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LA DENGUE

Introduction

La Dengue est une arbovirose (Maladie virale transmise par la piqure d’un insecte à pattes

articulées, moustique du genre Aèdes) qui sévit de façon endémo-épidémique dans les régions

tropicales et intertropicales.

3 Intérêts :

- Epidémiologique : problème de santé publique longtemps négligé, la Dengue est

actuellement classée maladie émergente par l’OMS ; c’est l’arbovirose la plus

répandue dans le monde, elle touche 100 pays avec 60 millions de cas annuel dont

30000 décès.

- Diagnostic : 2 tableaux cliniques, une forme classique, très fréquente, habituellement

bénigne et une forme hémorragique au pronostic redoutable.

- Thérapeutique (prophylaxie) : du fait de l’inexistence de traitement spécifique, la

prophylaxie prend toute son importance.

I / EPIDEMIOLOGIE

1 – Agent pathogène et transmission

Le virus de Dengue est un Flavivirus dont on distingue 4 types (DENV 1, DENV 2,

DENV 3, DENV 4) qui diffèrent sérologiquement et ne présentent aucune immunité croisée.

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Ce sont des virus enveloppés, viscérotropes (tropisme pour la peau, rate, système…), fragile

(rapidement détruit par la chaleur, les détergents usuels), heamagglutinants, cultivable sur

milieux cellulaire, identifiables par seroneutralisation (à l’aide de sérum très spécifiques).

La transmission à l’Homme se fait par la piqûre d’un moustique dont la femelle est

hématophage, Aèdes aegypti vecteur principal et Aèdes albopictus qui vivent en milieu urbain

et périurbain avec une activité diurne.

L’Homme est le principal réservoir de virus.

2 – Morbidité et mortalité

La Dengue sévit sur un mode endémo-épidémique ayant engendré plusieurs épidémies dans

les régions afro-caribéennes

La résurgence des épidémies de Dengue est favorisée par :

- la croissance démographique importante dans les zones urbaines

- l’urbanisation incontrôlée avec la création de bidonvilles aux abords des villes

- la prolifération de gites larvaires de moustiques (pots de fleurs, récipients abandonnées,

pneus usagés et abandonnés, réceptacles d’eaux de pluie, boites de conserves, creux des

troncs d’arbres et de certaines feuilles, égoutiers des climatiseurs, bénitiers des églises,

- les catastrophes naturelles (inondations, seimes) ou provoquées (déforestations, conflits

armés avec déplacements de populations)

- hygiène défectueuse

- les cultures maraichères

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II / PATHOGENIE

1- Facteurs de risque de maladie

 Liés à l’hôte :

Déficit en G6PD

Immunodépression

Age < 5 ans

 Liés au vecteur

Ralentissement des campagnes de démoustication

Modifications entomologiques (remplacements des anophèles par des Aèdes dans les

villes…)

Résistance aux insecticides

 Liés aux virus

Ré infestation séquentielle (infection par 2, voire plusieurs types de virus)

Virulence

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2- Mécanismes pathogéniques

Piqure d’Aedes

Inoculation du Virus de la Dengue

Multiplication dans l’endothélium des vaisseaux cutanés

Atteinte des ganglions lymphatiques

Virémie (production d’anticorps spécifiques, production de cytokines pro inflammatoires

TNFα, IL6)

Diffusion viscérale (foie, poumons, rein, système nerveux, peau muscle…)

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Fragilité capillaire, CIVD

Hémorragies

III / DIAGNOSTIC

1- Positif

1.a. TDD : La forme commune chez l’enfant ou Dengue classique

1.a.1 Signes cliniques

* Incubation : 5-8 jours en moyenne

* Invasion : Début brutal le plus souvent, marqué par

SF : Douleurs vives à type de rachialgies, myalgies, courbatures donnant au malade un

« aspect guindé » dérivant de « Denguero » en espagnol, ayant donné son nom à la maladie.

