Vous êtes sur la page 1sur 7

FIEVRE TYPHOÏDE ET PARATYPHOÏDES

Définition
Elles réalisent des bactériémies à point de départ lymphatique mésentérique, dues aux entérobactéries du
genre salmonella.

Intérêt
L’étude de ces maladies du péril fécal présente les intérêts suivants :
- Epidémiologique : Elles sont endémo-épidémiques, contagieuses, cosmopolites, en régression
dans les pays développés alors qu’elles restent fréquentes dans les pays à faible niveau d'hygiène
(16 millions de cas/an).
- Pronostic : Elles sont graves à cause des complications souvent mortelles, dominée par les
complications digestives (600 000 décès).
- Thérapeutique : Le traitement curatif à base d'antibiotique est actuellement raccourci avec
l’utilisation des nouvelles molécules que sont les fluoroquinolones.
La prévention passe par l'hygiène fécale et la vaccination.

Les objectifs :
 Expliquer les mécanismes pathogéniques des fièvres typhoïdes et paratyphoïdes
 Décrire les signes cliniques et paracliniques de la forme commune de l'adulte non vacciné
 Citer cinq complications des fièvres typhoïdes et paratyphoïdes
 Citer les deux examens biologiques de certitude de la fièvre typhoïde
 Enoncer le traitement de la forme commune non compliquée de l'adulte non vacciné
 Citer 2 classes d’antibiotiques utilisés dans le traitement de la fièvre typhoïde
 Proposer des mesures de prévention individuelles et collectives des fièvres typhoïdes et
paratyphoïdes

I – EPIDEMIOLOGIE
A – Agents pathogènes
Ce sont des bacilles à Gram négatif, mobiles, non sporulés, intracellulaires facultatifs, appartenant au
genre salmonella de la famille des Enterobacteriacae (entérobactéries).
Ils comprennent :
- Salmonella enterica sérotype Typhi (bacille d'Eberth),
- sérotypes Paratyphi A, B, C.
Ils sont constitués d'antigènes utilisés pour l'orientation diagnostique :
* l'antigène flagellaire H (mosaïque d'antigènes) qui induit la production d'anticorps anti H
* l'antigène somatique O (mosaïque d'antigènes) qui correspond à l'endotoxine typhique et
possède le pouvoir pathogène. Il induit la production d'anticorps anti O.
* Salmonella Typhi et Paratyphi C possèdent l'antigène capsulaire Vi, utilisé pour la vaccination.

B – Réservoir de germes
Il est strictement humain constitué par l'homme malade, convalescent, le porteur chronique qui
éliminent les germes par les selles, accessoirement par les urines et les vomissements.
Cette élimination explique la souillure de l'eau et des aliments.

C – Contamination
Elle est féco-orale, liée au péril fécal et se fait selon deux modes :

1
- Le mode direct
On parle de transmission manuportée dans l'entourage du malade par l'intermédiaire des mains
sales.
- Le mode indirect (le plus fréquent)
Il se fait par ingestion d'eau ou d'aliments, souillés soit directement soit par l'intermédiaire des
animaux ou des mouches. (légumes, fruits, coquillages crus, insuffisamment cuits ou chauffés).

II – PATHOGENIE
Elle fait intervenir deux phénomènes intriqués :
- La bactériémie
- La production d’endotoxine

A – La bactériémie à point de départ lymphatique


La porte d’entrée est digestive (orale). Les germes franchissent la muqueuse intestinale (intestin grêle)
sans effraction puis se disséminent par voie lymphatique (chylifères ; ganglions mésentériques ; plaques
de Peyer avec une multiplication dans les macrophages au niveau des plaques de Peyer ; puis canal
thoracique) vers la circulation sanguine. Les conséquences sont :
- la faible densité des germes dans le sang 105 germes/ml de sang (bactériémie)
- l’installation progressive des signes,
- la fièvre, la splénomégalie, les localisations secondaires
- la positivité des hémocultures

B - La libération d'endotoxine diffusible.


