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Journal de pédiatrie et de puériculture (2014) 27, 68—75

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www.sciencedirect.com

ARTICLE EMC

Sinusites de l’enfant夽
M.-S. Le Gac (ORL, ancien chef de clinique au CHU
Morvan, assistant des Hôpitaux)

Clinique Pasteur, 34, rue du Moulin, 29200 Brest, France

Introduction
Il s’agit d’une pathologie fréquente, dans sa forme bénigne, qui résulte d’une surinfection
d’un ou de plusieurs sinus de la face. On parle plutôt chez l’enfant de rhinosinusite aiguë
du fait de l’absence de développement complet des cavités sinusiennes chez l’enfant de
moins de 6 ans et de sinusite vraie chez l’enfant plus grand.
Dans sa forme sévère, la sinusite de l’enfant est assez rare et se traduit le plus souvent
par une ethmoïdite chez l’enfant de moins de 6 ans ou par une sinusite compliquée chez
l’enfant plus grand.
Au-delà de 4 mois d’évolution, on parle de sinusite chronique et il convient de recher-
cher et de traiter les facteurs favorisant ce type d’infection.

Généralités
Définition
La sinusite est une inflammation des sinus périnasaux due à une infection virale, bacté-
rienne ou fongique ou à des réactions allergiques.

Anatomie
Les sinus de la face sont des cavités aériques revêtues d’un épithélium de type respiratoire,
creusées dans l’os et communiquant avec les fosses nasales via des méats ou des canaux
(Figure 1).

夽 Grâce au partenariat mis en place en 2010 entre le Journal de pédiatrie et de puériculture et l’EMC, les articles de cette rubrique

sont issus des traités EMC. Celui-ci porte la mention suivante : M.-S. Le Gac. Sinusites de l’enfant. EMC - Pédiatrie - Maladies infectieuses
2011:1—6 [Article 4-061-G-20]. Nous remercions les auteurs qui ont accepté que leur texte, publié initialement dans les traités EMC, puisse
être repris ici.
Adresse e-mail : mslegac@free.fr

0987-7983/$ — see front matter © 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
http://dx.doi.org/10.1016/j.jpp.2014.02.001
Sinusites de l’enfant 69

Rôle des sinus de la face


La fonction des sinus de la face reste à ce jour encore incon-
nue et de nombreuses hypothèses ont été proposées pour
expliquer leur existence. Les différentes théories plausibles
à ce jour sont notamment :
• rôle de protection de l’encéphale et des globes oculaires
lors des traumatismes faciaux, en permettant d’amortir
les chocs ;
• isolation thermique du système nerveux central ;
• allégement des os de la face ;
• rôle dans la croissance des os de la face ;
• vestige non fonctionnel au cours de l’évolution.

