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UNIVERSITE DE BATNA 2

FACULTE DE MEDECINE
MODULE DE MICROBIOLOGIE
3ème ANNEE MEDECINE
PR. Ag BOUKHALFA.

Plan:
Objectifs pédagogiques.
I. Introduction.
II. Classification, taxonomie.
III. Morphologie, structure.
IV. Propriétés physico-chimiques.
V. Cycle de multiplication.
VI. Pathogénie.
VII. Epidémiologie.
VIII. Diagnostic au laboratoire.
IX. Traitement, prévention.
X. Références.

Objectifs pédagogiques:
1. Etude virologique, clinique et épidémiologique du virus de la rage.
2. Développer ses connaissances dans le diagnostic virologique du virus de la rage.
I. Introduction :
La famille des Rhabdoviridae (du grec rhabdo= baguette) regroupe une très grande variété
d’agents pathogènes extrêmement répandus dans la nature.
Parmi eux, le virus de la rage pathogène pour l’homme contre lequel Pasteur et ses coll ont
mis au point un vaccin.
La rage, maladie infectieuse contagieuse due à un lyssavirus, est une encéphalomyélite aigue
qui peut atteindre tous les animaux à sang chaud : C'est une anthropozoonose cosmopolite qui
touche accidentellement l'homme.
Elle est due à un virus à ARN à tropisme cérébral.
Il s'agit d'une infection toujours mortelle lorsqu’elle est déclarée. Néanmoins, et depuis les
travaux de pasteur (1885), un vaccin antirabique existe et a permis de diminuer la mortalité.
Maladie à déclaration obligatoire (MDO).

II. Classification, taxonomie :


Les Rhabdovirus appartiennent à l’ordre des Mononégavirales.
Il s’agit de virus dont le génome est un ARN négatif non segmenté.
Il existe plus de 70 espèces chez les seuls vertébrés.
Les Rhabdovirus des plantes: forme un groupe distinct séparé en 2 sous-groupes A et B.
Les rhabdovirus des mammifères: ont été divisés en deux genres sur la base de différences
antigénique et biochimique.
Le genre Vésiculovirus: on classe dans ce genre le VSV (virus de la stomatite vésiculeuse)
des chevaux et des bovidés. Inoffensif chez l'homme, il a permis l'étude des Rhabdovirus.
Le genre Lyssavirus : où on retrouve le virus de la rage.
On identifie jusqu'à présent, 7 génotypes.
Le 1 (rage proprement dit) est de dispersion presque mondiale, les 2 (Lagos bat), 3 (Mokola),
4 (Duvenhage) sont africains, les 5 et 6 sont européens alors que le 7 de découverte récente,
est australien.
A l'exception du génotype 2, tous les génotypes sont à l'origine de contaminations humaines.
Les rhabdovirus des poissons: se partagent entre le genre vésiculovirus et lyssavirus.

III. Morphologie, Structure :


Le virus rabique est un virus enveloppé présentant une forme d’obus ou de balle de fusil.
La taille des virions est de 100-300 nm de long sur 75 nm de diamètre, constitués d’une
nucléocapside de symétrie hélicoïdale entourée d’une enveloppe lipidique.
D’environ 8 nm de d’épaisseur, l’enveloppe virale comporte deux protéines d’origine virale.
La glycoprotéine G (70 kd), en position transmembranaire, s’associe sous forme de trimères
pour constituer des spicules.
Ces spicules distants d’environ 5 nm donnent au virus son aspect hérissé.
L’enveloppe virale est tapissée intérieurement par la protéine de matrice M ou M2.
La nucléocapside (NC) est constituée de l’ARN génomique (environ 12000 nucléotides)
associé à trois protéines virales:
la nucléoprotéine phosphorylée N (protéine majeure d’encapsidation), l’ARN polymérase
ARN dépendante L, et la phosphoprotéine P (M1).
L’ARN génomique est linéaire, monocaténaire, non segmenté, non polyadénylé et de polarité
négative.

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IV. Propriétés physico-chimiques :
Le virus rabique est très fragile.
Il est inactivé par des pH inférieurs à 4 et supérieurs à 10.
Il est inactivé en quelques minutes à 60°C.
A 40°C sa demi vie est d’environ 4 heures.
Il reste infectieux plusieurs jours entre 0 et 4°C.
Conservé à -70°C ou lyophilisé à +4°C, il reste stable plusieurs années.
Il est détruit par les ammononiums quaternaires, les détergents ioniques et non ioniques, les
solvants organiques (éther, chloroforme, éthanol).
Il est sensible aux rayonnements ultraviolets et ionisants.

