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Hypertension intracrânienne
F. Proust, S. Derrey, O. Lavabre, H. Castel
L’hypertension intracrânienne (HIC) désigne le retentissement clinique d’une pression intracrânienne (PIC)
supérieure à 20 mmHg et constitue un socle commun à des pathologies neurologiques multiples. La sur-
venue d’une HIC est la conséquence biomécanique et hémodynamique d’un dépassement des processus
physiologiques de compensation à une élévation de la PIC. Un continuum pathogénique existe entre HIC
expansive (tumeur, traumatisme cérébral, hydrocéphalie, etc.), HIC lésionnel (thrombophlébite cérébrale,
tumeur géante de la queue-de-cheval, fistule durale, etc.) et HIC bénigne (endocrinopathies, médications,
apnée du sommeil, HIC idiopathique, etc.). Ce syndrome clinique, dont le noyau dur combine céphalées
et manifestations oculaires, expose à une décompensation clinique par hernie cérébrale au travers des
orifices séparant les compartiments de l’espace crâniorachidien. La démarche diagnostique, guidée par
le risque de décompensation clinique par hernie cérébrale à laquelle expose une HIC expansive, relève
de l’urgence pour la réalisation d’une neuro-imagerie par tomodensitométrie et imagerie en résonance
magnétique crânioencéphalique. Les causes lésionnelles et HIC bénignes sont diagnostiquées à l’aide
d’une neuro-imagerie conventionnelle explorant les axes vasculaires et la perfusion parenchymateuse,
mais aussi par l’étude du liquide cérébrospinal en l’absence de tout processus. La mesure de la PIC permet
d’obtenir une valeur moyenne et une courbe d’enregistrement continu. Ainsi, l’enregistrement de la PIC
dessine une onde de pression liée au compartiment vasculaire en relation directe avec l’activité du vais-
seau cérébral pour l’onde de pouls et les ondes lentes, et indirecte par les gros vaisseaux intrathoraciques
pour les ondes respiratoires. En outre, son analyse autorise le calcul de deux index que sont la réserve de
compensation pression-volume et la réactivité cérébrovasculaire. Le traitement de l’HIC par la chirurgie
préalablement à l’instauration d’un traitement médical cherche à préserver une pression de perfusion
cérébrale et une circulation hydrodynamique céphalo-oculaire normales.
© 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Plan ■ Étiologies 10
Expansives 10
■ Introduction 1 Lésionnelles 11
Hypertension intracrânienne bénigne 11
■ Physiopathologie 2
■ Traitement 11
Pression intracrânienne normale 2
Mécanismes de compensation d’une hypertension Méthodes thérapeutiques 11
intracrânienne 2 Stratégies thérapeutiques 12
Pathogénie de l’hypertension intracrânienne 3
Conséquences de l’hypertension intracrânienne 4
■ Syndrome clinique d’hypertension intracrânienne 5
Manifestations neurologiques et oculaires 5 Introduction
Décompensation clinique de l’hypertension intracrânienne 5
Hypertension intracrânienne lésionnelle 6 Durant les deux dernières décennies, l’hypertension intracrâ-
Hypertension intracrânienne bénigne 6 nienne (HIC), définie par une pression intracrânienne (PIC)
■
supérieure à 20 mmHg, est devenue une entité neurologique médi-
Examens complémentaires 7
cochirurgicale [1, 2] . Dès la seconde moitié du XIXe siècle, la mesure
Neuro-imagerie 7
de la PIC par tréphine ou ponction lombaire (Quincke) per-
Étude du liquide cérébrospinal et mesure de pression
mettait d’établir un lien entre son élévation et l’existence d’un
intracrânienne 8
œdème papillaire. Durant le XXe siècle, le développement de
Monitoring de la pression intracrânienne 8
la neuro-imagerie rendait possible le diagnostic étiologique tout
■ Diagnostic différentiel 9 en donnant accès à une meilleure connaissance des processus
EMC - Neurologie 1
Volume 9 > n◦ 2 > avril 2012
http://dx.doi.org/10.1016/S0246-0378(12)50920-6
17-023-A-93 Hypertension intracrânienne
Pression en mmHg
tique ne concerne plus exclusivement les neurochirurgiens, mais dP2
aussi nos collègues neurologues ou ophtalmologues confrontés à
un œdème papillaire menaçant. Le traitement multidisciplinaire
implique non seulement nos collègues neuroréanimateurs pour
prévenir toute décompensation d’une HIC expansive mais aussi
nos collègues neurologues pour prévenir la détérioration visuelle dv
Zone de compensation
d’une HIC idiopathique réfractaire à un traitement antiœdéma- dP1
teux [7] .
Cette mise au point cherche à établir un continuum entre
une HIC expansive et une HIC à tomodensitométrie (TDM)
crânioencéphalique normale en analysant les mécanismes phy- Volume (ml)
siopathologiques, leurs diagnostics et leurs traitements.
Figure 1. Courbe de Langfitt représentant la relation pression-volume.
Physiopathologie Dans la portion horizontale de la courbe (zone de compensation), la forme
de l’onde de pression intracrânienne (PIC) est à petite amplitude. Dans la
portion verticale de la courbe (zone de décompensation), l’onde PIC est
Pression intracrânienne normale à grande amplitude en raison de la perte de compliance cérébrale. Toute
À l’intérieur d’un espace crâniorachidien rigide, la PIC résulte majoration de volume induit une augmentation de la PIC.
d’un équilibre de pression entre trois secteurs que sont le
parenchyme cérébral, le compartiment liquidien ou espace
ultrafiltrat plasmatique, occupe un volume qui dépend de sa pro-
ventriculo-sous-arachnoïdien (EVSA), et le compartiment vascu-
duction, de son volume de stockage ou compliance et enfin de ses
laire ou volume sanguin cérébral (VCS) [5, 8–11] . Cet espace clos,
capacités de résorption.
