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Pathologie inflammatoire et dégénérative de l’ATM 

Cours de 4ème année. 2020-2021. Dr KHELIFA M

Introduction :

• Longtemps considérées comme des affections de moindre importance excepté dans


leurs formes les plus graves, les atteintes inflammatoires des ATM doivent pourtant
attirer l’attention des praticiens.
• En effet, si les conséquences gravissimes des atteintes majeures sont connues depuis
longtemps (déformations faciales par perte de hauteur faciale postérieure, ankylose),
d’autres formes moins sévères sont souvent «sous-diagnostiquées» et confondues
avec des dysfonctions «classiques» de l’appareil manducateur (DAM).
• La reconnaissance précoce des PI des ATM est donc primordiale pour une prise en
charge adaptée des patients.
Sémiologie :
Clinique : voir cours ATM « DAM »
Diagramme de Farrar.
1. Trajet condylien physiologique ;
2. 2a, 2b. inflammation articulaire (déviation vers le côté sain, ouverture réduite) ;
3. 3a. luxation discale réductible ; 3b. luxation discale réductible à rattrapage tardif ;
4. 4a. Luxation discale irréductible (mouvements limités et déviation vers le côté
bloqué) ;
4b. luxation discale irréductible chronique (augmentation de l’amplitude
d’ouverture) ;
4c. Luxation discale irréductible ancienne ;
5. arthrose (réduction importante de l’amplitude) ;
6. distension ligamentaire.

b. Biologique :
1. marqueurs sériques d’inflammation aiguë (Syndrome inflammatoire) :
* Un hémogramme : à la recherche d’une anémie inflammatoire (hb↘ plt↗),
* la VS à la première heure,
* un dosage de CRP sérique.
* L’électrophorèse des protéines sériques (augmentation des alpha2-globulines en lien
avec l’augmentation des protéines de l’inflammation).
*La présence d’un syndrome inflammatoire n’est en rien spécifique, mais permet, dans
la plupart des cas, de faire la part entre une atteinte dégénérative ou inflammatoire.
2. Examens sérologiques :
 Les facteurs rhumatoïdes (FR) : sont des auto-anticorps, principalement
d’isotype IgM (parfois d’isotype IgG ou IgA), dirigés contre le fragment Fc (la
partie constante) d’IgG humaines et/ou animales. Leur détection est
historiquement réalisée par deux techniques.
 pour la prescription, les termes de « latex » et de « Waaler-Rose » sont devenus
obsolètes et doivent être remplacés par le terme générique : « recherche de
facteurs rhumatoïdes ».

• La présence de FR à des taux élevés (supérieur à trois fois la valeur seuil de


positivité du test utilisé) a une plus grande valeur diagnostique pour la PR.
• Les FR peuvent être décelés dans de nombreuses autres maladies tel que :
Syndrome de Sjögren primitif (70 à 90 %) Lupus érythémateux systémique (25 à
40 %) Sclérodermie systémique (20—30 %).
• La sensibilité du test varie également en fonction du stade de la maladie, et cette
sensibilité est faible au stade précoce.

3. Le dosage des anticorps anti-protéines citrullinées (ACPA) :

• La valeur diagnostique des ACPA varie en fonction de leur taux, du stade et/ou
de la durée d’évolution de la maladie.
• Analyse du liquide synovial : exceptionnellement réalisée, peut être
également informative : germe à l’examen direct, voire en culture (bacille de
Koch) en cas d’arthrite septique, mise en évidence en microscopie de cristaux
d’urate monosodique (goutte),
c. Radiologie :
• L’IRM apparaît comme l’examen de choix pour l’évaluation des tissus mous
articulaires et périarticulaires. Cet examen permet une évaluation des lésions
de l’appareil discal, des structures périarticulaires (capsulaire et synoviale).
L’IRM permet d’objectiver des lésions actives.
• Le scanner est l’examen permettant d’objectiver ce remodelage osseux. En
phase aigue, on observe une perte de la corticale. Les contours osseux sont
flous. En phase de cicatrisation, le nouveau condyle est bien observe au
scanner de même que sa recorticalisation.
• Le cone beam computed tomography (CBCT) permet une évaluation de l’os
des ATM et en particulier de l’état de l’os cortical.

