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Névralgie cervico-brachiale
Véritable « sciatique » du membre supérieur, c’est une complication de la cervicarthrose.
Par Agnès Portier, Gérald Rajzbaum, service de rhumatologie, groupe hospitalier Paris-Saint-Joseph, 75014 Paris. a.portier@hpsj.fr
E
lle est due à la compression d’une racine nerveuse au Les mobilités sont à tester dans tous les plans : flexion/extension,
niveau cervical, le plus souvent par une hernie discale ou rotation D/G, inclinaison latérale D/G.
une arthrose. Le motif de consultation est une cervicalgie La palpation des épineuses de C2 à C7 traque un point doulou-
avec douleur du membre supérieur (brûlures, picotements, par- reux, une contracture paravertébrale associée.
esthésies), systématisée à un territoire radiculaire. Certains tests cliniques peuvent reproduire la douleur mais ne
L’interrogatoire recueille outre les antécédents (âge, profes- suffisent pas à établir le diagnostic, car leur sensibilité et spécifi-
sion, activité physique habituelle, histoire de cancer, trauma- cité ne sont pas parfaites.
tisme cervical, arthrose), plusieurs éléments : circonstances de L’examen des épaules et des coudes vise à écarter un diagnostic
survenue, facteur déclenchant – faux mouvement, port d’une différentiel tel qu’une tendinopathie de la coiffe des rotateurs ou
charge – ou antécédents de cervicalgie. Bien faire préciser la une épicondylalgie.
durée d’évolution des symptômes, l’intensité de la douleur et sa L’examen neurologique bilatéral et comparatif (v. tableau) :
localisation sur tout son trajet (tableau), particulièrement dans – teste les réflexes ostéotendineux des membres supérieurs ;
les doigts (pouce pour C6, index et majeur pour C7, annulaire l’abolition de l’un d’eux oriente vers la racine nerveuse atteinte ;
et auriculaire pour C8-T1), ainsi que son horaire, généralement – évalue la force motrice des groupes musculaires des membres
mécanique avec aggravation lors des mouvements et en fin de supérieurs (les déficits moteurs sont rares dans la forme com-
journée, mais parfois inflammatoire, avec réveils nocturnes. mune) ;
Dans certains cas, le trajet est tronqué, rendant plus difficile le – recherche une hypoesthésie ;
diagnostic lésionnel. On s’enquiert de l’efficacité des antalgiques. – et des signes de compression médullaire (syndrome pyrami-
On recherche des signes généraux (altération de l’état général, dal) pouvant traduire une myélopathie associée. Le signe de
amaigrissement, fièvre) et des symptômes d’accompagnement Lhermitte (paresthésies du rachis et parfois des 4 membres à la
(céphalées, sensations vertigineuses…). flexion du cou) est en faveur d’une atteinte médullaire.
À l’inspection : on cherche un éventuel trouble statique, une L’examen général traque une pathologie associée, une maladie
attitude antalgique de type torticolis, une hyperlordose cervi- systémique, une atteinte ganglionnaire, pulmonaire, vasculaire…
cale, une amyotrophie. Le retentissement psychosocial et professionnel de la douleur
L’examen dynamique du rachis cervical doit mettre en évidence doit également être évalué.
une raideur rachidienne, une contracture des muscles spinaux.
CAUSE MAJEURE : DÉGÉNÉRATIVE
TABLEAU DIAGNOSTIC TOPOGRAPHIQUE D’UNE ATTEINTE La cause la plus fréquente est une compression extradurale
RADICULAIRE DU MEMBRE SUPÉRIEUR
d’origine dégénérative.
Racine Réflexe Déficit moteur Territoire sensitif L’incidence des NCB causées par les hernies discales est esti-
nerveuse
mée à 6,5/100 000 chez l’homme et 4,6/100 000 chez la femme.1
C5 Bicipital Abduction du bras, rotateur Moignon de l’épaule, La hernie discale « molle » est une lésion dégénérative précoce.
de l’épaule face externe du bras
Elle concerne le sujet jeune dans un contexte traumatique. Le
C6 Stylo-radial Flexion du coude, supination, Face externe du membre niveau C5-C6 serait le plus touché. La hernie discale cervicale
flexion du pouce supérieur jusqu’au pouce
peut être soit postéro-médiane, pouvant entraîner radiculalgie
C7 Tricipital Extension du coude, Face postérieure du et myélopathie, soit latérale, provoquant une radiculalgie pure.
du poignet, des doigts, membre supérieur Ultérieurement, un pincement discal, une déshydratation du
pronation jusqu’aux 2e et 3e doigts
disque, ou des ostéophytes apparaissent. L’arthrose peut concer-
C8/D1 Cubito- Flexion et écartement Face interne du membre ner les corps vertébraux, les uncus, les articulations zygapophy-
pronateur des doigts supérieur jusqu’aux saires. Toutes ces lésions peuvent conduire à un rétrécissement
4e et 5e doigts
du calibre du canal rachidien ou des foramens intervertébraux.
