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Tumeurs rachidiennes
et intrarachidiennes
S. M. Diabira, L. Riffaud, C. Haegelen, A. Hamlat, P.-L. Hénaux, G. Brassier,
T. Josseaume, X. Morandi
Les tumeurs rachidiennes et intrarachidiennes sont susceptibles de causer une morbidité neurologique
importante. Ces tumeurs se révèlent le plus souvent par une douleur rachidienne, véritable maître
symptôme qui peut s’associer à un déficit moteur et/ou sensitif d’apparition progressive ou subaiguë, et à
des troubles vésicosphinctériens. L’imagerie par résonance magnétique est l’examen clé dans le bilan de
ces tumeurs qui peuvent être rachidiennes osseuses, épidurales ou intradurales ou strictement
intramédullaires. Il permet une étude anatomique précise du rachis, de son contenu et des parties molles
environnantes. Le scanner garde son utilité pour l’étude des tumeurs à composante osseuse. Les tumeurs
rachidiennes et épidurales sont essentiellement des métastases dont le schéma thérapeutique a
beaucoup évolué récemment. Si possible, une chirurgie circonférentielle avec stabilisation est proposée en
première intention suivie d’une radiothérapie et/ou chimiothérapie. Les méningiomes et les
schwannomes sont les tumeurs intradurales, extramédullaires les plus fréquentes. Elles sont
habituellement bénignes, et leur traitement est essentiellement chirurgical par une exérèse souvent
complète. Les tumeurs intramédullaires sont très rares et surtout représentées par les astrocytomes et les
épendymomes dont l’exérèse chirurgicale est plus difficile mais reste le seul traitement efficace.
© 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : Tumeur ; Rachis ; Imagerie par résonance magnétique ; Intradural ; Intramédullaire
Neurologie 1
17-275-A-10 ¶ Tumeurs rachidiennes et intrarachidiennes
2 Neurologie
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Neurologie 3
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4 Neurologie
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Neurologie 5
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Par une étude de l’ensemble de la colonne vertébrale par des récupération neurologique stable, car elle majore une déstabili-
coupes sagittales et coronales, l’IRM détecte l’étendue de sation rachidienne par ablation du seul élément de stabilité
l’atteinte tumorale sur plusieurs vertèbres contiguës ou non [22]. restant [8].
En plus de son rôle diagnostique, l’IRM est fondamentale Les progrès techniques de la chirurgie rachidienne ont été
dans la stratégie chirurgicale et dans la prise de décision d’un considérables depuis les années 1970. Le concept de décompres-
traitement secondaire ou de première intention par sion chirurgicale circonférentielle qui consiste à libérer le
radiothérapie [23]. fourreau dural de toute compression par voie postérieure et/ou
Scintigraphie osseuse. Réalisée à l’aide du 99mTc, elle n’a antérieure et/ou postérolatérale a émergé. Cette chirurgie
aucun intérêt dans le contexte de l’urgence. Elle reste essentielle comprend en outre un temps de stabilisation par ostéosynthèse.
cependant dans le bilan et la surveillance de certains cancers Les résultats, tant sur les douleurs que sur la récupération
ostéophiles à la recherche de foyers métastatiques disséminés à neurologique se sont améliorés de façon spectaculaire [30] . Une
l’ensemble du squelette. preuve de niveau 1 a été fournie par une étude prospective
Une étude scintigraphique [24] a montré que la durée randomisée [31] publiée en 2005 dont les résultats avaient été
moyenne entre le diagnostic du cancer et la détection scintigra- présentés déjà en 2003 au congrès annuel de la Société améri-
phique d’une métastase rachidienne était très courte dans les caine d’oncologie clinique. Cette étude démontre la nette
cancers pulmonaires (3,6 à 6,1 mois), et beaucoup plus longue supériorité de la chirurgie décompressive circonférentielle
dans les cancers du sein (29,4 à 35,5 mois). associée à une radiothérapie sur la radiothérapie seule dans les
compressions épidurales métastatiques avec ou sans signe
Traitement neurologique déficitaire, sans augmentation de la morbidité ou
La prise en charge des patients porteurs des métastases de la mortalité dans le groupe chirurgie.
rachidiennes est souvent palliative. L’espérance de vie est La recommandation est donc de proposer d’abord une
souvent courte après la découverte de métastases rachidiennes, chirurgie décompressive avec ostéosynthèse et non une simple
la médiane de survie variant entre 4 et 15 mois en fonction du laminectomie comme traitement de première intention chez
cancer primitif et de l’existence ou non de déficit neurologi- tous les patients avec un diagnostic récent de métastases
que [25]. Le but est essentiellement d’améliorer la qualité de vie rachidiennes (même sans signe de compression neurologique) et
en luttant contre la douleur, en préservant la mobilité ou en qui n’ont pas d’indication à une radiothérapie de première
redonnant de la mobilité si elle est compromise. Cette prise en intention. La radiothérapie devient alors un traitement adjuvant
charge est multidisciplinaire. Elle comporte un volet médical, en complément de la chirurgie. Une laminectomie sans ostéo-
chirurgical et la radiothérapie. Il peut s’y ajouter des traitements synthèse peut être proposée dans les très rares cas de compres-
d’appoint comme la vertébroplastie percutanée ou la sions épi- ou sous-durales strictement postérieures sans aucune
radiofréquence. atteinte du corps vertébral.
