquées la fréquence des sons primaires, on obtient des
informations sur des portions limitées de la coch-
Les oto-émissions acoustiques sont des sons géné- lée. Ce test reste toutefois réservé à la recherche.
rés par l’oreille interne et enregistrables dans le
conduit auditif externe. Sous l’effet d’une stimu- Potentiels évoqués auditifs (PEA)
lation sonore, les cellules ciliées externes (CCE)
exercent une traction suivie d’un relâchement de Ce sont des potentiels électriques enregistrés
la membrane tectoriale (cf. partie 2, fiche « Anato- à partir d’électrodes de surface et générés par
mophysiologie de l’audition »). Le son ainsi émis, l’oreille interne et les voies auditives lorsqu’elles
très faible, entre 5 et 15 dB, est inaudible pour sont stimulées par des sons d’intensité connue.
l’oreille humaine, mais il peut être amplifié et enre- Historiquement, un potentiel avait d’abord été
gistré. Ses fréquences sont comprises entre 700 recueilli par une électrode piquée à travers le tym-
et 5 000 Hz. Les oto-émissions provoquées sont pan sur le fond de la caisse (électrocochléographie).
absentes en cas de perte auditive dépassant 30 dB. On obtenait une onde diphasique caractéristique
Les oto-émissions provoquées sont utilisées dans de la cochlée, dont il était possible de déterminer
les maternités pour le dépistage néonatal de la sur- le seuil en fonction de l’intensité sonore.
dité. Le test est atraumatique et dure moins de Puis sont apparus les potentiels évoqués auditifs
3 minutes. Si les oto-émissions sont présentes, on précoces du tronc cérébral (brainstem evoked res-
peut dire que l’oreille moyenne et l’oreille interne ponse audiometry [BERA]). Dans cette technique,
sont normales. Toutefois, elles restent présentes les électrodes sont placées sur le front et derrière
s’il existe une lésion rétrocochléaire (séquelles de la mastoïde. Un générateur envoie dans le casque
méningite ou tumeurs de la fosse postérieure). Par plusieurs centaines de « clicks » très brefs en bruit
conséquent, dans les services de réanimation néo- blanc (mélange de fréquences). À partir du bruit
natale, ce sont les potentiels évoqués automatisés de fond électro-encéphalographique, par moyen-
qui doivent être utilisés (cf. infra). nage, l’ordinateur extrait les signaux électriques
La mesure est effectuée en introduisant dans émis par l’oreille interne. Il existe aussi des poten-
le conduit auditif externe un embout traversé tiels évoqués auditifs tardifs, enregistrés au niveau
par deux tubes miniatures. Le premier est relié du lobe temporal (300 millisecondes). Mais les
à un générateur de son et l’autre à un écouteur plus intéressants sont les potentiels évoqués audi-
(fig. 7.13). Ces sons sont très brefs. L’appareil tifs précoces produits au cours des 12 premières
Chapitre 7. Examen d’une surdité 127

millisecondes suivant chaque « click ». Ils repré- Le patient doit être relaxé, ce qui nécessite
sentent les relais s’activant successivement depuis parfois le recours à une benzodiazépine. Avant
la cochlée jusqu’à la partie haute du tronc céré- l’âge de 6 mois, l’examen doit être réalisé au
bral. Par sommation, sont obtenues cinq ondes biberon en période post-prandiale. Après l’âge de
qui ont chacune une signification (fig. 7.14). 6 mois, une prémédication, voire une anesthésie
générale, peuvent être indispensables. Après l’âge
de 5 ans, les conditions sont proches de celles
rencontrées chez l’adulte.
L’onde V est la plus facile à déterminer jusqu’au
seuil. En diminuant l’intensité, la latence aug-
mente et l’amplitude des ondes diminue. Le seuil
est défini par l’intensité minimale permettant
l’obtention d’une onde V clairement identifiable
(fig. 7.15). Ainsi, par cet examen non invasif, il
est facile de déterminer objectivement les niveaux
d’audition.
Figure 7.14. Ondes recueillies par l’étude des potentiels La mesure des latences peut aussi mettre
évoqués précoces. en évidence des retards de conduction carac-
L’onde I correspond au ganglion spiral de l’oreille interne téristiques de la topographie des lésions. Par
(celle qui était enregistrée par électrocochléographie).
Onde II : noyaux cochléaires du bulbe. Onde III : complexe
exemple, dans le neurinome de l’acoustique, la
olivaire protubérantiel. Onde IV : lemniscus latéral. latence de l’onde I reste normale, mais toutes
Onde V : colliculus inférieur (tubercule quadrijumeau pos- les ondes suivantes sont décalées du fait que la
térieur). ∆ I-V : temps que mettent les potentiels à passer tumeur siège sur la huitième paire crânienne
de la cochlée au colliculus (4 à 5 millisecondes).
Sauvage J.-P., Bessède J.-P. Révisions accélérées en ORL. Paris :
(allongement de l’écart I-V caractéristique des
Maloine, 1987, p. 96 (fig. 34). surdités rétrocochléaires).

Figure 7.15. PEA seuils en pédiatrie.


A. Enfant âgé de 6 ans avec audition normale. Les ondes sont parfaitement dessinées. L’onde V peut être obtenue des
deux côtés jusqu’à un seuil HL de 10 dB. Les latences en millisecondes sont normales et symétriques. Le rapport latence-
intensité est dans les zones grisées considérées comme normales. B. Surdité de transmission chez une enfant âgée de
8 mois qui n’avait pas été réveillée à la crèche par une alarme incendie et qui présentait une otite séromuqueuse bilaté-
rale. Les seuils HL des ondes V atteignent 40 dB. Il y a un allongement identique des latences des ondes I à V, caractéris-
tique des surdités de transmission. C. Chez un enfant de 4 ans qui présentait un retard de langage, aucune onde n’a pu
être obtenue, même à 100 dB HL du côté droit et seulement des ondes V au-dessus de 70 dB HL du côté gauche. Ces
seuils sont en faveur d’une surdité sévère à profonde. Toutefois, les fréquences graves peuvent être conservées, car les
PEA n’explorent que les fréquences à partir de 2 000 Hz.
128 ORL thématique

ASSR (auditory
steady-state response)
La méthode des ASSR ou potentiels évoqués
auditifs stationnaires fait partie des méthodes
objectives permettant l’évaluation des seuils audi-
tifs d’un patient, y compris pour les fréquences
graves. La stimulation ASSR est une stimulation
auditive de fréquence constante (fréquence por-
teuse), mais modulée en amplitude pour générer
des stimulations périodiques de fréquence 500,
1 000, 2 000 et 4 000 à la manière d’une audio- Figure 7.16. Stimulation ASSR avec une fréquence
métrie tonale (fig. 7.16). L’enregistrement se fait porteuse modulée en amplitude à une fréquence 500.
à partir d’électrodes de surface, comme pour un
enregistrement de PEA. L’ordinateur extrait les
réponses électriques correspondant aux quatre Il est aussi possible d’enregistrer simultanément
fréquences étudiées. C’est de cette manière qu’est plusieurs réponses ASSR de fréquences diffé-
contourné le handicap des PEA qui sont inca- rentes en utilisant plusieurs fréquences porteuses.
pables de fournir des renseignements sur la per- L’avantage est de raccourcir un examen qui pré-
ception des fréquences en dessous de 2 000 Hz. sente l’inconvénient d’être long.
Chapitre 8
Diagnostic des surdités
Points forts Surdités de transmission ou
Les surdités de transmission avec otoscopie
mixtes à otoscopie anormale
j

anormale sont le plus souvent des


séquelles d’otite moyenne chronique.
j Les surdités de transmission à tympan normal Dans les surdités de transmission, l’otoscopie
sont le plus souvent des otospongioses. donne le diagnostic, sauf dans le cas de l’otos-
j Une surdité de perception rétrolabyrinthique pongiose où le tympan est normal (cf. infra).
unilatérale progressive doit faire pratiquer
une IRM à la recherche d’une tumeur
de la fosse cérébrale postérieure.
j La surdité du neurinome de l’acoustique commence L’otoscopie découvre
par les fréquences aiguës, tandis que la surdité de la une atteinte de l’oreille externe
maladie de Menière fluctue sur les fréquences graves.
j La première fréquence touchée dans les • Un bouchon de cérumen (fig. 8.1) provoque
surdités professionnelles et par traumatisme une surdité de transmission inférieure à 30 dB.
sonore est la fréquence 4 000. Il s’extrait par aspiration, par utilisation de
Les traitements antibiotiques par aminosides et
micro-instruments. Le lavage d’oreille à
j

les chimiothérapies par cisplatine provoquent des


l’énéma n’est pratiqué que si on est cer-
surdités de perceptions bilatérales et symétriques.
j La presbyacousie non appareillée augmente les tain de l’absence de perforation tympanique
troubles cognitifs et le port d’aides auditives (cf. partie 2, fiche « Lavage d’oreille pour
réduit le déclin cognitif lié à la perte d’audition. extraction d’un bouchon de cérumen »). Il
j En cas de retard de langage chez l’enfant, ne doit être distingué d’un cholestéatome ou
pas attendre pour pratiquer une audiométrie. d’un corps étranger.
• Le soi-disant eczéma du conduit auditif externe
Le diagnostic étiologique d’une surdité repose est en fait une dermite prurigineuse. Le traite-
sur des alternatives. Adulte ou enfant ? Otoscopie ment repose sur la micro-aspiration à l’aide du
normale ou anormale ? Surdité de transmission ou microscope et sur la pratique de bains d’oreille
de perception ? Surdité unilatérale ou bilatérale ? avec des solutions d’antibiotiques et de corti-
Surdité symétrique ou asymétrique ? Apparition coïdes.
brutale ou progressive ? • Les sténoses du conduit peuvent être acquises
La prise en charge comprend d’abord le traite- ou congénitales :
ment de la cause (médical ou chirurgical : aérateur – otite externe aiguë après une baignade en
tympanique, évidement d’oreille, chirurgie tympano- milieu pollué (fig. 8.2). Très douloureuse,
ossiculaire, chirurgie de la fosse postérieure). Pour elle se caractérise par un gonflement des
les surdités irréversibles, la réhabilitation est possible parois du conduit, empêchant de voir le tym-
dans presque tous les cas. Elle comprend l’appareil- pan. La mise en place d’un pop est nécessaire
lage auditif, l’orthophonie, voire la réhabilitation par pour que les bains d’oreille soient efficaces
prothèse à ancrage osseux ou par implant cochléaire. (cf. partie 2, fiche « Otite externe »). La
La surdité de l’enfant, dont les conséquences présence d’une contamination fungique (oto-
sur le développement sont particulières, sera envi- mycose) est reconnue sur quelques aspects
sagée en dernier. caractéristiques (fig. 8.3) ;

Guide d'ORL
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130 ORL thématique

– otite externe nécrosante (dite maligne), sur-


venant classiquement chez l’immunodéprimé
et le diabétique chez lesquels un lavage
d’oreille est souvent incriminé. Elle est en
rapport avec une infection à pyocyanique
provoquant une ostéite du tympanal qui peut
gagner la base du crâne. Du tissu de gra-
nulation remplit le conduit auditif externe.
L’extension ne peut être évaluée que par la
TDM et l’IRM, voire par une scintigraphie
au gallium 67. Le traitement repose sur une
antibiothérapie adaptée, prolongée parfois
pendant des mois. La chirurgie n’est pas
efficace ;
Figure 8.1. Bouchon de cérumen.
Cire de couleur brune. – cholestéatome du conduit auditif externe :
l’accumulation de squames de kératine se
produit en regard d’une zone ulcérée et
ostéitique ;
– exostoses du conduit favorisées par de nom-
breuses causes d’irritation chronique parmi
lesquelles les bains répétés en eau froide (pra-
tique de la planche à voile ou de la plongée
sous-marine). En cas d’obstruction complète,
le traitement est chirurgical (vidéo 8.1 ) ;
– post-traumatique ou postopératoire ;
– collapsus primitif du conduit chez le sujet âgé
par affaissement du cartilage de la conque : les
patients présentent une surdité de transmis-
sion variant en fonction du degré d’ouverture
mandibulaire. L’audiogramme retrouve une
surdité de transmission maximale à l’ouver-
Figure 8.2. Otite externe à pyocyanique. Pus de couleur
bleuâtre. ture de la cavité buccale ;

Figure 8.3. Otites externes mycosiques.


A. Candida Albicans (suintement épais et couenneux). B. Aspergillus (feutrage surmonté de spores).
Chapitre 8. Diagnostic des surdités 131

– congénitales : elles sont souvent associées à L’otoscopie révèle une


une malformation du pavillon de l’oreille, rétraction ou une perte
pouvant aller jusqu’à l’aplasie (fig. 8.4) ; de la transparence d’une
– tumorale : cancer cutané (fig. 8.5) ou ostéome
membrane tympanique intacte
unique (fig. 8.6).
• Le catarrhe tubaire aigu par obstruction tubaire
peut compliquer n’importe quelle rhinite. La
sensation d’oreille bouchée est brutale avec auto-
phonie. À l’otoscopie, le tympan est rétracté. La
courbe d’impédancemétrie est décalée vers les
pressions négative ou plate s’il s’est déjà constitué
un épanchement intratympanique (otite séreuse
aiguë). Le traitement comporte la désinfection
nasale, des corticoïdes et des insufflations tubaires.
Le pronostic est bon, mais il y a un risque de pas-
sage à la chronicité si les voies aériennes supé-
rieures sont inflammatoires en permanence.
Figure 8.4. Sténose congénitale du conduit auditif externe. • L’otite séromuqueuse de l’adulte se traduit par
un tympan intact opaque, jaunâtre et rétracté
(cf. chapitre 6).
• Glomus tympanique ou tympano-jugulaire : c’est
un paragangliome (cf. partie 2, fiche « Paragan-
gliomes temporaux »). Il est suspecté sur la
présence d’une opacité rosée parfois battante vue
par transparence (fig. 8.7 et 8.8). C’est la tumeur
de l’oreille moyenne la plus fréquente. Le patient
se plaint d’hypoacousie et d’acouphènes pulsa-
tiles ipsilatéraux. La forme tympanique pure se
présente au scanner comme un nodule tissulaire
au contact du promontoire. La forme tympano-
Figure 8.5. Sténose du méat acoustique externe par un jugulaire se présente comme une masse élargissant
épithélioma malpighien. les pourtours du foramen jugulaire. À l’IRM, c’est

Figure 8.6. Ostéome du conduit auditif externe.


C’est une formation unique osseuse, souvent pédiculée, contrairement aux exostoses du fond du conduit qui sont multiples.
132 ORL thématique

Figure 8.7. Glomus tympanique pur.


A. Masse vue par transparence. B. Aspect arrondi collé au promontoire et bien séparé de la face inférieure de la caisse du
tympan.

Figure 8.8. Glomus tympano-jugulaire.


A. Aspect rosé de l’hypotympanum vu par transparence. B. IRM : masse élargissant le trou déchiré postérieur au contact
de la méninge de la fosse postérieure ayant détruit la paroi inférieure de la caisse du tympan.

une tumeur vasculaire aspect poivre et sel en T2. scope de consultation à l’aide d’une pointe fine.
L’artériographie est caractéristique et doit être Ils seront ensuite maintenus en apposant une
réalisée pour une embolisation préchirurgicale. fine lame de silastic. En tout cas, proscrire l’ins-
• Cholestéatome tympanique congénital avec sa tillation de gouttes auriculaires (risque d’oto-
masse arrondie blanchâtre vue par transparence toxicité et de surinfection de l’oreille moyenne).
(fig. 8.9). L’hémotympan violacé est rencontré dans les
• Malformation vasculaire avec l’ectasie bleutée suites d’un traumatisme de l’os temporal suivi
convexe d’un golfe procident de la veine jugu- d’hypoacousie (fig. 8.10). S’il est isolé, l’épan-
laire entraînant une surdité de transmission par chement sanglant se résorbe spontanément avec
obturation de la fenêtre ronde ou blocage de la retour à l’audition antérieure. En cas de fracture
chaîne ossiculaire. Battement artériel caractéris- du rocher ou de la platine, il peut s’accompa-
tique d’une carotide interne ectopique. gner de cophose ou de paralysie faciale. Un
• Traumatisme : après une gifle, la déchirure tym- simple traumatisme par coton-tige peut aussi
panique cicatrise spontanément dans la plupart entraîner une cophose progressive en cas de
des cas. On peut aussi colmater cette déchirure fracture de la platine de l’étrier entraînant une
en dépliant les lambeaux de tympan sous micro- fuite de liquide périlymphatique (fig. 8.11).
Chapitre 8. Diagnostic des surdités 133

Figure 8.9. Cholestéatome congénital.


Masse en boule de billard chez un enfant âgé de 7 ans. A. TDM axiale. B. TDM coronale.

Figure 8.10. Hémotympan gauche.


A. Aspect otoscopique. B. Aspect TDM : opacité de la caisse avec bulles d’air et trait de fracture transcochléaire ayant
provoqué une cophose gauche.

Figure 8.11. Traumatisme par coton-tige.


A. Plaie du conduit auditif externe avec perforation du tympan. B. TDM : luxation de l’enclume (flèche).
134 ORL thématique

L’otoscopie montre une perforation voir une lyse de la longue branche de l’enclume
tympanique sèche ou purulente ou de la superstructure de l’étrier. Pour faire
la distinction entre la surdité provoquée par la
L’interrogatoire révèle un riche passé otologique perforation myringienne et la surdité en rapport
avec parfois des antécédents chirurgicaux du type avec les lésions ossiculaires, on applique une
évidement d’oreille. Il s’agit d’une otite chro- fine lame souple de silastic sur la perforation
nique encore évolutive ou au stade des séquelles. pour la fermer. Puis on réalise un audiogramme
après sa mise en place. L’amélioration du Rinne
Appréciation de l’évolutivité audiométrique rend compte de la responsabilité
de la perforation dans la surdité du patient.
• Une micro-aspiration en décubitus avec micro-
scope est indispensable. L’idéal est de faire un
Bilan
examen à l’optique d’oreille de 4 mm pour voir le
fond des poches de rétraction. L’otite chronique • L’audiogramme tonal confirme l’existence et
peut être encore évolutive avec un cholestéatome l’importance de la surdité de transmission. La
attical ou occupant la région postéro-supérieure du surdité est souvent mixte avec un facteur per-
tympan (cf. chapitre 6). Une situation fréquente ceptif témoignant d’une labyrinthisation sur les
est aussi la simple persistance d’une inflammation fréquences aiguës, laissant peu d’espoir à une
tubotympanique compromettant la réussite d’une réhabilitation chirurgicale complète. L’audiomé-
future réhabilitation chirurgicale. L’indice est la trie vocale a au moins un intérêt médico-légal.
présence d’une perforation avec stase mucoïde et • La TDM fait le bilan des destructions et des difficul-
filante à l’aspiration. Il convient de ne pas être trop tés prévisibles : mastoïde petite et éburnée, dénu-
optimiste chez un patient fumeur, éthylique ou dation du nerf facial, fistule labyrinthique, position
encore travaillant dans la poussière. de la méninge, etc. Ce n’est qu’au moment de
• L’otite chronique peut aussi être au stade des l’exploration chirurgicale qu’on pourra vraiment
séquelles. L’oreille est sèche, mais la membrane faire l’inventaire des dégâts concernant la chaîne
tympanique présente des pertes de substance des osselets : lyses de l’enclume ou de l’étrier, gros
(perforations myringiennes). Elles sont associées blocs crayeux de tympanosclérose bloquant la tête
à des zones flaccides, rétractées, adhérant au fond du marteau. Les plaques de myringosclérose doi-
de caisse (fig. 8.12). Une perforation peut laisser vent être respectées autant que possible, car elles
rigidifient les restes du tympan sans habituellement
entraîner de surdité.

Techniques de réhabilitation
chirurgicale
L’idéal est d’être en technique fermée avec
tympanotomie postérieure. La réhabilitation de
l’audition peut se faire en même temps que
l’éradication complète des lésions ostéitiques et
cholestéatomateuses. Elle peut aussi se faire dans
un deuxième temps, quelques mois après, avec
vérification de l’absence de récidive ou traitement
Figure 8.12. Perforation tympanique subtotale sèche. d’une récidive suspectée sur la TDM.
La flèche indique une lyse de l’extrémité de la longue apo-
physe de l’enclume. L’étrier, dont on distingue la tête, est Myringoplastie (vidéo 8.2 )
encore présent. Il existe une myringosclérose antérieure et
un amas de tympanosclérose plaqué sur le promontoire
C’est la reconstitution du tympan par une greffe
sous le manche du marteau. La surdité de transmission conjonctive, le plus souvent d’aponévrose temporale
atteint 60 dB en moyenne. ou de périchondre (fig. 8.13). Lorsqu’aucun geste
Chapitre 8. Diagnostic des surdités 135

sur les osselets n’est associé, on l’appelle aussi tym-


panoplastie de type I. La greffe doit être stable et
suffisamment rigide pour reconstituer une frontière
hermétique entre la peau du conduit auditif externe
et la muqueuse de la caisse. L’objectif est d’empê-
cher l’apparition de nouvelles poches de rétraction
(cf. chapitre 6). Une fine armature cartilagineuse est
souvent nécessaire.

Tympanoplastie (vidéo 8.3 )


C’est le rétablissement de la continuité de la
chaîne des osselets par divers montages. Cette
démarche chirurgicale est appelée : construction
d’un effet columellaire, par analogie aux oiseaux
qui ne possèdent qu’un seul osselet (la columelle).
La tympanoplastie de type II désigne le rem-
placement de l’enclume lorsque persiste un étrier
mobile. La tympanoplastie de type III désigne le
Figure 8.13. Myringoplastie en hamac (tympanoplastie remplacement de deux osselets : la superstructure
de type I).
A. Vue opératoire. Une lame d’aponévrose temporale
de l’étrier et l’enclume (fig. 8.14). Les montages
amincie et séchée est tendue sous la perforation utilisent de l’os sculpté, des prothèses en maté-
myringienne. L’annulus doit rester attaché en bas et en riaux biocompatibles (téflon, polycel, hydroxya-
avant (*) pour obtenir un bon amarrage et respecter l’angle patite, titane, etc.).
tympano-méatal antérieur. B. Vue en coupe. Quelques
points de colle biologique (***) permettent de tendre
efficacement la greffe (flèche). Les cellules épidermiques Pronostic et résultats
de la peau du conduit auditif migrent sur l’aponévrose
temporale, tandis que les cellules de la muqueuse de la
Si la myringoplastie réussit dans 85 à 90 % des cas
caisse migrent en dessous. Ainsi sont reconstituées les (fig. 8.15), la restauration d’une audition normale
trois couches du tympan. est aléatoire et dépend de l’état inflammatoire ou

Figure 8.14. Tympanoplasties.


A. Type II. L’enclume récupérée a été sculptée pour coiffer la tête de l’étrier (1) et s’encocher dans le manche du marteau (3).
B. Type III. L’enclume a complètement disparu. De l’étrier, il ne reste que la platine, mais bien mobile. Une prothèse en
hydroxyapatite a été posée sur la platine de l’étrier et elle est conformée pour s’emboîter sous le manche du marteau.
Nerf facial : 2.
B. Bordure P., Robier A., Malard O., Chirurgie otologique et otoneurologique, Paris : Masson, 2005, p. 98 (fig. 7.26).
136 ORL thématique

Figure 8.15. Résultat d’une tympanoplastie de type II.


A. Aspect postopératoire de la greffe. B. TDM de la prothèse en hydroxyapatite placée entre l’étrier et la greffe.

non des voies aériennes supérieures du patient. En


cas d’échec ou de contre-indication opératoire,
il faut souligner que les surdités de transmission
sont les plus faciles à appareiller.

Labyrinthisation
Outre la surdité de transmission, l’otite chronique
finit par atteindre l’oreille interne. Il est dit que
l’oreille se labyrinthise brutalement ou progres-
sivement.
L’infection passe par la fenêtre ronde ou par
une fistule au travers de la platine de l’étrier ou au
travers de la coque du canal semi-circulaire latéral
(cf. partie 2, fiche « Fistule (signe de la) »). En
Figure 8.16. Otospongiose.
même temps qu’une otorrhée purulente, apparais- Blocage entre la platine de l’étrier et le vestibule par un
sent une brutale aggravation de la surdité et de bloc d’otospongiose. 1 : périlymphe ; 2 : étrier s’articulant
violents vertiges témoignant d’une labyrinthite normalement avec l’apophyse lenticulaire de l’enclume ;
bactérienne. Après une préparation antibiotique de 3 : enclume ; 4 : bloc dystrophique.
Sauvage J.-P. Bessède J.-P., Révisions accélérées en ORL. Paris :
quelques jours, l’intervention chirurgicale s’impose Maloine, 1987, p. 101 (fig. 35).
pour traiter l’otite chronique avant l’apparition de
complications méningo-encéphaliques.
Ailleurs, la labyrinthisation est progressive. Elle entre la platine de l’étrier et l’oreille interne
est le résultat du passage intermittent de toxines (fig. 8.16). C’est un processus dystrophique
au travers de la fenêtre ronde. osseux primitif avec ostéolyse de la capsule otique,
suivi de néoformation osseuse. L’affection est
bilatérale et héréditaire à pénétrance variable. Elle
Surdités de transmission ou atteint principalement les Caucasiens. D’autres
mixtes à otoscopie normale causes d’atteintes ossiculaires sont possibles : les
aplasies mineures de l’oreille ou la tympanos-
La cause la plus fréquente est l’otospongiose qui clérose secondaire à un processus otitique subaigu
est une ankylose stapédo-vestibulaire, c’est-à-dire ou chronique.
Chapitre 8. Diagnostic des surdités 137

Otospongiose
La surdité commence entre 20 et 45 ans, le plus
souvent chez la femme (deux femmes pour un
homme) à l’occasion d’une grossesse ou d’un
épisode de la vie génitale. La surdité s’aggrave
par à-coups et s’accompagne parfois de bour-
donnements d’oreille et de vertiges. Le sujet
suit mieux la conversation en milieu bruyant du
fait que l’interlocuteur élève la voix et que le
bruit ambiant n’entraîne pas d’assourdissement
(paracousie de Willis). L’interrogatoire retrouve
souvent des antécédents familiaux. Figure 8.17. Foyer de dysplasie otospongieuse (TDM
L’audiogramme montre une surdité de trans- oreille droite).
mission avec un faible Rinne audiométrique à la Hypodensité nodulaire supramillimétrique préstapédienne
avec contact vestibulaire (flèches). A. Coupe axiale. B.
fréquence 4 000, ce qui indique que la chaîne Coupe coronale.
des osselets est continue (cf. fig. 7.6). De plus, il
existe fréquemment une encoche dans la conduc-
tion osseuse sur la fréquence 2 000 Hz, appelée
encoche de Carhart. La courbe de tympanométrie
est normale avec un pic centré. Mais il n’y a pas
de réflexe stapédien, car l’étrier est bloqué dans
la fenêtre ovale (cf. chapitre 7). Cet argument
doit être obtenu avant toute intervention pour
éliminer un diagnostic différentiel : la déhiscence
du canal semi-circulaire antérieur (cf. partie 2,
fiche « Minor (syndrome de) »).
Dans tous les cas, une TDM doit être effectuée
pour visualiser les foyers de dysplasie osseuse de
la capsule otique. Ce sont des hypodensités au Figure 8.18. Atteinte otospongieuse péricochléaire
(TDM oreille gauche).
contact de la partie antérieure de la platine ou Patient atteint d’une surdité mixte. Aspect en double
fissula ante fenestram, parfois accompagnées d’un anneau péricochléaire caractéristique. Il fut opéré avec un
épaississement de la platine de l’étrier (fig. 8.17). bon résultat.
L’absence de signe radiologique est rare avec les
scanners de dernières générations. Dans ces cas, il de la cochlée ouvrant l’espace périlymphatique au
s’agit d’une atteinte isolée du ligament annulaire liquide céphalo-rachidien (LCR). La conséquence
qui joue le rôle de joint entre la platine de l’étrier serait un écoulement de LCR par l’oreille après
et la paroi osseuse vestibulaire. En cas d’atteinte stapédotomie (otoliquorrhée). La TDM permet
sévère de la cochlée, celle-ci prend l’aspect en aussi d’établir le diagnostic différentiel avec une
double contour caractéristique (fig. 8.18). malformation des canaux semi-circulaires évo-
La TDM doit aussi rechercher des anomalies quant un Mondini, un élargissement de l’aqueduc
rendant la chirurgie plus difficile : procidence vestibulaire (syndrome de l’aqueduc large), une
de la 2e portion de l’aqueduc de Fallope au- déhiscence du canal semi-circulaire antérieur.
dessus de la fenêtre ovale, obstruction de la Le traitement chirurgical (fig. 8.19) consiste à
fenêtre ronde, anomalie de l’enclume. L’oreille remplacer la superstructure de l’étrier par un pis-
geyser est une contre-indication anatomique à ton en téflon. Celui-ci est fixé à l’enclume par un
la chirurgie. C’est une communication anormale crochet serré à la micropince. L’autre extrémité
entre le fond du conduit auditif interne et la base traverse un mini-trou dans la platine de l’étrier,
138 ORL thématique

Figure 8.19. Chirurgie de l’otospongiose.


A. Stapédotomie et interposition veineuse. B. Stapédectomie et interposition d’aponévrose temporale. E : longue apo-
physe de l’enclume ; P : piston de téflon de 0,4 mm de diamètre ; VII : nerf facial.

Figure 8.20. Otospongiose : résultat postopératoire.


A. Piston avec sa boucle et son fût engagé dans la fenêtre ovale. Vue TDM en coupe coronale (flèche). B. Audiogramme
tonal : remontée de la conduction aérienne (en noir) fermant le Rinne.

effectué au laser (stapédotomie), pour qu’elle arrive Autres pathologies


au contact de la périlymphe. Ainsi est rétablie la de la capsule otique
transmission. L’étanchéité autour du piston est
réalisée par diverses méthodes : colle, fragments Très rares, il y a l’ostéogenèse imparfaite (maladie
graisseux ou fragment de veine prélevé au niveau du dite « des os de verre ») et la maladie de Paget. Les
poignet. La stapédectomie totale avec interposition chirurgies stapédiennes n’y sont qu’exceptionnelle-
d’aponévrose temporale n’est plus que rarement ment proposées du fait de la fréquence des échecs.
pratiquée en raison du risque de blessure du saccule
sous-jacent entraînant une cophose (vidéo 8.4 ). Surdité de perception
Après l’intervention (fig. 8.20), la disparition
du Rinne audiométrique est obtenue dans 90 % L’acoumétrie et l’audiométrie tonale reconnaissent
des cas avec souvent remontée de la conduction qu’il existe un défaut de perception (cf. chapitre 7).
osseuse. Les cophoses postopératoires sont très Dès lors, trois situations sont possibles :
rares. L’avion est contre-indiqué pendant six mois • surdité de perception unilatérale d’apparition
après l’intervention. brutale ;
Chapitre 8. Diagnostic des surdités 139

• surdité de perception unilatérale d’apparition


progressive ;
• surdité de perception bilatérale d’apparition
progressive.

Surdité de perception
unilatérale brutale
En quelques minutes, le patient perd la totalité
ou une grande partie de son audition. Il s’y
associe souvent un acouphène insupportable et
des vertiges. L’épreuve de Weber montre une
latéralisation du diapason vers le côté sain. On fait Figure 8.21. Zona.
bien la différence avec un catarrhe tubaire aigu et Éruption érythémato-vésiculaire dans la zone de
un bouchon de cérumen où elle se ferait vers le Ramsay-Hunt.
côté sourd. L’interrogatoire ne retrouve aucun
contexte évocateur : ni traumatisme sonore aigu, Thrombose de l’artère labyrinthique
ni traumatisme du rocher, ni barotraumatisme
(plongée sous-marine ou en aéronautique). La surdité est totale (cophose). Elle s’associe à un
syndrome vestibulaire déficitaire harmonieux (cf.
Névrite cochléaire chapitre 9). Une IRM en urgence mérite d’être
obtenue car cette thrombose peut s’inscrire dans
• Le zona auriculaire (herpes zoster oticus) en est le cadre d’une thrombose de l’artère cérébelleuse
l’illustration typique. C’est une ganglio-radicu- antéro-inférieure dont est issue l’artère labyrin-
lite aiguë due à Herpes virus varicellae resté thique. Dans ce cas, il est difficile de distinguer
quiescent dans le ganglion géniculé du nerf inter- ce qui revient au syndrome cérébelleux de ce
médiaire de Wrisberg (VII bis). L’atteinte virale qui revient au syndrome labyrinthique. Le bilan
touche le protoneurone. Il apparaît une violente vestibulaire retrouve parfois des signes centraux
otodynie1 centrée sur l’orifice du conduit auditif évocateurs.
externe et irradiant vers l’articulation temporo-
mandibulaire et la pointe de la mastoïde. Une Surdité brusque
éruption érythémato-vésiculaire apparaît au
4e-5e jour, siégeant dans la zone de Ramsay- C’est une surdité unilatérale neurosensorielle de
Hunt (fig. 8.21). Le zona otitique de Sicard début brutal, d’origine inconnue. Souvent attri-
(Ramsay Hunt syndrome) s’accompagne d’une buée à une atteinte du nerf cochléaire, il peut
paralysie faciale, d’une surdité brutale et d’un aussi s’agir d’une labyrinthite. Dans ce cas, il y
vertige rotatoire survenant successivement a des signes vestibulaires associés. L’hypothèse
à quelques jours d’intervalle. Le virus saute actuelle est qu’il s’agirait de l’équivalent de la
d’un nerf à l’autre dans un ordre variable pour paralysie faciale a frigore pour le nerf cochléaire.
atteindre tous les éléments du pédicule acous- C’est-à-dire la reviviscence de virus herpès dor-
tico-facial. Un traitement urgent par antiviraux mants dans l’appareil cochléaire. On retrouve aussi
ne permet pas toujours de limiter les séquelles. cette hypothèse pour les névrites vestibulaires (cf.
• Maladie de Lyme : elle donne plutôt des para- chapitre 9). Ce serait pourquoi les sérodiagnostics
lysies faciales (cf. partie 2, fiche « Paralysies ne témoignent que d’infections virales anciennes.
faciales périphériques (PFP) »). L’audiogramme doit mettre en évidence une
surdité de perception d’au moins 30 dB sur trois
1. L’otodynie est une douleur d’oreille liée à une patholo-
fréquences consécutives. Tous les intermédiaires
gie d’oreille, contrairement à l’otalgie qui peut ne pas l’être existent avec une cophose. C’est un diagnostic
(ex. : otalgie réflexe, cf. partie 2, fiche « Otalgie réflexe »). d’exclusion après que l’examen clinique et l’examen
140 ORL thématique

neurologique se sont avérés normaux. Toutefois, le acouphènes ipsilatéraux sont fréquemment asso-
diagnostic de surdité brusque impose la réalisation ciés. L’audiogramme confirme la surdité et son
d’examens complémentaires, dont une IRM à la type (encadré 8.1). C’est une atteinte prédomi-
recherche d’un neurinome de l’acoustique. La sur- nant sur les fréquences aiguës. L’audiométrie
dité est alors en rapport avec une hémorragie vocale montre l’existence d’importants troubles
intratumorale. Une surdité brusque récidivante est d’intelligibilité avec courbe en cloche, voire
très évocatrice de tumeur de la fosse postérieure. aucune intelligibilité. Les épreuves caloriques
L’enregistrement des potentiels évoqués auditifs ne chaudes et froides mettent en évidence une aré-
peut être pratiqué qu’à partir du 15e jour en raison flexie vestibulaire du côté de la tumeur, contras-
du risque d’aggravation par traumatisme sonore. Il tant avec l’absence de vertiges. C’est qu’au fur
confirmerait la prescription d’imagerie en montrant et à mesure de la destruction progressive du nerf
l’allongement unilatéral de l’écart I-V (cf. infra). vestibulaire s’est développée une bonne compen-
En cas de surdité brusque, l’attitude à adop- sation centrale (cf. chapitre 9). L’enregistrement
ter est la suivante : hospitalisation en urgence, des potentiels évoqués auditifs montre un allon-
repos, carbogène et corticoïdes. Ce traitement gement de l’écart I-V par rapport au côté opposé,
ne préjuge pas de l’étiologie et peut être admi- soit un ∆ I-V > 0,35 milliseconde). Toutefois, la
nistré après avoir éliminé le zona ophtalmique normalité de cet examen ne permet pas d’éliminer
contre-indiquant les corticoïdes. Le pronostic est un petit schwannome. La réalisation d’une IRM
bon lorsque la surdité est partielle et mauvais de l’angle ponto-cérébelleux et du méat acous-
lorsqu’elle est complète. tique interne en T2 et en T1 avec injection de
gadolinium permet de confirmer le diagnostic en
Surdités de perception mettant la tumeur en évidence. La sensibilité est
brutales bilatérales de 100 %. Dans 1 à 5 % des cas, le neurinome est
intralabyrinthique (fig. 8.22).
Outre la fracture bilatérale des rochers, elles
peuvent se voir dans le cadre de méningites bacté-
riennes ou carcinomateuses. Phase neurochirurgicale
La lésion déborde le conduit auditif interne et
Surdité de perception comprime les autres éléments nerveux de la fosse
unilatérale progressive postérieure. L’anesthésie cornéenne, la dysesthé-
sie du V, le syndrome cérébelleux, la paralysie
Dans cette situation, le diagnostic de neurinome faciale, l’hypertension intracrânienne sont des
de l’acoustique est la principale préoccupation signes tardifs atteints après de nombreuses années.
(cf. partie 2, fiche « Schwannomes et autres À ce stade, le pronostic n’est plus fonctionnel,
tumeurs neurogènes bénignes »). C’est un mais vital. L’intervention est souvent grevée de
schwannome développé aux dépens de la portion lourdes séquelles (cf. partie 2, fiche « Syndromes
vestibulaire de la VIIIe paire crânienne. Il occupe neurologiques de la face »).
le conduit auditif interne ou la fosse postérieure,
accolé au tronc cérébral. Il comprime tous les Diagnostic différentiel
éléments du pédicule acoustico-facial. C’est la En réalité, toute tumeur de la fosse postérieure
plus fréquente des tumeurs bénignes de la fosse peut se présenter de cette façon. La découverte
postérieure. Certains cas se révèlent aussi par une d’une boucle vasculaire dans l’angle ponto-céré-
surdité brutale (cf. supra). belleux ou dans le conduit auditif interne conduit
parfois au diagnostic de conflits vasculo-nerveux.
Phase otologique De tels rapports entre artère cérébelleuse antéro-
Les signes comportent une surdité de percep- inférieure et VIIIe paire crânienne sont fréquents
tion unilatérale progressive avec petits vertiges et parfaitement asymptomatiques. On ne doit donc
présents seulement au début de l’évolution. Des pas conclure hâtivement à leur rôle pathogène.
Encadré 8.1

Cas clinique : neurinome (schwannome) de l’acoustique gauche


Patiente âgée de 53 ans qui se plaignait d’hypo- quences graves. L’audition droite était normale.
acousie gauche depuis 3 ans, s’aggravant progres- Les potentiels évoqués auditifs étaient typiques
sivement. Otoscopie normale. L’audiogramme de surdité rétrocochléaire gauche (fig. 2). Un
montrait une surdité gauche prédominant sur bilan vestibulaire montra une aréflexie gauche
les fréquences aiguës (fig. 1A), respectant les fré- complète bien compensée sans prépondérance

Figure 1. A. Audiogrammes tonal et vocal. B. Déficit calorique gauche atteignant 100 % bien compensé sans prépon-
dérance directionnelle significative (en haut, papillon de Freyss ; en bas, cumulée des phases lentes des nystagmus).

Figure 2. Enregistrement des potentiels évoqués auditifs précoces.


Du côté droit, les ondes sont toutes présentes avec pour 115 dB SPL, une onde I de latence 1,58 ms (millisecondes)
et une onde V de latence 5,49 ms, soit un délai I-V (∆I-V) à 3,91 ms. Du côté gauche, les ondes sont désorganisées
avec pour 115 dB SPL une onde I de latence 2,00 ms et une onde V de latence 6,48 ms, soit un délai I-V (∆I-V) à
4,48 ms. L’écart entre les deux côtés (It I-V) atteint 0,57 ms, traduisant un retard de l’onde V gauche, significatif de
surdité rétrocochléaire (limite supérieure admise : 0,30 ms).

142 ORL thématique


directionnelle (fig. 1B). Une IRM fut donc voie translabyrinthique (fig. 3B). Les suites
demandée. Elle montra un schwannome du opératoires furent simples sans paralysie faciale.
VIII pluricentimétrique, centré sur le conduit Aucune rééducation vestibulaire de l’équilibre
auditif interne et rehaussé par une injection de ne fut nécessaire. En revanche, la surdité gauche
gadolinium en T1 (fig. 3A). Elle fut opérée à était devenue totale. On proposa une prothèse à
double équipe ORL et neurochirurgicale par ancrage osseux (BAHA).

Figure 3. Schwannome de l’acoustique gauche. A. IRM en T1 avec gadolinium. B. TDM postopératoire ; image de la
voie d’abord translabyrinthique qui avait été effectuée (flèches).

Chirurgie
Les neurinomes du conduit auditif interne ne
débordant pas dans la fosse postérieure sont
une bonne indication du Gamma Knife®. Cette
technique de radiochirurgie de grande précision
est appliquée en une seule séance, ne néces-
sitant qu’une journée d’hospitalisation. Le tissu
irradié est détruit ou modifié biologiquement.
Pour l’exérèse chirurgicale, la voie sus-pétreuse
n’est plus utilisée car le nerf facial s’interpose au-
dessus de la tumeur et les paralysies faciales post-
opératoires étaient fréquentes.
Les tumeurs plus importantes sont opérées
à double équipe ORL et neurochirurgicale.

Figure 8.22. Tumeurs de la fosse postérieure (flèches).


A. Schwannome du VIII reconnaissable à son implantation
centrée sur le conduit auditif interne. B. Méningiome
reconnaissable à sa large base d’implantation. C. Petit
neurinome du fond du conduit révélé par des surdités
brusques à répétition (simple surveillance). D. Neurinome
intralabyrinthique.
D. Cliché de P. Bertholon (avec son autorisation).
Chapitre 8. Diagnostic des surdités 143

La voie d’abord est effectuée par l’ORL et Surdités de perception bilatérales


l’exérèse par le neurochirurgien. Les voies sous-
occipitales exclusivement neurochirurgicales ont Surdités iatrogéniques
été abandonnées, car elles étaient grevées d’une Ces surdités d’origine ototoxique sont toujours
lourde mortalité postopératoire du fait de la sévères et irréversibles, car les cellules sensorielles
nécessité d’écarter le cervelet pendant plusieurs sont définitivement détruites. Un traitement par
heures. Les voies ORL abordent directement la les aminosides (gentamicine, streptomycine, kana-
tumeur. Le pronostic vital est donc excellent. mycine, tobramycine) peut entraîner une surdité
La dissection du nerf facial est facilitée et la bilatérale prédominant sur les fréquences aiguës.
fréquence des paralysies faciales postopératoires Elle est généralement constatée au sortir d’un
a diminué. service de réanimation où ces antibiothérapies
• Si l’audition est utilisable, elle peut être pré- sont utilisées pour lutter contre des infections
servée par une voie d’abord rétrosigmoïdienne sévères à germes résistants. La prise en compte
ou rétrolabyrinthique. La voie rétrolabyrin- d’une insuffisance rénale est fondamentale dans le
thique en avant du sinus latéral est très étroite. calcul de leur posologie.
La voie rétrosigmoïdienne avec fraisage de la En cas de tympan perforé, il faut vérifier que
paroi postérieure du conduit auditif interne les gouttes auriculaires prescrites ne contien-
est la plus utilisée, mais elle a l’inconvénient nent pas d’aminoside. Sinon, il y a un risque
de mal exposer le fond du conduit auditif de surdité ototoxique sévère après instillations
interne. répétées.
• Lorsque l’audition est détruite, les très gros Le cisplatine administré au cours d’une chimio-
neurinomes sont opérés par voie translabyrin- thérapie pour cancer est également ototoxique.
thique après fraisage des canaux semi-circulaires L’atteinte commence par les hautes fréquences
et du vestibule. (12 000), annonçant des pertes auditives aux fré-
Les neurinomes intralabyrinthiques sont sim- quences plus basses. Leur étude est un élément
plement surveillés, car leur extension est bloquée important de la surveillance audiométrique.
par la capsule labyrinthique. D’autres médicaments peuvent être respon-
sables : la quinine et les salicylés. On en rapproche
les surdités provoquées par les intoxications par
Surdité de perception l’oxyde de carbone.
unilatérale fluctuante
Le type en est la maladie de Menière carac- Surdité professionnelle
térisée par une surdité unilatérale fluctuante Le traumatisme sonore chronique et les bruits
prédominant sur les fréquences graves. Elle impulsionnels répétés sont la cause de surdités
peut précéder de plusieurs mois l’apparition de perception progressives bilatérales. À l’audio-
des crises de vertige (cf. chapitre 9). Pendant gramme, elles commencent par un scotome à la
cette phase purement cochléaire, elle peut aussi fréquence 4 000 Hz. Puis le trou s’élargit et la
se présenter comme une surdité brusque. Mais surdité devient considérable, amputant toutes les
sa récupération rapide en moins de 24 heures fréquences aiguës. La prévention est une des prio-
et son atteinte sur les fréquences graves sont rités de la médecine du travail. La surdité cesse de
évocatrices. Le diagnostic deviendra évident s’aggraver dès que le sujet est soustrait aux bruits
quand surviendront les multiples crises de ver- supérieurs à 85 dB en continu. Les professions
tiges avec leur triade caractéristique : sensation exposées sont les chaudronniers, les motoristes
de plénitude dans une oreille avec bourdon- et les militaires. Le scotome à la fréquence 4 000
nement, hypoacousie ipsilatérale puis violent est d’une façon générale le stigmate des atteintes
vertige rotatoire durant de quelques minutes à auditives après traumatisme sonore, qu’il soit aigu
plusieurs heures. ou chronique.
144 ORL thématique

Surdités auto-immunes être proposé suffisamment précocement pour


Ce sont des surdités de perception bilatérales, éviter la désafférentation sociale du sujet, source
asymétriques, tantôt fluctuantes, tantôt d’aggra- de psychoses irréversibles. L’indication classique
vation progressive. Elles accompagnent une mala- est un déficit auditif moyen symétrique à partir
die de système et sont améliorées par la prise de de 40 dB en tonale. Une audiométrie réalisée
corticoïdes par voie générale au long cours. Elles en champ libre dans le bruit serait plus démons-
se caractérisent par un syndrome inflammatoire trative. L’objectif de l’appareillage auditif est
associé. d’améliorer la communication au quotidien. Il
ne faut pas attendre le retour à une audition
Presbyacousie normale. Le bénéfice sera progressif et il faudra
des réglages fréquents effectués par l’audiopro-
C’est un processus de vieillissement de l’oreille
thésiste. Une période d’essai de deux semaines
interne inhérent à notre civilisation industrielle
sera proposée. Une rééducation orthophonique
avec dégradation de l’audition. Les peuplades non
est utile en cas de facteurs cognitifs associés ou
exposées au niveau sonore des villes, des machines
si la perte est très importante. S’il existe des
et des discothèques en souffrent peu. La pres-
troubles visuels ou une arthropathie des mains,
byacousie se manifeste à partir de la soixantaine
l’audioprothésiste doit choisir une prothèse
et sa prévalence augmente avec l’âge, surtout
facile à manipuler.
au-delà de 80 ans. Il existe des formes précoces
La sévérité de la surdité peut aller au-delà des pos-
commençant vers la cinquantaine avec souvent un
sibilités d’amplification. L’indication d’un implant
facteur héréditaire.
cochléaire peut se poser. Les résultats sont aussi
Diagnostic bons que chez les sujets jeunes (cf. infra).
Apparaît d’abord une gêne importante dans le
bruit. L’évolution se fait par paliers vers un
audiogramme typique en « pente de ski ». C’est Surdités de l’enfant
une surdité de perception bilatérale, parfaite-
ment symétrique, prédominant sur les fréquences Chez le nourrisson et l’enfant, toute surdité,
aiguës. Des acouphènes sont fréquement associés même unilatérale, même légère, doit être prise
(cf. partie 2, fiche « Acouphènes »). L’interaction en charge rapidement pour limiter son retentis-
entre les troubles auditifs et les troubles cognitifs sement sur le développement du langage et des
est majeure. Ainsi, l’audiométrie vocale est davan- progrès scolaires. Dans le cas de surdité congé-
tage perturbée que ne le faisait attendre l’audio- nitale profonde bilatérale, c’est une « course
métrie tonale. Le sujet entend mais ne comprend contre la montre ». Il faut que ces enfants
pas. Il y a un trouble de l’intégration centrale du soient implantés avant l’âge de 2 ans pour faire
langage. L’interrogatoire de l’entourage retrouve une scolarité normale. Si l’implantation n’a pas
des troubles de la mémoire et de l’attention. Dès lieu avant l’âge de 6 ans, ils n’échapperont pas
lors, le diagnostic de presbyacousie simple ne à la surdi-mutité et à la langue des signes. Un
convient plus. La neuropathie auditive est carac- double dépistage est donc justifié : néonatal à la
térisée par une altération importante de l’intelli- maternité et scolaire dans les écoles maternelles.
gibilité en vocale avec des seuils presque normaux En outre, il faut être vigilant dans trois circons-
en tonale. La conservation des oto-émissions tances : après une méningite, s’il existe des anté-
contraste avec l’altération des potentiels évoqués cédents de surdité congénitale dans la famille
auditifs précoces (PEAP). ou en cas de séroconversion à cytomégalovirus
Il n’y a aucun traitement médical efficace pendant la grossesse.
connu, tant curatif que préventif. L’appareillage On distingue trois périodes :
audioprothétique doit être envisagé dès qu’il y • la période prélinguale ou prélinguistique (avant
a un impact sur la vie sociale et familiale. Il doit l’âge de 2 ans), où la surdité ralentit, voire
Chapitre 8. Diagnostic des surdités 145

empêche l’acquisition du langage de façon irré- de 5 à 6 ans suggérait une origine ourlienne.
versible si aucune réhabilitation n’est mise en La vaccination contre les oreillons a réduit
place ; leur fréquence. La décision d’appareiller
• la période périlinguale (entre 2 et 4 ans), après vise à rétablir la stéréophonie par un sys-
que l’enfant commence à parler. La survenue tème CROS (contralateral routing of sound)
d’une surdité entraîne une régression réversible consistant à renvoyer le son du côté sourd
du langage ; vers le côté sain par un système Wi-Fi ou par
• la période post-linguale (au-delà de l’âge de la mise en place d’une prothèse à ancrage
4 ans), quand le langage est bien en place. osseux (cf. infra) ;
À ce stade, la survenue d’une surdité ne • la survenue d’une surdité sévère bilatérale
provoque une stagnation des acquisitions post-méningitique, après l’acquisition du
lexicales et grammaticales qu’en l’absence de langage, entraîne une régression de celui-ci,
réhabilitation. d’autant plus importante que le sujet est plus
jeune ;
• entre 8 et 12 ans, une surdité « psycho-
gène » ou pseudo-hypoacousie est caractéri-
Surdités post-linguales sée par des seuils en audiométrie subjective
Les plus fréquentes sont des surdités acquises autour de 50 dB sur toutes les fréquences.
après l’apparition du langage. Il faut prendre en On ne détecte aucun retentissement sur
compte les soupçons des parents et réaliser une la perception de la parole. Les PEAP sont
audiométrie. L’enfant est distrait, crie et parle normaux. Il faut évoquer avec prudence
fort, ou au contraire est trop calme et réservé. l’équivalent d’une conversion hystérique
Le dépistage scolaire des troubles de l’audition (causes familiales ?).
trouve une surdité chez 2 à 4 % des enfants.
Pour la plupart, ce sont des otites séromuqueuses
bilatérales entraînant une perte auditive de 30 à
40 dB. Le traitement repose sur l’adénoïdecto- Surdités prélinguales
mie et la mise en place d’aérateurs tympaniques. La survenue d’une surdité de perception bilatérale
L’efficacité est instantanée et les progrès sont sévère ou profonde avant l’âge de 1 an empêche
rapides. Ils peuvent nécessiter une rééducation l’acquisition normale du langage oral et entrave
orthophonique. le développement de l’intelligence par manque de
Cinq cas particuliers doivent être signalés : support linguistique.
• le cholestéatome congénital à tympan fermé
est découvert avant l’âge de 5 ans. C’est le
résultat d’une inclusion épidermique d’origine
embryologique. Il se présente à la TDM sous la Causes des surdités dites
forme d’une opacité arrondie ou d’une lacune « congénitales »
régulière à bord convexe ; La vaccination des petites filles contre la rubéole
• les surdités de transmission non expliquées par a fait disparaître la cause principale survenant
une otite séromuqueuse évoquent une malfor- au cours des quatre premiers mois de grossesse.
mation ossiculaire (aplasies mineures). Elles se À part la prématurité, les causes obstétricales et
voient essentiellement dans le cadre des malfor- post-natales ont disparu (souffrance fœtale, ictères
mations du premier arc et plus particulièrement nucléaires, incompatibilités fœto-maternelles). La
dans le syndrome de Franceschetti avec aplasie raison en est les progrès de la prévention et de la
du pavillon de l’oreille ; néonatologie. Les causes génétiques ont donc pris
• la découverte d’une cophose unilatérale la première place, survenant sur un mode récessif
jusqu’alors passée inaperçue chez un enfant ou dominant.
146 ORL thématique

Surdités syndromiques Dépistage néonatal à la maternité


Elles sont suspectées sur l’association à des La maternité est le lieu où on est sûr d’examiner
troubles variés n’apparaissant parfois que secon- tous les enfants. Or, un dépistage n’est efficace
dairement : que si on atteint une exhaustivité de 95 %. Ajou-
• le syndrome d’Usher est associé à une aré- tons que les nouveau-nés passant par les ser-
flexie vestibulaire bilatérale avec retard des vices de réanimation néonatale ont davantage de
acquisitions posturales (marche acquise risques. Ceux-ci ne doivent donc pas être oubliés.
après 18 mois). La réalisation d’un élec- L’objectif est de détecter les enfants chez les-
trorétinogramme est proposée, en raison de quels il y a un risque de surdité profonde bilaté-
l’association possible avec une cécité parfois rale (1,3/1 000 naissances).
secondaire ; Le dépistage est réalisé le 2e jour après la
• le syndrome de Waardenburg se reconnaît à naissance, le temps que l’oreille moyenne s’aère
la présence d’yeux vairons et d’une mèche convenablement. Il repose sur la recherche des
blanche ; oto-émissions acoustiques provoquées (cf. cha-
• le syndrome branchio-oto-rénal s’accompagne pitre 7). Ces oto-émissions sont absentes pour des
d’une microtie du pavillon, d’un kyste ou d’une pertes auditives d’origine endocochléaire supé-
fistule branchiale (cf. partie 2, fiches « Fistule de rieures à 30 dB HL. Le taux de faux positifs est de
la première fente branchiale (fistule auriculo- 1 à 2 %. Les potentiels évoqués auditifs automa-
branchiale) » et « Fistules branchiales cervicales tisés (PEAA) sont réalisables dès 24 heures de vie
basses ») ; et sont sensibles aux atteintes centrales comme les
• le syndrome de Franceschetti comporte une neuropathies auditives des prématurés (cf. infra).
aplasie des os malaires et une aplasie du pavillon Il faut souligner que les examens de dépistage
de l’oreille ; ne constituent qu’une alerte. Ils ne permettent
• le syndrome d’Alport s’accompagne de signes pas un diagnostic de surdité. Environ 2 % des
néphrologiques (protéinurie ou hématurie enfants sortent de la maternité avec un dépistage
macro- ou microscopique) précédant la surdité non concluant. Seulement 1 sur 20 de ces enfants
d’une dizaine d’années ; présente une surdité profonde bilatérale. Pour les
• le syndrome de Pendred se caractérise par autres, la cause est généralement qu’une bonne
l’association à un goitre et à une hypothyroï- aération de l’oreille moyenne tarde à se faire. Les
die ; tests se normaliseront vers le 10e jour.
• le syndrome de Jervell et Lange-Nielsen pré- La prise en charge d’un enfant dont le dépis-
sente un risque de mort subite dans l’enfance ; tage reste positif repose d’abord sur la déter-
• les mutations mitochondriales se manifestent mination des seuils auditifs par les PEAP et les
par une dégénérescence neuromusculaire dégé- ASSR en cabine insonore, suivie d’audiométrie
nérative. comportementale dès que possible (cf. infra). Il
faut attendre le 4-5e mois après la naissance pour
Surdités génétiques non syndromiques
avoir un diagnostic de certitude. Cette attente est
Elles sont le plus souvent dues aux mutations du toujours mal supportée par les parents.
gène des connexines 26 et 30. Même si les tests sont normaux en période
néonatale, une surdité peut s’installer secondaire-
Surdités embryopathiques
ment et n’être détectée qu’aux visites du 9e et du
Un traitement ototoxique par aminosides pour 24e mois (cf. infra).
infection urinaire et la toxoplasmose en cours de
grossesse sont rarement en cause. En revanche,
Diagnostic des surdités
l’infection congénitale à cytomégalovirus reste
sur le retard de langage
une cause importante de surdités congénitales,
voire secondaires, n’apparaissant que plusieurs Autrefois, un retard d’apparition du langage après
mois et années après la naissance. l’âge de 3 ans était le principal motif amenant
Chapitre 8. Diagnostic des surdités 147

les parents d’un enfant sourd à consulter. Le Bilan d’une surdité du nourrisson
dépistage néonatal doit maintenant permettre et du jeune enfant
un diagnostic avant l’âge de 6 mois dans 85 % Des potentiels évoqués auditifs précoces (PEAP)
des cas. Reste que dans 15 % des cas, la surdité sont d’abord réalisés. Avant 3 mois, on les
apparaît ou s’aggrave secondairement (méningite, pratique après un biberon. Ensuite, un sédatif
surdité évolutive liée à une embryofœtopathie léger (hydroxyzine ou mélatonine) peut être
à cytomégalovirus [CMV] et surdité génétique utilisé. Le seuil obtenu ne correspond qu’aux
pouvant évoluer à tout âge). Il faut donc rester fréquences 2 000 à 4 000 Hz. Leur évaluation
vigilant. Le dépistage néonatal a le mérite d’attirer est donc pessimiste, car ces surdités prédominent
l’attention des parents sur les troubles de l’audi- sur les sons aigus. Avant 3 mois, les réponses
tion. Quelques repères doivent donc être connus obtenues avec les ASSR sont moins amples et
pour ne pas manquer un décalage par rapport aux les seuils plus élevés de 10 à 15 dB que chez les
acquisitions normales (tableau 8.1). adultes.
Un retard d’apparition du langage n’est pas Un examen audiométrique comportemental
non plus synonyme de surdité. Les troubles du doit être tenté dès l’âge de 5 mois. Un bandeau
spectre autistique sont aussi caractérisés par un en conduction osseuse donne des réactions inté-
retard de langage. Mais un trouble de la relation ressantes, mais on peut avoir l’impression d’une
est associé : rareté des regards vers l’interlocuteur, meilleure perception pour des fréquences de 250
peu de sourires, pas de geste signifiant comme à 750 Hz, du fait de la sensation vibratoire
« au revoir » ou « bravo », intérêt limité aux somesthésique. Une audiométrie tonale peut être
jeux répétitifs avec stéréotypies. Enfin, le retard réalisée à partir de 2 ans et demi. Douceur et
de langage peut s’intégrer dans un retard de patience sont toutefois requises pour obtenir un
développement global. Il concerne alors autant la bon conditionnement visuel et ludique. Pour
compréhension que l’expression et s’associe à un l’audiométrie vocale, on utilise des listes de mots
retard des acquisitions psychomotrices. correspondant au vocabulaire des jeunes enfants
accompagnées d’images.
Tableau 8.1. Repères indiquant un retard par rapport Une situation particulière est réalisée par la
aux acquisitions normales. neuropathie-dyssynchronie auditive, associant
Acquis normaux Retard une désynchronisation des réponses des PEAP
3 mois Réagit au bruit en sursautant avec des oto-émissions acoustiques (OEA) res-
ou en arrêtant son activité. tant présentes, attestant d’une fonction nor-
Dit « aaa…eu » male des cellules ciliées externes. C’est une
Entre Se retourne vers un bruit Appauvrissement du anomalie de la synapse entre cellules ciliées
6 et 9 produit hors de sa vue. Aime babil sans apparition internes et fibres nerveuses afférentes observées
mois les jouets musicaux. Fait du de syllabes variées
bruit avec les lèvres. Babille chez des nouveau-nés ayant nécessité une réa-
nimation néonatale. L’implantation cochléaire
12 mois Dit des syllabes redoublées. Absence de réponse
Reconnaît une mélodie. à des ordres simples reste indiquée.
Comprend certains mots et ou au prénom Les examens complémentaires comportent :
des ordres simples. Réagit à • une sérologie CMV chez l’enfant de moins de
son prénom 2 ans ;
18 mois Dit quelques mots déformés. Absence de • une TDM des rochers, pour détecter une mal-
Reconnaît les bruits fami- mots (« papa »,
liers. Comprend les phrases « maman »)
formation de l’oreille moyenne et déterminer la
courtes (sans gestes) faisabilité de l’implantation cochléaire ;
24 mois Montre sur ordre une partie Absence de mots-
• une IRM labyrinthique à la recherche d’une
du corps. Phrases à deux phrases (« à boire », agénésie du nerf cochléaire et, après méningite
mots : « papa parti » « pipi pot », « papa bactérienne, pour détecter une fibrose intra-
parti ») à 2 ans cochléaire, rendant l’implantation cochléaire
148 ORL thématique

urgente en raison du risque d’évolution vers Appareillage auditif


l’ossification.
Enfin, la consultation génétique comprend Surdités de transmission
l’analyse des gènes en cause les plus fréquents En cas d’atrésie bilatérale des conduits auditifs
(comme les connexines 26 et 30) ou des gènes externes, un vibrateur maintenu par un bandeau
pouvant être en cause dans une dilatation bila- ou un serre-tête doit être porté jusqu’à l’âge de
térale de l’aqueduc du vestibule (PDS) ou en 7 ans. Après quoi une chirurgie (fig. 8.23) peut
cas de neuropathie-dyssynchronie auditive (gène être envisagée par prothèse à ancrage osseux (bone
OTOF). anchored hearing aid [BAHA]).