Étiopathogénie
Cause principale chez l’enfant
Dans la majorité des cas, les sinusites de l’enfant résultent
d’une surinfection d’une cavité sinusienne dans les suites
d’une rhinite aiguë d’origine virale. Il se crée alors une
inflammation de la muqueuse sinusienne. Puis par blocage
Figure 1. Anatomie des sinus. 1. Clairance mucociliaire du sinus
frontal ; 2. complexe ostéoméatal ; 3. clairance mucociliaire du
de l’ostium de drainage apparaît une stase de mucus qui va
sinus maxillaire ; 4. collection liquidienne dans le sinus maxillaire. alors s’infecter.
La majorité des rhinosinusites de l’enfant est virale et on
estime que seulement 10 % d’entre elles peuvent présenter
une surinfection bactérienne.
Les sinus sont pairs et souvent asymétriques et se répar- Les germes habituellement rencontrés chez l’enfant sont
tissent ainsi : les suivants :
• les sinus maxillaires qui se drainent via le méat moyen • pneumocoque ;
situé sur la paroi latérale des fosses nasales entre les • Haemophilus influenzae ;
cornets moyen et inférieur ; • Moraxella catarrhalis.
• les cellules ethmoïdales divisées en cellules antérieures
et en cellules postérieures par la racine cloisonnante du Et plus rarement :
• staphylocoque doré (en particulier dans l’ethmoïdite
cornet nasal moyen. Les cellules antérieures se drainent
dans le méat moyen, les postérieures au-dessus du cornet avant 5 ans) ;
• germes anaérobies (dans les formes odontogènes surtout).
moyen et parfois au-dessus du cornet nasal supérieur ;
• les sinus frontaux qui se drainent via le canal nasofrontal ;
• les sinus sphénoïdaux, qui sont souvent asymétriques, Autres causes possibles
se drainent par l’ostium du sphénoïde ou récessus sphé- Comme chez l’adulte, l’enfant âgé de plus de 6 ans peut
noethmoïdal dont l’ouverture se situe médialement, à donc présenter des sinusites d’étiologies diverses qui ne sont
l’aplomb de l’arche choanale. pas développées ici :
On décrit ainsi un groupe antérieur comprenant les sinus • sinusite maxillaire d’origine dentaire sur dépassement de
frontaux, maxillaires et les cellules ethmoïdales antérieures pâte intrasinusienne après traitement canalaire ou sur
et un groupe postérieur comprenant les cellules ethmoïdales infection dentaire d’une dent maxillaire ;
postérieures et le sinus sphénoïde. Il existe de nombreuses • surinfection sur hémosinus traumatique ;
variantes anatomiques [1]. • sinusite fongite maxillaire (balle fongique à Aspergillus
fumigatus) [3] ;
• sinusite fongique de l’immunodéprimé : mucormycose [4]
Embryologie : développement des cavités
et aspergillose invasive.
sinusiennes [2]
Les ébauches des cavités sinusiennes apparaissent vers le Facteurs prédisposant à la survenue d’une sinusite
quatrième mois de la vie in utero. Certains facteurs peuvent favoriser la survenue d’une sinu-
À la naissance, les cellules ethmoïdales sont déjà for- site, voire sa chronicisation :
mées et il existe une ébauche des sinus maxillaires qui • facteurs anatomiques : ils gênent le drainage des sinus :
se « pneumatiseront » entre 18 mois et 5 ans. L’ébauche du déviation septale majeure, hypertrophie des cornets,
sinus frontal apparaît vers 1 an et sa pneumatisation a lieu concha bullosa et cornet à courbure inversée, hypertro-
entre 5 ans et 12 ans. Le sinus sphénoïde se développe entre phie des végétations adénoïdes [5] ;
5 et 18 ans. • facteurs muqueux : ils altèrent la qualité du drai-
Cela explique qu’avant 5 ans, la seule sinusite vraie que nage mucociliaire : allergie respiratoire, asthme, reflux
l’on puisse rencontrer est l’ethmoïdite. gastro-oesophagien, bronchite chronique, déficit en
70 M.-S. Le Gac