tapissé de dure-mère, est composé de la cavité crânienne divisée
Le secteur vasculaire occupe 10 % du volume endocrânien, soit
en compartiments supra- et infratentoriel de part et d’autre de la
140 ml [16] . Ce secteur, présent en intracérébral et péricérébral, est
tente cérébelleuse, qui communiquent via le foramen magnum
divisé en plusieurs compartiments : artériel composé des grosses
avec la cavité canalaire rachidienne. L’équation de Monroe-Kellie
artères de la base du cerveau et artérioles, capillaire où se situe
définit l’interaction entre les volumes de ces secteurs et la PIC ;
la barrière hématoencéphalique (BHE) et lieu d’échange avec le
elle établit une PIC constante au prix d’une stabilité des volumes
secteur liquidien extracellulaire, et veineux subdivisé en veines
(Vcerveau + VLCS + Vsanguin = Vespace crâniorachidien = constante) car l’espace
cérébrales et sinus duraux.
crâniorachidien constitue une enceinte non expansible après fer-
meture des fontanelles et fusion des sutures [10] . La stabilité de la
PIC est constante tout le long de l’espace crâniorachidien [12, 13] . Compliance cérébrale
Ainsi, toute variation de volume de l’un des secteurs est compen- La pente de la courbe V/P représente la compliance céré-
sée par une variation équivalente de volume des autres secteurs. brale qui illustre la capacité des mécanismes de compensation
Les valeurs normales de la PIC sont mesurées dans le liquide à une augmentation de la PIC [5, 17–21] . Sa mesure est faite par
cérébrospinal (LCS) [5] . Habituellement exprimées en mmHg le calcul de l’index pression-volume (IPV) qui est le volume en
(10 cmH2 O = 7,35 mmHg, 10 mmHg = 13,6 cmH2 O), elles varient millilitres nécessaire pour augmenter par dix la PIC. À partir de
selon l’âge : de 10 à 15 mmHg pour les adultes et enfants âgés 14 ans, l’IPV normal est supérieur à 25 ml. Avant cet âge, il chute
oscillant parfois jusqu’à 20 mmHg, de 3 à 7 mmHg pour les jeunes à 10 ml en raison du réservoir spinal plus petit. Cette comp-
enfants et de 1 à 6 mmHg en période néonatale [14, 15] . Dans un état liance est dépendante du temps et du volume. En effet, chez le
physiologique stable, la PIC est stable malgré les perturbations nourrisson, les sutures peuvent se distendre lors d’augmentation
transitoires que peuvent induire la toux, l’éternuement ou l’effort lente et progressive de la PIC. C’est l’absence d’extensibilité de
à glotte fermée grâce aux systèmes de compensation qu’offrent les la dure-mère qui empêche la compensation à une augmentation
différents secteurs. brutale de la PIC. Si la compliance cérébrale est importante à la
phase initiale de l’augmentation de la PIC, elle diminue dans la
Mécanismes de compensation seconde partie de la courbe, ce qui traduit un épuisement des
mécanismes de compensation [20, 21] . Cet index est utilisé essen-
d’une hypertension intracrânienne tiellement dans les problèmes diagnostiques de l’hydrocéphalie
La relation pression/volume est illustrée par la courbe de chronique de l’adulte.
Langfitt [10] . Cette courbe exponentielle a une pente initiale faible
pour s’infléchir vers le haut au-delà d’un certain volume (Fig. 1). Dynamique des fluides
Initialement, les mécanismes de compensation parviennent à Les mécanismes de compensation reposent sur un transfert de
maintenir une PIC constante puis l’infléchissement de la courbe
fluides. À l’intérieur de l’espace crâniorachidien existent plusieurs
signale leur dépassement et expose le patient à une décompen-
circuits des fluides (Fig. 2). Un circuit sanguin pur débute sur le
sation clinique de son HIC. Les mécanismes de compensation
versant artériel, franchit le réseau capillaire parenchymateux et
consistent en une réduction de volume des secteurs de l’espace
se termine dans le réseau veineux. La BHE constitue le point de
crâniorachidien afin de s’adapter à l’élévation de la PIC.
départ du circuit interstitiel-intracellulaire parenchymateux et de
l’EVSA [22] .
Secteurs de l’espace crâniorachidien Au sein du circuit interstitiel-intracellulaire parenchymateux,
Le secteur parenchyme cérébral de volume 1 400 ml occupe les échanges répondent aux lois de l’osmose. Lors d’altérations
80 % de l’espace crâniorachidien ; les fluides intracellulaires ou de la BHE, les mouvements de fluides obéissent à la pression
interstitiels constituent 10 % de ce secteur. hydrostatique, c’est-à-dire un libre passage des protéines et des
Le secteur EVSA de volume de 150 ml est réparti en un volume électrolytes qui annulent les gradients osmotiques et oncotiques.
ventriculaire de 30 ml, un volume cisternal de 40 ml et un volume Pour les échanges transmembranaires, les variations de volume
rachidien de 80 ml [11] . Chez l’enfant, la valeur relative de ce sont limitées par la présence d’osmoles actives dite neuroprotec-
volume serait réduite par comparaison avec l’adulte [14] . Le LCS, trices (électrolytes, acides aminés, polyols, triéthylamines) [23–25] .
2 EMC - Neurologie
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1
5
6
2 9
4 10 6 2
5 7
3 11
7
1
12
A B
Figure 2. Représentation de la barrière hématoencéphalique et du passage des fluides (A, B). 1. Neurone ; 2. péricyte ; 3. endothélium ; 4. sang ; 5. jonctions
serrées ; 6. lame basale ; 7. astrocyte ; 8. lumière vasculaire ; 9. cellule endothéliale ; 10. cellule musculaire ; 11. microglie ; 12. espace périvasculaire.
Le LCS, sécrété par le plexus choroïde dans les ventricules céré- outre, certaines topographies sont responsables d’un blocage de
braux à un débit de 0,35 ml/min, est stocké dans l’espace liquidien la circulation du LCS accélérant le processus de décompensation.
capable d’expansion puis résorbé via les villosités arachnoïdiennes
dans le sinus veineux dural. La résistance à la résorption du LCS Modification du parenchyme cérébral
comprend la résistance des canaux du LCS et celle du passage au
travers des villis. Ce paramètre reste indépendant de la PIC. La Le parenchyme cérébral est l’objet de modifications biomé-
pression durale intrasinusienne est la pression de sortie du LCS. Il caniques ou biochimiques en réaction à la constitution d’un
existe une interaction entre la sécrétion, le stockage et la résorp- quatrième secteur expansif ou l’installation d’un trouble de
tion du LCS. Un gradient de pression transvillositaire existe au circulation vasculaire. Ces modifications surviennent conco-
travers de ces éléments de résorption au contact des sinus crâniens mitamment ou secondairement selon le facteur causal. Les
et des veines périradiculaires. Ainsi, la PIC est proportionnelle aux altérations biomécaniques consistent en une compression sur les
trois facteurs que sont la sécrétion du LCS, la résistance à la résorp- structures de voisinage responsable d’une réduction des volumes
tion et la pression sinusienne durale. Ce gradient de pression reste liquidiens extra- et intracellulaires. Néanmoins, des altérations
constant malgré une HIC, y compris lorsqu’elle devient supérieure biochimiques se développent dans les parois vasculaires, la glie
à la pression veineuse périvillositaire. et les neurones, aboutissant à la formation d’un œdème cérébral.