Elle survient à la suite de la lyse des salmonelles dans les ganglions mésentériques. Les effets de cette
libération s'exercent à distance et expliquent les signes toxiniques :
- au niveau du système nerveux central l'encéphalite
- au niveau du cœur la myocardite, le collapsus cardiovasculaire
- au niveau des plaques de Peyer, les perforations intestinales, les hémorragies
- au niveau du sang la leucopénie, la thrombopénie
- le dérèglement thermique. L'endotoxine libère des substances pyrogènes dont la cible est
le centre thermorégulateur de l'hypothalamus.
Les antibiotiques à forte concentration lymphatique doivent donc être actifs sur les germes
(pénétration dans les macrophages).

III – DIAGNOSTIC
A – Diagnostic positif
a) Type de description : Forme commune de l'adulte non vacciné
 Signes cliniques
Après une incubation de 7 à 15 jours (silencieuse), survient la phase d'invasion ou de début (1er
septénaire = durée 7 jours)
Le début est insidieux, marqué par l'apparition et l'accentuation progressive :
- d'un malaise général
- de troubles digestifs (nausées, vomissements, anorexie, douleurs abdominales, constipation)
- de troubles neurologiques, (céphalées, insomnie, vertiges)
- d'une épistaxis inconstante.

L'examen clinique note :


- une fièvre progressive à 39°-40°
- un pouls dissocié (moins accéléré que ne le voudrait la température). L’augmentation de la
température d’un degré s’accompagne de celle du pouls de 15 à 20 pulsations (Exemple : 39°
pour la température ; 80 battements par minute pour le pouls)
- une langue saburrale
- une splénomégalie modérée, sensible en général

2
Un moyen mnémotechnique permet de retenir les principaux signes cliniques de cette phase : il s'agit
du C.I.V.E.T, par analogie à un mets français
Céphalées, Insomnie, Vertiges, Epistaxis, Température

La phase d'état ou 2è septénaire est caractérisée par :


- une diarrhée liquide, faite de 5-6 de selles, abondante, fétide de coloration ocre ou jaune verdâtre
(jus de melon ou de papaye)
- une température en plateau, régulière à 40° avec frissons, algies diffuses, asthénie.
- une dissociation nette du pouls et de la température
- un tuphos : obnubilation, voire prostration ou syndrome confusionnel. Le patient répond mal ou
lentement aux questions, présente une somnolence diurne, est souvent agité avec des
mouvements carphologiques des extrémités
- une fosse iliaque droite gargouillante
- un météorisme abdominal
- une splénomégalie nette
- quelques râles bronchiques aux bases
- rarement une angine de Duguet (unilatérale, indolore avec des ulcérations des piliers de
l'amygdale).

L'association fièvre-tuphos-diarrhée-FID gargouillante-splénomégalie est évocatrice de la fièvre


typhoïde.

 Signes biologiques.
Certitude

- Hémocultures :
 Réalisées dans les conditions d’asepsie rigoureuse
 positivité dès le 1er septénaire (90 % des cas)
 A répéter (au moins 3 hémocultures)
 avant toute antibiothérapie.
 La positivité décroît au fur et à mesure que la maladie évolue (1er septénaire 90 %
de positivité)
 Identification du germe et antibiogramme
 Positivité des hémocultures en cas de rechute.
- Coprocultures
 A coupler aux hémocultures
 Positivité tardive
Orientation
- Hémogramme
 Anémie modérée hypochrome, microcytaire
 Leuconeutropénie < 2000 GB, <1000 polynucléaires neutrophiles (rarement une
hyperleucocytose)
 Thrombopénie
- Vitesse de sédimentation (VS) peu accélérée ou CRP elevée

 Evolution
- Sans traitement, elle se fait vers :
Le décès par complications
La guérison (portage chronique à l'origine de rechutes).
- Sous traitement

3
Défervescence thermique en 2 à 6 jours (avec la chute de la température en lysis c’est-à-
dire avec de grandes oscillations descendantes)
Disparition des autres signes cliniques en 5 à 10 jours
Guérison (2 coprocultures négatives à 48 H d'intervalle)
Convalescence longue mais rechutes possibles (10 % des cas)

b) Formes cliniques
Formes symptomatiques
-A début brutal
- Frustes ou atténuées.