immunoglobuline, mucoviscidose, dyskinésie ciliaire, La clinique de la sinusite sphénoïdale est variable : il peut
tabagisme passif, dessiccation de l’air, pollution ; s’agir de céphalées au vertex, à l’occiput, souvent très vio-
• immunodépression : elle favorise les surinfections bacté- lentes. Les sinusites frontale et sphénoïdale se rencontrent
riennes et fongiques ; au-delà de 6-7 ans, voire de 10 ans pour certains auteurs.
• corps étranger obstruant une fosse nasale prédisposant à La pansinusite est l’atteinte de plusieurs des sinus de la
l’infection des cavités sinusiennes homolatérales (sonde face.
d’intubation nasotrachéale, sonde nasogastrique).
Tableau clinique de la rhinosinusite aiguë
compliquée
Sinusites aiguës
Sinusite de l’enfant de moins de 5 ans : ethmoïdite
Tableau clinique de la sinusite simple aiguë [5]
On retrouve une symptomatologie de rhinosinusite aiguë
Le tableau clinique concerne surtout l’infection du sinus associée à un syndrome septique général plus ou moins
maxillaire. sévère avec surtout un oedème au niveau de l’angle interne
d’un oeil, infiltrant les paupières, en particulier la paupière
Forme subaiguë supérieure. L’ethmoïdite peut survenir à partir de l’âge de
6 mois. Elle peut être de forme oedémateuse simple ou de
Il s’agit en fait de la prolongation au-delà de 10 jours
forme compliquée dite suppurée.
d’une rhinopharyngite aiguë banale, sans tendance à
On la classifie selon les stades de Chandler qui traduit
l’amélioration. C’est la forme la plus fréquente.
l’importance des complications ophtalmologiques puis neu-
Les signes cliniques rencontrés sont :
• la rhinorrhée claire ou parfois purulente ; rologiques associées (Tableau 1).
• l’obstruction nasale ; Forme oedémateuse simple
• la toux inconstante ; L’examen clinique retrouve un oedème palpébral doulou-
• la fièvre le plus souvent inférieure à 39 ◦ C. reux à la palpation prédominant à l’angle interne de l’orbite
et à la paupière supérieure, sans pus conjonctival, avec une
Ces signes sont communs à toute infection des sinus, fièvre élevée (39 ◦ C à 40 ◦ C).
qu’elle soit virale ou bactérienne.
Forme collectée périorbitaire
Le pus se collecte dans l’orbite, entre le périoste et l’os
Forme aiguë planum, entraînant une exophtalmie sans trouble visuel ni
La forme aiguë comprend : trouble de la motilité oculaire.
• une fièvre supérieure à 39 ◦ C, persistante au-delà de
Formes compliquées
3 jours d’évolution ;
La forme collectée nécessite de rechercher deux
• des céphalées ;
complications majeures :
• une rhinorrhée purulente ;
• la suppuration intraorbitaire suspectée devant l’un des
• parfois un oedème ou un érythème du visage ;
trois signes suivants : mydriase paralytique, anesthésie
• une toux diurne ou nocturne (parfois émétisante) ;
cornéenne, ophtalmoplégie partielle ou complète ;
• une douleur localisée, importante, pulsatile d’horaire
• la thrombophlébite intracrânienne : fièvre oscillante avec
inflammatoire, souvent vespérale, majorée tête penchée
frissons et syndrome méningé.
en avant.

Les douleurs de sinusite maxillaire se situent au niveau Sinusites compliquées de l’enfant plus âgé
des joues. Elles sont admises au-delà de 3 ans, mais res- (Tableau 2) [6]
tent rares avant 6 ans. Elles peuvent s’accompagner d’une Sinusite bloquée
douleur au niveau d’une dent maxillaire si la sinusite est Il s’agit d’un sinus sous tension sans drainage spontané pos-
d’origine odontogène. sible, la douleur est importante et il n’y a pas d’écoulement
La sinusite frontale s’accompagne de céphalées frontales mucopurulent. Elle peut concerner les sinus maxillaire, fron-
importantes, en barre. tal, et sphénoïdal.

Tableau 1 Classification de Chandler.


Stade I Cellulite préseptale Œdème palpébral
Stade II Cellulite orbitaire Chémosis, exophtalmie axile
Stade III Abcès sous-périosté (extraconique) Exophtalmie, baisse de l’acuité visuelle (BAV), troubles
oculomoteurs
Stade IV Abcès orbitaire (intraconique) Exophtalmie, ophtalmoplégie complète, BAV importante
Stade V Thrombose du sinus caverneux Exophtalmie majeure et douloureuse, cécité, oedème
palpébral supérieur et inférieur majeur, réaction méningée,
atteinte oculomotrice des nerfs III, IV, VI, atteinte du nerf V1
Sinusites de l’enfant 71

Tableau 2 Complications des sinusites.


