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Hypophysites lymphocytaires
et non lymphocytaires
I. Allix, V. Rohmer
L’hypophysite est une pathologie rare. Sa symptomatologie et les signes radiologiques sont non spéci-
fiques, rendant son diagnostic difficile. Le tableau clinique peut comprendre des symptômes neurologiques
liés à la compression du chiasma optique, des nerfs oculomoteurs et des méninges par la masse
hypophysaire et des symptômes « endocriniens » liés à l’atteinte de l’antéhypophyse (insuffisance antéhy-
pophysaire), de la posthypophyse (diabète insipide) et de la tige pituitaire (hyperprolactinémie). Il existe
plusieurs façons de classer cette pathologie : anatomique, histologique, ou selon l’étiologie. L’hypophysite
primaire reste la forme la plus fréquente. Sa physiopathologie reste encore mal comprise. De nouvelles
étiologies et formes histologiques ont été décrites ces dernières années : hypophysites par infiltration
lymphoplasmocytaire à immunoglobulines G4 (des critères diagnostiques ont été clairement identifiés) ;
hypophysites secondaires à des traitements immunosuppresseurs, tels que les anticorps monoclaux anti-
CTLA-4 utilisés dans le traitement de certains cancers. De plus, il a été rapporté pour la première fois
des hypophysites chez des patients présentant une vascularite à anticorps anti-cytoplasme des polynu-
cléaires neutrophiles. Le traitement consiste à corriger les déficits hormonaux, et en cas de troubles visuels
se discutent soit un traitement par corticoïdes à fortes doses, soit une décompression neurochirurgicale.
L’évolution de l’hypophysite est variable d’un patient à l’autre. La pathogenèse de cette maladie reste
encore inconnue, bien que plusieurs autoantigènes aient été identifiés ces dernières années.
© 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Plan Introduction
■ Introduction 1 L’hypophysite est une pathologie rare, correspondant à une
■ Épidémiologie 1 inflammation chronique de la glande dont la pathogenèse est
■
complexe et mal comprise. Les signes cliniques et radiologiques
Présentation clinique et anomalies hormonales 2
sont non spécifiques, rendant son diagnostic difficile. De nou-
■ Imagerie 2 velles formes ont été décrites. L’objectif de cet article est de faire le
■ Évolution 3 point sur le diagnostic, le mode de classification de cette patholo-
■ Prise en charge thérapeutique 3 gie, les nouvelles entités décrites. Enfin, un point est fait sur l’état
des connaissances en 2015 dans le domaine de l’auto-immunité
■ Classification et diagnostic histologique 4 hypophysaire et sur les autoantigènes possiblement impliqués
Classification selon la localisation 4 dans l’hypophysite.
Classification étiologique 5
Classification selon le diagnostic histologique 5
■ Nouvelles entités 6
Hypophysite à immunoglobulines G4 6
Hypophysite induite par un traitement immunomodulateur 7
Hypophysite lors des vascularites à anticorps anti-cytoplasme
des polynucléaires neutrophiles 7
Épidémiologie
■ Modèles expérimentaux et auto-immunité 8 Il s’agit d’une pathologie rare, représentant 0,24 à 0,88 % des
■ Conclusion 8 pathologies hypophysaires. L’incidence annuelle est évaluée à un
cas pour neuf millions d’habitants [1] .
EMC - Endocrinologie-Nutrition 1
Volume 13 > n◦ 1 > janvier 2016
http://dx.doi.org/10.1016/S1155-1941(15)64286-X
10-023-D-10 Hypophysites lymphocytaires et non lymphocytaires
Présentation clinique
et anomalies hormonales “ Point fort
Les symptômes cliniques de l’hypophysite ne sont pas spéci-
fiques. Il est décrit des signes neurologiques liés à la compression • Les signes cliniques sont non spécifiques. Le diagnostic
des structures adjacentes à l’hypophyse : céphalée (compression doit être évoqué devant un syndrome tumoral (céphalée
des méninges et de la dure-mère), diplopie (compression des nerfs et déficit du champ visuel) associé à un déficit antéhy-
oculomoteurs lors d’expansion latérale dans les sinus caverneux), pophysaire et une hyperprolactinémie, et ce d’autant s’il
amputation du champ visuel (compression du chiasma optique) s’agit d’une femme jeune enceinte ou dans le post-partum.
et baisse de l’acuité visuelle. Les céphalées et les troubles du
L’absence de montée laiteuse et/ou de retour de couche
champ visuel sont souvent les premiers symptômes. Des déficits
hypophysaires sont également fréquemment associés : isolés ou associé à un syndrome tumoral doit faire évoquer le diag-
touchant plusieurs lignées (liés à l’atteinte de l’antéhypophyse nostic.
par le processus inflammatoire), parfois un diabète insipide • L’intensité de ces signes cliniques est très variable.
