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LES ARTHRITES SEPTIQUES

Pr. Dieu-Donné OUEDRAOGO


Dr W. Joëlle Stéphanie TIENDREBEOGO
Dr Fulgence KABORE
Promotion Master 1 médecine 2019-2020

Objectifs
1. Définir les arthrites septiques
2. Décrire 5 signes de la monoarthrite fébrile du genou
3. Citer les 2 principaux germes banals
4. Enoncer les principes du traitement des arthrites septiques

INTRODUCTION

DEFINITION

Les arthrites septiques sont une infection articulaire due à la présence et à la prolifération
d’une bactérie pathogène au sein d’une articulation.

Il s’agit d’une urgence médicale.

INTERETS

Epidémiologique,

Les arthrites septiques sont fréquentes dans notre contexte représentant 36 % de la pathologie
rhumatologique infectieuse selon les études menées par Kouakou N’Zué et collaborateurs en
Côte-d’Ivoire et 25 % au Togo selon Mijiyawa et collaborateurs.

Elles semblent plus fréquentes chez les patients infectés par le Virus de l’Immunodéficience
Humaine (VIH).
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L’incidence annuelle des arthrites septiques est de 5 cas pour 100 000 en Europe.

Diagnostique : Il est avant tout clinique et conforté par l’isolement du germe en cause dans le
liquide articulaire qui ne doit en aucun cas retarder l’antibiothérapie.

Thérapeutique :; Le traitement doit être précoce et probabiliste associant de façon synergique


deux antibiotiques visant prioritairement le staphylocoque.

Pronostic :Il est fonctionnel dans les formes prises en charge tardivement pouvant entrainer
une incapacité totale. Dans certaines formes, le pronostic vital peut être engagé.

1. ETIOPATHOGENIE

Terrain

Elle touche tous les âges et intéresse les deux sexes.

Les arthrites septiques surviennent chez des patients ayant des facteurs qui favorisent leur
survenue ; ces facteurs sont:

- Généraux
o Diabète,
o Ethylisme chronique,
o Hémoglobinopathie SS ou SC
o Immunodépression d’origine pathologique (VIH) ou iatrogène, corticothérapie,
immunosuppresseurs, chimiothérapie.
- Locaux : toute lésion articulaire préexistante peut faire le lit d’une arthrite septique :
arthrose, arthrite rhumatoïde, prothèse articulaire, traumatisme articulaire.

Sur ce terrain, à partir d’une porte d’entrée dentaire, pulmonaire, digestive, urogénitale, ORL,
cardiaque ou une plaie cutanée, la bactérie pénètre dans l’organisme et va provoquer d’abord
une septicémie avec fièvre, frissons ; secondairement la bactérie va se localiser dans une
structure quelconque de l’organisme.

La bactérie peut parvenir à l’articulation par deux voies essentiellement : la voie hématogène
ou sanguine au décours d’une septicémie et l’inoculation directe à l’occasion d’une effraction
cutanée (plaie, fracture ouverte, geste chirurgical ou arthroscopie, injection intra-articulaire
thérapeutique surtout de corticoïdes) exceptionnellement par contigüité à partir d’un foyer
d’ostéomyélite

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TERRAIN (FACTEURS FAVORISANTS)

PORTE D’ENTREEBACTERIES Bactéries


(Cutanée, Dentaire, pulmonaire, digestive, urologique…)

ORGANISME (SEPTICEMIE (fièvre, frissons))

VOIE INOCULATION
HEMATOGENE DIRECTE

LOCALISATION ARTICULAIRE
(Arthrites septiques)

2. SIGNES

2.1 TYPE DE DESCRIPTION : monoarthrite aigue et fébrile du genou à germes banals du


sujet jeune immunocompétent :

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- circonstances du diagnostic

Il s’agit d’un adulte jeune reçu aux urgences le plus souvent pour un gros genou douloureux et
fébrile.

- Signes fonctionnels

L’interrogatoire précise les caractères de la douleur et les signes généraux accompagnateurs.

- Le début a été brutal, il ya quelques heures ou quelques jours, un peu plus tardivement
dans notre contexte de travail, réalisant un véritable coup de tonnerre dans un ciel
serein.
- La douleur de type inflammatoire est très intense entrainant une impotence
fonctionnelle relative (une impossibilité pour le patient de mouvoir le membre
inferieur concerné)
- Cette douleur siège au niveau du genou qui est chaud et augmenté de volume.
- Signes généraux :
- Le patient rapporte une fièvre, apparue souvent quelques jours avant l’atteinte
articulaire ; il s’agit d’une fièvre permanente chiffrée à 38-39°c voir 40°c
accompagnée de frissons, d’une tachycardie, d’une asthénie.
- Signes physiques

L’examen physique réalisé sur un patient dévêtu et déchaussé montre :

Inspection : une tuméfaction du genou accompagnée d’une modification cutanée en


regard (peau luisante) et souvent une plaie en regard.

