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LA FIEVRE JAUNE

Objectifs
1. Énumérer les facteurs favorisants et les modalités épidémiologiques de la fièvre
jaune.
2. Réunir les arguments clinique, biologique et anatomopathologique en faveur de la
forme typique de la fièvre jaune.
3. Identifier les principales formes cliniques de la fièvre jaune.
4. Proposer des mesures de prévention de la fièvre jaune.

1 INTRODUCTION

La fièvre jaune est une arbovirose immunisante (fièvre hémorragique virale), due au virus
amaril, transmise par la piqure de moustiques femelles. Elle détermine typiquement une
hépatonéphrite hémorragique grave chez un sujet non vacciné.

1.1 Intérêts

Son étude revêt trois intérêts :

Au plan épidémiologique, c’est une maladie réémergente endémique dans les régions
tropicales et épidémique ailleurs. Elle est à déclaration obligatoire car le règlement sanitaire
international prévoit que tout cas de fièvre jaune doit être déclaré à l’OMS. Cette affection pose
un problème de sante publique.

Au plan diagnostic, elle détermine dans sa forme typique une hépatonéphrite gave souvent
mortelle chez le sujet non vacciné.

Au plan thérapeutique, il n’existe pas de traitement curatif. D’où l’intérêt de la prévention par
la lutte rigoureuse contre les vecteurs et la vaccination.

2 EPIDEMIOLOGIE

2.1 Agent pathogène


C’est le virus amaril. Il appartient à la famille des togaviridae et au genre flavivirus. C’est
un virus à ARN sphérique dont les propriétés sont:
 Viscérotrope
 Fragile, sensible à la chaleur et à la dessiccation, conservable a basse température
dans de l’azote liquide associée à la glace carbonique.
 Cultivable sur des lignées cellulaires d’insecte.
 La vaccination stimule la production d’anticorps protecteurs.

Il existe deux principales souches virales :

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 La souche ASIBI dont dérive celle du vaccin 17 D Rockefeller.
 La souche DAKAR (française) à l’origine du vaccin neurotrope de l’Institut Pasteur.

2.2 Vecteur
Les vecteurs sont des moustiques appartenant au genre Aedes (Afrique) ou Haemagogus
(Amérique latine). En Afrique, on a plusieurs espèces :
 Aedes aegypti : vecteur urbain, principal intermédiaire d’homme à homme, il vit dans
les gites larvaires domestiques et péri domestiques. La femelle a une activité diurne
 Aedes africanus et simpsoni: il vit en zone forestière
 Aedes furcifer : il vit en zone de savane.

2.3 Transmission et réservoir de virus


La transmission se fait par piqure de l’aedes femelle au cours d’un repas sanguin. Celui-ci
s’infecte chez un homme ou un animal en phase virémique. 4 à 10 jours plus tard, il devient
infestant. Il existe des contaminations accidentelles de laboratoire.
Le réservoir principal de virus est constitué par le moustique. L’homme et les primates (le singe)
représentent le réservoir animal.

2.4 Répartition géographique


La fièvre jaune est une zoonose dont le cycle naturel se déroule dans les forêts tropicaux
d’Afrique et d’Amérique. Cette affection s’étend :
 En Afrique : entre le 15° latitude nord et le 10° latitude sud (entre une ligne passant par
le Sénégal au nord et par l’Angola et la RD Congo au sud). On compte ainsi 34 pays
endémiques dans cette zone.
 En Amérique : entre le 10° latitude nord et le 15° latitude sud. Les principaux pays à
risque sont l’Équateur, la Bolivie, le Brésil, la Colombie, le Pérou et le Venezuela.

Les facteurs favorisants :


 la maladie
- La profession (forestier, agriculteur, chasseur, charbonnier…)
- L’existence d’une zone d’endémie
- Le long séjour en zone forestière
- L’absence de vaccination
 l’épidémie
- L’urbanisation
- L’existence de gites larvaires
- L’absence de vaccination

On distingue trois types de modalités épidémiologiques :


 Le cycle selvatique ou sporadique : il correspond à l’infection de l’homme à partir du
cycle animal. Cette contamination est possible lorsque les singes vivent à proximité des
champs. La plupart des cas sont des jeunes qui travaillent dans la forêt (cycle de forêt).
 Le cycle urbain ou épidémique : il est dû à l’introduction du virus dans une zone
réceptive où il existe Aedes aegypti dans l’entourage de l’homme. La transmission est
interhumaine.
 Le cycle intermédiaire ou des savanes : les moustiques semi domestiques infectent à
la fois l’homme et les singes. Il s’agit du type d’épidémie le plus couramment rencontré
en Afrique depuis plusieurs décennies.