Traitement médical. Il est essentiel de soulager au plus vite Par ailleurs, la chirurgie est bien sûr d’emblée proposée dans
ces patients en utilisant des morphiniques et dérivés. les indications classiques incluant les tumeurs radiorésistantes
Il est maintenant clairement établi que les corticoïdes doivent (sarcome, adénocarcinome pulmonaire, adénocarcinome du
rapidement être prescrits en intraveineux ou per os lorsqu’il côlon, cancer rénal), une instabilité rachidienne évidente, une
existe des signes neurologiques déficitaires [8, 26]. En plus d’une compression médullaire de moins de 24 heures cliniquement
action antalgique, ils ont une discrète action antitumorale dont significative secondaire à une fracture vertébrale tumorale ou
le mécanisme n’est pas très bien élucidé. Plusieurs études ont une déformation rachidienne, des douleurs rebelles résistantes
cependant montré que les corticoïdes réduisaient l’œdème aux antalgiques majeurs et les échecs de la radiothérapie
vasogénique péritumoral de la moelle épinière [27]. La dose (progression d’un déficit pendant le traitement ou atteinte de la
optimale de la corticothérapie fait encore débat mais de fortes tolérance médullaire à la radiothérapie).
doses doivent être utilisées. Il est nécessaire de surveiller et de Les indications proposées pour une radiothérapie de première
prévenir les effets secondaires de la corticothérapie chez ces intention [8] sont alors : les tumeurs radiosensibles comme les
patients déjà fragiles (décompensation de diabète, hypertension lymphomes, les myélomes multiples, les carcinomes pulmonai-
artérielle, ulcère gastroduodénal, risques infectieux accrus). res à petites cellules, les séminomes des testicules, les neuroblas-
Néanmoins, devant la suspicion de certaines tumeurs comme tomes et les sarcomes d’Ewing, une espérance de vie de moins
les lymphomes ou les thymomes chez des patients jeunes sans de 3 mois, une contre-indication à la chirurgie, un déficit
antécédents de néoplasie connue, il est recommandé de faire un neurologique complet de plus de 48 heures, une atteinte
prélèvement anatomopathologique avant la corticothérapie. En rachidienne diffuse ou sur plusieurs niveaux.
effet, ce traitement peut rendre difficile le diagnostic de ces Le schéma d’irradiation standard est de délivrer une dose de
tumeurs et donc retarder leur prise en charge spécifique par ses 30 grays sur 10 à 14 jours avec des doses plus élevées en début
effets oncolytiques [9]. de traitement. La radiothérapie se fait sur le site plus 5 cm de
marge, ce qui correspond à deux corps vertébraux au-dessus et
Lorsqu’il existe des localisations osseuses multiples, l’ostéolyse
en dessous du site métastatique [32]. Certains auteurs proposent
par stimulation de la résorption osseuse d’origine ostéoclastique
une dose unique de 8 grays, avec de bons résultats, si la
peut provoquer une hypercalcémie imposant des mesures
métastase est strictement osseuse, intéressant le corps vertébral,
thérapeutiques urgentes (hyperhydratation, corticothérapie, sans compression épidurale [33]. Les effets secondaires de la
diphosphonates, calcitonine). Enfin, lorsque la tumeur primitive radiothérapie conventionnelle sont habituellement modérés :
est connue et chimiosensible (cancers du sein, de la prostate, une œsophagite radio-induite peut s’observer 1 à 2 semaines
hémopathie maligne), une chimiothérapie anticancéreuse peut après une irradiation du rachis thoracique haut ; l’irradiation du
être proposée d’emblée s’il n’existe pas de signe de compression rachis thoracique bas ou du rachis lombaire entraîne plus
médullaire. volontiers des vomissements par inclusion fréquente de l’esto-
Radiothérapie et chirurgie. La radiothérapie a longtemps été mac dans le champ d’irradiation. La complication principale de
le traitement de première intention des patients avec des la radiothérapie conventionnelle rachidienne est la myélopathie
métastases rachidiennes [10, 28] sans ou avec signes neurologi- radio-induite. Elle reste cependant rare avec les doses standards
ques déficitaires. Des études montraient une réponse positive d’irradiation [34]. Ce risque pourrait être encore diminué en
pour le traitement par radiothérapie seule, en termes de réduisant l’irradiation des tissus sains et/ou fragiles comme la
récupération neurologique, jusqu’à 70 % des cas [10]. Ce choix moelle épinière à proximité de la métastase rachidienne. La
de traitement par radiothérapie en première intention était dicté radiochirurgie stéréotaxique par Cyberknife ® remplit cette
par des résultats décevants de la chirurgie par laminectomie fonction. Il s’agit d’un système de radiochirurgie robotisé, guidé
seule ou en association avec la radiothérapie [29]. La plupart des par l’image, permettant de délivrer de fortes doses de rayons X
métastases osseuses rachidiennes concernent d’abord le corps en une voire deux séances par un accélérateur linéaire minia-
vertébral avant d’atteindre l’arc postérieur. Aussi, une laminec- ture. De nombreux résultats encourageants sur le contrôle de
tomie réalisée systématiquement sans tenir compte du site douleurs rachidiennes invalidantes et sur le contrôle du volume
anatomique métastatique conduit souvent à un échec dans la tumoral dans des cas sans déficit neurologique grave ont été
6 Neurologie
Tumeurs rachidiennes et intrarachidiennes ¶ 17-275-A-10
Neurologie 7
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Tableau 1.
Principales tumeurs osseuses primitives rachidiennes bénignes.
Type Épidémiologie, Localisation TDM (± radios) IRM Autres imageries
sexe, âge
(± clinique
évocatrice)
Hémangiome 2-3 % TOP(a) Corps vertébral+++
vertébral (HV) 9-15 % séries autopsie Thoracique bas,
F>H lombaire
30-50 ans Multiple (30 %)
Ostéome ostéoïde 12 % TOB(b) Lombaire > cervical TDM et radios : Hypo T1 Scintigraphie osseuse
10 % touchent le rachis > thoracique - nidus radiotransparent Hyper T2 +++
M>F Arc postérieur 90 % cerclé d’ostéocondensation Contraste + Fixation 100 %
(aspect en « cocarde »)
< 30 ans Aspect de lésion faussement
- lésion < 2 cm agressive (flare phenomenon)
Douleur quasi
constante calmée IRM < TDM dans ce cas précis
par aspirine ou AINS
Scoliose douloureuse
(a)
TOP : tumeurs osseuses primitives ; (b) TOB : tumeurs osseuses bénignes ; AINS : anti-inflammatoires non stéroïdiens.