Maxillaire Frontal Sphénoïde Ethmoïde
Sinusite bloquée ++ +++ +
Complications neurologiques
Abcès cérébraux + ++ +
Thrombose du sinus caverneux ++ +
Méningite + + +
Complications ophtalmologiques + + ++
Bactériémie + + + +
Atteinte cutanée + ++
+ : Complication rare ; ++ : complication possible ; +++ : complication fréquente.

L’examen clinique est pauvre et les signes fonctionnels directions, la présence d’un réflexe photomoteur, l’absence
sont bruyants. de diplopie et d’exophtalmie.
Un avis ophtalmologique est demandé devant toute eth-
Complications ophtalmologiques [7] moïdite avec atteinte oculaire ou en cas de suspicion
Les complications ophtalmologiques concernent les sinusites d’atteinte oculaire dans le cas d’une sphénoïdite ou d’une
sphénoïdales et frontales. sinusite frontale.
Les signes fonctionnels vont du simple chémosis à L’examen doit aussi rechercher des arguments pour
l’atteinte des nerfs oculomoteurs avec ophtalmoplégie, pto- un syndrome méningé ou une thrombophlébite cérébrale :
sis, diplopie, et à l’abcès sous-périosté ou intraorbitaire recherche de raideur méningée, contrôle des paires crâ-
avec exophtalmie, mydriase et baisse d’acuité visuelle. niennes.
Complications neurologiques [8,9]
Chez le jeune enfant, il peut survenir des convulsions hyper- Examens complémentaires
thermiques.
Les autres complications neurologiques concernent les Cas de la sinusite aiguë simple
sinusites frontales et sphénoïdales du fait des rapports Comme chez l’adulte, il n’y a pas d’examen complémentaire
intimes avec le cerveau. Il peut survenir : à demander [10].
• une méningite avec, à la clinique, un syndrome méningé :
hyperthermie, trouble de conscience, raideur de nuque ;
• un abcès extra- ou sous-dural, ou intracérébral ; Cas des rhinosinusites compliquées
• une thrombose du sinus caverneux, en particulier dans Examens radiologiques
le cas d’une sinusite sphénoïdale et dans l’ethmoïdite au En cas de suspicion d’ethmoïdite de forme collectée ou de
stade V de Chandler (Tableau 1). suspicion de complications ophtalmologiques ou orbitaires
chez l’enfant plus âgé, un scanner du massif facial (compre-
Complications osseuses et cutanées nant des coupes orbitaires) et de l’encéphale en coupes
Les complications osseuses et cutanées restent très rares : millimétriques axiales et coronales avec et sans injection
• ostéomyélite frontale ; doit être réalisé de façon à mettre en évidence un abcès qui
• possibilité d’extériorisation antérieure, à la peau avec doit alors être drainé chirurgicalement [11].
fistulisation. Elle concerne la sinusite frontale. Ces examens peuvent être complétés par une imagerie
par résonance magnétique (IRM) pour préciser notamment
Syndrome septique et complications générales
une infiltration des muscles oculomoteurs ou effectuer un
On peut rencontrer, à un stade avancé, une bactériémie et
diagnostic différentiel avec une tumeur intrasinusienne.
un choc septique pouvant conduire au décès.
En cas de suspicion de sinusite bloquée, une radiographie
des sinus en incidence de Blondeau peut être suffisante.
Examen clinique des sinusites
Examens biologiques
L’examen est bien sûr complet afin d’éliminer une autre Un bilan biologique comportant au minimum une
cause infectieuse, en particulier, on procède à un examen numération-formule sanguine, une C reactive protein
clinique oto-rhino-laryngologique (ORL) avec otoscopie afin (CRP) et deux hémocultures est demandé.
d’éliminer une otite moyenne aiguë. Des prélèvements bactériologiques sont aussi réalisés si
L’examen clinique au spéculum nasal ne permet pas de un drainage chirurgical a lieu.
faire le diagnostic, mais retrouve l’écoulement purulent et
une muqueuse nasale congestive.
La nasofibroscopie peut retrouver un écoulement puru- Diagnostic différentiel
lent au niveau de l’ostium de drainage des différents sinus.
Devant une ethmoïdite
Devant toute sinusite, l’examen clinique doit s’efforcer
de vérifier l’isocorie, la mobilité de l’oeil dans les quatre Le diagnostic se pose avec :
72 M.-S. Le Gac

Tableau 3 Traitements per os des sinusites de l’enfant.


