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Table ronde

Orthopédie néonatale

Infections ostéo-articulaires
en période néonatale
P. Souchet
Hôpital Robert Debré, AP-HP, 48 Bd Sérurier, 75019 Paris, France

L
es infections ostéo-articulaires (IOA) en période néonatale d’un membre, une douleur à la mobilisation retrouvée lors des
ont une incidence estimée à 1 à 3/1000 admissions. Elles manœuvres de nursing, un œdème des parties molles. Le tableau
exposent à des séquelles fonctionnelles. En période néona- septique est dans ce cas souvent minime ou absent. La survenue
tale, la localisation la plus fréquente est la hanche. Le caractère d’une douleur sur un membre doit faire suspecter en premier
intra-articulaire de la physe fait de cette infection une ostéo- lieu une infection ;
arthrite. Les séquelles [1] tant au niveau articulaire qu’au niveau • la forme « sévère » se caractérise par un tableau infectieux
du cartilage de croissance, en période néonatale sont fréquentes. au premier plan. L’infection osseuse peut être multifocale avec
L’IOA néonatale est une urgence thérapeutique médicale et des abcès multiples des parties molles et parfois une atteinte
chirurgicale. viscérale. Un syndrome infectieux doit faire rechercher la porte
d’entrée en particulier au niveau des cathéters, et les localisa-
tions secondaires, dont l’appareil locomoteur.
1. Physiopathologie
En période néonatale la présence d’artères trans-physaires, 3. Examens complémentaires
explique la diffusion facile des infections vers la cavité articulaire
et les régions sous-périostées [2]. Un bilan biologique usuel avec dosage de la CRP est bien entendu
L’infection touche essentiellement les os longs : fémur 39 % des réalisé.
cas, humérus 18 %, tibia 14 % et radius 5 % [3,4]. Le plus important est de demander le plus rapidement possible
L’origine des IOA en période néonatale peut-être une contamina- une échographie bilatérale et comparative de l’ensemble des
tion materno-fœtale ou iatrogène secondaire à la contamination membres et une radiographie [7]. L’échographie recherche un
d’une voie veineuse centrale ou périphérique [5]. épanchement articulaire, sous-périosté ou des parties molles [8].
Contrairement à la pathologie de l’enfant, le germe le plus Les signes radiographiques sont d’apparition plus tardive et sont
souvent retrouvé est le Staphylocoque (66 à 75 % des IOA néo- le signe d’une complication.
natales). Le streptocoque B est retrouvé dans 15 à 20 % des cas, le Dans le cadre d’une infection de la hanche, la radiographie de
colibacille et les autres entérobactéries 10 à 15 % [6]. bassin peut montrer une excentration de la métaphyse fémorale
A l’hôpital Robert Debré, parmi les IOA documentées par le visible malgré l’absence d’ossification de la tête fémorale. On
laboratoire (hémoculture, culture de ponction, ou PCR), depuis peut assister à une luxation acquise de la hanche sous l’effet de
2000, il n’a été retrouvé que 8 cas d’IOA en période néonatale la pression intra-articulaire.
(0 à 3 mois) : 6 garçons et 2 filles ; 4 Streptocoque B, 3 Escherichia Les signes radiographiques tardifs sont la présence de lacunes
coli, 1 Staphylococcus aureus. métaphysaires, d’appositions périostées et de lacunes épiphy-
Pour les cas nosocomiaux, nous avons au plus 1 cas par an. Il s’agit saires si la physe est déjà ossifiée comme au niveau du genou.
quasi exclusivement d’infection secondaire à une septicémie sur Les autres examens complémentaires utilisés habituellement
cathéter veineux central ou périphérique impliquant du Staphy- pour les infections ostéo-articulaires de l’enfant, scintigraphie et
locoque aureus. IRM, n’ont généralement pas de place en période néonatale.

2. Présentation clinique 4. Diagnostic différentiel


Deux tableaux peuvent être observés : Il y a très peu de diagnostics différentiels en présence d’une
• la forme la plus fréquente, ne concerne qu’un site. Le tableau impotence fonctionnelle en période néonatale. Une excentration
clinique est pauvre. On peut observer une pseudo-paralysie de hanche peut être en rapport avec une dysplasie congénitale
de hanche. Les autres étiologies suspectées sont : fractures obs-
tétricales, décollement épiphysaire proximal ou distal du fémur
ou de l’humérus, infarctus osseux secondaire à une drépanocy-
Correspondance. tose. La possibilité de tumeur primitive, hémopathies malignes
e-mail : philippe.souchet@rdb.aphp.fr