Palpation faite avec beaucoup de douceur retrouve une chaleur locale augmentée et de
façon constante des signes d’épanchement intra-articulaire par la recherche du choc rotulien :
les mains de l’examinateur chassent vers la cavité le liquide articulaire présent dans les culs
de sac ; une pression de l’index enfonce la rotule qui vient frapper la trochlée et donne la
sensation d’un choc amorti.

Cet épanchement doit être immédiatement ponctionné. Le liquide articulaire doit être apprécié
sur le plan macroscopique (Liquide trouble ou franchement purulent) puis adressé sans délai
au laboratoire pour une étude cytologique et bactériologique.

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La ponction doit être faite avec une asepsie rigoureuse par voie externe, le genou en
extension en s’aidant souvent d’une subluxation de la rotule en externe.

La mobilisation du genou est extrêmement douloureuse.

Cet examen local doit être complété par un examen loco-régional à la recherche
d’adénopathies satellites à la racine du membre, et par un examen physique des autres
appareils et systèmes à la recherche d’un foyer infectieux à distance.

Les signes cliniques doivent être confirmés par des examens paracliniques à visée
d’orientation, de certitude et de bilan du terrain.

- Signes paracliniques
o Les examens sanguins ne fournissent que des éléments d’orientation. On
demandera un hémogramme, une VS et une CRP.
o Hémogramme : hyperleucocytose (supérieure à 10000/mm3) à polynucléaires
neutrophiles.
o VS :Accélération de la vitesse de sédimentation supérieure à 20 mm à la 1ère
heure (Normal<10)
o CRP : Augmentation de C Reactive Protein (CRP) à plus de 100mg/l
(Normal<6mg/l)
o La ponction du liquide articulaire (réalisée au cours de l’examen du genou) est
une absolue nécessité et doit précéder les autres examens biologiques.
Macroscopiquement, le liquide est trouble dans les formes vues au début voire
franchement purulent dans notre contexte où les patients sont vus souvent tard
en consultation ; ce liquide contient plus de 50 000 globules blancs à
prédominance polynucléaires neutrophiles à plus de 80 %. L’examen direct ou
sur des milieux de culture spécifiques permet souvent de mettre en évidence la
bactérie en cause notamment un staphylocoque dans 50% des cas environ.
o La sérologie VIH doit être demandée systématiquement dans notre contexte.
o D’autres examens sont utiles et vont permettre de mettre en évidence le germe:
 Hémocultures ; trois hémocultures systématiques et répétées lors de
chaque pic fébrile.
 Examen cytobactériologique des urines (ECBU)
 Prélèvement d’une porte d’entrée éventuelle (plaie, gorge, oreille,
vaginal...)

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- La radiographie comparative des genoux réalisée en incidence de face et de profil est
normale au début ; au plus montre-t-elle un épaississement des parties molles ou
souvent un pincement global de l’interligne articulaire.
- D’autres examens d’imagerie peuvent être réalisés ; ce sont :
o La scintigraphie au technétium 99 ;
o L’échographie articulaire à la recherche d’un épanchement de petite
abondance ;
o L’Imagerie par Résonance Magnétique (IRM) montre une synovite non
spécifique et des érosions articulaires.
- La biopsie ostéo-articulaire n’est utile que lorsque les cultures des différents liquides
biologiques ont été négatives.

Evolution

Les éléments de surveillance sont :

 Cliniques : fièvre, douleurs, état général, examen local (de façon quotidienne).
 Paracliniques : hémogramme, VS, CRP (hebdomadaire), radiographie (mensuel).
- L’évolution ne se conçoit que sous traitement.
- Traitées précocement, les arthrites septiques guérissent sans séquelle fonctionnelle.
- Traitées tardivement, la guérison est lente au prix d’une ankylose du genou avec une
incapacité totale en raison d’une destruction ostéo-articulaire importante
- Non traitées, le syndrome septicémique va s’étendre à des organes vitaux et entrainer
le décès du malade dans un tableau de choc septique.

2.2 FORMES CLINIQUES

- Formes topographiques

Formes monoarticulaires
, D’autres articulations peuvent être atteintes avec par ordre de fréquence :

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La cheville,
L’épaule,
La hanche de diagnostic souvent difficile, intérêt de l’échographie,
L’articulation sacro-iliaque.
Formes oligoarticulaires
2 à 3 articulations peuvent d’emblée être atteintes.
Formes polyarticulaires, elles sont rares,
Observées le plus souvent chez les patients ayant une immunodépression (VIH,
diabète, éthylisme chronique…).
Aussi, toute polyarthrite chez un patient infecté par le VIH doit être considéré comme
septique jusqu’à preuve de contraire.