l’anneau d’hémosidérine est plus rare et la prise de contraste est sein du nidus [48]. C’est le phénomène d’embrasement déjà
franche après injection de gadolinium. Leur traitement est évoqué plus haut. Devant la suspicion d’un ostéome ostéoïde,
chirurgical. la scintigraphie osseuse est beaucoup plus utile que l’IRM. Elle
Ostéome ostéoïde et ostéoblastome (Tableaux 1, 2). montre clairement et précocement la tumeur, sous la forme
L’ostéome ostéoïde est une tumeur bénigne caractérisée par d’une hyperfixation intense et bien limitée. Le traitement est
l’existence d’un nidus, siège de calcifications entourées par un classiquement chirurgical avec une exérèse complète. Une
riche stroma fibrovasculaire, avec une réaction osseuse dense. Il exérèse percutanée sous contrôle tomodensitométrique peut être
représente environ 12 % des tumeurs bénignes du rachis. Il proposée comme alternative dans certains cas. De bons résultats
s’agit habituellement d’une tumeur de l’adolescent et de l’adulte ont par ailleurs été obtenus après ablation percutanée par
jeune, avec une prédominance masculine. Cette tumeur est le radiofréquence [47, 49].
plus souvent localisée aux os longs. La localisation rachidienne L’ostéoblastome est histologiquement proche de l’ostéome
représente moins de 10 % des cas. La tumeur est habituellement ostéoïde, mais représente une tumeur plus volumineuse, plus
de petite taille (inférieure à 1,5 cm) intéressant le rachis lombal agressive localement et plus évolutive. Cette tumeur touche les
dans 56 % des cas, le rachis cervical dans 27 % des cas, le rachis jeunes patients dans la deuxième ou troisième décennie de vie
thoracique dans 16 % des cas et le rachis sacré dans 1 % des avec une prédominance masculine. La tumeur peut atteindre
cas [47]. Elle atteint préférentiellement les éléments postérieurs tout le rachis sans prédominance régionale. Les éléments
dans plus de 90 % des cas (lames, pédicules, facettes articulaires, postérieurs sont concernés dans 55 % des cas.
processus transverses et épineux). Les manifestations cliniques sont proches de celles de
Cliniquement, l’ostéome ostéoïde se manifeste par des dou- l’ostéome ostéoïde, mais on observe plus souvent des signes de
leurs rachidiennes, à prédominance nocturne, associées à une compression médullaire ou radiculaire (dans 25 % des cas).
scoliose dans 75 % des cas. Cette scoliose est secondaire à la L’IRM peut être utile pour la recherche d’un envahissement
contracture musculaire provoquée par la douleur, du côté de la épidural. Le traitement est chirurgical en s’efforçant de réaliser
lésion. Au niveau cervical, un torticolis est souvent observé. Les une exérèse complète, sinon le risque de récidive est important.
douleurs sont souvent améliorées par les anti-inflammatoires Granulome éosinophile [3] (Tableau 2). Il s’agit d’une forme
non stéroïdiens (AINS) ou les salicylés. localisée de l’histiocytose X, qui se traduit histologiquement par
Les radiographies standards, ainsi que le scanner, objectivent une prolifération histiocytaire et des cellules de Langerhans,
une lacune osseuse centrale contenant des calcifications (nidus) associées à un granulome polymorphe, souvent riche en
entourée d’une réaction osseuse périphérique parfaitement polynucléaires éosinophiles.
limitée donnant à l’ensemble un aspect en « cocarde ». Dans ce Cette lésion est rare et représente moins de 1 % des tumeurs
cas précis de tumeur rachidienne, l’IRM n’est sans doute pas le osseuses primitives. L’incidence de l’atteinte vertébrale varie de
meilleur examen. Il montre une lésion hypo-intense en T1 et 8 % à 25 %, avec une légère prédilection masculine dans la
hyperintense en T2. L’examen peut surtout montrer une vaste première décennie. Le rachis thoracique est préférentiellement
plage d’hyperintensité débordant sur les tissus mous et pouvant atteint (54 % des cas), suivi du rachis lombal (35 %) et du
faire croire, à tort, à une lésion très agressive. Il s’agit d’une rachis cervical (11 %), avec surtout une atteinte de C2. La lésion
réaction œdémateuse, liée à la production de prostaglandines au intéresse essentiellement le corps vertébral.
8 Neurologie
Tumeurs rachidiennes et intrarachidiennes ¶ 17-275-A-10
Tableau 2.
Principales tumeurs osseuses primitives rachidiennes bénignes (suite du Tableau 1).
Tumeur Épidémiologie, sexe, âge Localisation TDM (± radios standards) IRM Autres imageries
(± clinique évocatrice)
Ostéoblastome 1 % des TOP(a) cf. ostéome ostéoïde cf. ostéome ostéoïde cf. ostéome ostéoïde
M>F Taille > 2 cm Atteinte épidurale et des
< 30 ans parties molles
Douleurs, scoliose Contraste +
Déficits neurologiques (25-50 %)
Kyste anévrismal 1 % à 1,5 % TOP(a) Cervical, thoracique TDM et radios Hyper T1 Angiographie :
20 % touchent le rachis Arc postérieur Aspect en « coquille d’œuf » Hyper T2 hypervascularisation
F > H (légèrement) Corps vertébral avec cortical respecté Lésion lobulée cernée
80 % < 20 ans d’une couronne hypo-
intense avec niveau
30 % à 50 % associés à des lésions
liquide-liquide +++
préexistantes (TCG(b),
ostéoblastome, dysplasie fibreuse) Contraste + (intense)
Douleurs
Signes déficitaires
Masse palpable (25 %)
(a)
TOP : tumeurs osseuses primitives ; (b) TCG : tumeurs à cellules géantes.
