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LA RAGE HUMAINE

La rage est une encéphalomyélite aiguë virale rapidement et constamment mortelle.


C’est une zoonose des mammifères très répandue, accidentellement transmise à
l’homme par la salive des animaux infectés.
Maladie d’inoculation, elle est le plus souvent secondaire à une morsure par un animal
enragé (Chien+++).

I – EPIDEMIOLOGIE

1.1- Agent pathogène et mode


Le virus rabique appartient à la famille des rhabdovirus, du genre lyssavirus. C’est un
virus à ARN, monocaténaire, enveloppé et fragile.
Son effet cytopathogène est lent. Le virus est inactivé par les solvants des lipides,
l’alcool, les détergents, l’ammonium quaternaire, par un pH inférieur à 3 ou supérieur
à 11, par la chaleur, la lumière et la dessiccation
1.2 Réservoir du virus
Le réservoir du virus rabique est animal. Toutes les espèces animales à sang chaud y
compris l’homme sont réceptives à la rage. Cependant, seuls les chiroptères peuvent
être des porteurs asymptomatiques (sains)

1.3 Modes de transmission


La transmission se fait essentiellement par inoculation de salive provenant d’animaux
infectés.
La salive n’est contaminante que dans les 5 à 7 jours qui précédent les signes cliniques
et ce jusqu’à la mort de l’animal.
L’homme est contaminé presque toujours après une morsure, voire une griffure. Le
risque de transmission en cas de morsure va de 5 à 80 %. Il est de 0,1 à 1 % en cas de
griffure.

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Dr KASSI N’Douba A , Unité Pédagogique de d’Infectiologie-Dermatologie UFR SM -
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La morsure est d’autant plus dangereuse qu’elle est étendue et profonde ou qu’elle
siège au niveau de la tête, des mains ou des organes génitaux externes (Zones riches
en innervation).
L’inoculation par léchage sur une peau excoriée est possible.
Le virus ne traverse pas la peau saine.
La transmission est possible par inhalation de poussière au cours de visite dans les
grottes
Des cas de transmission exceptionnelles accidentelles au laboratoire sont signalés.

1.4 Différents types épidémiologiques de rage


Différents types épidémiologiques peuvent s’observer et l’homme peut faire partie du
cycle de contamination à tout moment.
La rage se perpétue dans 3 grands cycles

RAGE SAUVAGE (sylvatique ou selvatique)


(Renard – loup)

HOMME

RAGE CITADINE RAGE DES CHIROPTERES

(Chien, chat, bovin) (vampire – chauve-souris)

Cycle de contamination de la rage

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2. La pathogénie
La pathogénie de la rage peut être divisée en 3 phases distinctes :
 La phase extra neurale
Le virus gagne le système nerveux central par voie nerveuse. L’intervalle entre
l’inoculation et la présence du virus dans le ganglion spinal varie de 50 à 112
heures. Il dépend de la virulence de la souche et de la quantité de virus inoculés.

 La phase intra neurale


Une fois le virus présent dans le ganglion spinal, aucune méthode prophylactique
(amputation, dissection du nerf) ne peut l’empêcher de gagner le système nerveux
central qu’il atteint au bout de la 192e heure après l’inoculation.

 La phase de dispersion centrifuge


A partir du système nerveux central. Le virus se disperse dans tout l’organisme à
travers l’axone et la cellule de Schawn des nerfs périphériques. Les organes les
plus proches du système nerveux sont les premiers atteints = la rétine, la cornée et
les glandes salivaires. L’intestin, la vessie et le rein sont touchés un peu plus tard.
Le virus se multiplie dans les cellules des ganglions nerveux, dans les nerfs et les
plexus nerveux.
Indépendamment et en dehors du SNC, le virus se multiplie dans le tissu épithélial
des glandes salivaires, la cornée, la peau, le muscle lingual, l’intestin, la vessie, etc.
La morsure qui occasionne la rage est d’autant plus dangereuse qu’elle est étendue
et profonde, qu’elle siège au niveau de la tête, des mains, des organes génitaux
externes et des pieds (régions richement innervées), qu’il s’agit d’un jeune et que
l’animal enragé est un mammifère sauvage, un chien ou un chat.