V. Cycle de multiplication :
Les animaux de laboratoire les plus sensibles sont : le lapin, le hamster et la souris.
Les cellules les plus utilisées : les cellules fibroblastiques humaines, les cellules rénales de
hamster (BHK21) et les cellules embryonnaires de poulet.
La multiplication est intra cytoplasmique (d'inclusions caractéristiques: les corps de Négri).
Le cycle est lent, et non lytique, avec plusieurs étapes :
1) Adsorption: elle se fait sur un récepteur spécifique sur la membrane cytoplasmique de la
cellule hôte et ce grâce aux spicules.
2) Pénétration : elle se fait soit par fusion des membranes: enveloppe - membrane
cytoplasmique, soit par endocytose et par la suite la membrane virale fusionne avec la paroi
des endosomes.
3) Décapsidation : est très locale au passage du complexe polymérasique, réalisée grâce aux
enzymes cellulaires.
Transcription et réplication sont exclusivement cytoplasmiques.

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4) Transcription :
- Elle doit précéder la réplication.
- Elle aboutit à la formation de 5 ARN messagers grâce à la transcriptase virale.
- La traduction de ces ARNm Sur les ribosomes cellulaires donne les protéines virales N,
P, M, G et L.
5) Réplication: c'est la formation d'un ARN positif dont l'amplification donne des ARN
négatifs qui vont servir de génomes pour les futures virions.
6) Assemblage -maturation- libération : l'assemblage se fait au niveau de la membrane
cytoplasmique.
L’encapsidation, grâce à la protéine N, débute dès la synthèse de l'extrémité 5' de l’ARN.
Le virus est libéré par bourgeonnement.

VI. Pathogénie :
La transmission est surtout cutanée : le virus pénètre à l'occasion d'une brèche au niveau de la
peau par morsure (5 à 80% de risque), griffure (0.1 à1% de risque), ou léchage sur une
blessure.
Le virus ne pénètre pas les téguments intacts, mais peut franchir les muqueuses saines.
Après inoculation, le virus se multiplie localement (amplification indispensable à l'infection).

Après amplification, le virus gagne une jonction neuromusculaire, puis un nerf ascendant puis
neurone qui est la cellule idéale de sa multiplication, de là, il gagne le SNC en quelques
heures (voie centripète).

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Dans le SNC, le virus se localise au niveau des cornes d'Ammon et s'y multiplie pour donner
des inclusions intra cytoplasmiques spécifiques, appelées corps de Négri.
Ces inclusions sont retrouvées, au début, au niveau du lobe temporal, surtout l'hippocampe,
puis dans Tout le SNC.
Par la suite, le virus diffuse dans l'organisme par voie centrifuge, Il est alors retrouvé dans la
salive (glandes salivaires), la cornée, les conjonctives, les urines, la muqueuse nasale….

Clinique :

Chez l’homme, l'incubation varie entre 20 et 40 jours avec des extrêmes de


7 jours à 6 mois ou une année et même deux ans.
L'infection commence par des signes discrets, Ce sont les prodromes: troubles nerveux de la
région mordue = fourmillements, douleurs, prurit au niveau de la morsure même cicatrisée,
ces signes peuvent être accompagnées par une fièvre, une asthénie des signes digestifs et
neurologiques avec parfois modification du caractère du sujet infecté (tristesse, anxiété,
abattement, solitude, irritabilité, excès d'affection, pleurs……).
Phase d’état : Les prodromes sont suivis par les signes cliniques caractéristiques de la rage.

Il existe 2 formes essentiellement :


1/Forme spastique (furieuse):
- Elle est caractérisée par une grande excitabilité motrice et sensorielle : Toute stimulation
sensorielle ou tactile provoque des spasmes douloureux, des contractures, des tremblements,
un changement de la voix, une déglutition impossible, une photo et hydro et même
aérophobie, une sensibilisé aux bruits, parfois des hallucinations, fièvre> 40°C, convulsions
et coma.
- La mort survient en 3 à 7 jours.
2/ Forme paralytique : la forme tranquille ou muette.
- Elle est caractérisé par l'apparition de paralysies: monoplégie, paraplégie ou quadriplégie.
- La mort survient généralement, par paralysie des muscles respiratoires en moins de 14
jours.
3/ Forme démentielle : extrêmement rare, en Afrique Noire.
-Elle est caractérisée par une grande agitation, une violence et une agressivité extrême.
-Le malade finit par s'épuiser, tombe dans le coma puis meurt.