Formes selon le terrain


- Nourrisson (rare) : gastro-entérite fébrile
- Enfant : signes pulmonaires, méningite
-Sujet âgé : mauvais pronostic à cause des complications polyviscérales.

Formes compliquées (ou évolutives)


Elles font la gravité de la maladie. La fièvre typhoïde est une maladie à surprise, à mauvaise
surprise

 Complications digestives
Elles sont les plus fréquentes
Hémorragies intestinales
Elles sont microscopiques ou répétées (sang rouge, faible), de grande abondance) ; il peut
s’agir de moelena. Elles entraînent une anémie d’intensité variable

Perforations intestinales
A l'origine de péritonites sthéniques ou asthéniques
Péritonites sthéniques (drame abdominal aigu)
Fièvre élevée
Coup de poignard abdominal
Contracture abdominale (ventre de bois)
Disparition de la matité pré- hépatique
Toucher rectal douloureux
Abdomen sans préparation (ASP) : croissant gazeux inter hépato- diaphragmatique

Péritonites asthéniques
Douleurs sourdes
Défense abdominale,
Météorisme abdominal

Syndrome pseudo- perforatif


Occlusion intestinale sans niveau hydro- aérique : distension abdominale, ballonnement

Cholécystite
Subictère
Signe de Murphy (douleurs provoquées sous costales droites)
Echographie hépato- vésiculaire : épaississement ou dilatation de la paroi vésiculaire
Rechute
Portage chronique chez le sujet lithiasique

 Complications neurologiques
Encéphalite
Fréquente et grave
4
Troubles de la conscience, fièvre
Convulsions
EEG : signes de souffrance cérébrale
Méningisme de Dupré : réaction méningée physique, LCR normal
Méningite purulente ou lymphocytaire (rare)

 Complications cardiovasculaires
Collapsus cardio-vasculaire
En rapport avec un choc septique, une hypovolémie, une complication hémorragique. Il est marqué
par :
une chute brutale de la pression artérielle
un pouls filant
des extrémités froides
des sueurs
une cyanose

Myocardite
Tachycardie
Assourdissement des bruits du cœur
Pression artérielle pincée
ECG : Troubles de la repolarisation (sus ou sous décalage de ST, onde T négative), ou de
la conduction (allongement de l'espace PR)
Traduction parfois seulement à l'ECG.
A l’origine de décès

Phlébite, thrombophlébite
Fièvre
Pouls grimpant de Malher
Augmentation du volume du mollet (mensuration)
Disparition du ballottement du mollet
Signe de Homans (douleur à la dorsiflexion du gros orteil)
Artérites

 Autres complications
- spondylarthrites (rares),
- pneumopathie
Formes associées
- Fièvre typhoïde- bilharziose (gîte protecteur de salmonelles)
- Fièvre typhoïde : drépanocytose (AS, SS) : fréquence élevée des ostéomyélites et des ostéo-
arthrites
- Fièvre typhoïde - infection à VIH/SIDA
- Fièvre typhoïde -déficit en G6PD

B – Diagnostic différentiel
Eliminer
 Accès palustre simple
- zone d'endémie
- fièvre, frissons
- goutte épaisse, frottis sanguin, TDR

 Neuropaludisme
- Troubles de la conscience
- Fièvre
- Goutte épaisse, frottis, TDR
5
 Méningites aiguës
- Syndrome méningé fébrile
- Ponction lombaire (bactériologie, cytologie, chimie)

 Autres bactériémies
- hémocultures
 Tuberculose (localisations multiples)
- Fièvre persistante
- Recherche BK

 Brucellose (rare)
- Fièvre au long cours ondulante
- Syndrome sudoro-algique
- Sérodiagnostic de Wright