La radiographie standard révèle une vertèbre complètement « coquille d’œuf ». Dans 20 % des cas on objective un envahis-
plate (vertebra plana), avec des disques adjacents normaux. sement des parties molles. L’IRM objective une lésion lobulée
Néanmoins ce signe est rare dans les atteintes cervicales. Sur cernée d’une couronne hypo-intense avec un niveau liquide-
l’IRM la lésion a un signal variable en T1, et un signal hyperin- liquide très évocateur. Il existe une prise de contraste franche à
tense en T2, avec une prise de contraste intense à l’injection de l’injection de gadolinium.
gadolinium. L’extension aux parties molles et à l’espace épidural Le traitement est chirurgical, en réalisant si possible une
est rare. exérèse complète souvent par un abord combiné. Une greffe
Après confirmation histologique par ponction-biopsie sous osseuse et une ostéosynthèse sont souvent requises. Une
contrôle scanner, une radiothérapie (10 Gy) est proposée, embolisation préopératoire est souhaitable pour diminuer le
associée à une corticothérapie. Cependant, la plupart des saignement. Si l’exérèse est incomplète, une radiothérapie peut
auteurs s’accordent aujourd’hui sur l’intérêt du traitement se discuter.
conservateur associant repos et immobilisation par minerve ou Tumeurs à cellules géantes (TCG) [39, 52] (Tableau 3). Ces
corset. En effet, la diminution des contraintes mécaniques sur tumeurs sont classées bénignes mais elles peuvent être très
la vertèbre permet une reconstitution rapide de la structure agressives et ont une véritable transformation maligne dans
somatique. La chirurgie n’est indiquée qu’en cas d’apparition de 10 % des cas. Elles contiennent des monocytes, des macropha-
signes neurologiques déficitaires. La vertébroplastie transcutanée ges et des cellules géantes multinucléées ostéoclastiques.
est parfois proposée avec de bons résultats [50]. Jusqu’ici réservée
Leur localisation rachidienne est rare et représente moins de
à l’adulte, cette technique a été réalisée récemment avec succès
7 % des tumeurs à cellules géantes. Elles représentent 5 % des
chez un enfant porteur d’un granulome éosinophile vertébral de
tumeurs osseuses primitives et surviennent entre la deuxième et
la deuxième vertèbre cervicale [51].
la quatrième décennie, avec une petite prédominance féminine.
Kyste anévrismal [3, 39] (Tableau 2). Il s’agit d’une tumeur
caractérisée par une dilatation de l’architecture osseuse par des Elles sont essentiellement localisées au sacrum où elles
canaux vasculaires. Bien que bénin histologiquement, le kyste constituent le troisième type de tumeur le plus fréquent après
anévrismal est une tumeur expansive et destructrice, le diagnos- le plasmocytome et le chordome.
tic différentiel peut ainsi être difficile avec une tumeur à cellules Les douleurs rachidiennes sont constantes et un déficit
géantes, un ostéoblastome et un ostéosarcome. De plus, il est neurologique est observé dans près de la moitié des cas.
constaté dans 30 % à 50 % des cas une lésion osseuse pré- Les radiographies standards et le scanner montrent une lésion
existante de type tumeur à cellules géantes, ostéoblastome, ou kystique, soufflante, expansive, aux bords mal limités parfois
dysplasie fibreuse. condensants. Il existe de multiples septas et parfois des calcifi-
Il représente 1 % à 1,5 % des tumeurs osseuses primitives. La cations. La lésion est souvent destructrice, localisée au sacrum.
localisation rachidienne est observée dans 20 % des localisations Sur l’IRM, la TCG apparaît comme une masse kystique,
osseuses. compartimentée avec un signal hétérogène dû à l’hémorragie.
Cette tumeur survient chez l’adolescent et l’adulte jeune La TCG du sacrum donne souvent une image de « beignet »
(80 % des patients ont moins de 20 ans avec une légère (donut sign) avec un centre fantôme et un liseré périphérique
prédominance féminine). Elle prédomine au niveau du rachis renforcé [53].
thoracique et lombal, et intéresse presque toujours l’arc posté- Le traitement chirurgical est la règle. L’exérèse totale est
rieur de la vertèbre. Il existe une extension vers le corps souvent difficile lorsqu’il existe une atteinte de la totalité de la
vertébral dans 75 % des cas. vertèbre et/ou un envahissement des parties molles paraverté-
Outre le syndrome rachidien, il peut exister des signes de brales. En outre, il s’agit d’une tumeur habituellement très
compression radiculaire et/ou médullaire. On peut retrouver une hémorragique. Ces difficultés rendent compte d’un risque
masse palpable dans un quart des cas. important de récidive. Une radiothérapie adjuvante peut alors
Les radiographies standards et le scanner montrent une lésion être proposée si l’exérèse est incomplète et/ou en cas de
lytique soufflante, cernée de microcalcifications, amincissant récidive. Elle n’est proposée que dans l’une de ces deux situa-
l’os cortical. Le périoste est respecté. Il existe un aspect en tions, car elle peut induire une transformation sarcomateuse.
Neurologie 9
17-275-A-10 ¶ Tumeurs rachidiennes et intrarachidiennes
Tableau 3.
Principales tumeurs osseuses primitives rachidiennes bénignes (suite du Tableau 1).
Tumeur Épidémiologie, sexe, âge Localisation TDM (± radios standards) IRM Autres imageries
(± clinique évocatrice)
Tumeurs à cellules 5 % TOP(a) Sacrum+++ Lésion destructrice +++ Masse kystique Angiographie :
géantes (TCG) < 7% touchent le rachis Kystique, soufflante, multicompartimentée - hypervascularisée
2-4e décennie expansive, aux bords flous Aspect en « beignet » - envahissement du
Multiples septas (donut sign) tissu adjacent
F>H
Hypo T1
Douleurs
Iso ou hyper T2
Déficit neurologique 50 %
Récidive fréquente
Transformation maligne
10 %
Ostéochondrome [39, 54] (Tableau 3). Elle est l’une des Le traitement est chirurgical avec une exérèse complète. Il est
tumeurs ostéocartilagineuses bénignes le plus fréquemment essentiel d’examiner l’ensemble de la pièce anatomopathologi-
retrouvées chez l’adulte, avec une localisation essentiellement que, car il peut exister des plages de dégénérescence
dans les os longs. sarcomateuse.