Céphalées, douleurs retro-orbitaires avec photophobie

SG : Fièvre à 40°C accompagnée de frissons, parfois convulsions

L’interrogatoire recherche : Notion de séjour en zone d’endémie de Dengue

Notion de contage pour d’autres arbovirose

Notion de vaccination contre la fièvre jaune (à éliminer…)

SP A l’examen physique

Légère dissociation du pouls et de la température (pouls ralenti, T° élevée…)


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Hépatomégalie modérée

Adénopathie ferme, mobile, indolore

Absence d’ictère, absence de splénomégalie

Courte phase de rémission au 3-4ème jour avec régression de la fièvre et des douleurs

Mais le 5ème ou le 6ème jour est marqué par une réapparition des douleurs et une reprise

thermique donnant un aspect biphasique à la courbe de température : c’est la phase d’état.

A l’examen, on retrouve de manière inconstante un exanthème (éruption faite de macule,

d’évolution centripète)

1.a.2 Signes biologiques

- Examen spécifiques

 Virologie

L’isolement du virus se fait dans des laboratoires spécialisés ou Labo de référence (Institut

Pasteur) dans les 3 1ers jours à partir du sang après culture sur cellules Véro E6 ou après

amplification génique par la réaction en chaine des polymérases (PCR)

 Sérologie

Elle permet de faire le diagnostic dans la majorité des cas après réaction de séroneutralisation

par la mise en évidence d’anticorps neutralisants de type IgM dès le 5-8ème jour.

- Autres Examens (d’orientation)

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 Hémogramme : leuconeutropénie, lymphocytose, thrombopénie

 Transaminasémie : élevé (cytolyse hépatique modérée)

1.a.3 Evolution

Elle se fait habituellement vers la guérison au bout de quelques jours par une crise sudorale

(sueur abondante). La convalescence est longue, l’asthénie et les douleurs persistent une

quinzaine de jours, puis le malade est immunisé contre le sous type viral en cause.

Rarement elle se fait vers des complications…

1.b Formes cliniques

1.b.1- Formes symptomatiques

- formes atténuées

 Forme frustre, purement fébrile, non algique

 Forme asymptomatique, très fréquente, de diagnostic sérologique

- Formes hémorragiques sont d’actualité : les épidémies de Dengue hémorragique sont

parlantes ces dernières années en Afrique, en Amérique latine et en Asie du Sud-est.

Le début est celui d’une Dengue classique, mais vers le 3-5ème jour, l’état du malade

s’aggrave brutalement dominé par des signes généraux et des signes hémorragiques. On note :

une altération rapide de l’état général avec malaise

des hémorragies d’abord minimes à type de purpura (saignements cutanés) pouvant être

pétéchiale (punctiforme), ne s’effaçant pas à la vitropression ou ecchymotique (en nappe),

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parfois accompagnés de saignements des muqueuses (épistaxis, gingivorragie, hémorragies

conjonctivales)

puis des hémorragies plus importantes, surtout digestives (hématémèse, moelena).

L’examen physique révèle la présence d’une hépatosplénomégalie sensible,

des signes pleuro-pulmonaire (râles sous-crépitants diffus),

des signes encéphalitiques (obnubilation, agitations, convulsions, coma…),

un collapsus cardio-vasculaire est à redouter, il réalise le Dengue Shock Syndrom

Biologiquement, on note

Hémoconcentration, hyperleucocytose avec lymphocytes hyperbasophiles, thrombopénie <

100000/mm3

Allongement du temps de saignement avec signe du lacet positif (lacet attaché au bras

pendant 5 secondes, laisse apparaitre des marques purpuriques

Hypertransaminasémie

La sérologie est fortement positive en IgM.

L’évolution se fait vers le décès dans 1 à 5% des cas par état de choc ; la guérison reste

toujours possible.

1.b.2- Formes selon le terrain

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- la dengue le l’adulte :

Forme algique de généralement bénigne

- la dengue de la femme enceinte :

S’accompagne d’un risque de prématurité, de mortinatalité ou d’avortement spontané…

2- Différentiel

2.a Devant le syndrome algique fébrile :

- Grippe saisonnière (virose respiratoire avec des algies diffuses et un catarrhe rhino-

bronchique)

- Paludisme simple (diagnostic par Goutte Epaisse + Frottis sanguin)

- Fièvres éruptives (rougeole, rubéole, rickettsioses…)

2.b Devant la forme hémorragique :

- Autres arboviroses tropicales (fièvre jaune, fièvre à virus Chikungunya…)

- Paludisme grave (critères de gravité de l’OMS + présence de Plasmodium falciparum)

- Septicémies (fièvre, altération de l’état général, splénomégalie ; diagnostic par hémoculture)

- Autres fièvres hémorragiques virales (Ebola, Marburg : fièvre, algies, saignements

importants, létalité > 50%).