Le transfert de fluide intéresse ces circuits à des vitesses diffé- La réponse que constitue l’œdème cérébral à de multiples
rentes. L’adaptation volumique la plus rapide est obtenue sur le agressions du parenchyme cérébral est secondaire à une altéra-
circuit sanguin. Son versant veineux par compression des veines tion des mécanismes de transport des membranes capillaires et
périphériques et de certains sinus (sigmoïde) réduit le volume glioneuronales [23, 26, 32, 33] . L’œdème selon le type d’agression est
de sang veineux [8, 23, 26, 27] . Sur le versant artériel, la vasomotricité initialement intra- ou extracellulaire, puis mixte. L’œdème cyto-
cérébrale régule le volume sanguin cérébral. Sur le circuit EVSA, la toxique ou cellulaire est la croissance de volume des cellules
réduction volumique est progressive, dépendante du gradient de gliales, des neurones, puis des cellules endothéliales. L’altération
pression transvillositaire. Enfin, les fluides intraparenchymateux de la membrane cellulaire aboutit à l’accumulation intracellulaire
se mobilisent lentement, et sont des mécanismes de compensa- de cations, d’H2 O par détérioration des mécanismes de trans-
tion actifs pour les augmentations lentes et progressives de la PIC. port actif de la membrane cellulaire. Dans un second temps,
En outre, chez l’enfant avant 18 mois, les sutures non fusionnées les fluides intracellulaires sont extériorisés dans l’espace intersti-
peuvent se disjoindre lors d’augmentation progressive de la PIC, tiel. L’œdème extracellulaire est le résultat d’une accumulation
mais l’absence d’extensibilité de la dure-mère ne permet aucune d’H2 O, d’électrolytes et de protéines dans l’espace extracellulaire.
adaptation aux augmentations brutales. Selon le mécanisme impliqué, ils sont classés en hydrostatique,
vasogénique et hydrocéphalique. L’œdème hydrostatique est dû
à un mécanisme d’ultrafiltration au travers de la BHE de sub-
stances de faible poids moléculaire (glucose et aminoacides) lié
Pathogénie de l’hypertension intracrânienne à une élévation de la pression cérébrale intravasculaire. L’œdème
vasogénique est secondaire à une altération de la BHE devenue
Dans l’espace rigide crâniorachidien, l’HIC résulte d’une aug-
perméable aux molécules plasmatiques. L’œdème hydrocépha-
mentation des volumes secondaire au développement surajouté
lique, composé de LCS qui franchit l’épendyme, est lié à une
d’un quatrième secteur expansif et/ou de modifications des trois
augmentation de la pression hydrostatique provenant du contenu
secteurs existants.
ventriculaire.
EMC - Neurologie 3
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Les modifications biochimiques du LCS participent à ce trouble des phénomènes musculaires en réponse aux variations de la ten-
de circulation. En outre, le mécanisme d’hypersécrétion du LCS sion de la paroi artérielle. Ce mécanisme est aisément altéré par
est exceptionnellement rencontré. de nombreux processus pathologiques. L’évaluation de cette fonc-
tion est cruciale avant l’instauration d’une neuroréanimation.
Augmentation du volume sanguin cérébral La régulation humorale fait intervenir le dioxyde de carbone
(CO2 ) qui a une puissante action vasodilatatrice sur les artères
Le volume sanguin cérébral peut augmenter aux dépens du
cérébrales [35, 36, 42–44] . L’hypercapnie produit une acidose tissulaire
compartiment artériel ou veineux. La poussée d’hypertension
et une augmentation marquée du DSC. Ainsi, l’inhalation d’un
artérielle systémique induite par la décharge de catécholamines
mélange d’air et de CO2 à 5 % provoque une augmentation du
lors de souffrance de la région diencéphalique augmente le
DSC de 50 %. L’ensemble des effets induits par l’augmentation
volume dans les gros vaisseaux de la base malgré les méca-
de la pression artérielle partielle en CO2 (PaCO2 ) sur les artères
nismes de régulation. Mais surtout l’altération des mécanismes
cérébrales sont liés aux variations de la concentration extracellu-
de résistance cérébrovasculaire dans les artérioles par dépas-
laire en protons qui dépend de la concentration en bicarbonates
sement de l’autorégulation constitue le point de départ d’un
et de la PCO2 tissulaire. Une augmentation en PaCO2 détermine
œdème vasogénique. L’altération du drainage veineux induit une
une acidose tissulaire et une vasodilatation. Ce processus souligne
réduction de la résorption du LCS et une stase veineuse [19, 35–38] .
l’importance du contrôle de la PaCO2 et de la ventilation en cas
L’hyperpression veineuse est actuellement le principal mécanisme
d’HIC.
de l’HIC bénigne.
