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Maladie à virus Ebola : signes, diagnostic et

traitement

OBJECTIFS
 Définir la maladie à virus Ebola
 Expliquer les mécanismes pathogéniques de la MVE
 Décrire la MVE à la phase d’Etat
 Enumérer 4 diagnostics différentiels de la MVE
 Enumérer le principe du traitement de la maladie à virus Ebola.
 Enumérer 4 mesures individuelles et 2 mesures collectives de prévention de la maladie
à virus Ebola
 Savoir conduire la prise en charge d’un cas de MVE

INTRODUCTION
La maladie à virus Ebola est une FHV réémergente grave, extrêmement contagieuse et létale,
évoluant sous forme d’épidémie. C’est une urgence de santé publique selon le règlement
sanitaire international

1. GENERALITES
1.1. DEFINITION
La maladie à virus Ebola est une fièvre hémorragique virale aigue grave, très contagieuse, à
létalité extrême, due au filovirus Ebola.

1.2. INTERET
La maladie à virus Ebola présente un intérêt quadruple :
 Sur le plan épidémiologique :
C’est une maladie réémergente constituant une urgence de santé publique à portée
internationnale. Un foyer permanent en Afrique centrale et australe (RDC, Congo, Gabon,
Ouganda, et Soudan)
Un foyer en Afrique de l’Ouest (Guinée, Sierra-Léone, Libéria, Mauritanie) avec des cas
importés dans d’autres pays
 Sur le plan pronostic :
C’est une urgence médicale redoutable avec une létalité élevée. L’épidémie de 2014 en
Afrique de l’ouest a selon L’OMS atteint 28616 cas avec 11310 décès (40%) dont 881
professionnels de santé avec 513 décès (58,23%).
 Sur le plan diagnostic
o Ce qui impose un diagnostic de certitude précoce basé sur la réaction de
polymérisation en chaine (PCR).
 Sur le plan thérapeutique
o Aucun traitement curatif n’étant disponible à ce jour, seuls les moyens de
prévention individuelle et collective dont la vaccination peuvent permettre
d’arrêter la propagation de la maladie.
o Un vaccin anti-Ebola s’est avéré très protecteur contre ce virus dans le cadre d’un
essai majeur mené en Guinée en 2015 et en RDC en 2018

2. Physiopathologie

Réplication virale dans les macrophages de la Après l’entrée


peau et des muqueuses) du virus

Organes lymphoïdes secondaires et hépatocytes, Au niveau des organes


cellules endothéliales, épithéliales et fibroblastes internes et tissus

Orage inflammatoire de cytokines et sécrétion de


protéines virales

Phase terminale

Altération de l’immunité
innée et adaptative

Déplétion de cellules lymphoïdes (ganglions lymphatiques,


rate, thymus), apoptose des lymphocytes T et B, des
cellules NK, et absence de production d’anticorps IgG.

SRIS, AEG Syndrome de défaillance multiviscérale,


CIVD, saignement, collapsus
3. SIGNES
2.1. TDD : La maladie Ebola dans sa forme commune du jeune adulte
immunocompétent (c’est la forme la plus caractérisée)
Incubation : en moyenne 4 – 9 jours avec des extrêmes de 2 à 21 jours, silencieuse

Invasion : très brutale et dure 4- 5 jours et caractérisée par le syndrome pseudo-grippal fait de :

Signes fonctionnels :
- Céphalées intenses, courbature généralisée, algies diffuses (myalgies, arthralgies)
- Nausées
- Signes digestifs : nausées, vomissements et diarrhée (d’aspect très particulier, afécale
et brun rougeâtre d’où le synonyme de « diarrhée rouge »)
- douleurs retro orbitaires,
Signes généraux :
- Altération rapide de l’état général avec asthénie intense et anorexie.
- Fièvre à 39 – 40°C + frissons et tachycardie > 100 bat./min
Signes physiques :
Ce patient doit être mis en isolement immédiatement. L’examinateur se met en équipement de
protection individuelle (EPI) assisté d’un hygiéniste (habillé dans les mêmes conditions).
Patient totalement dévêtu, en décubitus dorsal. L’examen doit être systématique, appareil par
appareil. Il met en évidence à ce stade de début une :
- Hyperhémie conjonctivale,
Phase d’état