Surdités de perception
Réhabilitation
L’appareillage conventionnel peut être mis en
La prise en charge repose sur trois acteurs : place dans les premiers mois de vie, dès que les
l’audioprothésiste, l’orthophoniste et parfois le phases d’éveil s’allongent et que l’enfant tient sa
chirurgien. tête. Ce sont des « contours d’oreille ». Ils sont
bien acceptés par les enfants, qui en ressentent le

Figure 8.23. Prothèse à ancrage osseux (BAHA).


Un pilier en titane est vissé sur l’os temporal. Une prothèse fixée sur le pilier transmet les vibrations sonores aux cochlées
par voie osseuse court-circuitant les oreilles moyennes. A. Exemple de réhabilitation pour une surdité de transmission non
appareillable. B. Réhabilitation d’une surdité totale unilatérale (cophose). L’implant en titane est posé du côté sourd. Les
vibrations sonores sont perçues par l’oreille interne saine en conduction osseuse, rétablissant ainsi une certaine stéréo-
phonie. C. Implant et prothèse mises en place.
Chapitre 8. Diagnostic des surdités 149

Figure 8.24. Principe et mise en place d’un implant cochléaire.


A. Porte-électrodes enroulé dans l’oreille interne. 1 : micro ; 2 : émetteur porté derrière l’oreille ; 3 : antenne émettrice pla-
cée sur le cuir chevelu ; 4 : récepteur et antenne réceptrice placés sous la peau ; 5 : nerf auditif ; 6 : porte-électrodes. B.
Porte-électrodes inséré. 1 : rampe vestibulaire ; 2 : canal cochléaire ; 3 : rampe tympanique. La partie interne de l’implant
nécessite une mastoïdectomie pour loger le récepteur sous-cutané et une tympanotomie postérieure pour le connecter au
porte-électrodes qui est placé après ouverture de la cochlée au niveau du promontoire ou de la fenêtre ronde. La partie
externe de l’implant est adaptée quelques semaines après la chirurgie et des réglages successifs sont réalisés la première
année, puis deux fois par an les années suivantes.
Lina-Granade G., Truy E. Stratégies diagnostique et thérapeutique devant une surdité de l’enfant. EMC, Paris (Elsevier Masson), ORL, 2015 ;
10(2) : 1-15 [Article 20-190-C-10].

bénéfice et s’y adaptent rapidement. Même en cas Implantation cochléaire


de surdité profonde, la Haute Autorité de santé
(HAS) recommande d’essayer un appareillage L’implant cochléaire se compose d’un contour
classique avant l’implantation cochléaire. d’oreille externe et d’un porte-électrodes inséré dans
la rampe tympanique de la cochlée (fig. 8.24). Ces
Rééducation orthophonique deux parties sont connectées de part et d’autre de
la peau par une antenne aimantée posée sur la mas-
Le bilan orthophonique évalue les répercussions toïde et un récepteur sous-cutané inséré dans une
du déficit auditif sur le langage. Puis, dans les sur- cavité creusée dans l’os mastoïdien. Les informations
dités légères et moyennes, l’orthophonie corrige sonores sont transformées en impulsions électriques
les déformations et le raccourcissement des mots. qui sont transmises à une vingtaine d’électrodes
Elle stimule le développement du vocabulaire stimulant les axones de l’organe de Corti aux diffé-
et prévient les difficultés d’apprentissage de la rents niveaux de la gamme fréquentielle.
lecture. L’implantation cochléaire est indiquée en cas
Dans les surdités sévères et profondes, en vue de surdité sévère ou profonde. Elle implique que
d’une implantation cochléaire, le code LPC l’orientation de l’enfant se fasse vers une communi-
(langue française parlée complétée) est appris en cation orale, avec une rééducation orthophonique
même temps par la mère, la famille et l’enfant adaptée et un environnement scolaire normal. Si
afin de constituer en urgence un support lin- l’implant est bien accueilli dans une famille enten-
guistique au développement de l’intelligence et dante, il n’en est pas de même si la famille de
des relations affectives. Le LPC est en effet un l’enfant est un couple de malentendants ne connais-
complément de la lecture labiale, préparant à sant que la langue des signes. Dans ce cas, il est
une oralisation optimale. Le français signé (FS) fréquent que les parents refusent, craignant que
est davantage recommandé en cas d’échec ou leur enfant s’éloigne de la communauté des sourds.
de refus de l’implantation cochléaire pour que Les résultats de l’implantation cochléaire sont
l’enfant s’intègre dans la communauté des sourds. excellents si les voies auditives sont fonctionnelles.
150 ORL thématique

Le bon développement du langage oral et la bonne Vidéo e8.3. Cholestéatome 2e temps.


adaptation à un parcours scolaire normal sont recon- Ce patient a été opéré un an auparavant d’un cholestéa-
tome en technique fermée. Le premier temps consiste à
nus. Les résultats sont moins bons si l’implantation rouvrir la mastoïde. Il n’y a pas de récidive. La muqueuse
a été tardive, s’il s’agit d’une neuropathie-dyssyn- est de bonne qualité. On retire la lame de silastic qui
chronie ou en cas de handicaps associés (troubles tapissait la caisse et la mastoïde en passant à travers la
cognitifs, vestibulaires et visuels). La tendance est tympanotomie postérieure qui avait été pratiquée lors du
premier temps. Par voie endaurale, on soulève la myringo-
actuellement à l’implantation bilatérale. plastie d’aponévrose temporale armée de cartilage qui
avait été faite précédemment. La fosse ovale est dés-
`` Compléments en ligne habitée, mais la platine de l’étrier reste bien mobile. On
met en place une prothèse en type III entre la myringo-
plastie et la platine de l’étrier. Un point de colle biologique
Des compléments numériques sont associés à ce fixe le montage. On rabat le lambeau postérieur. Enfin,
on contrôle la bonne mise en place de la prothèse par la
chapitre, ils sont indiqués dans le texte par un tympanotomie postérieure.
picto . Ils proposent les vidéos du chapitre. Pour
voir une vidéo, scannez le flashcode correspondant
à l’aide de votre smartphone ou de votre tablette,
ou connectez-vous sur http://www.em-consulte.
com/e-complements/474503 et suivez les ins-
tructions.
Vidéo e8.4. Stapédotomie avec interposition.
Vidéo e8.1. Exostoses. C’était la technique utilisée avant le laser. Elle peut encore
Les exostoses se distinguent des ostéomes, car ce sont rendre des services en cas de luxation de la platine.
des excroissances osseuses multiples. Ici, c’est le cas d’un Côté droit. Fosse ovale normale avec arche de l’étrier
sujet grand amateur de planche à voile en eaux froides. surmontée de la saillie de la 2e portion de l’aqueduc de
Fallope. Section du tendon du muscle de l’étrier. Dés-
articulation incudo-stapédienne. Fracture et ablation de la
superstructure de l’étrier (actuellement, on fait une section
au laser moins dangereuse). Platinotomie à la microfraise
diamantée. Issue de sang et de périlymphe et nettoyage
de la fosse ovale sans aspirer le liquide intralabyrinthique.
Platinotomie postérieure respectant la platine antérieure
Vidéo e8.2. Myringoplastie : technique en hamac. qui est parfois collée au saccule. Mise en place d’un carré
Vaste perforation sèche de l’oreille gauche. Par voie d’aponévrose temporale moulée sur la fosse ovale. Mise
endaurale, inciser la peau du conduit en avant et décoller en place d’un piston téflon de 0,4 mm de diamètre et de
le lambeau antérieur jusqu’au sulcus. Désinsérer l’annulus 4 mm 1/4 de longueur. Serrage de la boucle du piston à la
depuis le ligament tympano-malléaire antérieur (midi) jusqu’à pince. Recherche du signe de la fenêtre ronde par petites
10 h pour constituer la boutonnière antérieure. Faire un touches sur le piston.
lambeau postérieur par décollement cutanéo-périosté de la
paroi postérieure du conduit et désinsérer l’annulus jusqu’à
2 mm du décollement de la boutonnière. Il faut que l’annulus
reste attaché en cet endroit pour stabiliser la greffe. Passer
le greffon d’aponévrose temporale séché par le décollement
postérieur, le glisser sous le manche du marteau et le
pousser jusqu’à la trompe d’Eustache. Rabattre en arrière
le lambeau antérieur puis rattraper l’aponévrose par la
boutonnière antérieure. Remonter largement l’aponévrose
sur la paroi antérieure et ajouter un point de colle. Remettre
en place tous les lambeaux après avoir retendu en arrière
l’aponévrose bien fixée en avant. On peut avoir suffisamment
confiance dans le montage pour pratiquer de douces
douches d’air de Politzer dès le 2e jour. L’aspect postopéra-
toire montre ce petit pli caractéristique au niveau de l’umbo.
Chapitre 9
Vertiges
Points forts • le vertige de positionnement, survenant après le
j Définition : le vestibule est la partie postérieure mouvement et cédant spontanément lorsque la
de l’oreille interne, destinée à l’équilibration et position est maintenue (ex. : vertige positionnel
connectée à tous les étages du névraxe. paroxystique bénin [VPPB]) ;
j L’appareil vestibulaire a quatre fonctions : il informe
• le vertige cinétique survenant au cours du mou-
les centres sur les mouvements de la tête et sa
position par rapport à la gravité ; il stabilise le regard
vement (séquelle d’une névrite vestibulaire) ;
au cours du mouvement en générant des réflexes • les oscillopsies, forme particulière de vertige
vestibulo-oculaires ; il stabilise le corps en générant cinétique, caractérisée par un tremblement de
des réflexes vestibulo-spinaux ; il stabilise la tension la scène visuelle lorsque le sujet bouge la
artérielle dès le début du changement de position. tête (ex. : en cas de destruction bilatérale de
j Le vertige positionnel paroxystique bénin (VPPB) l’appareil vestibulaire après traitement par les
se caractérise par une manœuvre provoquant aminosides).
un nystagmus spécifique du canal semi-circulaire Il faut savoir que les patients appellent aussi
atteint suivie d’une manœuvre libératrice
vertiges des sensations de déséquilibre qui sont
adaptée.
j La déafférentation vestibulaire aiguë brusque
parfois d’origine vestibulaire (mais pas toujours).
(névrite vestibulaire) se caractérise par un syndrome En tout cas, elles méritent un bilan vestibulaire.
vestibulaire harmonieux et bénéficie de la rééducation Appartiennent au diagnostic différentiel car
vestibulaire pour diminuer le risque de séquelles. n’étant pas considérés comme d’origine vestibu-
j La maladie de Menière se caractérise par des signes laire : les pertes de connaissance, les syncopes et
auditifs et pas seulement par des crises à répétition. présyncopes, les vertiges des crises de panique, les
j Dans les vertiges du sujet jeune, on retrouve lipothymies (impressions passagères d’évanouis-
souvent un terrain migraineux. sement) et les malaises hypoglycémiques.
j Tout patient se plaignant de vertige doit subir
un bilan comportant une otoscopie, la recherche
de signes visuels, la recherche de nystagmus
spontanés et positionnels, une étude de l’audition Appareil vestibulaire
et de la réflectivité des capteurs vestibulaires.
La prescription d’imagerie est double : TDM Labyrinthe osseux
pour l’os temporal et IRM pour la fosse
cérébrale postérieure. L’oreille interne (ou labyrinthe) est composée de
deux parties :
Le vertige est une illusion de mouvement, le • l’une, antérieure, la cochlée, est vouée à l’audi-
plus souvent rotatoire. En pathologie, le vertige tion (cf. chapitre 8) ;
traduit un dysfonctionnement en un point quel- • l’autre, postérieure, le labyrinthe vestibulaire,
conque du système vestibulaire. On distingue : est vouée à l’équilibration (fig. 9.1).
• le vertige spontané, présent en l’absence de Le labyrinthe vestibulaire est centré par une
mouvement, quelle que soit la position du sujet cavité osseuse cubique : le vestibule, qui a donné
(ex. : crise de la maladie de Menière) ; son nom à l’appareil vestibulaire. Dans le ves-
• le vertige de position en rapport avec la position tibule, s’ouvrent les trois canaux semi-circulaires
de la tête dans l’espace, persistant tant que dure par leurs deux extrémités. Ce sont des cap-
cette position (ex. : vertige de position central) ; teurs d’accélération angulaire (ou rotatoire).
Guide d'ORL
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152 ORL thématique

Figure 9.2. Labyrinthe membraneux.


A. Labyrinthe membraneux vu de profil. CH : canal
horizontal ; CA : canal antérieur ; CP : canal postérieur. Les
extrémités non ampullaires des conduits semi-circulaires
antérieur et postérieur s’abouchent par le même orifice
dans l’utricule : la crus commune (CC). C’est par cet
orifice que sortiront les lithiases du canal postérieur
pour être délitées et réabsorbées dans l’utricule. Les
nerfs ampullaires issus des trois ampoules (A) et les
nerfs utriculaire et sacculaire se rejoignent pour former
les nerfs vestibulaires supérieur (VS) et inférieur (VI)
formant eux-mêmes le nerf vestibulaire parallèle au nerf
facial (VII) dans le conduit auditif interne. La cochlée
communique avec le saccule par le canal réuniens
(CR). B. L’endolymphe (en bleu) est sécrétée dans tout
le labyrinthe avec un flux permanent s’évacuant par
deux canalicules branchés sur l’utricule et le saccule
se réunissant pour former le canal endolymphatique.
Ce canal se termine par le sac endolymphatique situé
Figure 9.1. Labyrinthe osseux. dans l’épaisseur de l’arachnoïde où l’endolymphe est
A. Dissection de l’oreille interne chez un fœtus de 7 mois. réabsorbée. Un défaut de réabsorption provoque l’hydrops
B. Labyrinthe postérieur ou vestibulaire. V : cavité endolymphatique caractérisant la maladie de Menière.
vestibulaire. Sauvage J.-P., Grenier H. Guide de rééducation vestibulaire.
Sauvage J.-P., Grenier H. Guide de rééducation vestibulaire. Elsevier Elsevier Masson, 2015.
Masson, 2015.

semi-circulaires membraneux (horizontal, anté-


rieur et postérieur) sont situés dans des plans
Le vestibule contient en outre deux formations
perpendiculaires entre eux. Chaque canal pos-
otolithiques, sortes de fils à plomb capteurs
sède une dilatation à l’une de ses extrémités :
d’accélérations linéaires, dont la pesanteur.
l’ampoule, d’où part le nerf ampullaire rejoignant
le nerf vestibulaire. Dans le vestibule osseux, se
Labyrinthe membraneux trouvent deux sacs membraneux : l’utricule et le
saccule, contenant les organes otolithiques. Ces
C’est une structure tubulaire enroulée sur elle- cinq capteurs transcrivent les forces induites par
même, s’emboîtant exactement dans les cavités les mouvements de la tête et les forces gravitaires
osseuses précédentes (fig. 9.2). Les trois conduits en un signal biologique.
Chapitre 9. Vertiges 153

L’oreille interne comporte deux comparti- perpendiculaires entre eux, tout mouvement de
ments hydrauliques. Le premier est constitué la tête est analysé dans les trois plans de l’espace.
d’endolymphe remplissant le labyrinthe mem- Le fonctionnement d’un canal semi-circulaire
braneux. Le deuxième est le compartiment est basé sur l’inertie de l’anneau d’endolymphe
périlymphatique constitué de périlymphe rem- qu’il contient (fig. 9.3). Le capteur est situé
plissant l’espace compris entre le labyrinthe dans l’ampoule. C’est un diaphragme (cupule),
membraneux et le labyrinthe osseux. La compo- l’obturant complètement. En fonction du sens de
sition de l’endolymphe est riche en potassium, rotation, la force d’inertie enfonce la cupule dans
intervenant dans la physiologie des cellules un sens ou dans l’autre.
sensorielles. La périlymphe, issue du LCR, joue La crête ampullaire (fig. 9.4) sur laquelle
plutôt un rôle amortisseur, protégeant le laby- s’insère la cupule est tapissée d’un épithélium
rinthe membraneux des vibrations et des chocs qui possède des cellules sensorielles ciliées dont
parasites. le pôle apical possède une touffe de stéréocils qui
La vascularisation de l’oreille interne est de s’engagent dans la base de la cupule. Parmi eux, se
type terminal, c’est-à-dire sans possibilité de trouve un cil plus long : le kinocil. Tous les stéréo-
suppléance. Comme la cochlée, elle dépend de cils se trouvent du même côté que le kinocil. Sous
l’artère labyrinthique, branche de l’artère céré- l’effet de la mise en rotation de la tête dans le
belleuse antéro-inférieure. Une thrombose dans plan du canal, l’anneau endolymphatique exerce
son territoire donnera à la fois une surdité et des une force d’inertie sur la cupule. En fonction du
vertiges. sens de rotation, cette force incline les stéréocils,
soit vers le kinocil (excitation), soit en sens inverse
Fonctionnement des canaux (inhibition).
semi-circulaires Si on enregistre les potentiels d’action dans
le nerf ampullaire (fig. 9.5), on constate que,
Chaque canal semi-circulaire détecte les accé- même au repos, il persiste un tonus vestibulaire.
lérations angulaires (rotatoires) effectuées C’est ce tonus vestibulaire qui est augmenté par
dans son plan. Comme les trois canaux sont l’excitation ou diminué par l’inhibition. Cette

Figure 9.3. Genèse des mouvements inertiels.


Vue de dessus. Le canal semi-circulaire droit complété par l’utricule forme un anneau d’endolymphe. L’ampoule jouxte
l’abouchement du canal dans l’utricule. Au repos, le liquide endolymphatique est immobile et la cupule ne bouge pas.
Pour le canal horizontal droit : dans une rotation de la tête vers la droite, l’inertie du liquide endolymphatique exerce une
force sur la cupule dirigée vers la gauche. Ce mouvement d’endolymphe est appelé ampullipète puisqu’il se dirige vers
l’ampoule. Inversement, une rotation de la tête vers la gauche provoque un courant endolymphatique inertiel vers la droite
et une force sur la cupule en direction opposée à l’ampoule, dite ampullifuge. Pour les canaux horizontaux, ce sont les
courants ampullipètes qui sont stimulants.
Sauvage J.-P., Grenier H. Guide de rééducation vestibulaire. Elsevier Masson, 2015.
154 ORL thématique

Figure 9.4. Structure.


A. La cupule (1) est une membrane anhiste de même densité que l’endolymphe. La crête ampullaire (5) est un repli épaissi
supportant l’épithélium neurosensoriel cilié (4). Les cellules ciliées possèdent une touffe de stéréocils à leur pôle apical (3).
Kinocil (2). Au pôle basal se trouvent les connexions avec le premier neurone afférent vestibulaire (6). B. Cellule sensorielle
vestibulaire. Pôle apical : kinocil et stéréocils. Pôle basal : premier neurone afférent.
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Figure 9.5. Fonctionnement du capteur ampullaire (canal horizontal).


A. Cupule en position médiane ; stéréocils au repos (2) ; activité tonique spontanée dans le nerf ampullaire. B. Cupule
enfoncée vers l’utricule ; stéréocils inclinés en direction du kinocil (1) ; augmentation de la fréquence de décharge dans
le nerf ampullaire (excitation) C. Cupule enfoncée vers le canal ; stéréocils inclinés en direction opposée au kinocil ;
diminution de la fréquence de décharge dans le nerf ampullaire (inhibition).
Sauvage J.-P. Vertiges : manuel de diagnostic et de réhabilitation, 2e édition. Elsevier Masson, 2014.

information est transmise aux centres par le nerf le plan des canaux horizontaux, l’un est excité et
ampullaire. l’autre est inhibé du fait que les ampoules sont
Enfin, tous les canaux semi-circulaires travaillent symétriquement placées en avant. Ce jeu d’excita-
en couple. Dans le cas simple des canaux hori- tion-inhibition est appelé push-pull ou interaction
zontaux, le canal horizontal droit travaille avec le réciproque. Il est à la base de l’extrême sensibilité
canal horizontal gauche, car ils sont dans le même du système, capable de détecter des rotations
plan (fig. 9.6). Dans une rotation de la tête dans d’accélérations inférieures à 0,1 deg/s2.
Chapitre 9. Vertiges 155

striola (S). Concernant la macule utriculaire, de


part et d’autre de la striola, les kinocils se font
face. On retrouve le mécanisme de push-pull des
canaux. Mais ici, il se produit au sein de chaque
macule, ce qui est en cohérence avec le fait
que les macules gauches contrôlent l’hémicorps
gauche et les macules droites l’hémicorps droit
(sauf le cou).
La surface des macules otolithiques est gros-
Figure 9.6. Push-pull ou interaction réciproque. sièrement plane, ce qui leur permet de capter
Vue de dessus. OG : oreille gauche ; OD : oreille droite ; toute accélération linéaire ayant une composante
Ut : utricule ; z : axe vertical perpendiculaire au plan des dans son plan. Il se produit alors un cisaillement
canaux et passant par le centre de la tête.
Sauvage J.-P., Grenier H. Guide de rééducation vestibulaire.Elsevier
des cils sensoriels, suscité par le glissement inertiel
Masson, 2015. de la membrane otolithique sur la macule. Ce
glissement active ou inhibe les cellules ciliées de
Fonctionnement des capteurs la même façon que pour les canaux.
La pesanteur est une forme d’accélération
otolithiques
linéaire (fig. 9.8). C’est l’inclinaison de la tête par
Il y a deux macules otolithiques par oreille. L’une rapport à l’axe gravitaire qui provoque le cisaille-
est dans l’utricule, grossièrement horizontale ; ment des stéréocils et des kinocils. La membrane
l’autre est dans le saccule, grossièrement verti- est alors tirée vers le bas d’un côté ou de l’autre
cale. Chaque macule (fig. 9.7) comporte une ou en avant ou en arrière.
couche cellulaire faite de cellules de soutien et
de cellules sensorielles ciliées de même type que Connexions avec les centres
celles situées dans les crêtes ampullaires, c’est-à-
dire comportant des stéréocils et un kinocil. Sur Un premier groupe de neurones primaires situés
cette couche de cellules sensorielles, il y a une dans le nerf vestibulaire (8e paire crânienne)
membrane gélatineuse : la membrane otolithique, connecte chaque capteur labyrinthique aux
engluant l’extrémité des stéréocils et du kinocil. noyaux vestibulaires ipsilatéraux situés dans le
Cette membrane est alourdie par une couche tronc cérébral (fig. 9.9). Ensuite, des neurones
d’otolithes (pierres d’oreille constituées de cris- secondaires se connectent soit aux noyaux ocu-
taux de carbonate de calcium [O]). La macule lomoteurs, soit aux cornes antérieures de la
otolithique est divisée en deux par un sillon, la moelle.

Figure 9.7. Structure de la macule utriculaire.


CS : cellules sensorielles ciliées ; MO : membrane otolithique ; O : couche d’otolithes ; S : striola.
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156 ORL thématique

Figure 9.8. Fonctionnement de la macule utriculaire en fonction de la position de la tête.


Sauvage J.-P. Vertiges : manuel de diagnostic et de réhabilitation, 2e édition. Elsevier Masson, 2014.

Connexions oculomotrices, réflexe


vestibulo-oculaire, nystagmus
Les neurones secondaires directs et croisés rejoi-
gnent les noyaux oculomoteurs (III, IV et VI)
par le faisceau longitudinal médian. De là, un
troisième groupe de neurones rejoignent les mus-
cles droits et les muscles petit et grand oblique
de chaque œil. Ainsi est créé un réflexe vestibulo-
oculomoteur à trois neurones.
La fonction de ce réflexe est de produire
un mouvement oculaire en sens inverse
du mouvement de la tête. L’objectif est de
stabiliser l’œil au cours du mouvement. La
physiologie de la rétine repose sur des réac-
tions physico-chimiques lentes. Pour qu’une
image soit correctement perçue, elle doit rester
stable pendant au moins 300 millisecondes.
C’est le rôle et la propriété du système ves-
Figure 9.9. Connexions vestibulaires et symptômes tibulaire d’agir instantanément grâce à son
de la crise vertigineuse.
Sauvage J.-P. Vertiges : manuel de diagnostic et de réhabilitation,
fonctionnement mécanique et à ses connexions
2e édition. Elsevier Masson, 2014. très rapides.
Chapitre 9. Vertiges 157

Schématiquement, dans l’obscurité, chez un l’hypotension orthostatique quand le sujet se


sujet normal, à une rotation de tête de 30° vers lève avant qu’apparaisse une baisse de pression
la droite correspond une rotation conjuguée des au niveau des barorécepteurs sino-carotidiens.
deux yeux de 30° vers la gauche. Pour une Au cours de la crise vertigineuse, apparaissent
rotation supérieure à 30°, apparaît un mouvement une bradycardie, une hypotension et surtout des
rapide de l’œil (saccade), ramenant l’œil au bord nausées et des vomissements.
droit de l’orbite pour une nouvelle rotation lente
compensatrice des yeux vers la gauche. Cette Contrôle cérébelleux
succession de phases lentes et rapides se nomme Les réflexes vestibulo-oculomoteur et vestibulo-
nystagmus vestibulaire physiologique. Une spinal sont eux-mêmes sous contrôle du cervelet.
rotation de 360° vers la droite correspondrait Car le cervelet est une sorte d’organe inhibiteur,
théoriquement à 12 nystagmus. Au cours d’une qui autorise ou inhibe telle ou telle information
crise de vertige, apparaît un nystagmus patholo- vestibulaire à sa sortie du noyau vestibulaire.
gique car il se produit en l’absence de mouvement Pour cela, il utilise des informations de position
de la tête. d’origine otolithique, proprioceptive, somatique
et visuelle.
Connexions spinales, réflexe
vestibulo-spinal, déviations lentes Connexions vestibulo-corticales
Un autre groupe de neurones secondaires, cette Des connexions complexes se font entre les
fois descendant, connecte les noyaux vestibulaires noyaux vestibulaires et quelques aires corticales
aux cornes antérieures de la moelle épinière par cérébrales où elles se mélangent avec des infor-
les faisceaux vestibulo-spinaux médian et latéral. mations visuelles et proprioceptives. Ainsi, même
La fonction du réflexe vestibulo-spinal est de si les processus vestibulaires stabilisateurs sont
contrôler les réflexes myotatiques1 locaux, donc automatiques et subconscients, il y a quand même
de contrôler le tonus musculaire à tous les étages une perception de la position de la tête et de son
du névraxe (cou, membres et thorax). mouvement. En cas de conflit entre plusieurs
En cas de chute inopinée, le vestibule est le entrées sensorielles, des sensations désagréables
premier informé. Sa fonction d’alerte précoce apparaissent (ex. : sensations vertigineuses lors
déclenche des réflexes toniques au niveau des de l’adaptation à un changement de verres de
chevilles et des hanches qui permettent de rétablir lunette).
l’équilibre. Si ces réactions sont dépassées, une
chaîne de réflexes réafférents s’enclenche, faisant
intervenir la musculature des membres et la mus- Stratégie diagnostique
culature paravertébrale dans des stratégies non dans les vertiges
vestibulaires.
Dans une crise vertigineuse, le défaut unilatéral Cette stratégie ne repose pas sur un arbre diag-
de tonus vestibulaire fait s’incliner lentement le nostic, mais sur une forêt d’arbres diagnostics.
patient vers le côté atteint (signe de Romberg). Elle se rapproche donc davantage d’une enquête
policière. L’idéal est d’examiner le patient en
Connexions neurovégétatives crise. La crise est en effet une période privilégiée
Il existe des relations entre les noyaux vestibu- où l’examen vestibulaire et l’examen neurolo-
laires et les centres neurovégétatifs du tronc céré- gique apportent des éléments essentiels. Sur une
bral. Le vestibule a un rôle dans la physiologie scène de crime, le policier identifie le coupable par
du tube digestif. Il est aussi capable de prévenir son ADN. En matière de vertige, l’ADN, c’est un
nystagmus caractéristique. Mais ces nystagmus
1. Le réflexe myotatique est une contraction musculaire sont labiles et doivent être recherchés chaque fois
réflexe, produite par une traction sur ce muscle. qu’on rencontre le patient. En dehors des crises,
158 ORL thématique

la plainte de vertige n’est plus qu’un symptôme de flèches rectilignes horizontales, verticales et
déclaratif. C’est alors l’interrogatoire qui prend le obliques (respectivement nystagmus horizontal,
dessus. Comme en matière criminelle, certains cas nystagmus vertical ou oblique) ou sous forme de
ne se résolvent qu’après un long temps d’inves- flèches circulaires (nystagmus torsionnels horaire
tigations. ou antihoraire pour l’observateur).
Les nystagmus spontanés sont ceux observés,
le sujet étant en position assise, la tête immobile,
Nystagmus vestibulaires les yeux ouverts dans la lumière avec le regard
spontanés pathologiques en position primaire (droit devant soi) tandis
que l’environnement reste stable. On recherche
Le nystagmus vestibulaire est un déplacement ensuite l’effet de la fixation en la supprimant avec
rythmique des globes oculaires dit à ressort, car des lunettes éclairantes de Frenzel équipées de
il est constitué d’une secousse lente d’origine ves- verres de 20 dioptries. L’effet d’une excentration
tibulaire (cf. supra) et d’une secousse rapide d’ori- du regard vers la droite de 30° puis vers la gauche
gine centrale ramenant l’œil à son point de départ. et vers le haut est ensuite observé dans ces trois
Il est pathologique parce qu’il ne correspond pas conditions. L’idéal est de faire une vidéonys-
au mouvement de la tête. Par convention, c’est tagmoscopie dans l’obscurité en infrarouge avec
le sens de la secousse rapide qui définit le côté des lunettes dont un côté est muni d’une mini-
du nystagmus. Il est noté (fig. 9.10) sous forme caméra vidéo.
Par nystagmus vestibulaire périphérique, on
entend qu’il est provoqué au niveau du labyrinthe
ou du nerf vestibulaire. Par nystagmus vestibulaire
central, on entend qu’il est provoqué dans le
tronc cérébral ou le cervelet (tableau 9.1). Les
nystagmus ophtalmologiques sont pendulaires
(les deux phases sont égales, contrairement au
nystagmus à ressort) et s’accompagnent d’un
contexte ophtalmologique.

Tableau 9.1. Caractéristiques des nystagmus spontanés


périphérique et central.
Nystagmus spontané Nystagmus spontané central
périphérique
Inhibé par la fixation Augmenté par la fixation
Unidirectionnel Change de sens dans une direction
du regard
Horizontal rotatoire Vertical inférieur
Vertige associé Faible vertige ou sans vertige
associé

Examen clinique
L’interrogatoire fait préciser l’histoire du vertige
Figure 9.10. Sens des nystagmus. et des signes associés (acouphènes, hypoacousie,
g : horizontal gauche ; d : horizontal droit ; b : vertical nausées, vomissements, céphalées). Schématique-
inférieur ; h : vertical supérieur.
Sauvage J.-P. Vertiges : manuel de diagnostic et de réhabilitation,
ment, l’histoire du vertige peut se résumer à trois
2e édition. Elsevier Masson, 2014. situations (fig. 9.11) :
Chapitre 9. Vertiges 159

Figure 9.11. Calendrier du vertige.


1. Grande crise unique prolongée et de régression progressive en 2 à 5 semaines (névrite vestibulaire). 2. Vertige itératif
ou récurrent constitué de crises durant de quelques minutes à quelques heures, séparées par des périodes peu ou pas
symptomatiques (maladie de Menière, migraine). 3. Situation chronique : mélange d’instabilité, de vertiges positionnels et
de crises pouvant durer depuis plusieurs mois (VPPB, déficits vestibulaires progressifs, séquelles de névrite vestibulaire,
contusion labyrinthique, etc.).
Sauvage J.-P., Grenier H. Guide de rééducation vestibulaire. Elsevier Masson, 2015.

• le vertige de début brutal durant plusieurs jours Examens supplémentaires


et de régression progressive (vertige à période
unique) ; L’audiométrie est indispensable. Par exemple, la
• le vertige itératif ou récurrent, survenant par maladie de Menière se reconnaît à ses symptômes
crises de moins de 24 heures sans symptôme auditifs et non pas seulement à ses vertiges.
entre elles ; La vidéonystagmographie est un examen cli-
• les situations subaiguës ou chroniques, faites nique enregistré. C’est une méthode d’oculo-
d’un mélange d’épisodes d’instabilité et de graphie consistant à enregistrer les mouvements
vertiges positionnels brefs. de l’œil en analysant une image de l’iris en vidéo
L’examen comprend trois étapes adaptées à infrarouge. Un premier objectif est de mesurer
l’état du patient : d’abord en position assise, la phase lente des nystagmus (fig. 9.13). Un
puis en position debout (si le patient le peut) autre objectif est d’évaluer la cinétique oculaire :
pour étudier l’équilibre, enfin sur une table saccades oculaires, poursuite oculaire et réflexe
d’examen pour faire des manœuvres position- optocinétique. Chaque centre d’exploration pos-
nelles diagnostiques (sauf si risque de vomis- sède son protocole, dont les résultats ne peuvent
sements). Les nystagmus sont observés au être réellement bien interprétés que par lui.
cours de la première et de la troisième étape L’épreuve calorique a l’intérêt d’étudier chaque
(fig. 9.12). canal horizontal séparément. Elle se pratique sur
160 ORL thématique

Figure 9.12. Méthode d’observation des nystagmus.


A. Dans la lumière, avec et sans fixation oculaire, en abaissant la paupière avec l’index. B. Dans la lumière, avec
des lunettes de Frenzel auto-éclairantes comportant des lentilles de 20 dioptries pour empêcher la fixation. C. En
vidéonystagmoscopie infrarouge dans l’obscurité, avec visualisation et enregistrement sur le disque dur d’un ordinateur.
En cartouche, enregistrement facultatif de la position du patient grâce à une 2e caméra et à un diviseur d’image.
Sauvage J.-P., Grenier H. Guide de rééducation vestibulaire. Elsevier Masson, 2015.

Figure 9.13. Enregistrement des nystagmus en vidéonystagmographie.


La vitesse de la phase lente se mesure par la tangente de l’angle α, soit le rapport A/t où A est le degré d’excursion de
l’œil et t est le temps exprimé en secondes.
Sauvage J.-P. Vertiges : manuel de diagnostic et de réhabilitation, 2e édition. Elsevier Masson, 2014.

un patient assis, la tête rétrofléchie de 60° pour un vertige et un nystagmus horizontal : soit par
verticaliser le canal horizontal qui est anatomi- inhibition (épreuve froide), soit par excitation
quement basculé en arrière de 30°. On irrigue (épreuve chaude). Le réchauffement diminue
successivement les conduits auditifs externes avec la densité de l’endolymphe et crée un courant
une eau à 44° (épreuve chaude) puis avec une de convection ascendant ampullipète excitateur.
eau à 30° (épreuve froide), soit quatre épreuves Le refroidissement augmente la densité de l’endo-
(fig. 9.14). Pour ce faire, on utilise un distributeur lymphe et crée un courant de convection des-
d’eau thermorégulé. Chaque épreuve déclenche cendant ampullifuge inhibiteur.
Chapitre 9. Vertiges 161

Figure 9.14. Épreuve calorique normale.


A. On obtient quatre nystagmus horizontaux qui durent chacun environ une minute. OD chaud : nystagmus droit pour
l’épreuve chaude dans l’oreille droite (excitation) ; OD froid : nystagmus gauche pour l’épreuve froide dans l’oreille droite
(inhibition) ; OG froid : nystagmus droit pour l’épreuve froide dans l’oreille gauche (inhibition) ; OG chaud : nystagmus
gauche pour l’épreuve chaude dans l’oreille gauche (excitation). B. Le logiciel supprime les phases rapides et fait une
cumulée des phases lentes pour chaque épreuve. Ainsi sont délimitées des surfaces correspondant à la réponse des
épreuves chaude et froide pour chaque oreille. C. Les résultats à l’acmé de la réponse sont reportés sur le diagramme dit
« papillon de Freyss ». La réflectivité pour chaque oreille est le résultat de la somme en valeur absolue des vitesses de
phase lente de l’épreuve chaude et de l’épreuve froide exprimées en °/seconde. ND : nystagmus droits ; NG : nystagmus
gauches. Normalement, les ailes du papillon sont symétriques et les lignes joignant les résultats des épreuves chaudes et
froides se croisent sur le milieu de la ligne « zéro nystagmus ».
Sauvage J.-P., Grenier H. Guide de rééducation vestibulaire. Elsevier Masson, 2015.

Examens complémentaires de l’aqueduc large. En cas d’acouphènes pulsatiles


associés à une discrète pseudo-surdité de trans-
L’imagerie a transformé le diagnostic des vertiges. mission avec conservation des réflexes stapédiens,
Mais il faut toujours préciser au radiologue ce que on précisera qu’il faut des coupes dans le plan
l’on recherche. du canal semi-circulaire antérieur à la recherche
Par exemple, en cas d’association à une patho- d’une déhiscence du canal antérieur (cf. partie 2,
logie auditive de l’oreille externe ou de l’oreille fiche « Minor (syndrome de) »).
moyenne, l’attention se porte sur l’os tempo- Une étude IRM des labyrinthes en pondération
ral. C’est l’indication d’une tomodensitométrie T2 ou en pondération T1, avec injection, sera
(TDM). On recherche une lyse osseuse, une envisagée en cas de syndrome vestibulaire aigu
malformation de type Mondini ou un syndrome chez un sujet sous anticoagulant à la recherche
162 ORL thématique

d’une hémorragie intralabyrinthique ou en cas difficulté est la présence d’un niveau d’anxiété
de syndrome destructif cochléo-vestibulaire bila- si important qu’on la suspecte d’être consubs-
téral si on suspecte une connectivite du type tantielle du vertige sous le nom d’angoisse ves-
périartérite noueuse ou syndrome de Cogan. On tibulaire. En retour, le médecin peut compter
a parfois la surprise de découvrir un petit neuri- sur un effet placebo puissant (60 à 70 % dans les
nome intralabyrinthique (cf. chapitre 8). études cliniques pharmaceutiques).
L’indication d’une étude IRM en T2 de la Seront successivement envisagés le vertige posi-
fosse postérieure se pose aussi quand l’attention tionnel paroxystique bénin (VPPB), la névrite ves-
se porte sur le tronc cérébral en cas de patho- tibulaire (déficit unilatéral brusque), la maladie de
logie des nerfs crâniens : diplopie (III, IV, VI), Menière et les relations entre vertige et migraine.
troubles sensitifs de la face (V), paralysie faciale
centrale (VII), dysphagie et dysphonie (IX, X).
On recherche plus particulièrement un infarc-
Vertige positionnel
tus latéro-bulbaire. En plus de l’IRM du tronc
cérébral et du cervelet, s’il existe des facteurs de
paroxystique bénin (VPPB)
risque vasculaire, c’est l’indication d’une angio- Les VPPB sont des vertiges positionnels pro-
IRM à la recherche d’une hypoplasie ou d’une voqués par des calculs piégés dans les canaux
sténose de l’artère vertébrale (fig. 9.15). Enfin, semi-circulaires. Ces calculs ou canalolithiases
une dilatation ventriculaire peut être soupçonnée sont constitués de débris d’otolithes dégénérés
sur l’association : trouble d’équilibre, troubles plus ou moins agglomérés et gluants de densité
visuels et céphalées. supérieure à celle de l’endolymphe. Sous l’effet
de la pesanteur, ils se mobilisent dans le canal
en fonction des positions de la tête en créant
Pathologies vestibulaires des courants endolymphatiques ampullipètes ou
les plus fréquentes ampullifuges générant des nystagmus spécifiques
du canal atteint. Soulignons que l’imagerie n’est
Ce sont des entités objectivées par le bilan coch- pas encore capable de les visualiser. Mais cette
léo-vestibulaire, mais dont les causes ne sont pas hypothèse fait l’objet d’un consensus mondial
connues avec certitude. Pourtant, leur prise en du fait de l’efficacité prouvée des manœuvres
charge est efficace dans la plupart des cas. La libératrices.

Figure 9.15. Urgences neurologiques commençant par des vertiges.


A. Syndrome de Wallenberg : petit infarctus latéro-bulbaire (flèche) B. Infarctus cérébelleux ayant évolué vers un
hématome cérébelleux (gyroscan). C. Dissection de l’artère vertébrale gauche (IRM en T2 avec saturation des graisses).
L’hématome de la paroi de l’artère vertébrale est indiqué par la flèche.
Chapitre 9. Vertiges 163

Figure 9.16. Manœuvre de Dix et Hallpike modifiée (lithiase du canal postérieur droit).
C’est aussi le premier temps de la manœuvre de Sémont. A. Vue de face avec une rotation de la tête de 45° vers la
gauche. B. Vue de dessus correspondante. C. La rotation de la tête de 45° vers la gauche met le canal postérieur droit
dans le plan de bascule biscapulaire. CP : canal postérieur ; CH : canal horizontal ; CA : canal antérieur. L’étoile indique le
côté atteint.
Sauvage J.-P. Vertiges : manuel de diagnostic et de réhabilitation, 2e édition. Elsevier Masson, 2014.

Clinique point déclive de l’oreille interne où s’accumulent


Le début est souvent brutal, un matin au réveil. les débris otolithiques. Il existe aussi des formes
Le patient se plaint de vertiges brefs durant moins intéressant les canaux horizontal et antérieur,
d’une minute mais très violents, déclenchés par un voire plusieurs à la fois, surtout en cas de trauma-
mouvement, souvent toujours le même : se cou- tisme et chez les personnes âgées2.
cher le soir, se retourner dans son lit, se redresser Dans la forme du canal postérieur, le diagnostic
le matin, et dans la journée lever ou baisser la tête. repose sur la provocation d’un nystagmus typique
Un tiers des patients ont une sensation d’ébriété par une manœuvre provocatrice de Dix et Hall-
en position érigée. pike, suivie de la manœuvre thérapeutique de
Les symptômes peuvent régresser spontané- Sémont.
ment en 2 à 3 semaines. D’autres fois, ils persis- Principe de la manœuvre provocatrice
tent plusieurs mois ou récidivent sans cesse. Les (manœuvre de Dix et Hallpike modifiée)
formes idiopathiques sont les plus fréquentes
• Asseoir le patient au milieu du lit d’examen face
(90 % des cas). Dans 10 % des cas, ils sont en
à soi. Pour tester le côté droit, il faut tourner
rapport avec un trauma cranio-cervical ou avec
la tête du patient de 45° vers la gauche. Pour
une pathologie d’oreille : otite chronique, mala-
étudier le côté gauche, il faut tourner la tête du
die de Menière, suite de névrite vestibulaire. C’est
patient de 45° vers la droite. Cette rotation de
pourquoi le bilan doit comporter un examen
la tête de 45° met le canal postérieur testé dans
ORL : une otoscopie au microscope et un audio-
le plan de bascule biscapulaire (fig. 9.16). Bas-
gramme. Il existe aussi des facteurs favorisants :
culer le patient sur l’oreille testée, le nez en l’air,
alitement prolongé et hyperextension cervicale,
sans modifier la rotation de la tête (fig. 9.17A et
comme lors d’une intubation pour n’importe
B). Attendre au moins 30 secondes.
quel type de chirurgie. Leur fréquence augmente
• Le nystagmus typique apparaît après un temps
aussi avec l’âge et sur certains terrains : migraine
de latence pouvant aller jusqu’à 10 secondes.
et ostéoporose.
Il a une composante torsionnelle et verticale
supérieure. Sa dynamique est très reconnaissable :
Forme du canal postérieur
Elle est la plus fréquente (90 %) parce qu’en posi- 2. Cf. Sauvage J.-P., Grenier H. Guide de rééducation
tion érigée, l’ampoule du canal postérieur est au vestibulaire. Issy-les-Moulineaux : Elsevier Masson, 2014.
164 ORL thématique

son amplitude va crescendo puis, après une rotation de la tête. Le patient arrive sur la table
phase d’état, il diminue decrescendo jusqu’à nez en bas. Au bout de quelques secondes, le
s’arrêter spontanément sans que la position de nystagmus libératoire apparaît. Il est identique
la tête soit modifiée. En moyenne, il dure 10 à au précédent, indiquant que la lithiase canalaire
20 secondes. Au maximum, chez une personne a poursuivi son chemin dans le canal postérieur
âgée, il peut durer une minute. pour atteindre la crus commune et tomber dans
l’utricule où elle sera désagrégée et réabsorbée.
Principe de la manœuvre libératrice de Sémont Attention ! Certains auteurs l’avaient nommé
Le diagnostic est certain si la manœuvre provoca- nystagmus géotropique, pensant que sa compo-
trice a déclenché un nystagmus possédant tous les sante verticale supérieure était devenue verticale
critères décrits précédemment et s’accompagnant inférieure. Mais c’est parce que le patient a été
d’un violent vertige que le patient reconnaît. On retourné. Pour lui, le nystagmus reste bien verti­
passe alors directement à la manœuvre libéra- cal supérieur, comme le montre la vidéo 9.1
trice de Sémont (fig. 9.17C et D). Elle consiste où la caméra vidéo fixée par un bandeau s’est
à retourner le patient de 180° sans modifier la retournée avec le patient.

Figure 9.17. Manœuvre de Sémont modifiée pour une lithiase du canal semi-circulaire postérieur droit.
Dans chaque colonne, le patient (en bas) et l’oreille (en haut) sont vus sous le même angle. A. Premier temps, manœuvre
provocatrice de Dix et Hallpike modifiée : le patient est assis au bord du lit face à soi ; faire tourner la tête de 45° du
côté gauche pour mettre son canal postérieur droit parallèle au plan biscapulaire ; la lithiase est bloquée en « a » contre
la cupule de l’ampoule. B. Basculer le patient vers sa droite dans le plan biscapulaire. La tête arrive dans une position
nez en l’air ; sous l’effet de la pesanteur, la lithiase tombe de « a en b », provoquant un courant ampullifuge excitateur1 ;
observer le nystagmus caractéristique qui a été déclenché. Attendre quelques minutes pour que les particules se
rassemblent à mi-canal. C. Manœuvre libératrice : basculer l’ensemble tête et corps de 180° dans le plan biscapulaire
pour coucher le patient sur son épaule gauche en maintenant la rotation de la tête jusqu’à ce que la pommette du patient
touche le matelas, le nez étant cette fois dirigé vers le bas. Après un temps de latence de quelques secondes, la lithiase
tombe de « b en c » à l’entrée de la crus commune (cf. fig. 9.2). Elle déclenche encore un courant ampullifuge provoquant
un vertige et un nystagmus libératoires. D. Le patient est relevé doucement, le cou fléchi de 20° pour verticaliser la crus
commune. Lors du retour en position assise, la lithiase tombe dans l’utricule « c en d ». Le patient a l’impression d’être
projeté en avant et réagit par une violente rétropulsion, nécessitant de le tenir fermement.
Sauvage J.-P. Vertiges : manuel de diagnostic et de réhabilitation, 2e édition. Elsevier Masson, 2014.
1.Pour le canal postérieur, ce sont les courants ampullifuges qui sont excitateurs, contrairement au canal horizontal.
Chapitre 9. Vertiges 165

Figure 9.18. Étiologie de la névrite vestibulaire.


Le virus dormant serait localisé dans le ganglion de Scarpa (GS) où se trouve le corps cellulaire du premier neurone
afférent du vestibule.

Évolution et tactique a frigore. D’ailleurs, dans le zona auriculaire, dû à


Dans 80 à 90 % des cas, les vertiges positionnels Herpes virus varicella, on trouve une névrite ves-
disparaissent en une seule manœuvre, parfois rem- tibulaire associée à la paralysie faciale et à la sur-
placés par une sensation d’ébriété durant 24 à dité brusque, constituant le syndrome de Sicard
48 heures. Il faut revoir le patient 7 jours après ou syndrome de Ramsay-Hunt (cf. chapitre 8).
et refaire la manœuvre de Dix et Hallpike. Si elle
reste positive, on peut essayer la manœuvre d’Epley Syndrome vestibulaire harmonieux
dont le principe reste le même, sauf qu’on retourne
La maladie atteint des adultes entre 30 et 60 ans,
le patient allongé selon un axe longitudinal et
et rarement des enfants. La perte soudaine d’un
non pas transversal comme dans la manœuvre
appareil vestibulaire périphérique se traduit par un
de Sémont. On peut aussi s’être trompé. Le nys-
syndrome vestibulaire comportant quatre signes
tagmus n’était pas celui d’un canal postérieur mais
cardinaux (fig. 9.19) :
celui d’un canal horizontal ; dans ce cas, le diagnos-
• un vertige rotatoire sévère et prolongé amenant
tic et la manœuvre libératrice sont différents3.
souvent à l’hospitalisation ;
• des nausées et des vomissements inquiétants ;
Névrite vestibulaire (déficit • un déséquilibre postural majeur ;
vestibulaire unilatéral brusque) • un nystagmus horizonto-rotatoire spontané
battant vers le côté sain.
La névrite vestibulaire est l’équivalent pour le Ces signes sont liés à la perte du tonus vestibu-
nerf vestibulaire de la paralysie faciale a frigore laire de repos du côté atteint et à sa persistance du
pour le VII. C’est l’apparition brusque d’une côté sain. Assis dans son lit, les bras tendus avec les
déafférentation vestibulaire unilatérale aiguë dont index pointés en avant, le dos décollé de l’oreiller,
témoigne un syndrome vestibulaire harmonieux. les yeux fermés, le patient s’incline lentement vers le
L’origine est probablement virale (fig. 9.18). côté lésé (déviation segmentaire lente). Couché sur
Comme les sérodiagnostics ne témoignent que le dos, en l’absence de fixation oculaire, regardant
d’infections anciennes, l’hypothèse est que ce le plafond, les yeux dévient lentement de façon
sont des virus dormants comme pour la surdité conjuguée vers le côté lésé (phase lente du nys-
brusque (cf. chapitre 8) et la paralysie faciale tagmus) et la phase rapide bat du côté sain. Ces
déviations lentes vont toutes dans le même sens et
3. Cf. Sauvage J.-P. Vertiges : manuel de diagnostic et de ce syndrome est dit harmonieux. Il est typiquement
réhabilitation, 2e édition. Issy-les-Moulineaux : Elsevier d’origine périphérique (cf. supra). Il n’y a ni surdité
Masson, 2014. ni céphalées associées aux vertiges (vidéo 9.2 ).
166 ORL thématique

Figure 9.19. Syndrome vestibulaire harmonieux droit.


L’étoile indique le côté atteint (côté droit). A. Signe de Romberg vestibulaire (déviations posturales axiales). Après un
temps de latence, le sujet debout s’incline lentement vers la droite. B. Nystagmus horizonto-rotatoire battant vers le
côté gauche (côté sain). On désigne les nystagmus par leur phase rapide et pas par leur phase lente. Un syndrome
vestibulaire harmonieux se caractérise donc par un nystagmus battant en sens inverse des déviations posturales lentes.
C. Mécanisme du nystagmus horizonto-rotatoire. Tous les canaux semi-circulaires du côté droit sont détruits et il n’y a
donc plus de tonus vestibulaire que du côté gauche. Les phases rapides torsionnelles et horizontale, caractéristiques
des canaux semi-circulaires gauches, s’additionnent. Les phases verticales s’annulent, d’où la genèse d’un nystagmus
horizonto-rotatoire battant vers le côté sain typiquement périphérique. CHD : canal horizontal droit ; CPD : canal
postérieur droit ; CAD : canal antérieur droit ; CHG : canal horizontal gauche ; CPG : canal postérieur gauche ;
CAG : canal antérieur gauche.

Épreuves caloriques fig. 9.11A). Au début, les patients se sentent très


Un tel tableau clinique suffit au diagnostic. Tou- mal, s’alitent et n’osent plus bouger. Ils évitent
tefois, le bilan vestibulaire nécessite la pratique les mouvements de tête qui exagèrent les symp-
d’une vidéonystagmographie pour documenter tômes. Puis tout régresse progressivement en 1 à
les arguments en faveur du diagnostic. En parti- 6 semaines en fonction de l’âge. Au début, le nys-
culier, l’épreuve calorique montre une aréflexie du tagmus est visible dans la lumière. Puis il n’est plus
côté atteint et une prépondérance directionnelle visible que dans l’obscurité en infrarouge. Enfin,
vers le côté sain représentant le nystagmus spon- après plusieurs semaines, il ne peut être révélé que
tané (fig. 9.20). par le secouage de la tête (head shaking nystagmus).
Cette régression résulte soit d’une récupéra-
tion de la fonction vestibulaire périphérique, soit
Évolution
d’une compensation centrale. La récupération
Le schéma évolutif est celui d’une grande crise est attestée par le retour d’épreuves caloriques
de début brutal et de régression progressive (cf. normales au 3e mois.
Chapitre 9. Vertiges 167

Figure 9.20. Épreuve calorique d’une névrite vestibulaire droite au 2e jour.


L’examen du papillon de Freyss montre que tous les nystagmus battent vers la gauche. La cumulée du côté droit montre
un déficit de 100 % avec une surface de réflectivité réduite à deux lignes superposées. Du côté gauche, la surface de
réflectivité est conservée mais décalée vers la gauche, car les épreuves chaude et froide sont incapables d’inverser le
nystagmus spontané (prépondérance directionnelle gauche de 17,3° par seconde).

En cas de non-récupération, les symptômes tronc cérébral. Le résultat est insuffisant dans les
disparaissent grâce à la compensation centrale. La mouvements rapides de la tête, d’où la persistance
qualité de la compensation centrale dépend de d’oscillopsies.
la capacité des centres à utiliser les informations
de l’appareil vestibulaire controlatéral resté sain
Rééducation vestibulaire
(adaptation) et les informations visuelles et pro-
prioceptives (substitution). Le traitement en urgence repose sur les cor-
Mais le réflexe vestibulo-oculaire du côté lésé ticoïdes, les antiémétiques (odansétron) et les
reste définitivement déficitaire. Le head impulse antivertigineux (isoleucine).
test (HIT) (fig. 9.21) montre que, pour rem- Jadis, on laissait le patient alité dans l’obscurité
placer l’appareil vestibulaire, la stabilisation de et gavé de sédatifs. Il persistait alors d’importantes
l’œil utilise le système saccadique généré par le séquelles du fait d’une mauvaise compensation
168 ORL thématique

Figure 9.21. Test impulsionnel céphalique ou test d’Halmagyi ou HIT (head impulse test). On demande au patient de fixer
une cible droit devant lui. Puis on écarte sa tête de 15 à 20° tandis qu’il continue de fixer la cible. On ramène alors sa tête
en position médiane par une impulsion haute vitesse (3 à 400°/sec). A. L’œil se recentre harmonieusement chez le sujet
normal. B. S’il existe un déficit du réflexe vestibulo-oculaire du côté vers lequel on tourne la tête (*), l’œil ne se recentre
pas, mais revient en position médiane grâce à plusieurs saccades en sens inverse du mouvement.
Sauvage J.-P. Vertiges : manuel de diagnostic et de réhabilitation, 2e édition. Elsevier Masson, 2014.

centrale. Il a été démontré, chez l’animal, qu’après crises sont répétées, invalidantes avec vomis-
une neurotomie vestibulaire, le sujet compensait sements et instabilité majeure. Elles durent de
beaucoup plus vite si on le laissait libre de ses un quart d’heure à 24 heures, mais sont souvent
mouvements par rapport à un sujet entravé dans suivies d’une période de malaise pouvant durer
l’obscurité. plusieurs jours. Entre deux crises, le sujet est
Dès le début de la névrite, le kinésithérapeute normal (cf. fig. 9.11B).
rencontre le patient pour le convaincre de ne pas
rester alité, mais de se lever, de bouger et d’arrêter Diagnostic
les traitements sédatifs antivertigineux dès que Il repose sur la présence de signes auditifs asso-
possible (sauf les antiémétiques). Puis il le prend ciés. La crise comporte une triade : acouphène,
en charge pour une rééducation vestibulaire par surdité et vertige. Elle débute par une sensation
adaptation-substitution, basée sur des exercices de plénitude dans une oreille avec un acou-
de coordination œil-tête, de maintien postural et phène de tonalité grave. En quelques minutes,
des exercices giratoires. Ainsi, sous la guidance l’hypoacousie devient majeure. Soudainement, se
du kinésithérapeute, sont créés de nouveaux déclenche le vertige rotatoire avec son cortège de
processus fonctionnels par la pratique d’exer- signes associés. Au début de l’évolution, l’audi-
cices vestibulaires actifs dans un environnement tion revient à la normale entre les crises ou fluctue
visuel normal. C’est un apprentissage positif qui d’un jour à l’autre (fig. 9.22). Après quelques
requiert la participation motivée du patient. Non années, la surdité persiste définitivement, prédo-
seulement la compensation centrale se fait plus minant toujours sur les fréquences graves.
vite, mais il y a moins de séquelles.
Physiopathologie

Maladie de Menière Le processus pathologique de la maladie de


Menière est typiquement périphérique. Le nerf
C’est une maladie chronique de cause inconnue, vestibulaire et les centres sont intacts. C’est
pouvant atteindre les femmes comme les hommes une augmentation de pression de l’endolymphe
et les sujets jeunes comme les sujets âgés. Les dans toute l’oreille interne, commençant dans le
Chapitre 9. Vertiges 169

labyrinthe antérieur (signes auditifs) puis gagnant


le labyrinthe postérieur (vertiges). Cette aug-
mentation de pression entraîne une dilatation du
labyrinthe membraneux, appelée hydrops endo-
lymphatique. La cause de l’hydrops réside dans un
blocage des voies endolymphatiques, perturbant
l’évacuation de l’endolymphe vers le sac endolym-
phatique.

Évolution
Une maladie de Menière évolue spontanément
en cinq à dix ans. Au début, les crises typiques se
succèdent à un rythme variable d’un individu à
l’autre. Au stade de Menière dit vieilli, les crises
disparaissent pour laisser la place à des périodes
d’instabilité avec chutes brutales de Tumarkin.
En fin d’évolution, l’audition descend jusqu’à une
moyenne de 60 dB et ne régresse plus.