Le couplage débit-métabolisme ou hyperémie fonction-
nelle [40, 45] . Le potassium, qui détermine le contrôle du tonus
Conséquences de l’hypertension vasculaire cérébral, est l’ion intracellulaire le plus abondant [42] . Il
intracrânienne assure, dans l’espace intercellulaire, un lien entre cellules endothé-
liales, neurones et astrocytes d’une part, et tonus du muscle lisse
L’HIC induit une combinaison de perturbations bioméca- d’autre part. Libéré dans l’espace extracellulaire, il entraîne une
niques, hémodynamiques. vasodilatation par activation des canaux potassiques des cellules
musculaires lisses. Il intervient dans l’adaptation rapide du DSC à
Conséquences biomécaniques l’activité métabolique cérébrale. L’autre agent est l’adénosine qui
s’accumule lorsque l’activité neuronale augmente et ainsi induit
Les propriétés viscoélastiques du parenchyme cérébral lui per-
une vasodilatation. Le lactate produit une acidose locale mais son
mettent des déformations par engagement au travers des orifices
rôle est mineur. L’activation de la phospho-lipase A2 astrocytaire
séparant les compartiments de l’espace crâniorachidien. Ces enga-
par l’ion calcium entraîne la production d’acide arachidonique.
gements ou hernies cérébrales sont déterminés par l’existence
Ce processus explique l’intérêt de la sédation et de l’hypothermie
d’un gradient de pression de part et d’autre des cloisons durales
lors d’HIC sévère.
rigides séparant les compartiments que sont les loges hémisphé-
Une régulation neurogénique intervient car les artères
riques, la fosse cérébrale postérieure et le canal rachidien [30] . Ainsi,
cérébrales sont innervées par des nerfs extracérébraux et intracé-
les hernies cérébrales dépendent de la cause de l’HIC et induisent
rébraux [17, 42, 45] . Le rôle principal du système orthosympathique
une souffrance par compression des structures de voisinage que
est de protéger la microcirculation de l’augmentation de la PPC.
ce soit le parenchyme, les nerfs crâniens, ou une distorsion des
vaisseaux. L’œdème papillaire serait la conséquence d’un trouble
de circulation du LCS dans l’espace sous-arachnoïdien entourant
les nerfs optiques, lié à une sectorisation de cet espace lors du
processus pathologique [39] .
Conséquences hémodynamiques
“ Point fort
La perfusion est le processus physiologique permettant un Physiopathologie
apport continu de sang artériel, via le réseau capillaire, à un paren- • Les trois secteurs de l’espace crâniorachidien sont
chyme. Le paramètre de mesure de la perfusion est le débit sanguin
de l’organe (F pour flux, Q par analogie avec le courant élec-
le parenchyme cérébral, le compartiment liquidien ou
trique). Il est exprimé en quantité de sang/volume/temps écoulé espace ventriculo-sous-arachnoïdien et le compartiment
(ml/100 g/min). Les deux déterminants du débit sanguin dans un vasculaire ou volume sanguin cérébral.
organe sont la différence de pression (ou pression de perfusion) • L’équation de Monroe-Kellie définit l’interaction entre
entre les deux extrémités du réseau capillaire (Pa – Pv) et la résis- les volumes des secteurs occupant l’espace crâniorachi-
tance globale du réseau vasculaire. La loi de Poiseuille, établie dien.
pour un flux laminaire, unit ces trois paramètres (F = Pa – Pv/R). • Les valeurs normales de la PIC sont de 10 à 15 mmHg
Le parenchyme cérébral est un organe sans aucune capacité de pour les adultes et enfants âgés, oscillant parfois jusqu’à
métabolisme anaérobie. Donc, son fonctionnement est asservi à la 20 mmHg, de 3 à 7 mmHg pour les jeunes enfants et de 1
circulation cérébrale. Si l’on applique la loi de Poiseuille au paren-
à 6 mmHg en période néonatale.
chyme cérébral, le débit sanguin cérébral (DSC) est dépendant
• La courbe de relation pression-volume, exponentielle,
de la formule (DSC = Pa – Pv/R), R étant la résistance cérébrovas-
culaire. La pression de perfusion cérébrale (PPC) est estimée, en présente une pente initiale faible (phase clinique de
pratique quotidienne, par la différence entre pression artérielle compensation) pour s’infléchir vers le haut (phase clinique
moyenne (PAM) et PIC (PPC = PAM – PIC). Ainsi le DSC = PPC/R. de décompensation).
Le DSC normal est compris entre 45 et 55 ml/100 g/min [40] . • Les mécanismes de compensation reposent sur un trans-
Une augmentation de la PIC induit, en l’absence fert de fluides.
d’augmentation de la PAM, une baisse de la PPC. Afin de • Hernies cérébrales et œdème papillaire sont les consé-
maintenir constant le DSC, des mécanismes de régulation de la quences biomécaniques de l’HIC.
résistance cérébrovasculaire vont intervenir. • Une augmentation de la PIC induit, en l’absence
L’autorégulation cérébrale est définie comme une propriété
d’augmentation de la pression artérielle moyenne, une
intrinsèque de la circulation cérébrale à modifier le diamètre vas-
culaire en réponse à une modification de la PPC afin de préserver
baisse de la pression de perfusion cérébrale.
un DSC constant [40, 41] . Ce mécanisme existe pour une PAM de
• Les mécanismes de régulation de la résistance cérébro-
60 à 150 mmHg. L’autorégulation met en jeu les petites artères vasculaire font intervenir l’autorégulation cérébrale, une
et artérioles en amont des capillaires. Le mécanisme reste contro- régulation humorale, une régulation neurogénique et le
versé : une théorie métabolique met en jeu l’hypoxie tissulaire ou couplage débit-métabolisme.
des métabolites vasodilatateurs. La théorie myogène met en jeu
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initiale associée à quelques mouvements de grattage du nez ou de le déterminent : une augmentation de la pression veineuse sinu-
la région pubienne laisse place à une rigidité de décortication. sienne par anomalies du retour veineux lors de thrombose ou de
sténose veineuse ; une résorption du LCS réduite par une inflam-
Stade mésencéphalique mation chronique des méninges ou une obstruction des systèmes
La respiration de Cheyne-Stokes se transforme en une hyper- de résorption périradiculaires. Les caractéristiques cliniques de ce
ventilation soutenue. Les pupilles se dilatent en position cadre étiologique sont spécifiques à chacune d’entre elles : coa-
intermédiaire, non réactives. Les réflexes oculovestibulaires sont gulopathie, syndrome de la queue-de-cheval, syndrome méningé
difficiles à obtenir et les mouvements des globes oculaires sont chronique.
non conjugués. Les réponses motrices deviennent des hypertonies
de décérébration lors des stimuli nociceptifs.
Hypertension intracrânienne bénigne
Stade protubérantiel inférieur
L’hyperventilation diminue et une respiration eupnéique se L’HIC bénigne, définie par une pression intracrânienne élevée
réinstalle à un rythme de 20 à 40 par minute. Les pupilles restent (pression d’ouverture du LCS supérieure à 20 mmHg) en l’absence
en position intermédiaire non réactives. Les réflexes oculovesti- de lésions expansives, permet d’aborder le problème des HIC avec
bulaires ne sont plus obtenus et le patient devient flaccide. TDM crânioencéphalique normale [2, 49] .