VII. Epidémiologie :
Les virus rabiques sont entretenus par les espèces animales qui constituent le réservoir naturel
de la maladie.
On distingue deux cycles de la rage selon le réservoir du virus:
• La rage selvatique: Le réservoir du virus est constitué par la faune sauvage (loup, renard,
chacal, furet, raton laveur, moufette, belette (Europe, Amérique du Nord)…… Il faut noter
que les herbivores sauvages (cerf, antilopes, chevreuil…) peuvent transmettre indirectement
ou même directement l'infection à l'homme.
• La rage canine ou rage des rues : le chien constitue le principal réservoir du virus, chat mais
aussi les bovins, les ovins, les caprins et même le perroquet.
Elle prédomine dans les pays ou persistent de nombreuses populations de chiens errants
(Amérique du Sud, Afrique, quelques pays du pourtour méditerranéen, et Europe centrale).
• La rage des chiroptères: constitue un troisième cycle. Sont en cause les chauves-souris
hématophages ou vampires en Amérique latine.
Le risque de contamination dépend de l’espèce de l’animal mordeur, du biotype du virus
inoculé, de la quantité de particules virales présentes dans la salive, du nombre et de
l’importance des morsures et de la richesse en terminaisons nerveuses de la zone mordue.
La rage est une maladie qui peut être évitée grâce à la vaccination et qui touche plus de 150
pays et territoires.
40% des personnes mordues par un animal chez qui il existe une suspicion de rage ont moins
de 15 ans.

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La rage canine est toujours prédominante dans 93 % des pays d’Afrique, 73% des pays
d’Amérique, 72% des pays d’Asie.
En Europe, la rage canine sévit encore en Géorgie, Lituanie, Turquie, Pologne et Roumanie.
La rage des chauves-souris est le seul type signalé aux pays bas, elle est présente en Europe et
occupe la deuxième place aux USA.
La rage existe sur tous les continents, à l’exception de l’Australie, de l’Antarctique et
certaines grandes îles comme l’Angleterre, Chypre, la Nouvelle Zélande et le Japon grâce à
une mise en quarantaine draconienne imposée à l’importation de chiens et chats.

Chaque année, plus de 29 millions de personnes dans le monde sont vaccinées après
exposition pour prévenir la survenue de la rage, cette vaccination prophylactique permettrait
d’éviter des centaines de milliers de décès par an.
La rage tue chaque année des dizaines de milliers personnes dans le monde, principalement en
Asie et en Afrique.
En Algérie en 2003: le chien reste le principal animal mordeur avec 39 wilayat infectées, 889
foyers et 954 cas de rage animale déclarée.
334 prélèvements pour diagnostic de rage ont été reçus par l’institut Pasteur d’Algérie (IPA)
et ont donné 159 résultats positifs.
Entre 2006 et 2008, 69 décès ont été déclarés et plus de 70 000 traitements ont été dispensés
en 2007.

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Répartition des foyers de rage animale
en Algérie en 2008

VIII. Diagnostic au laboratoire :


A/ Prélèvements:
Chez l’animal, le diagnostic s’effectue uniquement en post-mortem à partir du cortex, de
l’hippocampe et du bulbe rachidien, et glandes salivaires.
Chez l’homme, le diagnostic post-mortem s’effectue à partir des mêmes prélèvements.
Le diagnostic intra-vitam porte sur la salive, le sérum, et des biopsies cutanées (au niveau de
la nuque ou du menton).
La sensibilité du LCR et des calques de cornée est faible.
B/ Examens directs:
1- Coloration de Sellers:
On procède à l'étalement et à la fixation sur lame de la matière cérébrale puis on ajoute le
colorant de Sellers (bleu de méthylène, fushine) pendant 5 minutes.
On recherche les corps de Négri au microscope optique.
Ce sont des structures arrondies éosinophiles présentes dans le cytoplasme des neurones
mesurant de 0,2 à 27 µm de diamètre et apparaissent comme une matrice hétérogène de
couleur rouge magenta dans laquelle on distingue 1 à 4 inclusions bleu foncé à noir.
Examen non pathognomonique et positif : 60 à 70%.

