Vous êtes sur la page 1sur 16

SUPPURATIONS INTRACRÂNIENNES (SIC)

Ekouele Mbaki HB

INTRODUCTION

Les suppurations intracrâniennes sont une urgence médico-chirurgicale. Ils constituaient une

pathologie rare, qui a vu sa fréquence augmenter à cause de l’avènement de l’infection à VIH-

SIDA. La prise en charge des SIC a été améliorée par l’imagerie et l’antibiothérapie.

OBJECTIFS

1. Définir SIC.

2. Énoncer les mécanismes de survenue de SIC.

3. Décrire les caractéristiques de la triade de Bergman.

4. Énumérer 3 signes de la SIC à la TDM.

5. Opposer en trois points suppuration intracrânienne et SIC.

6. Énoncer les principes du traitement des SIC.

PLAN :

I. GÉNÉRALITÉS

II. PATHOGÉNIE

III. SIGNES

IV. DIAGNOSTIC

V. TRAITEMENT
I. GÉNÉRALITÉS

1. Définition

La SIC est une collection de pus à l’intérieur soit du parenchyme cérébral, on parle alors

d’abcès, soit au niveau des espaces méningés extra ou subdural, on parle alors d’empyème.

2. Intérêt

- Épidémiologiques : les SIC sont fréquentes dans les pays en développement, surtout

avec l’avènement de l’infection à VIH.

- Diagnostique : par l’apport de la TDM, l’IRM et les moyens d’identification du germe

causal.

- Thérapeutique :

o Il s’agit d’une urgence médico-chirurgicale.

o La prise en charge est multidisciplinaire.

- Pronostique : les SIC sont source de mortalité et de séquelles.

3. Rappels

Le crâne est constitué d’une base inclinée en étages antérieur, moyen et postérieur et d’une

voûte. Chez l’enfant, les os du crâne ne sont pas soudés, ce qui rend le crâne est extensible.

Chez l’adulte, les os du crâne sont soudés.

L’encéphale comprend le télencéphale (hémisphères cérébraux), le diencéphale (organes

intermédiaires unissant les hémisphères), le tronc cérébral et le cervelet. L’ensemble est

creusé par les ventricules latéraux, le 3e ventricule, l’aqueduc du mésencéphale et de 4e

ventricule, dans lesquels circule le liquide cérébro-spinal (LCS) avant de s’extérioriser dans

les espaces subarachnoïdiens.

2
Télencéphale

Ventricule latéral

Diencéphale et 3e ventricule

Aqueduc du mésencéphale

Tronc encéphalique

4e ventricule

Cervelet

Figure 1. Coupe sagittale de l’encéphale à l’IRM.

L’espace intracrânien est réparti en 2 zones : sus et sous-tentorielle (séparées par la ligne

rouge). La région sous-tentorielle correspond à la fosse cérébrale postérieure ; c’est une zone

totalement inextensible.

3
Figure 2. Coupe sagittale crânio-encéphalique en séquence T1 à l’IRM

Les méninges constituent les enveloppes du crâne. On distingue de dehors en dedans : la dure-

mère, l’arachnoïde et la pie-mère. L’espace entre la dure-mère et l’arachnoïde est l’espace sub

ou sous-dural. L’espace compris entre la dure-mère et le crâne est virtuel, c’est l’espace épi

ou extra-dural.

La vascularisation veineuse de l’encéphale est faite par les sinus veineux, qui drainent en

même temps le sang provenant des orbites et de l’œil, des sinus de la face et autres éléments

anatomiques de la sphère oto-rhino-laryngologique et maxillo-faciale.

La vascularisation artérielle provient des carotides internes et des artères vertébrales, qui se

distribuent dans la profondeur du parenchyme cérébral en réseau termino-terminal.

4
Figure 3. Vue coronale du crâne, des méninges et de l’encéphale.

4. Épidémiologie

- Fréquence :

o Abcès

§ Monde : 2-8% des lésions intracrânienne.

§ Burkina Faso : 112 cas en 12 ans, en milieu neurochirurgical.

o Empyèmes

§ Près de 54% des SIC sont des empyèmes.

- Age : les SIC affectent tous les âges.

- Sexe : Prédominance masculine rapportée par de nombreux auteurs.

5
- Germe en cause :

o Bactéries :

§ Streptocoques.

§ Staphylocoques.

§ E. Coli, Proteus, les anaérobies.

o Mycoses :

§ Cryptocoques.

§ Candida.

o Parasites :

§ Toxoplasmose.

- Facteurs :

o Immuno-depréssion :

§ Infection à VIH.

§ Diabète.

§ Insuffisance rénale.

o Toxicomanie.

o Chirurgie.

o Traumatismes crâniens.