Bien qu’elle n’expose pas le patient à une décompensa-
Stade bulbaire tion clinique classique d’un syndrome d’HIC (cf. supra), l’HIC
Ce stade terminal se caractérise par un ralentissement de la bénigne met en jeu le pronostic visuel chez 10 % à 30 % des
ventilation qui devient irrégulière, interrompue par de profonds patients [49] . En 1937, Dandy [6] fut le premier à retenir la pos-
soupirs ou des pauses. Le rythme cardiaque variable, les pupilles sibilité d’une HIC sans tumeur cérébrale, puis Coley en 1955
sont dilatées non réactives. Puis la respiration s’arrête. y associa le terme de « bénigne ». Cette entité regroupe les HIC
idiopathiques et les formes bénignes secondaires à une affection
Hernie temporale interne ou hernie de l’uncus systémique. L’incidence annuelle de la forme idiopathique est esti-
mée à 1,07/100 000 à forte prédominance féminine (sexe ratio
Sous la pression d’une lésion expansive du lobe temporal ou femme/homme de 4 à 16) survenant chez une population jeune
hémisphérique unilatérale, l’uncus et le gyrus hippocampique autour de 30 ans [50] .
sont refoulés vers la ligne médiane et le bord libre de la tente.
L’engagement au travers du foramen ovale de Pacchioni de la
face interne du lobe temporal induit une souffrance de la IIIe Particularités cliniques
paire crânienne homolatérale, un aplatissement du mésencéphale La présentation clinique est dominée par les manifestations
et une compression de l’artère cérébrale postérieure homolaté- neurologiques et oculaires de l’HIC puisque les céphalées sont pré-
rale. Contrairement à la hernie centrale, l’expression initiale de sentes chez 75 % à 99 % des patients et l’œdème papillaire chez la
la hernie de l’uncus est une souffrance non pas du diencéphale quasi-totalité des patients. La céphalée, intermittente ou perma-
mais de structures extracérébrales comme le nerf oculomoteur (III) nente, peut mimer une céphalée de tension banale ou avoir les
homolatéral. Le signe le plus précoce est une dilatation unilatérale caractéristiques de l’HIC avec recrudescence en fin de nuit ou lors
pupillaire, sous forme d’une anisocorie avec réactivité pupillaire des manœuvres de Valsalva. Les symptômes visuels fréquents sont
amoindrie. À ce stade, la conscience reste normale, la respiration les ombres, les points noirs intermittents ou l’obscurcissement
eupnéique, les réflexes oculovestibulaires normaux et les anoma- temporaire d’une partie du champ visuel. Moins fréquents sont
lies motrices absentes. la diplopie ou les éclairs visuels, l’acuité visuelle est respectée à
La souffrance mésencéphalique se caractérise par l’installation ce stade de l’affection. D’autres symptômes sont parfois rappor-
rapidement progressive de troubles de conscience allant de la stu- tés par les patients : les acouphènes à type de bourdonnement ou
peur au coma, l’altération du III homolatéral se confirme par la grésillement sont observés chez 60 % des patients, et il peut exis-
mydriase unilatérale non réactive, les réflexes oculovestibulaires ter des paresthésies des extrémités, des douleurs articulaires, une
deviennent moins réactifs, un déficit moteur controlatéral va de radiculopathie et une sensation de raideur de nuque.
l’hémiparésie jusqu’à la rigidité de décérébration controlatérale.
Cependant, un déficit moteur homolatéral peut être observé par Étiologie et pathogénie de l’hypertension
compression du pédoncule cérébral controlatéral contre le bord intracrânienne idiopathique
libre controlatéral de la tente. En l’absence de traitement, les dif-
férents stades de souffrance du tronc cérébral surviennent selon L’HIC idiopathique se distingue de la forme lésionnelle par les
la séquence décrite précédemment. critères modifiés de Dandy :
• un syndrome d’HIC isolé sans signe de focalisation ;
• une neuro-imagerie vasculaire et cérébrale normale éliminant
Hernie à travers le foramen magnum
un processus expansif, une hydrocéphalie, une thrombose vei-
Lors de processus expansif de la fosse postérieure, le dépla- neuse cérébrale ou une fistule durale ;
cement des amygdales cérébelleuses se fait à travers le foramen • un LCS de composition biochimique normale.
magnum. Responsable initialement d’une attitude guindée cervi- Ces critères guident la démarche diagnostique (cf. infra).
cale, cette hernie peut induire les crises toniques postérieures qui Plusieurs anomalies sont observées dans l’HIC idiopathique
sont des accès de contracture axiale avec attitude en opisthotonos. sans que l’on puisse établir de lien entre elles. L’augmentation des
fluides parenchymateux dans l’HIC idiopathique a été décrite [51] ,
Hernie transtentorielle vers le haut que ce soit dans l’espace intracellulaire ou interstitiel. Le point
essentiel sur lequel s’accordent les auteurs est la réduction de la
Au cours de processus expansif de la fosse postérieure, le mésen-
clairance du LCS probablement liée à un trouble de résorption sans
céphale et le cervelet peuvent faire hernie vers le haut à travers
que le mécanisme précis ne soit compris. La pression veineuse
l’incisure tentorielle et provoquent un blocage de la circulation du
durale augmentée pourrait être la cause de l’HIC idiopathique
LCS vers le bas, une distorsion de la partie postérieure du troisième
par l’augmentation du gradient de pression transvillositaire,
ventricule, une compression de la partie postérieure du mésencé-
mais aussi la conséquence. Des anomalies endocriniennes sont
phale et des structures voisines drainées par les veines cérébrales
décrites : diminution de l’hormone de croissance, etc.
centrales.
Ce diagnostic d’exclusion qu’est l’HIC idiopathique guide la
démarche diagnostique. La TDM crânioencéphalique, normale,
Hypertension intracrânienne lésionnelle montre parfois quelques anomalies non spécifiques comme une
selle turcique vide ou une diminution de taille des ventricules.