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Dr KASSI N’Douba A , Unité Pédagogique de d’Infectiologie-Dermatologie UFR SM -
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II– DIAGNOSTIC
2.2 Diagnostic positif
Ce diagnostic repose sur des arguments épidémiologiques, cliniques et biologiques. La
rage humaine survient la plupart du temps après morsure par un animal infecté,
domestique ou sauvage.
Le diagnostic peut être rendu difficile au départ lorsque la notion de morsure fait
défaut comme c’est souvent le cas chez les enfants.
2.1.1 TDD: rage furieuse ou spastique de l’adolescent non vacciné
- L’incubation est totalement silencieuse. Sa durée est fonction du siège de la
morsure. Elle dure 20 à 60 jours, parfois d’avantage (2 ans). Dans notre
expérience elle est en moyenne de 70 jours.
- L’invasion s’annonce par les prodromes de la maladie qui s’étalent sur 2 à 4
jours. Le patient se plaint de troubles d’ordre sensoriel en particulier de
prurit, de fourmillements, de douleur au niveau de la morsure et on note des
fois un changement de caractère.
- Phase d’état
Il s’agit d’un tableau d’excitation psychomotrice fébrile avec
 Hallucinations et convulsion fréquentes
 Hyperesthésie cutanée, sensorielle qui explique l’exacerbation des
symptômes à la moindre excitation
 Une soif vive
 Surtout 2 signes principaux :
 L’hydrophobie ou spasme hydrophobique déclenché par un spasme
brutal au niveau des voies aéro-digestives supérieures lors de la
déglutition d’une gorgée de liquide.
Elle se manifeste par une contraction des traits, une lutte contre
l ‘entourage et des cris inarticulés lors des tentatives pour faire boire le
malade et même à la simple vue d’un verre d’eau.

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 L’aérophobie quant à elle peut être provoquée par un simple courant
d’air et le même spasme brutal
 Une hypersialhorée en rapport avec le spasme hydrophobique
 Une fièvre à 39-40° voire 41° c
 Des signes d’atteinte neuro-végétative : sueurs abondantes, pouls et TA
irréguliers, rythme respiratoire irrégulier.
 Le malade reste longtemps conscient gardant son intelligence intacte
jusqu’au coma terminal.

L’évolution est inéluctablement fatale en 3 à 5 jours dans un tableau de spasme


hydrophobique ou par arrêt cardiaque ou respiratoire.
Ce tableau d’atteinte neuro-végétative au décours d’une morsure ou griffure d’animal
doit faire évoquer le diagnostic de rage humaine surtout si le patient n’a pas de reçu de
vaccination post exposition.
Cependant cette hypothèse doit toujours être confirmée par un laboratoire spécialisé.
En Côte d’Ivoire, il s’agit de l’Institut Pasteur de Côte d’Ivoire.

- Arguments biologiques
Le diagnostic de rage doit être rapide et exact car c’est en fonction de celui-ci
que sont prises des mesures thérapeutiques pour l’individu mordu aussi bien que
de prophylaxie pour la collectivité.

Le diagnostic repose :
- D’une part sur l’observation clinique de l’animal mordeur pendant 15
jours, surtout s ‘il ne présente aucun symptôme
- Et d’autre part sur les prélèvements biologiques

Ces prélèvements concernent aussi bien l’animal suspect que l’homme


malade
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o Diagnostic chez l’animal
Lorsque l’animal suspect est mort, on recherche les corps de NEGRI à partir
d’analyses histologiques des empreintes du cerveau par la coloration de
SELLERS et à l’immunofluorescence directe. Ce sont des inclusions
intracytoplasmiques acidophiles présentes dans le cytoplasme des neurones.
On peut aussi isoler le virus à partir de l’inoculation des souriceaux par voie
intracérébrale et maintenant de plus en plus sur culture cellulaire.