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3 PHYSIOPATHOLOGIE
A la suite de l’injection de salive lors de la piqûre d’un arthropode infestant, le vertébré réceptif
va développer une infection arbovirale. Le virus va se répliquer à proximité du point
d’inoculation, puis dans les ganglions lymphatiques correspondants : c’est la phase de virémie
(libération de cytokines (IL, TNF), microvascularite diffuse et des troubles de la coagulation)
responsable de la fièvre et du syndrome grippal thrombopénie, CIVD (coagulation intra
vasculaire disséminée).
Puis, le virus va disséminer dans l’organisme jusqu’aux organes cibles (atteintes systémiques
et viscérales : hépatiques, rénales, neurologiques, cardiaques, médullaires, articulaires, troubles
de la coagulation). L’infection entraîne une réponse immune à la fois humorale et cellulaire.
A la phase initiale pseudo-grippale, on a une libération : de cytokines en réponse à la virémie
La réplication virale débute dans les ganglions puis gagne le sang, les macrophages (cellules de
Küpffer), les endothéliums vasculaires et les différents organes
Les lésions prédominent dans le foie (hépatite) et les reins (albuminurie, nécrose tubulaire)
Le syndrome hémorragique (insuffisance hépatocellulaire, thrombopénie, dysfonctionnement
des plaquettes et atteinte endothéliale)
Les troubles neurologiques (plus des troubles métaboliques qu’une encéphalite virale)
L’atteinte cardiaque (myocardite et troubles du rythme)
Le choc, coma et mort : conséquences des atteintes viscérales et de la libération de cytokines.
La guérison due à l’efficacité des anticorps neutralisants

4 DIAGNOSTIC
4.1 DIAGNOSTIC POSITIF
4.1.1 Type de description : Le typhus amaril ou hépatonéphrite hémorragique de
l’adulte jeune non vaccine
L’incubation
Elle est silencieuse et dure 3 à 4 jours voire 15 jours.

L’invasion
Le début est brutal avec un syndrome pseudo grippal :
- Une fièvre à 39° 40° accompagnée ou non de frissons
- Des algies violentes (céphalées, courbatures, myalgies)
- Des troubles digestifs (nausées, vomissements)
L’interrogatoire recherche alors:
– Une absence de vaccination contre la fièvre jaune
– Un voyage récent dans une zone à risque
– Un long séjour en zone forestière
– Un séjour en zone de flambée épidémique
– Une profession à risque
– Les traitements reçus
– Une notion de saignement

La phase d’état
Elle survient au bout de 7 à 10 jours. Elle évolue en 2 phases séparées d’une phase de rémission.
 La phase rouge : elle est caractérisée par :
- Un syndrome infectieux avec une hyperthermie (39°C- 40°C), un pouls
dissocié à 80 btt/min. c’est le signe de FAGET.

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- Un syndrome douloureux avec des céphalées, des myalgies et lombalgies.
- Des signes cutanéomuqueux avec une peau sèche, des lèvres et des paupières
oedématiées, une langue rouge vif, des conjonctives injectées, un facies vultueux
de couleur vineuse. C’est le masque amaril.
- Un syndrome digestif discret avec une anorexie, des vomissements et une
haleine fétide.
- Des signes neurologiques (rares) avec une anxiété, une agitation, une
prostration ou une insomnie.
- A l’examen physique, on retrouve un abdomen souple, un foie et une rate
normaux, des urines foncées et un pouls dissocié.

 La phase de rémission : c’est une phase trompeuse, inconstante, survenant vers la fin
du troisième jour et ne dépassant pas 24 heures généralement. C’est une accalmie avec
une sensation de bien être.

 La phase jaune : elle débute au 4ieme - 5ieme jour.


- La fièvre réapparait et atteint 40°C. Le pouls est légèrement dissocié. Il y a un
ictère franc.
- L’état général s’altère rapidement avec une prostration et une obnubilation.
- Des troubles digestifs s’installent. Une soif ardente, des épigastralgies, des
vomissements ayant un aspect particulier : le vomito negro.
- Un syndrome hémorragique avec un purpura pétéchial ou ecchymotique, un
épistaxis, une gingivorragie, une hématémèse, un mélaena, des métrorragies et
une hématurie.
- Un syndrome rénal avec une oligurie voire une anurie.

NB : dans la fièvre jaune, tout est congestionné au début (phase rouge) et tout saigne à la fin
(phase jaune).

Les examens paracliniques


 Les tests spécifiques
- L’isolement du virus : la virémie étant brève, l’isolement se fait des les premiers
jours de la maladie. Le virus est isolé dans le sang mais aussi dans les urines, le
LCR, le foie et les fragments nécropsiques. Il se fait par la PCR.
- La sérologie : c’est la détection par la technique ELISA des anticorps anti amaril de
type IgM. L’augmentation significative du taux d’anticorps à 2 semaines
d’intervalle confirme l’existence d’une fièvre jaune évolutive.
- L’examen anatomopathologique : il est réalisé en post mortem. Sur le foie ou les
autres pièces nécropsiques, on recherche :
Une dégénérescence graisseuse en petites plaques
Une dissémination trabéculaire medio lobulaire
Une nécrose des hépatocytes non spécifiques
Une dégénérescence hyaline éosinophile (corps de COUNCILMAN).