L’interrogatoire rapporte :
-une notion de panique dans la communauté rurale, de troubles dans un village
-qu’il ne s’agit pas d’un cas isolé, les cas similaires sont notés dans l’entourage immédiat
-on rapport des cas inhabituels où les gens saignent, tombe et décède sur le champ
-on retrouve une notion de consommation de viande de chasse d’un animal trouvé mort dans
la forêt
Dès lors, le personnel de santé doit prendre des précautions suivantes :
-Isolé le malade
Signes fonctionnels
- Algies initiales exacerbées et généralisées (céphalées, myalgies, arthralgies)
- Difficultés respiratoires
- Irritation de la gorge, nausées, vomissements, diarrhées liquidiennes
Signes généraux
- Altération profonde de l’état général avec asthénie intense, anorexie, amaigrissement
- Fièvre à 40°C en plateau + frissons
- FR> 22 cycles/min (polypnée superficielle)
- RC accéléré (tachycardie)
Signes physiques :
Conditions de l’examen : dans les mêmes conditions que précédemment décrites,
L’examen met en évidence une
- Une langue saburrale, un faciès terreux
- Une hémorragie conjonctivale et des pétéchies
- De maculo-papules sur le tronc
- Une inflammation de la gorge avec une amygdalite bilatérale, une gingivorragie
- L’examen des différents systèmes est sans particularité.
Les hémorragies apparaissent vers la fin de la première semaine d’évolution, de
manière inconstante (30% des cas).
Moins fréquemment le malade peut présenter des douleurs thoraciques, des cécités
soudaines, des hypoesthésies, des hypoacousies et parfois un hoquet (précédant, de
quelques heures ou jours, la mort).
L’examen physique objective parfois : une éruption maculo-papuleuse ou papulo-
vésiculeuse, non prurigineuse, suivie d’une fine desquamation et parfois associée à un
énanthème du voile du palais en « grain de tapioca ».
Ces signes s’accompagnent souvent d’hypotension, d’hypovolémie de tachycardie.
2.1.1. Signes paracliniques
Conditions des prélèvements : le prélèvement sanguin et de tout autre liquide biologique
chez ce patient est dangereux et ne se conçoit qu’en EPI par un personnel de laboratoire
formé ; l’acheminement se fait en triples emballages de l’OMS. Ils doivent être limités au
minimum nécessaire. Leur manipulation doit se faire dans un laboratoire de référence de
niveau de sécurité P4.
- Orientation
 NFS : leucopénie, lymphopénie, thrombopénie.
•une leucose normale ou basse avec parfois des lymphocytes plasmacytoides et
anomalie de Pelyer-Huet (absence de segmentation du noyau des
polynucléaires neutrophiles), thrombopénies ;
 CRP : élevée
 ASAT et ALAT > 5 fois la normale (cytolyse et rhabdomyolyse)
 TP < 70%
- Certitude :
- Direct
 Mise en évidence du virus ou de son ARN par culture ou RT- PCR.
 Isolement du virus sur cellules permissives de type Vero E6
Indirect

-Indirects

La sérologie : différentes techniques sérologiques sont possibles (à partir de 7 jours après l’infection,
atteignant leur maximum lors de la 3e semaines d’infection et sont donc essentiellement détectables en
phase tardive de la maladie)

-Détection d’IgM supérieur à 8 par immunocapture ELISA

-Détection d’IgG(Titre supérieur à 64) par ELISA, Immunofluorescence ( 7 à 10 jours après les IgM)
ou élévation du titre d’anticorps sur deux prélèvements à 15 jours d’intervalles.

-Tests de diagnostic rapide (TDR) de type bandelette avec un résultats en 30 minutes ( ces tests
permettent la détection de la glycoproteine GP du virus)

2.1.2. Evolution
- Les éléments de surveillance :
 Cliniquement : les constantes, la diurèse, peau et muqueuses, examens des
appareils
 Paracliniques : au besoin (strict minimum)
- Modalités :
 Guérison spontanée possible dans 10- 30% des cas suivie d’une longue
convalescence.
 Très souvent défaillance multiviscérale (rein, cerveau, foie, hématologique,
cœur) puis décès dans 50 – 90% des cas.