Fig. 1 – Radiographie du rachis cervical Fig. 2 – Tomodensitométrie du rachis cervical, coupe Fig. 3 – IRM du rachis cervical, coupe sagittale,
de profil : discarthrose C5-C6. sagittale : discopathie C5-C6 avec débord disco- T2 : discopathie C5-C6 et C6-C7 avec débord
ostéophytique. discal C5-C6 et C6-C7.
Plus fréquente, la hernie cervicale « dure » témoigne d’un les vertèbres C3 à C7 ; les clichés de trois quarts mettent en évi-
stade plus avancé, c’est-à-dire d’une discarthrose avec ostéophy- dence les foramens. On apprécie la trame osseuse, les signes de
tose, à l’origine d’un processus compressif plus lent et progressif. discopathie ou d’arthrose cervicale, la taille des foramens et la
Ainsi, le retentissement neurologique est souvent moindre du courbure cervicale (lordose cervicale physiologique).
fait d’une adaptation du tissu nerveux. Cliniquement, la symp- En cas d’évolution défavorable, ou lorsque se pose la question
tomatologie se traduit par des crises de cervicalgies ou de NCB d’un acte invasif, d’autres explorations sont licites.
paroxystiques, répétées. La tomodensitométrie (fig. 2) permet une évaluation sémio-
Les causes non dégénératives, plus rares, doivent également être logique plus fine de l’os, mais reste peu sensible pour l’analyse
recherchées : névralgie post-traumatique (fracture de vertèbre des parties molles, car il est difficile de différencier les tissus
cervicale), spondylodiscite infectieuse, pathologie tumorale, in- dont la densité est proche de l’eau. Ainsi, l’injection de produit
flammatoire. de contraste est utile, en absence de contre-indication, car elle
opacifie les plexus veineux qui constituent l’essentiel de l’espace
QUELS EXAMENS COMPLÉMENTAIRES ? épidural cervical. La moelle peut être également visualisée, mais
Les radios standard du rachis cervical, systématiques en de manière insuffisante pour en tirer des conclusions.
1re intention, permettent avant tout d’éliminer une cause autre L’IRM visualise mieux la moelle cervicale et les racines (fig. 3).
que dégénérative (fig. 1).2 Elles sont réalisées en charge, debout ou En revanche, elle identifie mal les structures calciques (ostéo-
assis, regard horizontal. Les clichés de face et de profil analysent phytes ou calcifications).
A. Portier déclare avoir été prise en charge lors de congrès par AbbVie, Pfizer, Lilly, MSD, Medac, UCB, Janssen.
Le collier cervical mousse peut être conseillé en phase aiguë ;
Le traitement symptomatique repose les antalgiques de palier 1 en revanche, son utilisation ne doit pas être prolongée, au risque
à 3 et les anti-inflammatoires. Les décontracturants musculaires de déconditionner la musculature cervicale.
(thiocolchicoside, hydroxyzine) sont parfois nécessaires sur une Les tractions cervicales rachidiennes sont parfois réalisées
durée courte. par certains praticiens expérimentés et équipés d’une table de
Lors des crises aiguës hyperalgiques, une corticothérapie géné- traction. Leur efficacité n’est pas prouvée et le risque neurolo-
rale par voie orale peut être proposée en débutant à 1 mg/kg/j et gique est à prendre en considération.
en diminuant rapidement les doses sur 10 jours.
Les infiltrations du rachis cervical ne sont que très peu prati-
quées dorénavant, du fait du risque neurologique associé.4 Cer-
CHIRURGIE : DEUX SITUATIONS
tains praticiens expérimentés réalisent, après validation en staff, Déficit neurologique aigu évident en rapport avec une atteinte
des infiltrations articulaires postérieures ou foraminales sous anatomique identifiée par l’imagerie : dans ce cas, la chirurgie
imagerie, mais le risque neurologique doit être expliqué claire- est urgente.
ment au patient. Douleur chronique, résistant au traitement médical ; l’aligne-