 Les tests non spécifiques


- Hépatiques
Cytolyse (élévation des transaminases)
Insuffisance hépatocellulaire (baisse du TP en dessous de 25%,
hypocholestérolémie)
- Rénaux

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Albuminurie massive constante
Cylindrurie
Hyperazotémie, hypercréatininémie
- Hématologiques
Leucopénie, neutropénie
- Autres
LCR xanthochromique avec hyperprotéinorachie

L’évolution
Elle peut se faire vers le décès (entre le 1er et le 10ième jour) par :
- collapsus du fait de l’hémorragie ou non.
- Coma hépatique ou urémique
- La mortalité est de 10 à 80% dans les formes patentes.
Elle peut se faire vers la guérison avec :
- Une défervescence thermique
- Une reprise de la diurèse.
- Une convalescence longue avec une asthénie persistante.
- Sans séquelles avec une immunité solide et définitive.

4.1.2 FORMES CLINIQUES


 Formes symptomatiques
- Formes frustes pseudo grippales de découverte sérologique
- Formes inapparentes
- Formes à prédominance hépatique (ictère, hépatomégalie douloureuse, pouls
ralenti)
- Formes à prédominance rénale (anurie, coma urémique)
- Formes cardiovasculaires (dyspnée, tachycardie, pression artérielle basse,
syncopes)
- Formes avec atteinte surrénalienne

 Formes neurologiques
L’agitation ou le coma sont au 1er plan réalisant soit un tableau de méningite à liquide
clair ou soit celui d’une encéphalite aigue (troubles neuropsychiques)

 Formes évolutives
- Formes suraigües ou le décès survient rapidement en 2 à 3 jours dans le cadre
dune hépatite fulminante
- Formes prolongées (l’issue est souvent fatale par collapsus)

4.2 DEFINITIONS DE CAS (OMS Octobre 2010)


Pour la surveillance de la fièvre jaune et la riposte aux flambées
 Cas présumé
Toute personne présentant une forte fièvre d’apparition brutale,
accompagnée d’un ictère apparu dans les 2 semaines suivant les premiers
symptômes
 Cas probable
Cas présumé; et un des éléments suivants:
- présence d’IgM antiamariles en l’absence de vaccination antiamarile dans les 30
jours précédant l’apparition de la maladie; ou

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- histopathologie hépatique positive à l’autopsie; ou
- lien épidémiologique avec un cas confirmé ou une flambée.
 Cas confirmé
Cas probable; et
Absence de vaccination antiamarile dans les 30 jours précédant le déclenchement de la
maladie; et un des éléments suivants:
- mise en évidence d’IgM antiamariles spécifiques;
- mise en évidence d’une multiplication par 4 des titres d’IgM antiamariles ou des
titres d’IgG entre le sérum de phase aiguë et celui de convalescence, ou dans les
deux;
- mise en évidence d’anticorps neutralisants antiamarils spécifiques.
ou
- Absence de vaccination antiamarile au cours des 14 jours ayant précédé
l’apparition de la maladie; et un des éléments suivants:
- mise en évidence par PCR du génome du virus amaril dans le sang ou d’autres
organes; ou
- mise en évidence d’antigènes antiamarils dans le sang, le foie ou d’autres
organes par des dosages immunologiques; ou
- isolement du virus amaril.

4.3 DIAGNOSTIC DIFFERENTIEL


Il se pose selon le stade de la maladie

Au début
Pathologies Signes cliniques Signes paracliniques
Paludisme Fièvre-frisson-sueur Goutte épaisse et
frottis, TDR
Fièvre typhoïde Diarrhée jus de melon, petites macules Coprocultures,
rosées (taches rosé lenticulaires) hémocultures,
Hémorragie rare Leuco neutropénie,
thrombopénie
Dengue Dysgueusie, éruption Isolement viral par
culture, PCR
Rougeole Signe de koplick : muqueuse buccale (face PCR
interne des joues, les gencives) est
parsemée de petites taches blanc-bleuâtre
de moins d’un millimètre de diamètre,
Exanthème
Grippe Catarrhe voies aériennes supérieures RT-PCR
(rhinorrhée, douleur pharyngolaryngées,
toux sèches)
Phase jaune
Hépatite virale B Triade de Caroli (céphalée + arthralgie + AgBs, PCR ADN
urticaire) VHB,
Leptospirose Exanthème morbiliforme hépatomégalie, Hyperleucocytose à
splénomégalie, syndrome méningé PNN, Thrombopénie
La sérologie technique
ELISA