Moins de 5 % des ostéochondromes solitaires se trouvent sur Angiolipome [55, 56] (Fig. 4). Ce sont des tumeurs exception-
le rachis, durant la troisième décennie. Chez les patients nelles constituées d’une composante angiomateuse et lipoma-
porteurs d’une ostéochondromatose (ou maladie des exostoses teuse, prédominant dans la région thoracique moyenne au
multiples ou maladie de Bessel-Hagen), l’atteinte rachidienne est niveau de l’espace épidural.
plus précoce (deuxième décennie) et plus fréquente (10 % des Elles ne représentent que 0,04 % à 1,2 % des tumeurs
ostéochondromes). rachidiennes. Entre 1890 et 2006 il n’a été rapporté que 118 cas,
Le sex-ratio est de 1. avec une nette prédominance féminine. Il semblerait qu’un
Sur le plan anatomopathologique il s’agit d’une tumeur index de masse corporel élevé soit un facteur clé dans le
osseuse bénigne de la lignée chondroblastique, encore appelée développement d’un angiolipome rachidien, mais sans preuve
chondrome, chondroblastome ou fibrome chondromyxoïde.
formelle jusqu’à ce jour.
La transformation maligne en chondrosarcome est observée
Plus fréquentes dans la cinquième décennie, elles s’expriment
dans moins de 1 % des cas dans les formes solitaires. Elle peut
aller jusqu’à 20 % dans les formes associées à une cliniquement par des signes de compression médullaire lente.
ostéochondromatose. L’IRM permet le diagnostic, montrant une tumeur iso- ou
Longtemps asymptomatique, cette tumeur peut être respon- hyperintense en T1, hyperintense en T2, prenant souvent le
sable de douleurs rachidiennes associées à une tuméfaction contraste après injection de gadolinium, située dans l’espace
locale dans un quart des cas. La compression médullaire est rare épidural postérieur. Parfois, dans les formes infiltrantes, on peut
dans les formes solitaires, mais une myélopathie est observée observer un comblement tumoral des foramens intervertébraux.
chez près de trois quarts des patients avec une ostéo- Le traitement est l’exérèse complète. La récidive est
chondromatose. exceptionnelle.
La tumeur touche électivement le rachis cervical (50 % des Tumeurs primitives malignes ou à malignité locale
cas) et surtout C2.
Myélome et plasmocytome solitaire [39, 57] (Fig. 5)
Les radiographies standards sont souvent pertinentes en
(Tableau 4). Le myélome multiple est une prolifération maligne
montrant une tumeur d’aspect inhomogène, multilobée en
de plasmocytes sécrétant en excès une immunoglobuline le plus
« chou-fleur » à contour plus ou moins net et cernée par un
liseré d’hyperclarté. Les calcifications sont fréquentes. Néan- souvent de type G, plus rarement de type A.
moins, la tumeur doit être volumineuse pour être diagnostiquée Devant une suspicion clinique, le diagnostic de myélome
sur une radiographie standard. multiple repose sur :
Le scanner rachidien avec des coupes fines est l’examen le • la biologie : électrophorèse des protides plasmatiques (pic
plus adéquat pour faire le diagnostic en objectivant une lésion monoclonal d’immunoglobulines souvent de type IgG) ;
osseuse en forme d’exostose avec une continuité entre le cortex immunoélectrophorèse plasmatique (détermine le type de
de la lésion et le cortex de l’os sous-jacent. Cette lésion est chaînes légères et lourdes), protéinurie des 24 heures aug-
entourée d’une capsule cartilagineuse périphérique, habituelle- mentée, immunoélectrophorèse urinaire (protéinurie de Bence
ment de moins de 1 cm d’épaisseur. Une capsule cartilagineuse Jones) ;
plus épaisse fait craindre un chondrosarcome. • les radiographies du squelette et du crâne à la recherche de
L’IRM donne une image avec un signal mixte en T1 et T2. lésions osseuses ostéolytiques ;
L’examen permet de mieux analyser une éventuelle extension • le myélogramme, si besoin par biopsie ostéomédullaire, qui
intracanalaire, éventuellement des signes de dégénérescence objective plus de 30 % de plasmocytes dans la moelle osseuse
maligne. (pour une normale à 5 %).
10 Neurologie
Tumeurs rachidiennes et intrarachidiennes ¶ 17-275-A-10
A B C
Figure 4. Tumeur épidurale thoracolombaire postérieure hyperintense en T2 (A) en T1 (B) et prenant le contraste après gadolinium (C) : angiolipome.
Neurologie 11
17-275-A-10 ¶ Tumeurs rachidiennes et intrarachidiennes
Tableau 4.
Principales tumeurs osseuses primitives rachidiennes malignes.
Tumeur Épidémiologie, sexe, âge Localisation TDM IRM Autres imageries
(± clinique évocatrice) (± radios standards)
Myélome La plus fréquente des Corps vertébraux TDM et radios Zones arrondies lytiques, Scintigraphie osseuse
TOP(a) Myélome : lésions Lésion lytique focale ou sans condensation Négative sauf si
Âge moyen : 65 ans multiples diffuse avec lyse vertébrale périphérique fracture pathologique
M > F (ratio 2 à 3/1) Plasmocytome : lésion en « mottes » Fracture-tassement associée
unique Intérêt de la radio du hypo T1, hyper T2
Douleurs
squelette et du crâne ++
Fractures spontanées
Intérêt de la biologie
Ostéosarcome Seuls 3% touchent le rachis Partie antérieure corps TDM et radios Signal variable
4 - 5e décennie vertébral ++ Lésion mixte ostéolytique
M=F Arc postérieur peut être et/ostéoblastique
atteint Calcifications matrice
Douleurs +++
osseuse sur TDM
Signes neurologiques
fréquents
Chondrosarcome 3 % à 12 % localisés dans le Thoracique > sacrum TDM et radios Signal variable (cartilage
rachis Arc postérieur Lésion lytique à bords hyalin)
4 - 5e décennie condensés avec Intérêt pour bilan
M>F calcifications diffuses en extension parties molles
« mottes ». Masse au sein et espace épidural
Douleurs, masse palpable,
d’un tissu mou
signes déficitaires +++
Extension vertèbre
Primitif souvent
adjacente
Parfois secondaires à
ostéochondrome
(a)
TOP : tumeur osseuse primitive.
12 Neurologie
Tumeurs rachidiennes et intrarachidiennes ¶ 17-275-A-10
Tableau 5.
Principales tumeurs osseuses primitives rachidiennes malignes (suite du Tableau 4).