III, Formes cliniques :


a. Arthrite septique : sont des infections graves, d’origine majoritairement hématogène
ou transmise par contiguïté soit la conséquence d’une effraction articulaire, extension
d’une affection de voisinage.
 arthrite aiguë : l’expression clinique est marquée par la douleur locale, la
tuméfaction inflammatoire et par l’impotence fonctionnelle (trismus). La bouche
reste entrouverte et la mobilisation est douloureuse, avec signes généraux
(hyperthermie) et des adénopathies prétragiennes et cervicales.
Les germes le plus souvent retrouvés sont les staphylocoques (60 %) ou les streptocoques (10
%).
 arthrite subaiguës et chroniques : le plus souvent dues soit à Actinomyces (où
l’atteinte articulaire est secondaire à l’atteinte osseuse) ou au bacille de Koch,
syphilis, gonococcie (mst), …
 L’arthrite de Lyme (borréliose) : est transmise à l’homme via une morsure de
tique du genre Ixodes infectée par Borrelia burgdorferi, elle évolue en 3
stades :
 Stade I :
 Stade II
 Stade III

 Arthrite septique après infiltration cortisonique in situ : (peu connue).


Elle est secondaire aux injections uniques ou répétées de cortisone dans l’ATM Une seule
injection intra-articulaire de cortisone est donc susceptible d’engendrer une arthrite TM avec
destruction osseuse.
Elle donne une souffrance typique de DAM et des lésions condyliennes à type de lyse et
d’inflammation. Ces injections sont pratiquées dans certaines arthropathies de l’ATM.

• Le traitement de toute arthrite septique constitue une urgence médicale et dans


certains cas une urgence chirurgicale.
• Antibiothérapie mise en œuvre rapidement après résultats des prélèvements
bactériologiques.
• Le choix des antibiotiques est dicté par l’antibiogramme, leur capacité de
diffusion au sein du site articulaire et de l’os adjacent, leur spectre d’activité
antibactérienne et bien entendu les antécédents du patient.
L’association initiale de deux antibiotiques bactéricides et synergiques administrés par voie
intraveineuse est le plus souvent indispensable en traitement d’attaque.
b. Les pathologies rhumatismales inflammatoires :
• De manière générale, les affections rhumatismales sont des pathologies
complexes multifactorielles relevant de facteurs génétiques, environnementaux,
neuropsychologiques et immunologiques. Les mécanismes d’induction de ces
pathologies sont inconnus.
• Physiopathologie : sur des terrains favorisés, il apparait que des charges
excessives peuvent détruire les structures du tissu cartilagineux puis mettre à nu
l’os sous-jacent pour, à la fin, entrainer une perte des protéoglycanes et
glycosaminoglycanes (destruction cartilagineuse puis osseuse).
• Cliniquement : la douleur arrive en second lieu dans la fréquence des signes
fonctionnels.
• Elle présente un caractère inflammatoire (prédominance matinale), elle est
localisée en avant du conduit auditif externe, elle peut être perçue comme
auditive.
• Il n’y a pas d’irradiation particulière.
• Elle est d’intensité variable, rarement majeure.
• Elle est aggravée par la manducation, tout en en reconnaissant le caractère
inflammatoire, ce qui explique souvent une amélioration après une phase de
« dérouillage ».
• La limitation de l’ouverture buccale apparait progressivement, elle est rarement
présente au début de la maladie, sauf en cas de tableau inaugural débutant sur
l’ATM. Dans les formes les plus graves et après plusieurs années d’évolution,
une ankylose temporomandibulaire est possible aboutissant à une ankylose totale
de l’ATM.
• Il n’y a pas d’œdème facilement perceptible même en phase aigüe
1. Polyarthrite rhumatoïde (PR) : est une polysynovite destructrice à médiation
immune. Elle affecterait 0,5% de la population (OMS), avec une très nette
Prédominance féminine (2F+), le plus souvent entre 30 et 50 ans.
• La PR touche essentiellement les petites articulations périphériques et, afin de
porter un diagnostic précoce.
• Au cours de la PR, l’atteinte de l’ATM est bien décrite
• Historiquement, l’atteinte des ATM apparait 2ans après le diagnostic de PR avec
une prévalence variant selon les études entre 40 et 100%.
• L’atteinte des ATM s’observe essentiellement dans les formes sévères de la PR
avec présence de facteur rhumatoïde.
• L’atteinte des ATM précède la PR dans 6,5%, est concomitante dans 24% des cas
et suit dans 44% la PR. Son atteinte inaugurale lors de la PR est exceptionnelle.
2. Arthrite juvénile idiopathique (AJI) :
représente un groupe d’affections définies par la présence d’arthrites débutant avant l’âge de
16 ans, de durée supérieure à 6 semaines et sans cause identifiée.
• Elle reste une pathologie rare, mais non exceptionnelle.
• Lors de l’AJI, la principale complication redoutée est le microrétrognathisme.
3. Spondylarthrite ankylosante :
• Il s'agit d'une atteinte inflammatoire chronique du rachis et des articulations
sacro-iliaques avec ankylose par ossification des insertions ligamentaires et
tendineuses. Il s'associe des manifestations extra-articulaires.
• On estime la prévalence à 0,3 % de la population, concerne l'adulte jeune avec
une prédominance masculine : typiquement l'homme de 20 à 30 ans.
• Un terrain génétique est clairement associé avec l'appartenance au groupe HLA
B 27 dans plus de 90 % des cas.
La fréquence de l'implication de l‘ATM chez les patients atteints de spondylarthrite
ankylosante varie de 4% à 35%.
4. Traitement :
Le rhumatologue utilise pour la prise en charge thérapeutique des RIC le principe du « Treat
to Target » avec un renforcement des traitements jusqu’à l’obtention d’une rémission
clinique.
• Cette prise en charge « agressive » permet un meilleur résultat clinique avec
comme but l’absence de gonflement et de douleur articulaire.
• Cette stratégie a démontré une diminution des dégâts articulaires, une
amélioration de la qualité de vie et un moindre recours à la chirurgie
orthopédique.
• L’arsenal thérapeutique se base toujours en première intention sur les
traitements symptomatiques associés à un traitement de fond synthétique.
• En cas d’échec d’un traitement de fond, le rhumatologue y associe selon le
RIC un traitement biologique qui cible spécifiquement un acteur du système
immunitaire.
c. Les lésions dégénératives :
• Selon la définition de l’American Academy of Orthopaedic Surgeons : «
l’arthrose est la résultante des phénomènes mécaniques et biologiques qui
déstabilisent l’équilibre entre la synthèse et la dégradation du cartilage et de l’os
sous-chondral ».
• Ce déséquilibre peut être initié par de multiples facteurs : génétiques, de
développements, métaboliques et traumatiques.
• L’arthrose touche tous les tissus de l’articulation dite arthrodiale conduisant à un
ramollissement, une fissuration, une ulcération et une perte du cartilage
articulaire.
• Cliniquement, douleurs et limitations des mouvements sont les signes
essentiels.
III. Formes cliniques :
a. Les lésions dégénératives :
• La douleur : est typiquement une douleur d’effort, de mise en charge.
Elle se produit après un certain temps d’utilisation de l’articulation et donc se manifeste plus
volontiers en fin de journée.
Elle est calmée par le repos et ne réveille pas le malade endormi, sauf en cas de mouvements
dans son sommeil (bruxisme).