Face à un syndrome d’HIC, les examens complémentaires L’imagerie par résonance magnétique (IRM) crânioencéphalique,
révèlent parfois des lésions non expansives. Ces lésions ont en devenu l’examen clé, montre des modifications périorbitaires
commun un trouble de circulation du LCS. Plusieurs mécanismes comme l’aplatissement du pôle postérieur du globe oculaire, la
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Hypertension intracrânienne 17-023-A-93
Anormale Normale
Secondaire Idiopathique
sinuosité verticale des nerfs optiques, l’élargissement des espaces clinique auquel expose une HIC (Fig. 3), relève de l’urgence par
sous-arachnoïdiens périoptiques. En outre, ces imageries per- la réalisation d’une neuro-imagerie suivie d’une étude du LCS en
mettent d’éliminer les causes lésionnelles de l’HIC bénigne. l’absence de tout processus expansif et d’un monitoring de la PIC
pour confirmer les difficiles diagnostics d’HIC à scanner cérébral
normal.
“ Point fort
Neuro-imagerie
Clinique
Face à un syndrome d’HIC, la neuro-imagerie révèle les lésions
• La céphalée pharmacorebelle et matinale associée à des
expansives puis par des examens plus sophistiqués diagnostique
troubles oculaires constitue le socle commun aux diverses les causes de l’HIC avec scanner cérébral normal.
étiologies du syndrome d’HIC.
• Le syndrome d’HIC chez l’enfant est dominé par la
modification du caractère et le fléchissement scolaire. Tomodensitométrie crânioencéphalique
• La hernie cérébrale temporale interne se caractérise par La TDM crânioencéphalique, réalisée sans injection puis avec
un trouble de conscience, une mydriase homolatérale et injection, est l’examen de première intention permettant de scin-
une hémiparésie controlatérale. der les patients avec HIC en deux groupes, ceux avec anomalies
• L’HIC bénigne regroupe des formes idiopathiques et des sur la TDM et ceux avec TDM normale. Cet examen montre les
formes lésionnelles secondaires. lésions expansives, la taille du système ventriculaire et les signes
• La forme idiopathique se définit par l’absence de signe indirects de l’HIC.
de focalisation, une neuro-imagerie cérébale et vasculaire Les caractéristiques morphologiques des lésions expansives
normale, un LCS de composition biochimique et cellulaire orientent le diagnostic en faveur d’une tumeur intra- ou extra-
parenchymateuse, d’un accident vasculaire cérébral ischémique
normale.
ou hémorragique, ou d’un abcès cérébral. L’augmentation de
• Les étiologies de l’HIC sont scindées en causes expan-
volume du système ventriculaire se manifeste sous forme d’une
sives, lésionnelles et bénignes. dilatation des cornes temporales des ventricules latéraux, d’une
ballonisation des cornes frontales ou occipitales des ventricules
latéraux, d’une déformation ovale du troisième ventricule. Le type
d’hydrocéphalie est diagnostiqué : mono-, bi-, tri- ou tétraven-
triculaire selon le niveau d’obstruction dans les hydrocéphalies
communicantes. En outre, cet examen révèle l’œdème périlésion-
Examens complémentaires nel associé à la lésion expansive.
Les signes indirects de l’HIC sont les modifications morpholo-
La présentation clinique de l’HIC est dominée par la céphalée giques de l’espace liquidien endocrânien que sont l’effacement
sans caractéristiques sémiologiques pour nous orienter. Aussi, les des sillons corticaux ou des citernes de la base du crâne, et l’effet
examens complémentaires permettent non seulement de confir- de masse sur le système ventriculaire. Par ailleurs, les hernies céré-
mer le diagnostic, mais aussi d’en déterminer la cause afin brales de décompensation de l’HIC sont visibles sous forme d’une
d’orienter au mieux nos propositions thérapeutiques [2, 8, 31] . La hernie temporale interne sur le bord libre de la tente, d’une hernie
démarche diagnostique, guidée par le risque de décompensation des amygdales cérébelleuses à travers le foramen magnum.
EMC - Neurologie 7
17-023-A-93 Hypertension intracrânienne
8 EMC - Neurologie
Hypertension intracrânienne 17-023-A-93
10
A B
En effet, de manière permanente, la PIC varie selon des oscilla- inverse du volume sanguin cérébral et de la PIC. L’altération de
tions liées aux fonctions cardiovasculaires et ventilatoires. Ainsi, cette réactivité est caractérisée par une transmission passive de
l’enregistrement de la PIC dessine une onde de pression liée au la PAM à la PIC. L’index PRx est représenté par le coefficient
compartiment vasculaire en relation directe avec l’activité du vais- de corrélation entre 40 mesures consécutives de la PAM et de la
seau cérébral pour l’onde de pouls et les ondes lentes, et indirecte PIC. Un coefficient de corrélation positif signifie une altération de
par les gros vaisseaux intrathoraciques soumis aux variations de la réactivité vasculaire et indique une autorégulation détériorée.
pression de la ventilation pour les ondes respiratoires [11] . Pour chaque patient existe une pression de perfusion optimale
L’onde de pouls, identique à la fréquence cardiaque la plus selon l’index PRx vers laquelle doivent tendre les traitements
rapide (0,9 à 3 Hz), est composée de trois accidents : la première médicaux.
pointe dénommé P1 ou onde de percussion, la plus haute, repré-
sente la pulsation artérielle, suivie de l’onde de retour P2 , de Méthodes non invasives
niveau inférieur en condition physiologique et considérée comme
L’impédancemétrie tympanique consiste en un enregistrement
la valeur de la PIC, qui représente la compliance cérébrale, et enfin
des variations de tension de la membrane tympanique reflétant
de l’onde P3 , la plus basse, qui est la pulsation veineuse. En condi-
les variations de la PIC. La mesure du flux sous-cutané du scalp
tion pathologique, cette onde de pouls est déformée car P2 devient
par méthode Doppler est inversement corrélée à la PIC [11] .
supérieure à P1 et P3 car la compliance cérébrale diminue (Fig. 4B).