2.2. FORMES CLINIQUES

2.2.1. Formes symptomatiques


- Formes subaiguës : réalisant un syndrome pseudo-grippal isolé (fièvre modérée,
algies modérées, rhinorrhée). Evolution souvent favorable si traitement
symptomatique bien conduit.
- Formes suraiguës : tableau bruyant et foudroyant. Installation rapide et exacerbée des
symptômes. Etat infectieux sévère évoluant vers un choc septique puis décès.
- Formes digestives : dominées par les manifestations digestives à types de diarrhées
liquidiennes, vomissements, douleurs abdominales à type de colique et épigastralgie,
déshydratation. Evolution souvent favorable si traitement symptomatique bien
conduit.
2.2.2. Formes compliquées
- Formes avec hémorragie maligne : syndrome hémorragique malin (méléna,
hématémèse, saignement au point de piqures, purpura diffus, choc hypovolémique et
décès. Létalité élevée.
- Formes méningo-encéphalitiques : trouble de la conscience de degré variable ou de
la vigilance, hypertension intracrânienne, raideur de la nuque.
- Formes psychiatriques : agitation, délire, agressivité, hallucinations.
2.2.3. Formes selon le terrain
- Immunodéprimés : formes suraiguës ou compliquées en règle avec défaillance
multiviscérale rapidement mortelle.
- Femmes enceintes : accidents obstétricaux, mort in-utéro, fausse couche, hémorragie
importante, défaillance multiviscérale. Létalité élevée.
2.2.4. Formes selon l’âge
- Personnes âgées : décompensation des tares, déshydratation, collapsus. Létalité
élevée
- Enfants : troubles digestifs et neurologiques prédominants (convulsion, coma,
diarrhées, vomissements, déshydratation sévère, collapsus. Létalité élevée aggravée
par la malnutrition.

3. DIAGNOSTIC
3.1. DIAGNOSTIC POSITIF
3.1.1. Arguments épidémiologiques
- Contexte d’épidémie de maladie à virus Ebola
- Exposition à risque
3.1.2. Arguments cliniques
- Syndrome pseudo-grippal
- Saignement dans un contexte aigu fébrile
- Hépatonéphrite aigue fébrile
- Syndrome de défaillance multiviscérale fébrile
3.1.3. Arguments paracliniques
- Diagnostic direct : (dans le sang, les selles, les urines, tout liquide biologique ou
tissus). Les conditions de prélèvements et d’analyse sont celles décrites plus haut.
o Mise en évidence du génome par RT-PCR,
o Détection de l’antigène capture par ELISA
o Culture
- Diagnostic indirect
o Sérologie ELISA mettant en évidence les IgM dans la première semaine
d’évolution et les IgG plus tard. Les anticorps sont absents dans les formes
graves.
3.1.4. Définition de cas
Dans une approche santé publique, l’OMS élabore une définition pour faciliter la détection
des cas en cours d’épidémie.
- CAS SUSECT : sujet malade ou décédé présentant une fièvre + symptômes cliniques
aigus + saignement
- CAS PROBABLE : sujet vivant ou décédé présentant une fièvre aigue et qui a été en
contact avec un cas confirmé de maladie à virus Ebola.
- CAS CONFIRME : Sujet dont le test de laboratoire confirme la présence du virus ou
de ses stigmas.

3.2. DIAGNOSTIC DIFFERENTIEL

Cliniques Paracliniques
DEVANT LE SYNDROME PSEUDO GRIPPAL
Fièvre Lassa Similitudes cliniques Mise en évidence du virus
Contact avec urines ou déjection des par PCR ou culture
mastomys ou consommation de ces (arénavirus Lassa)
rongeurs
Contexte épidémique ou endémique
Notion de contage
Fièvre hémorragiques Contexte épidémique Mise en évidence du virus
virales (Marbrures, Crimée Contage en cause par PCR ou culture
Congo…)
Grippe Syndrome grippal (manifestations Evolution spontanément
respiratoires +++) favorable en 5 – 7 jours
Saison hivernale
Hépatites virales aigues Syndrome de cholestase ? Sérologie des hépatites &
PCR (VHB, VHC, VHA…)
Paludisme Frissons + chaleur + sueurs GE-FS ou TDR
(Plasmodium falciparum)
DEVANT UN SYNDROME PSEUDO-GRIPPAL + HEMORRAGIE
Dengue hémorragique Piqure de moustique (Aedes) et PCR, TDR (virus dengue)
Contexte épidémique
Lassa Idem clinique, arguments RT-PCR
épidémiologiques
Fièvre jaune Hépato-néphrite fébrile évoluant en RT-PCR
phases (jaune, rouge…), vomito-négro
Exposition aux piqures d’Aedes
Paludisme grave avec Idem GE-DP ; FS ; TDR
CIVD
GASTROENTERITE AIGUE FEBRILE
Salmonelloses Diarrhée ocre jus de melon, Fièvre en Hémocultures ±
plateau, dissociation pouls – Coprocultures
température, Tuphos
Shigelloses Syndrome dysentérique aigu fébrile Coprocultures
MANIFESTATIONS NEUROLOGIQUES
Méningite ou méningo- Absence de vaccination contre le LCS trouble, louche ou
encéphalite bactérienne méningocoque, le pneumocoque, purulent, ECB du LCS
l’Haemophilus influenzae, contexte
épidémique

3.3. DIAGNOSTIC ETIOLOGIQUE


3.3.1. Agent pathogène :
Ordre : Mononegavirus, virus enveloppé à génome ARN non segmenté de polarité négative
Famille des filoviridae (virus filiforme)
Genre : Filovirus
Espèces : Zaïre-ebolavirus, Soudan – ebolavirus, Côte d’Ivoire (la Forêt de Taï) – ebolavirus,
Bundibugyo-ebolavirus, Reston - ebolavirus non pathogène pour l’homme, Bombali-ebolavirus.