Traitement
Le traitement symptomatique des crises repose
sur les antiémétiques, les anticholinergiques
comme la méclozine (Agyrax®), et d’autres trai-
tements d’action inconnue comme l’acétylleucine
(Tanganil®).
Au plan étiopathogénique, on utilise les diuré-
tiques comme l’acétazolamide (Diamox®) et une
restriction hydrosodée pour diminuer la pression
dans l’oreille interne. La flunarizine (Sibélium®)
est utile, car il existe souvent un contexte migrai-
neux. La bétahistine (Serc®) agit sur les récepteurs
histaminergiques H3.
Le handicap des patients atteints de la maladie
de Menière est très important et souvent sous-
estimé. Ce n’est pas tant la durée totale des crises
par an qui est handicapante que la peur d’avoir
une crise. Les patients n’osent plus sortir ni partir
en voyage. Au travail, l’employeur ne comprend
pas cet employé que l’on doit renvoyer réguliè-
rement chez lui titubant et vomissant. Ainsi, le
patient déclenche une anxiété maladive et réduit
Figure 9.22. Maladie de Menière : audiogrammes.
Patiente ayant présenté, au cours de l’automne, trois son activité, même en l’absence du symptôme
crises de vertige rotatoire ayant duré chacune 45 minutes. de vertige. C’est la raison pour laquelle, chez
L’audiogramme montre une surdité fluctuante unilatérale un patient jeune, chargé de famille et en pleine
sur les fréquences graves (250 à 1 000 Hz) et un respect
carrière professionnelle, nous proposons une
relatif des fréquences aiguës de 2 000 à 8 000 Hz. En
ordonnées, les pertes auditives atteignent en moyenne de neurotomie vestibulaire. Les crises cessent immé-
30 à 70 décibels selon les fréquences. diatement avec une dernière crise d’instabilité,
170 ORL thématique

régressant en quelques jours avec la rééducation migraineuses, parfois au rythme des menstruations.
vestibulaire. Chez ces femmes, la ménopause fait disparaître les
Cette intervention doit se faire avec toutes crises de migraine qui sont remplacées ensuite par
les précautions de la neurochirurgie. Elle ne des crises de vertiges (vertiges de Slater).
nécessite qu’une mini-ouverture rétro-auriculaire Dans la migraine, le patient ne fait pas la corré-
permettant d’atteindre directement le pédicule lation des vertiges avec les céphalées, car il a appris
acoustico-facial. Il faut séparer le nerf auditif du à vivre avec et ne pense pas à en parler. D’ailleurs,
nerf de l’équilibre et sectionner ce dernier. seulement une minorité de patients ont des accès
Une destruction vestibulaire du côté atteint de céphalée migraineuse à chaque crise de vertige.
peut aussi être réalisée en pratiquant des injec- Les autres ont tantôt l’un, tantôt l’autre, parfois
tions transtympaniques de gentamicine (labyrin- les deux ensemble et parfois jamais les deux
thectomie chimique). L’antibiotique diffuse dans ensemble. On découvre aussi des périodes d’insta-
l’oreille interne par la fenêtre ronde et détruit les bilité et de nausées déclenchées par le stress et le
cellules sensorielles ciliées vestibulaires. Nous la manque de sommeil (préparation des concours ou
proposons chez les sujets âgés. Les résultats sur les manifestations sportives).
vertiges sont moins bons que ceux de la neuroto- Les arguments sont que pendant les états verti-
mie vestibulaire, car le risque d’atteinte auditive gineux, le patient ne supporte ni la lumière, ni les
oblige à faire le moins d’injections possible. bruits forts, ni le mouvement. L’idéal est d’exami-
ner le patient en crise. On découvre alors un nys-
Migraine et vertiges tagmus horizontal de position d’origine centrale
(fig. 9.23). L’examen neurologique est normal.
La relation entre migraine et vertiges est souvent Certains auteurs demandent qu’une IRM élimine
contestée du fait de la grande fréquence de ces une pathologie de la fosse postérieure. Dès lors,
deux symptômes dans la population et de pos- on peut faire un test thérapeutique : essayer un
sibles coïncidences. Aussi faut-il être très prudent traitement de fond de la migraine (ex. : flunari-
et construire lentement le diagnostic. De nom- zine ½ comprimé le soir pendant un maximum de
breux auteurs affirment que c’est la deuxième 2 mois en respectant les contre-indications). En
cause de vertige après les VPPB. cas de bon résultat, la patiente gérera elle-même
Le polymorphisme du vertige migraineux est ses périodes de traitement.
très grand. Dans la moitié des cas, ce sont des crises
rotatoires isolées sans symptômes auditifs ou avec Catalogue du vertige
des acouphènes bilatéraux. Certaines crises sont
très brèves et très violentes. Parfois, elles ressem- Le VPPB, la névrite vestibulaire, la maladie de
blent à une névrite vestibulaire, mais sans le syn- Menière et le vertige migraineux sont des entités
drome vestibulaire harmonieux. Souvent, c’est un
véritable état de mal vestibulaire avec des vertiges
positionnels et une intolérance au mouvement
persistant pendant des semaines. Le patient dit
qu’il se croit en bateau. D’ailleurs, il est souvent
sujet au mal des transports. Des troubles visuels
sont fréquents : flou visuel, syndrome de désorien-
tation de l’automobiliste. La survenue d’authen-
tiques VPPB serait plus fréquente sur ce terrain.
La suspicion repose sur la découverte d’un ter- Figure 9.23. Nystagmus de position central (Nylen).
rain migraineux souvent familial apparaissant très Aucun nystagmus spontané en position primaire, mais
nystagmus horizontal antigéotropique lorsque le patient
tôt au cours de la vie, y compris chez l’enfant se couche sur une oreille puis sur l’autre. Faible vertige
(vertige paroxystique bénin de l’enfant). C’est une associé. Il dure tant que la position est maintenue. C’est
cause fréquente de vertiges chez les femmes jeunes, un nystagmus en négatif de celui du VPPB.
Chapitre 9. Vertiges 171

recouvrant 70 % des situations habituellement • Vertige avec déséquilibre si important que le


rencontrées. Mais leurs mécanismes restent mal patient ne peut même pas tenir assis (ataxie
élucidés. En revanche, les causes identifiables truncale) : infarctus cérébelleux.
par l’examen clinique suivi d’imagerie sont nom- • Vertige avec dysphagie, signe de Claude Ber-
breuses et variées. Leurs indices doivent être nard-Horner chez un sujet avec facteurs de
connus. risque vasculaire : petit infarctus latéro-bul-
baire.
Facteurs déclenchants • Vertige avec algies cervicales chez un sujet jeune
• Impression que la scène visuelle oscille quand le qui a repeint son plafond tout le week-end, ou
patient bouge la tête (oscillopsies) et troubles traumatisme cervical, ou après manipulations :
de l’équilibre dans l’obscurité : vestibulopathie dissection de l’artère vertébrale.
bilatérale. Causes : pathologies cérébelleuses,
ototoxiques (aminosides), presbyvestibulie. Examen clinique
• Vertige en toussant, nystagmus vertical infé- • Otoscopie anormale et signe de la fistule avec
rieur spontané ou positionnel : malformation nystagmus provoqué battant du côté atteint :
cervicale d’Arnold-Chiari. fistule cholestéatomateuse du canal semi-
• Après un traumatisme auriculaire, vertiges circulaire horizontal (cf. partie 2, fiche « Fis-
déclenchés par les bruits forts (phénomène de tule (signe de la) »).
Tullio), en se mouchant, en éternuant, avec • Nystagmus horizontal droit dans le regard laté-
surdité fluctuante : fistule périlymphatique ral droit de 30°, nystagmus horizontal gauche
en rapport avec une fracture de la platine de dans le regard latéral gauche de 30°, pas de nys-
l’étrier. tagmus dans le regard médian gaze nystagmus
• Sensations vertigineuses ou malaises prolongés évoquant une pathologie du tronc cérébral.
survenant le matin, toujours à la même heure, • Nystagmus horizontal géotropique (battant
chez un sujet âgé : prises de plusieurs médi- vers le bas), uniquement en décubitus latéral,
caments hypotenseurs ou bradycardisants au durant 1 à 2 minutes, associé à un violent
petit-déjeuner, accès d’hypoglycémie chez un vertige : VPPB du canal horizontal.
diabétique. • Nystagmus horizontal antigéotropique (battant
vers le haut), uniquement en décubitus latéral,
Antécédents durant tant que dure la position sans vertige
• Névrite vestibulaire ancienne : décompensa- associé : nystagmus de position centrale de
tion ou récidive (virus dormant). Nylen, risque de tumeur de la fosse postérieure.
• Iatrogénie : traitements par carbamazépine, • Nystagmus sur un seuil œil dans le regard
par alphabloquants pour hypertrophie prosta- latéral : nystagmus ataxique de Harris dans
tique, par antiparkinsoniens. l’ophtalmoplégie internucléaire de la sclérose
• Cancers du sein, de la prostate, du rein : métas- en plaques.
tase de la fosse postérieure, méningite carci-
nomateuse. Surdité associée
• Syndrome vestibulaire harmonieux, surdité de
Symptômes associés transmission, otodynie unilatérale avec pous-
• Conjonctivites, polyarthrite, pathologie rénale sée d’otorrhée purulente chez un patient aux
ou salivaire, surdité fluctuante bilatérale : mala- antécédents d’otite chronique : labyrinthite
dies auto-immunes. bactérienne.
• Diplopie horizontale, dysarthrie, maladresse • Syndrome vestibulaire harmonieux avec surdité
dans l’écriture, parésies, paresthésies, troubles de perception ipsilatérale sévère concomitante :
de la conscience : lésion de la fosse pos- labyrinthite ou multinévrite virale (zona auri-
térieure, migraine basilaire. culaire), thrombose de l’artère labyrinthique
172 ORL thématique

dans le cadre d’une thrombose de l’artère céré- Vidéo e9.2. Nystagmus horizonto-rotatoire périphérique
belleuse antéro-inférieure, hémorragie intra- (destruction chirurgicale du vestibule droit).
Voici un cas analogue à celui d’une névrite vestibulaire
labyrinthique chez un patient au traitement droite. La patiente est allongée dans son lit et ne bouge
anticoagulant mal contrôlé. pas. Un masque comportant une caméra vidéo en
• Surdité progressive unilatérale rétrocochléaire infrarouge sur l’œil gauche enregistre son mouvement
aux PEA avec aréflexie vestibulaire ipsilatérale : dans l’obscurité. Il existe un nystagmus horizonto-rotatoire
typiquement périphérique par destruction chirurgicale de
neurinome de l’acoustique (cf. chapitre 8). l’oreille droite. Le nystagmus spontané a une composante
• Cophose ancienne avec crises de violents ver- horizontale rapide qui bat à gauche et une composante
tiges ressemblant à celle de la maladie de lente qui bat à droite. Dans le regard gauche, le
Menière : hydrops endolymphatique retardé nystagmus accélère. Dans le regard droit, le nystagmus se
bloque et on voit bien sa composante torsionnelle horaire.
(cf. partie 2, fiche « Delayed vertigo ou hydrops Après avoir retiré le cache sur l’œil droit et fait fixer le
endolymphatique retardé »). doigt, le nystagmus s’arrête presque complètement.

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tructions.

Vidéo e9.1. VPPB du canal semi-circulaire postérieur


gauche.
Manœuvre provocatrice pour un VPPB gauche, suivie d’une
manœuvre de Sémont. En position assise au bord du lit, on
commence par faire tourner la tête de la patiente de 45° vers
sa droite. Puis on la couche sur son épaule gauche, tête
pendante au bord de la table, toujours tournée de 45° vers
sa droite et arrivant nez en l’air. Après quelques secondes,
apparaît un vertige accompagné d’un violent nystagmus
vertical supérieur et horaire crescendo-decrescendo ne
durant que 15 secondes et puis qui s’arrête. C’est un
VPPB typique du canal postérieur gauche. On réalise la
manœuvre de Sémont consistant à retourner la patiente
de 180°, tête toujours tournée dans la même position
et arrivant dans le matelas, nez en bas. Après quelques
secondes, le nystagmus recommence. On observe que c’est
le même nystagmus que celui provoqué par la manœuvre
provocatrice. Sa composante verticale reste verticale
supérieure, car la caméra vidéo fixée sur la face par un
bandeau s’est retournée en même temps que le patient.
Ceci témoigne de ce que la canalolithiase a continué son
chemin et est sortie du canal semi-circulaire postérieur.
Chapitre 10
Rhinites, sinusites et rhinosinusites
Points forts disparates. Il convient donc d’envisager succes-
j Une douleur faciale unilatérale quotidienne à horaire sivement les modalités de l’examen du patient,
fixe, s’accompagnant de congestion ou d’obstruction la stratégie diagnostique, les entités cliniques et,
nasale ipsilatérale, évoque une sinusite aiguë. seulement à la fin, les causes de la maladie inflam-
j Le diagnostic différentiel principal des
matoire pour aborder la thérapeutique.
sinusites aiguës est l’algie vasculaire de la
face (cf. partie 2, fiche « Algie faciale »).
j Les sinusites maxillaire, frontale et ethmoïdale
antérieure se caractérisent par la présence
Examen du patient
de pus dans le méat moyen ipsilatéral.
j La radiologie n’est pas nécessaire au Il repose sur l’interrogatoire, l’endoscopie nasale
diagnostic de sinusite aiguë, mais le et la TDM.
devient si les signes ne régressent pas
sous traitement en moins d’une semaine.
j Chez un petit enfant, la présence d’un œdème Interrogatoire et inspection
à l’angle interne de l’œil, s’étendant à la
paupière supérieure dans un contexte fébrile,
Les symptômes déclarés sont l’obstruction nasale,
est synonyme d’ethmoïdite aiguë extériorisée. la rhinorrhée antérieure et/ou postérieure (rétro-
j Une sinusite devient chronique vélaire), les algies et l’hyposmie. On peut ajouter
après 12 semaines d’évolution. la toux chez l’enfant. Chacune de ces plaintes
j Le diagnostic des sinusites chroniques repose peut être qualifiée sur une échelle visuelle analo-
sur l’interrogatoire, l’endoscopie nasale gique de 1 à 10 en : légère (0-3), modérée (3-7)
à l’optique et la tomodensitométrie (TDM). et sévère (7-10).
j Les rhinosinusites chroniques forment un ensemble Avant de pratiquer la rhinoscopie (cf. fig. 1.12),
de pathologies caractérisées par un infiltrat
l’inspection de la base du nez nécessite de faire
inflammatoire polymorphe auto-entretenu.
j La polypose nasosinusienne ne constitue que le
basculer la tête du patient en arrière, car les ori-
stade le plus sévère des rhinosinusites chroniques. fices narinaires sont dans un plan horizontal. Les
j La maladie de Widal est une maladie anomalies les plus communes sont : une déviation
métabolique associant polypose nasosinusienne, de la cloison antérieure, une aspiration des carti-
asthme et intolérance à l’aspirine. lages alaires et triangulaires à chaque inspiration
j Les formes unilatérales de rhinosinusite chronique (pathologie de la valve nasale), un nez tendu sur
relèvent plutôt du versant chirurgical du traitement la cloison avec narines étroites et ovalaires.
(chirurgie endoscopique des sinus), tandis que les
formes bilatérales relèvent plutôt du versant médical.
Endoscopie nasale
L’inflammation et l’infection des cavités aériennes
supérieures de la face cumulent les difficultés de Elle se fait à l’optique 0° après mise en place de
la pneumologie et celles de l’ORL, du fait d’un cotonnettes imbibées de xylocaïne et de vasocons-
confinement dans des structures anatomiques tricteur (naphtazoline) pour anesthésier et rétrac-
complexes. Les progrès de l’endoscopie nasosi- ter les cornets. On explore ainsi les méats moyen
nusienne, de l’imagerie et la mise en évidence de et inférieur, le cavum avec son bourrelet tubaire et
marqueurs de l’inflammation nasale permettent la fente olfactive en remontant le long du cornet
de regrouper des pathologies qui paraissaient moyen (fig. 10.1). Avec une spatule fine, il faut
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174 ORL thématique

Figure 10.1. Vues endoscopiques de la fosse nasale droite.


A. Vestibule nasal. 1 : cornet inférieur ; 2 : septum nasal ; 3 : plancher de la cavité nasale. B. Valve septo-turbinale.
1 : cornet inférieur ; 2 : cornet moyen ; 3 : septum nasal. C. Partie antérieure du plancher de la fosse nasale. 1 : corps
du cornet inférieur ; 2 : plancher de la cavité nasale ; 3 : septum nasal. D. Partie postérieure du plancher de la fosse
nasale. 1 : cornet moyen ; 2 : cornet inférieur ; 3 : septum nasal ; 4 : orifice choanal. E. Crête septale. 1 : cornet moyen ;
2 : articulation chondro-vomérienne. F. Cornet inférieur. 1 : sa tête ; 2 : septum nasal.
Jean-Michel Klossek, Catherine Desmons, Elie Serrano, et al. Anatomie des cavités nasosinusiennes. EMC, Paris (Elsevier Masson), ORL, 1997 :
1-0 [Article 20-265-A-10].
Chapitre 10. Rhinites, sinusites et rhinosinusites 175

palper les petits polypes dissimulés sous l’auvent


du cornet moyen, pour provoquer l’issue de
sécrétions purulentes qu’on pourra prélever pour
étude bactériologique.

Tomodensitométrie des sinus


En routine, la TDM est un examen préférable
à l’IRM pour montrer les limites osseuses des
lésions. En revanche pour les tissus méningo-
encéphaliques, l’IRM est plus adaptée. Par
exemple, en cas de rhinorrhée cérébro-spinale
post-traumatique ou spontanée, l’IRM montrera Figure 10.2. Masse latérale de l’ethmoïde gauche
la déhiscence au niveau de la lame criblée. La après ablation du cornet moyen.
1 : cellule méatique et cellule uncinée ; 2 : cellule bullaire ;
TDM donne aussi des renseignements topogra- 3 : racine cloisonnante du cornet moyen ; 4 : cellules
phiques, par exemple en montrant l’image en ethmoïdales postérieures ; 5 : ostium du sinus maxillaire ;
bissac d’un polype antro-choanal ou un papillome 6 : sphénoïde et son ostium ; CI : cornet inférieur ; GUB :
inversé centré sur la cloison entre la fosse nasale gouttière uncibullaire ; NF : canal nasofrontal (flèche) se
prolongeant par la gouttière uncibullaire.
et le sinus maxillaire. En revanche, l’avantage de
l’IRM est de faire la distinction entre une tumeur
et des sécrétions bloquées dans un sinus par la
toute la largeur de la masse latérale. Elle est située
tumeur.
en arrière des précédentes et séparée d’elles par la
gouttière uncibullaire. C’est dans cette gouttière
Repères morphologiques
arciforme que se drainent tous les sinus du groupe
Les cavités sinusiennes (cf. fig. 1.13) doivent être antérieur. Le sinus frontal se draine par le canal
considérées du point de vue de leur drainage. nasofrontal prolongeant la gouttière en haut. Le
Un premier ensemble, dit antérieur, regroupe sinus maxillaire se draine par un ostium situé tout
le sinus frontal, le sinus maxillaire et les cellules à l’arrière.
ethmoïdales antérieures. Il se draine dans la
fosse nasale sous le cornet moyen par le méat Coupes coronales et axiales normales
moyen. Les cellules ethmoïdales postérieures se
Sur une coupe coronale, les repères morpho-
drainent sous le cornet supérieur dans le méat
logiques sont le cornet moyen, le méat moyen
supérieur. Le sinus sphénoïdal se draine directe-
et l’ostium du sinus maxillaire (fig. 10.3). La
ment dans la partie postérieure et supérieure de
lame criblée de l’ethmoïde est à un niveau
la fosse nasale.
inférieur de celui du toit de l’ethmoïde. Sur une
La masse latérale de l’ethmoïde est au centre
coupe axiale, il est possible d’évaluer la qualité
des cavités sinusiennes. Son atteinte retentit sur
de la lame papyracée qui représente la paroi
tous les sinus du groupe antérieur. Elle est divisée
interne de l’orbite séparant l’œil des cellules
par des lames osseuses frontales ou obliques
ethmoïdales.
(fig. 10.2). La plus importante est appelée racine
cloisonnante du cornet moyen. C’est elle qui
divise l’ethmoïde en une partie antérieure et Stratégie diagnostique
une partie postérieure. La partie antérieure est
composée de de trois cellules : en avant, deux sont L’interrogatoire, l’endoscopie et la TDM per-
côte à côte, la cellule méatique et la cellule unci- mettent le diagnostic dans 90 % des cas. Trois
née ; la troisième est la cellule bullaire occupant situations se présentent.
176 ORL thématique

Figure 10.3. Radio-anatomie TDM des cavités nasosinusiennes.


A. Reconstruction frontale pour les sinus frontaux. B. Reconstruction frontale pour les méats moyens. C. Reconstruction
frontale pour les méats supérieurs. D. Reconstruction sagittale par le toit ethmoïdo-frontal. E. Reconstruction axiale
par les méats moyens. F. Reconstruction axiale par les masses ethmoïdales latérales. 1 : sinus maxillaire ; 2 : canal
lacrymo-nasal ; 3 : cellule unciformienne ; 4 : sinus frontal ; 5 : cellule méatique ; 6 : tête du cornet moyen ; 7 : foramen
infra-orbitaire ; 8 : cornet inférieur ; 9 : méat inférieur ; 10 : méat moyen ; 11 : racine d’attache du cornet moyen ;
12 : bulle ; 13 : fente olfactive ; 14 : toit ethmoïdo-frontal ; 15 : lame criblée ; 16 : canal infundibulaire ; 17 : ostium
maxillaire ; 18 : processus unciformien ; 19 : cellule ethmoïdale postérieure ; 20 : cornet supérieur ; 21 : méat supérieur ;
22 : ostium sphénoïdal ; 23 : sinus sphénoïdal ; 24 : racine cloisonnante du méat moyen ; 25 : racine de la bulle ;
26 : canal nasofrontal ; 27 : racine de l’unciforme.
Ferrie J.-C, Fontanel J.-P, Delagranda A., et al. Imagerie radiologique des cavités sinusiennes et nasales. EMC, Paris (Elsevier Masson),
ORL, 2007 [Article 20-422-A-10].

C’est une atteinte purement


cours de laquelle l’appareil mesure le peak nasal
symptomatique
inspiratory flow (débit inspiratoire de pointe).
Des questionnaires spécifiques existent : SNOT- Les valeurs normales sont de 100 à 120 L/min.
20, SNOT-16e et RhinolQol. Le questionnaire Une réduction en dessous de 50 L est très
NOSE est centré sur l’obstruction nasale. On peut pathologique.
essayer de la quantifier sur une échelle visuelle • Rhinomanométrie antérieure active : cette fois,
analogique. Le miroir de Glatzel n’évalue que l’appareil mesure les débits et les pressions d’air
l’expiration. Plusieurs techniques existent pour pour en déduire la résistance à l’expiration et
essayer de la mesurer objectivement, car pour le à l’inspiration. On trace alors l’équivalent du
patient, il est difficile de distinguer congestion papillon de Freyss (cf. chapitre 9). Plus le papillon
nasale et obstruction nasale. s’aplatit, plus l’obstruction est importante.
• PNIF : après avoir fait pratiquer une grande • Rhinométrie acoustique : une onde acoustique
expiration vidant les poumons, on demande est envoyée dans la fosse nasale et l’enregis-
au patient d’effectuer une grande inspiration au trement de sa réflexion produit trois ondes
Chapitre 10. Rhinites, sinusites et rhinosinusites 177

successives correspondant à la valve nasale anté- microbiens. Le rôle du battement ciliaire des
rieure, à la tête du cornet inférieur et enfin cellules ciliées est de balayer ce mucus vers le pha-
à la choane. On en déduit des surfaces (0,5 à rynx. Une cytologie nasale par brossage permet
1,5 cm2). Cette fois, c’est une évaluation volu- d’étudier les populations cellulaires. La clairance
métrique des fosses nasales. mucociliaire peut être mesurée en déposant un
Malheureusement, il n’y a pas de consensus peu de saccharine au dos du cornet inférieur afin
concernant la corrélation entre les mesures et de voir en combien de temps le patient ressent
la symptomatologie. Leur reproductibilité est la saveur sucrée (10-15 minutes). La mesure
contestée, car il y a de grandes variations en de la fréquence du battement ciliaire nécessite
fonction de la température, de l’hygrométrie et des techniques sophistiquées (stroboscopie ou
de l’état de nervosité du patient. C’est pourquoi micro-cinéma).
certaines mesures sont effectuées après pulvérisa- Dans les rhinites et les rhinosinusites chro-
tion nasale de vasoconstricteurs (oxymétazoline). niques, il y a une diminution du nombre de
cellules ciliées et une augmentation du nombre
C’est une atteinte unilatérale de cellules à mucus. Avec un rapport inversé entre
cellules ciliées et cellules à mucus, le mucus trop
La perspective de gestes chirurgicaux augmente.
abondant est bloqué et favorise l’infection (rhi-
L’exploration morphologique dentaire doit être
norrhée postérieure). D’autre part, il apparaît des
complétée par un panoramique et une TDM
cellules immunitaires, en particulier des cellules
de l’arcade maxillaire supérieure. On recherche
éosinophiles en grand nombre. Ainsi naît une
ainsi des corps étrangers et des lyses osseuses au
maladie inflammatoire chronique auto-entretenue
contact d’implants dentaires. Le cone beam CT a
(cf. infra).
l’intérêt de bien voir les granulomes interapicaux
Les dyskinésies mucociliaires peuvent être
pour une faible irradiation.
primitives (syndrome de Kartagener) ou secon-
Une IRM complétant la TDM est demandée
daires après radiothérapie ou chimiothérapie pour
pour distinguer entre inflammation, rétention,
cancer.
tumeur et nécrose.
L’allergie nasale ne peut se déduire qu’indirec-
La bactériologie doit être interprétée avec pru-
tement des tests cutanés qui ne témoignent que
dence en sachant que la flore commensale est
d’une allergie cutanée. Seul le test de provocation
à base de Staphylococcus epidermitis et que le
nasal donne la certitude. L’antigène peut être
portage sain de Staphylococcus aureus est de 30 %
administré en aérosol ou en pulvérisation (pneu-
(cf. infra).
mallergènes, substances pharmacologiques). La
Si une anatomopathologie est nécessaire, le
réponse peut être mesurée sur une échelle d’éva-
fragment peut être mis dans le formol pour
luation visuelle ou par rhinomanométrie.
une microscopie et une immunohistochimie. En
La mesure de l’oxyde d’azote (NO) dans l’air
revanche, le prélèvement doit rester à l’état frais
broncho-pulmonaire expiré se fait couramment
pour une recherche de lymphome ou de sarcome.
en pneumologie. Il existe en effet une relation
La microscopie électronique et la cytogénétique
entre cette concentration et le battement ciliaire,
nécessitent des milieux spéciaux et la biologie
au point que c’est un marqueur de l’inflamma-
moléculaire nécessite une congélation.
tion. En ORL, la concentration augmente dans
la rhinite allergique, probablement du fait de
C’est une atteinte bilatérale cytokines en taux élevés. Au contraire, dans la
On est sur le versant médical de la pathologie, polypose nasosinusienne, la concentration dimi-
nécessitant un bilan complémentaire. nue parce que les espaces aériens sont bloqués.
Normalement, l’épithélium respiratoire nasal Dans les dyskinésies ciliaires et la mucoviscidose,
doit comporter des cellules ciliées et des cellules les concentrations en NO sont effondrées.
à mucus dans un rapport de 5 à 3. Le rôle du L’étude histologique des lésions peut aussi
mucus est de capter les allergènes et les agents amener à découvrir une vascularite (cf. infra).
178 ORL thématique

Rhinites contamination lors de l’accouchement. Chez


l’enfant de moins de 6 mois, à respiration nasale
exclusive, une rhinite banale se manifeste bruyam-
Rhinite aiguë (rhume banal) ment. Une détresse respiratoire peut imposer
Chez l’adulte, c’est une inflammation aiguë de une hospitalisation. Chez un enfant plus âgé, la
la muqueuse des fosses nasales et du rhino- rhinopharyngite s’accompagne d’une congestion
pharynx d’origine virale (rhinovirus, influenzae, des tympans à surveiller.
coronavirus, etc.). Malgré sa bénignité, elle pose
un problème de santé publique par sa fréquence
et son coût (absentéisme, consultations médi- Rhinite chronique
cales et prescriptions plus ou moins justifiées).
Les symptômes seraient en rapport avec une Ce sont des rhinites sans rapport avec une dévia-
décharge de cytokines pro-inflammatoires et avec tion de la cloison et persistant au moins trois mois
une inflammation d’origine neurogène. dans l’année.
La rhinite aiguë commence par des frissons
avec asthénie et courbatures. Le patient ressent Rhinite allergique
une sécheresse du rhinopharynx avec sensation Elle correspond aux manifestations fonctionnelles
de cuisson. L’obstruction nasale s’installe avec engendrées par une inflammation IgE-dépen-
des éternuements, de la rhinorrhée et un lar- dante en réponse à l’exposition à un ou plusieurs
moiement. À l’examen, il existe une rougeur allergènes.
et un œdème de la tête des cornets inférieurs. La réaction immédiate est histaminogène. Elle
L’exsudat inflammatoire est d’abord clair, puis est dominée par le prurit nasal, les éternuements
les sécrétions s’épaississent, deviennent verdâtres et une rhinorrhée claire. Il y a souvent des
et striées de sang lors du mouchage. Le vestibule symptômes oculaires ou asthmatiques associés.
narinaire se surinfecte (fig. 10.4). Les symptômes Les allergènes les plus souvent impliqués sont
régressent en cinq jours. La prise en charge repose les pneumallergènes. Certains sont présents dans
sur le paracétamol, l’augmentation de la chaleur l’environnement domestique (acariens, animaux,
ambiante et sur un mouchage atraumatique, une blattes, moisissures). D’autres sont présents
fosse nasale l’une après l’autre. dans l’atmosphère (pollens, moisissures) ou dans
Chez le nouveau-né, les rhinites à strepto- l’environnement professionnel.
coques et à gonocoques proviennent d’une Puis il y a une réaction retardée comportant
une obstruction nasale avec rhinorrhée posté-
rieure permanente, caractérisée par l’apparition
d’un infiltrat cellulaire muqueux polymorphe :
mastocytes, lymphocytes et éosinophiles.

Rhinite non allergique


Ce sont des rhinites perannuelles dont l’évolution
s’effectue par paroxysmes. Certaines, s’accompa-
gnant de signes inflammatoires purs, sont appelées
rhinites non allergiques à éosinophiles (NARES).
Elles seraient le mode de début d’une rhinosi-
nusite chronique avec polypose nasosinusienne
Figure 10.4. Rhinite vestibulaire.
(cf. infra). Ailleurs, l’examen ne retrouve aucun
Surinfection de la portion cutanée de fosse nasale
à staphylocoque aureus, à traiter par des applications signe inflammatoire et la cytologie nasale est
d’acide fusidique crème. normale. Leur physiopathologie est mal élucidée.
Chapitre 10. Rhinites, sinusites et rhinosinusites 179

On les qualifie parfois de rhinites vasomotrices âgées (représentées trivialement avec la goutte au
primitives. Elles seraient en rapport avec une nez). Elle est parfois provoquée par l’alimentation
dysrégulation neurovégétative sympathique ou (syndrome de la soupe chaude). L’examen est
parasympathique. normal ou retrouve une atrophie globale de la
muqueuse nasale parfois croûteuse.
Rhinite médicamenteuse
L’abus de pulvérisations nasales de vasocons- Ozène
tricteurs alpha-mimétiques (dérivés de l’oxymé- C’est une rhinite atrophique primitive pouvant
tazoline et de la phényléphrine) engendre une atteindre les sujets jeunes, se traduisant par une
véritable dépendance. La conséquence peut être large vacuité des cavités nasales. Les cornets
une hypertension artérielle sévère. sont minuscules et il se forme de volumineuses
La rhinite à l’aspirine et aux autres anti-inflam- croûtes malodorantes. Exceptionnel de nos
matoires non stéroïdiens (AINS) fait partie de jours, l’ozène était autrefois attribué à la diph-
l’intolérance à l’aspirine (déviation du métabolisme térie ou à Klebsiella ozona. De telles atrophies
de l’acide arachidonique vers les leucotriènes). se rencontrent encore après radiothérapie ou
D’autres médicaments peuvent être en cause : après exérèse des cornets inférieurs (turbinec-
les antihypertenseurs (en particulier la réserpine) tomie), connue sous le nom de syndrome du
et les médicaments des troubles de l’érection. nez vide.

Rhinite alimentaire
Certains aliments provoquent une libération Sinusites aiguës
d’histamine : la tyramine, présente dans le pois-
son fermenté, dans le chocolat, dans certains vins La sinusite est souvent alléguée par les patients,
rouges. Il y a aussi la caféine, la théobromine, mais son diagnostic repose sur des critères précis.
les sulfites. D’autres procèdent d’un mécanisme
cholinergique (piments) ou par irritation du nerf
trijumeau (moutarde, poivre, raifort). Sinusite maxillaire aiguë
C’est une infection bactérienne survenant au
Rhinite professionnelle non allergique décours d’une rhinite aiguë (sinusite rhinogène)
Toutes sortes de substances peuvent être accusées. ou après un bain en rivière polluée.

Pathergie Interrogatoire
C’est une intolérance aux conditions physiques de Il révèle l’apparition rapide de signes unilatéraux :
l’air respiré : hygrométrie, température, empous- • douleur sous-orbitaire avec irradiations den-
sièrement, etc. taire, temporale et mastoïdienne. Son caractère
continu, pulsatile, accentué par la position de la
Rhinite hormonale tête penchée en avant, est en faveur d’une
origine sinusienne. Son siège et son rythme
Environ 20 à 30 % des femmes enceintes rappor-
dans la journée (vespérale se poursuivant la
tent des symptômes rhinologiques au cours de la
nuit, empêchant le sommeil et s’atténuant dans
grossesse.
la matinée) sont en faveur de son origine
maxillaire ;
Rhinite liée au vieillissement
• obstruction nasale du même côté ;
Une rhinorrhée discontinue, associée à une séche- • rhinorrhée purulente ipsilatérale intermittente,
resse nasale, est fréquente chez les personnes diminuant la douleur et souvent striée de sang.
180 ORL thématique

Signes généraux Évolution


Ils comportent un malaise et des céphalées. La Une sinusite maxillaire qui ne cède pas rapide-
température est le plus souvent normale, mais une ment au traitement médical doit faire pratiquer
fébricule n’est pas exclue. des radiographies de sinus de la face.
On ne pratique plus guère les radiographies
Examen clinique standards :
• incidence de Blondeau (face basse ou nez-
La palpation de la face antérieure du sinus maxil- menton-plaque) mettant en évidence le sinus
laire est douloureuse, surtout à l’émergence du maxillaire (fig. 10.5) ;
nerf sous-orbitaire. La rhinoscopie antérieure • incidence face haute ou nez-front-plaque mon-
montre un cornet moyen augmenté de volume trant les sinus frontaux ;
et un méat moyen plein de pus, sauf au moment • incidence de Hirtz visualisant l’ethmoïde.
des phases de rétention caractérisées par des La TDM est l’examen idéal en cas d’évolu-
paroxysmes douloureux. tion subaiguë ou récidivante à la recherche de
corps étrangers d’origine dentaire, de mycétomes
Examens complémentaires aspergillaires, d’érosions osseuses, d’ostéite ou de
Ils ne sont pas nécessaires au diagnostic. cancer du sinus maxillaire (cf. chapitre 3).

Traitement Formes cliniques


des sinusites aiguës
Il vise trois objectifs : lutter contre l’infection
sinusienne, reperméabiliser l’ostium du sinus et Sinusite maxillaire d’origine dentaire
lutter contre la douleur.
• Ce sont des sinusites peu douloureuses ou pré-
cédées de douleurs de type dentaire exacerbées
Lutte contre l’infection
par la percussion de la dent responsable.
Les germes visés sont Streptococcus pneumoniae, • L’écoulement nasal est nauséabond avec cacos-
Haemophilus influenzae et Staphylococcus aureus. mie objective et résurgence de fétidité lorsque
L’antibiotique le mieux adapté en première inten- le malade se penche sur le côté. Par contraste, la
tion est donc l’amoxicilline pendant sept jours, muqueuse nasale est peu inflammatoire, témoi-
sous réserve de staphylocoques ou d’Haemophilus gnant du caractère non rhinogène de la sinusite.
résistants. En cas d’allergie à l’amoxicilline, utili- • La dent en cause est en règle une prémolaire
ser la cefpodoxime ou la pristinamycine. ou une première molaire souvent couronnée
avec une base pourrissante (sarcophage d’or).
Reperméabilisation de l’ostium • Le traitement repose sur l’antibiothérapie
du sinus maxillaire visant les germes anaérobies (association acide
On utilise des inhalations de menthol précédées clavulanique-amoxicilline ou métronidazole).
de l’instillation d’un vasoconstricteur local pen- La prise en charge dentaire est essentielle en
dant cinq jours. connaissant le risque de fistule bucco-sinu-
sienne après extraction.
Lutte contre la douleur
Sinusite frontale aiguë
L’acide acétylsalicylique et le paracétamol sont les
plus efficaces. Les corticoïdes sont indiqués dans • La douleur spontanée est aussi unilatérale, mais
les formes hyperalgiques. Parfois, en cas de sinu- sus-orbitaire avec larmoiement et photophobie.
site purulente aiguë bloquée avec douleur atroce, Elle apparaît le matin et s’accentue en fin de
il faut recourir à la ponction du sinus maxillaire matinée. Elle disparaît l’après-midi, mais réap-
en urgence. paraît en soirée.
Chapitre 10. Rhinites, sinusites et rhinosinusites 181

Figure 10.5. Incidence de Blondeau.


A. Opacité d’une sinusite maxillaire droite. B. Niveau liquide d’une sinusite maxillaire gauche. C. Kyste muqueux
rétentionnel du bas-fond sinusien, séquelle d’une sinusite maxillaire ancienne (image dite en coucher de soleil).
D. Aspect de faux niveaux liquides donné par la projection des os temporaux dans le sinus maxillaire lorsque
la tête est insuffisamment défléchie.

• La douleur provoquée siège au niveau de la • la thrombose du sinus caverneux est annoncée


moitié interne du sourcil, à l’émergence du nerf par des paralysies oculomotrices ;
sus-orbitaire. • des complications intracrâniennes mortelles
• La rhinoscopie antérieure montre du pus faisant pour une pathologie banale peuvent encore se
encore issue par le méat moyen. voir chez l’adulte : méningite et abcès à germes
anaérobies du lobe frontal, épidural, sous-
Sinusite compliquée dural, voire intracérébral. La règle de pratiquer
une étude radiologique du sinus frontal et de
Les complications sévères sont l’apanage des sinu-
l’ethmoïde devant tout syndrome neurologique
sites frontales et ethmoïdales, plus particulière-
infectieux fébrile reste donc d’actualité.
ment chez l’enfant (encadré 10.1) :
• la cellulite orbitaire débute par un œdème de
la paupière et se poursuit par une protrusion
oculaire suivie de chémosis. Il faut être attentif Rhinosinusite chronique
à la baisse de l’acuité visuelle et à un ptosis, de l’adulte
conséquence d’une paralysie du muscle rétrac-
teur supérieur de la paupière. Une chirurgie de On regroupe sous le nom de rhinosinusite chro-
drainage doit être envisagée en urgence ; nique (RSC) toutes les formes d’inflammation
182 ORL thématique

Encadré 10.1

Ethmoïdite aiguë extériorisée de l’enfant


L’ethmoïde reste longtemps le sinus principal rapidement à la paupière supérieure dans un
de l’enfant. L’apparition d’un œdème à l’angle contexte fébrile, est synonyme d’ethmoïdite
interne de l’œil, s’étendant plus ou moins aiguë extériorisée. Une cellulite préseptale

Classification de Chandler.
A. Stade I : œdème palpébral seul avec cellulite péri-orbitaire préseptale. B. Stade II : cellulite orbitaire
avec exophtalmie réductible. C. Stade III : abcès orbitaire sous-périosté avec exophtalmie non réductible
et ophtalmoplégie partielle. Stade IV : exophtalmie importante, ophtalmoplégie et abcès orbitaire nécessitant
un drainage.

Chapitre 10. Rhinites, sinusites et rhinosinusites 183


n’entraîne ni modification de l’acuité visuelle,
ni trouble de la mobilité de l’œil ou des réflexes
photomoteurs. En revanche, l’extension rétro-
septale du processus infectieux met en jeu
le pronostic fonctionnel (baisse de l’acuité
visuelle et ophtalmoplégie) et le pronostic vital
(thrombose du sinus caverneux). Le septum
orbitaire est la cloison fibreuse qui unit le
rebord orbitaire osseux au bord périphérique
de la charpente fibro-élastique de la paupière
ou tarse. Dans la moitié des cas, il y a un abcès
sous-périosté. La surveillance ophtalmologique
repose sur l’échographie orbitaire qui est fiable,
non irradiante comme la TDM, et peut être
répétée au lit du malade sans sédation de
l’enfant. Dans la plupart des cas, l’antibio-
thérapie parentérale seule amène la guérison Abcès sous-périosté sur ethmoïdite.
(céphalosporine de 3e génération + fosfomy- TDM axiale en fenêtre parenchymateuse : comblement
des cellules ethmoïdales gauches avec abcès
cine +/− métronidazole). Seul un abcès sous-
sous-périosté en regard, refoulant le muscle droit
périosté, dont le volume atteint ou dépasse médial (flèche) avec en arrière des zones denses
300 à 500 mm3, nécessite un drainage chi- d’inflammation au sein de la graisse hypodense.
rurgical effectué par voie externe ou par voie Modifié d’après : Dubrulle F., Martin Duverneuil N., Moulin G.
endonasale. Imagerie en ORL. Elsevier Masson, 2010, p. 37 (fig. 2.22).

nasosinusienne, pourvu qu’elles durent plus de territoire du nerf sous-orbitaire, il ne faut pas
trois mois. Par définition, ces pathologies ont incriminer l’image radiologique arrondie du
en commun une maladie inflammatoire multi- polype muqueux témoin d’une sinusite ancienne
factorielle auto-entretenue avec des facteurs (image en coucher de soleil). Au contraire, il faut
étiologiques extrinsèques (infectieux et aller- penser à d’autres causes, comme les algies vascu-
géniques) et intrinsèques (génétiques, mor- laires de la face (cf.partie 2, fiche « Algie faciale »).
phologiques et structurels). Même la polypose Les sinusites frontales chroniques sont plus
nasosinusienne, autrefois conçue comme une bruyantes : céphalées toujours unilatérales à type
entité à part, est une RSC avec polypes. La prise de tension sus-orbitaire déclenchée par le travail
en charge médicale est complexe. La chirurgie visuel, l’exposition au froid ou le travail intense.
est souvent décevante en dehors d’indications Quelle que soit la topographie des lésions, on
précises. retrouve l’obstruction nasale, les éternuements,
une rhinorrhée purulente antérieure ou pos-
térieure, une anosmie ou une hyposmie, voire
Clinique une cacosmie. Chez des patients en pleine activité
professionnelle, cet inconfort nasal s’associe à un
Symptômes
contexte général handicapant: céphalées, pous-
Les sinusites maxillaires chroniques sont presque sées de fièvre, asthénie, toux, sensation de plé-
toujours indolores (sauf au moment des pous- nitude de l’oreille et même parfois des douleurs
sées de réchauffement). En cas d’algie dans le dentaires.
184 ORL thématique

Endoscopie nasale Formes révélées par des complications


Elle recherche la présence d’un drainage mucopu- Outre les complications orbitaires et méningo-
rulent, d’une congestion œdémateuse des méats encéphaliques citées plus haut, il faut connaître
moyens, voire de polypes obstruant les fosses l’existence des mucocèles. Dans sa forme exten-
nasales (fig. 10.6). sive, c’est un kyste ethmoïdo-frontal ou maxil-
laire endosinusien se développant par blocage
TDM des sinus de l’ostium nasofrontal ou maxillaire. Il érode
Elle montre des épaississements muqueux loca- et amincit progressivement les parois osseuses
lisés ou diffus, des opacités s’accompagnant jusqu’à bomber dans l’orbite au niveau de l’angle
parfois de niveaux liquides et d’érosions osseuses interne de l’œil (cf. fig. 10.9C). Il contient un
(fig. 10.7, 10.8 et 10.9). mucus épais et souvent aseptique.

Figure 10.6. Endoscopie nasale au cours d’une rhinosinusite chronique.


A. Suppuration dans le méat moyen droit. B. Suppuration ethmoïdale. C. Sinusite frontale chronique avec pus dans
le méat moyen et bourrelet de Kaufman (hyperplasie de l’apophyse uncinée). D. Polype luisant et transparent de la fosse
nasale gauche.
Chapitre 10. Rhinites, sinusites et rhinosinusites 185

Figure 10.7. TDM de rhinosinusites chroniques ethmoïdo-maxillaires.


A et B. Forme antérieure gauche avec opacité des cellules ethmoïdales antérieures en coupe axiale (A) et ostéolyse
en coupe coronale (B). C. RSC invasive avec image en bissac d’un polype antrochoanal. D. Polypose nasosinusienne.
Opacité diffuse de toutes les cellules ethmoïdales en coupe coronale.

Figure 10.8. Formes cliniques de RSC.


A. Opacité de tout le sinus frontal gauche en coupe coronale. B. Opacité du sinus sphénoïdal droit en coupe axiale.
En avant, le canal optique rejoint l’orbite. En arrière, le canal carotidien vu en coupe est intact. C. Sinusite aspergillaire
gauche typique avec lyse osseuse et petits mycétomes opaques disséminés dans l’opacité. D. Sinusite maxillaire d’origine
dentaire avec lyse alvéolaire.
186 ORL thématique

Figure 10.9. Pathologies rhinosinusiennes rares.


A. Concha bullosa bilatérale. Pneumatisation des cornets moyens chez un sujet asymptomatique (astérisques).
B. Infection d’une concha bullosa gauche (astérisque) chez un patient présentant de violentes algies nasales.
C. Mucocèle du sinus maxillaire gauche. D. Granulomatose de Wegener droite (encadré 10.2).

Causes de la maladie aérobies (S. pneumoniae, H. influenzae, M. catar-


inflammatoire rhalis et S. aureus). Cette étape atteint son acmé
au 3e mois (rhinosinusite chronique) pour laisser
Schématiquement, on incrimine quatre proces- progressivement la place aux bactéries anaérobies
sus : bactérien, inflammatoire non allergique, (Peptostreptococcus, Prevotella, Fusobacterium,
inflammatoire allergique et fungique. En pra- B. fragilis). À noter que quand il y a eu chirurgie
tique, on verra que ces processus s’intriquent endoscopique des sinus, il se produit un glisse-
chronologiquement et s’induisent mutuellement ment vers les germes Gram négatif (Pseudomonas
pour réaliser une maladie inflammatoire auto- aeruginosa principalement).
entretenue. Un facteur de résistance des bactéries aux
antibiotiques et au système immunitaire est le
Processus infectieux développement de biofilm constitué de polysac-
Les poussées infectieuses se développent en trois charides constituant une matrice adhérant aux
étapes. Initialement, c’est une rhinosinusite virale parois des sinus où s’abritent bactéries et champi-
durant de 8 à 10 jours. Puis la rhinosinusite gnons. C’est tout l’intérêt des irrigations et des
devient subaiguë avec développement de bactéries lavages de sinus (cf. infra).
Chapitre 10. Rhinites, sinusites et rhinosinusites 187

Encadré 10.2

RSC granulomateuses
Un aspect granuleux des lésions nasosinu- neuropathies, atteinte digestive, myocardiopa-
siennes doit déclencher une étude histologique thie coronarienne. Il existe un asthme sévère,
à la recherche d’une vascularite caractéristique. une hyperéosinophilie sanguine et tissulaire et,
Cette prolifération granulomateuse pseudo- à la TDM, une ostéosclérose des parois sinu-
tumorale s’accompagne de nodules sous- siennes. Ici, les auto-anticorps sont périnu-
muqueux (cf. infra, sarcoïdose), de signes cléaires (ANPA).
crâniens extrasinusiens (diplopie, hypoesthé-
Autres étiologies
sie faciale, ptosis, baisse de l’acuité visuelle).
L’association à une atteinte pulmonaire ou • Sarcoïdose : granulomatose multiviscérale, en
rénale est déterminante. Ces pathologies sont particulier respiratoire, avec lymphadénopathies
rares mais multiples. hilaires bilatérales et atteinte parenchymateuse.
RSC dans 10 % des cas avec anosmie, épiphora
Granulomatose de Wegener (larmes), xérophtalmie (infiltration des glandes
C’est une vascularite auto-immune avec gra- lacrymales).
nulome nécrosant. Étant donné la sévérité • RSC fungique invasive survenant dans les
de l’atteinte pulmonaire et de l’insuffisance immuno-incompétences.
rénale, c’est une urgence thérapeutique. La • Tuberculose : Mycobacterium tuberculosis ou
découverte d’auto-anticorps anticytoplasme des mycobactéries atypiques (HIV + ).
polynucléaires neutrophiles (ANCA) oriente le
• Granulomatoses infectieuses (lèpre, rhinos-
diagnostic pour instituer un traitement par
clérome [Klebsiella rhinoscleromatis]).
corticoïdes, cyclophosphamide et anti-TNF.
• Granulome malin centro-facial ou lymphome
Syndrome de Churg-Strauss nasal T/NK : ce n’est pas une maladie de sys-
C’est encore une vascularite auto-immune tème comme la maladie de Wegener.
avec granulome mais non nécrosant. L’atteinte • Vascularite cocaïnique : granulomatose des-
est multiviscérale : infiltrations pulmonaires, tructrice avec perforation septale.

L’idéal serait de pratiquer une ponction de sinus Processus inflammatoire non allergique
dont l’intérêt serait non seulement qualitatif, mais En fait, l’infection bactérienne enclenche un
aussi quantitatif avec un CFU/mL 104 (colony- processus inflammatoire chronique non spéci-
forming unit). On peut remplacer la ponction fique chez certains patients. Les super-antigènes
par un prélèvement endoscopique au niveau du microbiens (SAG) sont des toxines bactériennes
méat moyen avec une bonne valeur prédictive sécrétées par Staphylococcus aureus et Strepto-
de la présence dans le sinus de Streptococcus coccus pyogenes activant la prolifération massive
pyogenes, Haemophilus influenzae et Streptococ- de lymphocytes T avec production de cytokines
cus pneumoniae. pro-inflammatoires. D’autre part, des réactions
À ce stade, une antibiothérapie de spectre immunologiques à IGE antibactérien se dévelop-
large avec une bonne pénétration tissulaire serait pent avec une fréquence 5 à 6 fois supérieure à
efficace si on la donne pendant quatre semaines celle de la rhinite allergique.
(amoxicilline-acide clavulanique). Toutefois, Ainsi se développe un infiltrat cellulaire dans le
l’antibiothérapie s’attaque à la flore pathogène conjonctif de la muqueuse nasosinusienne (lamina
mais détruit aussi la flore nasale normale qui propria). Cet infiltrat est constitué non seulement
sécrète des protéines bactéricides. de lymphocytes, mais aussi de polynucléaires
188 ORL thématique

éosinophiles, de macrophages. Au stade le plus opacité unique au sein du sinus maxillaire. Il n’est
sévère, par l’intermédiaire d’une explosion de pas rare de constater la présence de mycétome au
cytokines, les cellules structurelles sont lésées (épi- sein d’une polypose.
théliales, endothéliales et fibroblastes). Il apparaît Le traitement est chirurgical. Ce n’est que
des modifications d’adhérence entre ces cellules et dans les formes invasives que sera envisagé un
une ouverture des canaux ioniques sodiques. Au traitement général antifungique.
minimum, se produit un œdème. Dans le méat
moyen, apparaît un petit bouquet de polypes.
Au maximum, c’est une polypose nasosinusienne Formes cliniques
multirécidivante (cf. infra).
Sous-groupes de la RSC
Le traitement est local : lavage au sérum
physiologique et rhino-corticoïdes pendant 4 à S’agissant en fait de la même affection, on peut les
6 semaines. classer par scores de sévérité.
• Forte : RSC hyperplasique avec infiltrat éosi-
Processus inflammatoire allergique nophilique (œdème + polypes + éosinophilie
tissulaire). Le polype est le stade ultime de
Dans les RSC les plus sévères, l’association à une
l’hyperplasie inflammatoire (avec asthme associé
rhinite allergique atteint 40 à 50 %. La fréquence
dans 50 % des cas). Plus il y a d’éosinophiles,
d’un asthme associé est de 25 à 50 %. C’est en fait
plus la maladie inflammatoire est sévère.
la même maladie qui s’exprime différemment. En
• Moyenne : RSC hyperplasique non éosino-
présence de l’allergène, le patient multiplie l’appa-
philique.
rition des éosinophiles dans les sinus. L’œdème,
• Modérée : RSC éosinophilique non hyper-
la dysfonction ciliaire et la production de mucus
plasique.
s’aggravent.
• Faible : RSC non hyperplasique et non éosino-
Le traitement est encore une indication des
philique.
corticoïdes locaux, éventuellement remplacés
Les choses n’étant pas fixées, il y a aussi une
par de brèves cures de corticoïdes oraux. Les
notion d’évolutivité (vitesse du passage d’une
antihistaminiques sont très utiles. L’efficacité des
forme à une autre).
autres traitements n’est pas prouvée : immuno-
thérapie sous-cutanée sublinguale, macrolides à RSC avec polypose (encadré 10.3)
visée anti-inflammatoire qui aurait la propriété Sa prévalence est de 1 à 4 % de la population (cf.
de faire baisser les cytokines, anticorps monoclo- fig. 10.7D et figure de l’encadré 10.3). Par ordre
naux à visée immuno-modulatrice visant certaines de fréquence, on en distingue quatre formes :
interleukines. • la forme isolée ou associée à une poly-allergie ;
• la forme avec asthme ;
Processus fungique • la forme avec asthme et intolérance à l’aspirine
Les levures sont des êtres unicellulaires. Les (maladie métabolique de Widal) ;
moisissures forment des mycéliums pluricel- • mucoviscidose.
lulaires. Leurs spores se disséminent par voie Dans toutes ces formes, on retrouve le même
aérienne, d’autant mieux que l’air est chaud infiltrat cellulaire de la lamina propria.
et humide. Il y a des milliers d’espèces. On Les phénomènes inflammatoires se produisent
décrit une RSC fungique allergique à IGE et à en trois étapes :
éosinophiles. • altération de l’épithélium cilié respiratoire nasal
La TDM montre plusieurs aspects. Les petites déclenché par les exotoxines de Staphylococcus
opacités représentent des mycétomes disséminés aureus (super-antigène), les virus, les polluants
au sein de l’opacité sinusienne (cf. fig. 10.8C). aériens, les allergènes et les champignons. Au
L’aspect de balle fungique aspergillaire réalise une départ, c’est une RSC simple ;
Chapitre 10. Rhinites, sinusites et rhinosinusites 189

Encadré 10.3

Polyposes nasosinusiennes extensives


Pour des raisons inconnues, certaines polyposes une agression avec inflammation réactionnelle
deviennent exubérantes et peuvent déformer importante. Elles doivent être encadrées par
l’auvent nasal. Les polypectomies répétées sont une corticothérapie sous peine de provoquer
parfois incriminées. Elles représentent en effet une poussée supplémentaire.

Formes extensives caricaturales.


A. Cette patiente se coupe les polypes avec des ciseaux. B. Syndrome de Woakes : les polypes
déforment les os propres du nez (flèches).

• prolifération de cellules polyclonales dans la Traitement de la RSC


lamina propria (lymphocytes, éosinophiles,
macrophages), qui crachent des cytokines et Traitement médical
des neuropeptides modifiant l’adhérence inter- La corticothérapie systémique fait baisser la
cellulaire ; sécrétion locale des cytokines cellulaires. Les
• entretien de l’inflammation par les éosino- antihistaminiques sont utiles. L’antibiothérapie
philes : appel de cellules toujours plus nom- prolongée associée est difficile à évaluer, mais
breuses et plus résistantes. Se déclenche alors le elle paraît souvent indispensable. Les antileuco-
processus d’auto-entretien. Les cellules avoisi- triènes (montélukast) sont utiles dans la maladie
nantes deviennent perméables au sodium, avec de Widal associant polypes, asthme et intolérance
production d’œdème et apparition de polypes à l’aspirine. Les macrolides abaisseraient le taux
par modification des canaux ioniques électroly- des cytokines. Les antibiotiques locaux aideraient
tiques du sodium et du chlore. à contrôler le biofilm. Des antidiurétiques blo-
quant le canal sodium (furosémide) peuvent être
utilisés localement pour diminuer la formation
Forme rebelle avec croûtes de polypes. Les traitements anti-allergiques avec
La présence d’une prolifération granuleuse doit anticorps monoclonaux anti-IGE sont en cours
faire évoquer une vascularite granulomateuse (cf. d’évaluation. Il en est de même pour des traite-
encadré 10.2). ments anticytokines spécifiques.
190 ORL thématique

Il y a consensus sur l’efficacité des traitements Indications chirurgicales


locaux. Les lavages de nez au sérum physiolo- Dans le cas des sinusites frontales, le drainage et
gique à la seringue ou à la pipette ont un bon les lavages de sinus par un clou de Lermoyez sont
effet mécanique, supérieur aux simples sprays. efficaces (fig. 10.10A). Il en est de même des
Les solutions hypertoniques associant chlorure lavages du sinus maxillaire par drain d’Albertini,
de sodium et bicarbonate de soude sont efficaces, modifié par Orsel.
mais irritantes. Les corticoïdes locaux sont sur- La chirurgie ne se discute pas quand il s’agit
tout utiles après chirurgie. Les antihistaminiques de fermer une fistule bucco-sinusienne. Après
en pulvérisation nasale sont intéressants dans la curetage de l’ostéite, les défects osseux sont
rhinite allergique (azélastine). Dans les infections parfois considérables, nécessitant un lambeau de
ORL chroniques, les eaux thermales sulfurées et muqueuse palatine.
sulfatées sont supérieures au sérum physiologique, Une grosse balle fungique reste même parfois
sauf en cas d’intolérance aux sulfites. Les eaux l’indication d’une chirurgie de Caldwell-Luc
thermales bicarbonatées calciques arsenicales sont (fig. 10.10C et D).
surtout utilisées dans les pathologies allergiques La vidéochirurgie endoscopique des sinus vise
(lavage de nez, aérosols, lavage de sinus, douches le rétablissement d’une bonne aération des sinus
pharyngiennes).

Figure 10.10. Indications chirurgicales indiscutables.


A. Clou de Lermoyez pour drainage et lavage du sinus frontal. B. Cure d’une fistule buccosinusienne. Cathétérisme.
C. Abord du sinus maxillaire droit par voie de Caldwell-Luc. D. Découverte de la truffe aspergillaire.
Chapitre 10. Rhinites, sinusites et rhinosinusites 191

de la face et la repousse d’une muqueuse respira- Dans les formes bilatérales, chez certains
toire fonctionnelle. C’est une chirurgie difficile, patients, un traitement local ne peut pas être entre-
non exempte de complications ophtalmologiques pris, du fait de l’obstruction nasale en rapport avec
ou de blessures de la lame criblée de l’ethmoïde. les déformations septales, l’hyperplasie turbinale
Aussi, après un engouement souvent déçu, les ou de l’importance de la polypose. Dans ces cas,
indications sont devenues raisonnables. la situation peut être débloquée par une vidéo-
Dans les formes unilatérales de RSC, cette chirurgie endoscopique bilatérale. L’objectif est
chirurgie donne d’excellents résultats, surtout seulement de permettre le traitement local par
s’il y a un facteur fungique de type Aspergillus lavages et corticoïdes locaux. Mais il ne faut pas
(fig. 10.11 et 10.12). promettre de miracle (vidéos 10.1 à 10.3 ).