(atteinte de la neurohypophyse), ou bien encore une hyperpro- • Les formes asymptomatiques existent également. Le
lactinémie. Plusieurs mécanismes sont évoqués pour expliquer diagnostic est alors souvent rétrospectif, plusieurs années
l’hyperprolactinémie : hyperprolactinémie de déconnection par plus tard, évoqué chez un patient présentant un déficit
compression de la tige pituitaire levant le feedback négatif de hypophysaire et une image de selle turcique vide ou une
la dopamine sur les cellules lactotropes, destruction des cellules hypophyse normale.
lactotropes par le processus inflammatoire responsable d’un relar-
gage des stocks de prolactine, et enfin diminution de la production
hypothalamique de dopamine ou de l’expression du récepteur de
la dopamine par le processus inflammatoire [1] . L’axe le plus atteint
est l’axe corticotrope, puis l’axe thyréotrope, puis l’axe gonado- de contraste de la dure-mère [2] . Mais là encore, ces signes sont
trope et enfin l’axe somatotrope [1] . Cette présentation n’est pas non spécifiques. Les coupes coronales en T2 montrant des zones
classique dans les autres atteintes hypophysaires où les axes soma- hyperintenses ainsi que les coupes dynamiques montrant un
totrope et gonadotrope sont principalement atteints. ralentissement de la prise de contraste peuvent avoir leur utilité
Il est exceptionnel que l’hypophysite soit découverte de façon dans les cas douteux [3] .
fortuite sur une imagerie par résonance magnétique (IRM). Les principaux diagnostics différentiels sont :
La latence diagnostique serait significativement plus longue • une « grosse hypophyse » dans une petite selle turcique. Le plan-
dans les adénohypophysites survenant en dehors de la grossesse cher sellaire est alors étroit (< 10 mm) et la selle est souvent plate
(médiane = 12 mois) que dans les adénohypophysites survenant (large pneumatisation du sinus sphénoïdal) ;
pendant la grossesse (4 mois), ou lors des infundibuloneurohypo- • un syndrome de Sheehan à son début. L’hypophyse ne prend
physites (3 mois) ou des panhypophysites (4 mois), où le diabète pas le contraste, car il existe une importante nécrose ;
insipide est souvent bruyant et au devant du tableau clinique [1] . • la grossesse. Lors de la gestation, l’augmentation de volume de
l’hypophyse peut être proche du chiasma ;
• une « grosse hypophyse » de la femme jeune ;
• l’hypotension intracrânienne. La déperdition de liquide céré-
Imagerie brospinal entraîne une dilatation des veines responsable d’un
mauvais drainage de l’hypophyse et donc d’une congestion
L’IRM est devenue la technique la plus performante pour explo- hypophysaire ;
rer l’hypophyse. Il est utile d’effectuer des coupes coronales et • un adénome holosellaire. Gutenberg et al. ont proposé en
sagittales avant et après injection de gadolinium. Le diagnostic 2009 un score radiologique pour différencier les hypophy-
d’hypophysite est difficile puisque les signes ne sont pas spéci- sites des adénomes avant une éventuelle chirurgie (Tableau 1).
fiques. Toutefois, il est classique de noter dans l’adénohypophysite Ce score prend en compte : l’âge du patient (< 30 ans), un
un syndrome tumoral de l’hypophyse, symétrique, homogène lien avec la grossesse, le volume de l’hypophyse, l’intensité
et iso-intense en T1. Le rehaussement après injection de gado- et l’homogénéité du rehaussement après injection de gadoli-
linium est généralement homogène, rarement périphérique et nium, la symétrie de la lésion, la perte ou non du bright spot
toujours très marqué (Fig. 1). Il peut également être noté une de la neurohypophyse, la taille de la tige et l’existence d’un
prise de contraste le long de la tige pituitaire, ainsi qu’une prise épaississement de la muqueuse sphénoïdale. La présence de
A B C
Figure 1. Hypophysite dans le post-partum immédiat. Imagerie par résonance magnétique hypophysaire.