Nom de la molécule Dosage Durée Nom commercial Famille d’antibiotique
®
Amoxicilline-acide clavulanique 80 MKJ, en 3×/j 10 j Augmentin Pénicilline
Cefpodoxime proxétil 8 MKJ en 2× 7—10 j Orelox® C3G
Céfuroxime axétil 250 mg × 2/j 5j Zinnat® C2G
Pristinamycine 50 MKJ en 2×/j à partir de 6 ans 7—10 j Pyostacine® Synergistine
MKJ : mg/kg/j.

• des anomalies ophtalmologiques : conjonctivite ou des bactéries vis-à-vis des antibiotiques [14,15]. En cas
dacryocystite marquées par la présence de pus d’allergie aux pénicillines et aux céphalosporines :
conjonctival ; • chez l’enfant de moins de 6 ans, un macrolide peut être
• un problème dermatologique : staphylococcie maligne de utilisé, mais son efficacité peut être limitée par la résis-
la face, piqûre d’insecte ou érysipèle. tance des bactéries en cause ;
• chez l’enfant de plus de 6 ans, la pristinamycine peut être
proposée.
Devant une sinusite unilatérale
Il faut savoir évoquer les causes d’obstruction nasale unila-
térale de l’enfant.
Traitement de l’ethmoïdite de l’enfant [16]
Dans les étiologies bénignes, on évoque : Forme oedémateuse ou préseptale
• chez le petit enfant, une anomalie embryologique : kyste Il n’existe pas de consensus au stade I de Chandler entre
dermoïde, gliome nasal, méningoencéphalocèle et, plus un traitement per os avec surveillance clinique rapprochée
rarement, tératome ; (enfant revu à 24 heures) et un traitement intraveineux en
• chez l’enfant plus âgé : un mucocèle, un polype antro- ou milieu hospitalier.
sphénochoanal (Kilian), un fibrome nasopharyngien. En revanche, dans les autres stades ou en cas de doute
sur l’observance du traitement, l’hospitalisation et le trai-
Dans les causes malignes, on évoque les principales : le tement intraveineux sont systématiques.
rhabdomyosarcome, le lymphome malin non hodgkinien type Le traitement antibiotique est administré par voie intra-
lymphome de Burkitt et les carcinomes indifférenciés du veineuse et se compose d’une céphalosporine injectable de
cavum. troisième génération en association avec un aminoside et,
selon les auteurs (Tableau 4), du métronidazole. La désin-
fection nasosinusienne et le traitement antipyrétique sont
Traitement
bien sûr associés. Le relais per os aura lieu au bout de 5 à
Traitement des sinusites aiguës simples 7 jours.

