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LE CHOLERA

INTRODUCTION
C’est une toxi-infection intestinale, d’origine bactérienne grave. Maladie diarrhéique, qui tue dans
1-5% des cas. Elle est cosmopolite et a été à l’origine de plusieurs pandémies meurtrières à travers
les siècles .
Intérêts :
- Epidémiologique : C’est une maladie du péril fécal liée aux mauvaises conditions d’hygiène,
considérée comme la rançon du sous développement. En 2021 le BF a enregistré deux cas
importés du Niger.
- Diagnostic : La forme typique ne pose aucun problème diagnostic, mais il existe de nombreuses
formes méconnues
- Thérapeutique : le traitement est basé sur la réhydratation massive ; tandis que la prophylaxie
repose sur la lutte contre le péril fécal.

EPIDEMIOLOGIE
Agent pathogène
- L’agent responsable du choléra est Vibrio cholerae (vibrion cholérique), c’est un bacille à Gram
négatif, en bâtonnets court, incurvé en virgule, très mobile grâce à un flagelle polaire, aéro-anaérobie
facultatif.
- Il possède un antigène flagellaire H, fixe pour l’espèce et un antigène somatique O, variable à partir
duquel est établie la classification en sérotypes.
Les agents du choléra à l’heure actuelle sont essentiellement du sous-groupe O1 et O139
toxigéniques, c’est à dire produisant la toxine cholérique. Les souches pandémiques appartiennent au
sérotype O1.
On distingue 3 sérotypes sur les différences quantitatives en facteurs A, B et C d’antigène
thermostable O. Ainsi l’association AB détermine le sérotype Ogawa, AC le sérotype Inaba et ABC
le sérotype Hikojima.
On distingue également 2 biotypes : EL TOR (ET3 en Asie et en Afrique, et ET4 en Amérique
latine) ; le biotype classique est encore rencontré en Inde et au Bengladesh.

Réservoir
-L’espèce vibrio a pour habitat principal l’écosystème aquatique où il peut coloniser certains
planctons, algues, fruits de mer et autres crustacés.
-Homme : malade, sujet convalescent, porteur asymptomatique, cadavre

Transmission
La transmission se fait :
-soit directe par contact inter-humain direct auprès des malades, des cadavres et aussi des cas
asymptomatiques,
-soit par indirecte par ingestion d’eau contaminée (boisson, baignade), soit par consommation
d’aliments contaminés à l’origine par l’eau ou les selles de patients (fruits de mer provenant d’eau
contaminée ou en cours de préparation, acheminement et vente d’aliments : attiékè, dêguê, salade,
fruits, viande crue ou mal cuite, légumes). Les selles des malades deviennent la source majeure de
propagation de l’infection : un seul malade peut produire en un jour plus de 10 litres de diarrhée
contenant au moins 100 millions de vibrions /ml, pouvant contaminer massivement l’entourage et
l’environnement.
Modalités épidémiologiques
-L’épidémie explosive (maximum de cas en quelques jours) s’observe en zone sèche ou désertique
entre les poussées épidémiques.
-L’épidémie traînante (maximum de cas sur plusieurs semaines) s’observe en zone humide, côtière,
lagunaire ou fluviale, en saison des pluies.
-L’endémie fait suite à une épidémie quand l’environnement aquatique et humain sont propices à la
persistance et la transmission de V. cholerae. Les individus les plus fragiles meurent et le reste de la
population est immunisée pour un temps. Les reémergences saisonnières sont possibles et concernent
essentiellement les personnes non immunisées.

Facteurs favorisants
- Facteurs démographiques : la surpopulation, la paupérisation, l’urbanisation incontrôlée, la
dégradation de l’hygiène, les regroupements rituels (pèlerinages, funérailles) favorisent la
transmission inter-humaine et environnementale.
- Facteurs climatiques intriqués, le réchauffement de la planète, la déforestation, la pollution
atmosphérique et des eaux, les sécheresses et les catastrophes naturelles (séismes, inondations) ou
provoquées (guerre) ont des conséquences physico-chimiques (salinité, pH alcalin, température) sur
le réservoir aquatique concourant aux résurgences du choléra. V. cholerae peut survivre plusieurs
semaines dans les mollusques et fruits de mer, 2 à 4 jours dans la nourriture.
- Facteurs physico-chimiques : La réfrigération, la congélation, une forte teneur en glucides,
l’humidité et l’absence d’autre flore compétitive favorisent sa survie dans les aliments, les facteurs
d’alcalinité gastrique, la dénutrition, le stress, l’épuisement favorisent la maladie et sa gravité.