A. Coupe coronale en T1 avant injection de gadolinium.
B, C. Coupes coronale et sagittale après injection de gadolinium.
2 EMC - Endocrinologie-Nutrition
Hypophysites lymphocytaires et non lymphocytaires 10-023-D-10
Tableau 1.
Hypophysite et adénome hypophysaire : aspects sur l’imagerie par réso- Évolution
nance magnétique. Critères de Gutemberg.
L’évolution de l’hypophysite est variable d’un patient à l’autre.
Hypophysite Adénome
Les données de la littérature sur le sujet sont pauvres et contradic-
Âge < 30 ans + – toires selon les cas rapportés.
Lien avec la grossesse + – Compte tenu de la faible prévalence de la maladie et de son
hétérogénicité, aucun essai n’a pu comparer l’évolution selon les
Volume de l’hypophyse > 6 cm3 – +
différentes alternatives thérapeutiques.
Intensité et homogénéité du rehaussement + – Toutefois, il est décrit les évolutions suivantes.
Symétrie de la lésion + – Une récupération spontanée est possible sans traitement avec
Perte du bright spot de la neurohypophyse + – restitution ad integrum (3 % selon la revue de Caturegli et al.) [1] .
Tige pituitaire épaissie + – La plupart des patients nécessitent une substitution d’un ou
plusieurs axes hypophysaires à long terme (73 % selon la revue de
Caturegli et al.) [1] . Les données de la littérature sont assez pauvres
car le suivi médian des patients n’est que de 1,3 an.
ces signes oriente le clinicien vers une hypophysite. Dans leur
La survenue du décès est estimée dans 8 % des cas, probable-
étude, ce score a présenté une excellente performance diagnos-
ment lié à une insuffisance corticotrope non substituée [1] .
tique. Il a permis de porter un bon diagnostic préopératoire
Le relapsing-remitting décrit l’amélioration des signes compres-
dans 97 % des cas. Sa sensibilité était de 92 % et sa spécificité
sifs avec le traitement anti-inflammatoire (Fig. 2), puis la récidive
de 99 %. Pour le diagnostic d’hypophysite, sa valeur prédic-
à l’arrêt.
tive positive était de 97 % et sa valeur prédictive négative de
Lupi et al. ont montré sur un modèle animal expérimental que
97 % [4] ;
l’évolution de l’hypophysite pouvait conduire à une selle tur-
• un kyste de la poche de Rathke. Celui-ci est souvent en posi-
cique vide [6] . Ces données expérimentales sont observées chez
tion médiane juste en avant de la posthypophyse sur une coupe
l’homme [6] (Fig. 3).
axiale. Le signal en T1 est très variable et dépend du contenu
en protéines du kyste. S’il est noté un hypersignal en T1, il
est classique dans les kystes de noter un hyposignal en T2.
Le contraire est également observé, surtout pour ceux de petit
volume [1, 5] .
“ Point fort
Quant à l’infundibuloneurohypophysite, le diagnostic est évo-
qué sur des coupes axiales et sagittales en T1 où la tige pituitaire n’a • L’évolution est le plus souvent favorable.
plus du tout la même morphologie. Elle est alors épaissie et tubu- • Il est décrit des récupérations spontanées avec restitu-
laire. L’atteinte de la neurohypophyse se traduit par une perte de tion fonctionnelle de tous les axes, des formes récidivantes,
l’hypersignal spontané en T1. Les coupes dynamiques montrent
la persistance de déficits antéhypophysaires et l’évolution
un rehaussement précoce retardé et diminué.
vers une selle turcique vide.
Les diagnostics différentiels sont :
• sarcoïdose / histiocytose ;
• métastases.