Le Doppler transcrânien enregistre au lit du patient un des index
L’onde respiratoire, liée à la fréquence du cycle respiratoire, a une
du flux sanguin cérébral qu’est la vitesse de déplacement des glo-
fréquence de huit à 20 cycles par minute.
bules rouges. Ces vitesses circulatoires ou vélocités sont mesurées
Les ondes lentes, d’interprétation difficile, représentent des
sur le segment horizontal de l’artère cérébrale moyenne [62] . Cet
variations de la PIC d’origine vasculaire [20] . Les ondes A en plateau
index est dépendant de la pression de perfusion cérébrale et de
sont des augmentations cycliques de la PIC jusqu’à des valeurs de
la résistance vasculaire du lit d’aval [36, 38, 63] . L’index de pulsatilité
50 mmHg durant 5 à 20 minutes. Ces ondes témoignent de la mise
(IP) est la variable la plus utilisée (IP = vélocité systolique – vélo-
en jeu de l’autorégulation responsable d’une vasodilatation céré-
cité diastolique/vélocité moyenne). Toute augmentation de la PIC
brale en réaction à une baisse de la perfusion cérébrale [61] . Les
induit une réduction de la vélocité diastolique sans modification
ondes B sont classées selon leur fréquence en infra B ou IB (infé-
de la vélocité systolique, l’IP est donc augmentée. Cependant, l’IP
rieure à 50 mHz, médiane à trois ondes par heure), B (8-50 mHz,
est modifiée par les variations de la pression artérielle et la PaCO2 .
médiane à une onde par minute) et ultra B ou UB (50-200 mHz,
L’intérêt de ces procédés non invasifs repose sur l’enregistrement
médiane à six ondes par minute) [20] . Ces ondes sont des variations
combiné avec d’autres paramètres de la PIC.
de la PIC sur plusieurs minutes d’une amplitude en moyenne de
20 mmHg. Les ondes B et IB illustrent une instabilité vasomotrice.
En pratique, la présence d’onde IB signifie un risque d’engagement
et d’importantes ondes B une HIC latente.
EMC - Neurologie 9
17-023-A-93 Hypertension intracrânienne
Étiologies
Les étiologies du syndrome d’HIC sont organisées selon son
risque évolutif et guident la démarche diagnostique. Les lésions
expansives exposent à un risque de décompensation de l’HIC par Figure 5. Imagerie par résonance magnétique crânioencéphalique,
hernie cérébrale, raison pour laquelle la neuro-imagerie est réali- séquence T2 en coupe coronale montrant une tumeur supratentorielle
sée de première intention lors de suspicion de ce diagnostic. Les (tumeur primitive neuroectodermique) centrée sur la scissure latérale
deux autres groupes de causes mettent en jeu le pronostic visuel. gauche à double composante (charnue et kystique) responsable d’une
Les causes lésionnelles regroupent les patients avec scanner céré- hernie cérébrale cingulaire et temporale interne.
bral normal. L’HIC bénigne est scindée en facteurs de risque des
formes idiopathiques et formes secondaires.
important. L’HIP spontané induit souvent un syndrome d’HIC
Expansives contrôlé par un traitement médical, et le traitement chirurgical
n’apparaît pas supérieur en termes d’évolution clinique. Plus pré-
Tumeurs cisément, l’évacuation de ces hématomes a un intérêt en l’absence
Les tumeurs endocrâniennes représentent les causes classiques d’une comorbidité marquée lors de décompensation de l’HIC,
de l’HIC neurochirurgicale. Le syndrome d’HIC est combiné aux mais une HIC compensée n’est pas un argument d’indication opé-
signes focaux liés à la lésion. Le mode d’installation du syndrome ratoire précoce ou tardive malgré le bénéfice vis-à-vis des œdèmes
d’HIC informe sur la nature de la tumeur. Ainsi, les tumeurs cérébraux secondaires. À l’opposé, l’HIP secondaire à une malfor-
à croissance rapide comme les tumeurs gliales de haut grade mation vasculaire est responsable souvent d’un syndrome d’HIC
et les métastases cérébrales associées à un œdème périlésion- décompensé imposant un avis neurochirurgical en urgence pour
nel induisent souvent une HIC mal tolérée en raison du peu évacuer en urgence l’hématome et le traitement de la malforma-
de temps laissé aux mécanismes de compensation. À l’inverse, tion dans le même temps.
des lésions bénignes à croissance lente comme les méningiomes L’autre lésion expansive vasculaire est l’infarctus cérébral malin
exposent peu les patients à un risque de décompensation mal- ischémique secondaire à une thrombose d’un gros tronc arté-
gré des signes patents de hernie cérébrale à l’imagerie (Fig. 5). riel cérébral. Les études randomisées sur le sujet ont permis de
L’urgence du traitement, centré sur l’exérèse tumorale, est déter- préciser l’indication de la craniectomie décompressive malgré le
minée par l’existence de signes de décompensation clinique. traitement médical en urgence par thrombolyse réalisée en unité
neurovasculaire. Cette indication est multidisciplinaire en colla-
Traumatismes crânioencéphaliques boration avec les neurologues et s’adresse aux sujets jeunes sans
souffrance du tronc cérébral.
Les traumatismes crânioencéphaliques sont les principaux Une forme particulière est l’encéphalopathie hypertensive cau-
pourvoyeurs de syndrome d’HIC par les hématomes endocrâ- sant des désordres de l’autorégulation cérébrale. L’HIC est induite
niens, les contusions parenchymateuses et les œdèmes cérébraux. par un épisode aigu d’hypertension artérielle non contrôlé dans
La rapidité d’installation des hématomes rend caduque tout des circonstances particulières comme la prééclampsie, un phéo-
mécanisme d’adaptation et seule l’évacuation chirurgicale des chromocytome, une glomérulonéphrite. L’accès d’hypertension
hématomes est salvatrice, précédée d’un traitement médical artérielle dépasse les capacités de l’autorégulation cérébrale,
imposé par le temps de transport du patient. Les contusions conduisant à une vasodilatation vasculaire cérébrale diffuse et
cérébrales comme l’œdème cérébral déterminent secondairement une perméabilité des capillaires responsable d’une rupture de la
une HIC. Si le traitement médical en réanimation neurochi- BHE. Le volume parenchymateux augmente par la vasodilata-
rurgicale s’avère insuffisant, la procédure chirurgicale doit être tion diffuse, par l’œdème cérébral extracellulaire hydrostatique,
discutée, à type de résection ou de craniectomie de décompres- et oncotique lors de la rupture de la BHE.
sion. Quelles que soient les procédures thérapeutiques mises en
routes, le monitoring de la PIC prend toute son importance dans
cette étiologie malgré l’absence d’efficacité pronostique de ce Infectieuses
monitoring [66] .
