LA RAGE

OBJECTIFS PEDAGOGIQUES
1- Expliquer les mesures à appliquer après un contact avec un animal suspect de
rage.
2- Etre capable de décider qui vacciner, quand vacciner et comment vacciner contre
la rage ?
3- Préciser la période d’incubation de la rage humaine et le temps de contagiosité
salivaire chez les animaux infectés.

INTRODUCTION
La rage est une zoonose très répandue, transmissible à l’homme par la salive des
animaux infectés, le plus souvent après morsure. Elle est responsable d’une
encéphalomyélite virale toujours mortelle et dont le traitement ne peut être que
préventif.
EPIDEMIOLOGIE
Un programme national de lutte contre la rage a été mis en place en 1986.
Evolution des cas de rage humaine au Maroc
Au Maroc, la rage a des caractéristiques épidémiologiques particulières : 54% sont
âgés de moins de 20 ans, 73% de sexe masculin et 79% d’origine rurale.
L’animal mordeur est un chien dans 89% des cas et un chat dans 5%.
PHYSIOPATHOLOGIE
_ Après introduction dans l’organisme, le virus rabique migre le long des nerfs
périphériques jusqu’au ganglion spinal puis de là atteint le système nerveux central
(SNC) dans les 72 heures. C’est la localisation élective dans les cellules du
rhinencéphale qui conditionne l’hôte à mordre furieusement.
_ Après réplication au niveau de SNC, c’est également par voie nerveuse que se fait
la diffusion centrifuge du virus. Elle se fait vers plusieurs organes, notamment les
glandes salivaires des animaux infectés.
Il faut noter que la salive de l’homme malade est peu virulente, ce qui explique que,
jusqu’à présent, aucun cas de transmission interhumaine par morsure n’a été
rapporté.
TABLEAU CLINIQUE DE LA RAGE HUMAINE
Les animaux malades font une rage furieuse ou paralytique mortelle au plus tard en
15 jours.
1. INCUBATION :
Silencieuse, elle dure 20 à 60 jours avec des extrêmes allant de 15 jours à 12 mois.
Cette longue incubation de la rage permet, en cas de contamination, d’entreprendre
la vaccination dès le contact infectant reconnu, faisant ainsi apparaître l’immunité
avant que la maladie ne se déclare.
2. SIGNES PREMONITOIRES :
Ils précédent la période d’état de quelques heures à jours. Il’agit de fourmillements et
de démangeaisons au niveau de la morsure, de troubles du caractère (angoisse,
insomnie, logorrhée), de fièvre, de douleurs abdominales, nausées, vomissements et
diarrhées.
3. PERIODE D’ETAT : DEUX FORMES CLINIQUES
3.1 Rage furieuse ou spastique
- Excitation psychomotrice majeure :
- Le malade ne tient pas en place, crie, hurle, crache et parfois cherche à mordre.
- Hallucinations effrayantes
- Hyperesthésie cutanée et sensorielle exacerbée par la moindre excitation. Cette
hyperesthésie sensorielle est à l’origine d’une AEROPHOBIE et provoque le spasme
HYDROPHOBIQUE caractéristique de la rage humaine et responsable de
l’impossibilité de boire et d’une agitation extrême à la vue de l’eau.
- Salivation exagérée
- Signes neurovégétatifs : température à 40°c, respiration irrégulière, sueurs
- L’état de conscience est normale.
3.2 Rage paralytique
- Débute par des douleurs des membres supérieurs
- Puis la survenue de paralysies flasques des membres inférieurs se généralisant de
bas en haut
- Et évolue vers l’atteinte bulbaire responsable du décès.
4. EVOLUTION
La rage est CONSTAMMENT MORTELLE en 3 à 6 jours au cours d’un spasme
pharyngé ou par arrêt cardiaque ou respiratoire.
DIAGNOSTIC
1. POSITIF
Il est uniquement clinique. La rage est reconnue sur :
- La notion de morsure ou de contact avec un animal suspect de rage ou enragé
- (Notion parfois difficile à obtenir du patient)
- L’hydrophobie et l’aérophobie apportent la quasi certitude diagnostique
- Cependant, au moindre doute, il faut demander une autopsie avec examen
anatomopathologique des cornes d’Amon.
2. DIFFERENTIEL :
2.1 RAGE FURIEUSE
Se pose rarement avec le delirium tremens et l’accès maniaque, mais dans ces cas il
n’y a ni hydrophobie ni aérophobie.
2.2 RAGE PARALYTIQUE :
Le diagnostic se pose avec les encéphalomyélites et, surtout avec les anciens
vaccins, les accidents paralytiques de la séro-vaccination anti-rabique mais, dans ce
cas, la paraplégie est douloureuse, il n’y a jamais de phobie et l’évolution se fait vers
la régression.
TRAITEMENT
- Le traitement de la rage déclarée est totalement décevant : utilisation des moyens
de réanimation les plus sophistiqués et administration d’immunoglobulines
spécifiques pendant 2 à 3 mois.
- En pratique, au Maroc, il faut administrer de fortes doses de sédatifs pour obtenir
un coma thérapeutique qui évite au malade l’angoisse de cette mort qui survient
dans des conditions intolérables. Il faut également assurer un apport hydrique par
voie veineuse pour lutter contre la soif.
PREVENTION
1. MESURES PERMANENTES DE PROPHYLAXIE :
- vis à vis de la population : éducation sanitaire
- vis à vis des animaux :
_ élimination des chiens errants.
_ vaccination des animaux domestiques.
_ contrôle sanitaire aux frontières.
2. MESURES EN CAS D’EXPOSITION :
_ traitement local des plaies : Le traitement local immédiat de toutes les blessures
par morsure ou griffures qui risquent d’être contaminés par le virus rabique contenu
dans la salive d’un animal enragé est le geste le plus utile et le plus simple. Il ne doit
pas être négligé même si le blessé n’est vu que plusieurs heures ou jours après la
morsure. Il s’agit :
_ du lavage soigneux à l’eau et au savon et rinçage abondant
_ de l’application d’un antiseptique : alcool, teinture d’iode, dakin, polyvidone iodée
(Bétadine®,Bétanet®), Cétavlon®…
_ Evaluation de la gravité des lésions (centre anti-rabique) :