A B
EMC - Endocrinologie-Nutrition 3
10-023-D-10 Hypophysites lymphocytaires et non lymphocytaires
A B
hypophysaire n’est pas toujours nécessaire [7] . La mesure des anti- Tableau 2.
corps antihypophyse manque de sensibilité et de spécificité pour Classifications des hypophysites.
aider au diagnostic. Basée sur la localisation Adénohypophysite
Le rôle de la chirurgie reste controversé. La chirurgie, en plus anatomique de l’atteinte Infendibuloneurohypophysite
de permettre un diagnostic histologique certain, est efficace pour hypophysaire Panhypophysite
diminuer les symptômes liés à la compression des structures sus-
Basée sur l’apparence Lymphocytaire
jacentes (les céphalées et les déficits visuels). Mais cette technique histologique Granulomateuse
reste non anodine et ne permet pas un traitement étiologique. Xanthomateuse
Il est actuellement recommandé de n’avoir recours à la chi- Nécrosante
rurgie qu’en cas d’anomalies importantes du champ visuel, de Forme plasmocytaire riche en IgG4
l’acuité visuelle, ou de troubles oculomoteurs ne répondant pas ou Forme mixte
s’aggravant sous traitement médical. Les patients présentant un Basée sur l’étiologie Primaire (isolé ou maladie systémique
diabète insipide, une hyperprolactinémie et un hypopituitarisme multiorgane)
ne sont pas améliorés par la chirurgie puisque leur symptoma- Secondaire
tologie est liée à l’infiltration diffuse lymphocytaire et non à la
compression du parenchyme hypophysaire [1, 7] . IG : immunoglobulines.
Les glucocorticoïdes semblent efficaces lorsqu’ils sont admi-
nistrés précocement. Les plus utilisés sont la prednisone (20 à
60 mg/j), l’hydrocortisone et la méthylprednisolone (120 mg/j
pendant 2 semaines) [8, 9] . Une seule étude prospective a été menée,
chez neuf patients présentant une hypophysite. Elle a montré
que la méthylprednisolone [10] améliorait la fonction hypophy-
“ Point fort
saire chez quatre patients et l’image IRM chez sept patients.
Mais l’absence de randomisation et de groupe contrôle ne per- • Le traitement passe par la substitution des axes défici-
met pas de conclure et de proposer des recommandations. Il taires.
apparaît toutefois raisonnable d’utiliser en première intention les • En cas de syndrome tumoral, l’utilisation d’un trai-
glucocorticoïdes. La réponse thérapeutique (clinique et imagerie) tement anti-inflammmatoire peut être discutée. La
permet de confirmer le diagnostic. D’autres médicaments immu- corticothérapie est le traitement le plus utilisé.
nosuppresseurs ont été utilisés, tels que l’azathioprine [11] et le • Le traitement chirurgical peut être indiqué en cas de
méthotrexate [12, 13] chez des patients ne répondant pas ou peu aux
symptômes visuels et de céphalées ne régressant pas sous
glucocorticoïdes.
Il a été rapporté deux cas où la radiothérapie a été efficace chez corticothérapie et menaçant le pronostic visuel.
des patients présentant une hypophysite ne répondant pas aux
traitements glucocorticoïdes et chez qui la chirurgie avait été un
échec [14] . Cependant, l’utilisation de cette technique dans le trai-
tement des hypophysites reste controversée [15] .
Classification et diagnostic
histologique
“ Point fort Le terme « hypophysite » regroupe plusieurs variétés. Il existe
plusieurs façons de classer cette pathologie : selon la localisation
anatomique de l’atteinte, le caractère primaire ou secondaire, ou
• Le diagnostic de certitude est histologique. l’aspect histologique (Tableau 2).
• Cependant, dans la majorité des cas, un diagnostic pré-
somptif peut être posé sur l’histoire clinique, le contexte
et l’imagerie. La biopsie hypophysaire n’est pas toujours
nécessaire. Classification selon la localisation
• La mesure des anticorps antihypophyse manque de La localisation de l’atteinte hypophysaire distingue les adé-
sensibilité et de spécificité, et ils ne sont pas utiles au nohyphophysites, des infundibuloneurohypophysites et des
diagnostic. panhypophysites selon que le siège de la lésion est le lobe anté-
rieur, le lobe postérieur et la tige, ou les deux.
4 EMC - Endocrinologie-Nutrition
Hypophysites lymphocytaires et non lymphocytaires 10-023-D-10
Tableau 3.
Classification des hypophysites selon l’étiologie.