6
II. PATHOGÉNIE

1. Mécanismes

- Mécanisme local :

Par inoculation directe du germe au sein de l’espace intra-crânien :

o Traumatisme crânien.

o Chirurgie intracrânienne : infection nosocomiale.

- Mécanisme loco-régional :

Le germe est véhiculé par voie veineuses vers les sinus du crâne, et il va s’y développer une

thrombophlébite locale.

o Porte d’entrée oto-rhino-laryngologique : sinusite, oto-mastoïdite.

o Porte d’entrée ophtalmologique : cellulite orbitaire.

o Porte d’entrée bucco-dentaire : carie.

- Mécanisme général :

C’est un mécanisme hématogène, le germe est véhiculé dans le contexte d’une bactériémie,

avec rupture de la barrière hémato-encéphalique et diffusion du germe en profondeur :

o Endocardite.

o Cardiopathie congénitale cyanogène.

o Infection pulmonaire.

2. Conséquences

Le développement du germe dans l’espace intracrânien entraîne une réaction inflammatoire

au niveau des méninges (dans le cas de l’empyème) ou dans le parenchyme cérébrale (en cas

d’abcès). Dans le cas de l’abcès, il y a d’abord une encéphalite diffuse, puis une encéphalite

7
pré-suppurative avec tendance à une focalisation du foyer, puis viennent les stades d’abcès

sans puis avec paroi faite de cellules de défense, dans le but de circonscrire l’abcès.

Le développement du processus infectieux va occuper l’espace intracrânien, d’où

l’augmentation de la pression intracrânienne.

En fonction du site de développement de la SIC, il y a des signes de focalisation

neurologique : déficit moteur/sensitif, crises épileptiques, etc.

La réaction inflammatoire systémique va entraîner un syndrome infectieux.

III. SIGNES

1. Type de description : Abcès frontal unilatéral, à porte d’entrée ORL et à germe

pyogène, chez l’adulte entre 18 et 60 ans.

1.1. Circonstances de diagnostic :

Les symptômes s’installent et évoluent de manière rapidement progressive, en moins d’un

mois le plus souvent :

- Céphalées : elles sont frontales, de la deuxième moitié de la nuit, ou matinales.

- Vomissements : faciles, en jet, sans effort, soulageant peu ou pas les céphalées.

- Flou visuel ou vision double horizontale.

ð Ces symptômes sont en rapport avec l’hypertension intracrânienne (HTIC).

- Troubles du comportement : agressivité, ou humeur joviale inexpliquées.

- Lourdeur d’un hémicorps.

- Crises épileptiques partielles, de l’hémicorps ou généralisées.

- Coma.

8
1.2. Signes généraux :

- Fièvre.

- Amaigrissement.

1.3. Signes physiques :

- Examen neurologique :

o État de conscience à travers le score de Glasgow.

o Examen des fonctions mentales :

§ Patient indifférent.

§ Humeur perturbée.

ð C’est le syndrome frontal.

o Paires crâniennes :

§ Recherche d’une baisse de l’acuité visuelle uni ou bilatérale.

§ Fond d’œil recherche un œdème papillaire.

§ On recherche une diplopie horizontale et une atteinte du VI.

ð Ces signes sont en rapport avec l’hypertension intracrânienne.

o Motricité :

A la recherche :

§ D’une hémiplégie.

§ Une hypertonie du côté du déficit.

§ Des réflexes ostéo-tendineux vifs du côté de l’hémiplégie, des cutanés

abdominaux abolis.

§ Les signes de Babinski et Hoffman.

ð C’est le syndrome pyramidal.

9
§ Un grasping reflex.

§ Un sucking reflex.

§ Un réflexe palmo-mentonnier.

ð En rapport avec l’atteinte frontale.

o Sensibilité.

o Coordination et marche lorsque le degré du déficit permet de les apprécier.

- Examen ORL complet, à la recherche d’un point sinusien douloureux.

- Examen bucco-dentaire.

- Examen cardiovasculaire, respiratoire, digestif, urinaire, ganglionnaire, cutané, etc.

L’association des signes d’hypertension intracrânienne, des signes de focalisation

neurologique et du syndrome infectieux réalise la triade de Bergman qui est évocatrice de

SIC.

1.4. Signes paracliniques :

- Bilan de certitude :

C’est l’isolation du germe, à la bactériologie, soit par hémoculture, ou prélèvement direct du

pus.

- Bilan d’orientation :

o Radiographie du crâne : incidence de Blondeau, à la recherche d’opacité dans

l’aire du sinus.

o Blondeau-scan.

10
o TDM cérébrale :

§ Image hypodense arrondie, à limites régulières.