Réservoir du virus : chauve – souris ???

-Chauves-souris frugivores, chimpanzés, gorilles (virus Ebola et Taï Forest) et les porcs
domestiques et les macaques pour le virus Reston.

Sensibilité du virus : virus enveloppé, donc fragile, sensible à : eau de javel, solvant des
graisses (savons détergents), glutaraldéhyde, chaleur.

 Mode de transmission
 Directe
 Primaire (animaux à l’homme)
 Contact avec les animaux infectés directement ou leurs produits
biologiques ou par consommations de leur viande mal cuite.
 Secondaire (interhumaine)
 Contact direct avec des liquides biologiques infectés (sang,
sueur, salive, vomissures, selles, urines, larmes, lait maternel,
sperme…)
 Transmission sexuelle possible, le virus pouvant être détecté
jusqu’à 24 mois dans le sperme après guérison.
 Contact avec la dépouille d’individu décédé de la maladie.
 Indirecte par instruments et matériels de soins (nosocomiales) ou objets
souillés (communautaires)
- Facteurs favorisant l’épidémie
 Profession de chasseur, agent de soins
 Rites funérailles
 Aspects culturels

4. TRAITEMENT
La prise en charge d’un patient ayant la maladie à virus Ebola ne se conçoit qu’en isolement
strict par une équipe formée et vêtue d’équipements de protection individuelle. Le transfert
des patients n’est décidé que s’il est inévitable.
4.1. CURATIF
4.1.1. But
Le traitement est symptomatique. Aucun antiviral n’est efficace sur le virus Ebola à ce jour. Il
a donc pour but de soulager le patient, de prévenir ou de traiter les complications.
4.1.2. Moyens
- Réhydratation : SG 5%, 10%, SS 9‰, RL
- Antipyrétiques : Paracétamol 10mg toutes les 8H
- Oxygénothérapie
- Vitamine K ampoules injectables
- Transfusion (total, culot globulaire, concentrés plaquettaires)
- Antiémétique : ampoules injectables
- Antibiotiques : bêtalactamines (amoxicilline, cloxacilline), céphalosporines
- Antipaludiques : Combinaisons thérapeutiques à base d’artémisinine (CTA)
- Psychothérapie de soutien

4.1.3. Indications
 Pour tous les patients : traitement symptomatique et psychologique
 Hémorragie : vit K1, transfusion sanguine
 Vomissements : anti-émétisant
 Surinfections bactériennes : antibiotiques
 Paludisme confirmé : antipaludique
4.1.4. Résultats
Cette prise en charge précoce permet de réduire la létalité de la maladie à virus Ebola. La
létalité est de 50 – 90%.

4.2. PREVENTIF
4.2.1. Primaire
 Au niveau individuel
o Observance des mesures d’hygiène élémentaires : lavages réguliers des mains
à l’eau et au savon, désinfection des mains avec la solution hydroalcoolique,
décontamination des objets personnels
o Evictions des contacts directs humains et avec des dépouilles des patients
décédés et avec tout liquide biologique d’autrui
o Eviter la consommation de gibiers mal ou non cuits
o Eviter le contact avec les animaux sauvages et les chauves-souris
o Se faire vacciner : Un vaccin expérimental anti-Ebola nommé rVSV-ZEBOV
s’est avéré très protecteur contre ce virus.
 Au niveau collectif
o Eviter les regroupements humains
o Contrôler et réglementer la chasse
o Contrôle vétérinaire des gibiers
o Promouvoir l’hygiène sanitaire
o Education de la population pour un changement de comportement durable
o Sécurisation des funérailles
o Identification et suivi des sujets contacts
o Recours précoce aux soins dès les premiers symptômes

4.2.2. Secondaire
 Isoler les malades
 Port de l’EPI
 Respect des mesures d’hygiène hospitalière
 Prévention et contrôle des infections (gestion des déchets biomédicaux)
 Eviter contact direct avec sang et autres liquides biologiques
 Sécurité des soins
 Manipulation prudente des prélèvements
 Formation de tout le personnel

4.2.3. Tertiaire
Réinsertion socio-professionnelle des patients
Prise en charge des séquelles (surdité, comitialité…)

CONCLUSION

La maladie à virus Ebola est une fièvre hémorragique virale grave et dangereuse dont la prise
en charge est symptomatique d’où la nécessité d’observer les mesures de prévention et les
règles de sécurité aux soins.

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