IV – TRAITEMENT
A – Traitement curatif
a) Buts :
Stériliser le (s) foyer(s) infectieux
Améliorer le confort du malade
Prévenir et /ou traiter les complications.

b) Moyens
* Spécifiques : Antibiothérapie

Les traitements classiques sont abandonnés (phénicolés et dérivés) à cause des complications
hématologiques (aplasie médullaire) dans les pays développés; l’amoxicilline n’y est plus utilisée. Dans
les pays en développement, les souches sont de plus en plus résistantes à l’ampicilline et dérivés et au
cotrimoxazole.
Actuellement, les fluroroquinolones constituent le traitement de référence. Elles sont utilisées en
traitement ambulatoire. Elles ont peu ou pas d'effets secondaires.
Ofloxacine 200 mg toutes les 12 H
Ciprofloxacine 500 mg toutes les 12 H
Les fluoroquinolones sont contre-indiquées chez l'enfant de moins de 15 ans et la femme
enceinte.

Les céphalosporines de troisième génération comme la ceftriaxone sont utilisées chez l'enfant (75
mg/kg/j sans dépasser 4 gr/j pendant 5 à 10 jours.

* Non spécifiques
 Mesures hygiéno-diététiques,
Isolement du malade en chambre individuelle avec si possible, couverts, thermomètre, bassin à
urines,
Désinfection des selles (eau de Javel), du linge, des couverts
Alimentation liquide
Hydratation parentérale 1,5 à 2 litres/jour si troubles digestifs ou de la conscience

 Corticothérapie
Elle est administrée en cas d’encéphalite, de myocardite.
L’hémissuccinate d'hydrocortisone est utilisée à la dose de 0,5 – 1mg/kg IV sur 7 jours au
maximum.
 Transfusion sanguine isogroupe isoRhérus

6
 Chirurgie - réanimation

C- Indications
 Forme commune
Antibiothérapie de préférence par voie orale
Isolement du malade (couverts, thermomètre et bassin à urines personnels)
Mesures hygiéno-diététiques
Surveillance clinique
Température, pouls (toute accélération du pouls doit faire craindre une complication)
Pression artérielle
Auscultation cardiaque
Observation des selles, examen de l’abdomen
Surveillance biologique
Hémogramme
En fin de traitement, deux coprocultures à 48 H d’intervalle sont recommandées leur négativité
signe la guérison.

 Complications
Hémorragies intestinales
Transfusions de sang isogroupe isoRhésus, non contaminant (VIH, VHB)
Surveillance de l’abdomen
Péritonite
Réanimation médico- chirurgicale

 Porteurs chroniques
Entre 1 et 5 % des sujets restent porteurs de Salmonella typhi au délà de 6 mois.
Cholecystectomie en cas de vésicule lithiasique
Fluoroquinolones pendant 2 à 4 semaines en cas de portage chronique.

B – Traitement préventif
 Prévention collective
Déclaration obligatoire
isolement du malade
lavage des mains
désinfection des selles, du linge et de la chambre après guérison
 Mesures individuelles :
Pas d’ingestion d’eau non contrôlée, d’aliments crus, de fruits crus.
Vaccination
Il existe actuellement trois types de vaccins
 Le vaccin constitué d’antigène polyosidique capsulaire Vi (Typhim®, Typhérix®)
Protection contre l’infection à Salmonella typhi et paratyphi C mais pas contre Salmonella
paratyphi A ou B. A débuter dès l’âge de 2 ans, Revaccination tous les 3 ans
 Le vaccin anti typhoïdique polyoside capsulaire Vi purifié conjugué à l’anatoxine
Tétanique (Typbar-TCV®) indiqué à partir de 6 mois, c’est le plus recommandé
 Le vaccin oral (souche Ty 21a) est disponible en Suisse (Vivatif®)
CONCLUSION

La fièvre typhoïde est une maladie des "mains sales " qui, à défaut d'être éradicable, est contrôlable.
Les pays en développement lui paient un lourd tribut.

Vous aimerez peut-être aussi