Hypophysites Lymphocytaire (auto-immune)
primaires Granulomateuse
Xanthomateuse
Lymphoplasmocytaire riche en IgG4
Formes mixtes :
– lymphogranulomateuse
– xanthogranulomateuse
Hypophysites Lésions locales
secondaires Adénomes hypophysaires
Craniopharyngiomes
Kystes de la poche de Rathke
Germinomes
Méningiomes
Maladies systémiques
A
Inflammatoires
– Sarcoïdose
– Maladie de Wegener
– Vascularite à ANCA
Infectieuses
– Tuberculose
– Syphilis
– Abcès (bactérie à Gram positif)
– Champignons (aspergillose et coccidioïdomycose)
Infiltratives
– Hémochromatose
– Amylose
– Histiocytoses langherhansiennes
– Histiocytoses non langherhansiennes
Classification étiologique
La forme lymphocytaire (également décrite dans la littéra-
Il est également possible de classer les hypophysites en fonc- ture comme hypophysite auto-immune) est la plus fréquente des
tion de l’étiologie, selon que l’atteinte est primaire ou secondaire inflammations chroniques primitives de l’hypophyse [1] .
(Tableau 3). Le parenchyme hypophysaire apparaît dissocié par un infil-
L’hypophysite primaire est la principale cause, et elle peut trat cellulaire lymphoplasmocytaire, mais un nombre variable
être isolée ou faire partie d’un tableau avec atteinte de plusieurs d’éosinophiles, de neutrophiles, de macrophages et d’histiocytes
organes (syndrome auto-immun polyglandulaire). est également décrit (Fig. 4). Parfois, les lymphocytes forment de
Elle englobe plusieurs causes dont la principale est véritables follicules lymphoïdes avec un centre germinatif. Le type
l’hypophysite lymphocytaire. Cette cause ainsi que les autres cellulaire le plus fréquent est le lymphocyte T CD4 [17] , sauf dans
étiologies « primaires » (cf. infra). les formes à évolution rapide de la femme enceinte où on constate
Dans les hypophysites secondaires, un agent étiologique peut une activation préférentielle des CD8. La prépondérance fémi-
clairement être identifié. L‘inflammation de l’hypophyse peut nine de l’hypophysite lymphocytaire est nette (sept femmes pour
être secondaire à une pathologie de la selle turcique (kyste de un homme) [17] , les sujets caucasiens étant les plus atteints. L’âge
la poche de Ratkhe, craniopharyngiome, germinome, adénome) moyen au diagnostic chez la femme est de 34,5 ans [18] , soit en
ou secondaire à une pathologie inflammatoire multisystémique moyenne une décennie plus tôt que chez les hommes. Cependant,
(tuberculose, granulomatose avec polyangéite, sarcoïdose, syphi- l’âge d’apparition est très variable dans la population générale et
lis, etc.), ou enfin secondaire à un traitement (cf. infra). dépend de l’étiologie de l’hypophysite.
Les causes d’hypophysites secondaires à une maladie de système Association entre grossesse et hypophysite : l’auto-immunité
ont été bien décrites depuis une dizaine d’années [1, 16] . hypophysaire est fortement associée à la grossesse. La moitié des
cas décrits chez les femmes ont été observés durant la grossesse
Classification selon le diagnostic histologique et le post-partum immédiat, avec une incidence maximale dans
le dernier trimestre de la grossesse et les six premiers mois après
Un diagnostic histologique de certitude peut être effectué par l’accouchement [1] . Dans ces cas, l’apparition des symptômes est
biopsie ou chirurgie, et permet de différencier plusieurs formes : beaucoup plus précoce par rapport aux hypophysites survenant
lymphocytaire, granulomateuse, xanthomateuse, nécrosante, en dehors des grossesses. Cette association frappante entre hypo-
forme riche en cellules plasmocytaires à immunoglobulines G4 physite et grossesse reste encore mal expliquée. L’hypophyse subit
(IgG4) et formes mixtes. d’importantes modifications pendant la grossesse : augmentation
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Hypophysites lymphocytaires et non lymphocytaires 10-023-D-10
Hypophysite induite par un traitement Une autre étude souligne que l’utilisation de fortes doses de
corticoïdes n’améliore pas le pronostic de l’hypophysite induite
immunomodulateur par l’ipilimumab, mais en revanche la substitution correcte des
Les anticorps monoclonaux anti-cytotoxic T cell associated axes déficitaires est de rigueur [47] .