Le traitement est médical et vise à soulager les symptômes Forme suppurée


en diminuant l’inflammation par restauration de la ventila- L’hospitalisation est systématique. Le même traitement
tion des sinus. Il comporte : médicamenteux est mis en place et un drainage chirurgical
• des lavages de nez au sérum physiologique [12] et, dès que de l’abcès est effectué. Une surveillance ORL et oph-
l’enfant sait le faire, on insiste sur un mouchage efficace ; talmologique est effectuée pluriquotidiennement au cours
• des corticoïdes oraux (type prednisolone 1 mg/kg/j) en de l’hospitalisation [16]. On surveille notamment l’acuité
cure courte (< 8 jours) : ils ne sont indiqués que dans les visuelle, l’isocorie et la mobilité de l’oeil dans les quatre
formes hyperalgiques ; directions.
• des antalgiques de classe I ou II.
Traitement des sinusites compliquées
L’antibiothérapie n’est pas indiquée d’emblée lorsque
les symptômes rhinologiques restent diffus, bilatéraux, Le traitement antibiotique est instauré et un drainage chi-
d’intensité modérée, dominés par une congestion avec rhi- rurgical en urgence est réalisé.
norrhée séreuse ou puriforme banale, survenant dans un Dans le cas d’une sinusite maxillaire bloquée, la mise en
contexte épidémique [13]. place d’un drain d’Albertini peut être proposée. En cas de
Dans ce cas, une réévaluation à 3 jours est nécessaire en d’origine dentaire ou de balle fongique, une méatotomie
cas de persistance anormale ou d’aggravation de la sympto- moyenne est réalisée.
matologie sous traitement symptomatique. Des soins dentaires sont associés si une origine dentaire
En cas de suspicion de surinfection bactérienne ou de est suspectée.
terrain à risque tel que les enfants atteints d’asthme ou L’ouverture du canal nasofrontal ou la pose d’un clou
porteurs de cardiopathie ou de drépanocytose, des anti- de Lemoine est réalisée dans le cas d’une sinusite frontale
biotiques oraux ciblant les principaux germes sont mis en résistante au traitement médical. De même, l’ouverture de
place. l’ostium sphénoïdal est réalisée en cas de sphénoïdite avec
Le Tableau 3 résume les principaux antibiotiques utili- présence de complications ophtalmologiques, notamment
sables per os en tenant compte des nombreuses résistances par une atteinte des muscles oculomoteurs.
Sinusites de l’enfant 73

Tableau 4 Traitements intraveineux des sinusites graves de l’enfant.


Nom de la molécule Dosage Durée Nom commercial Famille d’antibiotique
®
Ceftriaxone 50 MKJ en 1 fois 5 à 7 jours Rocéphine C3G
Céfotaxime 50 MKJ en 3 fois 5 à 7 jours Claforan® C3G
Métronidazole 30 MKJ en 3 fois 5 à 7 jours Flagyl® Nitro-imidazolés
C3G : céphalosporine de troisième génération.

Sinusites chroniques Sinusite chronique polypoïde


Les sinusites chroniques sont assez fréquentes et sont en Il s’agit de sinusite comportant, à l’examen clinique, des
rapport avec une rhinosinusite aiguë banale non traitée ou polypes.
en lien avec des facteurs de risque négligés. La présence ou La première étiologie à rechercher est la mucoviscidose
non de polypes est un facteur déterminant. Un bilan aller- ou une forme équivalente.
gologique et pulmonaire est systématiquement réalisé ainsi
qu’une analyse bactériologique des prélèvements endona- Polypose non éosinophile
saux [17]. Mucoviscidose
Le traitement est étiologique et symptomatique, La recherche des mutations du gène CFTR est systématique-
comportant en général des corticoïdes par voie nasale (auto- ment proposée devant une polypose chez l’enfant. Depuis
risés à partir de 3 ans pour certaines spécialités). 2002, en France, un dépistage systématique néonatal de la
mucoviscidose est réalisé, la découverte d’une mucovisci-
Rhinosinusite chronique non polypoïde dose sur des polypes nasaux est donc exceptionnelle [23].