• Elle peut entraîner des déformations considérables de la tête condylienne et


génère, lorsqu’il existe une rupture ou une perforation méniscale, des
crépitations intraarticulaires (crissements, grincements, crepitus) témoignant
d’un frottement des surfaces articulaires l’une sur l’autre.
• Ces bruits articulaires sont perceptibles à tous les degrés d’ouverture ou de
fermeture buccale et sont d’une intensité variable, ressentis comme un frottement
de papier de verre ou un bruit de sable.
Dans les formes évoluées, la hauteur condylienne peut être diminuée, engendrant
une béance antérieure ou une latéralité mandibulaire dans les atteintes unilatérales
on distingue deux grands groupes étiologiques d’arthrose :
 Les arthroses mécaniques : ont un cartilage, normal au départ, qui supporte des
pressions trop importantes, c’est le groupe des arthroses dites habituellement
secondaires.
 Les arthroses structurales : où le fonctionnement du jeu articulaire est normal,
mais la structure anormale du cartilage le rend plus fragile aux pressions
s’exerçant habituellement sur lui.
 Sur le bilan radiologique, les signes cardinaux classiques de l’arthrose sont :
 Une sclérose sous-chondrale plus ou moins associée à des géodes,
 Une ostéophytose implantée à la jonction os-cartilage versant antérosupérieure
du condyle,
 Un pincement articulaire longtemps localisé (difficile à retrouvé en raison de
l’interposition discale).
L’examen de choix pour visualiser tous ces signes reste IRM.
• Traitement :
 Au début de la maladie arthrosique (absence de douleur) :
traitement de fond antiarthritiques d’action lente : de type
diacéréine (Art 50t), chondroïtine sulfate (Structumt,
Chondrosulft), insaponifiables d’huiles d’avocat et de soja
(Piasclédinet 300) ou traitement local par acide hyaluronique
(Hyalgant).
er
 lors des poussées douloureuses : AINS + antalgique 1 palier
(paracétamol) + traitement de fond.
 dans les formes invalidantes, avancées (destruction
importante) : remplacement prothétique.
a. Les ostéonécroses du condyle :
L’ostéochondrite disséquante, est une nécrose de l’os sous-chondral et du cartilage sus-jacent.
Dans les stades avancés, un fragment peut se détacher et se retrouver libre dans
l’articulation, responsable alors de blocages.
• Cette pathologie touche davantage les adolescents, surtout de sexe
féminin, le plus souvent due à une hyperactivité intense de l’articulation.
• l’une des caractéristiques radiologiques est l’apparition de corps
détachés de la tête condylienne.
a. Le traitement habituellement recommandé se limite à éviter les surcharges

articulaires (mise en place d’une gouttière).