antigen-4 (CTLA-4) sont une nouvelle immunothérapie utilisée Ces données soulignent l’importance d’évaluer régulièrement
dans certains cancers. Ils agissent en perturbant la tolérance les fonctions hypophysaires des patients traités par ces nouvelles
immunitaire des antigènes présents sur les cellules tumorales. molécules et l’intérêt de les adresser en consultation à un endo-
Ces molécules (ipilimumab et tremelimumab) agissent en blo- crinologue puisque les déficits peuvent être permanents. Dans le
quant le CTLA-4 et ainsi stimulent l’activation des lymphocytes suivi initial sous ipilimumab, un dosage de la thyroxine libre et
cytotoxiques. La réponse antitumorale médiée par le système une cortisolémie à huit heures sont à préconiser.
immunitaire est alors augmentée.
Deux essais cliniques de phase 3 utilisant l’ipilimumab dans le
traitement du mélanome métastatique ont été publiés en 2010 et
2011 [38, 39] . L’ipilimumab a été approuvé par la Food and Drug
Administration en février 2011 puis par l’Agence européenne
“ Point fort
du médicament en juillet 2011 dans le traitement des formes
avancées (métastatiques ou non réséquables) de mélanomes ne • Les anticorps monoclaux anti-CTLA-4, agents immuno-
répondant pas à la chimiothérapie [40] . En 2015, 47 essais cliniques modulateurs utilisés dans le traitement de certains cancers,
utilisant l’ipilimumab dans le traitement des mélanomes, des sont responsables de nombreux effets secondaires d’ordre
cancers du rein, du cancer pulmonaire, du cancer de la pros- immunologique.
tate, des adénocarcinomes pancréatiques, du cancer du foie et • L’hypophysite est fréquemment retrouvée dès sept
de la maladie du greffon contre l’hôte sont en cours. Ce trai- semaines de traitement.
tement immunomodulateur s’accompagne de multiples effets • Un dosage de la thyroxine libre et une cortisolémie à
secondaires d’ordre immunologique dénommés immune related
huit heures sont à préconiser dans le suivi initial sous ipili-
adverse events. Les effets les plus fréquents sont l’entérocolite,
un rash cutané et des hépatites [41] . L’hypophysite est la patho- mumab.
logie endocrinienne la plus fréquente sous ce traitement. Des cas • Il est important chez tout patient présentant une
de thyroïdites et d’insuffisance surrénalienne ont également été atteinte par infiltration d’un organe par les IgG4 de
décrits [39] . Les effets secondaires auto-immuns sont dépendants de surveiller l’apparition d’un diabète insipide ou d’un hypo-
la dose utilisée. Juszczak et al. ont rapporté un cas d’hypophysite pituitarisme qui pourrait révéler une hypophysite à IgG4.
et fait une revue de la littérature sur le sujet [42] .
Les symptômes évocateurs du diagnostic étaient des cépha-
lées, nausées, asthénie, léthargie, perte de la libido et dans de
rares cas anomalies du champ visuel. Le principal diagnostic dif-
férentiel est l’apparition de métastases cérébrales [41] . La plupart
des patients présentaient un hypopituitarisme après avoir reçu la
Hypophysite lors des vascularites à anticorps
dose de 3 mg/kg d’ipilimumab et développaient des symptômes anti-cytoplasme des polynucléaires
après 11 semaines de traitement. Dans ces hypophysites secon- neutrophiles
daires à l’ipilimumab, il a été noté un déficit corticotrope et
thyréotrope dans 100 % des cas [43, 44] . La majorité des hommes Il a été décrit pour la première fois à l’Endocrine Society à
(87 %) présentaient un déficit gonadotrope. Dans la série de Min Houston en 2012 des atteintes hypophysaires associées à une
et al., trois patients sur cinq présentaient un taux d’insulin-like vascularite à anticorps anti-cytoplasme des polynucléaires neu-
growth factor-1 bas [45] . Un seul case report décrit un diabète insi- trophiles (ANCA). Un poster de la Mayo Clinic détaillait leur
pide [43] et un cas d’hyponatrémie secondaire à un syndrome de expérience [48] . Entre janvier 1996 et décembre 2011, Singh et al.