-Formes symptomatiques
Selon la durée : Evolution chronique dans les formes abâtardies par une
antibiothérapie inadaptée mais également dans les formes tuberculeuses.
Selon les signes généraux : les états non fébriles sont généralement observés dans les
formes tuberculeuses (fébricule).

-Formes étiologiques
La symptomatologie est fonction de la bactérie en cause.Au cours de la tuberculose, le
tableau est plus discret associant une fébricule vespérale, une hypersudation nocturne, une
asthénie et une anorexie réalisant le syndrome d’imprégnation tuberculeuse ; au niveau local,
les signes inflammatoires locaux sont modérés.
L’IDR positive (supérieure à 10 mm ou phlycténulaire) et la positivité du test au Quantiferon-
TB évoquent le diagnostic.
L’isolement du germe à l’examen direct ou à la culture du liquide articulaire (milieu de
Löwenstein Jensen), l’histologie de la biopsie synoviale (granulome giganto-épithélio-
cellulaire avec une nécrose caséeuse centrale) et la PCR du liquide de ponction ou du
fragment de biopsie, affirment le diagnostic.
-Formes selon le terrain
Enfant : Staphylocoques, streptocoques du groupe A, Streptococcus pneumoniae,
Haemophilus influenzae

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Sujet immunodéprimé au VIH (arthrite à staphylocoque doré, streptocoque ou à
gremes opportunistes),

Hémoglobinopathes : Fréquence élevée des salmonelles

Prothèse de hanche : Fréquence croissante, variant de 5 à 30%. Les germes les plus
fréquemment rencontrés sont les staphylocoques, les anaérobies et les bacilles Gram négatif.
La Contamination peut être directe par souillure peropératoire ou par voie hématogène. Le
diagnostic est souvent tardif (2 à 8 mois en moyenne).

3. DIAGNOSTIC

3.1 POSITIF

Le diagnostic positif est évoqué devant les signes fonctionnels, les signes physiques et
confirmé par les signes biologiques (bactériologiques) et histologiques.

Ce sont : Surtout s’il s’agit d’une monoarthrite,

Fièvre ou non,

Syndrome inflammatoire biologique,

Hyperleucocytose ou non,

Liquide articulaire inflammatoire.

D’où la règle qui dit qu’en présence d’une arthrite surtout si elle est monoarticulaire,
accompagnée de fièvre ou non, la possibilité d’une arthrite septique doit toujours être
évoquée et justifie la ponction immédiate de tout épanchement intra-articulaire aux fins
de recherche bactériologique.

La mise en évidence du germe pose le diagnostic positif de l’arthrite septique ; il est


difficilement fait dans notre contexte.

Le diagnostic positif fait, une recherche des facteurs de risque doit être réalisée :

o Diabète,
o Ethylisme chronique,

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o Hémoglobinopathie SS ou SC
o Immunodépression d’origine pathologique (VIH) ou iatrogène (corticothérapie,
immunosuppresseurs, chimiothérapie).
o Une néoplasie sous-jacente.

3.2 DIAGNOSTIC DIFFERENTIEL

Le diagnostic différentiel est toujours symptomatique ; c’est ainsi que devant :

 une monoarthrite septique, il faut éliminer

Une infection périarticulaire :

Un hygroma surinfecté

Une bursite

Une myosite

Une ostéite ou une ostéomyélite

Une affection articulaire

Goutte

Chondrocalcinose articulaire

Algoneurodystrophie

Arthrose destructrice rapide

 une oligoarthrite, il faut éliminer

Rhumatisme psoriasique

Arthrite réactionnelle

 une polyarthrite, il faut éliminer


Polyarthrite rhumatoïde
Lupus érythémateux systémique
Polyarthrites virales (VIH, hépatitique, rubéole,
parvovirus B19)
Parasitaires (giardia, tænia, filaire de médine)
Candidosiques (candida albicans)

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3.3 DIAGNOSTIC ETIOLOGIQUE
Il repose sur une véritable enquête étiologique tenant compte de :
 La porte d’entrée
 Un contage tuberculeux,
 Les signes cliniques (bruyants ou frustes)
 Les explorations biologiques et histologiques
 Les aspects radiographiques (destruction rapide ou lente)

Cette enquête va permettre de s’orienter vers deux grandes familles de germes :

- Les germes banals :


o Staphylococcus aureus (60%)
o Staphylococcus epidermidis
o Bacilles gram négatif (20%) :
 Colibacilles
 Pseudomonas aeruginosa
 Serratia
o Streptococcus pneumoniae (10%)
- Les germes spécifiques
o Mycobacterium tuberculosis
o Brucella melitensis
o Neisseria gonorrheae
o Borrelia burgdorferi
o Bacille de Hansen

4 TRAITEMENT

Rappelons le, il s’agit d’une urgence thérapeutique ; une bi-antibiothérapie probabiliste doit
être instituée dès que les prélèvements ont été réalisés sans attendre les résultats.