o Diagnostic chez l’homme


Il repose sur les examens de laboratoire. Des prélèvements doivent être réalisés
et répétés chez le patient suspect : salive, larmes, biopsie cutanée, LCR avec
recherche de l’antigène rabique par immunofluorescence directe.
Cette technique est également appliquée sur la biopsie cérébrale chez le patient
en phase terminale.
Il est également possible d’isoler le virus sur culture cellulaire à partir de ces
divers prélèvements.
Enfin, dans le sérum et le LCR, on peut mettre en évidence des anticorps
spécifique (IgM) à partir du test Elisa dès les 2 premiers jours de l’évolution
clinique.
Des techniques de PCR (Polymerase Chain Reaction) sont utilisables pour la
recherche d’ARN viral dans des laboratoires spécialisés.
Du vivant du malade, le diagnostic biologique n’est pas toujours facile et il faut
si possible associer plusieurs techniques.
En post mortem, l’examen est toujours positif comme chez l’animal avec mise
en évidence de corps de NEGRI spécifiques en immunofluorescence directe du
tissu cérébral.

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2.2.2 Les formes cliniques
 La rage paralytique = moins fréquente
Elle réalise un tableau de paralysie ascendante de type LANDRY avec paralysie
flasque intéressant les membres inférieurs, les membres supérieurs, la face, le
tronc, les sphincters. A cela s’ajoutent une paralysie respiratoire, des troubles de
la déglutition et des troubles bulbaires emportant le malade en 5 à 12 jours.

 La rage démentielle, plus rare


Caractérisée par une agressivité avec des crises de folie furieuse qui évolue
rapidement vers le coma et la mort

 La rage de l’enfant
Réalise un tableau atypique où l’hydrophobie, les paralysies et la fureur peuvent
manquer. Il s’agit plutôt d’un délire avec syndrome méningé franc.

 La rage de laboratoire
Elle provoque une forme atténuée avec paralysie ascendante et troubles
bulbaires.

2.3 Diagnostic différentiel


Le tableau clinique de la rage humaine peut faire évoquer plusieurs pathologies
notamment les méningo-encéphalopathies retrouvées en région tropicale.
Il s’agit :
 De méningite aiguë notamment bactérienne
 Des encéphalites virales dues au virus de la rougeole et au VIH
Mais aussi du tétanos, tétanos et rage peuvent coexister
 Du delirium tremens
 De l’hystérie quand il s’agit de la forme démentielle.
Lorsque ces diagnostics sont éliminés, nous devons traiter.

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III - TRAITEMENT

3.1Traitement curatif

Il n’existe aucun traitement de la rage déclarée et celle-ci est constamment mortelle


chez l’homme.
On applique dès lors un traitement symptomatique qui consiste à :
- Hospitaliser et isoler le malade pour éviter tout stimulus et toute
manipulation
- Administrer des sédatifs pour diminuer l’anxiété et les douleurs, des
antipyrétiques contre la fièvre
- Assurer l’hydratation ainsi que la diurèse par des perfusions de sérum
physiologique et de diurétiques par voie intraveineuse
- Permettre la respiration en pratique au besoin une trachéotomie
Des essais thérapeutiques sont à l’essai avec l’interféron.

3.2Traitement préventif

C’est l’essentiel du traitement de la rage. Il comprend d’une part la prophylaxie de la


rage animale et d’autre part la prophylaxie de la rage humaine.
 Prophylaxie de la rage animale
Elle s’articule autour de 3 mesures essentielles basées sur la lutte contre la rage
canine
- Élimination des chiens errants
- Vaccination des chiens domestiques
- Interdiction de la divagation des chiens sur la voie publique.

Ces mesures ne peuvent être effectivement réalisées sans l’adhésion des autorités
sanitaires et de la population. Elles ne sont que peu appliquées dans le monde tropical.

 Prophylaxie de la rage humaine

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Les mesures prophylactiques après exposition sont :
 Traitement local de la plaie
Devant toute morsure ou griffure par un animal, il faut d’abord désinfecter la blessure
en urgence en lavant à l’eau et au savon, puis après rinçage en appliquant un
antiseptique tel qu’eau de Javel, ou Dakin ou un ammonium quaternaire.
Les plaies importantes doivent être pansées et la suture est différée jusqu’à l’exclusion
du diagnostic de rage chez l’animal mordeur. Une antibiothérapie doit être associée
(Macrolides, tétracyclines) pour éviter l’infection de la morsure par des germes
pouvant être transmis par l’animal.
Une prophylaxie du tétanos est bien sûr appliquée.