§ Entourée d’une couche fine et régulière de prise de contraste (sous une

forme hyperdense).

§ Le tout est entouré d’une hypodensité irrégulière, en rapport avec

l’œdème.

ð C’est l’aspect en cocarde.

La TDM permet d’apprécier le volume de l’abcès et l’effet de masse sur le parenchyme

cérébral.

o IRM cérébrale :

C’est l’examen de choix, qui donne un aspect hypo-intense en T1 et hyper intense en T2, une

prise de contraste et l’œdème, un hypersignal en séquence de diffusion. L’Angio-RM

recherche une thrombophlébite associée.

o NFS : hyperleucocytose à polynucléaires.

o C réactive protéine élevée.

- Bilan de retentissement :

o Fonction rénale.

o NFS, ionogramme.

o Bilan pré-opératoire.

11
1.5. Évolution :

- Favorable, en cas de prise en charge précoce et adaptée.

- Complications :

o État de mal épileptique.

o Anisocorie en rapport avec l’engagement temporal.

o Coma.

o Décès.

2. Formes cliniques :

2.1. Les autres abcès :

- Pariétale : troubles sensitifs.

- Temporale : épilepsie.

- Occipital : troubles visuels.

- Cervelet : syndrome cérébelleux et signes d’hydrocéphalie.

- Tronc cérébral : forme grave, avec atteinte des nerfs crâniens.

- Abcès parenchymateux profond : souvent de petite taille.

- Abcès superficiel : plus souvent à l’origine des crises épileptiques.

- Abcès multiple.

2.2. Les empyèmes :

- Porte d’entrée locale ou loco-régionale.

- Plus fréquents que les abcès, surtout chez l’enfant.

- Germes pyogènes le plus souvent.

12
2.3. Selon le germe causal :

- Bactéries :

o Germes banaux : symptomatologie rapide et bruyante.

o Germes spécifiques : Bacille de Koch.

- Mycoses et parasites :

o Le plus souvent dans le cadre de l’immunodépression.

o Candidoses.

2.4. Selon la porte d’entrée : Voire pathogénie.

2.5. Selon l’âge :

- Nouveau-né et nourrisson à fontanelle ouverte :

o Macrocranie.

o Hydrocéphalie associée.

o Il peut s’agir d’une SIC post-méningite.

- Grand enfant : symptomatologie identique à l’adulte.

- Sujet âgé : décompensation des tares.

13
IV. DIAGNOSTIC

1. Positif :

Il est :

- Suspecté devant la triade de Bergman.

- Évoqué devant les aspects à la TDM et l’IRM.

- Confirmé devant : l’isolement du germe ou l’anatomie pathologique (dans le cadre de

la tuberculose).

2. Différentiel :

- Encéphalite ou méningo-encéphalite.

- Tumeur cérébrale :

o Évolution beaucoup plus lente.

o Absence de syndrome infectieux.

o TDM ou IRM : prise de contraste épaisse, hyposignal en diffusion.

3. Étiologique :

C’est la recherche des facteurs vus dans le sous-chapitre épidémiologie.

V. TRAITEMENT

1. But

- Stériliser le foyer infectieux.

- Prévenir les complications

- Traiter les complications.

14
2. Moyens

2.1. Curatifs

- Antalgiques.

- Anti-œdémateux : Corticoïdes.

- Antibiotiques : adaptés au germe, en type et en durée. Pour les germes banaux, le plus

souvent par voie IV pendant 4 à 6 semaines.

- Anti-fongiques, anti-parasitaires.

- Chirurgie :

o Trépano-ponction : trou de trépan en regard de l’abcès puis aspiration.

o Dérivation externe du LCS.

2.2. Préventifs

- Prise en charge des infections ORL et bucco-dentaires.

- Prise en charge des causes d’immunodépression.

- Vaccinations.

3. Indications

Les déterminants sont :

- L’âge.

- L’état général.

- Le type de germe supposé.

- Le volume et le siège de l’abcès.

15
CONCLUSION

Les SIC sont fréquentes, de mécanismes divers.

La triade de Bergman permet d’en évoquer le diagnostic.

La TDM et l’IRM constituent des examens de choix.

La prise en charge est multidisciplinaire et repose sur l’identification du germe.

Références :

1. Leys, D. (2001) Abcès cérébraux et empyèmes intracrâniens. In: Neurologie,


EncyclMédChir, Elsvier, Amsterdam, 7 p.

2. Loembe, P.M., Okome-Kouakou, M. and Alliez, B. (1997) Les suppurations collectées


intracrâniennes en milieu africain. Médecine Tropicale, 5, 186-194.

16

Vous aimerez peut-être aussi