b. Les arthropathies métaboliques :
1. Chondrocalcinose (pseudogoutte) : c’est une affection fréquente, apparaissant
essentiellement à partir de 50 à 60 ans. Elle évolue de pair avec une autre
affection, ostéoarticulaire ou non (hyperparathyroïdie, hémochromatose,
goutte…).
• Les manifestations pathologiques sont liées à la présence, dans les diverses
structures de l’articulation, de microcristaux constitués dans la très grande
majorité des cas de pyrophosphate de calcium dihydraté sous forme tricalcique.
• Elle touche rarement les ATM.
• La radiographie montre une incrustation du fibrocartilage dessinant de petits
amas à bords flous. Il existe souvent des calcifications périarticulaires.
• Le diagnostic repose sur la démonstration de la présence des microcristaux de
pyrophosphate de calcium dihydraté dans les tuniques articulaires, grâce aux aspects
radiologiques, l’analyse du liquide articulaire et la biopsie de la synoviale (sous
arthroscopie).
• Le traitement repose sur la prescription d’anti-inflammatoires non stéroïdiens, associés
en cas d’échec à la colchicine (2 à 3 mg les 2 premiers jours).
• Les formes destructives peuvent mener à la mise en place d’une prothèse articulaire.
2. La goutte : c’est un syndrome constitué d’arthrites aiguës récidivantes et d’infiltration
urique des tissus qui progresse lentement.
• La goutte est classiquement décrite comme suivant une évolution en trois étapes :
• hyperuricémie asymptomatique,
• goutte aigue et
• goutte chronique ou tophacée.
• La première crise affecte le membre inferieur (85 a 90 % des cas) incluant
l’articulation mediotarsienne, tibiotarsienne et le genou.
• L’évolution est spontanément favorable en 5 a 10 jours. La bonne réponse a un
traitement par colchicine en 48 heures est un élément diagnostique supplémentaire.

IV. Traitement :
• Le traitement de la crise continue de reposer sur la colchicine et/ou les anti-
inflammatoires non stéroïdiens.
• La présence d’une maladie goutteuse (plus de trois crises) peut faire retenir
l’indication d’un traitement hypo-uricémiant (uricofreinateurs ou
uricoéliminateurs),
• Des mesures hygiénodiététiques d’usage.
Plusieurs thérapeutiques sont disponibles.
1. Les gouttières :
• Si l’occlusion n’est pas en cause dans le déclenchement des arthrites, il est clair que
les surcharges articulaires participent à l’aggravation de la maladie en favorisant les
résorptions osseuses.
• Une malocclusion prédisposant à ces augmentations de pressions sera un facteur
aggravant de l’arthrite.
• La gouttière permet une mise au repos de l’ATM et favorise ainsi la récupération
articulaire
• En cas d’absence de défauts majeurs d’occlusion, le port seul de la gouttière est
proposé.
• gouttière de libération occlusale, de décompression, ou de désengrènement, le principe
en est identique : assurer une diminution de la pression intra-articulaire.
2. Les anti-inflammatoires non stéroïdiens et autres traitements intra-
articulaires :
• Les anti-inflammatoires en injection intra-articulaire donnent dans un premier
temps de bons résultats, mais à long terme, les choses sont plus discutables,
favorisant l’ostéolyse.
• Par voie générale, les traitements médicamenteux peuvent apporter une
amélioration certaine sur la symptomatologie.

3. La chirurgie ortho gnathique :


• Ces chirurgies peuvent être proposées avec des résultats satisfaisants.
• Il faut toutefois garder en tête le risque de dégradation de résultat, en particulier
vertical lorsqu’une évolution de la maladie rhumatismale est présente
(dysmorphose ++).
• Il est donc important de rappeler que la chirurgie orthognathique ne traite pas la
maladie rhumatismale, mais ses conséquences architecturales.

5. Les chirurgies articulaires : ont des indications de « seconde » intention.


L’arsenal chirurgical comprend :
• Les lavages articulaires,
• Les chirurgies d’exérèse des tissus inflammatoires,
• La chirurgie des ankyloses,
• Les remplacements articulaires.

Conclusion :

• Bien que longtemps sous-estimées, les pathologies inflammatoires des ATM sont, en fait,
fréquentes. La prise en charge d’un patient porteur d’une PI doit faire évaluer les fonctions
articulaires à la recherche d’un processus rhumatismal .
• Dans ce contexte, certains signes doivent alerter le clinicien tels que des douleurs articulaires
de caractère inflammatoire, un profil hyperdivergent marqué ou tout autre signe témoignant de
dysfonctions de l’appareil discoligamentaire.
• Les données radiographiques permettent d’évaluer assez facilement les atteintes articulaires et
plus largement leurs conséquences sur l’architecture.

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