Elle sera ensuite adaptée au germe en cause.

4.1 BUTS
 Calmer la douleur,
 Eradiquer la bactérie,
 Prévenir et traiter les complications,

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 Préserver l’anatomie et la fonction articulaires.

4.2 MOYENS
 Education thérapeutique
 Moyens médicamenteux
o Antalgiques
o Antibiotiques
 Amoxicilline + Acide clavulanique à raison de 3 g par jour.
 Aminosides : gentamycine : 3mg/Kg/J en perfusion de 30 mn
 Penicilline M : oxacilline IV :100 mg/Kg/j en 3-4 injections
 Fluoroquinolones : ofloxacine PO : 400-600 mg en deux prises.
 Cephalosporines 3ème génération : ceftriaxone 2g /J en IVL.
 …..
 Antituberculeux
 Pyrazinamide 500mg : 15-30mg/Kg/J
 Ethambutol 100 et 400 mg: 15-25mg/Kg/J
 Rifampicine 150 et 300 mg: 10mg/Kg/J
 Isoniazide 100,300, sirop de 50: 5mg/Kg/J
 Streptomycine 1g et 4 g ampoules : 15mg/Kg en IM
 Moyens chirurgicaux
o Drainage
o Lavage articulaire par aiguille fine, par arthrotomie ou par voie endoscopique
(arthroscopie).

 Moyens physiques
o Immobilisation
o Rééducation (doit être précoce)

4.3 INDICATIONS
Deux situations se présentent en pratique :
- Le germe est identifié et il s’agit habituellement d’un staphylocoque :

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o Amoxicilline + Acide clavulanique (3 g/jour) en 3 administrations d’un
gramme +
o Gentamycine (04 mg / kg sur 30 minutes, par jour une fois par jour) voie
veineuse pendant 10 jours puis relayé par Amocxicilline + Acide clavulanique
+ Ofloxacine per os (en fonction de la normalisation de la VS et CRP)

Dans les cas de resistance à la méthyciline :utiliser vancomycine


(30mg/kg/jour en perfusion continue précédée d’une dose de charge de 1g
administré en 30mn) + gentamycine.

Durée totale du traitement : 6 à 8 semaines

Tableau 1 : Répartition des antibiotiques selon la diffusion osseuse

- Le germe n’est pas identifié, situation la plus fréquente dans notre contexte.
Le traitement sera probabiliste associant deux antibiotiques ayant une bonne diffusion
osseuse et articulaire, bactéricide et synergique et dirigé prioritairement contre le
staphylocoque : exemple : Oxacilline + aminoside.
- Dans tous les cas cette antibiothérapie doit être associée à une immobilisation par
plâtre ou en résine, l’articulation en position neutre.
- La rééducation doit être précoce.

En cas de tuberculose :
RHZE 2 mois
Puis RH 10 mois

4.4 SURVEILLANCE

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Il s’agira de surveiller la maladie et la tolérance médicamenteuse. Elle sera dans tous les cas
clinique et paraclinique.

- Arthrites septiques
o Clinique : température, douleur (EVA), signes locaux, mesure comparative du
diamètre articulaire et de la mobilité articulaire,
o Paraclinique : NFS VS CRP (hebdomadaire),

Radiographie de l’articulation (tous les 10-15 jours)

- Tolérance médicamenteuse
o Fonction de la molécule
o Clinique : prurit, ictère, douleurs musculaires ou tendineuses…
o Biologique : transaminases, urée, créatininémie).

4.5 RESULTATS-PRONOSTIC
Les critères de guérison sont les suivants :
Clinique : absence de douleur ; disparition des signes locaux
Biologique : Disparition à deux contrôles successifs du syndrome inflammatoire
biologique.
Le pronostic est fonction du délai de prise en charge.
Prise en charge tôt le pronostic fonctionnel est meilleur avec souvent une
récupération ad integrum de la fonction articulaire.
Prise en charge tard, la guérison reste toujours possible au prix de séquelles
articulaires importantes comme c’est le cas dans notre contexte.

CONCLUSION
Les arthrites septiques, répétons-le, sont une urgence médicale ; leur diagnostic
étiologique est rarement fait dans notre contexte.

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