Tumeur Épidémiologie, sexe, âge Localisation TDM IRM
(± clinique évocatrice) (± radios standards)
Sarcome d’Ewing La plus fréquente des TOP(a) Sacrococcygienne Non spécifique Hypo, iso T1
malignes chez enfant et Intérêt d’une biopsie Hyper T2
adolescent
TDM et radios Étude extension épidurale et tissus mous
3 % à 10 % touchent le rachis
Lésion lytique ou expansive ou
Âge moyen 16,5 ans sclérosante
M>F Sclérose diffuse associée à une
Douleurs +++ ostéonécrose vertébrale dans 70 %
Déficit neurologique > 65 % des cas
Neurologie 13
17-275-A-10 ¶ Tumeurs rachidiennes et intrarachidiennes
Tableau 6.
Principales tumeurs intradurales et extramédullaires.
Tumeurs Épidémiologie, sexe, âge Localisation TDM IRM
(± clinique évocatrice) (± radios standards)
Schwannome (ou neurinome) Les plus fréquentes tumeurs Intradurale (70-75 %) TDM et radios Iso ou hypo T1
et neurofibrome intradurales extramédullaires Extradurale (15 %) Élargissement du foramen Hypersignal hétérogène T2
Schwannome (ou Mixte en « sablier » (15 %) vertébral (forme en « sablier ») Contraste + (intense)
neurinome) : le plus fréquent TDM Pas de prise de contraste
Souvent unique
Lésion spontanément hypo- durale linéaire
Neurofibrome (dans ou hyperdense
neurofibrome type I) : plus
Contraste +
souvent multiple et parfois
malin
H=F
40-60 ans
Douleurs radiculaires
nocturnes
14 Neurologie
Tumeurs rachidiennes et intrarachidiennes ¶ 17-275-A-10
A B
A C
Figure 9. Imagerie par résonance magnétique T1 gadolinium cervicale Figure 10. Imagerie par résonance magnétique sagittale T2 (A),
sagittale (A) et axiale (B). Tumeur cervicale intradurale extramédullaire, T1 avec gadolinium sagittale (B), axiale (C). En regard de la vertèbre Th3,
hétérogène, avec extension intraforaminale droite (aspect en « sablier ») tumeur intradurale, extramédullaire, « écrasant » la moelle à droite et en
dans le cadre d’une neurofibromatose de type I : neurofibrome. arrière, sans extension extracanalaire, bien limitée, avec prise de
contraste intense au gadolinium : neurinome intracanalaire.
Neurologie 15
17-275-A-10 ¶ Tumeurs rachidiennes et intrarachidiennes
B
Figure 12.
A. IRM T1 gadolinium : lésion arrondie de la queue de cheval, avec intense
prise de contraste.
B. Forte suspicion de schwannome en peropératoire. Anatomopathologie
B définitive : exceptionnel paragangliome du filum terminal.
16 Neurologie
Tumeurs rachidiennes et intrarachidiennes ¶ 17-275-A-10
paragangliome spinal est rare et souvent localisé au niveau du L’IRM est l’examen clé, même si elle ne permet pas de faire
cône médullaire, de la queue de cheval ou du filum terminal. le diagnostic histologique.
L’IRM révèle une lésion souvent arrondie, limitée, iso-intense en Elle permet la localisation précise de la lésion intramédullaire
T1, hyperintense en T2 prenant très fortement le contraste. Les et l’analyse systématique des composantes tumorales (charnues
principaux diagnostics différentiels à l’imagerie sont alors et kystiques), sans et après injection de gadolinium.
l’épendymome et le neurinome de la queue de cheval. Le Toute infiltration tumorale occasionne un élargissement
paragangliome est par ailleurs souvent le siège de remaniements médullaire, bien que tout élargissement de la moelle ne soit pas
hémorragiques bien visibles à l’IRM. La croissance tumorale est toujours d’origine tumorale.
habituellement assez lente, néanmoins elle peut être variable et La plupart des tumeurs intramédullaires ont un hyposignal
des cas de tumeurs agressives avec métastases sont possibles [75]. plus ou moins marqué ou un isosignal sur les séquences
Le traitement est chirurgical par une exérèse complète. pondérées en T1, et un iso- ou un hypersignal sur les séquences
.
pondérées en T2. Les images kystiques associées à la portion
Métastases intradurales charnue sont fréquentes et il convient de distinguer plusieurs
Les métastases intradurales leptoméningées sont beaucoup types de kystes. Les kystes intratumoraux ont souvent un signal
plus rares que les métastases épidurales. Elles sont secondaires différent du LCS, surtout s’il est riche en protéines ou s’il existe
de néoplasies en dehors du système nerveux comme les cancers une hémorragie intrakystique. Ils apparaissent en hyposignal
du sein ou du poumon, ou de néoplasies du système nerveux T1 et hypersignal T2. Les kystes polaires ou satellites peuvent
comme les astrocytomes anaplasiques, les épendymomes ou les être présents aux pôles supérieur et inférieur de la portion
charnue et leur signal est celui du LCS. Les cavités hydro-
médulloblastomes.
syringomyéliques ont des extrémités effilées et peuvent coexister
Dans ce dernier cas, on les appelle les métastases en « gout-
avec un kyste satellite sans toutefois communiquer avec lui. La
tes » ou drop metastasis. L’IRM n’est pas spécifique et seul
paroi de ces deux types de kystes ne se rehausse pas après
l’examen anatomopathologique de la pièce opératoire permet le
injection. Enfin, les kystes bulbaires, de même signal que le
diagnostic. Néanmoins, si le contexte est évident (comme dans
LCS, bombant sous le plancher du IVe ventricule, sont très
les médulloblastomes où l’IRM spinale fait partie du bilan initial particuliers. Ils siègent à distance de la tumeur et communi-
et de la surveillance), il n’est pas nécessaire d’avoir une quent ou non avec la cavité hydrosyringomyélique sous-jacente.
confirmation histologique.
La prise de contraste de la portion charnue peut être modérée
ou forte, rarement absente. Elle peut être partielle ou totale et
il n’existe pas forcément de correspondance entre le volume
lésionnel prenant le contraste et le volume réel de la tumeur ;
“ Points forts si le rehaussement peut correspondre à une zone d’infiltration
tumorale, à l’inverse, l’absence de prise de contraste ne permet
pas de conclure [78].