sécrétion inappropriée d’hormone antidiurétique a été rapporté. ont observé que 1,3 % des patients suivis pour vascularite à ANCA
L’hyperprolactinémie n’est pas constante [44] . ont présenté une hypophysite. L’âge médian des patients au diag-
L’IRM hypophysaire chez les patients traités par ipilimumab nostic de l’atteinte hypophysaire était de 48 ans. Le diagnostic
et présentant un hypopituitarisme retrouvait les signes iconogra- a été fait sur l’IRM (réalisée pour céphalées) dans 63 % des cas
phiques classiques d’hypophysite, mais ils semblaient de moindre et dans 37 % des cas dans le bilan d’une insuffisance hypophy-
ampleur que dans l’hypophysite lymphocytaire et dans certains saire. Soixante-quinze pour cent de ces patients ont présenté un
cas l’IRM a été décrite dans les limites de la normale [45] . La réponse diabète insipide. Les fonctions antéhypophysaires étaient conser-
aux glucocorticoïdes évaluée sur l’IRM est variable d’un cas à un vées chez un seul patient. Sept patients présentaient un déficit
autre, mais il est noté dans l’ensemble une tendance à la diminu- gonadotrope, quatre un déficit thyréotrope, deux une insuffisance
tion du volume hypophysaire [42, 45] . corticotrope et un patient avait une hyperprolactinémie. Deux
Le traitement recommandé des principaux effets secondaires patients présentaient une anomalie du champ visuel. L’IRM hypo-
des anticorps anti-CTLA-4 est de fortes doses de glucocorti- physaire révélait une masse sellaire prenant le contraste et chez
coïdes (dexaméthasone 4 mg toutes les 6 heures, prednisolone 45 trois patients un élargissement de la tige pituitaire. Les autres
à 60 mg/j ou méthylprednisolone). Il est bien entendu néces- organes atteints par cette maladie étaient le nez et la gorge (100 %),
saire de traiter les déficits hypophysaires. Dans tous les cas les poumons (63 %), les reins (50 %), la peau (25 %), les articula-
rapportés d’hypophysite induite par l’ipilimumab, les symptômes tions (25 %) et le cœur (12 %). Les patients ont été traités selon le
s’amendaient sous glucocorticoïdes et substitution de l’axe thy- traitement standard de la maladie systémique. La durée moyenne
réotrope et gonadotrope. Seulement un patient avait récupéré du suivi a été de 80 mois. Tous les patients sauf un ont présenté
une fonction corticotrope normale [43] . La plupart des patients res- une diminution de la masse hypophysaire au cours du traite-
taient sous substitution glucocorticoïdes. À l’opposé, on constate ment, observée dans la première année. Un patient a présenté
un retour à la normale de la fonction thyréotrope chez 37 à une progression de la masse. Le diabète insipide s’est amendé
50 % des patients [43, 45] . Dans la série de Blansfield et al., 57 % des chez quatre patients sur six. Sur les sept patients présentant une
hommes récupèrent une fonction gonadotrope normale [44] . Une insuffisance hypophysaire, trois patients ont retrouvé des fonc-
étude rétrospective française sur six ans et sur 131 patients trai- tions hypophysaires normales, deux ont amélioré leurs fonctions
tés par ipilimumab confirme ces données. Il est noté l’apparition et chez deux patients il a persisté une dysfonction. Cette équipe
d’une hypophysite chez 11,5 %, survenant dans 66 % des cas conclut que l’atteinte hypophysaire dans les vascularites à ANCA
après la troisième injection. Les principaux symptômes étaient reste rare. La majorité des patients présente une insuffisance
les céphalées et l’asthénie. L’insuffisance corticotrope persistait à hypophysaire qui répond de façon inconstante au traitement de
distance (33 mois de suivi) alors que les fonctions thyréotrope et la maladie, bien qu’il soit noté une amélioration de l’imagerie
gonadotrope récupéraient dans la majorité des cas [46] . hypophysaire [48] .
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Toute référence à cet article doit porter la mention : Allix I, Rohmer V. Hypophysites lymphocytaires et non lymphocytaires. EMC - Endocrinologie-Nutrition
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10 EMC - Endocrinologie-Nutrition