Figure 10.11. Résultats endoscopiques de la chirurgie endonasale.


A. Élargissement de l’ostium du sinus maxillaire gauche (méatotomie) avec conservation partielle du cornet moyen et
retour à la normale de la muqueuse du sinus. B. Méatotomie du sinus maxillaire droit avec persistance d’une inflammation
diffuse et phénomène de la cuvette désignant le fait que le bas-fond sinusien est devenu le réceptacle des sécrétions
nasales. C. Bons résultats d’un évidement ethmoïdo-maxillaire droit avec quelques sécrétions dans la méatotomie. D.
Résultat d’évidement ethmoïdo-maxillaire gauche. CL : cloison ; B : toit de la bulle ; RC : racine cloisonnante ; SP : cellule
ethmoïdale postérieure ; CH : choane et rhinopharynx ; SM : sinus maxillaire.
192 ORL thématique

Figure 10.12. Résultats TDM de vidéochirurgies endonasales.


A. Méatotomie droite en coupe coronale (flèche). B et C. Avant et après méatotomie (flèche) en coupes axiales. D et
E. Coupe axiale et coupe coronale postopératoires chez un patient ayant subi une ethmoïdectomie unilatérale gauche
(astérisques). F. Grand évidement maxillo-ethmoïdo-frontal droit (astérisque : emplacement de l’ex-canal nasofrontal).

`` Compléments en ligne Vidéo e10.1. Chirurgie endoscopique pour polypose


nasosinusienne.
Le shaver est un aspirateur grignotant les polypes dans
Des compléments numériques sont associés à ce ses mâchoires rotatives. Ce patient présente une polypose
chapitre, ils sont indiqués dans le texte par un nasosinusienne floride et handicapante bilatérale. Avec le
shaver, on se fraye facilement un chemin vers le cornet
picto . Ils proposent les vidéos du chapitre. moyen, dans le méat moyen, et on rentre dans l’ethmoïde,
Pour voir une vidéo, scannez le flashcode corres- ce qui permet de réaliser un évidement ethmoïdal
pondant à l’aide de votre smartphone ou de votre complet. Cet instrument est efficace et atraumatique,
tablette, ou connectez-vous sur http://www.em- mais l’intervention ne dispense pas de la prise en charge
médicale. On entre ensuite dans le sinus maxillaire
consulte.com/e-complements/474503 et suivez pour détruire les polypes qu’il contient.
les instructions.
Chapitre 10. Rhinites, sinusites et rhinosinusites 193

Vidéo e10.2. Résultat d’une chirurgie endoscopique Vidéo e10.3. Truffe aspergillaire sphénoïdale.
ethmoïdo-sphénoïdo-maxillaire. Patient souffrant de violentes céphalées depuis plusieurs
Cette patiente a été prise en charge pour une polypose mois. Un scanner en coupes axiales montre une opacité
nasosinusienne bilatérale comportant des mycétomes complète du sinus sphénoïdal gauche, avec en coupe
aspergillaires. Du côté droit, les cavités ont bien cicatrisé. coronale une opacité évoquant un mycétome aspergillaire.
On aperçoit le reliquat de cornet moyen (CM), l’ethmoïde Il n’y a pas d’érosions osseuses. L’intervention commence
antérieur et postérieur (EA et EP), les sinus maxillaire par une section de la lame verticale du cornet moyen puis
et sphénoïdal (SM et SP). On pénètre dans le sinus de sa racine cloisonnante horizontale. Le cornet moyen
sphénoïdal avec ses deux reliefs caractéristiques : le nerf vient ainsi en deux morceaux. On découvre alors l’orifice
optique horizontal et la carotide interne verticale. Du côté sphénoïdal gauche rempli par une balle fungique noirâtre.
gauche, c’est la même chose avec les ouvertures béantes Il est élargi à la pince emporte-pièce et la totalité de la
du sinus maxillaire sur la droite et du sinus sphénoïdal truffe peut être enlevée. Les céphalées ne se reproduisent
en arrière. plus.
Chapitre 11
Infections pharyngées
et péripharyngées
Points forts organisme et l’écosystème. C’est aussi le lieu où
j La présence de formations lymphoïdes amygdaliennes se trouve du tissu lymphoïde en abondance au
au contact direct de l’air inspiré constitue contact des agents infectieux aériens de toutes
l’originalité du rhinopharynx et de l’oropharynx. natures : d’abord au niveau du rhinopharynx lors
j L’indication de l’ablation des végétations adénoïdes
des deux premières années, puis au niveau de
repose sur la présence de signes otologiques :
tympans rétractés, otite séromuqueuse et surdité.
l’oropharynx quand le jeune enfant passe d’une
j L’indication de l’amygdalectomie repose respiration exclusivement nasale à une respiration
sur la présence d’angines à répétition (plus mixte, nasale et buccale. Chez l’adulte, le pharynx
de 4 dans l’année précédente) ou sur la est aussi le lieu où se répercutent les consé-
survenue de phlegmons péri-amygdaliens. quences d’une mauvaise hygiène de vie. Ce tissu
j Dans les suites d’une pharyngite, trismus, torticolis ou immunitaire constituant l’anneau de Waldeyer est
tuméfaction cervicale annoncent des complications. donc directement opposé aux agressions de toutes
j Dans les phlegmons péri-amygdaliens, natures. Il possède aussi sa propre pathologie avec
l’association d’un œdème de la luette, d’un
ses propres complications (encadré 11.1). Même
élargissement du pilier antérieur et d’un
trismus indique la ponction suivie d’incision.
si les aspects symptomatiques et évolutifs diffèrent
j Les trois espaces péripharyngiens (préstylien, selon l’âge de survenue, il s’agit en fait souvent
rétrostylien et rétropharyngien) sont des mêmes sujets : des enfants qu’on retrouvera
repérés à la TDM par leurs rapports avec à l’âge adulte.
l’hypodensité de la graisse préstylienne.
j L’abcès préstylien se développe au contact de
l’amygdale palatine et se draine par voie endobuccale. Anneau de Waldeyer
j L’infection rétropharyngée est un adénophlegmon
en rapport avec une rhinopharyngite et
se draine par voie endobuccale. C’est un réseau de formations lymphoïdes placé
j L’infection rétrostylienne au contact du paquet en sentinelle à l’entrée de l’organisme. Entre les
jugulo-carotidien est un adénophlegmon en amas bien individualisés (amygdales pharyngée,
rapport avec une pharyngite. Petit, il se traite palatines et linguale) existent des follicules isolés
médicalement. Si un drainage chirurgical est qui parsèment la muqueuse (fig. 11.1). Il est
nécessaire, la voie d’abord est choisie en fonction fréquent d’observer leur hypertrophie après une
de sa position par rapport aux gros vaisseaux amygdalectomie ou dans les états inflammatoires
(voie endobuccale ou voie cervicale externe). chroniques de l’oropharynx (vicariance).
j En dehors des adénites rétropharyngées et
L’amygdale pharyngée occupe le rhinopharynx.
rétrostyliennes de l’enfant qui restent habituellement bien
circonscrites, toutes les infections des espaces profonds Elle croît rapidement après la naissance jusqu’à
de la face et du cou peuvent évoluer vers une cellulite l’âge de 4 ans. Elle régresse ensuite pour dis-
cervicale profonde (synonyme : fasciite nécrosante). paraître à l’âge de 12 ans. Son hypertrophie
constitue les végétations adénoïdes (cf. fig. 1.16).
L’immunité de l’enfant se construit d’abord dans Les amygdales palatines sont les formations lym-
le pharynx. C’est la première frontière entre son phoïdes paires et symétriques que l’on peut voir

Guide d'ORL
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196 ORL thématique

Encadré 11.1

Infections pharyngées :
définitions
• Rhinopharyngite : atteinte inflammatoire
de l’étage supérieur du pharynx (rhinopha-
rynx), associée à une atteinte nasale. Maladie
infectieuse très fréquente chez le petit enfant,
la rhinopharyngite est d’origine virale.
• Angine : infection localisée à l’ensemble
ou à une partie de l’oropharynx. Elle est plus
souvent virale que bactérienne. Elle entraîne
fièvre, dysphagie (difficultés à la déglutition)
et odynophagie (douleurs à la déglutition).
• Adénite aiguë : inflammation ganglion-
naire fréquente datant de moins de 15 jours.
Chez l’enfant, elle est plus souvent virale
(rhinovirus, virus para-influenza, adénovirus,
CMV, EBV, etc.) que bactérienne (20 %). Les
adénites rétropharyngées et rétrostyliennes se
présentent comme des infections péripharyn- Figure 11.1. Anneau lymphatique de Waldeyer.
Le pharynx a été incisé au niveau de sa paroi postérieure.
gées.
1 : amygdale pharyngée ; 2 : amygdale tubaire ;
• Abcès : tissu infecté nécrosé, réalisant une 3 : fossette de Rosenmüller (cf. fig. 3.11) ; 4 : orifice
cavité purulente que l’on peut drainer chirur- de la trompe d’Eustache ; 5 : choane droite ; 6 : cloison
gicalement. nasale ; 7 : amygdale palatine ; 8 : amygdale linguale ;
• Phlegmon : infection circonscrite non 9 : épiglotte ; 10 : larynx ; 11 : paroi du pharynx ; 12 : voile
encore nécrosée. Le phlegmon péri-amyg- du palais et luette ; 13 : follicules lymphoïdes formant
une traînée qui relie entre elles les diverses amygdales ;
dalien n’est plus un phlegmon lorsqu’il est
14 : cornet inférieur ; 15 : cornet moyen ; 16 : œsophage.
collecté, car c’est alors un abcès développé Testut L., Jacob O. Traité d’anatomie topographique. Tome 1,
dans l’espace péri-amygdalien en dedans de 2e édition. Paris : Doin Éditeurs, 1909, p. 278 (fig. 20.6).
l’aponévrose péripharyngée.
• Cellulites : les cellulites superficielles ou
dermo-hypodermites des tissus graisseux ne la couche profonde s’est transformée en organe
sont pas d’origine pharyngée. Les cellulites lymphoïde. Les amygdales palatines atteignent
profondes sont plutôt dénommées fasciites leur plus gros volume à la puberté, puis régressent
nécrosantes, mettant en avant le rôle des et sont atrophiées lors du vieillissement.
fascias dans la propagation du processus La muqueuse pharyngée et son tissu lym-
infectieux. phoïde participent à la défense immunitaire. Les
phagocytes (cellules dendritiques) et les mas-
à l’examen de l’isthme du gosier (cf. fig. 1.15). tocytes jouent un rôle dans la présentation antigé-
Elles sont contenues dans la loge amygdalienne nique. Ils expriment à leur surface des récepteurs
située entre les piliers antérieur et postérieur du reconnaissant les motifs moléculaires associés aux
voile. Entre l’amygdale et les piliers se trouvent pathogènes. Les germes piégés dans les cryptes
des récessus plus ou moins profonds, dont le plus vont constituer une flore tolérée. En cas d’agres-
important est le récessus palatin (fig. 11.2). Si on sion nouvelle, l’inflammation est la première
pratique une coupe transversale de l’amygdale, réponse du tissu lymphoïde. Elle est induite par
on constate l’existence de cryptes naissant de la les facteurs chimiques relargués par les cellules
profondeur et s’étendant plus ou moins large- détruites : histamine, bradykinine, sérotonine,
ment à la surface. Au point de vue anatomique, leucotriènes et prostaglandines. Il apparaît de la
l’amygdale n’est qu’une portion de la muqueuse douleur, de la rougeur, de la chaleur et un gon-
buccopharyngienne, plissée sur elle-même, dont flement. Une cascade biochimique (complément)
Chapitre 11. Infections pharyngées et péripharyngées 197

Figure 11.2. Loge amygdalienne.


Elle se termine au sommet par une ogive délimitant la fossette sus-amygdalienne, vestige de la 2e fente branchiale et
prolongée en haut par le récessus palatin et le sinus de Tortual contenant souvent du caséum infecté (vidéo 11.1 ).
Legent F., Perlemuter L., et al. Cahiers d’anatomie ORL, 4e édition. Paris : Masson, 1986 (p. 106G).

fixe les pathogènes pour aider à leur phagocytose.


La dissémination du germe est bloquée. Il y a
ensuite activation de l’immunité adaptative avec
mise en place d’une réponse mémoire (lym-
phocytes T et B).

Immunisation normale
de l’enfant
Le nourrisson naît avec un capital immunitaire Figure 11.3. Taux des IgM dans le sérum en fonction
suffisant qui lui est donné par la mère (fig. 11.3). de l’âge.
Cette résistance aux infections s’estompe progres- Sauvage J.-P., Bessède J.-P. Révisions accélérées en ORL. Paris :
Maloine, 1987, p. 138 (figure 41).
sivement jusqu’à atteindre la période critique du
6e mois où la sienne commence tout juste à se
former. Puis ce capital se reconstitue progres- fragilité maximale s’étend du 6e au 18e mois. Puis
sivement pour redevenir équivalent à celui d’un sa résistance augmente peu à peu et, à partir de
adulte lorsque l’enfant atteint l’âge de 7 ans. l’âge de 7 ans, il n’apparaît de nouvel épisode
Cliniquement, le nourrisson est donc à l’abri des infectieux qu’en cas de rencontre avec un germe
conflits infectieux jusqu’au 5e mois. La période de inconnu ou mutant.
198 ORL thématique

Chez la plupart des enfants, l’immunisation maternelle. Parfois, une contamination d’ori-
vis-à-vis des agents microbiens et viraux se fait de gine familiale peut être mise en évidence : sinu-
façon silencieuse et inapparente. L’enfant n’est site chronique, bronchite chronique favorisée
pratiquement jamais malade et tout se résume à par le tabagisme chez un ou les deux parents.
un nez qui coule ou à un accident fébrile sur- • Ailleurs, il existe un terrain immunologique
venant de loin en loin. déficient dont attestent des antécédents fami-
liaux particuliers. Chaque contact avec un nou-
veau virus ou un nouveau germe déclenche
Immunisation difficile une rhinopharyngite aiguë fébrile, une otite,
chez l’enfant une bronchite, voire de simples accès fébriles
itératifs ou subintrants. Le nez coule en perma-
Chez de nombreux enfants, l’immunisation se nence et seul l’été apporte une franche amélio-
fait de façon bruyante. Le rôle du médecin est de ration. L’interrogatoire découvre dans la famille
leur permettre d’arriver à l’âge de 7 ans indemnes des antécédents d’asthme, d’allergie, d’otites
de toute séquelle : pas d’otite chronique, pas de de l’enfance ; les cicatrices d’amygdalectomie
cardiopathie ni de néphropathie d’origine strep- témoignent chez les parents de difficultés au
tococcique. cours de leur propre enfance.
La succession de ces étapes n’est pas obli- L’attitude thérapeutique comporte :
gatoire. Certaines d’entre elles peuvent être • la lutte contre les surinfections bactériennes
atteintes directement ; ailleurs, l’évolution tourne dominées par Streptococcus pneumoniae et à un
court. Rien ne permet de prévoir le cours de moindre degré Haemophilus influenzae (vacci-
l’immunisation, sinon la fréquence d’antécédents nation). Les otites à répétition sont au premier
identiques chez les parents. plan (cf. chapitre 5). Les ethmoïdites à Haemo-
philus influenzae sont plus rares mais bruyantes
(cf. chapitre 10) ;
Première étape : de 0 à 5 mois • la prévention des épisodes rhinopharyngés, qui
passe surtout par la soustraction au milieu
Les infections sont exceptionnelles. Lorsqu’elles
infectieux (encadré 11.2).
surviennent, il s’agit généralement de germes
dangereux : otites à Gram négatif ou staphylo-
coques résistants. Troisième étape
L’hyperplasie lymphoïde au niveau de l’anneau
Deuxième étape : de Waldeyer entre en scène, généralement entre
de 6 mois à 3 ans 3 et 5 ans.
L’hyperplasie de l’amygdale pharyngée (végé-
Le conflit entre agents pathogènes et défenses
tations adénoïdes), conséquence des rhinopha-
immunitaires siège dans le rhinopharynx, du fait
ryngites à répétition, inaugure cette nouvelle
de la respiration nasale obligatoire du nourrisson.
période. Puis l’apparition d’une respiration buc-
Ce sont donc les rhinopharyngites qui dominent
cale provoquée par l’obstruction rhinopharyngée
la scène. Deux ordres de circonstances favori-
déplace alors le théâtre des infections du cavum
santes sont possibles.
à 1’oropharynx avec manifestations itératives au
• L’enfant reçoit des stimulations infectieuses
niveau des amygdales palatines.
trop fortes pour son âge. C’est habituellement
le cas d’un enfant mis en crèche vers l’âge de
Végétations adénoïdes
6 à 18 mois, âge où il est justement particu-
lièrement fragile aux infections. C’est encore Elles se développent dans une cavité aux parois
l’histoire d’un cadet constamment contaminé osseuses inextensibles dans laquelle débouchent les
par un aîné « porteur sain » fréquentant l’école deux trompes d’Eustache (fig. 11.4). Le diagnostic
Chapitre 11. Infections pharyngées et péripharyngées 199

Encadré 11.2

Prévention des rhinopharyngites


C’est une réalité que les rhinopharyngites Les antibiotiques ne servent à rien dans les
virales de l’enfant sont nécessaires pour acqué- rhinopharyngites de l’enfant. D’ailleurs, l’évo-
rir un capital immunitaire suffisant. Chez la lution est favorable en 7 à 10 jours. Mais
plupart des enfants, le nez ne coule que de loin les principales complications sont les otites
en loin. En revanche, chez 20 % de ceux placés moyennes aiguës et l’otite séromuqueuse (cf.
en crèche, les rhinopharyngites sont bruyantes, chapitre 5). Elles surviennent quand la rhinor-
fébriles et récidivantes. Une fragilité familiale rhée claire devient purulente et verdâtre. On
peut parfois être invoquée (antécédents d’otites peut regretter la suppression par l’Agence du
à répétition, de bronchites et d’asthme chez les médicament des pulvérisations nasales conte-
parents). Surtout, au sein de ces collectivités nant un aminoside et un corticoïde. Après
d’enfants, existent des « baby clouds » indemnes aspiration des sécrétions au mouche-bébé, elles
mais contaminant les plus fragiles. Enfin, plus permettaient une désinfection rhinopharyngée
tard, en hiver, dans les piscines publiques fer- efficace (DRP). Maintenant, les parents sont
mées où on envoie tous les élèves, même ceux priés de laver frénétiquement, au sérum physio-
enrhumés, il règne un air chaud et humide, logique, ce pus qui est envoyé en arrière, vers la
véritable bouillon de cultures multipliant les trompe d’Eustache. Les otites ne sont pas près
contaminations. de disparaître.

Figure 11.4. Hypertrophie de l’amygdale pharyngée.


A. Coupe sagittale du cavum ou rhinopharynx. B. Végétations adénoïdes vues à l’optique passée par la fosse nasale droite.
A. Sauvage J.-P., Bessède J.-P. Révisions accélérées en ORL. Paris : Maloine, 1987, p. 141 (figure 42).

d’hypertrophie de l’amygdale pharyngée et entre le voile du palais et la paroi postérieure. Plus


l’indication d’une adénoïdectomie reposent sur souvent qu’on ne le penserait, l’enfant est assez
l’association à des symptômes auditifs : tympans docile pour accepter une rhinoscopie postérieure
rétractés, surdité ou otite séromuqueuse. au miroir montrant le paquet de végétation. La
D’autres signes complètent le tableau : fibroscopie nasopharyngée est en revanche très
• obstruction nasale permanente, y compris l’été, mal acceptée, mais peut s’avérer nécessaire en cas
l’enfant respire la bouche ouverte ; de suspicion de récidive après une première inter-
• rhinorrhée postérieure mucopurulente visible à vention effectuée avant l’âge de 2 ans.
l’examen de l’oropharynx, entraînant laryngites La radiographie de profil du cavum ne donne pas
et laryngo-trachéo-bronchites à répétition. de renseignement fiable car elle n’est jamais exécu-
L’examen de l’oropharynx confirme le diagnos- tée correctement : en inspiration, sur un enfant stric-
tic en montrant la présence d’un espace élargi tement immobile, avec des rayons de faible énergie.
200 ORL thématique

L’adénoïdectomie est réalisée sous anesthésie Hypertrophie des amygdales palatines


générale. Son objectif n’est pas de diminuer la À partir de 4-5 ans, c’est l’âge des angines à répéti-
répétition des rhinopharyngites aiguës qui sont tion et de leurs complications streptococciques : rhu-
d’origine virale, mais de prévenir les complica- matisme articulaire aigu et glomérulonéphrite aiguë,
tions auriculaires et trachéo-bronchiques. Il existe très rares actuellement en France (encadré 11.3).
des contre-indications : division palatine patente L’indication de l’amygdalectomie est proposée
ou sous-muqueuse, luette bifide et voile court. Le quand l’enfant a fait plus de quatre angines
risque est de provoquer un nasonnement post- dans l’année précédente. Ce sont des angines
opératoire (rhinolalie ouverte).

Encadré 11.3

Angines
La plupart des angines sont d’origine virale, peu à une agranulocytose, à une primo-infection
fébriles et associées à une rhinite et à de la toux. par le VIH.
L’odynophagie aggravée par la déglutition évo- Les angines nécessitant un traitement antibio-
lue spontanément favorablement en 3-4 jours. tique (amoxicilline) sont celles dont le test de
Un même germe peut donner plusieurs aspects diagnostic rapide (TDR) est positif. Ce test,
cliniques. La classification reste donc anatomo- systématique après l’âge de 3 ans, détecte la
clinique. présence de streptocoque bêta-hémolytique du
• Angines érythémateuses et érythémato-pulta- groupe A (SGA), responsable de la scarlatine, de
cées (80 à 90 % des cas). la glomérulonéphrite aiguë et surtout du rhuma-
• Angines pseudo-membraneuses faisant sus- tisme articulaire aigu (RAA) pouvant laisser des
pecter une mononucléose infectieuse ou une séquelles cardiaques valvulaires. L’antibiothéra-
diphtérie (restant possible en Algérie en Afrique pie pour prévenir le RAA est efficace jusqu’au
et dans les pays de l’ex-Union soviétique). 9e jour. On peut attendre avec du paracétamol et
• Angines vésiculeuses, toujours d’origine des boissons abondantes pour faire saliver.
virale : gingivo-stomatite herpétique et her- Chez l’adulte, un score de Mac-Isaac ≤ 2 per-
pangine. Le zona pharyngien et buccal est met de ne pas faire de TDR et de ne pas pres-
caractéristique par sa topographie unilatérale. crire d’antibiotiques (score calculé de la façon
• Angines ulcéreuses unilatérales recouvertes suivante : fièvre > 38 °C = 1 ; absence de toux
d’un enduit blanchâtre : angine de Vincent à = 1 ; adénopathies cervicales sensibles = 1 ;
anaérobies. En cas d’ulcérations nécrotiques augmentation du volume des amygdales ou
et hémorragiques, penser à la leucémie aiguë, présence d’exsudats = 1 ; âge > 44 ans = -1).

Angines.
A : à fausses membranes de la mononucléose infectieuse. Sont associées : une asthénie importante, des
adénopathies diffuses, une hépatomégalie, une éruption cutanée. B. Ulcération d’une angine de Vincent.
Chapitre 11. Infections pharyngées et péripharyngées 201

des cornets permet au moins à cet enfant ou


à cet adolescent de respirer un peu par le nez.
Attention chez le jeune garçon à ne pas manquer
le diagnostic de fibrome nasopharyngien.

Formes de l’adulte
Il y a des écoulements postérieurs. Le patient dit :
« Je ne mouche pas ». Un simple courant d’air
déclenche une pharyngite ou une angine avec
Figure 11.5. Angine érythémateuse sur amygdalite
des poussées fébriles à 40 °C. La gorge est irritée
cryptique. en permanence avec sensations de « peaux qu’on
n’arrive pas à décrocher », il y a des raclements
érythémateuses ou érythémato-pultacées hémorragiques, surtout le matin au réveil. Les
s’accompagnant d’adénites cervicales (fig. 11.5). oreilles bourdonnent et les épisodes de dysphonie
Dans l’intervalle de deux accidents pharyngés, se multiplient. Toute cette symptomatologie est
la persistance d’adénites et de cryptes amygda- liée aux conséquences de l’inflammation pha-
liennes infectées (exsudats) est un bon argument ryngée muqueuse chronique. Ici encore, l’âge et
pour l’indication opératoire. les antécédents constituent d’importants repères
En l’absence d’angines, l’amygdalectomie est (vidéo 11.2 ).
justifiée en cas d’hypertrophie obstructive se
manifestant par des troubles du sommeil (apnées, Adolescent et adulte jeune
énurésie, agitation) et un défaut de concentration
diurne. L’adolescence est brutalement marquée par un
En cas de tuméfaction unilatérale de l’amygdale retour de la pathologie amygdalienne, généra-
palatine, rapidement évolutive, une amygdalec- lement au moment d’un changement de milieu
tomie unilatérale à visée diagnostique peut être antigénique : internat, métier exercé dans le froid,
proposée (lymphome). sorties nocturnes arrosées, et autrefois service
militaire. Le patient fait des angines bactériennes
Quatrième étape : après 7 ans à chaque refroidissement. Les amygdales palatines
restent très grosses, anfractueuses et infectées,
L’évolution déjoue les pronostics et le nez reste laissant sourdre du pus à la pression des cryptes.
bouché, les accès fébriles persistent. La pathologie C’est l’âge du phlegmon d’amygdale (cf. infra).
se localise aux fosses nasales et aux sinus maxil- Parfois, un contexte de rhinite spasmodique
laires qui sont maintenant bien développés. associée attire l’attention sur une origine aller-
Le tableau typique de la rhinosinusite chronique gique. Il apparaît des poussées de rhinorrhée
de l’enfant comporte une obstruction nasale quasi séreuse claire, d’obstruction nasale et d’éternue-
permanente avec rhinorrhée séreuse chronique. ment en période pollinique, à une date fixe suivant
À la rhinoscopie, il existe une hyperplasie de la l’allergène en cause. Il faut faire noter ces dates
muqueuse avec cornets inférieurs hypertrophiés pour anticiper un traitement antihistaminique à
œdémateux pâles et violacés, obstruant toute la débuter une quinzaine de jours auparavant.
fosse nasale. Les clichés radiologiques en inci- Quant aux ulcérations unilatérales taillées à
dence de Blondeau donnent l’aspect caractéris- pic de l’angine de Vincent, elles évoquent l’asso-
tique « en cadre ». ciation fuso-spirillaire classique. Une mauvaise
Une enquête allergologique soigneuse doit être hygiène dentaire est habituellement la cause de
entreprise : interrogatoire, dosage des IgE, test ces ulcérations amygdaliennes à anaérobies (cf.
de provocation nasale. Une réduction chirurgicale encadré 11.3, fig. B).
202 ORL thématique

Après 35 ans sont les adénites cervicales aiguës, les phlegmons


péri-amygdaliens, les infections péripharyngées
Les angines disparaissent le plus souvent à partir localisées et les cellulites suppurées ou non.
de cet âge par atrophie du tissu lymphoïde. La prise d’anti-inflammatoires non stéroïdiens
Ailleurs, chez un patient sans antécédents, une (AINS) ou stéroïdiens a été évoquée comme
hypertrophie et une inflammation chronique de facteur de risque, mais les études cliniques ne sont
toutes les muqueuses des voies aérodigestives pas concordantes. Si ces complications sont rares,
supérieures apparaissent, sans intéresser plus parti- elles peuvent engager le pronostic vital lorsque
culièrement les loges amygdaliennes. La cause la surviennent une médiastinite ou une thrombose
plus fréquente est le développement d’une intoxi- de la veine jugulaire interne avec emboles sep-
cation alcoolo-tabagique. D’autres manifestations tiques. Les signes d’alerte doivent donc être
d’ordre métabolique s’y associent : intoxication connus (encadré 11.4).
aux hydrates de carbone avec obésité, diabète L’examen clinique exige quelques précautions.
gras, hyperuricémie. Sur un tel terrain, le dépis- En cas de tuméfaction endopharyngée, l’usage
tage des cancers est une préoccupation constante. de l’abaisse-langue doit se faire délicatement, en

Encadré 11.4
Après 50 ans
Signes de complication après une
Certains sujets, jusque-là sans problèmes ORL, angine évoluant depuis plusieurs
voient apparaître les manifestations de l’atrophie jours
muqueuse. Chez la femme, elle est généralement • Symptômes pharyngés bilatéraux devenant
post-ménopausique : sensations de sécheresse unilatéraux.
nasale ou pharyngée avec croûtes nasales nau- • Trismus traduisant l’atteinte inflammatoire
séabondes et rhinorrhée postérieure paradoxale. des muscles masticateurs, faisant évoquer un
Seuls les soins locaux en station thermale appor- phlegmon péri-amygdalien ou une infection
tent quelque soulagement à ces malades. préstylienne (diagnostic différentiel : accident
Mais l’adulte est aussi souvent victime des mani- de la dent de sagesse et tétanos).
festations de l’angoisse induisant des dysesthésies • Torticolis récent peu douloureux avec
dépourvues de substratum clinique évocateur. On inclinaison latérale du cou, rotation de la tête
et regard positionné vers le haut, traduisant
parle de globus hystericus pour les dysesthésies
l’atteinte inflammatoire du fascia cervical
du carrefour pharyngo-laryngo-trachéal, de pares- prévertébral, rencontré dans les adénites
thésies pharyngées pour les sensations siégeant au rétropharyngiennes et rétrostyliennes (diag-
niveau de 1’oropharynx et de la base de langue, nostic différentiel : torticolis post-trauma-
et de glossodynie pour les sensations situées sur la tique, spondylodiscite cervicale).
langue. Encore faut-il s’assurer par une surveillance • Tuméfaction cervicale unilatérale haut
minimale que ces symptômes ne correspondent située, déjetant le lobule de l’oreille et
pas à une pathologie carcinologique, notamment comblant l’espace rétromandibulaire, tradui-
chez l’alcoolo-tabagique, et le diagnostic de pares- sant une parotidite souvent associée à une
thésies pharyngées ne peut être affirmé qu’après sous-maxillite évoquant une infection présty-
lienne.
un examen ORL soigneux et répété.
• Tuméfaction cervicale unilatérale sous-
parotidienne, témoignant d’une adénite
rétrostylienne dont on ne palpe que le pôle
Complications locorégionales inférieur.
des pharyngites • Tuméfaction cervicale unilatérale située à la
partie moyenne du cou : adénite jugulo-caro-
tidienne dont on peut distinctement sentir le
Les complications cervicales infectieuses bacté- pôle supérieur.
riennes des pharyngites de l’adulte et de l’enfant
Chapitre 11. Infections pharyngées et péripharyngées 203

surveillant la ventilation et l’état de vigilance du se continue vers le bas avec l’espace rétrovis-
patient. Chez l’enfant, cet examen peut décom- céral puis dans le médiastin supérieur jusqu’à la
penser l’état respiratoire. Il faut disposer d’une bifurcation trachéale ;
aspiration, car un contact appuyé de l’abaisse- • Latéralement, se trouvent deux espaces. L’un,
langue contre la paroi pharyngée risque d’entraî- antérieur, est para-amygdalien, ou préstylien ;
ner la fistulisation d’un abcès péripharyngé avec l’autre, postérieur, est sous-parotidien pos-
risque de pneumopathie d’inhalation. térieur ou rétrostylien. Ils sont séparés l’un
de l’autre par le rideau stylien qui comporte
des muscles et des aponévroses tendues depuis
Anatomie l’apophyse styloïde jusque vers le pharynx et
l’os hyoïde :
L’espace péripharyngé entoure le pharynx comme – l’espace préstylien, situé en dedans de la
un fer à cheval ouvert en avant. Il est cloisonné en loge parotidienne et en dehors de la région
trois parties (fig. 11.6) : amygdalienne, s’ouvre en bas vers la région
• l’une, postérieure médiane, est l’espace rétro- sous-maxillaire. Il ne contient que de la
pharyngé, limité en avant par la paroi pos- graisse facile à identifier à la TDM par une
térieure du pharynx, en arrière par l’aponévrose opacité triangulaire,
prévertébrale, et latéralement, classiquement, – l’espace rétrostylien ou sous-parotidien
par les lames de Charpy. L’espace rétropharyngé postérieur est situé en arrière de la région
contient des ganglions lymphatiques qui régres- parotidienne sous la partie haute du muscle
sent vers 7 à 8 ans. L’espace rétropharyngé sterno-cléido-mastoïdien. Il contient les gros

Figure 11.6. Espaces péripharyngiens céphaliques et leurs suppurations : coupe horizontale.


1 : aponévrose péripharyngienne ; 2 : aponévrose prévertébrale ; 3 : muscle masséter ; 4 : amygdale palatine ; 5 :
rideau stylien ; 6 : muscle digastrique ; 7 : lame de Charpy (inconstante) ; 8 : paquet jugulo-carotidien, sympathique et
nerfs crâniens (X, XI, XII) ; 9 : muscle ptérygoïdien interne ; A : espace péri-amygdalien (phlegmon péri-amygdalien) ;
B : espace rétropharyngien (adénophlegmon rétropharyngien) ; C : espace préstylien ou sous-parotidien antérieur
(phlegmon préstylien) communicant avec l’espace mandibulaire ; D : espace rétrostylien ou sous-parotidien postérieur
(adénophlegmon rétrostylien) ; E : parotide.
D’après : Lemariey A. Oto-rhino-laryngologie infantile. Paris : Masson, 1956.
204 ORL thématique

vaisseaux du cou, carotide interne et jugulaire • médialement, dans le cas d’une parotidite ;
interne, et les nerfs qui les accompagnent, • antérieurement, dans le cas d’une atteinte de
le glosso-pharyngien, le pneumogastrique, l’espace rétrostylien (espace carotidien des
le grand hypoglosse et, à sa partie toute radiologues) ;
supérieure, le spinal. L’espace rétrostylien • postérieurement, dans le cas d’une atteinte
se continue directement vers le bas avec la inflammatoire du muscle ptérygoïdien interne
région jugulo-carotidienne. d’origine dentaire.
Les atteintes de l’espace rétropharyngé sont
Diagnostic topographique localisées en arrière du pharynx et en dedans
radiologique de la carotide interne. Les espaces rétropha-
ryngé et rétrostylien sont en étroite continuité
Le diagnostic topographique radiologique se fait anatomique. Pour décider d’une voie d’abord
par rapport à la graisse préstylienne (fig. 11.7). de drainage endobuccale ou par cervicotomie,
Si un drainage chirurgical est décidé, il faut aussi il faut repérer la position d’un abcès rétro-
localiser le paquet jugulo-carotidien (cf. infra). pharyngé et/ou rétrostylien par rapport à la
L’acquisition TDM est réalisée d’emblée avec carotide interne.
un produit de contraste. Elle doit inclure la
base du crâne et descendre jusqu’au médiastin Étage sous-hyoïdien
inférieur. Avant 3 ans, une sédation profonde ou
Les collections sont recherchées en avant dans
une anesthésie générale sont nécessaires.
l’espace viscéral autour de la thyroïde et de l’axe
laryngo-trachéal, et en arrière dans l’espace rétro-
Étage sus-hyoïdien
pharyngé puis rétro-œsophagien. Toute anomalie
En cas de disparition de la clarté graisseuse, il péripharyngée doit systématiquement conduire à
s’agit d’une atteinte de l’espace préstylien (espace explorer l’étage médiastinal.
parapharyngé des radiologues). L’injection de produit de contraste distingue
Si la clarté graisseuse est encore visible, il les différents types d’atteinte par une prise de
faut apprécier la direction dans laquelle elle est contraste modérée et mal limitée. La cellulite
déplacée : infiltre les tissus graisseux. La fasciite épaissit les
• latéralement, dans le cas d’un phlegmon péri- aponévroses. La myosite infiltre les muscles. Une
amygdalien ; collection se manifeste par une zone délimitée

Figure 11.7. Graisse préstylienne et ses déformations.


A. Coupe horizontale TDM au niveau de l’amygdale palatine. Hypodensité normale de la graisse préstylienne (astérisque
pour le côté gauche). B. Refoulement de la graisse préstylienne (en jaune). 1 : latéralement par un abcès péri-amygdalien ;
2 : vers l’avant par un phlegmon rétrostylien ; 3 : vers l’arrière par un abcès dentaire impliquant le ptérygoïdien médial ; 4 :
médialement par une parotidite. Disparition du signal de la graisse en cas de collection préstylienne.
Chapitre 11. Infections pharyngées et péripharyngées 205

hypodense, avec prise de contraste périphérique du chat, immunodépression, maladies de système,


intense en couronne. Toutefois, chez l’enfant, maladie de Kawasaki, maladie de Still, etc.
dans les adénites rétropharyngées ou rétrosty- L’échographie est préférable à la tomodensito-
liennes, cet aspect est moins spécifique d’une métrie, mais ni l’une ni l’autre ne sont totalement
collection. fiables pour distinguer une collection d’un état
inflammatoire présuppuratif.
L’antibiothérapie orale de première intention
Formes cliniques repose sur l’association amoxicilline-acide clavu-
lanique. En cas d’allergie aux β-lactamines, les
Adénite aiguë bactérienne
alternatives possibles par voie orale sont les syner-
Chez un enfant de 1 à 4 ans, l’adénite aiguë gistines (pristinamycine), non autorisées avant
bactérienne commence par de la fièvre et des l’âge de 6 ans, ou la clindamycine avec ou sans
cervicalgies. On palpe une adénopathie cervi- métronidazole. En l’absence d’amélioration après
cale jugulo-digastrique de grande taille dépas- 48 à 72 heures, une hospitalisation est nécessaire.
sant 20 mm de diamètre, apparue dans les deux En cas de suspicion de collection, une ponction
semaines précédentes (fig. 11.8). Au stade initial aspirative avec prélèvement bactériologique est
présuppuratif de crudité, l’inflammation cutanée réalisée, en s’aidant éventuellement d’un guidage
est limitée. Secondairement, l’adénopathie se échographique. Cette ponction peut être répétée
ramollit, devient fluctuante, ce qui correspond à la en cas de récidive de la collection.
présence d‘une nécrose purulente en son centre.
L’inflammation s’étend aux tissus de voisinage
(adénophlegmon), passant du stade collecté au Phlegmon péri-amygdalien
stade de fistulisation à la peau. Même si la pharyn- C’est une collection péri-amygdalienne et non
gite est la cause la plus fréquente, il faut éliminer intra-amygdalienne. L’infection diffuse dans
d’autres étiologies : foyer infectieux dentaire, l’espace celluleux, séparant sa capsule du fascia
kyste congénital, tuberculose, maladie des griffes bucco-pharyngien (aponévrose péripharyngée).
La diffusion de l’inflammation aux muscles ptéry-
goïdiens explique le trismus.
Dans la plupart des cas, le phlegmon péri-
amygdalien fait suite à une angine évoluant
depuis plusieurs jours. Les douleurs, qui étaient
initialement bilatérales, se latéralisent tandis
qu’apparaît une hypersalivation. L’odynophagie
localisée d’un seul côté s’exacerbe à chaque
déglutition. Le malade soufre avec des traits tirés
et une voix sourde, nasonnée, dite de patate
chaude. L’examen est difficile car il y a déjà une
ébauche de trismus. On découvre une tuméfac-
tion unilatérale rouge vif et vernissée, occupant
tout le pilier antérieur et recouvrant l’amygdale
qu’on ne voit plus. La luette a quadruplé de
volume et a pris un aspect œdémateux en battant
de cloche.
L’association de ces trois signes (œdème de la
luette, élargissement du pilier antérieur et tris-
mus) commande la ponction suivie d’incision en
Figure 11.8. Adénite cervicale aiguë après une angine plein centre de la voussure, c’est-à-dire à 1 cm en
banale. haut et en dedans de la dent de sagesse inférieure
206 ORL thématique

Figure 11.9. Phlegmon péri-amygdalien gauche.


A. Vue limitée par le trismus. B. Schématisation.
B. Sauvage J.-P., Bessède J.-P., Révisions accélérées en ORL, Paris : Maloine, 1987, p. 145 (figure 43).

rare, sans trismus, transformant le pilier postérieur


en bourrelet vertical, blanchâtre et œdématié.
Les phlegmons péri-amygdaliens récidivent
dans 10 à 20 % des cas. C’est alors une indication
à l’amygdalectomie. Elle peut s’effectuer à chaud,
en même temps que l’évacuation de la collection,
ou à froid, à distance de l’épisode infectieux
initial. Plusieurs arguments plaident en faveur de
l’amygdalectomie à chaud. Elle serait efficace dans
100 % des cas et non associée à une majoration du
risque hémorragique.

Adénites rétropharyngées
et rétrostyliennes
Figure 11.10. Vue TDM d’un phlegmon péri-amygdalien
Elles s’observent le plus souvent chez l’enfant, car
gauche collecté.
Flèche rouge : collection. Flèche blanche : luette ces ganglions régressent habituellement vers l’âge
œdématiée. Astérisque blanc : graisse préstylienne de 7 ans. Les rhinopharyngites sont plus souvent
refoulée latéralement. en cause que les angines. Comme pour toute
adénite, leur histoire naturelle passe par les stades
(fig. 11.9). La TDM n’est pas indispensable au d’adénophlegmon présuppuratif puis collecté.
début (fig. 11.10). Cette ponction confirme la Tantôt ces adénopathies appartiennent au
présence d’une collection purulente et élimine groupe rétropharyngé paramédian (fig. 11.11),
l’existence d’un pseudo-anévrysme de la carotide entraînant un bombement antérieur de la paroi
qui peut mimer un phlegmon péri-amygdalien. pharyngée postérieure, tantôt elles sont rétrosty-
Une incision-drainage peut être pratiquée ensuite. liennes, provoquant un bombement souvent dis-
L’antibiotique en première intention est encore cret situé en arrière du pilier postérieur ainsi
l’association amoxiciline-acide clavulanique. qu’un empâtement cervical de la région sous-
L’imagerie est habituellement inutile. parotidienne. Que la localisation soit rétropharyn-
On distingue le phlegmon antérieur, où le gée ou rétrostylienne, l’inflammation de la lame
bombement prédomine au pôle supérieur du prévertébrale du fascia cervical est responsable
pilier antérieur, et le phlegmon postérieur, plus d’un torticolis (fig. 11.12 et 11.13).
Chapitre 11. Infections pharyngées et péripharyngées 207

Figure 11.11. Collection purulente rétropharyngée postérieure.


A. TDM montrant la collection (astérisque blanc) refoulant la graisse préstylienne en avant (flèche rouge). Les vaisseaux
jugulo-carotidiens sont en dehors, permettant une voie d’abord endobuccale. B. Vue opératoire avec écarteur de
Boyle-Davis. La collection purulente fait bomber la paroi postérieure de l’oropharynx et refoule l’amygdale palatine en avant.

Figure 11.12. Phlegmon de l’espace rétrostylien gauche.


A. Torticolis peu douloureux avec inclinaison latérale du cou, rotation de la tête et regard positionné vers le haut.
B. Bombement de la collection en arrière de la loge amygdalienne gauche (flèche).

Dans les formes évoluées, ces adénites s’éten- respiratoire, mais limités à une dose unique. Quand
dent aux deux territoires rétropharyngé et rétro- le diamètre des lésions radiologiques est inférieur
stylien. En revanche, du fait de l’existence d’une à 1,5 cm, un traitement médical exclusif peut être
coque (capsule ganglionnaire ou coque d’abcès) tenté, même si le scanner montre une hypoden-
freinant leur extension, elles ne s’étendent habi- sité centrale cernée par un halo rehaussé par le
tuellement pas au-delà de ces deux espaces. contraste. En cas d’échec ou de taille supérieure à
Notons enfin que ces adénites sont habituelle- 2 cm, le drainage chirurgical est indiqué. Il se fait
ment médianes par rapport aux gros vaisseaux du par voie endobuccale, à condition que l’infection
cou, ce qui a des répercussions sur le choix de la voie soit située en dedans de la carotide interne sur
d’abord en cas de drainage chirurgical (cf. infra). l’imagerie ; sinon, il se fait par voie externe.
La prise en charge médicale ne doit pas uti- La principale complication d’un adénophleg-
liser d’antalgiques dépresseurs respiratoires. Les mon rétrostylien est la survenue d’un pseudo-
corticoïdes sont prescrits en cas d’obstruction anévrysme mycotique carotidien, annoncé par la
208 ORL thématique

(fig. 11.14, 11.15, 11.16 et 11.17). À partir de


l’amygdale ou du tissu celluleux péri-amygdalien,
l’infection traverse le fascia bucco-pharyngien et
atteint l’espace cellulo-graisseux préstylien. Ce
tissu étant propice à la liquéfaction purulente,
les infections préstyliennes sont plus souvent des
abcès que des phlegmons. Cet abcès fait bomber
toute la paroi pharyngée en déjetant l’amygdale
en dedans. Il existe fréquemment un trismus.
À la différence du phlegmon péri-amygdalien,
l’amygdale reste très visible car elle est refoulée
en dedans. Le processus infectieux peut rester
circonscrit ou s’étendre rapidement à différents
espaces, en commençant par une tuméfaction
latéro-cervicale haute mal limitée sous-mandibu-
Figure 11.13. TDM du phlegmon rétrostylien de la laire et parotidienne.
figure 11.12.
Dans la plupart des cas, un drainage chirurgical
Astérisque : graisse préstylienne refoulée en avant.
est indiqué d’emblée. La technique consiste en
une amygdalectomie à chaud, éventuellement
survenue d’un signe de Claude Bernard-Horner complétée par un abord externe sous-mandibu-
témoignant de l’atteinte du sympathique périca- laire.
rotidien (cf. Partie 2, fiche « Paralysie des nerfs
crâniens »). Le traitement est radiologique inter- Cellulites cervicales profondes
ventionnel. La morbidité reste très élevée, même Devant une pharyngite, une cellulite cervicale
si l’interruption du flux de la carotide interne est profonde doit être soupçonnée devant l’enrichis-
mieux tolérée chez l’enfant du fait d’un polygone sement rapide du tableau clinique évoluant dans
de Willis plus efficace que chez l’adulte. le cadre d’un syndrome septique sévère. L’examen
montre l’atteinte de plusieurs espaces : trismus,
Infections préstyliennes torticolis et limitation des mouvements latéraux
Chez l’adolescent et l’adulte, la plupart des du cou. Des zones phlegmoneuses coexistent avec
infections péripharyngées sont préstyliennes des zones abcédées. L’inspection recherche une

Figure 11.14. Phlegmon préstylien gauche chez un patient de 72 ans.


A. Tuméfaction sous-mandibulaire gauche. B. Amygdale palatine refoulée en dedans.
Figure 11.15. TDM du patient de la figure 11.14.
A. Coupe horizontale au niveau de l’amygdale palatine avec disparition de la graisse préstylienne gauche. B. Coupe
horizontale au niveau de l’angle de la mandibule avec extension à la loge sous-mandibulaire. Évacuation par voie
endobuccale et abord sous-mandibulaire.

Figure 11.16. TDM d’un abcès préstylien droit chez un enfant âgé de 5 ans.
A. Refoulement de l’amygdale palatine en dedans. B. TDM : abcès avec disparition de la graisse préstylienne droite.
Évacuation par amygdalectomie.

Figure 11.17. Diagnostic différentiel des phlegmons parapharyngés.


A. TDM d’un phlegmon péri-amygdalien postérieur repoussant la graisse préstylienne en dehors et en avant. B. Abcès
dentaire refoulant la graisse préstylienne en arrière et en dedans.
210 ORL thématique

tuméfaction cervicale. La palpation peut détecter pourcentage d’entre elles est sécréteur de bêta-
une crépitation sous-cutanée témoignant d’une lactamases. La flore pathogène est le plus souvent
production de gaz par les germes impliqués. Le plurimicrobienne, ce qui représente un facteur de
déterminisme par lequel certains individus sont virulence accru.
prédisposés au risque de développement d’une
cellulite reste à élucider. Des patients infectés avec
la même souche bactérienne peuvent développer `` Compléments en ligne
des manifestations très différentes. Ces différences
peuvent s’expliquer par une réponse variable de Des compléments numériques sont associés à ce
l’hôte à certains facteurs de virulence des bac- chapitre, ils sont indiqués dans le texte par un
téries, comme s’il existait une susceptibilité du picto . Ils proposent les vidéos du chapitre.
patient à l’infection. Pour voir une vidéo, scannez le flashcode corres-
Les cellulites cervicales profondes engagent le pondant à l’aide de votre smartphone ou de votre
pronostic vital, soit du fait de la sévérité de tablette, ou connectez-vous sur http://www.em-
l’atteinte générale (infection sévère, choc sep- consulte.com/e-complements/474503 et suivez
tique, syndrome de défaillance multiviscérale), soit les instructions.
du fait de l’extension médiastinale du processus
infectieux : défaillance respiratoire par obstruction Vidéo e11.1. Caséum dans le récessus de Tortual.
des voies aériennes, médiastinite, pleurésie puru- Le patient se plaint d’odynophagie droite depuis de
lente, péricardite avec risque de tamponnade. nombreuses années. La pression sur l’amygdale palatine
droite au niveau du récessus de Tortual fait sourdre une
La prise en charge de ces patients nécessite la importante quantité de caséum, et même si importante
réunion en urgence d’une équipe multidiscipli- qu’on peut se demander s’il ne s’agit pas de l’orifice
naire. Le traitement médical associe les mesures interne d’une fistule de la 2e fente borgne, c’est-à-dire
de réanimation générale à une antibiothérapie, à sans orifice cutané cervical.
posologie élevée. Le traitement chirurgical doit
être précoce, répété et radical pour contrôler
l’extension de l’infection. Son objectif est de
laver et de drainer les espaces concernés. Le choix
des incisions tient compte des espaces cervicaux
atteints : incision oblique suivant le bord anté-
rieur du muscle sterno-cléido-mastoïdien, voire Vidéo e11.2. Amygdalite chronique.
Patiente d’une trentaine d’années, handicapée par des
incision en U bimastoïdienne. maux de gorge à répétition. L’examen de l’oropharynx
montre des amygdales palatines enchatonnées avec
cryptes remplies de caséum blanchâtre. Il n’y a aucun
Bactériologie antécédent de phlegmon péri-amygdalien. On refuse
l’amygdalectomie en raison de la présence d’un ptyalisme
Pour les adénites cervicales suppurées, les germes (sialorrhée ou hypersialie) s’observant dans les névroses,
la grossesse, les aphtoses, la myasthénie et des
en cause sont Staphylococcus aureus et Streptococ- intoxications diverses (mercure).
cus pyogenes. Mais souvent, aucun germe n’est
retrouvé. Les bactéries impliquées dans les phleg-
mons péri-amygdaliens, les infections péripharyn-
gées et les cellulites cervicales ont pour origine la
flore commensale oro- et nasopharyngée. Un fort
Chapitre 12
Urgences : hémorragies,
dyspnées laryngées, corps
étrangers, brûlures caustiques
pharyngo-œsophagiennes
Points forts j À la radio pulmonaire, les corps étrangers
j La plupart des épistaxis à répétition de l’enfant trachéo-bronchiques de l’enfant sont situés du côté
sont en rapport avec une hyperhémie de la tache le plus clair (emphysème par trapping aérien).
vasculaire et sont traitées par cautérisation. j Dans les brûlures caustiques de
j Chez le jeune garçon présentant des l’œsophage, une œsophagoscopie doit
épistaxis à répétition avec obstruction nasale, être réalisée dans les 48 heures.
penser au fibrome nasopharyngien.
j Chez l’adulte, il faut évaluer la gravité de Les urgences ORL représentent de vraies détresses
l’épistaxis sur sa durée (plusieurs jours), vitales. Les gestes utiles sont souvent considérés
sur l’existence d’une hypovolémie, d’une comme violents et dramatiques : tamponnement
anémie aiguë et sur les antécédents (risque
pour épistaxis, intubation difficile, trachéotomie à
mortel en cas de coronaropathie).
j Une TDM, voire une IRM, doivent être
la volée, ablation des corps étrangers.
demandées en urgence dans les épistaxis
secondaires à un traumatisme crânien ou Hémorragies
associées à une exophtalmie pour rechercher
une fistule carotido-caverneuse.
j Dans les épistaxis, l’escalade thérapeutique La vascularisation cervico-faciale est assurée par le
comporte un tamponnement antérieur, puis des système carotidien externe qui est connecté au sys-
sondes à double ballonnet, puis des ligatures de tème carotidien interne par l’artère ophtalmique. Les
l’artère sphéno-palatine et des artères ethmoïdales. hémorragies ORL ne sont pas toujours extériorisées.
L’embolisation ne peut être utilisée que pour Elles sont aussi souvent dégluties et sous-estimées.
l’artère sphéno-palatine et pas pour les artères Chez un patient en décubitus dorsal, seul l’examen
ethmoïdales qui dépendent de la carotide interne. de l’oropharynx peut surveiller la persistance ou
j Une épistaxis chez un menuisier doit faire penser
l’arrêt de l’hémorragie. Enfin, certaines techniques
aux adénocarcinomes de l’ethmoïde professionnels.
j La maladie de Rendu-Osler est une maladie opératoires ORL reposent sur l’hémostase sponta-
génétique à caractère dominant, caractérisée née : amygdalectomie, adénoïdectomie et chirurgie
par des télangiectasies nasales commençant endoscopique des sinus. La chirurgie ambulatoire
à saigner à partir de 20 à 30 ans. dans ces conditions n’est pas exempte de risques.
j Une dyspnée laryngée est une bradypnée inspiratoire.
j La laryngite œdémateuse sous-glottique de l’enfant
se présente avec une dyspnée laryngée rapidement Épistaxis
progressive, un tirage, un cornage, une voix
rauque et une toux aboyante caractéristique. Le C’est l’urgence ORL la plus fréquente. Les
traitement repose sur la bétaméthasone injectable. hémorragies nasales atteindraient 5 à 10 % de la

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212 ORL thématique

population. Chez l’enfant, la plupart des épistaxis


sont bénignes, car elles sont en rapport avec une
ectasie de la tache vasculaire. Chez l’adulte, il y a
des formes sévères avec risque hémodynamique
majeur, notamment chez les personnes âgées.

Anatomie
La vascularisation des fosses nasales repose sur
les artères ethmoïdales (carotide interne) et les
branches de l’artère sphéno-palatine (carotide
externe). La tache vasculaire (de Kisselbach) est Figure 12.2. Tache vasculaire de Kisselbach (côté droit).
une zone située à la partie antéro-inférieure de la
cloison nasale. Elle est constituée d’anastomoses • l’épistaxis postérieure, où l’écoulement sanglant
de l’artère nasopalatine avec l’artère de la sous- se fait sur la paroi pharyngée postérieure en
cloison (artère faciale) et avec les branches de arrière du voile du palais. Il est surtout visible à
l’artère ethmoïdale antérieure (fig. 12.1). l’examen de l’oropharynx.
En fonction de l’abondance du saignement, on
Clinique distingue encore deux autres formes :
Chez un patient tête droite, en position assise, • l’épistaxis de faible abondance, mais pouvant
les hémorragies nasales se distinguent en deux devenir grave par sa répétition ;
variétés topographiques : • l’épistaxis de grande abondance, reconnue non
• l’épistaxis antérieure, où l’écoulement se fait pas tant sur une extériorisation impressionnante
par les narines. La rhinoscopie antérieure met que sur les signes d’examen :
en évidence la zone qui saigne : tache vasculaire – pâleur des téguments, décoloration des
de Kisselbach à la partie antéro-inférieure de la lèvres, anxiété, agitation, lipothymies,
cloison (fig. 12.2), convexité du cornet infé- – accélération du pouls, chute de la tension
rieur, ou encore plancher des fosses nasales ; artérielle,
– numération sanguine ou hématocrite témoi-
gnant de la spoliation sanguine,
– on profite des prélèvements sanguins pour
déterminer le groupe sanguin et évaluer la qua-
lité de la coagulation : taux de prothrombine
(TP) et taux de prothrombine normalisé (INR),
temps de céphaline activée (TCA), groupe Rhé-
sus, recherche d’agglutinines irrégulières (RAI).
Le facteur pronostic essentiel est l’ancienneté
de l’hémorragie : extériorisée depuis plusieurs
jours, sans compter le sang dégluti.

Diagnostic étiologique
II repose sur l’âge du sujet, sur l’interrogatoire et
Figure 12.1. Vascularisation des fosses nasales (septum). quelques examens complémentaires.
1 : artère ethmoïdale postérieure ; 2 : nerf nasopalatin ;
3 : artère nasopalatine ; 4 : vomer ; 5 : artère ethmoïdale Parfois, la cause est évidente
antérieure ; 6 : tache vasculaire ; 7 : artère de la • Traumatisme : il peut s’agir d’une simple contu-
sous-cloison ; 8 : arcade coronaire supérieure.
Dufour X., Lebreton J.-P., Gohler C., et al. Épistaxis. EMC, Paris
sion jusqu’à la fracture des os propres du nez.
(Elsevier Masson), ORL, 2010 : 1-7 [Article 20-310-A-10]. Une épistaxis qui s’éclaircit progressivement
Chapitre 12. Urgences 213

évoque la présence d’une rhinorrhée cérébro- Épistaxis symptomatique révélant


spinale secondaire à la fracture de la lame criblée une affection sous-jacente
de l’ethmoïde. L’IRM en apportera la preuve. Ce sont les sinusites subaiguës ou chroniques,
Il faut savoir aussi que le caractère retardé de les tumeurs bénignes et malignes du cavum,
l’hémorragie par rapport à l’accident fait sus- des fosses nasales et des sinus (hémangiome,
pecter une rupture de la carotide interne ou du hémangiopéricytome, adénocarcinome, etc. (cf.
sinus caverneux dans le sphénoïde. Il est même chapitres 3 et 10).
des cas où un anévrysme post-traumatique se Trois causes sont remarquables :
développe dans le sphénoïde, se révélant des • le fibrome nasopharyngien. C’est une tumeur
années après l’accident par une brusque rupture bénigne du garçon entre 8 et 18 ans, se
cataclysmique précédée de petites hémorragies développant dans le rhinopharynx. Les épistaxis
inexpliquées. L’association à une exophtalmie s’associent à une obstruction nasale progressive
pulsatile est évocatrice (demander un angios- (fig. 12.3) ; le diagnostic est affirmé par l’exis-
canner). tence d’une prise de contraste à l’angioscanner
• Chirurgie sur les fosses nasales : les hémorragies élargissant la fente sphénopalatine ;
secondaires ne sont pas rares (septoplasties, rhi- • la maladie de Rendu-Osler ou angiomatose
noplasties, et surtout chirurgie endoscopique hémorragique héréditaire. La transmission se
des sinus). fait sur le mode dominant, touchant les deux
sexes. Débutant dans le jeune âge par des épis-
Parfois, l’épistaxis est un épiphénomène
taxis, son évolution est marquée par l’appari-
d’une cause générale
tion de télangiectasies sur les muqueuses de
Poussée d’hypertension artérielle l’extrémité céphalique. Ce sont des dilatations
Il n’est pas certain qu’il s’agisse d’une cause sous-muqueuses de petits vaisseaux terminaux,
indépendante, l’anxiété seule pouvant générer surmontées à la surface de petites taches rubis.
une telle hyperpression. On en trouve au niveau de la pituitaire, de
la langue (fig. 12.4), de la lèvre inférieure et
Perturbations de l’hémostase de la peau. Sur la muqueuse nasale, elles ne
Le plus souvent, elle est rapport avec une prise sont pas protégées par un épithélium solide.
d’anticoagulants : Les hémorragies commencent à l’âge adulte et
• antivitamine K (Préviscan®, Sintrom®, etc.), s’accélèrent chez la femme après la ménopause.
salicylés (Kardégic®, etc.) ; Dans la famille, on retrouve des parents qui ont
• antiagrégants plaquettaires (Plavix®, etc.),
héparine de bas poids moléculaire (Lovenox®,
Innohep®, etc.).
Il peut aussi y avoir une maladie hématolo-
gique (thrombopathie, thrombopénie, anémies
syndromiques, hémophilie A ou B). Les per-
turbations primaires avec temps de coagulation
normal sont le purpura rhumatoïde, la typhoïde,
la rougeole, etc.
Dans la plupart des cas, la cause est locale
Épistaxis bénigne en rapport avec une hyperhémie
ou une ectasie de la tache vasculaire
Elle survient spontanément, après effort, grattage
ou exposition au soleil. La rhinoscopie antérieure
montre la rupture artériolaire siégeant typique- Figure 12.3. TDM d’un fibrome nasopharyngien chez un
ment juste en arrière du rebord narinaire. garçon de 12 ans.
214 ORL thématique

Prise en charge
Dans tous les cas, le premier geste est de faire
moucher les caillots. On est souvent impressionné
par leur taille. Ce geste suffit souvent à arrêter le
saignement (au moins provisoirement).