Tumeurs intradurales, extramédullaires : ce sont Des explorations neurophysiologiques, avec en particulier
essentiellement des schwannomes (plutôt chez l’adulte l’enregistrement des PES, peuvent faire partie du bilan pré-
jeune) et des méningiomes (plutôt chez la femme de plus opératoire. L’enregistrement des PES renseigne sur l’état fonc-
de 60 ans). Elles sont le plus souvent bénignes et leur tionnel de la moelle et objective les signes de souffrance des
traitement est chirurgical. voies somesthésistes, révélant parfois des anomalies
infracliniques.
Bien qu’il soit difficile de démontrer l’impact du monitorage
peropératoire par l’enregistrement de PES ou PEM sur le résultat
Tumeurs intramédullaires fonctionnel postopératoire, l’absence de modification de
conduction cordonale postérieure semble être un élément de
Les tumeurs intramédullaires sont des affections rares, bon pronostic sensitif [79].
représentant 2 % à 4 % de l’ensemble des tumeurs du système Le seul traitement efficace des tumeurs intramédullaires est la
nerveux central. Elles sont le plus souvent observées chez microchirurgie avec parfois l’utilisation du bistouri ultrasonique
l’adulte jeune, avec une moyenne d’âge de 35 ans, sans prédo- pour réaliser un évidement intratumoral, en préalable à la
minance de sexe. Elles représentent 20 % des tumeurs intraspi- recherche d’un plan de clivage. Le risque d’aggravation neuro-
nales chez l’adulte et 30 % à 35 % des tumeurs intraspinales logique postopératoire est relativement élevé, estimé à 30 %
chez l’enfant. dans les plus grandes séries [80] . Le pronostic fonctionnel
La grande majorité des tumeurs intramédullaires sont des postopératoire est d’autant meilleur que le diagnostic de tumeur
tumeurs gliales avec 60 % d’épendymomes (dont 10 % à 15 % intramédullaire est précoce et qu’il existe un plan de clivage
d’épendymomes myxopapillaires) et 30 % d’astrocytomes [76]. entre la tumeur et la moelle [80] . L’exérèse complète de la
Les astrocytomes sont plus fréquents en région thoracique et tumeur est réalisée chaque fois que cela est possible, c’est-à-dire
cervicale, alors que les épendymomes sont plutôt localisés dans lorsque la détermination d’un plan de clivage entre tumeur et
la région du cône médullaire, du filum terminal et de la queue tissu sain est réalisable sans ambiguïté. La radiothérapie et la
de cheval. L’hémangioblastome est la troisième tumeur intra- chimiothérapie n’ont pas leur place à l’heure actuelle dans
médullaire la plus fréquente. Les symptômes cliniques ne sont l’arsenal thérapeutique, sauf éventuellement pour les tumeurs
pas spécifiques mais il faut souligner la fréquence des douleurs, malignes, qui sont surtout observées chez les enfants.
souvent révélatrices. Il peut s’agir d’algies et/ou de paresthésies
cordonales postérieures, d’algies rachidiennes ou d’origine Tumeurs de nature gliale
radiculaire. L’expression clinique est évidemment liée à la Épendymomes (Tableau 7)
topographie lésionnelle et tous les signes habituels d’une Les épendymomes sont les tumeurs intramédullaires les plus
atteinte médullaire peuvent être observés : atteinte motrice au fréquentes de l’adulte avec un pic d’incidence entre la qua-
niveau des membres inférieurs (fatigabilité à la marche, boiterie) trième et la cinquième décennie [81]. Le sex-ratio est de 1. Ces
et/ou des membres supérieurs (maladresse manuelle, etc.), tumeurs sont surtout localisées dans la moelle cervicale, où
atteinte sensitive subjective et/ou objective, troubles vésico- l’anatomopathologie conclut souvent à des épendymomes
sphinctériens. Plus rarement, une hydrocéphalie, une hyper- cellulaires, et dans le cône médullaire ou le filum terminal où
tension crânienne avec œdème papillaire [77], voire une hémor- les tumeurs sont des épendymomes essentiellement myxoïdes.
ragie méningée intracrânienne peuvent être des modes de Cette distinction peut être visible à l’IRM [76], examen de choix
révélation des tumeurs intramédullaires. permettant de fortement suspecter le diagnostic et de faire le
Chez l’enfant, une scoliose peut être le premier signe de bilan d’extension de ces lésions.
l’affection. L’évolution peut se faire insidieusement, brutalement Les épendymomes de la moelle cervicale (donc surtout les
ou par poussées. épendymomes cellulaires) sont habituellement des masses bien
Neurologie 17
17-275-A-10 ¶ Tumeurs rachidiennes et intrarachidiennes
Tableau 7.
Principales tumeurs intramédullaires (TIM).
Tumeur Épidémiologie, sexe, âge Localisation TDM IRM
(± clinique évocatrice) (± radios standards)
Épendymome 65 % TIM adulte Cône médullaire et filum Peu contributifs hormis Cône médullaire et filum terminal
4-5e décennie terminal pour formes élargissement du canal Iso ou hyper T1
myxopapillaires rachidien et érosion osseuse
H=F Hyper T2
Moelle cervicale pour (20 %)
Douleurs Contraste + (intense)
épendymome cellulaire
Déficits neurologiques (20-25 %) Moelle cervicale
Évolution lente Élargissement de la moelle
Iso ou hypo T1
Hyper T2
Contraste +, hétérogène
Formations kystiques polaires fréquentes
Position centromédullaire : 30 %
Signe de la « coiffe » (absence de signal aux
extrémités tumorales): 30 %
Astrocytome 30 % TIM adulte Moelle cervicale > moelle Peu contributifs Élargissement de la moelle
TIM la plus fréquente chez enfant thoracique haute Limites tumorales irrégulières
Âge moyen : 30 ans, mais Hypo, iso T1
1/3 d’enfants < 15 ans Hyper T2
M=F Contraste négatif ou positif homogène ou
Douleurs positif bigarré pour astrocytome grade I
Contraste positif uniforme ou hétérogène
pour autres astrocytomes
circonscrites responsables d’un élargissement de la moelle, qu’un risque de dissémination à travers les voies d’écoulement
hyperintense en T2 et iso- ou hypo-intense à la moelle en T1. du LCS récemment bien mis en évidence [83].