Les deux processus expansifs de nature infectieuse, abcès céré-
bral et empyème sous-dural, sont des urgences chirurgicales.
Vasculaires L’abcès cérébral est une coque inflammatoire réactionnelle de
L’hématome intraparenchymateux (HIP) est un accident vas- l’hôte à une collection purulente centrale. Il est fréquemment
culaire cérébral fréquent responsable d’un coût socioéconomique responsable d’HIC, non par l’abcès lui-même, mais par l’œdème
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Hypertension intracrânienne 17-023-A-93
périlésionnel étendu qui expose à des décompensations brutales. lors de prises médicamenteuses (traitement hormonal, anti-
La ponction lavage de l’abcès permet de réduire l’HIC, de diag- biotique, lithium ou cimétidine) et dans diverses pathologies
nostiquer l’environnement multibactérien souvent responsable (syndrome d’apnées du sommeil, insuffisance rénale chronique,
de ces collections, et surtout d’interrompre le développement de anémie par carence martiale).
l’œdème cérébral. L’empyème est également menaçant à travers
les conséquences de thrombose veineuse corticale et d’encéphalite
de voisinage. Là encore, le large volet crânien de décompression
associé à un lavage de l’espace est une urgence. Dans les deux cas, Traitement
l’étape chirurgicale doit être combinée à l’instauration d’un trai-
tement antibiotique adapté aux prélèvements et d’un traitement Le traitement de l’HIC cible chacun des volumes paren-
médical de l’HIC. chymateux, liquidien et vasculaire constituant le volume
endocrânien [41] . La combinaison de ces procédures cherche à pré-
Dynamique du liquide cérébrospinal server une pression de perfusion cérébrale en abaissant la PIC.
De cette combinaison adaptée chez chaque patient provient le
Les anomalies de dynamique du LCS sont classées en succès.
deux types. Les désordres de circulation sont responsables
d’hydrocéphalie obstructive ou non communicante, et les
troubles de résorption d’hydrocéphalie communicante. La pre- Méthodes thérapeutiques
mière forme est secondaire à un blocage de la circulation du
LCS secondaire à des malformations (foramens de Monroe, de Mesures symptomatiques
Magendie et Luschka, ou aqueduc de Sylvius), à des processus
La position du patient privilégie le respect d’une PPC par un
expansifs obstruant le circuit du LCS, à des processus inflam-
décubitus dorsal initial puis, l’hémodynamique étant stabilisée,
matoires déterminant des sténoses des orifices. Le trouble de
une surélévation de la tête de 20◦ par rapport au plan horizon-
résorption du LCS est lié à des problèmes de maturation des
tal améliore le drainage veineux du contenu endocrânien [27, 31, 41] .
granulations de Pacchioni, à une hypertension péricérébrale col-
L’hydratation vise une volémie normale avec un bilan hydrique
labant les veines de drainage, à une inflammation obstructive de
nul afin d’éviter toute inflation hydrosodée. Une légère restriction
ce système réactionnel à un épisode méningé hémorragique ou
hydrique peut être proposée. Le maintien d’une normothermie
infectieux.
est essentiel afin d’éviter toute augmentation du métabolisme
qui induit une majoration du DSC. La nutrition est prescrite à
Lésionnelles 24 heures à raison de 1 500 cal/j par voie entérale.
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17-023-A-93 Hypertension intracrânienne
Volume vasculaire
Contrôle de la pression artérielle
“ Point fort
Le maintien d’une pression artérielle constante est crucial car
Traitement
toute variation a des conséquences délétères, que l’autorégulation
• Surélévation de la tête de 20◦ par rapport au plan hori-
cérébrale soit préservée ou non. En cas d’autorégulation préservée,
tout accès d’hypotension est compensé par une vasodilatation zontal.
pour maintenir un DSC qui augmente la PIC et diminue la PPC. • La sédation diminue le métabolisme cérébral.
En l’absence d’autorégulation, cette même hypotension diminue • L’osmothérapie est une mesure d’urgence cruciale.
directement le DSC, exposant à une ischémie cérébrale. Le rem- • La chirurgie est un préalable aux mesures de réanima-
plissage des patients doit faire appel au sérum physiologique. tion neurochirurgicales.
Cette correction volémique peut être associée à une transfu- • Normothermie et maintien d’une PAM constante sont
sion sanguine si le taux d’hémoglobine chute en dessous de essentiels.
10 g/100 ml. • La fenestration des gaines des nerfs optiques est une
procédure à discuter après épuisement des méthodes
Contrôle de l’hématose médicales de traitement de l’HIC bénigne.
La PaCO2 a un impact direct sur le DSC ; aussi la recomman-
dation est de choisir une PaCO2 de niveau modéré, autour de
35 mmHg, afin d’éviter une vasoconstriction trop importante qui
pourrait induire une ischémie tissulaire. En cas d’HIC sous moni-
toring de PIC, l’hypocapnie modérée ne doit pas être inférieure à
25 mmHg [41] . Quoi qu’il en soit, lors d’agression cérébrale initiale, Cet article a fait l’objet d’une prépublication en ligne : l’année du copyright peut
la recommandation est de maintenir une hématose normale. donc être antérieure à celle de la mise à jour à laquelle il est intégré.
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F. Proust (Francois.Proust@chu-rouen.fr).
Département de neurochirurgie, Centre hospitalier universitaire de Rouen, 1, rue de Germont, 76031 Rouen cedex, France.
INSERM U982, Différenciation et communication neuronale et neuroendocrine, Université de Rouen, France.
S. Derrey.
Département de neurochirurgie, Centre hospitalier universitaire de Rouen, 1, rue de Germont, 76031 Rouen cedex, France.
O. Lavabre.
Département d’anesthésie-réanimation, Centre hospitalier universitaire de Rouen, 1, rue de Germont, 76031 Rouen cedex, France.
H. Castel.
INSERM U982, Différenciation et communication neuronale et neuroendocrine, Université de Rouen, France.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Proust F, Derrey S, Lavabre O, Castel H. Hypertension intracrânienne. EMC Neurologie 2012;9(2):1-14
[Article 17-023-A-93].
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