Formes bénignes
Elles cèdent le plus souvent à la compression de
l’aile du nez contre la cloison ou à la mise en
place d’un tamponnement vestibulaire à la partie
antérieure des fosses nasales (alginate de calcium
ou produit résorbable, cf. encadré 12.1). Après
anesthésie locale de contact, on pourra pratiquer
une cautérisation chimique (cf. partie 2, fiche
« Cautérisation de la tache vasculaire ») du point
qui saigne par application de nitrate d’argent, de
Figure 12.4. Télangiectasies de la maladie de Rendu-Osler.
solution d’acide chromique ou d’acide trichlora-
Sur la langue, la lèvre inférieure et le menton, elles sont cétique (fig. 12.5).
protégées par l’épaisseur de l’épithélium et ne saignent pas.
Formes moyennes et graves
(escalade thérapeutique)
reçu jusqu’à 200 ou 250 transfusions sanguines Mieux vaut hospitaliser le sujet pour placer un
au cours de leur vie. Le pronostic est aux loca- abord veineux de bon calibre et une surveillance
lisations pulmonaires, hépatiques et cérébrales ; de la volémie. Le traitement général vise à calmer
• l’artériosclérose explique le caractère récidivant l’anxiété du malade et à compenser le choc
de l’épistaxis chez les personnes âgées. Ce sont hémorragique. Le traitement local dépend de la
de micro-anévrysmes se développant sur les topographie du saignement.
branches muqueuses de l’artère sphéno-pala- • Le patient est en position assise ou demi-assise
tine, souvent dissimulés sous l’auvent du cornet (fig. 12.6). On commence par un tampon-
moyen. C’est presque toujours une hémorragie nement antérieur. Après avoir fait moucher
de grande abondance, souvent postérieure et les caillots, à l’aide d’une pince de Politzer,
précédée de céphalées. on introduit une longue mèche de coton

Figure 12.5. Cautérisation de la tache vasculaire gauche à l’acide chromique.


A. Avant. B. Après.
Chapitre 12. Urgences 215

Figure 12.6. Tamponnement antérieur.


A. Épistaxis antérieure. B. Faire moucher le patient. C. Placer le tamponnement de Merocel®.
Photo : Dr Stéphane Orsel. Service ORL, CHU Limoges.

hydrophile imbibée de Xylocaïne naphazoline® dégluti. En fonction des moyens dont on dis-
pour anesthésier la cavité nasale et entraîner une pose, il peut s’agir d’un tamponnement posté-
vasoconstriction réduisant l’hémorragie. On rieur ou nasopharyngien classique (cf. partie 2,
laisse la mèche en place pendant 10 minutes. fiche « Tamponnements choanal et nasopha-
Ensuite, on introduit le tamponnement avec la ryngien ») ou d’une coagulation de l’artère
pince de Politzer en restant dans un plan paral- sphéno-palatine par voie endoscopique :
lèle au plancher de la fosse nasale (cf. figure de – hémostase de l’artère sphéno-palatine :
l’encadré 12.1). Le tamponnement peut être la lame verticale du palatin est repérée en
constitué de mèche grasse, de mèche résor- regard de la queue du cornet moyen et la
bable, de mèche à base d’alginate de calcium. muqueuse est incisée verticalement. Le lam-
• En cas d’échec du tamponnement antérieur, on beau muqueux est décollé en sous-périosté
réalise un tamponnement antéro-postérieur jusqu’à la découverte du foramen sphéno-
avec une sonde à double ballonnet (fig. 12.7). palatin. Les branches de l’artère sphéno-pala-
Après anesthésie locale, la sonde lubrifiée avec tine sont repérées, puis coagulées ou clippées
de la glycérine est introduite en totalité dans la (fig. 12.8 et vidéo 12.1 ) ;
cavité nasale. Le ballonnet postérieur est gonflé – hémostase des artères ethmoïdales : on
en premier à l’aide de sérum physiologique. Puis pratique une incision cutanée verticale cur-
on le tire vers l’avant pour qu’il se bloque dans la viligne entre la racine du sourcil et le sillon
choane. On gonfle alors doucement le ballonnet para-latéro-nasal (canthotomie). Le périoste
antérieur pour obstruer complètement toute la est ruginé en respectant le ligament palpébral
fosse nasale et arrêter l’hémorragie. Le risque interne. L’artère ethmoïdale antérieure, située
d’escarres oblige à le dégonfler toutes les 6 heures à 2 cm du rebord orbitaire interne, est coagu-
et à ne pas le laisser en place plus de 36 heures. lée et/ou clippée. L’artère ethmoïdale pos-
• Après un temps d’observation, si l’examen de térieure est située 15 mm en arrière de l’artère
l’oropharynx confirme la persistance d’une ethmoïdale antérieure et à 5 mm en avant
hémorragie postérieure, il faut passer à un geste du canal du nerf optique. Compte tenu du
sous anesthésie générale. Il faut toutefois risque de cécité, mieux vaut se contenter d’un
accepter un risque élevé d’inhalation de sang tamponnement avec du matériel résorbable.
216 ORL thématique

Encadré 12.1

Matériaux pour le méchage des fosses nasales1


• Mèches grasses (non résorbables) constituées – Coalgan® : petite mèche facile à introduire
d’une bande de gaze de coton à 2 lisières, de par le patient lui-même ;
1 m de long et 2 cm de large enroulée sur du – Algostéril® : mèche à couper à la demande
papier cristal, et imprégnées d’un mélange gras. qu’il faut humidifier avec une solution de
• Merocel® (non résorbable) : éponge synthé- NaCl à 0,9 % avant de l’introduire et de la
tique de polyvinyle introduite sèche et comprimée tasser en accordéon dans la fosse nasale.
dans la fosse nasale, puis humidifiée avec du sérum • Surgicel® (résorbable en 7 à 14 jours) :
physiologique, ce qui permet son déploiement. compresses de cellulose végétale oxydée régé-
• Alginate de calcium (non résorbable), d’origine nérée. Produit similaire : Traumastem®.
végétale, libérant les ions calcium Ca++, facteur de • Bloxang® (résorbable en 2 à 3 jours) : éponge
coagulation commercialisé sous deux formes : de gélatine porcine.

Technique du méchage avec une mèche grasse.


A. Tamponnements antérieur et postérieur en place. B et C. La pince de Politzer est d’abord enfoncée parallèlement
au plancher des fosses nasales, puis parallèlement à l’arête nasale pour former un accordéon.
A. Dufour X., Lebreton J.-P., Gohler C., et al., Épistaxis, EMC – Oto-rhino-laryngologie, 2010 : 1-7 [Article 20-310-A-10]).

1D’après Huth J. Méchage des fosses nasales : actualités. La lettre d’ORL et de chirurgie cervico-faciale 2015 ;
340 : 25-26.

• Si l’épistaxis persiste ou récidive, l’artério- Terrains particuliers


graphie-embolisation du territoire carotidien • L’attitude vis-à-vis de la prise d’anticoagulant
externe est proposée. L’objectif est de déter- n’est pas univoque. Compte tenu de leur
miner l’artère responsable de l’hémorragie et longue durée d’action, ils peuvent être main-
de réaliser son embolisation (artères faciale, tenus si l’épistaxis est facilement contrôlée.
maxillaire et sphéno-palatine). En présence En revanche, ils doivent être définitivement
d’un blush dans la région des artères eth- suspendus lorsque leur indication n’est plus
moïdales, il faut compléter par une liga- d’actualité (phlébite ancienne). Enfin, dans
ture chirurgicale de l’artère ethmoïdale les cas d’indication formelle (valve cardiaque
antérieure. mécanique, embolie pulmonaire récente), un
Chapitre 12. Urgences 217

Figure 12.7. Mise en place d’une sonde à double ballonnet.


A. Lubrifier la sonde et préparer une seringue. B. Mettre en place la sonde, gonfler le ballonnet postérieur et tirer vers soi
pour bloquer le ballonnet postérieur dans la choane. C. Gonfler le ballonnet antérieur pour faire hémostase. D. Sonde en
place.

relais par héparinothérapie peut être proposé en Autres hémorragies


attendant que l’épistaxis soit contrôlée.
• Chez le leucémique et en cas de troubles de Hémorragies en carcinologie ORL
l’hémostase, il vaut mieux éviter les méchages Tantôt l’hémorragie est cervicale externe
agressifs et recourir aux applications de maté- lorsque l’extension néoplasique atteint la peau,
riaux résorbables (encadré 12.1). tantôt elle est pharyngée en cas d’ulcérations
• En cas de maladie de Rendu-Osler, le méchage internes. La rupture carotidienne est sou-
doit être doux avec un matériel résorbable. vent annoncée par de petites hémorragies.
Par la suite, des injections intramuqueuses de Elle est le fait des lésions irradiées et en
diverses substances ont pour but de scléroser les récidive. L’embolisation après artériographie
télangiectasies. Des interventions chirurgicales est une solution applicable de façon itérative.
ont pu être proposées : greffe cutanée (inter- La ligature de l’artère carotide externe reste
vention de Saunders), voire exclusion des deux encore souvent nécessaire, mais ne permet plus
cavités nasales. d’embolisation.
• Angiofibrome de la cloison (fig. 12.9) : il est
implanté en arrière de la tache vasculaire et son
Hémorragies de l’amygdalectomie
traitement chirurgical doit comporter l’exérèse
ou de l’adénoïdectomie
du cartilage attenant sous peine de récidive. Il
peut survenir chez la femme enceinte et dis- Redoutables, elles peuvent être immédiates, impo-
paraître après l’accouchement. sant la surveillance étroite du jeune opéré dans
218 ORL thématique

Figure 12.8. Foramen sphéno-palatin et artère sphéno-palatine (paroi latérale des fosses nasales).
1 : branche du septum nasal de l’artère labiale supérieure ; 2 : septum nasal relevé ; 3 : rameau nasal externe de l’artère
ethmoïdale antérieure ; 4 : rameaux alaires de l’artère nasale ; 5 : anastomose entre la branche septale inférieure de
l’artère sphéno-palatine et l’artère grande palatine dans le canal incisif ; 6 : anastomose entre le rameau septal de l’artère
sphéno-palatine et l’artère grande palatine dans le canal incisif ; 7 : rameau septal et nasal latéral de l’artère ethmoïdale
postérieure ; 8 : rameau septal postérieur de l’artère sphéno-palatine ; 9 : artère sphéno-palatine ; 10 : foramen
sphéno-palatin ; 11 : rameaux nasaux postérolatéraux de l’artère sphéno-palatine ; 12 : artère maxillaire ; 13 : artère
grande palatine.
Dufour X., Lebreton J.-P., Gohler C., et al. Épistaxis. EMC, Paris (Elsevier Masson), ORL, 2010 : 1-7 [Article 20-310-A-10].

Dyspnées laryngées
Une dyspnée d’origine laryngée se caractérise par
une bradypnée inspiratoire avec tirage et cornage.
La bradypnée inspiratoire s’oppose à la bradypnée
expiratoire de l’asthme. Le tirage peut être sus-
claviculaire, sus-sternal, épigastrique ou intercos-
tal. Le cornage est inspiratoire et représente le
bruit provoqué par le passage de l’air au travers de
la filière laryngée rétrécie. Les troubles de la voix
donnent une indication sur le siège de l’obstacle :
Figure 12.9. Angiofibrome de la cloison.
• cordes vocales (glotte) : il y a une dysphonie
associée (sauf dans la paralysie des dilatateurs de
les 24 heures suivant l’acte opératoire. Mais elles la glotte) ;
peuvent aussi survenir par chute d’escarre jusqu’au • sous-glotte : la voix est conservée ;
8e jour après l’intervention. Il faut faire une • sus-glotte (ou vestibule laryngé) : la voix est
ligature serrée des piliers antérieur et postérieur. étouffée.
Chapitre 12. Urgences 219

Trois cas doivent être distingués : le nourrisson,


l’enfant de plus de 1 an et l’adulte.

Nourrisson
Clinique
Jusqu’à 6 mois, l’origine laryngée de la dyspnée
peut être difficile à reconnaître car la polypnée y
est plus fréquente que la bradypnée. Lorsque la
polypnée devient superficielle, il s’agit d’un signe Figure 12.10. Syndrome de Pierre Robin.
de gravité majeur qui précède de peu les troubles Glossoptose à la naissance avec langue verticale
de la conscience et la cyanose. Il s’y associe obstruant l’oropharynx. Seule l’expiration est possible.
fréquemment un stridor : bruit de gloussement Il faut désenclaver la langue à la naissance et mettre en
place une canule de Riedel. S’il existe une malformation
inspiratoire ressemblant au cri du dindon. associée (division palatine), envisager une trachéotomie.

Diagnostic différentiel • Troisième cas : le stridor et la dyspnée survien-


Les dyspnées d’origine pulmonaire ou cardiaque nent plusieurs mois après la naissance. L’hypo-
s’accompagnent de battements des ailes du nez. thèse la plus vraisemblable est qu’il s’agit d’un
angiome sous-glottique, surtout lorsqu’il s’y
Diagnostic étiologique associe des angiomes cutanés cervico-faciaux.
La laryngoscopie directe met en évidence une
• Premier cas : la dyspnée survient dès la nais- masse bleutée dans la sous-glotte. La cor-
sance. Après avoir éliminé une imperforation ticothérapie était la règle, mais un nouveau
choanale en passant une petite sonde par les traitement efficace est apparu, basé sur les
fosses nasales, on évoque une paralysie laryngée β-bloquants (propanolol).
ou un rétrécissement endolaryngé congénital.
L’existence de cette dyspnée chez le nouveau-
né impose de toute façon une laryngoscopie Enfant de 1 à 4 ans
directe. Dans quelques cas, elle permet le trai-
C’est l’âge des laryngites dyspnéisantes. Pour
tement : résection endoscopique d’un kyste
comprendre le mécanisme de ces dyspnées, le
endolaryngé ou d’une palmure. Ailleurs, seules
larynx doit être comparé à la tuyère d’une fusée
l’intubation, voire une trachéotomie, permet-
(fig. 12.11). C’est-à-dire avec un premier cône, le
tent de résoudre provisoirement l’urgence
vestibule laryngé, allant en se rétrécissant vers la
(fig. 12.10).
glotte puis s’évasant dans la sous-glotte. Ce profilé
• Deuxième cas : la dyspnée survient après une
force l’écoulement de l’air inspiré à augmenter sa
période de stridor isolé (lui-même apparu
vitesse, suivi d’une détente fournissant de l’éner-
dans les 10 jours qui suivent la naissance). La
gie. Un obstacle, même partiel, sur l’une des deux
laryngo-malacie du stridor congénital est alors
moitiés de la tuyère entraîne mécaniquement un
évoquée. C’est une hyperlaxité des structures
effort plus important des inspirateurs accessoires.
fibro-cartilagineuses du vestibule laryngé. Le
stridor régresse toujours spontanément sans
Laryngite striduleuse (la plus bénigne)
traitement. Dans quelques rares cas, il peut
s’accompagner d’une dyspnée laryngée liée à Ce n’est pas vraiment une laryngite. Un enfant
l’œdème apparu secondairement au niveau des enrhumé depuis quelques jours a toussé dans la
aryténoïdes qui sont aspirés dans la filière glot- soirée. Couché normalement, il s’est réveillé bru-
tique au moment de l’inspiration (cf. partie 2, talement, en proie à un violent accès dyspnéique.
fiche « Stridor de l’enfant »). Celui-ci cède spontanément avant l’arrivée du
220 ORL thématique

Figure 12.11. Tuyère laryngée.


Pour un sujet normal, le débit aérien idéal est obtenu sans effort particulier. Dans le cas d’un œdème sus-glottique
(épiglottite), l’obstacle siège dans le vestibule laryngé : l’inspiration nécessite donc une augmentation de la dépression
thoracique. Dans la laryngite œdémateuse sous-glottique, l’inspiration nécessite également une augmentation de la
dépression thoracique.

médecin. L’affection est liée à un spasme déclen- Ce rétrécissement sous-glottique entraîne


ché par la fausse-route des sécrétions rhino- une diminution du débit aérien qui doit être
pharyngées lors du relâchement musculaire du compensée par une augmentation inspiratoire de
premier sommeil. Dans la laryngite striduleuse, la dépression intrathoracique. La perturbation
il n’y a pas de signes à l’auscultation pulmonaire. de l’hématose est donc tardive, car elle est liée
Lorsqu’elle récidive, une adénoïdectomie est sou- à l’épuisement de l’enfant. La décompensation
vent indiquée. commence dès que celui-ci diminue son effort
Le syndrome de pénétration d’un corps étran- de lutte. Ainsi s’expliquent les quatre stades de
ger bronchique pourrait être un diagnostic diffé- gravité :
rentiel. Le spasme du sanglot est bien différent, • situation non inquiétante : l’enfant a un
ne durant que quelques instants au moment des comportement normal, seule son inspiration
pleurs chez un nourrisson éveillé. est un peu bruyante, et de loin en loin éclate un
accès de toux caractéristique ;
Laryngite œdémateuse sous-glottique • situation grave : outre la dyspnée et la toux
C’est la plus fréquente des laryngites œdéma- aboyante, on note l’agitation de l’enfant. Celui-
teuses dyspnéisantes. Elle survient en raison d’une ci, inquiet, ne tient pas en place. Il prend un
atteinte virale du tissu lymphoïde présent dans la jouet et le relâche aussitôt pour en reprendre
sous-glotte des jeunes enfants. un autre. Il va sans cesse d’un coin à l’autre de
Lorsque les parents avaient récupéré leur enfant son lit ;
chez sa gardienne, celle-ci avait remarqué et • situation très grave : le tirage devient impres-
prévenu qu’il présentait une voix un peu rauque sionnant et ce qui frappe, c’est la pâleur et
et une drôle de toux. Cette toux ressemblait à des l’immobilité de l’enfant qui économise son
aboiements de chien. Ces symptômes ne l’avaient oxygène ;
pas empêché de dîner normalement. Toutefois, en • situation préterminale : le tirage disparaît,
le couchant, les parents notaient une indiscutable remplacé par une polypnée superficielle avec
gêne à l’inspiration, s’aggravant progressivement pauses respiratoires. Des sueurs apparaissent
au cours de la nuit. Lorsqu’il a été examiné par un (hypercapnie) : l’enfant se cyanose, la mort est
médecin, le tableau était typique, comportant une imminente.
bradypnée inspiratoire avec tirage, un cornage Seuls les deux premiers stades peuvent être
avec voix conservée, une toux rauque aboyante traités à domicile. Les deux derniers doivent
caractéristique. être suivis en milieu spécialisé. Aucun examen
Chapitre 12. Urgences 221

Figure 12.12. Laryngites œdémateuses de l’enfant.


Coupe frontale et vues endoscopiques.

complémentaire n’est nécessaire (fig. 12.12). Dans à la présence d’un corps étranger du ventricule
tous les cas, le traitement repose sur l’injection laryngé ou encore à une papillomatose laryngée.
sous-cutanée d’une ampoule de bétaméthasone
4 mg et, en même temps, une injection intramus- Épiglottite
culaire d’une deuxième ampoule. On ajoute la C’est une septicémie à Haemophilus influenzae
moitié de la dose quotidienne de prednisone orale comportant une atteinte élective et caractéris-
à raison de 1 à 2 mg/kg. Il a été aussi proposé tique de l’épiglotte. Celle-ci, œdémateuse, gon-
une oxygénothérapie aux lunettes, des aérosols de fle, énorme, entraînant le tableau caractéristique :
corticoïdes et des aérosols d’adrénaline (aérosols enfant assis, en proie à une infection générale
de Bompard1). d’allure très sévère avec frissons. Il existe une
L’enfant est mis dans une chambre calme en bradypnée inspiratoire avec tirage, majorée par les
atmosphère humide. Une antibiothérapie per tentatives d’allongement dans le lit. Il s’y associe
os comporte une amoxicilline. La surveillance une dysphagie avec sialorrhée et une voix étouffée
s’impose de demi-heure en demi-heure. La signant le siège sus-glottique de l’obstruction.
régression doit commencer une demi-heure après Dans tous les cas, l’hospitalisation est impéra-
l’institution du traitement. Si l’état de l’enfant tive. L’intubation est particulièrement difficile.
continue de s’aggraver, l’intubation endotrachéale Heureusement, la généralisation de la vaccination
est décidée. La chute de la pression partielle contre Haemophilus influenzae B fait disparaître
d’oxygène (PO) et l’augmentation de la pression cette pathologie (Infanrix-Hexa).
partielle de gaz carbonique (PCO2) sont toujours
tardives et peu fiables. Croup laryngé (diphtérie)
En cas de récidives, il faut penser aux pous-
sées inflammatoires d’angiome sous-glottique ou Bien que devenu très rare, il ne doit pas rester
ignoré. Dans la majorité des cas, il succède à une
angine diphtérique et ne pose pas de problème
1. Bétaméthasone, 2 mL (8 mg) ; adrénaline à 1/1000, diagnostique. Mais il peut s’agir d’une forme
1 à 2 mg ; sérum physiologique : 10 cc. laryngée succédant à une atteinte rhinopharyngée
222 ORL thématique

méconnue. Quelques signes doivent y faire penser Traumatisme laryngé externe


en milieu d’endémie chez le sujet non vacciné : Le type en est le choc du larynx sur le guidon
• coryza sanguinolent, roussâtre, lié à la présence en cas de chute de vélo. L’atteinte laryngée se
de fausses membranes dans le cavum ; révèle par une dyspnée laryngée, une dysphonie
• voix progressivement éteinte et étouffée ; et un emphysème cervical sous-cutané. L’explo-
• dyspnée laryngée progressive en 2 à 3 jours. ration chirurgicale et la trachéotomie transitoire
La notion de contage, d’adénopathie cervi- s’imposent parfois en urgence. Tout traumatisé
cale donnant l’aspect proconsulaire, les signes du larynx doit être adressé en milieu spécialisé.
d’intoxication (pâleur, tachycardie contras-
tant avec une fièvre peu élevée) complètent le Traumatisme laryngé interne
tableau. En réanimation, il s’agit des intubations laryngo-
trachéales prolongées. Les mesures prophylac-
Papillomatose laryngée de l’enfant tiques ont rendu cette complication très rare :
Ces lésions bénignes, devenues rares, sont • amélioration des matières constituant les sondes
probablement d’origine virale, contractées au d’intubation ;
moment de l’accouchement. Leur contrôle par • prévention de la stase pharyngo-laryngée par
des séances de laser endoscopique évite l’obliga- des aspirations fréquentes ;
tion du port d’une canule jusqu’à l’adolescence. • prévention du reflux œsophagien par des posi-
tions adéquates ;
• choix rapide entre intubation prolongée ou tra-
Adulte chéotomie, car cette dernière majore le risque
de sténose si elle est effectuée tardivement.
Chez l’adulte, la dyspnée laryngée est mieux
supportée. Le tirage est tardif et seulement sus-
claviculaire et intercostal (vidéo 12.2 ). Corps étrangers
Trois étiologies sont à connaître.
Conduit auditif externe
Tumeurs ORL des voies
aérodigestives supérieures Fréquents chez l’enfant, ils peuvent être retirés
par lavage d’oreille, à la condition d’être sûr qu’il
C’est un signe révélateur tardif. Outre les cancers, n’y ait pas de perforation tympanique. Au mieux,
citons les chondromes du larynx et les laryngo- ceux-ci sont extraits par l’ORL à l’aide du micro-
cèles par dilatation du fond du ventricule laryngé. scope et de micro-instruments. Chez l’enfant, une
anesthésie générale est préférable à une contention
Paralysies laryngées bilatérales brutale et insuffisante, à l’origine de manœuvres
Elles entraînent une dyspnée par défaut d’écarte- traumatisantes pour l’oreille moyenne.
ment des cordes vocales à l’inspiration. La cause
la plus fréquente est d’origine chirurgicale : lésion
des nerfs récurrents au cours d’une thyroïdecto- Fosses nasales
mie totale. Plus rarement, la paralysie bilatérale • Le diagnostic est facile si l’introduction a lieu
est d’origine vasculaire chez les sujets âgés (syn- en présence des parents. L’extraction se fait
drome de Gerhardt) ou liée à une sclérose latérale alors à l’aide d’une spatule recourbée, et sur-
amyotrophique. La paralysie ne touche alors que tout pas avec des pinces qui risquent de refouler
les muscles dilatateurs de la glotte et la voix reste l’intrus dans le cavum et de le transformer en
claire. corps étranger trachéo-bronchique (fig. 12.13).
• Le diagnostic est difficile si l’introduction s’est
Sténoses laryngo-trachéales faite sans témoin. Chez un enfant, le corps
Elles sont d’origine traumatique. étranger est alors soupçonné devant l’apparition
Chapitre 12. Urgences 223

Figure 12.13. Extraction d’un corps étranger de la fosse nasale (perle chez un jeune enfant).
A. Il ne faut pas chercher à l’attraper avec une pince. On risque alors de lui faire franchir l’obstacle du cornet inférieur qui
l’empêchait de tomber dans le rhinopharynx. B. Avec une spatule courbée et fenêtrée, il faut passer au-dessus du corps
étranger et le ramener vers soi en le plaquant sur le plancher des fosses nasales en un seul geste.

brutale d’une obstruction et d’une rhinorrhée la suspicion est apportée par l’apparition brutale
unilatérale purulente, entraînant une cacosmie d’une dysphagie avec aphagie et sialorrhée.
objective. Certains corps étrangers méconnus La preuve est apportée par un simple cliché
incrustés s’entourent de couches minérales les cervical de profil qui visualise les corps étrangers
transformant en rhinolithes. métalliques (fig. 12.14). L’ingestion d’une pile
bouton est une nouveauté. Le danger est la
Hypopharynx et œsophage survenue d’une réaction chimique corrosive
entraînant une brûlure suivie de perforation
• Chez l’enfant, il s’agit souvent d’une pièce de muqueuse de la paroi œsophagienne.
monnaie bloquée au-dessus de la bouche de • Chez l’adulte, le corps étranger se situe dans
l’œsophage. Si personne n’a assisté à l’accident, l’œsophage cervical. Dans la plupart des cas,
224 ORL thématique

Figure 12.14. Corps étrangers hypopharyngés.


A. Pièce de monnaie bloquée au niveau de la bouche œsophagienne. B. Épingle à nourrice ouverte. Extraction possible,
seulement après section de la pointe. C. Broche accrochée à une tour Eiffel. Extraction impossible par endoscopie, les
pieds de la tour faisant hameçon. Il est décidé de repousser l’objet dans l’estomac. Il sera évacué par les selles après
48 heures.

il s’agit de sujets édentés, porteurs de pro- son, la respiration complètement bloquée. Puis,
thèses dentaires, et le corps étranger comporte en quelques minutes, il s’abat inanimé avant que
habituellement un os pointu venant se ficher quiconque n’ait compris ce qui se passait. C’est
dans la paroi œsophagienne. Outre les signes un gros fragment alimentaire qui s’est encastré
précédents, il peut déjà y avoir des signes en dans le larynx. La seule façon de le désenclaver est
faveur d’une perforation : état fébrile, empâ- d’exécuter la manœuvre de Heimlich (fig. 12.15).
tement cervical, emphysème sous-cutané. La Cette manœuvre exploite le fait que le corps
preuve du corps étranger est également faite par étranger se bloque dans le larynx à la fin d’une
un cliché sans préparation de l’œsophage. Sur la inspiration profonde. Il y a donc une réserve d’air
TDM, l’élargissement cervico-médiastinal, un dans les poumons. Si on applique une pression
pneumomédiastin ou un épanchement pleural
sont en faveur de la perforation œsophagienne.
Dans tous les cas, la confirmation est apportée
par l’œsophagoscopie faite au tube rigide sous anes-
thésie générale avec intubation. Celle-ci doit être
proposée devant toute dysphagie brutale survenant
au cours d’un repas. Elle permet d’extraire le corps
étranger et de confirmer l’existence éventuelle d’une
déchirure de la paroi de l’œsophage. L’existence
d’une médiastinite impose le drainage chirurgical
et l’admission en réanimation médico-chirurgicale.
Toute tentative d’opacification œsophagienne avec
de la baryte doit être proscrite car, outre le risque
infectieux en cas de perforation, elle gêne la visuali-
sation du corps étranger au cours de l’endoscopie.

Larynx
Le tableau est stéréotypé. Généralement, au cours
d’un repas, le sujet se lève brutalement, porte
les mains à la gorge, incapable de prononcer un Figure 12.15. Manœuvre de Heimlich.
Chapitre 12. Urgences 225

brutale sur l’épigastre, l’hyperpression pulmo- très altéré. Chez un enfant assis, pâle, aux
naire peut obtenir l’expulsion de l’intrus. yeux cernés, surviennent de temps à autre
Chez l’enfant, toute dyspnée laryngée aiguë des quintes de toux majorant transitoirement
non fébrile est un corps étranger jusqu’à preuve l’asphyxie. L’auscultation met en évidence le
du contraire. En urgence, c’est la manœuvre classique bruit du drapeau correspondant au
de Mofenson (équivalent de celle de Heimlich). va-et-vient du corps étranger dans la trachée.
L’extraction ne peut se faire qu’avec un laryngo- Le plus urgent est de pratiquer la trachéo-bron-
scope et une pince de Magill. choscopie salvatrice.
• Deuxième situation : le syndrome de péné-
tration a été suivi d’un calme rassurant, faisant
Trachée et bronches même douter de la réalité de l’inhalation. Mais
Leurs corps étrangers sont l’apanage de l’enfant l’auscultation pulmonaire révèle l’abolition du
dès l’âge de 5 mois. Les corps étrangers végétaux murmure vésiculaire d’un côté (généralement
sont les plus fréquents : cacahuètes, amandes, le droit, car le corps étranger s’enclave dans la
noisettes et haricots qui ne doivent jamais être bronche souche la plus verticale) :
laissés à leur portée avant l’âge de 4 à 5 ans. Il – l’aspect réalisé est celui d’un emphysème obs-
s’agit aussi souvent de petits objets en plastique. tructif avec tympanisme à l’auscultation et à la
La suspicion de corps étranger trachéo-bron- radio pulmonaire : horizontalisation des côtes
chique repose sur la notion de syndrome de et hyperclarté du côté atteint (fig. 12.16
pénétration. C’est un accès de suffocation brutal, et 12.17). La cause de cet emphysème est
associé à des quintes de toux et à une cyanose. Le qu’à l’inspiration, la bronche se dilate, et qu’à
syndrome est spontanément résolutif et ne dure l’expiration, elle se contracte. L’air est donc
que quelques minutes. À lui seul, il commande piégé en aval (trapping) ; il peut s’y associer
la trachéo-bronchoscopie exploratrice, même s’il un emphysème sous-cutané.
n’y a plus aucun symptôme. Il faut prendre quand – plus rarement, il s’agit d’une atélectasie avec,
même le temps de faire des clichés pulmonaires de à la radio pulmonaire : pincement costal,
face et de profil, en expiration et en inspiration. opacité systématisée et déplacement médias-
Après ce bref bilan, trois situations sont possibles. tinal vers le côté atteint ;
• Première situation : l’intrus est mobile dans – sur les clichés, le corps étranger est parfois
la trachée et l’état général est habituellement visible lorsqu’il est radio-opaque.

Figure 12.16. Fragments de noix dans les bronches droites (enfant âgé de 3 ans).
A. Avant bronchoscopie. Emphysème discret du poumon droit avec horizontalisation des côtes et refoulement du cœur
vers la gauche. B. Après extraction.
226 ORL thématique

Figure 12.17. Présentation radiologique des corps étrangers bronchiques.


A. Trapping aérien gauche avec déplacement médiastinal vers la droite. B. Atélectasie du lobe moyen droit avec
déplacement médiastinal vers la droite.

• Troisième situation : le corps étranger bron- • Les brûlures dans un but suicidaire, par ingestion
chique n’est découvert qu’à l’occasion d’un massive de caustiques : ici, le pronostic est vital
bilan pulmonaire effectué devant des hémop- avec risque de perforation gastrique et digestive.
tysies, une toux chronique ou un abcès du Sont en cause tous les produits contenant de la
poumon long à guérir ou récidivant, survenant soude caustique ou du chlorate de potasse. Il faut
toujours au même endroit. Dans ces corps y ajouter les acides, l’eau de Javel (seule la forme
étrangers tardivement reconnus, il n’est pas concentrée est caustique) et le permanganate de
rare de devoir procéder à une thoracotomie potassium.
latérale après une préparation antibiotique et
corticoïdes.
Dans tous les cas, la bronchoscopie sous anes-
Examen
thésie générale, au tube rigide, avec optiques Il comporte :
et pinces adaptées, s’impose. Elle confirme la • la recherche de signes en faveur d’une périto-
présence du corps étranger, reconnaît sa nature et nite ou d’une médiastinite ;
permet de l’extraire. • l’examen de la cavité buccale, sachant que
l’absence de brûlure n’est pas un argument
formel contre la brûlure œsophagienne.
Brûlures par caustiques
(voies digestives Œsophagoscopie
supérieures et œsophage)
Une fois résolus les problèmes de réanimation, une
Deux types de brûlures œsophagoscopie doit être réalisée dans les 48 pre-
doivent être distingués mières heures. Si les lésions sont trop importantes
et hémorragiques, on s’arrête à leur pôle supérieur.
• Les brûlures accidentelles de l’enfant de 2 L’œsophagoscopie peut être réalisée au tube rigide
à 8 ans, où le produit est recraché et où le ou en fibroscopie (avec pour cette dernière un
pronostic est surtout fonctionnel : risque de risque d’accident au moment de l’insufflation).
sténose définitive de l’œsophage. Cette endoscopie a au moins l’intérêt d’éliminer
Chapitre 12. Urgences 227

toute brûlure et de rassurer les parents. Un transit • Dans les formes sévères, la sonde nasogastrique
œsophagien de contrôle sera toutefois demandé de calibrage ne fait pas l’unanimité. Pour les
quatre semaines après. Ailleurs, on pourra classer uns, elle met l’œsophage au repos, le calibre
l’œsophagite en différents stades : et oblige la sténose à respecter une filière
• érythème simple (brûlure du premier degré res- droite facile à dilater. Pour les autres, elle est
pectant la musculeuse) ; irritante, provoque un reflux gastro-œsopha-
• brûlure du second degré avec atteinte de la gien et entraîne une sialorrhée. Les dilatations
musculeuse et risque de cicatrisation rétractile sont effectuées à l’aide de cathéters pourvus de
et sténosante ; ballons gonflables. Ces dilatations peuvent aussi
• brûlure du troisième degré avec diffusion péri- être réalisées par voie rétrograde avec un fil sans
œsophagienne ; fin lorsqu’une gastrostomie a été pratiquée.
• ulcération, dont le caractère circulaire est déter- • L’œsopharyngoplastie utilisant l’estomac ou le
minant pour la formation d’une sténose. côlon est le dernier recours pour rétablir une
Classiquement, on laisse en place une sonde déglutition satisfaisante. C’est une chirurgie qui
naso-œsophagienne (cf. infra). exige un plateau médico-chirurgical de qualité.

Évolution `` Compléments en ligne


• Elle peut être favorable. La déglutition devient Des compléments numériques sont associés à ce
possible et indolore. L’endoscopie faite à la fin chapitre, ils sont indiqués dans le texte par un picto
du premier mois confirme la guérison de ces . Ils proposent les vidéos du chapitre. Pour voir
formes initialement érythémateuses. une vidéo, scannez le flashcode correspondant à
• Ailleurs, elle est défavorable d’emblée du fait l’aide de votre smartphone ou de votre tablette, ou
d’une perforation gastrique avec péritonite, connectez-vous sur http://www.em-consulte.com/
voire d’une perforation œsophagienne dans la e-complements/474503 et suivez les instructions.
plèvre ou le péricarde.
• L’évolution peut aussi être secondairement
défavorable avec apparition vers le 20e jour Vidéo e12.1. Clip sur l’artère sphéno-palatine.
Sujet de 70 ans, épistaxis postérieure droite récidivante
d’une sténose qui n’est pas une guérison mais après mise en place de sondes à ballonnet. Méatotomie
un processus évolutif permanent avec même pour repérer le canal sphéno-palatin. Mise en place d’un clip.
risque de cancérisation.

Traitement
• Il faut proscrire les lavages gastriques ou la Vidéo e12.2. Dyspnée laryngée.
provocation de vomissements à l’aide d’apo- Patient présentant depuis plusieurs semaines une
morphine, qui ne feront qu’aggraver les lésions. dyspnée laryngée aux deux temps inspiratoire et
Il faut aussi proscrire les pansements œsogas- expiratoire avec une sorte de cornage surtout expiratoire
très bruyant. Sous neuroleptanalgésie, on constate la
triques qui ne feront que gêner l’œsophago- présence d’une volumineuse formation kystique à la fois
scopie. aspirée et expirée à chaque temps respiratoire. L’incision
• Les formes légères ne requièrent pas la mise en de ce kyste permet d’aspirer une grande quantité de
place d’une sonde, mais ne doivent pas faire mucus. Le kyste est implanté à la partie antérieure du
ventricule laryngé gauche. Il est facilement réséqué.
relâcher la surveillance car le risque de sténose
tardive est toujours possible.
• Les formes graves d’emblée relèvent d’une
chirurgie de sauvetage : œsophagectomie, gas-
trectomie, etc.
A
Acouphènes
Ce sont des bruits perçus par le malade en – une surdité professionnelle ou une surdité
l’absence de stimulation acoustique extérieure. par traumatisme sonore est soupçonnée sur
On distingue les acouphènes objectifs, percep- la présence d’une « encoche » centrée sur le
tibles à l’auscultation périotique, et les acou- 4 000 Hz ;
phènes subjectifs non auscultables. – une étude des hautes fréquences au-delà de
• Les acouphènes pulsatiles et objectifs doivent 8 000 Hz est utile en cas d’acouphènes de
faire rechercher une malformation vasculaire ou tonalité aiguë avec audiométrie tonale normale
un paragangliome temporal (cf. encadré « Acou- chez un patient en cours de chimiothérapie par
phènes pulsatiles »). Parfois, ce sont des bruits sels de platine (cf. chapitre 7) ;
musculaires : myoclonies du muscle stapédien. – en cas de surdité de transmission à tympan
• Les acouphènes subjectifs non pulsatiles sont normal, la TDM recherche les hypodensités
les plus nombreux. Ils peuvent accompagner labyrinthiques de l’otospongiose ;
n’importe quel type de surdité ou rester complè- – en cas d’acouphènes unilatéraux fluctuants
tement isolés. C’est un symptôme monomorphe de tonalité grave avec atteinte sur les graves
pauvre. Le patient n’a que peu de mots pour les en audiométrie tonale, il faut rechercher des
décrire : sifflements, grésillements, jets de vapeur, symptômes d’hydrops : plénitude d’oreille,
bruits de moteur, dans l’oreille, dans toute la tête. fluctuations auditives, troubles de l’équilibre
Ce patient est surtout en demande d’un traite- (maladie de Menière, migraine) ;
ment médicamenteux. Aujourd’hui, on ne peut – une surdité de perception unilatérale pro-
que lui répondre qu’il n’y a pas de médicament gressive doit faire pratiquer une IRM à la
efficace. recherche d’un neurinome de l’acoustique ;
L’habituation devrait être la loi générale de leur – en cas de surdité sévère ou profonde, un
évolution. Toutefois, chez de nombreux patients, bilan en vue d’une implantation cochléaire peut
cette habituation ne se produit pas et la présence être programmé.
de ce symptôme angoissant signifie que plus rien • En l’absence de surdité, l’IRM est demandée
ne sera pareil et que c’est la fin des plaisirs. pour éliminer un accident vasculaire cérébral et
une tumeur de la fosse postérieure. Toutefois,
le patient doit être prévenu que l’imagerie des
Bilan ORL acouphènes est le plus souvent normale. Une
Outre l’otoscopie et l’auscultation à la recherche réponse comme la mise en évidence d’un conflit
d’un souffle dans le cadre d’un acouphène pul- vasculo-nerveux de l’angle ponto-cérébelleux
satile, il faut rechercher un trouble temporo- ne peut qu’exceptionnellement être validée, car
mandibulaire et de l’articulé dentaire (syndrome l’artère doit présenter un certain calibre, aborder
de Costen). Mais c’est le bilan auditif qui est le perpendiculairement le nerf, exercer un effet de
plus important. masse sur celui-ci au niveau de sa zone de faiblesse
• Les acouphènes peuvent apparaître en cas de à la jonction entre le nerf myélinisé et le nerf non
lésion de n’importe quel élément de la chaîne myélinisé.
de l’audition, depuis les structures de l’oreille
moyenne jusqu’au cerveau. L’audiométrie tonale Prise charge psychologique
et vocale, l’impédancemétrie doivent donc dépis-
ter une atteinte auditive et la caractériser : Si nous n’avons pas de médicament actif contre
– la découverte d’une presbyacousie fait les acouphènes, une erreur serait de déclarer au
s’engager dans une procédure d’appareillage ; patient : « Je ne peux rien faire pour vous, il n’y

Guide d'ORL
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232 Fiches ORL de A à Z


a pas de traitement, c’est dans la tête, il faut vivre à 8 000 Hz avant de retourner sur une fréquence
avec, ce n’est pas la peine de revenir me voir. » un peu moins grave que la première, et ainsi de
Il faut comprendre que chez nombre d’entre eux, suite jusqu’à la détermination de la fréquence
la souffrance morale les déborde et génère une la plus proche de l’acouphène perçu. En cas de
aggravation. Cette aggravation réside dans l’inter- perte auditive, la fréquence de l’acouphène est
prétation que le patient fait de son acouphène. habituellement localisée dans la zone déficitaire.
Cette interprétation est propre à la structure de sa • L’intensité est mesurée en présentant au
personnalité. Il faut la deviner. Une intervention patient un son de fréquence différente de celle
psychologique peut ensuite être nécessaire pour le de son acouphène, d’intensité croissante, et en
faire sortir de ce cercle vicieux. lui demandant de signaler le moment ou le son
présenté est de même intensité que l’acouphène
L’interrogatoire perçu.
• Niveau de masquage : à l’aide d’un bruit blanc,
Il représente l’occasion de gagner la confiance du il est possible de déterminer à quelle intensité
patient, souvent déjà démoralisé par des confrères. l’acouphène n’est plus perçu et s’il existe une
Il faut prêter une oreille bienveillante à l’écoute inhibition résiduelle.
de sa souffrance. Branché sur son regard, on
reformule tout ce qu’il dit. Un premier objectif
est de savoir si l’acouphène varie dans son inten-
Que dire ?
sité et dans la gêne ressentie et de comprendre « Il n’y a aucun doute que vous soyez atteint
pourquoi. Un deuxième objectif est de savoir à d’une pathologie organique. En aucun cas, ce
quel point le patient se remet en question : « Je n’est un phénomène psychique. Mais la ten-
n’y arriverai pas » ; « J’aurai cela toute ma vie » ; sion psychique aggrave la situation en générant
« Ça ne peut que s’aggraver » ; « Personne n’y de l’anxiété1. Pire, elle empêche le phénomène
connaît rien » ; « Ça va me rendre sourd ». naturel d’habituation. Nous allons voir ensemble
Cet acouphène est-il ancien ou récent ? D’appari- ce qu’on peut mettre en place pour que vous
tion brusque ou progressive ? Uni- ou bilatéral ? développiez un processus d’adaptation et que
Permanent ou intermittent ? Isolé ou associé à des vous preniez du recul avec votre acouphène. »
vertiges, à une hypoacousie, à une hyperacousie ?
On arrive aux points essentiels : un événement Quelle thérapie pour les
particulier est-il à l’origine du symptôme (trau- patients acouphéniques ?
matisme sonore, accident et agressions diverses) ?
Les aggravations coïncident-elle avec le revécu Ces patients ne consultent pas pour qu’on leur
de cet événement ? Les troubles du sommeil dise que c’est psychologique. Il faut proposer une
sont un bon témoin de cette situation, traduisant prise en charge technique : abord sophrologique,
l’importance du stress qui le réveille chaque nuit. psychanalytique ou comportemental. Le patient
doit repartir rassuré, confiant, devenu acteur de
L’acouphénométrie sa prise en charge.

Sa précision est illusoire, mais elle permet d’éta- Thérapies cognitivo-comportementales


blir le lien entre la perte auditive et l’acouphène.
(TCC)
Le spectre de l’acouphène est l’image en miroir de
la perte auditive. Ces mesures ont des applications À la base, le patient se focalise sur son impuis-
thérapeutiques potentielles (cf. infra). sance à contrôler la situation. La survenue de
• La fréquence est déterminée en recherchant l’acouphène a provoqué un traumatisme psycho-
une égalisation avec le son présenté, en ipsi- ou en logique avec perte de son image narcissique et de
controlatéral. Il faut procéder par encadrement. l’estime de soi. L’interprétation du phénomène
Commencer par un son grave (250 Hz) en acouphénique nécessite donc un travail de deuil.
demandant au patient si son acouphène est plus La thérapie consiste à transformer son sentiment
aigu ou non. Puis on répète la mesure avec un son d’impuissance en efficacité par des outils qui

A 233


utilisent des mécanismes de pensée consciente. Solutions proposées
Le but est que le patient n’écoute plus son acou- par l’audioprothésiste
phène de façon obstinée dans l’espoir de redeve-
nir la personne qu’il était avant ce traumatisme. L’acouphénométrie comparée à l’audiométrie
Cette obstination anxieuse est le principal facteur tonale renseigne sur la forme du signal qui doit
d’amplification. être proposé aux patients. Elle cherche aussi à
savoir si cet acouphène subjectif est susceptible
d’être inhibé temporairement par un bruit mas-
Psychothérapies psychanalytiques
quant adapté.
Ici, l’hypothèse est que l’acouphène a déstabilisé En cas de surdité, l’amplification par une aide
une personnalité sous-jacente. Sa morbidité est auditive est souvent efficace. Cette réafférence de
donc le résultat d’un retour dans le corps de la zone sous-stimulée par la perte auditive fait dimi-
conflits refoulés. C’est le réveil des sentiments de nuer le gain sur la zone de l’acouphène. Certes,
dépendance, de régression, de frustration, avec l’acouphène réapparaît au retrait de l’aide audi-
résurgence d’angoisses infantiles. La psychothé- tive. Toutefois, il existe une période d’inhibition
rapie ne prend donc pas en charge directement résiduelle, pouvant parfois durer plusieurs heures.
l’acouphène, mais l’ensemble du patient dans Actuellement, les combis associent un générateur
toutes ses dimensions, conscientes et incons- de bruit à l’amplification qui reste nécessaire.
cientes. Le patient se découvre au fur et à mesure En l’absence de surdité, la technique du mas-
et se réapproprie son histoire personnelle avant quage seule n’est plus guère utilisée. Elle n’a pas
l’accident acouphénique, pendant et après. d’efficacité durable. Elle ne permet pas l’habitua-
tion. À l’arrêt de la stimulation sonore, l’acou-
Prise en charge d’une névrose phène peut être plus intense. Toutefois, en cas
d’hyperacousie, le recours à un bruit blanc de
Chez des patients possédant une prédisposition
faible émergence apporte des améliorations en
psychotique, en particulier paranoïaque, l’acou-
trois mois avec diminution du seuil d’inconfort.
phène peut déclencher un processus d’inter-
Enfin, un audiogramme « normal » ne permet
prétation persécutive visant une cible extérieure
pas d’exclure des distorsions supraliminaires. Il
supposée avoir l’intention de lui nuire. Apparaît
peut être proposé des solutions d’enrichissement
alors une angoisse massive avec risque de repli
de l’environnement sonore. Par exemple, pour
total ou de passage à un acte agressif. Il est donc
une gêne dans le calme principalement ou pour
parfois nécessaire de passer par une consultation
faciliter l’endormissement.
psychiatrique pour associer un traitement antidé-
Les résultats sont très variables. Le patient doit
presseur et antipsychotique.
avoir connaissance de l’existence de ces systèmes.
À lui de se décider pour un essai.
Conclusion
1. Sensation de boule dans la gorge, déglutition
Pour améliorer le vécu du patient, il est important
difficile, reflux, ballonnements, tensions musculaires,
de prendre en compte la structure psycholo- douleurs cervicales, maux de tête, manque de som-
gique du patient pour diminuer toutes les sources meil et difficultés de concentration, réactions cuta-
anxieuses, amplificatrices des acouphènes. nées avec sueurs froides, rougeurs, eczéma, etc.

Acouphènes pulsatiles Séquences d’IRM avec angio-IRM dynamiquea


Elles recherchent trois pathologies :
Otoscopie
Elle fait le diagnostic de paragangliome de l’oreille moyenne • hypertension intracrânienne idiopathique. Il existe
(cf. fiche « Paragangliomes temporaux »). Si l’otoscopie est parfois des signes ophtalmologiques : baisse de l’acuité
normale, une échocardiographie et un écho-Doppler des visuelle et œdème papillaire. Ce sont souvent des sujets
vaisseaux du cou feront d’abord le diagnostic de sténose en surpoids. L’angio-IRM peut montrer une sténose de la
athéromateuse carotidienne cervicale. partie externe des sinus latéraux et une légère dilatation

234 Fiches ORL de A à Z


de la gaine des nerfs optiques. La ponction lombaire TDM de l’os temporal
fait disparaître l’acouphène et le traitement repose sur Elle recherche :
l’acétazolamide ; • une procidence ou une ectasie du golfe de la veine
• fistule durale. L’acouphène est souvent objectif. La jugulaire ;
fistule est visible à l’angio-IRM dynamique sous la forme • une malposition carotidienne et une artère stapédo-
d’une opacification précoce d’un réseau anarchique hyoïdienne naissant de la carotide et circulant sur le
vasculaire postérieur au niveau d’un des sinus latéraux, promontoire jusqu’à la fenêtre ovale ;
l’autre ne présentant encore aucun signal. Il faut la • une déhiscence des canaux semi-circulaires antérieurs
confirmation d’une artériographie diagnostique, permet- sur les incidences dans le plan de Pöschl (cf. fiche « Minor
tant aussi l’embolisation ; (syndrome de) »). Dans ce cas, l’acouphène pulsatile est
• paragangliome jugulaire. L’angio-IRM dynamique en rapport avec la transmission des battements du liquide
montre une prise de contraste lésionnelle au temps céphalo-rachidien.
artériel de l’injection. a Acquisitions séquentielles avec injections réalisées toutes les
5 secondes pendant une minute.
A 235

Aération de l’oreille moyenne


L’aération de l’oreille moyenne consiste à faire cente en avion veulent souvent forcer la trompe
pénétrer de l’air dans la caisse du tympan. On dis- d’Eustache à s’ouvrir. Un Valsalva inapproprié
pose de plusieurs méthodes. venant s’ajouter à la surpression ambiante peut
aboutir à une otite barotraumatique congestive et
Mise en place d’un aérateur avec épanchement séreux ou sanguin.
tympanique
Procédé de Toynbee
C’est le plus sûr moyen de lutter contre l’otite séro-
muqueuse. Toutefois, si la mise en place d’un yoyo À l’inverse de la manœuvre de Valsalva, il a pour but
(ou diabolo) est efficace sur le processus inflamma- d’aspirer l’air dans la trompe, depuis la caisse jusqu’au
toire tubotympanique, il n’arrête pas l’évolution rhinopharynx. Pour exécuter cette manœuvre, il faut
d’une poche de rétraction ou d’une perforation fermer la bouche, se pincer les narines et déglutir.
marginale vers le cholestéatome (cf. chapitre 6). Il apparaît alors une dépression dans le cavum qui
aspire le contenu de la caisse du tympan.
Manœuvre de Valsalva
(vidéo A.1 ) Procédé de Politzer
(douche d’air)
Le sujet pince ses narines, ferme la bouche et fait
un effort d’expiration pour gonfler ses oreilles Matériel :
(fig. A.1). L’air pénètre alors dans la trompe. Ce • poire à air de Politzer avec embout de Gellé ;
procédé ne réussit pas toujours et a l’inconvénient • un verre d’eau.
de traumatiser l’oreille. Certains patients ont ce Ce procédé est utile à connaître en cas de catarrhe
tic permanent. Le tympan finit par s’atrophier. tubaire aigu et chronique avec tympan rétracté.
La manœuvre de Valsalva est aussi utilisée par Il est aussi utile dans les suites d’une myringo-
les plongeurs avec bouteille à la remontée. Une plastie ou d’une tympanoplastie où une insuf-
rééquilibration asymétrique des deux oreilles flation douce rétablit une bonne aération de la
moyennes peut être responsable d’un vertige caisse. Toutefois, les fosses nasales ne doivent pas
alterno-barique. Les passagers lors d’une des- être infectées sous peine d’envoyer des sécrétions
purulentes vers l’oreille moyenne.

Principe
Au moment de la déglutition, la trompe
d’Eustache s’ouvre tandis que le voile se relève,
obturant l’espace rhinopharyngien. L’air qu’on
envoie sous pression dans une fosse nasale passe
dans l’oreille moyenne.

Protocole
Le sujet est assis. Lui faire prendre une gorgée d’eau
dans la bouche sans l’avaler. Introduire dans l’une
des narines l’embout olivaire de la poire à insuffla-
tion de Politzer. Obturer hermétiquement la narine
opposée et, par les mêmes doigts, serrer l’embout
qui a été introduit dans la fosse nasale (fig. A.2).
Demander au sujet d’avaler le liquide contenu dans
sa bouche. Presser sur la poire. Le sujet doit entendre
Figure A.1. Manœuvre de Valsalva.
l’air siffler dans son oreille. Il faut faire attention qu’il

236 Fiches ORL de A à Z

Figure A.3. Cathétérisme de la trompe d’Eustache.


Figure A.2. Procédé de Politzer. A. Sondes d’Itard de différents calibres. B. Courbe de
Manière de serrer l’embout olivaire dans la narine la sonde accrochant la queue du cornet inférieur (en
gauche, tout en obturant la narine droite avec le pouce. pointillés), suivie d’une rotation en dehors accrochant le
bourrelet tubaire (flèche).
y ait un synchronisme parfait entre le moment où
l’on presse sur la poire et celui où le malade avale, • introduction de la sonde tournée vers le bas
sinon tout devra être recommencé. jusqu’à la queue du cornet inférieur ;
• on fait pivoter le bec de 90° en dehors ;
Cathétérisme à la sonde d’Itard • son bout s’engage alors directement dans la trompe ;
• la sonde se tient toute seule, anneau bien
La sonde d’Itard en métal possède une courbure horizontal et narine légèrement soulevée ;
à l’une de ses extrémités et un anneau soudé du • on finit par l’insufflation.
côté opposé, aligné sur cette courbure, qui permet C’est une technique difficile à utiliser d’une main
de savoir dans quelle direction elle est orientée. Le légère. Elle n’est plus guère utilisée que par les
cathétérisme se fait en plusieurs temps (fig. A.3) : médecins de cure thermale.

`` Complément en ligne Vidéo eA.1. Valsalva sur rétraction tympanique.


Il s’agit d’une membrane tympanique gauche très fine,
pellucide et complètement rétractée. Elle moule le fond
Un complément numérique est associé à cette de caisse et plus particulièrement la région de la fosse
fiche, il est indiqué dans le texte par un picto . ovale avec la branche descendante de l’enclume et
l’étrier. Toutefois, le patient arrive encore à tout décoller en
Il propose la vidéo de la fiche. Pour voir cette pratiquant une manœuvre de Valsalva. Il faut profiter de ces
vidéo, scannez le flashcode correspondant à l’aide derniers moments où la membrane n’est pas encore fixée au
de votre smartphone ou de votre tablette, ou fond de la caisse pour pratiquer une grande myringoplastie
connectez-vous sur http://www.em-consulte.com/ avec de l’aponévrose temporale et un renforcement par des
fragments de cartilage disposés en palissade.
e-complements/474503 et suivez les instructions.
A 237

Algies faciales
Une douleur permanente est habituellement sinus correspond au blocage d’un ostium sinusien
symptomatique d’une sinusite, d’un cancer avec survenant à la descente d’un avion. Brutalement,
envahissement osseux, d’une affection stomato- le passager se plaint d’une violente douleur uni-
logique, ophtalmologique ou systémique. Les latérale, frontale ou maxillaire qui cède peu à
douleurs paroxystiques sont des douleurs par peu après l’atterrissage ou après pulvérisation de
crises séparées de périodes asymptomatiques. vasoconstricteur.
Ces manifestations sont dites essentielles quand
aucune cause n’est retrouvée. On les distingue
encore en névralgique ou non névralgique selon
Douleurs d’origine
qu’elles résultent de l’irritation d’un nerf à fibre ophtalmologique
sensitive (névralgie du trijumeau) ou non (algies Les douleurs du glaucome chronique sont habi-
de type vasculaire). Il faut se méfier d’une névral- tuellement orbitaires et s’accompagnent d’une
gie lorsqu’elle survient sur un fond continu, avec douleur à la pression du globe. L’hétérophorie,
hypoesthésie dans son territoire, car il pourrait un trouble de la réfraction, provoque des cépha-
bien y avoir une tumeur sous-jacente (névralgie lées maximales le soir et accentuées par la fatigue.
secondaire du trijumeau) (fig. A.4).

Troubles fonctionnels
Douleurs d’origine de l’articulation
nasosinusienne temporo-mandibulaire
Un simple rhume peut simuler une sinusite par Ce sont souvent des femmes jeunes avec hyper-
congestion des orifices de drainage. Le vacuum laxité ligamentaire. La douleur siège dans la région
parotido-massétérique avec otalgie. L’association
de bourdonnements à une sensation d’oreille
bouchée forme le syndrome de Costen. Les algies
sont en rapport avec une contracture musculaire
provoquée par un déséquilibre de l’articulé den-
taire. Il y a eu souvent des soins stomatologiques
récents (amalgame trop épais). Les douleurs sont
maximales le soir à la fatigue, après un repas ou
encore le matin en cas de bruxisme (mouvement
involontaire de grincement des dents pendant le
sommeil). Le diagnostic repose sur la découverte
d’un blocage à l’ouverture de la bouche, d’une
subluxation temporo-mandibulaire à l’ouverture
maximale de la mâchoire. Le meulage des appuis
anormaux et le rétablissement d’un bon articulé
dentaire sont d’abord nécessaires. Ensuite, on
peut aussi proposer une rééducation.
Figure A.4. Innervation sensitive de la face.
Les trois territoires du nerf trijumeau (V1, V2, V3).
L’angle de la mâchoire et la région occipitale
Maladie de Horton
sont innervés par les branches du plexus cervical
superficiel ; la conque ou zone de Ramsay-Hunt est
C’est une affection systémique touchant la per-
innervée par les fibres sensitives du VII (flèche). sonne âgée. Elle se caractérise par de violentes
Doyon D., Marsot-Dupuch K., Francke J.-P. Nerfs crâniens. céphalées temporales s’accompagnant d’une
Anatomie, clinique, imagerie. Paris : Masson, 2002, p. 102 hypersensibilité du cuir chevelu. La preuve en est
(figure 6.1).