La prise de contraste est souvent marquée mais hétérogène et Le pronostic des épendymomes intramédullaires reste cepen-
il existe fréquemment des formations kystiques polaires et des dant très favorable avec une survie globale à 10 ans de 95 %.
signes d’hémorragie intratumorale. Ils sont en position centro- Astrocytomes [84] (Tableau 7)
médullaire dans un tiers des cas, et le signe de la « coiffe »,
décrit par Brotchi et Fisher [78] et correspondant à des plages Moins fréquents que les épendymomes (30 % des tumeurs
d’absence de signal aux extrémités tumorales, est observé dans intramédullaires), les astrocytomes sont observés plus souvent
chez l’enfant que chez l’adulte. La moyenne d’âge est de 30 ans
un tiers des cas. Les calcifications sont rares. L’astrocytome
avec cependant un tiers d’enfants de moins de 15 ans. Ils
intramédullaire est le principal diagnostic différentiel de
siègent plus volontiers dans la moelle cervicale suivie de la
l’épendymome intramédullaire cervical.
moelle thoracique haute.
Les épendymomes du cône médullaire et du filum terminal
Sur l’IRM les astrocytomes intramédullaires sont responsables
(donc surtout les épendymomes myxopapillaires) sont de
d’un élargissement de la moelle. Les limites tumorales sont
croissance lente et peuvent être de taille considérable. Sur le
souvent irrégulières et des composantes hémorragiques associées
plan anatomique les épendymomes du filum terminal ne sont
à l’œdème ne sont pas rares. Les astrocytomes sont habituelle-
pas intramédullaires stricto sensu mais s’invaginent en « doigt
ment hypo- ou iso-intenses en T1 et hyperintenses en T2. Ils
de gant » dans le cône médullaire. De croissance lente, ils peuvent prendre toutes les caractéristiques IRM des épendymo-
peuvent être de taille considérable et s’associer à une érosion du mes. Les astrocytomes pilocytiques de bas grade (OMS grade I)
corps vertébral, une scoliose ou un élargissement des foramens (Fig. 13) peuvent avoir un rehaussement homogène ou bigarré
intervertébraux. Ils sont habituellement hyperintenses en T2 et ou ne pas avoir de rehaussement du tout au gadolinium [85].
iso- ou hyperintenses en T1. Cette possible hyperintensité en Mais la plupart des autres types d’astrocytomes (OMS grade II)
T1 est liée à la présence de mucine ou de composants hémor- ont un rehaussement uniforme ou hétérogène.
ragiques. Ils prennent habituellement fortement le contraste, La portion charnue est habituellement plus étendue en
d’une façon inhomogène à l’injection de gadolinium. Les hauteur que les épendymomes et ils sont également plus
principaux diagnostics différentiels à ce niveau sont le neuri- souvent excentrés.
nome intradural de la queue de cheval ou le paragangliome du Il s’agit pour la très grande majorité de tumeurs primitives de
filum terminal. la moelle. Néanmoins de rares cas d’astrocytomes secondaires à
Les signes cliniques sont très variables, non spécifiques. Les une irradiation médullaire ont été décrits [86].
déficits neurologiques apparaissent tardivement à un stade Classiquement considérés comme inextirpables dans leur
évolué de la maladie. totalité, l’exérèse complète est cependant possible dans un tiers
Le traitement est chirurgical et l’exérèse complète est possible des cas du fait des progrès des instruments microchirurgicaux et
dans la majorité des cas. Les épendymomes médullaires sont de l’utilisation du bistouri ultrasonique. La difficulté principale
habituellement bénins sur le plan histologique. En effet, seuls est due à l’absence de plan de clivage dans les formes infiltran-
de rares cas de formes malignes ont été rapportés dans la tes. Les astrocytomes de bas grade (pilocytiques, fibrillaires,
littérature. Les subépendymomes, proches des astrocytomes, protoplasmiques, gémistocytiques) sont plus fréquents que les
sont désormais rattachés aux épendymomes dont ils ne se hauts grades.
distinguent que par de faibles particularités histologiques. La radiothérapie n’est habituellement pas prescrite dans les
L’irradiation reste encore controversée dans les cas d’exérèse bas grades. Cependant, elle est discutée si l’exérèse est incom-
subtotale et a fortiori totale. Classiquement, elle ne devrait être plète et dans les formes malignes. Quel que soit le type histo-
réservée qu’aux cas d’exérèse incomplète [82]. Même majoritai- logique, le pronostic vital est nettement moins bon que pour les
rement bénins, les épendymomes ont un potentiel de récidive épendymomes (40 % de survie à 10 ans). Dans les formes
non négligeable (variant de 4 % à 29 % selon les séries [82]) ainsi malignes, la médiane de survie n’excède pas 10 mois.
18 Neurologie
Tumeurs rachidiennes et intrarachidiennes ¶ 17-275-A-10
B
Figure 13. Imagerie par résonance magnétique T1 gadolinium (A) et
T2 (B). Volumineuse tumeur intramédullaire élargissant la moelle avec des
limites irrégulières et une importante portion charnue du cône médullaire.
Prise de contraste irrégulière : astrocytome pilocytique récidivant Figure 14. Imagerie par résonance magnétique T1 gadolinium, coupe
intramédullaire. sagittale. Métastase dans le cône médullaire d’une néoplasie primitive
pulmonaire.
Neurologie 19
17-275-A-10 ¶ Tumeurs rachidiennes et intrarachidiennes
20 Neurologie
Tumeurs rachidiennes et intrarachidiennes ¶ 17-275-A-10
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Toute référence à cet article doit porter la mention : Diabira S. M., Riffaud L., Haegelen C., Hamlat A., Hénaux P.-L., Brassier G., Josseaume T., Morandi X.
Tumeurs rachidiennes et intrarachidiennes. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Neurologie, 17-275-A-10, 2011.
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