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Archives de Pédiatrie 2012;19:237-238
P. Souchet Archives de Pédiatrie 2012;19:243-238

ou métastases de neuroblastome est exceptionnelle à cet âge. du tibia avec éventuellement des déviations angulaires en varus
Rappelons que le seul diagnostic à évoquer ici est celui d’une ou valgus, importantes, évolutives et récidivantes quel que soit le
infection ostéo-articulaire. traitement chirurgical. Les allongements progressifs entraînent
de nombreuses complications et doivent être répétés.
La survenue simultanée d’une lésion articulaire de la tête
5. Traitement fémorale contre-indique la réalisation d’un allongement car en
augmentant la pression intra-articulaire on risque de provoquer
La suspicion d’un épanchement articulaire potentiellement une luxation de la hanche ou une aggravation de la destruction
septique doit faire réaliser immédiatement, sous anesthésie, articulaire.
une ponction. Au moindre doute sur la possibilité d’une ostéo-
arthrite il doit être réalisé un lavage articulaire complet et un
drainage. La capsule articulaire n’est pas refermée de façon à 8. Conclusion
limiter les risques de tamponnade responsable de nécrose de la
tête fémorale. La gravité des lésions secondaires aux infections ostéo-
Une immobilisation est réalisée en général par un pelvi- articulaires en période néonatale rappelle l’importante d’un
bi- pédieux, en plâtre ou Softcast de façon à éviter la survenue diagnostic très précoce dans les premières heures de la survenue
d’une luxation. de l’infection et d’un traitement en urgence quelle que soit
Ce n’est que quelques jours plus tard, après vérification de l’heure. La réalisation des examens complémentaires ne doit
l’absence d’épanchement articulaire que cette immobilisation pas retarder un traitement adapté. La seule prévention possible
pourra être remplacée par une culotte d’abduction. est la multiplication des protocoles de prévention des infections
nosocomiales.

6. Traitement antibiotique
Références
Compte tenu de la fréquence des infections à S. aureus, le choix [1] Violas P, Rabier V, Chapuis M, et al. Infections ostéo-articulaires
initial se fait vers les pénicillines M et surtout la vancomycine. de l’enfant. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Appareil locomo-
Ce dernier antibiotique a également une activité sur les autres teur, 2009;14-178-A-10.
gram+ tels que les streptocoques A, B et le pneumocoque [9]. [2] Ogden JA, Lister G. The pathology of neonatal osteomyelitis.
L’adjonction d’un aminoside ou du céfotaxime permet d’élargir Pediatrics 1975;55:474-8.
le spectre aux entérobactéries. La durée de l’antibiothérapie n’est [3] Morrissy RT. Bone and joint sepsis. In: Morrissy RT and Weinstein
pas codifiée même si beaucoup d’auteurs conseillent une durée SL (Eds.). Lovell and Winter’s Pediatric Orthopaedics, 5th Ed.
de 4 à 6 semaines dans le cas de ces infections néonatales. Philadelphia, Lippincott, Williams & Wilkins, 2001. p. 459-505.
La prévention est essentielle. Les précautions d’asepsie doivent [4] Goldmann DA, Durbin WA Jr, Freeman J. Nosocomial infections in
concerner non seulement les gestes invasifs en milieu hospi- a neonatal intensive care unit. J Infect Dis 1981;144:449-59.
talier, mais également les ponctions capillaires au talon et les [5] Kabak S, Halici M, Akcakus M, et al. Septic arthritis in patients
soins d’hygiène. L’ablation des cathéters est impérative dès la followed-up in neonatal intensive care unit. Pediatr Int
2002;44:652-7.
connaissance d’une bactériémie [10].
[6] Asmar BI. Osteomyelitis in the neonate. Infect Dis Clin North Am
1992;6:117-32.
[7] Azoulay R, Chalard F, Sebag G. Infections ostéo-articulaires. In:
7. Les séquelles Adamsbaum C: Imagerie pédiatrique et fœtale. Paris : Médecine-
Sciences Flammarion ; 2007. p.357-63.
Les séquelles d’ostéo-arthrite en période néonatale représentent [8] Robben SG. Ultrasonography of musculoskeletal infections in
des complications redoutables avec des conséquences fonction- children. Eur Radiol 2004;14 Suppl 4:L65-77.
nelles définitives. La plus grave est la nécrose de la tête fémorale. [9] Grimprel E, Lorrot M, Haas H, et al. Infections ostéoarticulaires :
Des formes minimes peuvent être suspectées a posteriori en propositions thérapeutiques du groupe de pathologie infectieuse
présence d’un trouble de croissance cervico-céphalique. pédiatrique de la SFP. Arch Pediatr 2008;15(Suppl 2):S74-S80.
La seconde séquelle est la survenue d’une épiphysiodèse. Les [10] Sarlangue J, Gottot S, Dageville C, et al. Spécificité de l’infection
conséquences sur la croissance sont proportionnelles aux nosocomiale en réanimation pédiatrique. In : Macrez A, Lucet JC,
années restant de croissance. Au niveau du genou, la perte est Dumay MF et al : Risques infectieux en réanimation : gestion et
de 70 % de la croissance du fémur ou de 50 % de la croissance prévention. Paris: Masson; 2002. p.195-205.

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