Il s’agit d’une rhinorrhée durant plus de 3 mois sans fièvre. Dyskinésie ciliaire primitive
La cause principale est l’allergie. Il faut éliminer les fac- C’est un syndrome autosomique récessif ou dominant
teurs prédisposants, notamment anatomiques et les facteurs qui touche 1/20 000 habitants. Elle s’accompagne d’otite
environnementaux altérant le drainage mucociliaire. séreuse et de bronchites à répétition et d’une inferti-
lité ou d’une hypofertilité à l’âge adulte. Un brossage
et une biopsie peuvent être réalisés dans un centre
Présence de bactérie résistante au traitement de compétence pour mettre en évidence cette patho-
préalable logie. On retrouve fréquemment une agénésie des sinus
La cause la plus évidente est l’inefficacité ou l’insuffisance frontaux.
des traitements entrepris. Une étude américaine a mis en Dans la moitié des cas, elle s’accompagne d’un situs
évidence la présence d’un sérotype particulier de pneu- inversus appelé syndrome de Kartagener.
mocoque (19A) particulièrement résistant et qui ne fait
Syndrome de Young
pas partie des sérotypes de pneumocoque inclus dans
Le syndrome de Young se traduit par des infections respira-
la vaccination. Ce sérotype est fréquemment impliqué
toires répétées, une anomalie du pancréas, une stérilité ou
dans les sinusites récidivantes ou chroniques de l’enfant
hypofertilité et des anomalies génitales.
[18].

Polypose à éosinophile : maladie de Churg et


Allergie
Strauss
Un bilan allergologique est réalisé ainsi que des tests san-
Il s’agit d’une vascularite touchant les vaisseaux de petit ou
guins, mais le lien entre allergie et rhinosinusite chronique
moyen calibre. L’incidence est de 0,9 à 2,4 cas pour un mil-
reste controversé [19,20].
lion d’habitants. Un syndrome inflammatoire, un asthme,
une hyperéosinophilie sanguine et la présence d’anticorps
Déficit immunitaire congénital ou acquis (diabète, antimycoplasme des antinucléaires (pANCA) sont très évo-
virus de l’immunodéficience humaine) cateurs.
La recherche peut être orientée par une consultation
en médecine interne et une immunoélectropho-
rèse des protéines sanguines peut être demandée Conclusion
[21,22].
La rhinosinusite aiguë est donc le plus souvent sans gra-
vité et son traitement en est simple. Il faut toutefois savoir
Maladies auto-immunes (Wegener, sarcoïdose)
se méfier et reconnaître les formes compliquées dont le
La recherche est orientée par un examen clinique général traitement est hospitalier et nécessite parfois un drainage
et tient compte des antécédents familiaux. chirurgical. Les formes chroniques de l’enfant sont une
74 M.-S. Le Gac

entité à part dont le traitement est surtout en lien avec


l’étiologie.

POINTS ESSENTIELS
• La seule sinusite de l’enfant de moins de 5 ans est
l’ethmoïdite.
• La majorité des rhinosinusites de l’enfant est virale.
• La rhinosinusite aiguë banale de l’enfant ne
nécessite pas d’examen complémentaire.
• Le traitement de la rhinosinusite aiguë banale est
d’abord symptomatique avant d’être antibiotique.
• Toute suspicion de sinusite compliquée peut être
explorée par un scanner. Fig. 4. Scanner du massif facial en coupe axiale mettant en
• L’ethmoïdite doit faire rechercher une complication évidence une ethmoïdite droite suppurée au stade III de Chand-
orbitaire. ler. 1. Abcès sous-périosté ; 2. opacité sinusienne en rapport avec
• Une sinusite aiguë compliquée doit être traitée par l’éthmoïdite aiguë.
antibiotique et surveillée en hospitalisation.
• Une sinusite bloquée peut nécessiter un drainage
chirurgical.
• Une sinusite chronique non polypoïde doit faire
rechercher une allergie ou un déficit immunitaire.
• Une sinusite chronique polypoïde doit faire évoquer :
une mucoviscidose, un syndrome de Churg et Strauss,
une dyskinésie ciliaire, un syndrome de Young.

Pour en savoir plus, vous pouvez consulter les figures 2—6.

Fig. 5. Scanner du massif facial en coupe axiale mettant en évi-


dence une sphénoïdite droite.

Fig. 2. Ethmoïdite débutante (stade oedémateux possible).

Fig. 6. Radiographie en incidence de Blondeau mettant en évi-


dence une sinusite maxillaire gauche.
Fig. 3. Ethmoïdite au stade des complications ophtalmologiques.
Sinusites de l’enfant 75

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