PHYSIOPATHOLOGIE
Le vibrion doit, pour être pathogène :
1 – atteindre l’intestin grêle ; pour se faire, il doit franchir l’acidité gastrique dans 3 conditions :
٠ un inoculum important 1million /ml,
٠ l’hypochlorhydrie gastrique ou
٠ l’absorption avec de la nourriture
2 – coloniser et adhérer à la muqueuse grêlique.
3 – produire la toxine cholérique, thermolabile et non dialysable, formée d’une sous-unité A et de
5 sous-unités B.
Les sous-unités B se fixent à leur récepteur intestinal (le ganglioside GM1) permettant l’entrée de la
sous-unité A dans la cellule. Celle-ci va activer l’adényl-cyclase et entraîner une production accrue
d’adénosine mono-phosphate cyclique (AMPc), qui elle-même diminue l’absorption du sodium et du
chlore et augmente la sécrétion de chlore et bicarbonate. La sécrétion liquide isotonique au plasma,
lorsqu’elle est abondante déborde les possibilités, pourtant maintenues de réabsorption du grêle. Elle
déclenche ainsi une diarrhée plus ou moins forte, entraînant dans la forme grave déshydratation, choc
hypovolémique, acidose métabolique (expliquant les vomissements), pouvant entraîner la mort par
insuffisance circulatoire aiguë (état de choc).

DIAGNOSTIC
A - Diagnostic positif
Etude clinique

1 - TDD : Forme typique grave,


Dans la forme typique grave, l’incubation brève varie de quelques heures en période épidémique à 3
à 7 jours en phase endémique.
*Signes digestifs : le syndrome cholériforme

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Le début est brutal, sans prodromes, avec ou sans douleurs abdominales, apparaît après évacuation
fécale initiale, une diarrhée liquide (15-20 selles), franchement aqueuse, incolore, riziforme,
contenant des grumeaux), d’odeur fade, extrêmement abondante (jusqu’à 1 litre /heure) avec des
émissions incessantes, en jet puis quasi-continue, souillant le malade, sa literie et sa proximité,
réalisant une véritable inondation (débâcle diarrhéique).
*Signes généraux :
- Les vomissements ont les mêmes caractères : eau de riz, faciles, incoercibles.
- En quelques heures s’ajoutent une asthénie intense, une soif majeure, des crampes douloureuses
des extrémités, de l’abdomen et du thorax, une adynamie profonde et un état grabataire.

- L’examen montre une déshydratation sévère avec faciès émacié, globes oculaires enfoncés dans
des orbites cernées, pli cutané persistant, langue rôtie, pouls filant voire imprenable, pression
artérielle effondrée, oligurie puis anurie.
L’abdomen est souple, indolore. Le malade est hypothermique à 36°C. Le malade cholérique
ressemble en quelques heures à un ‘’déporté qui quitte un camp de famine.’’
- L’évolution sans traitement se fait vers la mort par choc hypovolémique et insuffisance rénale en
24-72 heures.
Sous traitement, la guérison est la règle ; mais des complications sont possibles à type
d’hypokaliémie, d’insuffisance rénale ou de décompensation de tares…

Tableau I : Evaluation clinique du degré de déshydratation


(L. Geffray et coll. In Antibiotiques, 2000 ; 2 : 259-70)
Degré de Légère Moyenne Sévère
déshydratation (<5% poids) (5-10% poids) (>10% du poids corporel)
-Pli cutané Rétraction Rétraction lente Rétraction très lente
-Globes oculaires Normaux Creusés Enfoncés
-Respiration Rapide Profonde Profonde et rapide
-Voix Normale Enrouée Inaudible
-Etat mental Normale Agitation Somnolence ou coma
-Pouls radial Normal Rapide et faible Très rapide, filant ou non perçu
-Tension artérielle Normale Diminuée Effondrée ou non perçue
-Diurèse Normale Oligurie Anurie
-Troubles neurologiques Absents Prostration Adynamie importante, Coma

2 - Formes mineures
- Les formes mineures fréquentes se résument à une diarrhée ou gastro-entérite banale, non fébrile,
d’évolution spontanément favorable en quelques jours en l’absence d’aggravation secondaire.
Selon LAPEYSONNIE : ‘’toute diarrhée sévère suivie de vomissements qui tue l’adulte en quelques
heures est presque toujours un choléra’’.
- Il existe aussi des formes dites « choléra sec » de transmission inter-humaine dans les zones
désertiques, où la déshydratation survient avant même que n’apparaisse la diarrhée ; le pronostic est
redoutable.