238 Fiches ORL de A à Z


faite par la biopsie de l’artère temporale, montrant et para-amygdalienne. La zone gâchette est située
une artérite granulomateuse à cellules géantes. au niveau de l’amygdale ou de la paroi latérale du
La vitesse de sédimentation et la CRP (protéine pharynx. Elle est actionnée par la déglutition ou
C-réactive) sont très élevées. la phonation. Son irradiation à l’oreille est atroce
(nerf de Jacobson) avec impression d’éclatement
du tympan, de « flamme sortant de l’oreille ».
Névralgie du trijumeau Chez un sujet alcoolo-tabagique, il faut se méfier
(tic douloureux de la face car l’otalgie réflexe est un signe fréquent de
ou maladie de Trousseau) cancer de la base de langue et du sinus piriforme
(cf. chapitres 2 et 3).
Dans sa forme essentielle, elle survient après l’âge
de 50 ans, plus fréquemment chez la femme.
Les douleurs réalisent des décharges électriques Névralgie du ganglion géniculé
brèves, unilatérales, se répétant en salves pendant
quelques minutes. Dans deux tiers des cas, elles La névralgie essentielle du VII bis siège au niveau
débutent dans une mâchoire en regard des pré- du conduit auditif externe. Elle est le plus souvent
molaires ; dans les autres cas, elles partent de la secondaire au zona auriculaire.
région orbitaire, irradiant vers la joue ou la région
nasale. Elles sont typiquement déclenchées par la Névralgie du grand nerf
stimulation d’une zone gâchette : attouchement occipital (C1-C2)
de certaines portions cutanées lors du rasage, par
exemple. Bien que son siège soit à point de départ occipital,
L’examen est strictement normal. Il n’y a pas les irradiations se font aux vertex, à l’hémicrâne
en particulier d’hypoesthésie. La carbamazépine et jusque dans la région latérale de la face. C’est
est efficace au début. Dans la plupart des cas, une douleur unilatérale, réveillée par les mouve-
la cause est un conflit vasculo-nerveux entre le ments brusques de la tête : flexion, et éternue-
segment cisternal du V et une boucle formée par ments. L’efficacité de l’infiltration de xylocaïne
une branche de l’artère cérébelleuse supérieure. à l’émergence de C1-C2 constitue un bon test
La non-visibilité de la boucle à l’IRM n’exclut pas thérapeutique.
le diagnostic. L’intervention neurochirurgicale
consiste à interposer une mousse de téflon entre
Algie vasculaire de la face
la boucle et le nerf. Les résultats sont souvent
spectaculaires. Elle réalise schématiquement l’équivalent d’une
Il faut se méfier de douleurs atypiques durant migraine dans le territoire de la carotide externe :
plusieurs heures et siégeant sur deux branches artère faciale, artère temporale superficielle ou
du nerf. Surtout s’il existe des signes otologiques artère maxillaire interne (ancien syndrome de Slu-
associés, il faut rechercher un cancer du rhinopha- der, syndrome de Charlin, sympathalgies, migrai-
rynx par fibroscopie nasopharyngée. Par ailleurs, nous nevralgia, cluster headache). C’est un homme
le moindre déficit sensitif dans le territoire du le plus souvent entre 10 et 30 ans. Les douleurs
trijumeau (abolition d’un réflexe cornéen +++) sont unilatérales, siégeant toujours du même côté.
doit faire pratiquer une IRM à la recherche d’une L’accès douloureux débute à la racine du nez, dans
tumeur de la fosse postérieure ou d’une métastase l’angle interne de l’œil, au niveau de l’aile du nez,
cérébrale lésant le ganglion de Gasser (névralgie ou encore au front ou à la tempe. La douleur,
symptomatique du trijumeau). souvent pulsatile, s’accroît progressivement en
intensité et en territoire jusqu’à atteindre son acmé
Névralgie du glosso-pharyngien en 10 à 15 minutes. Puis brusquement, la douleur
cède au bout de 30 à 180 minutes. Les crises sur-
Dans sa forme essentielle, la douleur est localisée viennent typiquement 1 à 3 fois par jour, tous les
à la région parotido-massétérique, amygdalienne jours pendant quelques semaines. Les rémissions

A 239


sont souvent longues. Il existe des signes neurové- souffrir tous les jours depuis des années. Leur
gétatifs accompagnateurs : larmoiement, signe de siège peut être évocateur : langue (glossodynie),
Claude Bernard-Horner, injection conjonctivale, sensation de brûlure de l’aile du nez. L’abord
photophobie, obstruction nasale, écoulement nasal, de ces malades est difficile car, d’une part on
rougeurs de la face. Un bon test thérapeutique est craint de méconnaître une affection organique,
constitué par l’efficacité du tartrate d’ergotamine en et d’autre part la multiplication des examens
pulvérisation nasale ou par voie parentérale, utilisé complémentaires installe le malade dans son
dès les premiers signes (1 à 2 mg). Le traitement de « système pathologique ». En pratique, il faut
fond est celui des migraines. essayer de retrouver la nature de l’agression
sociale ou familiale qui engendre l’angoisse et
amener le malade à faire le lien avec les algies.
Douleur faciale Il faut traiter le facteur local de manière aussi
d’origine psychique peu agressive que possible, car la thérapeutique
On y pense lorsque la douleur est mal défi- ne sert que de soutien jusqu’à ce que le malade
nie, qu’elle est ancienne et que le malade dit puisse se prendre en charge.
240 Fiches ORL de A à Z

Anatomophysiologie de l’audition
Les vibrations aériennes pénètrent par l’oreille Troisième transducteur :
externe. Elles sont transformées en vibrations l’oreille interne
liquidiennes par l’oreille moyenne au niveau de
la platine de l’étrier. La cochlée (oreille interne) La cochlée possède une structure vibratoire méca-
convertit les vibrations liquidiennes en un signal nique et un système de cellules ciliées sensorielles.
électrochimique véhiculé par les voies auditives Mais la sensation est affinée par un contrôle
jusqu’au cortex. central géré par l’oreille interne elle-même.

Premier transducteur : Structure mécanique


le tympan La cochlée est une cavité osseuse de 3 cm de
long, enroulée sur elle-même en deux tours et
La membrane tympanique est un capteur de pres- demi de spire, rappelant une coquille d’escargot
sion fonctionnant sous un régime d’oscillations (limaçon). Elle contient un seul tube mem-
forcées. Elle est fixée au sulcus par l’annulus, et braneux enroulé sur lui-même. Si on déroule ce
elle est solidaire de la chaîne des osselets par le tube (fig. A.7), on constate qu’il est en forme
manche du marteau (fig. A.5). de U par la réunion de deux rampes : la rampe
vestibulaire qui s’ouvre dans la caisse du tympan
Deuxième transducteur : par une fenêtre fermée par la platine de l’étrier.
la chaîne des osselets L’autre rampe, dite tympanique, s’ouvre aussi
dans la caisse du tympan par une fenêtre fermée,
La chaîne ossiculaire est un transformateur mais cette fois par la fine membrane de la fenêtre
d’impédance (fig. A.6). L’énergie acoustique ronde. Les rampes vestibulaire et tympanique
transmise dépend de la vitesse de l’étrier et pas sont remplies de périlymphe. Celle-ci est mise
du volume d’endolymphe déplacé qui est infini- en vibration par les mouvements alternatifs de
tésimal. l’étrier, compensés par l’élasticité de la membrane
de la fenêtre ronde.

Structure sensorielle
• Le canal cochléaire longe toute la longueur du
limaçon. Il est rempli d’endolymphe. C’est lui qui
contient les cellules ciliées de l’organe sensoriel
auditif de Corti. Sur une coupe (fig. A.8), on dis-
tingue la rampe vestibulaire, la rampe tympanique
et le canal cochléaire. Le canal cochléaire repose
sur la membrane basilaire et est séparé de la rampe
vestibulaire par la membrane de Reissner.
• Les cellules sensorielles ciliées situées dans le
canal cochléaire constituent une sorte de piano
où chaque touche représente une fréquence : fré-
quences aiguës à la base du limaçon et fréquences
graves au sommet. La base des cellules ciliées
repose sur la membrane basilaire, mais le sommet
Figure A.5. Membrane tympanique droite et marteau. des cils est enchâssé dans une membrane vibrante
TM : tête du marteau ; An : annulus.
Sauvage J.-P., Vergnolles P. Anatomie de l’oreille moyenne. EMC
qui longe aussi tout le limaçon : la membrane
(Elsevier Masson Paris), ORL, 2008, 18 p. [Article 20-015-A-10]. tectoriale.

A 241

Figure A.6. Chaîne des


osselets.
Legent F., Perlemuter L.,
Vandenbrouck C. Cahiers
d’anatomie ORL. Oreille A, Volume 2,
4e édition. Masson, 1986.

Figure A.7. Système perceptif auditif.


A. Face interne de la caisse du tympan après ablation des osselets. 1 : seuil de l’additus ; 2 : saillie du canal semi-
circulaire latéral ; 3 : fenêtre ovale (la platine de l’étrier a été retirée) ; 4 : promontoire (saillie du premier tour de spire
de la cochlée) ; 5 : fenêtre ronde ; 6 : subiculum en avant du sinus tympani (flèche a) ; 7 : tendon du muscle de
l’étrier sortant de la pyramide. B. Cochlée déroulée avec rampe vestibulaire et rampe tympanique communiquant
par l’intermédiaire de l’hélicotréma situé au sommet de la cochlée. La membrane tectoriale et les cellules ciliées sont
dans le canal cochléaire rempli d’endolymphe (en bleu).
D’après : Sauvage J.-P., Vergnolles P. Anatomie de l’oreille moyenne. EMC, Paris (Elsevier Masson), ORL, 2008, 18 p. [Article 20-015-A-10].

• Sous l’effet des vibrations transmises par l’étrier Cellules ciliées internes, cellules
aux liquides labyrinthiques, la membrane tecto- ciliées externes et courbes d’accord
riale et la membrane basilaire entrent en vibration.
La cochlée traite le signal acoustique en périphérie
Cette vibration est analysée par les cellules ciliées
pour une meilleure compréhension des sons au
dont l’activité est transmise aux centres par les
niveau central.
axones du nerf cochléaire.

242 Fiches ORL de A à Z


Figure A.8. Tubes hélicéens
de la cochlée.
A : rampe vestibulaire ; B :
canal cochléaire ; C : rampe
tympanique ; 1 : organe de
Corti ; 2 : membrane basilaire ;
3 : membrane de Reissner ;
4 : ligament spiral. Au piano,
l’organe de Corti longeant tout
le limaçon.

Figure A.9. Coupe de l’organe


de Corti.
CI : cellules ciliées internes ;
CE : cellules ciliées externes.
Comparaison des courbes de
sélectivité au niveau de la membrane
basilaire (ligne continue) et au niveau
d’une fibre nerveuse (ligne pointillée).
Aran J.-M., Harrison R.-V. Physiologie
de la cochlée, in : Physiologie
neurosensorielle. Paris : Masson, 1983,
p. 81 (fig. 77).

Il y a deux sortes de cellules ciliées dans l’organe 235 et vérifier que c’est bien la bonne note qui
de Corti. Les vraies cellules sensorielles sont les a été entendue. C’est le principe de l’affinement
cellules ciliées internes, dont il n’existe qu’une des courbes d’accord (fig. A.9) où le gain de
seule rangée. Ce sont elles qui informent les sélectivité au niveau de la fibre nerveuse est très
centres. En revanche, les cellules ciliées externes, supérieur à ce qu’on pourrait attendre de la mem-
distribuées en trois rangées, ont un rôle différent. brane basilaire. La perte des cellules ciliées avec
Elles ont des propriétés contractiles. En fait, l’âge a donc un effet désastreux. Le sujet entend
elles agissent pour tendre la membrane tectoriale mais ne comprend plus.
et affiner la perception par les cellules ciliées
internes.
Supposons qu’on fasse entendre une note : un La Conclusion
235. Ce n’est pas une seule cellule ciliée interne
qui est mise en jeu, mais tout un groupe de L’oreille interne n’est pas un simple microphone
cellules de part et d’autre de cette fréquence. Le envoyant passivement des messages auditifs aux
message qui parvient aux centres est donc flou. centres. C’est plutôt un micro-ordinateur dialo-
Les centres vont alors agir pour tendre la mem- guant avec l’encéphale pour affiner et ajuster ses
brane tectoriale de part et d’autre de la zone La réponses.
A 243

Anatomophysiologie de la langue
Cf. aussi fig. 1.14, 1.15 et 3.3. muscles de la face dorsale. Elle est mince et
La langue mobile appartient à la cavité buccale. non adhérente à la face inférieure, expliquant la
Elle représente les deux tiers antérieurs de la formation d’œdèmes jusqu’au plancher.
langue. Son tiers postérieur est la base de langue Les lymphatiques de la langue mobile se drainent
qui appartient à l’oropharynx. Ces deux parties vers les nœuds lymphatiques submentaux et sub-
sont séparées par le V lingual, constitué par mandibulaires. Les lymphatiques de la base de
les papilles gustatives caliciformes. Le V lingual langue se drainent vers les nœuds lymphatiques
est ouvert en avant et se termine latéralement submandibulaires et jugulo-carotidiens. Les zones
par l’insertion des piliers antérieurs de la loge médio-linguales ont un drainage bilatéral.
amygdalienne. En arrière, il se termine en pointe L’innervation motrice est principalement assu-
au niveau du foramen cæcum, vestige de l’orifice rée par le nerf hypoglosse (XII). L’innervation
du canal thyréoglosse. sensitive et gustative des deux tiers antérieurs de
La langue mobile présente une face dorsale, deux la langue dépend du nerf lingual (V3) puis de la
bords latéraux se terminant par la pointe et une corde du tympan et du nerf facial rejoignant le
face ventrale divisée en deux par le frein de la ganglion géniculé, et enfin du nerf intermédiaire
langue se prolongeant jusqu’au plancher de la de Wrisberg (VII bis) qui finit en se connectant
bouche. De part et d’autre du frein, le plancher au noyau gustatif supérieur du plancher du 4e
est soulevé par les caroncules sublinguales et les ventricule. Le nerf glosso-pharyngien (IX) assure
abouchements des canaux de Wharton (glandes l’innervation de la base de langue. La gustation
submandibulaires) et des sublinguales. basi-linguale passe par une connexion au noyau
La base de langue est presque verticale et ne peut gustatif inférieur.
être examinée qu’avec un miroir laryngien. Sa
palpation est donc primordiale.
Le squelette ostéo-fibreux de la langue est formé
de l’os hyoïde avec la membrane hyoglosse et
le septum lingual réalisant une lame fibreuse et
verticale tendue de la membrane hyoglosse en bas
jusqu’à la pointe de la langue en haut (fig. A.10).
C’est sur ce squelette que s’appuient les muscles
de la langue pour obtenir sa protraction (dix-sept
muscles dont les fibres s’entrecroisent dans les
trois plans de l’espace). Figure A.10. Squelette de la langue.
La muqueuse linguale est formée d’un épithélium Rouvière H. Anatomie humaine. Tome I. Tête et Cou.
Paris : Masson, 1959, p. 408 (fig. 261).
pavimenteux, non kératinisé, très adhérent aux
244 Fiches ORL de A à Z

Appareil branchial (embryologie de l’)


Pour comprendre la formation des kystes et fis-
tules branchiaux et les anomalies des arcs aor-
tiques, il est essentiel de connaître quelques
éléments d’embryologie.

Appareil branchial
À l’examen de la région céphalique d’un embryon
de poisson, on constate une série de fissures dorso-
ventrales alternant avec des épaississements dorso-
ventraux : ce sont les fentes et les arcs de l’appareil
branchial. Les fentes sont constituées de poches
ectoblastiques et de poches endoblastiques, se
creusant en regard les unes des autres et s’acco-
lant pour former une membrane obturante. En Figure A.12. Région branchiale d’un très jeune
revanche, les arcs séparant les fentes possèdent embryon humain.
une masse épaisse de mésoblastes entre les deux La flèche en pointillés indique le stomodæum. BF :
épithéliums. bourgeon frontal ; BMS : bourgeon maxillaire supérieur.
Giroud A., Lelièvre A. Éléments d’embryologie. Paris : Librairie E.
Dans chaque arc se développent : un squelette, des Le François, 1960, p. 216 (fig. 143).
éléments musculaires, des vaisseaux et des nerfs.
Ces nerfs constitueront les paires crâniennes : ces arcs aortiques qui, par leur réunion à droite
pour le 1er arc, la Ve paire ; pour le 2e arc, la VIIe et à gauche, constituent les aortes dorsales de
paire ; pour le 3e arc, la IXe paire ; et pour le 4e arc l’embryon (fig. A.11). Chez les poissons, la mem-
et les suivants, la Xe paire. Les vaisseaux sont des brane obturante disparaît, formant des ouvertures
branches des aortes ventrales qui montent dor- directes avec l’extérieur qui, en se garnissant de
salement chacune dans un arc différent. Ce sont lamelles branchiales richement vascularisées, vont
assurer l’hématose et la respiration.
Chez les embryons humains (fig. A.12), on ne voit
extérieurement que la trace de quatre arcs séparés
par leurs poches ectoblastiques. La dépression du
stomodæum est située entre le bourgeon frontal
doublé par le bourgeon maxillaire supérieur et
bordée en bas par le 1er arc dit mandibulaire.
En arrière de l’arc mandibulaire, on trouve le
2e arc, dit arc hyoïdien. Le développement de
l’encéphale entraîne une inflexion considérable de
l’extrémité céphalique. Le 2e arc vient alors passer
au-dessus des 3e et 4e arcs pour limiter la cavité
du sinus cervical dont la coalescence de ses parois
amène rapidement à son occlusion (fig. A.13).

Figure A.11. Arcs aortiques du côté gauche. Destinée des formations


Leur confluence du côté dorsal forme l’aorte dorsale branchiales
gauche. Les deux aortes dorsales droite et gauche se
réunissent pour former l’aorte médiane. Toutes les poches ectoblastiques sont appelées
Giroud A., Lelièvre A. Éléments d’embryologie. Paris : Librairie E.
Le François, 1960, p. 222 (fig. 149). à disparaître, à l’exception de la première qui

A 245

Figure A.14. Schéma des dérivés du squelette des arcs.


Figure A.13. Formation du sinus cervical. Giroud A., Lelièvre A. Éléments d’embryologie. Paris : Librairie E.
Giroud A., Lelièvre A. Éléments d’embryologie. Paris : Librairie E. Le François, 1960, p. 223 (fig. 150).
Le François, 1960, p. 220 (fig. 147).

donne le conduit auditif externe. La première Kystes et fistules branchiaux


poche endoblastique persiste, s’allonge, et son
extrémité dorsale s’intercale entre l’oreille interne Normalement, les restes du sinus cervical et des
et l’oreille externe pour constituer la caisse du poches branchiales qu’il renferme disparaissent.
tympan, tandis que le reste de la poche donnera la Mais ils peuvent donner lieu à des kystes (kystes
trompe d’Eustache. La deuxième poche donnera branchiaux ou kystes amygdaloïdes) siégeant au
naissance à l’amygdale palatine. Les autres poches niveau du sterno-cléido-mastoïdien (cf. chapitre 4).
sont à l’origine du thymus et des parathyroïdes. La persistance d’une fente branchiale est à l’ori-
Le squelette du premier arc branchial est repré- gine d’une fistule latérale du cou. Elle se carac-
senté par le cartilage de Meckel donnant le térise par un orifice situé dans la partie moyenne
marteau, l’enclume et la mandibule (fig. A.14). du muscle sterno-cléido-mastoïdien. Elle peut se
Le squelette du deuxième arc est le cartilage prolonger en profondeur pour s’ouvrir au sommet
de Reichert dont dérivent l’étrier, l’apophyse de l’amygdale palatine. Il peut aussi exister des fis-
styloïde, le ligament stylo-hyoïdien et les petites tules seulement internes, dites borgnes, provenant
cornes de l’os hyoïde. de la persistance de poches endoblastiques.
B
Biologie tumorale et carcinogenèse

Gène p53 EGF (epidermal growth factor)


Il interviendrait fréquemment dans les carcinomes Il intervient sur la division, la migration, l’adhésion,
épidermoïdes de la tête et du cou. C’est un gène la différenciation et l’apoptose cellulaires par la
suppresseur de tumeur, impliqué dans plusieurs voie de la tyrosine kinase. Une surexpression du
voies de régulation cellulaire : contrôle du cycle récepteur à EGF paraît corrélée à la sévérité de la
de la cellule, réparation de l’ADN, apoptose. Le dysplasie dans les lésions précancéreuses. Certaines
gène p53 est situé sur le chromosome 17p et code modifications génétiques sont précocement obser-
une protéine instable : le 53 kDa qu’on trouve à vées dans les états précancéreux de la cavité buc-
faible concentration dans les cellules normales. cale : 30 % des lésions hyperplasiques présentent des
Cette protéine interviendrait dans la phase d’arrêt pertes chromosomiques en 9p21 et 3p14. Celles-ci
cellulaire G1 quand l’ADN est endommagé par sont plus fréquentes chez les patients développant
un carcinogène. La mutation du gène p53 est une cancérisation. Ces pertes chromosomiques pré-
à l’origine d’une accumulation de protéine p53 coces peuvent précéder les mutations p53.
anormale et stable. Elle est alors détectée dans Le niveau d’expression du récepteur à l’epidermal
plus de 50 % des carcinomes épidermoïdes de la growth factor (REGF) peut être mesuré à partir
cavité buccale. des biopsies. C’est un facteur pronostique.

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C
Cautérisation de la tache vasculaire
Ce sont des enfants scolarisés de moins de 7 ans pour éviter la récidive des épistaxis. Dans ce but,
devant quitter fréquemment la classe pour l’infir- son efficacité est certaine ; toutefois, sa répéti-
merie en raison de saignements de nez itératifs. tion risque d’entraîner des troubles trophiques
favorisant eux-mêmes les saignements de nez.
On peut quand même pratiquer les cautérisations
Matériel au moment de l’hémorragie lorsque l’artériole
• Spéculum de Duplay (ouvert sur le côté) ou qui saigne est directement visible à l’examen des
mieux spéculum de Palmer (fig. C.1A). fosses nasales.
• Stylet (porte-caustique plat).
• Coton, Xylocaïne® à 5 %. Préparation
• Pinces de Politzer.
• Lampe à alcool. • Examiner d’abord la cloison avec un bon éclai-
• Crayons de nitrate d’argent ou cristaux d’acide rage : on repère ainsi la tache vasculaire au niveau
chromique. de la partie antéro-inférieure de la cloison. Parfois,
En principe, le malade n’est pas en période une petite croûte de sang séchée révèle le point
hémorragique et la cautérisation est employée qui saigne. Cette croûte surmonte fréquemment

Figure C.1. Cautérisation de la tache vasculaire.


A. Mise en place du spéculum de Palmer. B. Préparation d’un porte-coton très fin pour une application d’acide
chromique liquide. C. Préparation d’une perle à partir de cristaux d’acide chromique sur une lampe à alcool.
D. Porte-cautère prêt à l’emploi.

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250 Fiches ORL de A à Z


la saillie acuminée de l’artériole en cause. Parfois, même avec le crayon de nitrate d’argent tenu
celle-ci est au ras du vestibule cutané qu’il faut par son protecteur.
retrousser pour la distinguer. Un tampon imbibé de
Xylocaïne® à 5 % est appliqué sur la cloison pendant Cautérisation proprement dite
15 minutes en demandant à l’enfant de pincer son
nez. Après avoir mis en place le spéculum de Palmer,
• Préparer une application de produits chi- enfoncer le coton imbibé d’anesthésique au-delà
miques comme l’acide trichloracétique ou de la tache vasculaire : il protégera la partie pos-
l’acide chromique au tiers. Leur action est térieure des fosses nasales. Appliquer la perle
surtout sclérosante. Pour les appliquer, il faut sur la zone hypervascularisée en insistant plus
préparer un porte-coton bien serré et très fin longuement sur les vaisseaux directement visibles.
(fig. C.1B). On peut préférer confectionner une La cautérisation est terminée lorsque l’escarre
perle d’acide chromique à l’abri du regard de est nette, brune et exsangue. Le coton est alors
l’enfant pour ne pas l’effrayer. Le stylet porte- ramené en avant, essuyant les coulées d’acide ou
caustique est chauffé au rouge dans la flamme de nitrate. Un ou deux éternuements violents sont
de la lampe à alcool, le cristal d’acide chro- à prévoir : ils éprouvent la qualité de l’hémostase.
mique est déposé sur le plat du porte-caustique La coagulation bipolaire est une méthode agres-
(fig. C.1C). On en dirige la fusion pour obtenir sive qui, trop répétée, risque de produire une
« une perle » (fig. C.1D). On peut procéder de perforation du septum nasal.
C 251

Chimiothérapie des carcinomes épidermoïdes ORL


La place de la chimiothérapie dans le traitement Thérapeutiques ciblées
des cancers des VADS évolue sans cesse.
Deux facteurs sont visés : l’EGF (epidermal growth
factor), facteur de croissance épidermique fré-
Lexique quemment surexprimé par les carcinomes épider-
moïdes, et le VEGF (vascular endothelial growth
Chimiothérapie d’induction factor), facteur de croissance pro-angiogénique
(ou néo-adjuvante) généré par la cellule tumorale (cf. fiche « Biologie
Chimiothérapie utilisée en premier et complétée tumorale et carcinogenèse ») :
en fonction de la réponse par une radiothérapie • cétuximab : anticorps monoclonal entrant en
ou par une radio-chimiothérapie. compétition avec l’EGF au niveau de son récep-
teur tumoral (le seul actuellement utilisé) ;
• bévacizumab : anticorps monoclonal anti-
Chimiothérapie adjuvante angiogénique ciblant le VEGF pour inhiber la
Chimiothérapie réalisée en fin de séquence théra- formation de nouveaux vaisseaux dans la tumeur
peutique, après la chirurgie et/ou la radiothéra- et empêcher sa croissance. Il reste encore à
pie. Elle n’est que rarement utilisée. évaluer.

Radio-chimiothérapie concomitante Schéma PF


Association simultanée de chimiothérapie et de Association 5-fluorouracile (5-FU) et sel de pla-
radiothérapie. La chimiothérapie rendrait les cel- tine ayant une synergie thérapeutique.
lules cancéreuses plus radiosensibles en accrois-
sant leur oxygénation et en bloquant leur cycle Schéma TPF
cellulaire. En revanche, la toxicité aiguë et chro-
nique est très augmentée. Docétaxel-cisplatine-5-FU, dernière-née des asso-
ciations.
5-fluorouracile (5-FU)
Antimétabolite inhibant la thymidylate synthase,
Voies d’administration
enzyme essentielle au métabolisme des bases pyri- • Voie intraveineuse par dispositifs intraveineux
midiques de l’ARN et de l’ADN tumoral. de longue durée (chambre implantable sous la
peau reliée à un cathéter intraveineux). Le risque
Cisplatine (CDDP) et son dérivé, d’infections sur cathéter impose des règles d’asep-
le carboplatine sie très strictes.
• Voie intra-artérielle par cathéters placés dans
Sels de platine alkylants agissant sur les interbrins
l’artère temporale après dissection de l’artère.
de l’ADN. Ils sont très émétisants et doivent
Le cathéter est ensuite poussé par voie rétro-
être administrés sous couvert d’antiémétiques
grade jusqu’à l’origine de l’artère vascularisant
(sétrons).
la tumeur. Cette voie est surtout utilisée pour
les carcinomes épidermoïdes de la langue, du
Taxanes plancher de la bouche et de l’oropharynx. Le
Alcaloïdes de l’if, classés parmi les poisons du cisplatine est le plus souvent utilisé par cette
fuseau. Le plus utilisé est le docétaxel, administré voie, associé à l’administration intraveineuse
sous couvert d’une corticothérapie orale pour de thiosulfate de sodium pour en atténuer la
diminuer les réactions d’hypersensibilité et pour toxicité. La chimiothérapie intra-artérielle (CIA)
réduire la rétention hydrique. délivre in situ une dose supérieure à tout mode

252 Fiches ORL de A à Z


d’administration systémique. Connue depuis Résultats
20 ans, la CIA reste une technique difficile,
réservée à quelques équipes. Une CIA d’induc- Chimiothérapie exclusive
tion ou avec radiothérapie concomitante a été Elle ne doit pas être considérée comme un traite-
utilisée à la manière des protocoles de préserva- ment standard.
tion laryngée.
Radio-chimiothérapie
Effets secondaires et toxiques concomitante avec cisplatine
• Leucopénie granulocytaire exposant à des chocs Versus radiothérapie exclusive, elle a donné de meil-
septiques graves (tous les cytotoxiques). leurs résultats avec une réponse clinique complète
• Atteinte des muqueuses : stomatite doulou- dans 10 à 50 % des cas et une réponse histologique
reuse, diarrhées sévères, colites nécrotiques et complète entre 5 et 30 %. La radio-chimiothéra-
perforations (5-FU, taxanes). pie concomitante est actuellement le traitement
• Dénutrition imposant la surveillance du poids, reconnu des carcinomes épidermoïdes de la tête
pouvant amener le recours à une alimentation et du cou à un stade avancé, améliorant significa-
entérale par sonde nasogastrique ou gastrostomie. tivement la survie sans récidive et la survie globale.
• Polyneuropathie sensitive distale (paresthésies)
et autres atteintes neurologiques (cisplatine). Schéma PF
• Acouphènes et surdité de perception bilatérale C’est le premier utilisé dans les chimiothérapies
imposant une surveillance audiométrique (cis- d’induction pour la préservation laryngée.
platine).
• Tubulonéphrites (cisplatine). Schéma TPF
• Éruptions cutanées maculo-papuleuses et éry-
thémateuses, suivies d’une desquamation des Pour la préservation laryngée, il obtient de meil-
mains et des pieds (syndrome main-pied), d’une leures réponses que le schéma PF. Toutefois,
alopécie (docétaxel) et d’un rash acnéiforme il augmente aussi significativement le risque de
(cétuximab). neutropénie et de décès par choc septique. Le
• Syndrome de rétention hydrique avec œdèmes schéma TPF est le nouveau standard dans la
périphériques, ascite, pleurésie et péricardite chimiothérapie d’induction.
(docétaxel).
Tumeurs avancées mais
résécables de la cavité
Indicateurs prédictifs buccale et de l’oropharynx
de chimio-radiosensibilité
L’apport d’une chimiothérapie d’induction, y
C’est une importante voie de recherche. Par compris par TPF, n’est pas validé pour le moment.
exemple, la présence dans le carcinome épider-
moïde de la protéine p53 indique un meilleur Cétuximab
taux de réponse à la chimiothérapie néo-adjuvante
et une meilleure survie. Cette présence est aussi Il n’est utilisé qu’en seconde intention dans les
corrélée aux cancers des VADS, associés aux tumeurs localement évoluées inopérables ou réci-
human papillomavirus (HPV positifs). divées et/ou métastatiques.
C 253

Chirurgie ganglionnaire
Quelle que soit la porte d’entrée des cancers • Évidement postéro-latéral correspondant à
ORL, la présence d’une extension ganglionnaire l’évidement du triangle cervical postérieur de
impose des gestes chirurgicaux qualifiés d’évide- niveau V et de la chaîne jugulaire profonde de
ments ganglionnaires. Historiquement, la valeur niveaux II, III et IV, adapté aux mélanomes et
pronostique négative de cette extension régionale cancers épidermoïdes postérieurs.
a dicté une attitude dite radicale, en bloc, vis-à-
vis de tout le tissu ganglionnaire cervical, même
au prix d’importantes séquelles. Puis le concept Technique chirurgicale
d’évidement fonctionnel s’est développé, basé de l’évidement fonctionnel
sur la dissection des plans de clivage du cou,
considérés comme des barrières carcinologiques • L’incision classique de Sébileau-Carrega, avec
permettant de préserver les structures principales son incision en Y, comporte une zone de cica-
non envahies (travaux d’Yves et Bernard Guer- trisation difficile à la réunion de ses trois branches.
rier, de Montpellier). Récemment, est apparu le Elle a été supplantée par l’incision de Paul André
concept de ganglion sentinelle. donnant le meilleur accès possible à tous les
groupes ganglionnaires (fig. C.2).
Évidements radicaux • Séparation du muscle sterno-cléido-mastoïdien
de son aponévrose après ligature de la veine jugu-
traditionnels complets
laire externe. Dissection antérieure, le long des
Ce sont des évidements emportant le tissu cellulo- fibres musculaires des faces antérieure et médiale
ganglionnaire des niveaux I à V (cf. encadré 4.2) du muscle (fig. C.3).
avec sacrifice du muscle sterno-cléido-mastoïdien, • À la jonction entre le tiers supérieur et le
du nerf spinal et de la veine jugulaire interne. tiers moyen du muscle sterno-cléido-mastoïdien,
L’évidement pouvait facilement être élargi à apparaît le nerf spinal à l’entrée du muscle. Il
d’autres structures, telles que les nerfs crâniens, est exposé jusqu’au niveau de la veine jugulaire
les muscles, la peau, etc. interne (fig. C.4).
• Dissection du triangle sous-mandibulaire en
suivant le muscle digastrique jusqu’au muscle
Évidement radical modifié
mylo-hyoïdien en préservant les nerfs lingual et
Dans le type I, on préserve le nerf spinal. Dans grand hypoglosse. Toute la loge sous-maxillaire
le type II, on préserve le nerf spinal et le muscle est réséquée après repérage du croisement du
sterno-cléido-mastoïdien. Dans le type III ou rameau mentonnier du nerf facial avec l’artère
évidement fonctionnel, on préserve le nerf spinal, faciale.
le muscle sterno-cléido-mastoïdien et la veine • Triangle postérieur : l’accès à la région supra-
jugulaire interne. claviculaire se fait en arrière du muscle sterno-
cléido-mastoïdien. La limite inférieure est le bord
Évidements sélectifs supérieur de la clavicule, la limite postérieure le
bord antérieur du muscle trapèze, et la frontière
• Évidement sus-omohyoïdien correspondant à supérieure le nerf spinal à sa sortie du muscle
l’évidement des niveaux I, II et III, adapté aux sterno-cléido-mastoïdien jusqu’à sa pénétration
cancers de la cavité buccale. dans le muscle trapèze. Le pédicule cervical trans-
• Évidement jugulaire correspondant à l’évide- verse et le ventre postérieur du muscle omo-
ment des niveaux II, III et IV, adapté aux cancers hyoïdien sont repérés, ainsi que le plexus brachial
du pharynx et du larynx. et le nerf phrénique.
• Évidement du compartiment central corres- • On termine par la dissection de la gaine caro-
pondant à l’évidement récurrentiel dans le cadre tidienne entourant la veine jugulaire interne, la
des carcinomes thyroïdiens. carotide interne et le nerf vague (fig. C.5). Elle

254 Fiches ORL de A à Z

Figure C.2. Incisions cutanées


cervicales.
Zanaret M., Paris J., Duflo S.
Évidements ganglionnaires cervicaux.
EMC, Paris (Elsevier Masson),
Techniques chirurgicales – Tête et cou,
2005 [Article 46-470].

Figure C.4. Dissection du triangle rétrospinal.


Figure C.3. Ouverture de la gaine du sterno-cléido- VJI : veine jugulaire interne ; XI : nerf spinal ;
mastoïdien. SCM : sterno-cléido-mastoïdien ; S-Max : glande
Zanaret M., Paris J., Duflo S. Évidements ganglionnaires sous-maxillaire ; Dig : muscle digastrique.
cervicaux. EMC, Paris (Elsevier Masson), Techniques chirurgicales Zanaret M., Paris J., Duflo S. Évidements ganglionnaires
– Tête et cou, 2005 [Article 46-470]. cervicaux. EMC, Paris (Elsevier Masson), Techniques chirurgicales
– Tête et cou, 2005 [Article 46-470].

doit être disséquée et emportée, tout en respec-


tant son contenu. Du côté gauche où s’abouche relais ganglionnaire de drainage de la lésion
le canal thoracique, il faut traiter toute déchirure initiale. Après injection d’un élément radioactif
afin d’éviter les lymphorrhées secondaires. (99mTc) au niveau de la tumeur primitive, ce gan-
glion est repéré au moyen d’une gamma-caméra.
Intérêt et principe La technique a été particulièrement développée
pour la prise en charge des mélanomes cervico-
du ganglion sentinelle
faciaux sans adénopathie associée. L’utilisation
En l’absence d’adénopathie palpable, le principe de cette technique dans le cadre des carcinomes
du ganglion sentinelle correspond au premier épidermoïdes des voies aérodigestives supérieures

C 255


reste encore actuellement au stade de la recherche
clinique. Son intérêt serait de diagnostiquer les
patients porteurs de métastases cervicales occultes
et d’éviter ainsi la réalisation d’évidements cervi-
caux systématiques chez les patients N0.

Figure C.5. Dissection de la gaine vasculaire.


CI : carotide interne ; VJI : veine jugulaire interne ;
X : nerf vague ; MOH : muscle omo-hyoïdien ; SCM :
sterno-cléido-mastoïdien.
Zanaret M., Paris J., Duflo S. Évidements ganglionnaires cervicaux.
EMC, Paris (Elsevier Masson), Techniques chirurgicales – Tête et
cou, 2005 [Article 46-470].
256 Fiches ORL de A à Z

Curiethérapie

Principe faible, et un facteur de nécrose s’il est trop fort.


Pour les tumeurs du plancher buccal, le champ
La curiethérapie interstitielle a consisté histori- d’irradiation doit rester à distance de l’os mandi-
quement à introduire des aiguilles radioactives bulaire. La curiethérapie peut être employée en
de radium dans la tumeur. Elle est à la fois association avec une radiothérapie externe avec
le chirurgien détruisant la tumeur et le radio- prudence.
thérapeute irradiant les tissus voisins à des fins
prophylactiques. La dose est délivrée en une fois,
mais nécessite une hospitalisation en chambre
plombée.

Technique (fig. C.6)


Les rayonnements gamma de l’iridium 192 sont
utilisés. L’énergie des photons est de 380 keV
avec une demi-vie de 74 jours. Ce ne sont plus
des aiguilles comme aux temps historiques du
radium, mais des fils de 0,3 à 0,5 mm de diamètre,
souples, résistants, maniables, sécables suivant la
dimension voulue. La curiethérapie permet en
quelques jours de délivrer une dose élevée dans
un petit volume bien délimité. La mise en place
utilise des tubes plastiques ou gouttières vectrices
directement implantées dans la tumeur. Dose et
volume cible sont calculés à l’aide d’un système
dosimétrique informatisé. Après avoir vérifié la
bonne géométrie du montage par l’imagerie, les
vecteurs sont chargés avec le matériel radioactif.
La dose totale est de l’ordre de 60 à 70 Gy. Le Figure C.6. Exemple d’une curiethérapie pour cancer
débit de dose est un facteur d’échec s’il est trop de la lèvre inférieure.
D
Delayed vertigo ou hydrops endolymphatique retardé
C’est une entité s’apparentant à la maladie de calorique. Du côté opposé, les épreuves caloriques
Menière. La différence est que les crises vertigi- sont le plus souvent normales. Le traitement est
neuses sont précédées d’une surdité de percep- médical : diurétiques, glycérol, mannitol et diète
tion profonde brutale (cophose), 5 à 40 années hydrosodée.
auparavant. On en distingue deux types : la forme
ipsilatérale et la forme controlatérale.
Le chaînon manquant
de la maladie de Menière ?
Forme ipsilatérale
Schuknecht s’est intéressé à l’hydrops endolym-
La symptomatologie retardée consiste en crises phatique retardé dès 19901 à partir de l’examen
vertigineuses récurrentes disparaissant après laby- anatomopathologique de rochers de patients ayant
rinthectomie chirurgicale du côté cophotique. présenté une forme controlatérale de leur vivant
Les causes de la surdité profonde initiale sont très et décédés d’une cause intercurrente. Son inter-
variées : oreillons, méningite, traumatisme crânien, prétation est que le sujet subit d’abord une attaque
traumatisme sonore, chirurgie otologique. Les virale bilatérale se traduisant d’un côté par une sur-
épreuves caloriques montrent habituellement une dité profonde et du côté opposé par une atteinte
normoréflexie. L’hypothèse physiopathologique subclinique restant asymptomatique pendant plu-
est que la cause de la surdité profonde initiale a sieurs années. Dans un second temps, apparaissent
laissé des voies endolymphatiques intactes. Dans une fibrose et une atrophie des voies endolympha-
un délai pouvant atteindre plusieurs années, une tiques, responsables des manifestations cliniques
atrophie ou une oblitération fibreuse apparaissent. d’hydrops endolymphatique controlatéral.
Un hydrops endolymphatique se produirait avec
crises vertigineuses analogues à celles rencontrées
dans la maladie de Menière. Conclusion
La maladie de Menière, dans sa forme classique,
Forme controlatérale ne serait qu’une forme particulière d’hydrops
endolymphatique retardé, où l’attaque virale ini-
La symptomatologie consiste cette fois en une tiale serait passée inaperçue. Ainsi s’expliquerait la
surdité fluctuante sur les fréquences graves dans survenue d’une bilatéralisation.
l’oreille restée saine, accompagnée de crises ver-
1. Schuknecht HF, Suzuka Y, Zimmermann C.
tigineuses récurrentes évoquant une maladie de
Delayed endolymphatic hydrops and its relationship
Menière typique. Du côté de la cophose, dont to Menière’s disease. Ann Otol Rhinol Laryngol,
la cause reste inconnue, il existe une aréflexie 1990 ; 99 : 843-53.

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258 Fiches ORL de A à Z

Désinfection d’un fibroscope nasopharyngé


(en consultation)

Prétraitement
En salle d’examen, essuyer la gaine externe avec
des compresses non tissées à usage unique, imbi-
bées d’une solution d’Hexanios®.

Figure D.1. Gaine pour fibroscope nasopharyngé souple.


En salle d’entretien 1 : emplacement de l’insertion de l’endoscope (raccord
proximal) ; 2 : tubulure en élastomère recouvrant le tube
• Test d’étanchéité : vérifier l’intégrité de la gaine d’insertion de l’endoscope ; 3 : fenêtre transparente
externe de l’endoscope. Avant immersion partielle protectrice avec joint au niveau de la pointe distale
ou totale de l’endoscope, tester l’étanchéité de la de la gaine.
gaine en raccordant l’appareil au manomètre de
pression. S’assurer que l’aiguille ne redescend pas
et que l’endoscope ne bulle pas. Si fuite, laisser le Placement de la gaine
manomètre sous pression pendant toute la durée 1. Détacher la partie supérieure de l’emballage
du nettoyage. et soulever légèrement le raccord proximal sans
• Nettoyage : éliminer les souillures en immer- retirer la gaine de l’emballage.
geant le matériel pendant 15 minutes dans un bac 2. Tenir l’endoscope et redresser la flexion sur la
contenant la solution d’Hexanios® renouvelée à position neutre.
chaque utilisation. 3. Tenir le raccord proximal et l’aligner sur l’axe
• Rinçage intermédiaire à l’eau stérile pour élimi- de l’endoscope.
ner les résidus de détergent. 4. Faire glisser le raccord proximal sur le collier
• Désinfection pour éliminer les micro-orga- de serrage de l’endoscope jusqu’à ce qu’il soit
nismes par immersion pendant 10 minutes dans fixé. La gaine sera étirée d’approximativement 1 à
un bac contenant une solution désinfectante 1,5 cm pendant l’installation.
d’acide peracétique (Anioxyde 1000®).
• Rinçage terminal à l’eau stérile pour éliminer Retrait du système
les résidus de désinfectant.
• Séchage pour éliminer l’eau de rinçage propice 1. Tenir l’endoscope et l’articuler pour redresser la
au développement de Pseudomonas. flexion sur la position neutre.
• Stockage dans un bac adapté. 2. Saisir le raccord proximal de la gaine de l’autre
main, tourner et tirer doucement pour le dégager
Système de gaine de 1 à 2 cm. Éliminer tout plissement en glissant
Slide-On® EndoSheath® à nouveau le raccord proximal vers le collier de
serrage du scope.
Ce système est indiqué pour les examens endo- 3. Saisir doucement le milieu de la gaine et déga-
scopiques réalisés avec un fibroscope nasopharyngé ger la fenêtre transparente de la pointe du naso-
(fig. D.1). Le type de gaine doit correspondre à la pharyngoscope.
marque et au modèle de l’endoscope. La gaine est 4. Une fois la fenêtre dégagée de la pointe, saisir
à usage unique et doit être jetée après utilisation. cette extrémité et faire glisser la gaine hors du scope.
La gaine est fournie stérile. Le fibroscope naso- Si la gaine ne glisse pas librement, instiller une faible
pharyngé doit se déplacer librement à l’intérieur de quantité de sérum physiologique ou d’alcool à l’inté-
la gaine pendant les procédures d’installation et de rieur du raccord proximal à l’aide d’une seringue
retrait. En cas de résistance, il ne faut pas continuer. sans aiguille pour séparer la gaine de l’endoscope.
D 259

Diverticule pharyngo-œsophagien de Zenker

Définition
Le diverticule pharyngo-œsophagien de Zenker
est une hernie de la muqueuse hypopharyngée
s’extériorisant entre le muscle constricteur infé-
rieur du pharynx et le muscle cricopharyngien
constituant le sphincter supérieur de l’œsophage.
Ces deux muscles délimitent une zone de fai-
blesse (triangle de Killian) où se situe le collet
du diverticule (fig. D.2). C’est le résultat d’un
mécanisme de pulsion sur un obstacle en aval,
créé par un dysfonctionnement du muscle crico- Figure D.2. Triangle de Killian.
pharyngien consistant en une relaxation retardée Voie d’abord cervicale gauche. CI : muscle constricteur
au moment du temps pharyngo-œsophagien de inférieur du pharynx ; MCP : muscle cricopharyngien ;
la déglutition. La cause serait une dégénérescence D : diverticule pharyngo-œsophagien ; O : œsophage
fibreuse des fibres de ce muscle. cervical ; T : thyroïde. Flèche : direction de l’extrémité
céphalique.
S. Périé, J. Lacau St Guily. Diverticules pharyngo-œsophagiens.
EMC, Paris (Elsevier Masson), ORL, 1998 :1-0 [Article 20-840-A-10].

Physiologie du sphincter supérieur dilatation du sphincter à l’aide de sondes alourdies par


de l’œsophage du mercure était proposée, mais l’effet était transitoire.
À l’époque, elle constituait aussi un test thérapeutique.
Ce sphincter protège les voies aériennes d’un reflux
Clinique
œsophagien vers le pharynx et empêche le passage d’air
Le diverticule de Zenker touche deux populations dis-
vers l’estomac lors de la respiration. Il se caractérise en
tinctes : des adultes de 55 à 65 ans (plutôt des hommes)
manométrie par une zone de pression élevée sur une
et des sujets de plus de 80 ans (plutôt des femmes).
hauteur de 3 à 4 cm. Son ouverture se déclenche sous
Beaucoup de diverticules restent longtemps asymptoma-
l’effet de la pulsion du bol alimentaire par relaxation des
tiques. Lorsque les troubles de la déglutition apparais-
fibres du muscle cricopharyngien. Ce réflexe se produit
sent, ils sont constitués d’efforts répétés pour déglutir
en même temps que l’ascension laryngée qui décolle
une même bouchée, de sensations d’accrochage du bol
le cartilage cricoïde de la paroi pharyngée postérieure,
alimentaire, de ruminations (régurgitations d’aliments non
libérant ainsi la bouche de l’œsophage. Un transit baryté
digérés plusieurs heures après les repas), de fausses-
avec radiocinéma permet son étude dynamique.
routes secondaires se manifestant par des accès de toux,
Le défaut d’ouverture du sphincter supérieur de l’œso-
d’épisodes asphyxiques et de pneumopathies de déglu-
phage est le plus souvent lié à une absence ou à un retard
tition. Il s’y associe une sialorrhée et une haleine fétide.
de relaxation musculaire par un processus myopathique
Au début, c’est seulement un allongement de la durée
ou de vieillissement (achalasie). Le terme de « spasme du
des repas et l’éviction de certains aliments. Au maximum,
cricopharyngien » ne devrait pas être employé, car il s’agit
c’est une aphagie avec amaigrissement et altération de
de déficit musculaire et non d’hyperactivité. C’est en effet
l’état général.
rarement une hypertonie dans le cadre d’un processus
Le diagnostic différentiel est représenté par les autres
dystonique neurologique ou post-traumatique. Dans les
causes de dysphagie sévère isolée : sclérose latérale
affections neurologiques, la myotomie du cricopharyngien
amyotrophique et myasthénie, sans oublier les cancers
y est une indication rare et il ne faut pas sous-estimer la
de l’hypopharynx.
diminution de la force de propulsion pharyngée. Jadis, la

260 Fiches ORL de A à Z


Bilan
La fibroscopie nasopharyngée montre une stase salivaire
dans les sinus piriformes. Si le diverticule est volumineux,
il s’extériorise en région cervicale et devient palpable. Sa
pression provoque des régurgitations et des bruits hydro-
aériques. Le transit baryté pharyngo-œsophagien est
demandé en première intention (fig. D.3). Le diverticule se
présente comme une poche arrondie se projetant souvent
à gauche de l’œsophage cervical. De profil, le collet se
projette en regard de la sixième vertèbre cervicale. En cas
de corps étranger bloqué dans la bouche œsophagienne,
l’œsophagoscopie au tube rigide doit être prudente en
raison du risque de perforation du fond de la poche
diverticulaire.

Figure D.3. Transit baryté pour diverticule


pharyngo-œsophagien de Zenker.

D 261


Traitement chirurgical toute sa hauteur au laser CO2, au laser KTP/532 ou
Voie endoscopique (fig. D.4) avec une pince coupante autosuturante. La poche
Elle réalise une myotomie transmuqueuse du collet marsupialisée persistera, mais communiquera largement
diverticulaire (diverticulotomie). Le diverticule est d’abord avec l’œsophage. Ces procédés sont bien adaptés aux
exposé grâce à un diverticuloscope à valves positionné à sujets âgés, permettant une réalimentation dès le premier
cheval sur le collet. Le collet est sectionné sur presque jour postopératoire.

Figure D.4. Traitement par voie endoscopique.


A. Exposition du collet diverticulaire à l’aide d’un
diverticuloscope. B. Mise en place de cotonoïdes en
avant dans la lumière œsophagienne (flèche) et en
arrière dans le diverticule (double flèche) C. Section
du septum intermusculaire au laser CO2. D. La
section permet de supprimer le collet du diverticule,
la paroi du diverticule est ainsi en continuité avec
l’œsophage. Quelques fibres musculaires n’ont pas
été sectionnées. E. La section a été complète.
S. Périé, J. Lacau St Guily. Diverticules pharyngo-œsophagiens.
EMC, Paris (Elsevier Masson), ORL, 1998 :1-0
[Article 20-840-A-10].


262 Fiches ORL de A à Z


Voie cervicale (fig. D.5)
La cervicotomie latérale est pratiquée à gauche pour
mieux respecter le nerf récurrent. Le diverticule est dis-
séqué jusqu’à son collet. Il est indispensable de réaliser
une myotomie extramuqueuse du sphincter, étendue
au muscle cricopharyngien et à la musculature striée
de l’œsophage cervical sous peine de récidive. On
termine en pratiquant une diverticulectomie. Certains
opérateurs ne la font pas, mais suspendent la poche
en position verticale pour qu’elle se vide naturelle-
ment dans l’œsophage (diverticulopexie). D’autres ne
pratiquent qu’une simple myotomie pour réduire la
morbidité opératoire. Figure D.5. Diverticule pharyngo-œsophagien géant.
Injections de toxine botulique Exérèse par voie cervicale.
Elles ont été proposées dans les achalasies. Mais elles ne
sont vraiment efficaces que dans les rares et véritables
dystonies du sphincter, comme dans les séquelles du
syndrome de Wallenberg.
F
Fistule (signe de la)
Le signe de la fistule caractérise une communica- peut même contrôler les variations de pression
tion anormale entre l’oreille moyenne et l’oreille positives ou négatives avec précision.
interne. Sa recherche consiste à exercer une aug- Le nystagmus est observé avec des lunettes de
mentation de pression dans le conduit auditif Frenzel ou de vidéonystagmoscopie.
externe. Le signe est positif quand on déclenche
ainsi un nystagmus, un vertige et une déviation Significations
de la posture. Cette variation de pression dans le
conduit peut être obtenue par une simple pression • Lorsque la compression déclenche un nystagmus
du doigt. Le spéculum de Siegle est bien adapté, horizontal battant vers l’oreille comprimée, il s’agit
car il présente un joint permettant d’obtenir probablement d’une fistule de la coque du canal
une adaptation étanche avec le conduit auditif semi-circulaire latéral en rapport avec une otite
externe. Avec une sonde d’impédancemétrie, on chronique cholestéatomateuse (fig. F.1 et F.2).

Figure F.1. Vues coronale et axiale : TDM d’une fistule du canal latéral droit d’origine cholestéatomateuse (flèches).

Figure F.2. Mécanisme


du signe de la fistule.
A. Fistule du canal
semi-circulaire latéral droit
vue en position opératoire
après évidement radical
droit pour cholestéatome.
B. L’augmentation de pression
produite par le doigt provoque
un courant ampullipète stimulant
pour le canal latéral droit.
Le résultat est un nystagmus
battant vers l’oreille atteinte.
U : utricule.


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264 Fiches ORL de A à Z


• Lorsque le nystagmus bat vers l’oreille opposée Il est attribué à une hyperlaxité du ligament
à la compression, la fistule siège au niveau de la annulaire de la platine de l’étrier (classiquement
platine de l’étrier. C’est ce que l’on obtient en cas d’origine syphilitique). On l’a aussi décrit dans
de fracture de la platine de l’étrier. l’hydrops de la maladie de Menière et les patho-
• Le signe de Hennebert ou « signe de la fistule logies pressionnelles labyrinthiques en général.
sans fistule » appartient à la seconde catégorie.
F 265

Fistule de la première fente branchiale


(fistule auriculo-branchiale)
C’est une anomalie de la première fente branchiale auditif externe, à sa partie moyenne au niveau
par défaut d’accolement des berges ectodermiques de la jonction ostéo-cartilagineuse. Sous micro-
du sillon destiné à l’ébauche du conduit auditif scope, la palpation avec un stylet mousse facilite
externe (cf. fiche « Appareil branchial (embryolo- son repérage. L’aspect typique est celui d’une
gie de l’) »). Ce peut être une simple duplication bride membraneuse prémyringienne triangulaire
en cul-de-sac du conduit auditif externe. Plus sou- suivant le quadrant antéro-inférieur du tympan.
vent, c’est une structure tubulaire plus ou moins Cet aspect dit en « foc de voilier » est retrouvé
cartilagineuse, se dirigeant en bas et en avant, dans 30 à 50 % des cas (fig. F.4).
entrant en rapport avec le nerf facial et devenant
sous- et rétro-angulo-mandibulaire.

Fistules complètes
L’orifice externe est situé dans une zone de pro-
jection cutanée définie par E. Poncet qui réalise
un triangle oto-hyo-mandibulaire dont le sommet
est le plancher du conduit auditif externe et la
base est une ligne réunissant la pointe du menton
et le milieu de l’os hyoïde (fig. F.3). Souvent,
cette fistule externe est secondaire à l’ouverture
d’un kyste surinfecté associé.
L’orifice supérieur passe souvent inaperçu. Une
otoscopie minutieuse peut retrouver un petit
orifice punctiforme du plancher du conduit
Figure F.4. Fistule auriculo-branchiale gauche.
Otoscopie.
Bride prémyringienne (flèche rouge). Orifice supérieur
(flèche noire).

Chirurgie
Toute fistule auriculo-branchiale doit être opérée
avant la survenue des surinfections. Si le diagnos-
tic n’est porté qu’après des épisodes infectieux,
il convient de n’opérer qu’après refroidissement
complet des lésions (fig. F.5). Aucun examen
complémentaire n’est indispensable avant de
proposer l’exérèse chirurgicale. La fistulographie
ne peut que rarement opacifier tout le trajet
fistuleux.
La voie d’abord est celle utilisée pour une paroti-
Figure F.3. Aire de projection des fistules dectomie en associant une petite résection circu-
auriculo-branchiales. laire de l’orifice fistuleux externe. L’intervention
Vazel L., Martins C., Potard G., et al. Fistules et kystes
congénitaux du cou. EMC, Paris (Elsevier Masson),
commence par le repérage du nerf facial (fig. F.6).
ORL, 2006 : 1-6 [Article 20-860-A-10]. Ce premier temps est rendu délicat par l’existence

266 Fiches ORL de A à Z

Figure F.5. Double fistule auriculo-branchiale gauche. Figure F.6. Découverte du nerf facial gauche.
Jeune femme de 18 ans. Suppurations sous-auriculaires La branche temporo-faciale cravate une formation
et sous-angulo-maxillaires à répétition depuis l’enfance. tubulaire cartilagino-ectodermique : la fistule
Plusieurs incisions. de la 1re fente branchiale.

d’une duplication du conduit auditif externe,


obligeant la branche temporo-faciale du VII à
la contourner et à devenir très superficielle, au
ras de la peau. En fait, cette branche peut alors
être blessée dès l’incision de la voie d’abord.
La fistule est ensuite disséquée de proche en
proche en contrôlant le nerf facial et ses branches
(fig. F.7 et F.8). Une parotidectomie super-
ficielle peut parfois s’avérer nécessaire. S’il existe,
l’orifice supérieur est réséqué avec ablation d’un
fragment cartilagineux du plancher du conduit
Figure F.7. Extirpation complète de la fistule jusqu’à auditif externe.
son orifice externe.

Figure F.8. Suites postopératoires.


Pas de paralysie faciale.
F 267

Fistules branchiales cervicales basses


Elles concernent les fistules et kystes des deuxième, Les tentatives de cathétérisme permettent de fran-
troisième et quatrième fentes branchiales. chir le plan du peaucier. Mais la fistule peut être
borgne et non cathétérisable. L’orifice fistuleux
Fistule et kyste de la deuxième interne, inconstant, est rarement retrouvé. Il est
fente branchiale situé classiquement au bord postéro-supérieur de
la loge amygdalienne, mais il peut aussi se situer
Ce sont les plus fréquentes des fistules congéni- sur les piliers ou sur le bord libre du voile.
tales latéro-cervicales. Elles correspondent, pour Une fistulographie ne permet d’apprécier l’exten-
la plupart, à un défaut de résorption du sinus sion en profondeur que lorsque le trajet de
cervical (cf. fiche « Appareil branchial (embryo- la fistule n’a pas été remanié par des épisodes
logie de l’) »). En cas de fistule aveugle, sans infectieux répétés (fig. F.10).
orifice externe ni interne, il se forme un kyste La constatation d’une fistule de la 2e fente, sur-
isolé ou kyste amygdaloïde (cf. chapitre 4). En tout si elle est bilatérale, doit faire rechercher un
cas de fistule complète avec orifice cutané externe syndrome branchio-oto-rénal par une échogra-
et orifice muqueux interne, le 2e sillon et la phie abdominale.
2e poche endobranchiale mettent en communi- Parfois, le diagnostic n’est fait qu’à l’âge adulte, à
cation la muqueuse et la peau. Le trajet de ces l’occasion d’une poussée de surinfection révélant
fistules passe entre les structures des 2e et 3e arcs une fistule ou un kyste restés asymptomatiques.
branchiaux, c’est-à-dire entre les carotides interne L’imagerie met alors en évidence des opacités
et externe, au-dessus du nerf grand hypoglosse et ovalaires sous-hyoïdiennes situées à proximité de
au-dessous du ligament stylo-hyoïdien. La fistule la bifurcation carotidienne.
gagne ensuite la région de l’amygdale palatine à Le traitement chirurgical emporte l’orifice cutané
proximité de la fossette de Rosenmüller. externe, la fistule, et un éventuel kyste situé sur
Le diagnostic est facile quand il existe un ori- son trajet (fig. F.11). La dissection est poursuivie
fice cutané externe. C’est une petite dépres- le plus haut possible au-delà de la bifurcation
sion punctiforme, à bords nets, située en regard carotidienne. Une incision complémentaire en
du milieu du bord antérieur du muscle sterno- regard de l’os hyoïde est souvent nécessaire pour
cléido-mastoïdien (fig. F.9). Cette fistule coule par reprendre la dissection haute du trajet fistuleux à
intermittences, évacuant des sécrétions troubles. proximité du pharynx (fig. F.12).

Figure F.9. Fistule de la deuxième fente chez une


mère et son fils.
Orifices externes au bord antérieur du muscle Figure F.10. Fistulographie d’une fistule
sterno-cléido-mastoïdien (flèches). de la deuxième fente branchiale.