III / TRAITEMENT

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1. Curatif

1.a Buts

- Calmer les douleurs et la fièvre

- Lutter contre les complications

- Améliorer le confort du malade

1.b Moyens

Il n’existe pas de traitement curatif spécifique, les moyens seront purement symptomatiques.

- Antalgiques, antipyrétiques : paracétamol à utiliser avec prudence en raison de la cytolyse

hépatique (50mg/Kg/j chez l’enfant et 3g/j chez l’adulte, a repartir sur le nycthémère)

Eviter l’acide acétyle salicylique et les AINS car risque de syndrome de REYE majorant les

saignements

- Rééquilibration hydro électrolytique avec eau de boisson, voire solutés IV (Salé ou

glucosé) : 100 ml/Kg/j chez l’enfant, 2-3 L/24h chez l’adulte.

- Equilibre nutritionnel : régime hyper protidique

- Vitaminothérapie C : 1000 mg/12h, administrer Vitamine K1 20000 UI en Sous-cutané

- Corriger le choc par transfusion de culot globulaire et de culot plaquettaire guidé par

l’hémogramme, à défaut, perfuser des macromolécules…

1.c Indications

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- Forme commune et formes atténués : antalgiques, vitamine C, équilibre alimentaire et hydro

électrolytique

- Forme asymptomatique : abstention thérapeutique

- Forme hémorragique : hospitaliser le malade, transfusion, équilibre hydro électrolytique,

vitamine K1

2- Préventif

2.a Générale

 Lutte anti-vectorielle

- Mesures d’assainissement (évidement des réceptacles d’eau de pluie, des collections d’eau

stagnantes, récurage des caniveaux…)

- Epandage d’insecticides à effets rémanents (dérivés de la Deltamethrine à l’aide thermo-

nébulisateur 1 fois par semaine pendant 3 semaines

- Hygiène environnemental

 Isolement et traitement des formes graves (hémorragiques) sous moustiquaire

imprégnées

 Communication pour le changement de comportement

- Eviter l’automédication (surtout l’aspirine et les AINS)

- Consulter un médecin précocement

- Sensibiliser pour le nettoyage et l’élimination des récipients d’eau non couverts.

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2.b Individuelle

- Dormir sous des moustiquaires imprégnées d’insecticides à longue durée d’action

- Utilisation de répulsifs en topique

- Port de vêtements couvrants (chemise manche longue, pantalon…)

- Utilisation d’insecticide intra-domiciliaire

- Vaccination : un candidat vaccin est en expérimentation aux Philippines.

3- Conduite en période d’épidémie

- Identification et notification des 1ers cas

- Déclaration à l’autorité sanitaire de tutelle qui donne l’Alerte sanitaire après avoir mobiliser

les ressources pour y faire face

- Riposte à l’épidémie :

Investigation autour des cas (enquêtes épidémiologiques, entomologiques et

sérologiques= dépistage actif),

Formation du personnel à la prise en charge des cas

Organisation pratique de la prise en charge des cas (création de centre de traitement

des cas grave en milieu hospitalier sous moustiquaire)

Communication (utilisation des médias de proximité pour la sensibilisation sur les

mesures préventives

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Lutte anti-vectorielle (physique et chimique)

- Bilan de l’épidémie

Sanitaire (nombre de cas/ décès) hebdomadaire, puis en fin d’épidémie

Economique (cout de la riposte)

- Rapport de fin d’épidémie adressé à l’autorité sanitaire et à l’OMS…

CONCLUSION

La Dengue pose le problème des maladies émergentes pour lesquelles, la surveillance

épidémiologique doit rester vigilante ; des campagnes d’information et de sensibilisation

doivent être menées en vue du changement de comportement en faveur de la lutte anti

vectorielle. A la différence de la Fièvre jaune, l’espoir dans la prise en charge de la Dengue,

réside sur la vaccination encore à l’étude.

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