Corps de Négri

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2-IFD:
Qui permet la mise en évidence d’antigènes rabiques dans les prélèvements infectés (tissus
nerveux, glandes salivaires.....). C’est la technique de référence, rapide et spécifique.
On utilise des anticorps antinucléocapside conjugués à l’isothiocyanate de fluorescéine.

C/ L’isolement du virus rabique sur cellules en culture (neuroblastomes murins):


Le virus entraine la formation d’inclusions virales révélées au bout de 18 h d’incubation après
fixation des cellules et détection avec un conjugué antinucléocapside rabique en
fluorescence.

D/ Isolement du virus sur souris/souriceaux:


les souriceaux nouveau-nés sont inoculés par voie intra-cérébrale.
La mortalité s’observe du 3ème aux 21 jours après inoculation.
Des souriceaux sont sacrifiés aux 7ème, 9ème et 11ème jours, leur matière cérébrale aspirée,
elle sera étalée sur lame et les antigènes détectés en immunofluorescence.

E/ La détection enzymatique:
D’antigènes rabiques, technique ELISA appelée RREID (Rapid Rabies Enzyme Immuno
Diagnosis).
Elle est basée sur la détection des nucléocapsides rabiques dans les prélèvements de corne
d’Ammon, de bulbe, de salive et de LCR humains et animaux.
C’est une méthode par immunocapture utilisant des anticorps antinucléocapside du virus de
sérotype 1.

F/ PCR: Technique très sensible et très spécifique.

IX. Traitement, prévention :


A/ Local:
• Nettoyage de la plaie avec du savon ou de l'eau javellisée ou aux ammoniums quaternaires.
• L'infiltration du sérum antirabique est indispensable en cas de morsures grave.
• Ne jamais suturer dans les premières 48 h, sauf si c'est vital, pour ne pas favoriser la
multiplication locale du virus

B/Traitement adjuvant:
• La salive des carnivores héberge Pasteurella multocida, il faut administrer des tétracyclines
dans ce genre de cas.
• De plus, il faut faire la prévention du tétanos.

C/ Traitement spécifique: Vaccination et Sérothérapie.


1/Sérothérapie:
Le sérum antirabique est préparé chez les équidés (cheval) : Le titre OMS est 80UI.
Il faut injecter, en une seule fois, 40UI/kg, mais pas moins de 800 UI car il y'a un risque
d'inefficacité.
En cas d'allergie vis à vis des protéines des équidés, il faut fractionner la dose.
Le sérum homologue (préparé sur volontaires) : permet d'éviter ces effets secondaires.
Il est administré à raison de 20 UI/kg.

2/ Vaccination :
Le vaccin utilisé en Algérie est un vaccin vivant atténué, à administrer une fois par an avec
rappel tous les ans.
Il existe deux types de vaccin commercialisés en Algérie :
1- Vaccin produit localement par l’IPA, sur cerveaux de souriceaux nouveau-nés, il est
présenté sous forme lyophilisée, il est reconstitué avec 2 ml de solvant de titre au moins
1,3UI/dose.

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Schéma vaccinal:
7 injections de J1 à J7dans la région péri-ombilicale à raison de 2 ml chez l’adulte et 1 ml
chez l’enfant de moins de 5 ans.
Rappel en ID à J11, J15 puis à J 30, J90 ou J25, J35 et J90 si sérothérapie associée.

2-Vaccin produit sur culture cellulaire titrant au moins 2,5UI/dose.


Schéma vaccinal:
J0, J3, J7 et J28 en IM dans le deltoïde.
Vaccins inactivés: immunité plus courte.
Vaccins préparés par génie génétique : vaccins recombinants ou à base d'ADN.

D/ Prophylaxie : Indispensable.

Vaccination des sujets à risque : Vétérinaires, personnel de laboratoires et des abattoirs, les
forestiers…. (3 injections IM ou ID a J 0, 7,21 ou 28, rappel à 1 an puis tous les 5 ans).
-Vaccination des animaux.
- Abattage des animaux suspects.
- Lutte contre les animaux errants.

X. Références :
1. Collier L, Oxford J. Virologie Humaine 2000.
2. Benelmouffok A. Épidémiologie de la rage en Algérie. Bull. Acad. Vét 2004 ;
157 :61-66.
3. Révir 2ème édition 2007.

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