 Sérothérapie antirabique
Elle est indiquée dans les morsures graves lorsque l’on redoute une rage à incubation
brève. Elle n’à d’intérêt que dans les 3 premiers jours après la morsure.
Les immunoglobulines humaines spécifiques sont mieux tolérées et s’administrent à la
posologie de 20 UI/kg par voie IM.
Cependant, elles sont plus coûteuses et peuvent être difficiles à obtenir, notamment
dans certains pays pauvres. Dans ce cas, on donne un sérum hétérologue de cheval à
raison de 40 UI/kg en injection IM en procédant à une désensibilisation préalable par
la méthode de BESREDKA afin d’éviter les classiques accidents sériques.

 Vaccination curative
Ces vaccins sont dispensés dans des centres spécialisés. A Abidjan il s’agit de l’INHP.
Ce sont des vaccins tués, obtenus par cultures cellulaires. Les nouveaux vaccins ont
une excellente immunogénicité et n’ont pratiquement pas d’effet secondaire (fièvre
modérée pendant 24 à 48 heures). C’est le cas des vaccins Pasteur ; le traitement
vaccinal peut être fait selon 2 modalités :

- 5 injections par voie IM dans le deltoïde aux jours : J0, J3, J7, J14 et J30
- 4 injections : 2 injections IM à J0 (une dose dans chaque deltoïde), une à J7 et à J21.

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Ces 2 schémas : « ESSEN » de 5 injections ou « ZAGREB » court de 4 injections
n’ont aucune contre indication et sont validés par l’OMS pour leur séroprotection
efficace et leur acceptabilité par les patients.

INDICATIONS DE LA VACCINATION CURATIVE


En cas de morsure 5 types de situation
1er cas : L’animal « mordeur » est inconnu (disparu) ou son cadavre détruit :
Traitement vaccinal complet

2e cas : L’animal est mort, son encéphale intact : envoyer d’urgence la tête de
L’animal dans de la glace à l’Institut Pasteur ; débuter le traitement
Vaccinal ; l’interrompre si le diagnostic est négatif

3e cas : L’animal est vivant et non suspect le jour de la morsure : mettre l’animal en
Observation vétérinaire ; ne pas débuter de traitement ; vacciner si
apparaissent chez l’animal des signes de rage ; si l’animal est vivant au 15e
Jour, il ne peut être contaminé et la surveillance est donc interrompue
(aucun traitement n’est instauré)

4e cas : L’animal est vivant et suspect au 1er examen vétérinaire : mettre l’animal en
Observation ; débuter le traitement vaccinal et l’interrompre si l’animal est
toujours vivant au 15e jour.

5e cas : le sujet mordu a déjà été vacciné avant l’exposition : une injection de rappel
doit être réalisé.

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Tableau récapitulatif

Etat de l’animal mordeur Observation Traitement de l’homme

1/ Inconnu, disparu, détruit Non examiné Vaccination immédiate et complète

Tête à l’IP vaccination immédiate


2/ mort mais encéphale arrêter si diagnostic négatif,
intact poursuivre si diagnostic positif

Pas vaccination immédiate, vacciner


3/ vivant et non suspect 1 examen sain
er
si ultérieurement signes de rage
chez l’animal

1er examen suspect Vaccination immédiate interrompue


4/ vivant et suspect si animal vivant au 15e jour ou si
signes se négativent

5/ inconnu Si sujet vacciné, rappel vaccinal

Les mesures prophylactiques avant exposition :

Elles sont basées sur la vaccination préventive humaine


Elles sont indiquées pour les sujets exposés de par leur profession :
- vétérinaires, gardes-chasse, forestiers, éleveurs, agriculteurs et personnels de
laboratoires
- voyageurs et enfants en zone d’endémie

Elle utilise les mêmes vaccins que ceux cités pour la vaccination post exposition ; le
protocole le plus efficace et donc recommandé par l’OMS prône une injection à J0, J7
et J28 et un rappel à 1 an puis tous les 5 ans.

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