268 Fiches ORL de A à Z


Kystes et fistules des troisième
et quatrième poches
endobranchiales
Ces kystes et fistules ont en commun d’avoir un
orifice interne au niveau du sinus piriforme : à sa
partie haute pour la 3e poche et au niveau du fond
pour la 4e. Puis leur trajet se fait au contact du
lobe thyroïdien (fig. F.13). Il n’y a pas d’orifice
cutané primitif. Ces fistules se révèlent habituelle-
ment par une complication infectieuse simulant
Figure F.11. Exérèse d’une fistule de la 2e fente une thyroïdite suppurée. Une fistulisation secon-
(incision basse). daire est toujours possible.
L’endoscopie réalisée sous anesthésie générale
retrouve l’orifice fistuleux sous le carrefour des
trois replis pour la 3e fente et au fond du sinus
piriforme, sous un repli muqueux, pour la 4e. Il
laisse sourdre du pus lors du massage cervical.
L’échographie et la tomodensitométrie cervicales
permettent d’éliminer une pathologie tumorale

Figure F.12. Exérèse d’une fistule de la 2e fente


(incision haute).
La fistule rejoint le pharynx en passant entre la carotide Figure F.13. Fistule de la troisième fente branchiale.
interne et la carotide externe au-dessus du nerf grand Elle est occupée par un aspergillome et refoule
hypoglosse (XII). la glande thyroïde.

F 269


thyroïdienne et précisent les rapports du kyste précédentes. Il faut repérer le nerf récurrent
avec la thyroïde et l’axe laryngo-trachéal. jusqu’au sinus piriforme (fig. F.14 et F.15) et
Le traitement chirurgical est toujours difficile parfois emporter le lobe thyroïdien ipsilatéral du
du fait d’incisions ou des tentatives d’exérèse fait de l’importance des adhérences.

Figure F.14. Fistule de la quatrième fente branchiale.


Son trajet rejoint le sinus piriforme gauche (flèche). Figure F.15. Abord chirurgical d’une fistule
de la 4e poche branchiale gauche.
Nerf récurrent (flèche blanche pleine). Entrée de la
fistule sous l’aile thyroïdienne (flèche blanche creuse).
G
Grenouillette
La grenouillette (ou ranula pour les Anglo- mylo-hyoïdien et nécessiter un abord chirurgical
saxons) résume la pathologie de la glande sublin- cervical (fig. G.1). Cette appellation a pour auteur
guale. C’est une dilatation kystique de la glande Ambroise Paré en raison de l’altération de la voix
sublinguale pouvant dépasser le plan du muscle de ces patients qui croassent comme une grenouille.

Figure G.1. Grenouillette ou ranula du plancher de la bouche droit.


Schéma : Delas B., Dehesdin D. Chirurgie de la glande sous-mandibulaire et sublinguale. EMC, Paris (Elsevier Masson), Techniques
chirurgicales – Tête et cou, 2009, p. 7, fig. 9 [Article 46-539].

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H
HPV 16-18 et cancers des VADS
Ce sont des virus à ADN qui ont un tropisme pour d’HPV dans un carcinome buccal est cinq fois
les épithéliums malpighiens. On les retrouve dans plus élevée que dans la muqueuse orale saine de
les cancers du col de l’utérus et dans les cancers voisinage. Deux sous-types d’HPV, 16 et 18, sont
de la cavité buccale et de l’oropharynx. Certains carcinogènes et associés à une mutation de p53
HPV (human papillomavirus), notamment HPV- (cf. fiche « Biologie tumorale et carcinogenèse »).
16 et HPV-18, auraient un rôle étiologique dans Il existe donc une relation étroite entre l’infection
le développement des cancers des VADS, que à HPV-16 et le cancer de l’oropharynx. Cette
les patients présentent ou non une intoxication relation entre infection à HPV et cancer est
alcoolo-tabagique. moins nette pour les tumeurs de la cavité buc-
cale. L’infection par le virus de la papillomatose
humaine HPV est donc suspectée d’être à la base
Argumentation de nombreux cancers de l’oropharynx en raison
Le risque de carcinome épidermoïde de la tête et des pratiques sexuelles oro-génitales.
du cou chez les sujets séropositifs pour HPV-16
est multiplié par deux. La présence d’HPV dans les Une forme clinique particulière
tissus néoplasiques de la cavité orale varie de 14 à
91 %. L’acide désoxyribonucléique (ADN) viral est Sur le plan pronostique, les cancers des VADS
retrouvé dans 72 % des tumeurs de l’oropharynx. associés à l’infection à HPV semblent présenter
Étudiés par PCR (polymerase chain reaction), 50 % un meilleur pronostic qu’en l’absence d’infection
des carcinomes oropharyngés et 14 % des carci- virale. Cependant, cette différence évolutive n’a
nomes de la langue contiennent de l’acide désoxy- été bien mise en évidence que pour les tumeurs
ribonucléique (ADN) de HPV-16. L’expression de l’oropharynx.

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L
Laryngocèle externe
Elle est formée par une dilatation du ventricule Traitement chirurgical (fig. L.2)
laryngé sous l’effet d’un gradient de pression
endolaryngé positif sus-glottique brutal, comme Après un abord cervical latéral, on dissèque la
on en rencontre chez les trompettistes et les poche. Il est nécessaire de réséquer la partie
souffleurs de verre. Sa caractéristique est d’être supérieure de l’aile thyroïdienne pour lier le
réductible à la pression en s’accompagnant de collet le plus en dedans possible. Les laryn-
bruits hydro-aériques. Elle se reproduit lorsque le gocèles internes se traitent par voie endosco-
patient bloque sa glotte comme lorsqu’on soulève pique : marsupialisation en réséquant la bande
un poids. Le larynx présente un aspect normal. ventriculaire.
Lors de la manœuvre de Valsalva, à l’auscultation,
on entend un sifflement.

Signes cliniques
Dans le cas présenté ici (fig. L.1), c’est une
pseudo-tumeur remplie d’air, située en avant du
bord antérieur du muscle sterno-cléido-mastoï-
dien. Elle fait issue en arrière du larynx au niveau
des membranes thyro-hyoïdienne ou cricothy-
roïdienne. Le patient a consulté pour des accès
de suffocation laryngée avec dysphonie inter-
mittente. Ailleurs, il peut aussi s’agir d’une laryn-
gocèle interne qui ne fait que soulever la bande
ventriculaire jusqu’à faire bomber la vallécule
Figure L.1. Laryngocèle externe : TDM.
sans s’extérioriser. Si le collet herniaire se ferme, Matar N., Remacle M. Tumeurs bénignes du larynx.
il apparaît un pyolaryngocèle. La cause peut être EMC, Paris (Elsevier Masson), ORL, 2015 ; 10(3) : 1-12
une tumeur du ventricule. [Article 20-700-A-10].

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276 Fiches ORL de A à Z


Diagnostic et réductible lors de la pression de son pôle
supérieur et elle est située nettement en dessous
On ne peut pas confondre une laryngocèle avec du larynx.
une phlébectasie de la veine jugulaire interne
car celle-ci n’apparaît qu’à l’effort, elle est molle

Figure L.2. Laryngocèle externe droite.


Abord chirurgical. Le doigt déprime la tumeur aérique.
L 277

Lavage d’oreille pour extraction d’un bouchon de cérumen

Matériel (en l’absence de perforation tympanique :


Antibio-synalar®, Panotile®, etc.)
• Énéma (fig. L.3A) ;
• canule souple en polyester ;
• eau bouillie tiède : 200 à 300 cc avec 3 à 4 cuil- Difficultés
lerées à soupe de Mercryl® ou de Cetavlon® ;
• coton. Si le bouchon ne vient pas rapidement c’est qu’il
est soit trop gros, soit trop dur :
• introduire dans le conduit auditif externe une
Technique mèche à lisière de 1 cm imbibée de glycérine au
Faire asseoir le malade, une alèse sur l’épaule de contact du bouchon pendant 20 minutes avant le
l’oreille à laver. Lui faire tenir le bassin en forme lavage ;
de haricot sous l’oreille, la tête légèrement inclinée • ou faire revenir le malade après qu’il a pratiqué
du côté opposé. Demander au patient de tirer plusieurs jours de suite des bains d’oreille avec
lui-même sur le pavillon de l’oreille en haut et Cérulyse®.
en arrière pour redresser la courbure du conduit NB. L’énéma peut être remplacé par une seringue
auditif externe. Pour cela, il doit faire passer la main de 20 à 30 cc.
qui lui reste libre par-dessus la tête, l’autre tenant
le haricot. Amorcer l’énéma en actionnant la poire
de la main gauche (fig. L.3B). Diriger le jet d’eau
tiède avec la main droite, non pas dans l’axe du
conduit, mais vers la paroi postéro-supérieure du
conduit auditif externe de façon à ce que le liquide
parvenu au fond du conduit revienne en ramenant
tout ce qui l’obstrue. Le bouchon doit s’extraire
au bout de 3 à 4 coups de poire (fig. L.3C).
Sécher ensuite le conduit avec du coton hydrophile
dont on laissera une grosse boule dans la conque
jusqu’au retour au domicile pour éviter le froid.

Contre-indications
• Antécédents d’otite chronique ou de perfora-
tion tympanique.
• Bouchons épidermiques : il s’agit de squames
épidermiques provoquées par une dermite du
conduit auditif externe, appelée souvent à tort
« eczéma du conduit ».
Dans ces cas, le lavage risque de déclencher une
poussée inflammatoire douloureuse, voire une
otite externe. Le nettoyage de l’oreille dans ces
conditions doit être fait avec des porte-cotons ou
Figure L.3. Lavage d’oreille pour extraction
mieux avec une aspiration après avoir fait pratiquer
d’un bouchon de cérumen.
pendant plusieurs jours des bains d’oreilles avec A. Énéma. B. Amorçage. C. Le jet d’eau est dirigé vers la
une solution auriculaire antibiotique et corticoïde paroi postéro-supérieure du conduit auditif externe.
278 Fiches ORL de A à Z

Lésions précancéreuses des muqueuses des voies


aérodigestives supérieures
La plupart des cancers de la cavité buccale, de progrès des optiques et de la microchirurgie
l’oropharynx et du larynx sont des épithéliomas laryngée pour un diagnostic précoce.
malpighiens liés au tabagisme. Le concept de L’étude des lésions précancéreuses a trois
lésion précancéreuse est fondé sur le fait que dans objectifs :
un grand nombre de cas, on observe l’apparition • réaliser la prophylaxie des cancers par l’éradi-
du cancer sur une lésion ancienne dont toute cation des lésions primaires ;
modification brutale et récente indique qu’elle • saisir le stade in situ ou micro-invasif par
a déjà dégénéré. La filiation dysplasie-carcinome la surveillance clinique (aspect érythémateux ou
intra-épithélial est admise, variant de 5 à 20 % érosif) et histologique (rupture de la membrane
des patients. basale). Le degré de dysplasie observé au sein de
Les leucoplasies (fig. L.4) sont des plaques l’épithélium est un bon témoin du risque de can-
blanches plus ou moins bien limitées, localisées cérisation, de même que la présence d’un infiltrat
à la cavité buccale. On distingue les kératoses inflammatoire dense (infiltrat du chorion, exocy-
simples, bénignes, des kératoses dysplasiques à tose lymphocytaire, nécrose kératinocytaire) ;
potentiel « sévère », proches du carcinome intra- • comprendre les modes de transformation
épithélial. Dysplasies et carcinomes peuvent sur- d’une lésion précancéreuse en cancer. Par exem-
venir sur des lichens atrophiques ou sur des ple, la présence de Candida albicans catalyse la
candidoses chroniques. formation de nitrosamines, importants carcino-
Exceptionnelle, la papillomatose orale floride est gènes. L’utilisation de substances topiques, telles
à la limite d’être un authentique cancer. L’éry- que les rétinoïdes, peut faire régresser les lichens
throplasie est une zone rouge, déprimée, érosive et les leucoplasies de la cavité buccale.
ou ulcérée sur le plancher buccal. Elle se caracté- Malheureusement, le multicentrisme des lésions
rise par des cellules dysplasiques et volumineuses et la poursuite du tabagisme expliquent les résul-
(maladie de Bowen). La cancérisation dépasse tats incomplets et les échecs. La kératose récidive
alors 90 % des cas. comme si le tissu sous-jacent avait appris à sus-
Pour le larynx, il existe de nombreuses lésions citer cette différenciation anormale dans le nouvel
présumées bénignes : leucoplasie simple, kératose, épithélium. Parfois, un cancer apparaît à côté de
kératose exophytique, hyperkératose, kératose la lésion précancéreuse.
verruqueuse, polype kératosique, papillome flo- Schématiquement, 10 % des patients suivis pour
ride, susceptibles d’évoluer vers un authentique lichen ou pour leucoplasie ont présenté un cancer
cancer. Ces lésions bénéficient maintenant des de la cavité buccale et 17 % des dossiers de
cancers de la cavité buccale, toutes localisations
confondues, font mention d’une lésion dite pré-
cancéreuse. Dans un grand nombre de cas, la
transformation s’est produite littéralement
sous contrôle médical.
Au niveau du larynx, l’évolution est imprévisible
et oblige à recourir à la microchirurgie et souvent
à des sacrifices laryngés importants. Dans ces
conditions, les lésions précancéreuses ne sont pas
en elles-mêmes particulièrement dangereuses, à
condition d’être traitées. Elles incitent toutefois à
une surveillance ORL, car elles témoignent d’une
propension à la cancérisation des muqueuses des
Figure L.4. Leucoplasie de la cavité buccale. voies aérodigestives supérieures.
L 279

Lymphangiomes kystiques
Sous ce nom, on désigne des malformations lym- prévoir les conséquences à venir : envahissement
phatiques par absence de communication des de la base de langue et compression du carrefour
lymphatiques avec le système périphérique. Elles pharyngo-laryngé. Le rôle d’un staff de diagnos-
réalisent des tuméfactions molles, dépressibles, tic prénatal est d’aider les parents à décider de la
indolores, pouvant atteindre des tailles impres- poursuite ou non de la grossesse et des modalités
sionnantes à la naissance (Elephant Man). Elles de naissance à envisager avec l’équipe obstétricale.
évoluent ensuite par poussées, en rapport avec • Après la naissance, plusieurs options se
des infections sur les voies aériennes supérieures. présentent :
D’autres formes se déclarent plus tard, jusqu’à – surveillance : le caractère rapidement évolutif
l’adolescence, restant de taille modeste et plus de ces malformations oblige rapidement à pas-
facilement contrôlables. ser à l’action ;
– ponction à l’aiguille : elle peut être proposée
pour soulager transitoirement une compres-
Anatomopathologie sion des voies aériennes dans un contexte
Ce sont des lésions kystiques polylobées avec des d’urgence ;
cloisons non vascularisées constituant des cavités – trachéotomie : elle s’impose dans les formes
de 1 mm à 10 cm de diamètre. Des hémorragies dyspnéisantes, associée à une alimentation enté-
intrakystiques peuvent donner lieu à un hémo- rale par sonde nasogastrique ;
lymphangiome. – injection d’agents sclérosants : elle a pour
Les lymphangiomes kystiques siègent surtout but théorique de bloquer l’apport de lymphe
dans la région cervico-faciale au niveau du trian- au niveau du kyste en provoquant une réaction
gle postéro-inférieur du cou, de la parotide et de inflammatoire locale ;
la région sous-mandibulaire. On distingue deux – chirurgie d’exérèse : ces tumeurs ont des
formes topographiques : limites anatomiques imprécises, difficiles à dis-
• d’une part, les lymphangiomes macrokystiques tinguer des tissus sains. Les kystes sont incon-
sous-hyoïdiens en rapport avec la persistance sistants, fragiles et souvent hémorragiques.
d’une communication entre les voies lympha- L’exérèse d’un lymphangiome kystique est
tiques et la veine jugulaire interne ; donc toujours difficile en raison d’absence de
• d’autre part, les lymphangiomes microkystiques plan de clivage. Dans la plupart des cas, il faut
sus-hyoïdiens atteignant la langue, le plancher de donc se résoudre à une exérèse incomplète
la bouche et l’espace parapharyngé. Ils sont dits pour éviter des séquelles nerveuses, musculaires
capillaires, mal limités et infiltrants, résultant d’un et cutanées.
trouble de connexion des vésicules lymphatiques
entre elles.
Indications
L’échographie précise s’il existe un contenu liqui-
dien et le caractère mono- ou multikystique. • Dans les formes sous-hyoïdiennes, souvent
À la TDM, il y a des masses homogènes de très impressionnantes, l’exérèse complète est plus
densité liquidienne ne se rehaussant pas après souvent possible au prix du sacrifice de la veine
injection de produit de contraste. L’IRM montre jugulaire interne ou du tronc veineux linguo-
un hypersignal en T2 montrant les différents facial. La sclérothérapie est aussi plus efficace, car
cloisonnements. ce sont des formes macrokystiques.
• En revanche, le pronostic des formes sus-
hyoïdiennes est réservé, car l’exérèse chirurgi-
Prise en charge
cale complète est souvent impossible et il s’agit
• À la période anténatale, l’échographie et l’IRM de formes microkystiques difficiles à scléroser
peuvent arriver à un diagnostic permettant de (fig. L.5).

280 Fiches ORL de A à Z


• Quelle que soit la méthode choisie, le risque
de récidive ou de poussée sur reliquats est majeur
chez un enfant soumis aux infections ORL de
la petite enfance. L’adéno-amygdalectomie est
proposée plus facilement que dans les recom-
mandations officielles. Les associations antibio-
tique-corticoïde par voie générale sont également
largement prescrites.

Figure L.5. Récidive de lymphangiome kystique


sus-hyoïdien.
Infiltration de tout le plancher de la bouche chez
un enfant de 6 ans.
L 281

Lymphomes ORL
Les lymphomes malins sont des proliférations souvent nécessaire, mais il ne faut pas compter
de cellules lymphocytaires B et T formant des avoir le résultat en extemporané.
tumeurs ganglionnaires ou extraganglionnaires.
Les voies aérodigestives supérieures (VADS) sont
riches en cellules lymphoïdes immunocompé- Formes cliniques
tentes, expliquant que le lymphome non hodgki-
nien est la seconde étiologie des tumeurs malignes • Au niveau des VADS, ils touchent préféren-
de la tête et du cou, derrière les carcinomes tiellement l’adulte et sont représentés par les
épidermoïdes. lymphomes B folliculaires, les lymphomes de
type MALT (lymphome extraganglionnaire de
la zone marginale du tissu lymphoïde associé aux
Épidémiologie muqueuses) et les lymphomes diffus à grandes
cellules B. Les localisations aux fosses nasales, au
Leur fréquence a augmenté au cours de ces 25 cavum (amygdale pharyngée) et à l’oropharynx
dernières années. Les facteurs de risque sont (amygdale palatine) se présentent sous forme
l’immunodéficience (en particulier les traitements d’une tumeur molle, pâle ou violacée, évoquant
immunosuppresseurs pour greffes d’organes) et d’emblée un lymphome malin non hodgkinien
la manipulation de pesticides et d’insecticides. (fig. L.6). Les adénopathies cervicales sont sou-
Ce sont aussi des pathologies virus-dépendantes : vent volumineuses et homogènes, atteignant tous
virus EVB (Epstein-Barr), notamment pour les les territoires, y compris les chaînes ganglionnaires
fosses nasales. du tronc. Les lymphomes de la parotide et de la
thyroïde sont plutôt de type MALT. Chez le sujet
Classification plus âgé, une macropolyadénopathie débutant
au niveau du cou fait évoquer une leucémie lym-
Elle prend en compte l’architecture folliculaire phoïde chronique.
ou diffuse de la prolifération tumorale, le phéno- • Le lymphome de Burkitt, d’évolution rapide
type B ou T/NK (natural killer) et les données avec adénopathies, est le plus grave. En Afrique,
permettant d’identifier certaines translocations il se présente sous la forme d’une tumeur cervico-
ou la présence d’un génome viral. Les trois faciale avec atteinte maxillaire. En Occident, la
principales entités anatomo-cliniques rencontrées maladie, plus rare, se présente avec une atteinte
en ORL sont les lymphomes non hodgkiniens de abdominale. Le lymphome de Burkitt est fréquent
phénotype B, les lymphomes non hodgkiniens de chez l’enfant (fig. L.7). Classiquement, il débute
phénotype T et les lymphomes hodgkiniens ou par le signe de la houppe du menton : anesthésie
maladie de Hodgkin. localisée en rapport avec une atteinte du tronc
cérébral.
Bilan • Les formes plasmocytaires sont tantôt des
plasmocytomes osseux (formes particulières de
Le bilan de l’extension locale et disséminée repose maladie de Kahler localisées à l’os), tantôt des
sur le PET-scan (tomographie à émission de formes muqueuses. En cas de myélome à immu-
positons). L’imagerie classique précise l’exten- noglobuline de type A (IgA), une amylose est
sion osseuse sinusienne (TDM) et les atteintes associée dans 10 % des cas avec macroglossie,
ganglionnaires (IRM). Biologiquement, les lym- atteintes glottique et oculaire. Ce sont des dépôts
phomes sont caractérisés par un taux de LDH de fibrilles prenant la coloration rouge Congo.
(lacticodéshydrogénase) élevé et la présence de • Forme sinuso-nasale : parmi les lymphomes
marqueurs de l’hémophagocytose. Le cytodia- T/NK extraganglionnaires, la forme localisée aux
gnostic par ponction à l’aiguille fine peut être fosses nasales et au palais était autrefois appelée
complété par une cytométrie. La biopsie est granulome malin centro-facial. Elle est fréquente

282 Fiches ORL de A à Z

Figure L.6. Lymphome folliculaire de l’amygdale palatine droite avec adénopathie cervicale.
Noter l’aspect violacé de l’amygdale palatine droite (*). L’adénopathie cervicale satellite mesure 9 cm de diamètre.
Il existe aussi une adénopathie inguinale droite envahie.

Figure L.7. Lymphome de Burkitt.


Enfant âgé de 5 ans examiné à l’occasion d’une otite séreuse bilatérale douloureuse. Il existe une hypertrophie
gingivale avec tuméfaction submandibulaire, extrusion dentaire et aspect lacunaire maxillaire et mandibulaire.
On note également une localisation testiculaire douloureuse. La sérologie EBV était positive. Le diagnostic
anatomopathologique a été fait sur les prélèvements stomatologiques et l’orchidectomie.

en Asie, mais rare en France. Il s’agit de lésions fait de proche en proche. Un prurit, des sueurs et
médio-faciales nécrosantes et destructrices. En de la fièvre sont évocateurs. Le pronostic est bon,
Europe, on trouve des formes héréditaires chez car le traitement consiste en l’induction d’une
des migrants asiatiques, dont l’incidence diminue immunité T détruisant les cellules tumorales.
au fil des générations. On a incriminé des facteurs
alimentaires (poissons séchés), des facteurs géné- Traitement
tiques (groupes HLA [Human Leucocyte Anti-
gen]) et des facteurs viraux (EBV différents dans Les formes ORL localisées réagissent bien à la
les populations asiatiques). Le principal diagnostic radiothérapie. Les formes disséminées relèvent de
différentiel est la maladie de Wegener. la chimiothérapie. Pour les lymphomes T/NK
• Lymphome hodgkinien ou maladie de Hodg- extraganglionnaires, la L-asparaginase apporte un
kin : elle survient chez l’adulte jeune entre 15 progrès important. Son principe repose sur le fait
et 30 ans et chez l’adulte après 50 ans. Dans la que les cellules pathologiques sont incapables de
plupart des cas, la maladie débute par une atteinte synthétiser l’asparagine, qui est un précurseur pep-
ganglionnaire cervicale. Elle est caractérisée par la tidique. Toutefois, comme c’est une protéine, une
cellule de Sternberg. L’évolution est lente et se immunité peut se développer contre le médicament.
M

Minor (syndrome de)


Ce syndrome associe des troubles auditifs et des cérébrospinal : sons intenses (phénomène de Tul-
troubles vestibulaires induits par des stimulations lio), éternuements ou efforts physiques (activité
pressionnelles ou sonores. Il est lié à un défaut sportive). Un déséquilibre chronique est possible.
de couverture osseuse de la coque du canal semi- Il s’associe divers symptômes auditifs : acouphène
circulaire antérieur. La cause de cette déhiscence pulsatile transmis par la méninge, autophonie
est encore l’objet de débats : origine congénitale, durant la phonation, sensation de plénitude
trouble du métabolisme osseux ou déminéralisa- de l’oreille ou de pression auriculaire. Certains
tion au contact des pulsions intracrâniennes ? patients se plaignent d’entendre leurs yeux bou-
ger dans les orbites.
À l’examen, le tympan est normal. Les symptômes
Théorie de la troisième vestibulaires sont reproduits par la manœuvre de
fenêtre mobile Valsalva. Lors de la pneumo-otoscopie avec un
Le canal membraneux antérieur est situé au spéculum de Siegle, on déclenche un vertige avec
contact de la méninge, ce qui a plusieurs consé- un nystagmus vertical (signe de Hennebert).
quences sur le fonctionnement des liquides L’audiométrie tonale retrouve une pseudo-surdité
labyrinthiques avec perte d’énergie acoustique de transmission prédominant sur les fréquences
et stimulation anormale du système otolithique. graves, parfois importante, avec conservation des
• Pour des sons de forte intensité, l’énergie sonore réflexes stapédiens, ce qui la distingue de l’otos-
traverse le canal antérieur, s’échappe par la 3e fenêtre pongiose. Le seuil de conduction osseuse est
et déclenche un vertige (phénomène de Tullio). supra-normal (c’est-à-dire meilleur que 0 dB).
• Lors de l’audiométrie tonale, la déperdition
d’énergie sonore entraîne une baisse de la conduc- Diagnostic
tion aérienne.
• Lors de la mesure de la conduction osseuse, la Il est apporté par la réalisation de coupes TDM
vibration osseuse est renforcée par réverbération (fig. M.1) dans le plan du canal antérieur (plan
dans le labyrinthe postérieur, ce qui se traduit par de Pöschl). L’étude des potentiels évoqués otoli-
un seuil en osseux situé au-dessus de la courbe des thiques (PEO) est utile en montrant un abais-
sujets normaux. sement caractéristique des seuils de détection
du côté malade entre 70 et 80 dB, alors que le
seuil est normalement de l’ordre de 90 dB. Le
Clinique pourcentage de déhiscences canalaires supérieures
Il y a une grande variabilité interindividuelle. asymptomatiques est évalué à environ 1 %.
Il existe des épisodes d’instabilité, de vertige ou
d’oscillopsie provoqués par le rire, la toux, le Traitement
mouchage, la montée d’une côte ou le levage
de gros poids. Lors d’efforts à glotte fermée, il On pratique une voie sus-pétreuse avec volet
peut apparaître une diplopie verticale, une perte osseux. La déhiscence est découverte en dedans
d’équilibre ou un changement de direction lors de l’eminentia arcuata. On réalise son comble-
de la marche. Les facteurs déclenchants des symp- ment avec de la cire de Horsley, de la poudre
tômes sont toutes les situations entraînant des d’os ou d’hydroxyapatite. Il existe souvent une
variations pressionnelles dans l’oreille interne ou période vertigineuse de plusieurs semaines après
les espaces sous-arachnoïdiens contenant le liquide l’intervention.

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284 Fiches ORL de A à Z

Figure M.1. Syndrome de Minor gauche.


Déhiscence du canal antérieur gauche en coupe TDM dans le plan de Pöschl (flèches) à comparer au côté droit
sain. Patiente ayant subi une stapédotomie gauche pour otospongiose ayant déclenché un acouphène pulsatile
très violent. Persistance de l’acouphène malgré deux reprises successives du montage piston-interposition. Cette
coïncidence d’une authentique otospongiose et d’une déhiscence jusque-là asymptomatique a été révélée en
ouvrant la troisième fenêtre au niveau de la platine de l’étrier.
M 285

Myringotomie et paracentèse

Paracentèse classique un anti-inflammatoire pour prévenir une dermite


du conduit.
Autrefois, c’était un geste difficile effectué au Les dangers de cette paracentèse effectuée à
miroir de Clar pour ouvrir une otite purulente la volée étaient la plaie du promontoire ou du
bien mûre entre la 24 et la 48e heure avec une conduit provoquant un saignement important,
aiguille à paracentèse. Chez l’enfant très jeune, voire une luxation de l’enclume. À noter que
l’anesthésie était remplacée par une bonne conten- l’anesthésie locale avec du liquide de Bonain a été
tion en position couchée, le corps enroulé dans un accusée de favoriser les nécroses de la membrane
drap. Dans la seconde enfance, on employait du tympanique.
chlorure d’éthyle. Chez l’enfant plus grand et
chez l’adulte, le conduit était désinfecté, asséché
à l’alcool à 60° et anesthésié localement avec Myringotomie
une boulette de ouate imbibée de liquide de
Bonain1. L’incision se faisait à travers le spéculum Elle ne se conçoit plus sans microscope opératoire
d’oreille, dans le quadrant postéro-inférieur du ni anesthésie.
tympan, entre le cadre et le manche du marteau, Elle est effectuée pour réaliser des prélèvements
de bas en haut pour être aussi longue que pos- à visée bactériologique chez le nourrisson avant
sible (fig. M.2). Le pus était aspiré et une mèche l’âge de 4 mois, où les germes sont souvent
à lisière de 1 cm était laissée en place pour faire atypiques, ou en cas d’otite aiguë résistant à deux
des bains d’oreille comportant un antibiotique et cures d’antibiotiques différents. Le prélèvement
du liquide d’oreille est réalisé par aspiration. Il
faut éviter de contaminer ce prélèvement par
la flore bactérienne du conduit auditif externe
(composée de bacilles à Gram négatif, de sta-
phylocoques et de corynébactéries). Les milieux
ensemencés sont constitués au minimum d’une
gélose au sang incubée en aérobiose, d’une gélose
au sang cuit incubée sous 5 % de gaz carbonique
permettant la culture d’Haemophilus influenzae,
ainsi que d’une gélose Columbia incubée en
anaérobiose. Les cultures restent stériles dans 15
à 30 % des cas.
La myringotomie est aussi le premier temps de
la mise en place d’un aérateur tympanique (cf.
fig. 6.5). L’incision se fait cette fois dans le qua-
Figure M.2. Paracentèse et inclinaison du tympan. drant antéro-inférieur.
La paracentèse effectuée de haut en bas risque d’être
incomplète et réduite à une simple poncture. Gellé 1. Composition du liquide de Bonain : chlorhydrate
conseillait de la faire de bas en haut pour être aussi de cocaïne et menthol à parties égales, additionnés
longue que possible. d’acide phénique neigeux.
O
Otalgie réflexe
Une douleur d’oreille en rapport avec une lésion
de l’oreille est une otodynie. L’otalgie est le
moins spécifique de tous les symptômes. L’oreille
n’est pas obligatoirement en cause. Une otalgie
peut révéler de nombreuses pathologies cranio-
faciales et pharyngo-laryngées, car il existe un
véritable plexus tympanique formé des différentes
anastomoses entre les nerfs crâniens (fig. O.1).

Figure O.1. Sièges des causes d’otalgie.


Oreille externe et moyenne ; rhinopharynx et
orifice de la trompe d’Eustache (1) ; articulation
temporo-mandibulaire et parotide (2) ; sinus maxillaire
(3) ; amygdale palatine (4) ; dents et langue (5) ;
grosse tubérosité de l’atlas (6) ; hypopharynx et sinus
piriforme (7) ; œsophage supérieur (8) ; larynx (9).

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288 Fiches ORL de A à Z

Otite externe
L’otite externe diffuse est une infection caractérisée finit par permettre de voir le tympan en quelques
par une violente douleur exacerbée par la mastica- jours. Rappelons que les aminosides locaux sont
tion, une traction sur le pavillon de l’oreille ou une contre-indiqués en cas de perforation tympanique.
pression sur le tragus. Elle est très fréquente après L’otite externe nécrosante dite maligne est sou-
une baignade sur une plage chaude, humide et pol- vent déclenchée par un lavage d’oreille chez
luée. L’otoscopie est gênée par une sténose presque des sujets diabétiques ou immunodéprimés. Elle
complète du conduit auditif externe, empêchant commence par une cellulite diffuse qui se trans-
de voir le tympan. Le traitement est local. Il faut forme en chondrite, puis en ostéite de l’os tym-
réussir à introduire un coin de mèche à lisière de panal. Le germe responsable est Pseudomonas
1 cm pour conduire les gouttes auriculaires le plus aeruginosa. La TDM montre d’importantes des-
profondément possible (fig. O.2). Ces gouttes tructions osseuses, évoluant rapidement en dépit
auriculaires sont composées d’antibiotiques et de d’antibiothérapies de plusieurs mois (biantibio-
corticoïdes. Les germes ne sont pas ceux de l’otite thérapie par ceftazidime et ciprofloxacine). Para-
moyenne aiguë. Ce sont des germes Gram négatif lysie faciale, cophose et syndrome vestibulaire ne
ou des staphylocoques seulement sensibles aux sont pas rares dans cette pathologie.
aminosides ou aux quinolones. Le corticoïde local Voir aussi le chapitre 8 « L’otoscopie découvre
finit par dégonfler la peau du conduit. La mise en une atteinte de l’oreille externe » et les vidéos O.1
place successive de mèche et de pop de Merocel® et O.2 .

Figure O.2. Pansement d’oreille pour otite externe diffuse.


Saisir 2 cm de mèche et la tremper avec de l’alcool à 60°. Si possible, malgré la douleur, tirer légèrement le pavillon
de l’oreille en haut et en arrière pour agrandir la sténose inflammatoire. On introduit très progressivement la mèche
alcoolisée (B) ou un pop de Merocel® qui gonflera dans le conduit avec l’introduction des gouttes auriculaires
(le pansement alcoolisé a un effet décongestionnant immédiat).
O 289

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pondant à l’aide de votre smartphone ou de votre
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Vidéo eO.1. Ostéite bénigne circonscrite Vidéo eO.2. Otomycose à Candida albicans.
de l’os tympanal. Cet aspect de papier buvard ou de coton mouillé
Voici un conduit auditif externe droit. La troisième avec quelques reflets verdâtres est caractéristique
portion du nerf facial a été complètement dénudée par de l’otomycose à Candida albicans. Les lésions ne sont
le processus ostéitique. Le nerf facial lui-même est intact pas douloureuses mais fréquemment prurigineuses.
sans paralysie. Le tympan est normal. L’ostéite bénigne Dans la plupart des cas, des bains d’oreille avec
circonscrite de l’os tympanal n’est pas une otite externe antibiotiques ont déjà été prescrits et se sont avérés
banale. C’est une pathologie nécrotique silencieuse inefficaces. L’association à des corticoïdes a même
primitive bilatérale et symétrique. L’ostéite siège avec pu entraîner une aggravation. Le traitement est local
prédilection sur le plancher et la paroi postérieure du avec des antifongiques.
conduit auditif externe osseux. Au début, elle est difficile
à distinguer d’un bouchon épidermique avec érosion
osseuse. Pour terminer, voici le côté gauche qui est
également atteint.
P
Paragangliomes temporaux
Les paragangliomes (PG) sont des tumeurs du carotidienne, du ganglion du pneumogastrique,
système neuro-endocrinien diffus issu des cellules de l’adventice du dôme du golfe jugulaire et du
de la crête neurale (fig. P.1). Durant l’embryoge- nerf de Jacobson et de la branche auriculaire
nèse, ces cellules migrent des crêtes neurales vers du X). On distingue les paragangliomes jugu-
les nerfs crâniens et certains gros vaisseaux pour y laires et les paragangliomes tympaniques, les deux
constituer les cellules paraganglionnaires. Ce sys- étant regroupés sous le terme de paragangliomes
tème est composé de cellules capables de sécréter temporaux.
des catécholamines ou de réguler la fonction de À noter qu’historiquement, ces paragangliomes
cellules adjacentes. Elles entretiennent d’étroites avaient été successivement appelés : apudomes,
relations avec les cellules nerveuses, d’où le terme chémodectomes, tumeurs glomiques, glomérocy-
de cellules neuro-endocrines. Ce système est dif- tomes, réceptomes et tumeurs non chromaffines.
fus, car il est présent dans de nombreux organes Le terme de chémodectome reste utilisé pour les
au sein desquels on trouve d’autres tumeurs chémodectomes de la bifurcation carotidienne.
neuro-endocrines : pancréas, poumon, thyroïde,
leptoméninges, peau et paraganglions. Ainsi, les
PG peuvent-ils être associés à d’autres tumeurs :
Caractéristiques
astrocytome, cancer médullaire thyroïdien, phéo- anatomo-cliniques
chromocytome, adénome parathyroïdien, etc. Les PG affectent davantage la femme que l’homme
Les paragangliomes se distinguent en deux avec un sex-ratio de 6/1. L’âge moyen du diag-
groupes : ceux liés au système sympathique du nostic se situe entre 40 et 60 ans. Leur crois-
médiastin postérieur et du rétropéritoine (phéo- sance est lente avec un temps de doublement de
chromocytome d’origine médullo-surrénalienne), 4,2 ans, voire beaucoup plus. Ce sont des tumeurs
et ceux liés au système parasympathique de la bénignes, mais elles présentent une agressivité
tête et du cou (paraganglions de la bifurcation locale importante avec érosions osseuses et infil-
trations des tissus mous avoisinants. En particu-
lier, leur croissance requiert beaucoup d’énergie
et d’oxygène, expliquant le caractère hypervas-
cularisé des paragangliomes.
Environ 30 % des cas sont associés à une mutation
d’un gène, dont celui de la SDH (cofacteur AF2
de l’enzyme mitochondrial succinyl-déshydrogé-
nase). D’autres mutations expliquent l’association
à une néoplasie endocrinienne multiple (NEM2), à
une neurofibromatose (NF1) ou à un syndrome
de Von Hippel-Lindau. Ainsi distingue-t-on
les formes sporadiques des formes familiales et
Figure P.1. Crêtes neurales chez un embryon
à l’issue de la gastrulation et de la neurulation.
héréditaires où la multicentricité synchrone ou
1 : somites ; 2 : crêtes neurales ; 3 : tube neural ; métachrone est très fréquente. Le mode de trans-
4 : ectoderme ; 5 : pièce intermédiaire ; 6 : somatopleure ; mission est autosomique et dominant. Toutefois,
7 : splanchnopleure ; 8 : aorte ; 9 : notochorde ; cette transmission est soumise à l’empreinte géno-
10 : endoderme. mique maternelle. L’enfant ne pourra développer
Catala M., Grapin-Botton A., Garabédian E.-N. Arcs branchiaux :
aspects normaux et pathologiques. EMC, Paris (Elsevier Masson), la maladie que s’il a hérité la mutation de son père.
ORL, 2000, 12 p. [Article 20-850-A-10]. En revanche, s’il reçoit la maladie de sa mère, il

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292 Fiches ORL de A à Z


ne développera pas l’affection, mais pourra la Bilan biologique
transmettre à la génération suivante. Un test
Il est effectué dans tous les cas, que le paragan-
génétique peut être proposé comme test diagnos-
gliome soit ou non sécrétant : dosage des métané-
tique ou dans le cadre d’une enquête familiale.
phrines plasmatiques et urinaires (la mesure de
l’acide vanylmandélique n’est plus pratiquée).
Diagnostic
Imagerie
Circonstances de découverte
• La tomodensitométrie montre l’opacité tis-
Le patient consulte pour un acouphène pulsa-
sulaire homogène de la tumeur et en précise
tile objectif perçu à l’auscultation. Il s’y associe
l’extension, aux berges du foramen jugulaire, au
souvent une surdité. Les vertiges sont plus rares,
plancher de la caisse du tympan, aux parois du
traduisant un envahissement de l’oreille interne.
canal carotidien, au canal de Fallope et à la coque
Une dysphonie, des troubles de la déglutition,
labyrinthique.
une rhinolalie, une gêne à la mobilisation d’une
• L’angioscanner avec injection d’un produit de
épaule ou un signe de Claude Bernard-Horner
contraste iodé met en évidence un rehaussement
traduisent l’atteinte des IX, X, XI et du sympa-
massif synchrone de celui de l’axe carotidien
thique dans le compartiment nerveux antérieur
externe, témoignant de l’hypervascularisation.
du foramen jugulaire. Les capacités sécrétrices des
• L’IRM en séquences T1, T2, avec injection
PG jugulo-tympaniques sont rares, 5 % des cas se
de gadolinium et suppression de graisse, révèle
manifestant par une hypertension artérielle.
l’aspect typique « poivre et sel » de la tumeur.
La composante « poivre » reflète les zones
Otoscopie hypo-intenses correspondant au flux artériel
Elle peut montrer une masse pulsatile, rouge rapide. La composante « sel » traduit la pré-
framboise, comblant l’hypotympanum réalisant le sence de la composante charnue de la tumeur.
classique signe du « soleil levant » (fig. P.2). Le rehaussement sous gadolinium est intense.
L’IRM recherche aussi une extension à la fosse
postérieure.
Examen audiologique
• L’angio-IRM identifie les pédicules nourriciers
Il reste normal ou montre une surdité de transmis- carotidiens externes et internes ou vertébraux.
sion parfois déjà mixte, témoignant de l’atteinte Elle confirme le rehaussement très précoce par
de la coque labyrinthique. gadolinium. Elle étudie aussi le retour veineux
homo- et controlatéral.
• Scintigraphie à l’Octréoscan® : le pentétréo-
tide est un analogue de la somatostatine qui se
fixe sur les récepteurs de la somatostatine para-
ganglionnaires. La contre-indication est la gros-
sesse. La scintigraphie comprend un corps entier
et un examen tomographique couplé à une
acquisition scanner centrée sur les zones cibles.
Sa sensibilité diagnostique est de 95 % pour les
PG jugulaires. Elle permet de révéler une mul-
ticentricité et de suivre les patients à risque de
récidive.
• Angiographie : elle est pratiquée en préambule
Figure P.2. Paragangliome oreille droite. Otoscopie. de l’embolisation.

P 293


Classification • Type C : tumeur née du golfe jugulaire, pou-
vant s’étendre dans toutes les directions (veine
• Type A : tumeur localisée à la caisse du tympan jugulaire interne, nerfs mixtes, capsule otique,
(fig. P.3). méat auditif interne et oreille moyenne) (fig. P.5).
• Type B : tumeur tympano-mastoïdienne res- • Type D : tumeur jugulaire avec extension intra-
pectant le dôme jugulaire (fig. P.4). crânienne extradurale ou intradurale (fig. P.6).
Une tuméfaction cervicale haute rétro- ou sous-
angulo-maxillaire pourrait correspondre à une
extension cervicale ou à la coexistence d’un PG
vagal développé au niveau du pneumogastrique.
Plus bas située, elle évoquerait plutôt un chémo-
dectome carotidien (fig. P.7).

Figure P.3. Paragangliome tympanique type A.

Figure P.4. Paragangliome tympano-mastoïdien Figure P.6. Récidive paragangliome de type D.


extériorisé dans le conduit auditif externe (type B). IRM montrant une extension intracrânienne.

Figure P.5. Paragangliome tympano-jugulaire type C.


Examen TDM et angiographie.

294 Fiches ORL de A à Z


Chirurgie
1. Type A : exérèse par voie endaurale.
2. Type B : évidement pétro-mastoïdien avec frai-
sage des traînées cellulaires sous-faciales.
3. Type C : voie infratemporale avec contrôle du
golfe jugulaire, du sinus pétreux inférieur et de
l’artère carotide interne intrapétreuse. La trans-
position antérieure du nerf facial (ou déroutation
du VII) sous monitorage procure une bonne
exposition, mais occasionne des paralysies faciales
du fait d’une dévascularisation du nerf.
4. Type D : en cas d’extension extradurale, le
clivage de la tumeur de la méninge est aisé,
sauf au niveau du conduit auditif interne. En
cas d’extension intradurale, l’exérèse neurochi-
rurgicale pose le problème de l’étanchéité de la
fermeture durale.
Figure P.7. Paragangliome (chémodectome)
intercarotidien.
Angiographie montrant l’aspect en lyre caractéristique. Radiothérapie
Elle est souvent préférée en traitement primaire
Traitement chez le sujet de plus de 60 ans ou en complément
d’une chirurgie subtotale dans tous les cas. Cette
Embolisation attitude trouve sa justification chaque fois qu’une
Elle n’est indiquée que pour les PG de type B, chirurgie radicale compromettrait la qualité de vie
C ou D. au-delà du supportable pour une lésion bénigne.
P 295

Paralysies des nerfs crâniens


Paralysie du III (fig. P.8-III) Paralysie du IX (fig. P.8-IX) (nerf
[n. moteur oculaire commun] glosso-pharyngien), du X ou
nerf vague [n. pneumogastrique]
Trois signes : et de la branche interne
• ptosis (chute de la paupière supérieure) ;
ou bulbaire du XI
• strabisme externe (divergent) ;
• diplopie dans le regard en dedans et mydriase L’examen pharyngo-laryngé explore en pratique
du côté paralysé. le IX, le X et la branche interne du XI :
• trouble de la déglutition avec sensation de
Paralysie du IV ou nerf gosier trop étroit ;
• reflux des liquides par le nez avec quintes de
trochléaire [nerf pathétique]
toux ;
L’œil monte lorsqu’on le tourne en adduction • voile abaissé du côté paralysé et déviation de la
avec diplopie dans le regard en bas et en dedans luette du côté sain (vidéo P.1 ) ;
(à ne pas confondre avec la skew deviation ou • signe du rideau de Vernet (lorsque le malade
diplopie verticale par paralysie otolithique). émet le son A, la paroi postérieure du pharynx,
constituée par le muscle constricteur supérieur,
se déplace en masse vers le côté sain comme un
Paralysie du V moteur rideau qui se ferme) ;
• Creusement de la fosse temporale avec atrophie • paralysie des cordes vocales (cf. fiche « Paraly-
du muscle temporal paralysé. sies récurrentielles »).
• Bouche ouverte ovalaire avec déviation du
menton du côté paralysé. Paralysie du XI ou nerf
• Paralysie de la diduction vers le côté sain (NB : accessoire [n. spinal]
abolition du réflexe cornéen par atteinte du V
sensitif). L’atteinte du XI médullaire se traduit par une
paralysie de la céphalogyrie avec paralysie du
muscle sterno-cléido-mastoïdien (visible lors des
Paralysie du VI (fig. P.8-VI) rotations contrariées menton abaissé) et du mus-
ou nerf abducens [n. cle trapèze (abaissement du moignon de l’épaule
moteur oculaire externe] projeté en avant, accentué lorsqu’on demande de
hausser les épaules).
Strabisme interne (convergent) de l’œil atteint
avec diplopie dans le regard en dehors.
Paralysie du XII (fig. P.8-XII)
ou nerf hypoglosse
Paralysie du VII
Hémiatrophie du côté paralysé avec à la pro-
• Paralysie de type périphérique avec paralysies des traction, déviation vers le côté paralysé.
hémifaces supérieure et inférieure (fig. P.8-VIIA). NB. Signe de Claude Bernard-Horner (fig. P.8-
• Paralysie de type central avec hémiface supé- sympathique cervical) se traduisant par un myosis,
rieure normale et hémiface inférieure paralysée une énophtalmie et un rétrécissement de la fente
(fig. P.8-VIIB). palpébrale.

296 Fiches ORL de A à Z

Figure P.8. Synthèse des paralysies des nerfs crâniens, auxquelles on a ajouté les atteintes du sympathique
cervical (syndrome de Claude Bernard-Horner).
Gouazé A. Neuro-anatomie clinique, 4e édition. Paris : Expansion scientifique française, 1994, pp. 157-164 (fig. 67 à 70).

`` Complément en ligne Vidéo eP.1. Paralysie du voile du palais gauche.


Paralysie du voile du palais gauche à la phonation.
Paralysie du nerf pneumogastrique (X) d’origine tumorale
Un complément numérique est associé à cette au niveau du foramen jugulaire.
fiche, il est indiqué dans le texte par un picto .
Il propose une vidéo de la fiche. Pour voir la
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P 297

Paralysies faciales périphériques (PFP)


Le nerf est constitué d’axones protégés par la du tympan pour rejoindre le ganglion géniculé.
gaine de Schwann, responsable de la myélinisa- Les fibres végétatives empruntent le nerf grand
tion et fournissant l’oxygène. En cas de section, pétreux se détachant au sommet du ganglion
l’axone est renouvelé depuis son corps cellulaire, géniculé et rejoignant la glande lacrymale.
à raison d’un millimètre par jour. Une paralysie faciale comportant les éléments
Il y a cinq stades de gravité des lésions nerveuses. suivants n’est pas périphérique et doit faire trans-
1. La neurapraxie est la perte temporaire et réver- férer le patient en urgence dans une unité neu-
sible de la conductibilité, par altération de la gaine rovasculaire pour suspicion d’accident vasculaire
de myéline. sylvien : fermeture de l’œil normale, troubles sen-
2. L’axonotmesis correspond à la mort des axones, sitifs de l’hémiface paralysée, hémianopsie latérale
avec préservation des gaines de soutien. Une homonyme et paralysie brachiale.
récupération complète est encore possible.
3. La neuronotmesis s’accompagne d’une atteinte Clinique
des gaines de soutien. La régénération sera incom-
plète et s’accompagnera d’erreurs d’aiguillage Une paralysie faciale périphérique complète
(clignement d’œil intempestif lors du sourire : entraîne une asymétrie du visage. Au repos, le
syncinésie). côté paralysé est lisse avec effacement des rides,
4 et 5. Les lésions sont telles qu’une chirurgie est déviation de la bouche du côté sain et ouver-
nécessaire (greffes). ture de l’œil. Cette asymétrie est majorée par la
La plupart des PFP idiopathiques et des PFP mimique. Le signe de Charles Bell correspond
d’origine herpétique ne dépassent pas les deux à l’impossibilité de fermer les paupières du côté
premiers stades. Les stades 4 et 5 correspondent paralysé, avec déviation de l’œil vers le haut sous
aux PFP d’origine tumorale ou traumatique. la paupière supérieure. Il faut humidifier l’œil avec
des larmes artificielles et prescrire de fermer les
Anatomie et physiologie paupières le soir avec une bande adhésive.
du nerf facial La paralysie faciale peut être fruste. Dans le signe
de Souques, les cils paraissent plus longs du côté
Le nerf facial (VII) est formé de deux racines, l’une paralysé lors de l’occlusion palpébrale, et il y a une
motrice et l’autre sensitive, sensorielle et sécrétoire asymétrie du clignement.
formant le nerf intermédiaire de Wrisberg (VII bis). La classification des PFP de House et Brackmann
Le noyau moteur du VII innerve l’ensemble des tient compte à la fois de la force musculaire et
muscles peauciers de la face, sauf le releveur de du tonus :
la paupière supérieure. Il innerve également le • grade I : fonction faciale normale ;
muscle de l’étrier (réflexe stapédien). Il reçoit des • grade II : faiblesse légère visible à l’examen
fibres des deux aires motrices corticales droite et attentif ;
gauche pour la mimique supérieure et ne reçoit • grade III : atteinte modérée sans défiguration ;
que des fibres de l’aire motrice controlatérale • grade IV : faiblesse évidente avec défiguration ;
pour la mimique inférieure. C’est pourquoi, dans • grade V : mouvements ténus avec conservation
une paralysie faciale centrale supranucléaire, le du tonus de repos ;
territoire facial supérieur est respecté. • grade VI : paralysie totale avec perte du tonus
Le VII bis assure l’innervation sensitive de la de repos.
partie postérieure du conduit auditif externe,
de la conque, de la région du tragus et de Bilan étiologique et pronostic
l’antitragus formant la zone de Ramsay-Hunt
(siège d’éruptions vésiculaires lors des paralysies On recherche :
faciales zostériennes). Il reçoit aussi les fibres gus- • des antécédents traumatiques, les notions de
tatives innervant les deux tiers antérieurs de la vertiges, d’acouphènes, de surdité, d’hyperacou-
langue, cheminant par le nerf lingual et la corde sie douloureuse et de troubles du goût ;

298 Fiches ORL de A à Z


• une éruption vésiculaire dans la zone de Ramsay- Toutefois, 30 % d’entre elles vont présenter des
Hunt ; séquelles après une évolution plus ou moins
• des signes otoscopiques d’infection de l’oreille longue : absence de régression ou régression
moyenne ; incomplète, récidive homolatérale, existence
• une masse tumorale parotidienne par la d’autres signes neurologiques. L’IRM confirme
palpation ; le diagnostic en montrant une prise de contraste
• d’autres paralysies des nerfs crâniens. linéaire après injection de gadolinium au niveau
L’audiométrie tonale, vocale, la tympanométrie et de la portion canalaire du VII, de la portion laby-
les potentiels évoqués auditifs seront demandés en rinthique et du ganglion géniculé. Elle élimine la
fonction du contexte. présence d’une tumeur au contact du nerf facial.
Le test de Schirmer compare la sécrétion lacry- La prise en charge rééducative a pour but d’éviter
male des côtés sain et paralysé. Une bandelette l’évolution vers la contracture et les syncinésies.
de buvard est accrochée au rebord palpébral Les injections de toxine botulique permettent de
inférieur. On fait renifler de l’ammoniaque et on les minimiser. Les stimulations électriques qui les
compare les zones imprégnées de larme. Quand favorisent doivent être proscrites.
il est pathologique, il témoigne d’une atteinte en
amont de l’origine du nerf grand pétreux ou sur Paralysie zostérienne
son trajet. Le réflexe stapédien est aboli quand
la lésion siège en amont de l’origine du nerf du La réactivation du virus de la varicelle et du zona
muscle de l’étrier (cf. chapitre 7). La gustométrie au niveau du ganglion géniculé ou syndrome
est pathologique si la lésion est en amont du de Ramsay-Hunt est responsable d’un tableau
départ de la corde du tympan. clinique proche de celui de la paralysie faciale
L’électroneurographie d’Esslen détermine le pour- idiopathique. Les otalgies sont plus intenses avec
centage de fibres axonales dégénérées du côté une éruption vésiculeuse au niveau de la conque
atteint par rapport au côté sain. Elle utilise une et une atteinte vestibulaire (cf. fig. 8.21).
stimulation électrique du tronc du nerf facial au
foramen stylo-mastoïdien de durée 0,2 ms. On Maladie de Lyme
recueille le potentiel d’action musculaire évoqué
La maladie de Lyme se complique d’une PF dans
par une électrode de surface unique placée dans la
10 % des cas. Elle est bilatérale dans 25 % des
région nasogénienne. Une perte axonale supérieure
cas. L’IRM montre une multinévrite avec rehaus-
à 90 % survenant avant le dixième jour est de mau-
sement de plusieurs paires crâniennes. Elle frappe
vais pronostic. Cet examen doit être réalisé avant
surtout l’enfant. Il faut effectuer des sérologies
le dixième jour suivant l’installation de la paralysie.
dans le sang et le LCR, qui ne sont pas toujours
contributives.
Formes cliniques
Paralysie faciale post-traumatique
Paralysie faciale idiopathique
Les fractures longitudinales extralabyrinthiques
C’est une réactivation virale (herpès simplex virus du rocher s’accompagnent d’une PFP dans 20 %
de type 1), responsable d’une inflammation pré- des cas. Le nerf est le plus souvent atteint au
dominant au niveau du ganglion géniculé. La voisinage du ganglion géniculé. Dans les fractures
paralysie faciale s’installe brutalement, précédée transversales translabyrinthiques, il y a une PFP
de prodromes à type d’otalgie, de dysesthésie dans 50 % des cas. Elle est souvent immédiate et
faciale et d’hyperacousie douloureuse. Elle peut complète, par transsection.
se compléter entre 24 à 48 heures. L’examen cli-
nique est normal en dehors de la paralysie faciale.
Elle représente 80 % des paralysies faciales périphé-
Pathologie inflammatoire
riques. Son évolution est le plus souvent favorable de l’oreille moyenne
sans traitement. Le témoin de ce bon pronostic Une otite moyenne aiguë peut être responsable
est l’ébauche d’une récupération dès le 15e jour. d’une PFP régressant après traitement. La TDM

P 299


doit rechercher une déhiscence du segment tym- l’otoscopie oriente le diagnostic en montrant
panique du facial. Dans les otites chroniques une masse rétrotympanique blanchâtre (choles-
cholestéatomateuses, la TDM situe le site de la téatome primitif) ou rosée (glomus). Dans la
compression et montre la destruction des parois parotide, toute masse associée à une PF est sus-
du canal facial. Une PFP survenant sur une pecte de malignité.
otite chronique non cholestéatomateuse doit
faire évoquer le diagnostic de tuberculose. L’otite Paralysies faciales néonatales
nécrosante externe survient chez le sujet âgé
diabétique. Elle est due à une infection par Pseu- La paralysie faciale obstétricale est liée à la pres-
domonas aeruginosa. Elle envahit le VII par le sion des forceps sur la troisième portion du canal
foramen stylo-mastoïdien. Le diagnostic diffé- facial, très exposée en l’absence de mastoïde. Elle
rentiel avec les tumeurs malignes est difficile. régresse spontanément en quelques semaines.
L’hypoplasie isolée du VII est bien visible en
TDM haute résolution. Le syndrome de Mœbius
Pathologie tumorale associe une diplégie faciale et une paralysie des
Les PFP y sont soit progressives, soit brutales nerfs abducens. Il serait dû à une atteinte d’ori-
mais récidivantes. Dans le tronc cérébral, les gine ischémique, anténatale des noyaux dans le
tumeurs primitives ou secondaires donnent une tronc cérébral.
atteinte de plusieurs paires crâniennes. Les lésions Les paralysies faciales idiopathiques sont moins
de la fosse postérieure sont les plus fréquentes : fréquentes que chez l’adulte, mais restent majo-
neurinome du VIII et méningiome. En IRM, le ritaires (40 à 60 % des cas). Il faut noter la
premier est centré sur le conduit auditif interne. fréquence des PFP post-traumatiques (fig. P.9). Il
Le méningiome, au contraire, possède une large n’est pas rare qu’un cholestéatome congénital se
base d’implantation. Dans la caisse et la mastoïde, révèle par une paralysie faciale.

Figure P.9. Paralysie faciale droite traumatique chez un enfant âgé de 3 ans.
A. Plaie par ciseau. B. Paralysie faciale droite. C. Exploration ne montrant qu’une simple contusion.
300 Fiches ORL de A à Z

Paralysies récurrentielles Cette paralysie bilatérale s’observe essentiellement


dans les suites de thyroïdectomies totales pour
Le diagnostic de paralysie laryngée ne peut être cancer. Leur traitement chirurgical est complexe.
fait que par une laryngoscopie au miroir ou en • Des fausses-routes : celles-ci s’observent lorsque
fibroscopie nasopharyngée chez le patient trop la paralysie laryngée est liée à une lésion du nerf
nerveux. L’immobilité de la corde vocale avec pneumogastrique ou de son noyau. Dans ces cas,
bascule de l’aryténoïde en dedans témoigne d’une l’association d’une anesthésie du nerf laryngé
lésion dont le siège est sur le nerf récurrent lui- supérieur entraîne des troubles de la déglutition
même, sur le nerf pneumogastrique ou sur le (syndrome du trou déchiré postérieur, syndrome
noyau vagal (vidéo P.2 ). de Collet-Sicard, syndrome d’Avellis, syndrome de
Jackson, etc.).
Ces paralysies se manifestent
par trois symptômes Cas d’une paralysie
récurrentielle gauche
• Une dysphonie isolée souvent bitonale : c’est isolée (fig. P.10)
une paralysie récurrentielle dont le diagnostic
étiologique varie selon qu’elle est droite ou L’examen du cou apporte parfois la solution
gauche (cf. infra). Sa cause la plus fréquente en découvrant une cicatrice de thyroïdectomie
est une complication de la chirurgie du corps ancienne ou un nodule thyroïdien à la palpation.
thyroïde où le repérage et la dissection du nerf L’échographie thyroïdienne est le premier exa-
récurrent devraient être systématiques. men complémentaire à demander (cf. chapitre 4).
• Une dyspnée : la paralysie récurrentielle bila- Du côté gauche, il faut aussi penser au cancer de
térale entraîne une dyspnée laryngée obligeant l’œsophage, car le nerf récurrent gauche chemine
généralement à pratiquer une trachéotomie. En dans l’angle trachéo-œsophagien. La fibroscopie
effet, les cordes vocales ne s’écartent plus à l’ins- œsophagienne est le second examen à demander.
piration et sont au contraire aspirées dans la tra- Dans les causes thoraciques, la compression du
chée qu’elles obstruent complètement (cf. infra). nerf récurrent par une grosse oreillette ou un

Figure P.10. Enquête étiologique devant une paralysie récurrentielle gauche isolée.