Etude biologique
L’examen bactériologique des selles (coproculture), nécessaire pour affirmer les premiers cas et
obtenir un antibiogramme, s’effectue par recueil direct de selles ou écouvillonnage rectal. Divers
milieux de transport peuvent être utilisés : milieu Cary-Blair (O.M.S), eau peptonée alcaline de pH
8,5-9, milieu de Stuart ou tout simplement un buvard ou papier filtre de la taille d’un timbre-poste
trempé dans les selles, puis humecté d’une goutte de sérum physiologique et hermétiquement enfermé

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dans un sachet en plastique qui peut être conservé 6 jours à la température ambiante, mais mieux
transporté en glacière.
Des méthodes modernes (test ELISA, anticorps monoclonaux…) permettant un diagnostic sensible
et spécifique de choléra en quelques heures apparaissent précieux dans certaines circonstances.
NB : Dans l’urgence, aucun examen complémentaire n’est nécessaire au diagnostic du
choléra+++.

B - Diagnostic différentiel.
En zone endémique ou épidémique, on risque de poser le diagnostic par excès, surtout en fin
d’épidémie méconnaissant d’autres diarrhées infectieuses, telles que :
* devant la forme typique, éliminer :
- colibacilloses entérotoxinogènes réalisant des tableaux cliniques similaires ; mais, l’apyrexie, une
déshydratation supérieure à 5% du poids, un pH fécal supérieur à 7, l’absence de glucose dans les
selles sont des arguments en faveur du choléra. Toutefois, la coproculture redresse le diagnostic.
- les diarrhées virales chez l’enfant (rotavirus)
- diarrhées à vibrions non agglutinables (pléiomonas, aéromonas, para-hémolyticus).
* devant les formes atypiques :
- les shigelloses (diarrhée aiguë fébrile ; diagnostic = coproculture),
- les salmonelloses (diarrhée fétide, évolution en septénaire, coproculture ++).
- les diarrhées au cours du SIDA (entérite candidosique, isosporose, cryptosporidiose) évoluant sur
un mode chronique avec des épisodes aigus

TRAITEMENT
A - Curatif
1- Buts
Ils sont triples :
- Restaurer la volémie
- Rétablir l’équilibre hydro-électrolytique,
- Lutter contre le germe et empêcher l’extension de la maladie.

2- Moyens
- « Le traitement de quelques cas de choléra est facile en milieu hospitalier équipé, mais celui de
plusieurs centaines de cas simultanés en situation de précarité est extrêmement difficile et nécessite
une organisation et une logistique rigoureuse sous peine de mortalité élevée dépassant le taux de 1%
considéré comme le témoin d’une stratégie efficace. »
- L’évaluation clinique initiale des patients permet de chiffrer rapidement leur degré de
déshydratation (légère, moyen, sévère), grâce aux paramètres simples que sont: le pli cutané, la voix,
l’état mental, les globes oculaires, la respiration, le pouls, la tension artérielle et la diurèse.
- Les examens appréciant le degré d’hémoconcentration (protidémie, hématocrite), d’acidose
métabolique, d’hypokaliémie, d’insuffisance rénale, d’hypoxémie, d’hypoglycémie ne sont pas
disponibles en situation de précarité et leur attente ne saurait retarder la mise en route immédiate de
la réhydratation.
*L’urgent est de débuter une réhydratation adaptée : elle comprend une phase de réhydratation
initiale de 2-4 heures (remplacement des pertes accumulées) et une phase de maintenance
(remplacement des pertes au fur et à mesure), jusqu’à régression de la diarrhée.

a) -Réhydratation initiale
Les patients sévèrement déshydratés doivent être perfusés. La voie veineuse doit être simple et
efficace. L’OMS recommande l’usage du Ringer lactate dont la composition est très proche de celle

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des pertes. A défaut on peut utiliser un mélange de 2 volumes de sérum physiologique et un volume
de Bicarbonate isotonique voire uniquement du sérum salé. Puis on relaye dès que possible avec une
réhydratation par voie orale. Le rythme des perfusions doit être rapide : 50 à 100 ml/kg/heure.
٠ Les enfants arrivant en état de choc doivent recevoir un bolus de 30 ml/kg, puis 40ml/kg dans les 2
premières heures. Le risque d’hypoglycémie doit être prévenu par adjonction de sérum glucosé.
٠ Chez l’adulte, la formule de 1٠٠٠ ml en 15 minutes, puis 1 litre en 45 min, 1litre en 1 heure et 1litre
en 2 heures est d’emploi simple. L’hyperhydratation doit être dépistée à temps sur l’apparition d’un
œdème palpébral et de râles pulmonaires surtout chez le vieillard et chez l’enfant.
L’efficacité de la réhydratation est jugée sur :
- la réapparition du pouls,
- la disparition du collapsus, de la stupeur, du pli cutané et des crampes et vomissements,
- et la reprise de la diurèse qui doit atteindre au moins 0,5 ml/kg/heure dès la 2ème heure de traitement.
%٠ Les patients peu ou modérément déshydratés doivent être réhydratés par voie orale. L’usage d’une
sonde naso-gastrique est une alternative très intéressante chez le petit enfant. Seuls les patients ne
tolérant pas la réhydratation orale sont perfusés. En pratique, les sachets de Sels de Réhydratation
Orale (S.R.O) de l’OMS ou de l’UNICEF, contenant 90 mmol de sodium, 20 mmol de potassium, 80
mmol de chlorure, 10 mmol de citrate et 111 mmol de glucose que l’on dilue à raison d’un sachet par
litre d’eau potable, sont d’une grande facilité d’emploi. La posologie est de 75 ml/kg pendant les 4
premières heures.