_ Décisions thérapeutiques :
_ Sérum antirabique : Infiltration locale au niveau de la plaie avec du sérum
antirabique lorsque les risques de contamination sont graves (Gravité 3 ou 4). Les
immunoglobulines antirabiques sont administrées en une fois, en même temps que la
première dose de vaccin.
La posologie est de 20 UI/Kg pour les immunoglobulines humaines et 40 UI/Kg pour
les immunoglobulines équines. En fait, une partie est infiltrée autour et dans la plaie,
le reste est injecté par voie IM à distance du site de vaccination.
_ Parage et désinfection : éviter de suturer les plaies qu’il faut parer, désinfecter et
panser à plat sauf en cas d’indication formelle pour des raisons esthétiques ou
fonctionnelles.
_ Prophylaxie antitétanique : le praticien ne manquera pas de vérifier la vaccination
antitétanique et de pratiquer si besoin une injection de rappel.
_ Antibiothérapie : La pasteurellose étant une complication fréquente des morsures
(de chat surtout). La tétracycline est conseillée chez l’adulte, l’érythromycine chez les
enfants de moins de 8 ans et les femmes enceintes.
_ Vaccination antirabique : les vaccins actuellement disponibles sont totalement
inactivés et purifiés. Ils ne contiennent pas de substance nerveuse et ne peuvent
donc pas provoquer d’accidents neuro-paralytiques qui faisaient jadis leur mauvaise
réputation.Etant inactivés,ils ne peuvent en aucun cas provoquer de “rage vaccinale”.
Les protocoles de vaccination recommandés par l’OMS sont :
- Soit le protocole comportant un total de 5 doses en 5 visites : 1 dose de
vaccin à J0, J3, J7, J14 et J28.
- Soit le protocole comportant un total de 4 doses en 3 visites : 2 doses à J0
(une dans chaque bras), 1 dose à J7 et 1 dose à J21. C’est le protocole
actuellement utilisé.
L’injection se fait en intra-musculaire, dans le muscle deltoïde (et non dans la fesse).
Chez les très jeunes enfants, l’injection sera faite dans le muscle de la face
antérieure de la cuisse.
_ Mise en observation de l’animal mordeur :
Le virus peut être excrété dans la salive de l’animal mordeur plusieurs jours avant
l’apparition des signes de rage. C’est ce qui justifie la mise en observation de l’animal
pour le sacrifier, en cas d’apparition des symptômes, afin d’examiner son cerveau.
Cette période d’excrétion virale asymptomatique diffère selon l’espèce. Elle est de 1
jour pour les chats, de 3 jours (avec des extrêmes de 1 à 7 jours) pour les chiens.
Ainsi, la mise en observation pendant une durée de 15 jours semble être suffisante
pour les chats et chiens.