P 301


anévrysme lors de son trajet autour de l’aorte • syndrome de Collet-Sicard : paralysie du IX,
est une cause classique. Mais c’est le cancer du X, du XI et du XII (lésion située dans le crâne
du poumon qu’on redoute le plus. L’imagerie au-dessus du trou déchiré postérieur) ;
pulmonaire est donc le troisième examen complé- • syndrome de Jackson : paralysie du X, du XI et
mentaire à demander. Enfin, après avoir évoqué du XII (lésion située dans le crâne au-dessus du
quelques rares causes toxiques (plomb, oxyde de trou déchiré postérieur, elle épargne le IX plus
carbone et arsenic), aucune cause n’étant trouvée, antérieur) ;
il faut alors se résoudre au diagnostic de paralysie • syndrome de Vernet ou du trou déchiré pos-
cryptogénétique, probablement d’origine virale. térieur : paralysie du IX, du X et du XI ;
La rééducation vocale est essentielle en atten- • syndrome de Schmidt : paralysie du X et du XI ;
dant sous surveillance une forte probabilité de • syndrome d’Avellis : paralysie du X et du XI au
récupération. niveau de l’émergence du nerf laryngé supérieur ;
• syndrome de Tapia : paralysie du X, du XI et
du XII au-dessous de l’émergence du nerf laryngé
Atteinte unilatérale du nerf supérieur et au-dessus de l’émergence du nerf
pneumogastrique en amont récurrent.
Tout autre est l’apparition d’une paralysie laryn-
gée en association avec d’autres atteintes des nerfs Paralysie des dilatateurs
crâniens (fig. P.11) : ou syndrome de Gerhardt
• syndrome de Garcin : paralysie unilatérale de
tous les nerfs crâniens du même côté (tumeur C’est une paralysie des deux cordes vocales en
de base de crâne) ; adduction. Elle entraîne une dyspnée nécessitant
• syndrome de Villaret ou syndrome de l’espace souvent une trachéotomie en urgence. La cause
sous-parotidien postérieur : paralysie du IX, du X, périphérique est postopératoire, mais elle peut
du XI, du XII et du sympathique ; aussi être centrale : syringobulbie ou sclérose

Figure P.11. Syndromes associant une lésion du X et d’autres nerfs crâniens.



302 Fiches ORL de A à Z


latérale amyotrophique avec atteinte de la péri- graisse autologue ou polymère de silicone en
phérie des noyaux des nerfs pneumogastriques suspension. On peut aussi proposer des thyro-
(atteinte en lunette). plasties consistant à mettre en place un implant
inerte par l’intermédiaire d’une fenêtre réalisée
dans l’aile cartilagineuse thyroïdienne ipsilatérale
Techniques chirurgicales (silastic, silicone, hydroxyapatite, titane, cartilage
autologue).
Paralysies unilatérales
Les techniques chirurgicales consistent à rappro-
cher passivement le bord libre de la corde vocale
Paralysies bilatérales
paralysée de la ligne médiane (action de médiali- Les plus fréquentes sont en fermeture. Les pro-
sation). Le but est de favoriser son affrontement cédés visent donc à élargir la filière respiratoire :
avec la corde controlatérale au cours de la pho- cordotomie et aryténoïdectomie au laser. Par voie
nation. Pour atteindre ce but, on injecte divers cervicale, on propose une aryténoïdopexie. En
matériaux au sein de la corde vocale paralysée : dernier recours, il reste la trachéotomie.

Complément en ligne Vidéo eP.2. Paralysie récurrentielle en laryngoscopie


indirecte.
L’examen est pratiqué en laryngoscopie indirecte.
Un complément numérique est associé à cette L’épiglotte est en haut. C’est une paralysie récurrentielle
fiche, il est indiqué dans le texte par un picto . gauche en adduction, c’est-à-dire que la corde vocale
paralysée reste en position médiane. C’est la paralysie
Il propose une vidéo de la fiche. Pour voir la dont les causes sont les plus diverses : non seulement
vidéo, scannez le flashcode correspondant à l’aide thyroïdienne et broncho-pulmonaire, mais aussi
de votre smartphone ou de votre tablette, ou œsophagienne et même aortique ou cardiaque.
connectez-vous sur http://www.em-consulte.com/
e-complements/474503 et suivez les instructions.
P 303

Pathologie salivaire parotidienne non tumorale


Lésions kystiques Angiomes veineux
et pseudo-kystiques Ils sont présents à la naissance et peuvent se
Kyste parotidien retrouver à l’âge adulte. La présence de phlébo-
lithes est un bon argument à rechercher en TDM.
Les parotidites chroniques s’accompagnent
parfois de nodules intraglandulaires ou kystiques.
En échographie, ce sont des lésions hypoécho- Sialite de la parotide
gènes. Elles ne sont ni rehaussées en TDM après
La sialite est une infection ou une inflammation
injection de produit de contraste iodé, ni en IRM
d’une glande salivaire. La sialadénite est une
après injection de gadolinium. En cas de doute,
inflammation à point de départ parenchymateux.
c’est l’indication d’une cytoponction avec étude
La sialadochite est une inflammation à point de
bactériologique et antibiothérapie d’épreuve.
départ canalaire (lithiase, par exemple).
Ces lésions ne relèvent pas nécessairement de la
chirurgie.
Sialite virale
Kyste salivaire (sialocèle) La parotidite virale survient par épidémies. Les
virus en cause sont le virus ourlien, grippal,
Il est lié à la dilatation d’un canal excréteur en
influenzae A, coxsackie A, échovirus, cytoméga-
amont d’une obstruction. En sialo-IRM, il y
lovirus et Epstein-Barr. Dans les oreillons, outre
a typiquement une connexion avec les canaux
le gonflement bilatéral des parotides, il existe une
salivaires. Sauf complication, la chirurgie n’est pas
otalgie fébrile et un érythème de l’ostium du canal
nécessaire.
de Sténon (signe de Koplick). Le risque d’orchite
avec stérilité secondaire, de méningite et de sur-
Lymphangiome kystique (cf. fiche dité justifie le maintien de la vaccination par le
« Lymphangiomes kystiques ») cadre du ROR (rougeole-oreillons-rubéole).
C’est une pathologie de l’enfant pouvant se ren-
contrer dans les régions parotidienne et subman- Sialite aiguë microbienne
dibulaire où leur exérèse avec préservation du VII C’est une pathologie en rapport avec la déshydra-
et du nerf lingual peut s’avérer délicate. tation chez des sujets grabataires (cf. chapitre 4).

Lésions vasculaires Sialite tuberculeuse


de la parotide Elle est soupçonnée devant un nodule prétragien
Hémangiome parotidien qui se fistulise à la peau. L’intradermoréaction à la
tuberculine est positive. Le prélèvement par cyto-
Il apparaît 10 à 15 jours après la naissance ponction établit le diagnostic mettant en évidence
puis prolifère jusque vers l’âge de 9 mois pour le follicule tuberculeux avec nécrose caséeuse. Elle
régresser et disparaître à l’adolescence. L’aspect permet la culture du bacille de Koch (BK).
échographique est évocateur : hyperéchogéni-
cité hétérogène avec plages pseudo-kystiques et
hypervascularisation Doppler. L’IRM montre un Sialite chronique non spécifique
hypersignal hétérogène en T1 et T2 avec prise de C’est une tuméfaction évoluant par poussées
contraste après injection de gadolinium. avec douleurs à la mastication, rencontrée dans

304 Fiches ORL de A à Z


diverses circonstances : parotidite de l’enfant, Sarcoïdose ou maladie
mégacanaux, sténoses des canaux excréteurs et de Besnier-Boeck-Schaumann (BBS)
syndrome de Gougerot-Sjögren. L’échographie
C’est une granulomatose d’étiologie inconnue
met en évidence la destruction du parenchyme
en rapport avec une réponse immunitaire anor-
parotidien et les dilatations canaliculaires. La sia-
male. Dans 5 % des cas, elle comporte une
lographie montre les dilatations des canaux et
parotidomégalie indolore, bilatérale, d’installation
les images dites en pommier japonais portant ses
progressive. L’atteinte des glandes salivaires acces-
fruits. La sialographie avait un effet thérapeutique
soires survient dans 50 % des cas. L’association
bénéfique lorsque le lipiodol était encore autorisé.
d’une hypertrophie parotidienne bilatérale, d’une
L’évolution est très récidivante chez l’enfant, mais
uvéite et d’une paralysie faciale réalise le syn-
s’arrête à la puberté. Une parotidectomie n’est
drome de Heerfordt. En cas d’association avec
indiquée que dans les malformations canalaires
une atteinte des glandes lacrymales, c’est le syn-
sévères (mégadolichosténon). La dissection du
drome de Mikulicz. Les autres manifestations sont
nerf facial y est toujours diabolique.
cutanées, osseuses, pulmonaires, ganglionnaires,
viscérales et neurologiques. L’intradermoréaction
Sialite lithiasique à la tuberculine est négative.
Les lithiases salivaires touchent trois fois moins Le syndrome biologique comporte une accé-
la glande parotide que la glande sous-maxillaire. lération de la vitesse de sédimentation, une
Les coliques salivaires typiques ne comportent hypergammaglobulinémie, une hypercalcémie.
que des douleurs survenant au moment des repas. L’activité plasmatique de l’enzyme de conversion
L’association à une augmentation de volume de de l’angiotensine est typiquement augmentée.
la glande correspond à une hernie salivaire régres- L’examen histologique au niveau des glandes sali-
sant entre les repas. L’échographie permet le diag- vaires accessoires montre des nodules contenant
nostic. Le tableau de sialite aiguë suppurée fébrile des cellules géantes, des cellules épithélioïdes, des
avec pérennisation de la tuméfaction glandulaire macrophages et des lymphocytes T sans caséum.
s’accompagne d’une inflammation cutanée en La corticothérapie est réservée aux localisations
regard. L’IRM est intéressante en cas de sus- sévères.
picion d’abcès. L’exérèse des lithiases peut être
réalisée par voie endoscopique ou par lithotripsie. Syndrome de Gougerot-Sjögren
Les sténoses canalaires représentent 10 à 25 % des
C’est un syndrome dit sec. À la parotidomé-
cas de pathologie obstructive des parotides. Un
galie bilatérale s’associe une sécheresse ocu-
aspect classique est celui des mégacanaux salivaires
laire (xérophtalmie) et buccale (xérostomie). Il
avec parotidomégalie bilatérale d’origine incon-
entre dans le cadre des maladies auto-immunes
nue. L’aspect radiologique associe un chapelet de
comportant de multiples manifestations associées
sténoses et de dilatations des canaux parotidiens,
possibles : polyarthrite rhumatoïde, lupus éry-
bien visible en sialo-IRM.
thémateux disséminé, atteintes digestives, rénales,
musculaires et neurologiques. Ce sont des femmes
Sialoses de la parotide entre 40 et 60 ans. Le diagnostic est fait sur la
biopsie d’une glande salivaire accessoire. Il peut
Une sialose est une augmentation de volume évoluer vers un lymphome parotidien.
chronique asymptomatique de plusieurs glandes
salivaires ; dans la sialadénose, le gonflement sali-
vaire s’associe à une sécheresse buccale et oculaire.
Autres sialadénoses
Les glandes salivaires atteintes sont tuméfiées, Le tableau clinique ressemble au syndrome de
indolores, de consistance ferme et élastique. Leur Gougerot-Sjögren, mais les affections générales
augmentation de volume est chronique, mais sous-jacentes identifiées sont très nombreuses.
varie dans le temps. Il y a presque toujours une Insistons sur le rôle de la carence protidique illus-
pathologie générale sous-jacente. trée par trois causes :

P 305


• l’anorexie mentale avec aménorrhée et paro- Maladie de Kimura
tidomégalie bilatérale, connue autrefois sous le
nom de chlorose des jeunes filles ; Le tableau clinique comprend une parotidoméga-
• causes iatrogéniques (antidépresseurs, phéno- lie bilatérale, des nodules sous-cutanés cervicaux
thiazines, réserpine) ; indolores et une polyadénopathie cervicale. C’est
• alcoolisme. une prolifération lympho-plasmocytaire avec
Parmi d’autres causes, citons le diabète, l’hypo- fibrose touchant de jeunes hommes d’origine asia-
thyroïdie, l’hyperfolliculinémie de la ménopause. tique. Le diagnostic est anatomo-pathologique.

Kyste lympho-épithélial Parotidomégalies essentielles


chez un sujet VIH+
Ces grosses parotides se rencontrent chez les
Cette séroconversion déclenche une hyperplasie obèses alcooliques et les goutteux. Il y a aussi un
lymphoïde kystique au niveau des deux glandes facteur familial.
parotides, bien visible en échographie. Elle est
souvent associée à une hypertrophie des amyg-
dales palatine, pharyngée et linguale. Ces locali- Lésions congénitales
sations imposent de pratiquer une sérologie VIH
devant des lésions kystiques ou pseudo-kystiques Les fistules de la première fente (cf. fiche « Fistule
parotidiennes bilatérales. La régression est obte- de la première fente branchiale (fistule auriculo-
nue par le traitement antirétroviral. Sinon, une branchiale) »), avec un orifice externe dans le
parotidectomie superficielle à visée esthétique triangle de Poncet, développent des abcès paroti-
peut être proposée. diens à répétition.
306 Fiches ORL de A à Z

Pathologie salivaire submandibulaire non tumorale


La pathologie inflammatoire domine. Après avoir Pathologie canalaire
confirmé l’origine salivaire, il faut différencier les obstructive non lithiasique
causes obstructives (lithiase) des causes non obs-
Les sténoses canalaires sont à l’origine de douleurs
tructives (infectieuses, auto-immunes, ou plus
salivaires. En échographie, il existe une succession
rarement tumorales)
de sténoses-dilatations en chapelet quasi patho-
gnomonique en l’absence de lithiase visible.
Pathologie canalaire obstructive Parmi les autres causes, on trouve des polypes, des
paquets de mucus et des corps étrangers acces-
Lithiase salivaire sibles à un traitement endoscopique.
L’association douleur + gonflement submandi-
bulaire au moment des repas évoque une patho- Sous-maxillites
logie obstructive entraînant une dilatation en
amont. Dans la plupart des cas, c’est un calcul Sous-maxillites bactériennes
salivaire responsable de sous-maxillite. Il est sou- La présence de bulles aériques intraglandulaires,
vent visible sur de simples clichés. Toutefois, la voire intracanalaires, est le témoin d’une cellulite
moitié des lithiases sont radio-transparentes. Il gangréneuse souvent rattachée à un mauvais état
siège souvent dans la partie antérieure du canal dentaire.
submandibulaire de Wharton. Il déclenche alors
des coliques salivaires à chaque repas. L’exérèse
peut se faire sous anesthésie locale sous contrôle
Sous-maxillites « iodées »
de la palpation au niveau du plancher antérieur de (iodide mumps)
la cavité buccale. C’est un gonflement sensible des glandes sali-
Ailleurs, la lithiase augmente progressivement vaires submandibulaires apparaissant quelques
de taille dans le bassinet de la glande restant heures après l’injection de produit de contraste
longtemps asymptomatique. Il y a des accidents iodé et spontanément résolutif en 24 à 48 heures.
inflammatoires à répétition avec dilatation modé- Ce n’est pas une réaction allergique. L’échogra-
rée des canaux intraglandulaires. L’évolution se phie montre une augmentation bilatérale des
fait vers une glande scléro-atrophique indurée glandes avec hypervascularisation sans dilatation
pseudo-tumorale. des canaux salivaires.
P 307

Pathologie salivaire tumorale


Le système glandulaire salivaire comprend : Adénome pléomorphe,
• les glandes salivaires principales (parotides et cystadénolymphome
submandibulaires) ; (adénolymphome ou
• les glandes salivaires mineures (sublinguales), tumeur de Warthin)
accessibles par voie endobuccale ;
• les glandes salivaires accessoires (îlots glan- Le diagnostic et la prise en charge de ces tumeurs
dulaires), réparties dans la muqueuse buccale et ont été envisagés au chapitre 4.
palatine.

Tumeurs bénignes rares


Répartition de la
pathologie tumorale Schwannome du nerf
facial intraparotidien
Près de 80 % des tumeurs salivaires sont paroti-
diennes. Seules 10 % atteignent les glandes sub- C’est un nodule arrondi et ferme simulant un
mandibulaires et 10 % les glandes sublinguales adénome pléomorphe. Il n’y a généralement pas
et accessoires. Mais plus la glande salivaire est de paralysie faciale. À l’IRM, c’est un hyposignal
petite, plus le pourcentage de lésion maligne en T1 et un hypersignal en T2 avec rehaussement
augmente : 20 % des tumeurs parotidiennes, intense après injection de gadolinium. Le trou
50 % des tumeurs submandibulaires, 80 % des stylo-mastoïdien et la 3e portion intramastoï-
tumeurs des glandes salivaires accessoires. dienne de l’aqueduc de Fallope sont élargis avec
La richesse de la pathologie tumorale paroti- prise de contraste évocatrice. Après cytoponction
dienne vient de ce qu’on trouve dans cette région pour confirmer le diagnostic, il vaut mieux annu-
les dérivés des trois feuillets embryologiques : ler toute chirurgie.
ectoderme, endoderme et mésoderme. Tout type
de tumeur peut y être rencontré : tumeurs épithé- Lipome intraparotidien
liales, tumeurs glandulaires, tumeurs myoépithé- ou extraparotidien
liales conjonctives myxoïdes, tumeurs vasculaires,
Il est diagnostiqué sur un hypersignal T1 s’effa-
nerveuses et graisseuses. Enfin, la parotide pos-
çant après suppression du signal de graisse et
sède anatomiquement en son sein des structures
sans rehaussement significatif après injection de
lymphoïdes dont dérivent le cystadénolymphome,
gadolinium.
le lymphome dans sa forme ganglionnaire, les
métastases ganglionnaires, les kystes lympho-
épithéliaux du VIH, etc. Tumeurs malignes
En revanche, un gonflement douloureux au niveau
submandibulaire est une pathologie inflammatoire Pour chacune d’entre elles, l’histologie distingue
dans 70 % des cas. Encore faut-il distinguer entre trois grades de malignité :
sous-maxillite, adénite sous-maxillaire et cellulite • bas grade (nodule parotidien isolé) ;
d’origine dentaire. Après avoir confirmé l’origine • grade intermédiaire (mauvaise différenciation
salivaire, on évoque de principe une cause obs- cellulaire et atypies cellulaires) ;
tructive lithiasique. Les causes non obstructives • haut grade (paralysie faciale, augmentation
sont bien plus rares qu’au niveau parotidien. rapide de taille, douleurs et fixité à la palpation).

308 Fiches ORL de A à Z


L’IRM est en faveur d’une lésion maligne en Les indications chirurgicales diffèrent selon qu’il
montrant plusieurs éléments : s’agit de parotidectomie ou de sous-maxillectomie.
• la tumeur est en hyposignal T2 avec des Le geste chirurgical sur la parotide comporte le
contours irréguliers ; risque de paralysie faciale définitive. Il ne doit donc
• le coefficient apparent de diffusion est inférieur être pris qu’en connaissance de cause. Le geste
à 1 (du fait de l’augmentation de la cellularité) ; chirurgical sur la glande submandibulaire ou sur
• l’injection de gadolinium montre une prise la glande sublinguale comporte un risque nerveux
de contraste hétérogène avec des séquences moindre : lésion du nerf lingual ou du rameau men-
dynamiques de type C (pic précoce et lavage tonnier du facial. Il sera proposé plus facilement.
progressif) ;
• il existe des adénopathies suspectes dépassant Pathologies ganglionnaires malignes
15 mm de diamètre, arrondies avec un hile non
échogène. • Lymphome parotidien développé à partir d’un
ganglion intraparotidien : en échographie, il s’agit
de masses pseudo-kystiques souvent multiples et
Cancers bilatérales. Du fait de la forte cellularité du lym-
• Carcinome muco-épidermoïde (souvent kys- phome, le coefficient ADC est très bas (inférieur
tique et de bas grade). à 0,5). Le traitement repose sur la radio-chimio-
• Carcinome adénoïde kystique (ou cylin- thérapie.
drome) : ce cancer a une propension naturelle à • Lymphome parotidien de forme parenchyma-
s’étendre par l’intermédiaire des gaines des nerfs. teuse primitive se présentant avec une augmen-
L’injection de gadolinium permet d’apprécier son tation de volume global de la glande et des
extension le long du VII dans l’aqueduc de antécédents de maladie auto-immune (Gougerot-
Fallope, nécessitant une exploration transmas- Sjögren) ou un contexte d’infection VIH : l’IRM
toïdienne. Il donne des métastases à distance, en retrouve un aspect plurinodulaire et bilatéral avec
particulier pulmonaires. des adénopathies cervicales.
• Carcinome à cellules acineuses. • Métastase ganglionnaire intraparotidienne : elle
• Adénocarcinome (le plus souvent de haut est évoquée en cas d’association à d’autres adéno-
grade). Son pronostic reste très sévère malgré le pathies cervicales. La prise en charge dépend de
traitement. la tumeur primitive. Elle est chirurgicale s’il s’agit
Leur traitement repose sur la parotidectomie d’un épithélioma cutané ou d’un mélanome situé
totale avec exploration ganglionnaire cervicale dans les territoires cutanés de la face (pavillon de
suivie de radiothérapie. l’oreille, régions temporales et frontales, etc.).
R
Radiothérapie
La radiothérapie est un traitement permettant le utilisée d’emblée en association avec une chi-
contrôle local du cancer au même titre que la chi- miothérapie (3). À noter que l’avantage d’une
rurgie. La radiothérapie est délicate à manier. Une radiothérapie postopératoire est que les stratégies
radiothérapie de qualité insuffisante impacte néga- peuvent être adaptées en fonction de l’examen
tivement le contrôle locorégional de la tumeur de anatomopathologique des pièces opératoires.
20 % (Peters L. JCO 2010). Pour la radiothérapie
externe, les faisceaux de rayonnements ionisants
Radiothérapie conformationnelle 3D
sont produits par un accélérateur linéaire de parti-
cules. Les rayonnements les plus utilisés sont des La distribution de la dose peut être calculée en
photons et des rayonnements d’électrons pour fonction des volumes tumoraux macroscopiques,
détruire les cellules cancéreuses. La dose est déli- des volumes à risque d’extension microscopique
vrée en séances quotidiennes cinq fois par semaine et des organes à risque. L’irradiation des tissus
pendant 5 à 7 semaines. sains avoisinants est ainsi réduite.

Synergie entre radiothérapie Radiothérapie conformationnelle


et chimiothérapie avec modulation d’intensité
La chimiothérapie seule laisse des lésions micro-
Dans cette technique, les faisceaux d’irradiation
scopiques, sources de récidives. Mais elle augmente
ont une intensité qui varie d’un côté à l’autre du
l’oxygénation dans la tumeur et bloque les cycles
faisceau. Avec de multiples faisceaux d’intensité
cellulaires, potentialisant ainsi l’effet de la radio-
variable, la cible reçoit une dose homogène maxi-
thérapie. Ainsi, quand la radiothérapie exclusive
mum qui ne déborde que progressivement sur
atteint un contrôle local dans 50 à 70 % des cas,
les tissus sains avoisinants (préservation salivaire).
l’impact positif d’une radio-chimiothérapie conco-
mitante est de 8 à 10 %. D’autre part, la chimio-
thérapie d’induction permet de trier les patients qui Dose exprimée en gray (Gy)
seront de bons répondeurs à la radiothérapie. Le gray est une unité correspondant à une énergie
Enfin, pour analyser les essais cliniques compara- de 1 joule, absorbée dans une masse de 1 kg (du
tifs, il faut se rappeler qu’autrefois, il suffisait qu’il nom d’un physicien anglais).
y ait une extension cartilagineuse même minime
pour qu’une tumeur soit classée T4. Actuellement,
cette tumeur ne serait que classée T3 dans la Principales étapes
dernière classification TNM qui distingue les T4a
(tumeurs modérément étendues où une chirurgie 1re étape : acquisition
reste encore parfois possible) des T4b (tumeurs des données anatomiques
très étendues inopérables). Il faut donc rester pru- Elle repose sur l’examen TDM de repérage avec
dent dans l’interprétation de ces essais cliniques. des coupes tous les 3 mm, éventuellement complé-
tées par l’injection de produit de contraste. Il faut
Lexique penser à bien descendre et dégager les épaules au
moment de l’examen, sinon les doses délivrées à
Radiothérapie adjuvante (1),
la base du cou ne seront pas homogènes. L’IRM
exclusive (2) et concomitante (3) n’est pas très utile. Un bilan TEP n’est pas indis-
Équivalents de : radiothérapie postopératoire (1), pensable, mais peut parfois servir à mieux préciser
radiothérapie utilisée seule (2) et radiothérapie l’extension ganglionnaire.

Guide d'ORL
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310 Fiches ORL de A à Z


2e étape : contention rigide (masque entre la chirurgie et l’irradiation postopératoire de
thermoformable à 5 points) plus de 7 semaines.
L’objectif est d’obtenir une immobilisation avec
un alignement du patient parfaitement reproduc- Effets secondaires
tible à chaque séance. Un repose-tête doit être
également adapté. Les erreurs de positionnement Mucite
sont évitées et aussi contrôlées régulièrement par C’est une inflammation de la muqueuse avec
des imageries. parfois des ulcérations. Elle apparaît deux à trois
semaines après le début de l’irradiation et se
3e étape : simulation (contourage) manifeste par une sensation d’irritation, des dou-
Les machines utilisées permettent de contourer leurs à la déglutition, des difficultés d’élocution.
plusieurs volumes pour évaluer l’extension tumo- Cette mucite augmente le risque de candidose.
rale et ganglionnaire et contourer les organes à Elle atteint son maximum cinq semaines après le
risque (parotide, larynx, plexus brachial et surtout début de l’irradiation. Si des difficultés d’alimen-
le tronc cérébral et la moelle cervicale). Il y a le tation risquent de provoquer une pause dans le
volume cible tumoral macroscopique tumoral traitement, il faut recourir à la nutrition par sonde
et ganglionnaire, palpé ou repéré par l’imagerie nasogastrique, voire à une gastrostomie perendo-
(gross target volumes) : GTV-T et GTV-N. Il y a scopique.
aussi les volumes des prolongements visibles ou
invisibles microscopiques définissant une zone de Conséquences cutanées
sécurité ou CTV (clinical tumor volume) avec des et sous-cutanées
marges variables autour du GTV. La conjonction
Elles vont du simple érythème cutané à la nécrose
des deux volumes précédents et les paramètres
tissulaire. Elles sont plus fréquentes chez le sujet
physiques des faisceaux d’irradiation définissent
âgé et dénutri. Le cétuximab les aggrave. Elles
enfin un volume traité irradié homogène ou PTV
peuvent être responsables de l’arrêt de la radiothé-
(planning treatment volume). Schématiquement,
rapie. Moins graves et tardives sont les séquelles
sont ainsi déterminées deux sortes de zones :
esthétiques : pigmentation, alopécie et fibrose. Le
celles devant recevoir une irradiation thérapeu-
risque d’apparition d’un trismus est proportionnel
tique et celles devant recevoir une irradiation
à la dose reçue par les muscles masticateurs.
prophylactique.

Xérostomie
Doses d’irradiation
et fractionnement Conséquence de l’irradiation des glandes sali-
vaires, cette hyposialie entraîne des carries et des
Elles sont de 64 à 66 Gy pour les irradiations thé- candidoses buccales. Elle apparaît en même temps
rapeutiques et de 50 à 54 Gy pour les irradiations que la mucite et peut être irréversible.
prophylactiques. Le fractionnement convention-
nel comprend 2 Gy par fraction, une fraction par
jour, à raison de 5 par semaine jusqu’à atteindre
Ostéoradionécrose mandibulaire
70 Gy en irradiation thérapeutique (35 fractions) Elle est la conséquence de soins dentaires après la
et 50 Gy en irradiation prophylactique (25 frac- radiothérapie. Un bilan dentaire avant traitement
tions). Il faut souligner qu’une pause d’une avec remise en état dentaire si nécessaire est indis-
semaine peut compromettre le contrôle local par pensable. L’application fluorée quotidienne par
accélération de la repopulation des clones tumo- des gouttières doit aussi durer jusqu’à la fin de
raux. C’est également le cas à partir d’un délai vie du patient.
S
Schwannomes et autres tumeurs neurogènes bénignes
• Le schwannome est une tumeur nerveuse osseux comme le schwannome de l’acoustique. La
bénigne composée de cellules de Schwann diffé- lenteur de leur évolution et le relatif respect des
renciées. C’est une tumeur sphérique, de consis- fibres du tronc à partir duquel elles se développent
tance variable. expliquent la rareté des déficits neurologiques.
• Le neurofibrome se développe aussi à partir des C’est leur volume qui finit par entraîner une sen-
cellules de Schwann, mais celles-ci sont différentes sation de corps étranger, une gêne à la déglutition
des cellules normales. Contrairement au schwan- ou des modifications de la voix. Leur découverte
nome, sa transformation maligne est possible. Des est le plus souvent fortuite au cours d’un examen
neurofibromes multiples peuvent entrer dans le de la cavité buccale. Elles se traduisent par une
cadre de la maladie de Recklinghausen. voussure de la paroi pharyngée latérale refoulant
• Le névrome traumatique se développe à l’extré- le pilier postérieur et l’amygdale palatine en avant
mité proximale d’un nerf sectionné ou traumatisé. et en dedans. Le toucher pharyngien indique leur
Il se présente sous la forme de petits nodules consistance et leur caractère non pulsatile. Il faut
composés de filets nerveux au sein d’une prolifé- rechercher un signe de Claude Bernard-Horner,
ration anarchique de cellules de Schwann. évocateur d’un ganglioneurome.
• Le ganglioneurome se développe à partir de
cellules ganglionnaires du système sympathique Localisations latéro-cervicales
prenant alors le nom de sympathome. Il est
toujours bénin. Le neuroblastome et le gan- Elles sont plus rares : tumeurs neurogènes du
glioneuroblastome sont développés aux dépens nerf pneumogastrique (X) et du grand hypoglosse
des cellules souches sympathiques. Ce sont des (XII). La tuméfaction est de forme allongée dans
tumeurs malignes. l’axe du nerf intéressé et mobile dans le sens

Formes cliniques
La plus fréquente des tumeurs nerveuses bénignes
est le schwannome de l’acoustique ou neurinome
du VIII (cf. chapitre 8). Une tumeur nerveuse
cervicale peut aussi se développer à partir des
troncs nerveux des nerfs crâniens (VII, IX, X, XI,
XII), du ganglion sympathique cervical supérieur
ou des plexus cervical et brachial. Elle peut aussi
se développer à partir de leurs branches les plus
fines (fig. S.1).

Localisations dans l’espace


rétrostylien
Cet espace rassemble tous les éléments nerveux
concernés. Ainsi s’explique la fréquence des
tumeurs nerveuses siégeant à l’étage supérieur
du cou. Elles respectent longtemps la fonction,
car elles ne sont pas comprimées dans un conduit Figure S.1. Schwannome intralaryngé.

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312 Fiches ORL de A à Z


transversal à cet axe. Les adénopathies cervi- Chirurgie
cales, les kystes congénitaux latéro-cervicaux, les
En l’absence de paralysie préopératoire, l’exérèse
tumeurs glomiques et les anévrysmes carotidiens
chirurgicale intracapsulaire (fig. S.3) doit être
constituent le diagnostic différentiel.
proposée avec prudence, car la conservation de la
continuité nerveuse n’est pas garantie. Elle peut
Imagerie laisser d’importantes séquelles qui ne seraient
Elle montre un processus expansif arrondi, bien apparues que des années après : paralysie laryngée,
limité, d’aspect iso-dense au muscle en TDM, linguale ou d’un membre supérieur. Quand la
avec une prise de contraste importante et homo- tumeur devient grosse et compressive, c’est un
gène, après injection de produit de contraste. dilemme difficile.
L’IRM montre une lésion iso-intense au muscle
en T1 devenant hyper-intense. Le signal en T1
se rehausse après gadolinium. L’IRM permet
parfois de situer le nerf au sein de la masse : en
périphérie pour le schwannome (fig. S.2) et au
centre pour le neurofibrome. Une angiographie
est parfois nécessaire pour éliminer une patholo-
gie vasculaire.

Ponction cytologique à l’aiguille


fine sous guidage échographique
Elle n’est pas toujours possible compte tenu de la
profondeur de la lésion. Son objectif est de recher- Figure S.3. Exploration chirurgicale droite.
cher des arguments en faveur de la malignité. Il Patient de la figure S.2. Il s’agissait d’une tumeur
convient aussi de reconnaître le neurofibrome enchâssée dans le nerf pneumogastrique. L’exérèse
a permis de conserver la continuité du nerf.
de la maladie de Recklinghausen en recherchant
L’examen microscopique montra qu’il s’agissait d’un
d’autres signes de la maladie. La chirurgie en ce schwannome kystique. Une paralysie de l’hémilarynx
cas est réputée augmenter les risques de dégéné- droit persista pendant un an avant de récupérer
rescence. partiellement.

Figure S.2. Schwannome du nerf pneumogastrique : échographie et TDM. Patient âgé de 47 ans qui présentait
depuis quelques mois une tuméfaction arrondie latéro-thyroïdienne droite isolée mesurant 3 × 5 cm de diamètre.
La fibroscopie nasopharyngée montrait une mobilité laryngée normale. L’échographie-Doppler montra une masse
cloisonnée partiellement kystique avasculaire située entre la veine jugulaire interne et la carotide primitive droite.
S 313

Sialendoscopie
La sialendoscopie est la dernière-née des tech- chirurgicaux proposés jusqu’alors. Le traitement
niques endoscopiques. Elle est indiquée dans les classique d’une sialadénite sous-maxillaire est en
sialadénites lithiasiques pour retirer les calculs et effet la sous-maxillectomie. Pour la parotide, le
traiter les sténoses. De plus, c’est une méthode traitement proposé est plus souvent médicamen-
diagnostique permettant de chercher et de repé- teux à cause du risque élevé de paralysie faciale
rer les lithiases, les sténoses et les dilatations après parotidectomie dans un contexte inflamma-
des canaux salivaires, mieux qu’à l’imagerie. Les toire. D’autre part, les études anatomopatholo-
sténoses sont plus fréquentes qu’on ne le pense. giques ont montré que les glandes retirées étaient
La moitié d’entre elles sont asymptomatiques normales dans un grand nombre de cas. Pour
et découvertes lors de la sialendoscopie. Elles les auteurs suisses, la sialendoscopie a permis de
peuvent être dilatées au ballonnet ou à l’endo- diviser par 10 les indications chirurgicales.
scope modulaire. On laisse un calibrage pendant La complication possible est la perforation. Au
une quinzaine de jours. niveau du canal de Sténon, elle est le plus souvent
C’est une technique qui peut se faire sous anesthésie asymptomatique. Lorsqu’elle se situe au niveau
locale ou sous anesthésie générale avec ventilation du canal de Wharton, il y a un risque d’emphy-
au masque laryngé. Ses résultats sont plus satisfai- sème du plancher buccal et du cou avec infection
sants que ceux des traitements médicamenteux ou à traiter par antibiothérapie.
314 Fiches ORL de A à Z

Stridor de l’enfant
Le stridor de l’enfant est un bruit inspiratoire de Le signe de gravité principal est la présence d’une
tonalité aiguë, exacerbé par les pleurs et comparé bradypnée inspiratoire avec tirage sus-sternal,
au cri du dindon. Il est intermittent durant l’éveil intercostal et sous-xiphoïdien. La stagnation pon-
et variable durant le sommeil. II commence entre dérale est le témoin du retentissement de la dys-
le 8e et le 15e jour après la naissance. Dans 90 % pnée. L’alimentation devient une lutte, la durée
des cas, le stridor de l’enfant est en rapport avec de prise alimentaire augmente : jusqu’à 1 heure
une laryngomalacie (stridor laryngé congénital pour chaque biberon, sans pouvoir le finir.
essentiel). C’est un collapsus isolé des structures Dans les formes sévères de laryngomalacie, une
supralaryngées à l’inspiration sans signes de endoscopie laryngée au bloc opératoire doit être
gravité. envisagée. Si le diagnostic reste confirmé, une
La confirmation est apportée par une fibroscopie supraglottoplastie ouvrant le larynx consiste à
pharyngo-laryngée dynamique sans prémédica- sectionner les replis ary-épiglottiques, ce qui a
tion chez un enfant à jeun depuis plus de 3 heures. pour effet de déployer l’épiglotte.
Dans une laryngomalacie, elle montre une épi- Ailleurs, l’existence de symptômes associés sug-
glotte tubulisée avec des replis ary-épiglottiques gère la présence d’une malformation laryngée qui
raccourcis et des cordes vocales bien mobiles sera confirmée par l’endoscopie sous anesthésie
(fig. S.4). générale :
Le stridor congénital essentiel s’aggrave jusqu’au • un stridor et une dyspnée dès la naissance
quatrième mois puis se stabilise pour régresser traduisent des lésions kystiques intralaryngées ou
ensuite lentement jusqu’à l’âge de 12 à 18 mois. siégeant dans la vallécule glosso-épiglottique ;
• un stridor avec dysphonie congénitale évoquent
des palmures laryngées ou une atrésie laryngée ;
• des fausses-routes associées au stridor peuvent
témoigner d’une paralysie laryngée, d’une dyski-
nésie laryngée ou d’un diastème laryngo-trachéal
(fente interaryténoïdienne de la paroi postérieure
du larynx s’étendant vers la trachée et faisant
communiquer œsophage et trachée) ;
• une toux rauque avec apparition retardée du
stridor et présence d’un angiome plan facial font
craindre un angiome sous-glottique ;
• un stridor, des troubles de déglutition, des
apnées périphériques et centrales dressent un
Figure S.4. Caractéristique d’une laryngomalacie :
tableau neurologique complexe ;
épiglotte tubulisée, replis ary-épiglottiques courts. • un stridor après séjour en service de néonatolo-
Photo : Dr Stéphane Orsel. Service ORL, CHU Limoges. gie suggère une sténose post-intubation.
S 315

Surveillance d’un cancer ORL


Elle incombe à la fois au médecin généraliste et au • Dépistage des pneumopathies de déglutition en
spécialiste ORL. cas de chirurgie laryngée partielle.
• Enfin, la prise en charge morale du laryngecto-
misé total est un point important de la responsabi-
Maladie cancéreuse lité du médecin de famille. Chez ce grand mutilé,
• Palpation régulière des aires ganglionnaires. souvent guéri mais déprimé, tout doit concourir
• Surveillance au fibroscope nasopharyngé des à la réinsertion sociale : compréhension familiale,
structures restantes tous les deux mois. reprise du travail, vie associative (association des
• Recherche régulière des autres localisations mutilés de la voix), stages d’apprentissage de
cancéreuses ++ : cavité buccale, poumons et la voix œsophagienne. Les implants phonatoires
œsophage. posent des problèmes spécifiques à la charge du
centre qui a procédé à leur mise en place.

Nutrition
Suites de l’irradiation
• Surveillance du poids, dont la chute témoigne
d’un obstacle à une alimentation correcte (mucite • Œdème facial et cervical sont aggravés par
post-radique, sténose de l’orifice œsophagien). l’exposition des zones irradiées au soleil : prescrire
• Recherche d’une complication de la nutrition des séances de drainage lymphatique.
entérale : constipation liée à l’absence de résidus, • Hypothyroïdie et sténose carotidienne survien-
diarrhée liée à un excès d’alimentation lactée ou nent parfois plusieurs années après. Les patients
à une malposition de la sonde nutritive, vomis- irradiés doivent donc bénéficier d’un dosage
sements liés à un bol alimentaire trop abondant annuel de la TSH et d’un Doppler cervical au
ou mal fractionné, dénutrition par carence pro- moindre doute.
tidique, déficits vitaminiques, etc. Dans cette • Asialie : définitive, elle est responsable de
situation, il est important de faire appel à une sécheresse des muqueuses, de nécrose des racines
diététicienne afin de mieux gérer la nutrition dentaires, d’ostéite après extraction dentaire et
artificielle. d’ostéoradionécrose. Il est essentiel que le patient
• L’utilisation d’une nutripompe à débit continu comprenne qu’il doit appliquer quotidiennement
et le recours aux traitements antiémétiques et ses gouttières fluorées toute sa vie. À défaut, les
antispasmodiques, ainsi qu’une surveillance atten- dents restantes noirciront et finiront par être res-
tive de la sonde de nutrition entérale (rinçage ponsables de complications infectieuses.
de la sonde après chaque administration et rem-
placement mensuel) sont des éléments importants
pour prévenir les complications.

Suites opératoires
• Hygiène de la canule au moins une fois par jour
par une infirmière à domicile en cas de trachéoto-
mie. Prescription de deux jeux de canule (canule,
chemise et mandrin), location d’un aspirateur,
d’un générateur d’aérosols. La surveillance du tra-
chéostome est plus facile en cas de laryngectomie
totale : trachéite croûteuse, granulome, bouchon,
récidive trachéale (fig. S.5). Figure S.5. Trachéostome après laryngectomie totale.

316 Fiches ORL de A à Z


Douleurs alerté par de petits saignements annonçant une
rupture cataclysmique de la carotide primitive.
Les séquelles douloureuses et la limitation de Embolisation et ligature de la carotide externe
l’amplitude articulaire de l’épaule en abduction doivent être proposées à temps.
sont la conséquence de l’évidement ganglion-
naire, spécialement en cas de section du nerf spi-
nal. Il est donc souhaitable de prescrire de façon Dyspnée
systématique une rééducation précoce de l’épaule Elle est laryngée. Souvent précédée d’une agi-
par un kinésithérapeute. Antalgiques : paracéta- tation liée à l’hypercapnie, il ne faut pas donner
mol, puis paracétamol + codéine, puis morphines de sédatifs mais des corticoïdes à doses massives.
orales… L’intubation est souvent impossible et il n’y a pas
d’autre solution que de pratiquer la trachéotomie
Hémorragies sous anesthésie locale.

Elles sont presque toujours liées à une nécrose


surinfectée des gros vaisseaux. Il faut savoir être
S 317

Syndromes neurologiques de la face


Siège Nerfs atteints Nom Cause la plus fréquente
Angle ponto-cérébelleux (APC) V, VII, VIII, parfois le IX Syndrome de l’APC Neurinome, méningiome, tumeur pétreuse
Apex pétreux V, VI Gradenigo Pétrosite et tumeurs de l’apex pétreux
Paroi latérale du sinus III, IV, V1, ± V2, VI Si syndrome inflammatoire : Anévrysme/thrombose du sinus caverneux,
caverneux Tolosa-Hunt granulome inflammatoire, tumeur sellaire
invasive
Fissure orbitaire supérieure III, IV, V1, V2, VI Foix Tumeur invasive du sinus sphénoïdal,
anévrysme
Doyon D., Marsot-Dupuch K., Francke J.-P. Nerfs crâniens. Anatomie, clinique,
imagerie. Paris : Masson, 2002, p. 102 (tableau 6.1).
T
Tamponnements choanal et nasopharyngien
Dans une épistaxis postérieure, si on ne dispose sort de la cavité buccale (fig. T.1B). On tire sur
pas de sonde à ballonnet ou si l’usage de celle-ci la sonde par l’extrémité qui sort de la fosse nasale
est restreint par une déviation septale, il faut reve- de telle sorte que le tampon est amené successive-
nir aux techniques classiques de tamponnements ment dans la cavité buccale, dans le rhinopharynx,
choanal et nasopharyngien. jusqu’à la choane et même dans le tiers postérieur
de la fosse nasale (fig. T.1C). Cette manœuvre
doit être exécutée rapidement en s’aidant du
Matériel doigt pour faciliter le passage du tampon derrière
le voile.
• Feuilles grasses 20 × 20 cm.
• Pratiquer ensuite un tamponnement antérieur
• Soie en bobine no 2.
par Merocel®. Les deux fils sortant de la fosse
• Xylocaïne® à 5 %.
nasale sont noués en force sur une compresse
• Sondes de Nélaton ou petites sondes d’aspira-
pour bloquer définitivement le tampon choanal
tion no 10 à 15.
(fig. T.1D). Les deux fils dépassant de la cavité
• Ciseaux.
buccale sont attachés avec une bande adhésive.
• Abaisse-langue.
Ils serviront de rappel au moment du déméchage
• Miroir de Clar.
(fig. T.1E).
• Spéculum de nez.
• Le tamponnement postérieur doit être gardé
• Pince de Kocher.
72 heures : calmants et antibiotiques sont le plus
souvent indispensables. Il existe un risque certain
Principe d’infection auriculaire rétrograde par blocage de
l’orifice tubaire.
Introduire un tampon dans la partie postérieure
des fosses nasales avant de compléter par un
tamponnement antérieur. Protocole du tamponnement
nasopharyngien
Protocole du tamponnement À la différence du tamponnement choanal uni-
choanal unilatéral latéral, il est amarré dans chaque fosse nasale et
bloque complètement le nasopharynx. Beaucoup
• Mouchage narine après narine pour débarrasser plus efficace, il est aussi plus mal toléré.
les fosses nasales des caillots qui les encombrent ; • Les sondes de Nélaton sont d’abord passées
anesthésie locale par pulvérisation de Xylocaïne® dans chacune des deux fosses nasales et rattrapées
à 5 % dans les fosses nasales (au besoin prémédi- séparément dans l’oropharynx.
cation une demi-heure avant par diazépam 10 mg • Le tampon est alors attaché par ses deux fils
intramusculaire en surveillant la ventilation). à l’extrémité des sondes qui sortent de la cavité
• Confection d’un tampon de feuilles grasses buccale (fig. T.2A). On tire en même temps sur
ficelées avec la soie, de telle sorte que les quatre les deux sondes par leurs extrémités qui sortent
chefs restent longs. Introduction de la sonde de des fosses nasales de telle sorte que le tampon
Nélaton dans la narine incriminée. Récupération est amené successivement dans la cavité buccale
de la sonde dans le pharynx à l’aide de la pince de jusque dans le rhinopharynx. Cette manœuvre doit
Kocher (fig. T.1A). Le tampon est alors attaché être exécutée en s’aidant du doigt pour faciliter le
par deux de ses fils à l’extrémité de la sonde qui passage du tampon derrière le voile (fig. T.2B).
x

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x
• Après avoir fermement bloqué le tampon dans • Enfin, les deux chefs sont noués sur une
le nasopharynx, on procède à un tamponnement compresse roulée protégeant la columelle. Un
antérieur bilatéral par Merocel®. fil de rappel sortant par la bouche est gardé pour
faciliter le déméchage (fig. T.2C).

Figure T.1. Tamponnement choanal unilatéral.


A. Passage de la sonde de Nélaton par la fosse nasale et préhension de celle-ci avec une pince de Kocher.
B. Fixation du tampon choanal. C. Mise en place du tampon choanal dans le rhinopharynx. D. Nœud antérieur
sur une compresse pliée. E. Résultat avec le fil de rappel (le tamponnement antérieur n’a pas été représenté).
x
T 321

Figure T.2. Tamponnement nasopharyngien.


A. Confection d’un tampon avec quatre chefs longs, dont deux seront noués aux sondes de Nélaton, une fois
celles-ci passées par les fosses nasales. B. Geste de l’index faisant franchir le voile du palais au tampon et le faisant
entrer dans le rhinopharynx. C. Résultat et fil de rappel passant par la bouche.
322 Fiches ORL de A à Z

TDM de l’oreille normale

Figure T.3. Schéma de la région atticale vue par sa face interne.


A, B et C. Coupes TDM coronales. D et E. Coupes TDM axiales. 1 : fossette sus-tubaire ; 2 : muscle du marteau ;
3 : flèche montrant la communication entre la fossette sus-tubaire et la trompe d’Eustache ; 4 : flèche dans
la trompe d’Eustache ; 5 : crête sus-tubaire ; 6 : annulus tympanique. Astérisque rouge : Cloison osseuse tombant
verticalement du tegmen limitant la fossette sus-tubaire en arrière (parfois appelée cog).
Schéma d’après : Sauvage J.-P., Vergnolles P. Anatomie de l’oreille moyenne. EMC, Paris (Elsevier Masson), ORL, 2008 [Article 20-015-A10].
TDM : Dubrulle F., Martin Duverneuil N., Moulin G. Imagerie en ORL. Elsevier Masson, 2010, p. 255 (fig. 15.2a).
Conclusion

Les pathologies ORL sont d’une incomparable chirurgie à risque où l’on compte sur l’hémostase
diversité. Face à la médecine et à la chirurgie spontanée, où on tutoie les nerfs crâniens et où il
de consommation (cardiologie, orthopédie, y a une obligation de résultat.
ophtalmologie, etc.), l’oto-rhino-laryngologie La rançon de cette indépendance est parfois
peut apparaître comme une médecine de col- l’incompréhension de nos confrères, tant dans
lectionneurs. l’appréciation d’un mauvais que d’un bon résul-
À la fois médecin et chirurgien, l’ORL fait ses tat. Heureusement, la gratitude des patients que
examens complémentaires, pose ses indications, nous faisons bénéficier des progrès de l’imagerie,
opère ses malades et suit leur évolution de la de l’anesthésie et des nouveaux matériels est notre
naissance au quatrième âge. Sa chirurgie est une récompense.
Index
A –– du vestibule laryngé, 29
Acoumétrie, 104, 114 –– folliculaire, 68
Acouphènes –– indifférencié, 68
–– pulsatiles, 231, 233 –– médullaire (CMT), 68
Acouphénométrie, 232 –– papillaire, 68
Adénite Cautérisation, 249
–– aiguë bactérienne, 205 Cellules ciliées
–– rétropharyngée, 206 –– externes, 241
–– rétrostylienne, 206 –– internes, 241
Adénocarcinome de l'ethmoïde, 54 Cellulite
Adénome pléomorphe, 70, 307 –– cervicale profonde, 208
Aérateur –– orbitaire, 181
–– transtympanique, 111 Cervicotomie exploratrice, 76
–– tympanique, 95 Chémodectome, 294
Algie vasculaire de la face, 238 Chimiothérapie
Amygdalite chronique, 210 –– adjuvante, 251
Angine –– d'induction, 251
–– de Vincent, 200 Chirurgie endoscopique au laser CO2, 30
Anneau de Waldeyer, 195 Cholestéatome
Antibiothérapie probabiliste, 85 –– congénital, 105, 133
Anticoagulant, 216 –– épitympanique, 108
Antrites, 88 –– mésotympanique, 108
Appareil branchial, 244 –– post-traumatique, 105
Appareillage auditif, 148 Cisplatine, 251
ASSR, 128 Classification TNM, 28, 49
Audiométrie, 104 Claude Bernard-Horner
–– tonale, 117 –– Signe de, 311
–– vocale, 122 Clou de Lermoyez, 190
B Concha bullosa, 186
Brûlure par caustique, 226 Conflit vasculo-nerveux, 231
Buccopharyngectomie transmaxillaire, 51 Corps étranger, 222
C Croup laryngé, 221
Cancer Curiethérapie, 256
–– de l’amygdale, 47 Cystadénolymphome, 71
–– de l’oropharynx, 43 Cytoponction, 63, 66, 70
–– de la cavité buccale, 43 D
–– de la commissure antérieure, 27 Déhiscence, 234, 283
–– de la corde vocale, 27 –– du canal antérieur, 161, 284
–– de la margelle laryngée, 29 –– du canal semi-circulaire antérieur, 137
–– de la parotide, 71 Delayed vertigo, 257
–– du plancher de la bouche, 46 Désinfection d'un fibroscope
–– du rhinopharynx, 56 nasopharyngé, 258
–– du sinus piriforme, 30 Diverticule pharyngo-œsophagien, 259
–– du ventricule laryngé, 29 Dyspnée laryngée, 218
326 Index

E L
Échographie, 66, 70 Labyrinthectomie chimique, 170
EGF (epidermal growth factor), 247 Labyrinthisation, 136
Endoscopie nasale, 173 Labyrinthite, 110, 171
–– à l'optique, 18 Langue
Épiglottite, 221 –– Base de, 243
Épistaxis, 3, 211 –– mobile, 243
Épreuve calorique, 161, 166 Laryngectomie
Ethmoïdite aiguë extériorisée, 182 –– fronto-latérale, 34
Évidement –– horizontale sus-glottique, 35
–– ethmoïdal, 192 –– supracricoïdienne, 35
–– fonctionnel, 253 –– totale, 31
–– radical, 112, 253 Laryngite
F –– œdémateuse sous-glottique, 220
Fibrome nasopharyngien, 213 –– striduleuse, 219
Fibroscopie nasopharyngée, 17, 19 Laryngocèle externe, 275
Fistule Laryngomalacie, 314
–– branchial, 245 Laryngoscopie
–– de la deuxième fente branchiale, 267 –– directe, 25, 40
–– de la première fente branchiale, 265 –– indirecte, 16
–– de la quatrième fente branchiale, 269 Lavage d'oreille, 277
–– de la troisième fente branchiale, 268 Lésions précancéreuses, 49, 278
–– Signe de la, 171, 263 Leucoplasie, 26, 40, 278
G Lithiase salivaire, 72, 306
Gaine pour fibroscope nasopharyngé, 258 Lobo-isthmectomie thyroïdienne, 68
Ganglion Lymphangiome kystique, 77, 279
–– de Troisier, 76 Lymphome
–– sentinelle, 254 –– de Burkitt, 282
Gène p53, 247 –– ORL, 281
Globus hystericus, 202 M
Glomus tympanique, 131 Maladie
Glossectomies partielles, 49 –– auto-immune, 171
Goitre multinodulaire, 66 –– de Basedow, 67
Grenouillette, 271 –– de Hodgkin, 282
H –– de Horton, 237
Hémi-laryngo-pharyngectomie, 36 –– de Kimura, 305
Hémostase de l'artère sphéno-palatine, 215 –– de Lyme, 139, 298
Hémotympan gauche, 133 –– de Menière, 143, 168, 257
HIT (head impulse test), 168 –– de Rendu-Osler, 214
HPV 16-18, 273 –– métabolique de Widal, 188
Hydrops endolymphatique retardé, 172 Manœuvre
Hypertrophie des amygdales palatines, 200 –– d’Epley, 165
I –– de Dix et Hallpike, 163
Impédancemétrie, 123 –– de Sémont, 164
Implantation cochléaire, 147–149 –– de Valsalva, 235
Infections préstyliennes, 208 Masquage de l'oreille, 119
K Mastoïdites, 88
Kyste Méchage des fosses nasales, 216
–– amygdaloïde, 77 Méningite, 110
–– branchial, 245 Métastase ganglionnaire, 30
–– dermoïde, 63 Migraine, 170
–– du tractus thyréoglosse (KTT), 64 Mucite, 310
–– lympho-épithélial, 305 Myoblastome granuleux d'Abrikossof, 49
Index 327

Myringite phlycténulaire, 84 Pelvimandibulectomies, 50


Myringoplastie, 134 Perforation
Myringosclérose, 95, 111 –– sèche, 100
Myringotomie, 285 –– tympanique sèche, 134
N Pharyngectomie partielle latérale, 36
Neurinome, 141 Phlegmon péri-amygdalien, 202, 205
–– de l'acoustique, 140, 172 Poche de rétraction
Neurofibrome, 311 –– atticale, 98
Neurotomie vestibulaire, 170 –– mésotympanique postérieure, 98
Névralgie, 237 Polypose nasosinusienne, 183, 192
–– du glosso-pharyngien, 238 Ponction cytologique, 312
–– du trijumeau, 238 Potentiels évoqués auditifs (PEA), 126, 141
Névrite Presbyacousie, 144
–– cochléaire, 139 Préservation laryngée, 38
–– vestibulaire, 165 Prothèse à ancrage osseux, 148
Niveaux ganglionnaires de I à V, 52 Psychothérapies psychanalytiques, 233
Nutrition, 315 R
Nystagmus vestibulaires, 158 Radio-chimiothérapie concomitante,
O 251
Optiques, 6, 40, 111 Radiothérapie
Ostéite bénigne circonscrite de l'os tympanal, –– adjuvante, 309
289 –– conformationnelle, 309
Ostéoradionécrose mandibulaire, 310 Récessus de Tortual, 197, 210
Otalgie, 287 Rééducation
Otite –– orthophonique, 149
–– adhésive, 96 –– vestibulaire, 167
–– atélectasique, 96 Réflexe
–– cholestéatomateuse, 102 –– stapédien, 124, 161
–– congestive, 82 –– vestibulo-oculaire, 156
–– externe, 130, 288 Retard de langage, 146
–– moyenne aiguë purulente non perforée, 83 Rhinite
–– moyenne aiguë purulente perforée, 84 –– allergique, 178
–– muqueuse à tympan ouvert, 100 –– médicamenteuse, 179
–– récidivante, 87 –– perannuelle, 178
–– séromuqueuse (OSM), 92 Rhinopharyngite, 199
Oto-émissions acoustiques (OEA), 126, 147 Rhinoscopie
Otomycose, 289 –– antérieure, 11
Otorrhée, 4 –– postérieure, 15
Otoscopie, 8, 83, 93, 103 Rhinosinusite chronique, 181
Otospongiose, 137 –– de l'enfant, 201
Ozène, 179 Rinne, 115
P RSC
Papillomatose laryngée, 222 –– avec polypose, 188
Paragangliomes, 291 –– granulomateuses, 187
Paralysie S
–– des dilatateurs, 301 Sarcoïdose, 304
–– des nerfs crâniens, 295 Schirmer, 298
–– faciale, 297 Schwannome, 307, 311
–– faciale périphérique, 110 Sialendoscopie, 313
–– récurrentielle, 300 Sialite, 303
Parotidectomie totale, 71 –– lithiasique, 304
Parotidite, 72 Sialocèle, 303
Parotidomégalies, 305 Sialose, 304
328 Index

Sinusite Test
–– aiguë, 179 –– d'Halmagyi, 168
–– aspergillaire, 185 –– impulsionnel céphalique, 168
–– frontale aiguë, 180 Thérapies cognitivo-comportementales (TCC), 232
–– maxillaire d'origine dentaire, 180 Thrombophlébite du sinus latéral, 110
Sonde à double ballonnet, 215 Thrombose de l'artère labyrinthique, 139, 171
Sous-maxillites, 73, 306 Thyroïdites d'origine auto-immune, 67
Stapédotomie, 138 Tomodensitométrie des sinus, 175
Sténose du méat acoustique, 131 Torticolis, 202
Stridor, 314 Trachéostome, 39, 315
Surdité Traumatisme par coton-tige, 133
–– auto-immune, 144 Tumeurs salivaires, 307
–– brusque, 139 Tympanoplastie, 135
–– de l'enfant, 144 Tympanosclérose, 101
–– de perception, 138, 148 Tympanotomie postérieure, 112
–– de transmission, 129 V
–– génétique, 146 Végétations adénoïdes, 198
–– iatrogénique, 143 Vertige positionnel paroxystique bénin (VPPB),
–– post-linguale, 145 162
–– prélinguale, 145 Vestibulopathie bilatérale, 171
–– professionnelle, 143 Vidéochirurgie endoscopique des sinus, 190
–– syndromique, 146 Voie
Syndrome –– rétrolabyrinthique, 143
–– de Gougerot-Sjögren, 304 –– rétrosigmoïdienne, 143
–– neurologique de la face, 317 –– translabyrinthique, 143
T Voix
Tache vasculaire de Kisselbach, 212 –– oro-œsophagienne, 40
Tamponnement –– trachéo-œsophagienne, 40
–– antérieur, 214 W
–– nasopharyngien, 215, 319 Weber, 115
–– postérieur, 215, 319 X
Taxanes, 251 Xérostomie, 310
Technique Z
–– fermée, 104, 107 Zona, 298
–– ouverte, 106, 109 –– auriculaire, 139

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