b) Phase de maintenance hydro-électrolytique


Elle est basée sur la réhydratation orale sauf pour les patients dont la diarrhée reste supérieure à 10
ml/kg/h, qui doivent être maintenus sous perfusion. La quantité à absorber peut être aisément
calculée : volume des selles + volume des vomissements + 2 litres/24 heures chez l’adulte et 100
ml/kg/24 h chez l’enfant. Ce traitement est poursuivi jusqu’à régression de la diarrhée en 16-48
heures. Des critères de sortie ont été proposés :
- tolérance orale  1000 ml/h ;
- diurèse > 40 ml/h et
- diarrhée < 400 ml/h voire arrêt total de la diarrhée et des vomissements.
. L’antibiothérapie n’est pas nécessaire à la guérison du malade mais elle peut réduire l’importance
et la durée de la diarrhée, du portage et donc le risque de contamination secondaire. Les Tétracyclines,
les Phénicolés, les Macrolides et plus particulièrement les Fluoroquinolones et les Céphalosporines
de 3ème génération sont actives sur les souches multirésistantes.

B - Prophylaxie
a) Education sanitaire (IEC)
L’hygiène de l’eau, de l’alimentation, des mains, des selles, et l’eau de Javel sont les meilleurs outils
de prévention du choléra. Ils doivent être enseignés aux populations menacées par des programmes
de santé publiques, mais aussi aux touristes et aux voyageurs.

b) Vaccination

À ce jour, il existe 3 vaccins anticholériques oraux (VCO) pré-qualifiés par l’OMS :

WC modifié (SHANCHOL®) est un vaccin bivalent constitué de cellules entières tuées de Vibrio
cholerae O1 (classique et El Tor) et O139.
Il est administré en 2 doses à toute personne de plus de 1 an, avec un intervalle d’au moins 14 jours
entre les 2 doses. Dans un essai clinique, il a montré une efficacité de 65% jusqu’à 5 ans après la
vaccination.

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EUVICHOL®/EUVICHOL-PLUS® est un vaccin bivalent constitué de cellules entières tuées de
Vibrio cholerae O1 (classique et El Tor) et O139.
Il est administré en 2 doses à toute personne de plus de 1 an, avec un intervalle d’au moins 14 jours
entre les 2 doses.
EUVICHOL®/EUVICHOL-PLUS® est comparable à SHANCHOL® en termes de formulation,
immunogénicité et profil de sécurité.

WC/rBS (DUKORAL®) est un vaccin monovalent constitué de cellules entières tuées de Vibrio
cholerae O1 (classique et El Tor) et d’une sous-unité B recombinante purifiée de la toxine
cholérique (WC/rBS).
La suspension doit être mélangée avec une solution tampon.
Le vaccin est administré par voie orale en 3 doses chez les enfants de 2 ans à < 6 ans et en 2 doses
chez les enfants ≥ 6 ans et les adultes. L’intervalle entre les doses doit être au minimum d’une
semaine et au maximum de 6 semaines. Il confère une semaine après une efficacité de 85-90%

Les recommandations actuelles de l’OMS en matière de vaccination sont les suivantes :

- En zone d’endémie, aucun vaccin n’est recommandé, l’information éducation communication


(I.E.C) prime.

- En épidémie explosive (taux brut de décès > 1/10000) le vaccin n’est pas recommandé ; les priorités
sont un traitement efficace, la fourniture d’eau potable, l’évacuation des déchets humains.

Plus aucun pays n’exige de certificat de vaccination contre le choléra comme condition d’entrée sur
son territoire.

c) Concernant la chimioprophylaxie à l’échelon individuel, pour voyageurs ou personnels


humanitaires, en zone atteinte, le traitement présomptif par une fluoroquinolone dès le début des
symptômes intestinaux est une attitude recommandable.

Conclusion

Le choléra est une affection pestilentielle, compagnon des catastrophes naturelles et de l’insalubrité
qu’une bonne politique d’assainissement assortie des la promotion des bonnes conditions d’hygiène
pourrait faire reculer de nos pays en voie de développement.

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