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Fièvre bilieuse Ictère plus intense, état de choc Anémie profonde type
hémoglobinurique hypovolémique, pâleur muqueuse et hémolytique,
conjonctivale, oligo anurie avec émission hyperbilirubnémie,
d’urines foncées « rouge porto ou coca Frottis sanguin
cola » faiblement positif et
même souvent négatif
Fièvre typhoïde Hémorragies intestinales, encéphalite Hémoculture,
compliquée typhique, méningotuphos, hyperthermie coproculture
maligne
Paludisme grave Abolition ROT, rigidité de décérébration, Goutte épaisse, frottis
convulsion, manifestation psychiatriques sanguins, PCR
Fièvre Syndrome algique PCR
hémorragiques Syndrome infectieux
virales (Maladies Syndrome hémorragique
à virus Ebola)
Autres : sepsis, méningococcémie

5 TRAITEMENT

5.1 Traitement symptomatique


Comme toutes les maladies virales, il n’existe malheureusement pas de traitement curatif. Le
traitement est symptomatique et consiste en :
- Un repos strict au lit
- Une rééquilibration hydro électrolytique (2 à 4 litres par jour de Ringer lactate, de
sérum salé isotonique ou de sérum glucosé)
- Des anti émétique (métopimazine ou métoclopramide: 15 à 30 mg/ kg)
- Des hémostatiques (acide tranexamique, etamsylate, contrés plaquettaires: 10 à 20
ml/kg/24 h)
- Une transfusion sanguine (sang total: δ hb X poids X 6)
- Des anti pyrétiques
- Des antalgiques
- Des tonicardiaques (digoxine, digitalines)
- Une corticothérapie
- Une épuration extrarénale

5.2 Traitement préventif


5.2.1 VACCINATION
Il n’existe pas de traitement curatif spécifique de la fièvre jaune. En revanche, la vaccination
permet de prévenir la maladie. Le vaccin antiamaril confère une immunité d’une dizaine
d’années, voire même probablement une immunité à vie contre la fièvre jaune.
Le vaccin
- 17 D Rockefeller , Vivant attenué
- Une dose en sous-cutané (immunisation à vie, R.S.I. 2005)
- Efficacité de 99%
- Indications :
 A partir de l’âge de 9 mois
 Obligatoire pour les voyageurs (R.S.I. 2005)
 Campagne de vaccination réactive en cas d’épidémie

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- contre-indications :
 La femme enceinte
 L’enfant de moins de 6 mois
 L’allergie au jaune d’œuf
 Immunodépression sévère: infection VIH avec CD4 < 200/ mm3, Leucémie,
lymphome ou cancer généralisé, traitement immunosuppresseur, corticothérapie
générale (> 20 mg prednisone pendant plus de 7 jours), chimiothérapie,
radiothérapie

5.2.2 LA LUTTE ANTIVECTORIELLE


 Les mesures collectives
- Assainissement du milieu
- Destruction de tous les gîtes larvaires
- Approvisionnement en eau courante
- insecticide
 Les mesures individuelles
- Moustiquaires imprégnées d’insecticide
- Crème répulsive
- vaccination
La stratégie de contrôle de la fièvre jaune préconisée par l’OMS s’appuie sur 4 principaux
piliers :
 Vaccination antiamarile de routine pour les enfants à partir de 9 mois, dans le cadre du
programme élargi de vaccination (PEV).
 Campagnes de rattrapage pour les populations à faible taux de couverture vaccinale.
 Surveillance renforcée de la maladie.
 Riposte rapide aux épidémies.

5.3 Conduite à tenir devant un cas de fièvre jaune

1. Urgence : en zone d’endémie, il est important de reconnaitre les premiers cas afin de
prévenir les autorités
2. Envisager de principe le traitement du paludisme
3. Isoler les patients suspects de fièvre jaune sous une moustiquaire
4. Ne pas évacuer vers la ville
5. Effectuer les prélèvements à visée diagnostique pour confirmer les premiers cas au
laboratoire de référence
6. Traiter les symptômes des patients : aucun antiviral n’est efficace
7. Déclarer les cas et la situation épidémique
8. Mettre en place des cordons sanitaires autour des zones atteintes
9. Lutter contre les vecteurs par les insecticides de contacts
10. Vacciner la population voisine des cas.

CONCLUSION

La fièvre jaune, maladie virale hémorragique, vectorielle, à déclaration obligatoire réémergente,


a très souvent un pronostic effroyable. Les stratégies vaccinales renforcées et la lutte anti
vectorielle pilotées par les gouvernements peuvent à coût sûr réduire l’incidence de cette
affection.

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