Vous êtes sur la page 1sur 7

Encyclopédie Médico-Chirurgicale 17-055-A-10

17-055-A-10

Neurosyphilis
D Caparros-Lefebvre
C Yousri

Résumé. – La neurosyphilis est devenue une affection rare. Elle est de fait moins connue des jeunes
neurologues. L’expression clinique de la syphilis évolue dans le temps, après la phase primaire, marquée par la
survenue du chancre, qui ne comporte pas de manifestation neurologique. La phase secondaire comporte des
lésions cutanéomuqueuses maculopapuleuses du tronc fréquemment associées à une méningite liée à la
dissémination viscérale du tréponème. À la phase tardive, 4 à 20 ans après le contage, il peut exister une
méningovascularite ou un syndrome démentiel, avec hallucinations et idées délirantes (ou paralysie
générale). La forme complète du tabès, qui témoigne d’une atteinte des voies sensitives médullaires, a disparu
dans les pays industrialisés. Au cours des années 1985-1990, l’épidémie de sida fut associée à une
augmentation de l’incidence de la syphilis et à la résurgence de la neurosyphilis, avec des observations de
méningovascularite, de méningite ou de paralysie générale, voire de lésions focales produites par les gommes
syphilitiques. Le lien entre les deux affections reste discuté, même si les facteurs de risque d’infection sont
superposables. Après une diminution de cas incidents jusqu’en 1999, de nouvelles épidémies de syphilis sont
enregistrées depuis 2 ans aux États-Unis et depuis 1 an en Europe. Ces épidémies paraissent survenir dans les
zones où la consommation de drogues telles que la cocaïne et ses dérivés est importante. Elles semblent aussi
liées au tourisme sexuel vers les pays pauvres, et à l’échec des campagnes de prévention des maladies
sexuellement transmissibles.
© 2003 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : tréponématose, paralysie générale, méningovascularite, tabès.

Origines de la syphilis 1 Lésions cutanées pro-


voquées par le pian.
À partir de 1495 et tout au long du XVIe siècle, de grandes épidémies
de syphilis ont décimé la population des villes italiennes puis de
toute l’Europe, et ont donné naissance à un mythe : l’équipage de
Christophe Colomb aurait importé la maladie. Ce mythe a survécu
et persiste dans la littérature [42]. Il fut développé par un chirurgien
espagnol (Rodrigo Ruy Diaz de Isla). Il affirma dans un ouvrage
datant de 1542 que la syphilis fut contractée par les membres de
l’équipage de C Colomb sur l’île d’Hispaniola (actuellement
territoire de deux pays : Haïti et la République dominicaine), par
contact sexuel avec les Indiens autochtones ou par contact zoophile.
Les arguments développés pour étayer cette hypothèse étaient les
suivants :
– un missionnaire avait observé sur l’île d’Hispaniola une affection
cutanée pouvant ressembler à la syphilis, mais cette affection
dermatologique pouvait être aussi une tréponématose non
syphilitique : le pian, qui était très répandu dans les Caraïbes
jusqu’au début du XXe siècle (fig 1) ;
– plusieurs marins auraient développé une affection cutanée qui
pouvait être la syphilis (… ou un pian) ;

– Christophe Colomb lui-même aurait été victime d’une


neurosyphilis tertiaire. Il aurait en effet souffert de lésions osseuses
Dominique Caparros-Lefebvre : Professeur. Service de neurologie, centre hospitalier universitaire de la compatibles avec un tabès, et d’un syndrome démentiel avec
Guadeloupe, route de Chauvel, 97159 Pointe-À-Pitre, France.
Chérine Yousri : Docteur. Service de maladies infectieuses et tropicales, centre hospitalier universitaire,
hallucinations et délire, compatible avec une paralysie générale (il
42000 Saint Étienne, France. disait être un envoyé de Dieu sur terre) ;

Toute référence à cet article doit porter la mention : Caparros-Lefebvre D et Yousri C. Neurosyphilis. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Neurologie, 17-055-A-10,
2003, 7 p.

PDF Creator Trial


17-055-A-10 Neurosyphilis Neurologie

– certains des marins de Colomb auraient été enrôlés fin 1494 dans – T. pertenue, cause du pian, affection fréquente des pays tropicaux,
l’armée du roi de France, Charles VIII, qui lançait alors une responsable de lésions cutanées et osseuses (bouton d’Orient,
expédition en Italie, envahissant Florence, Rome et Naples [28]. Ces pianomes…) ;
marins auraient transmis la syphilis aux Italiens. – T. carateum, cause de la pinta (ou caratés), produit des lésions
La vérité historique pourrait être tout autre, puisque Hippocrate cutanées superficielles ;
avait déjà fourni une description précise de lésions génitales qui ne
semblent pouvoir correspondre qu’au chancre syphilitique [10, 33]. – T. pallidum endemicum, cause du bejel ou syphilis endémique.
Plus tôt encore, des lésions osseuses syphilitiques ou
tréponémateuses furent mises en évidence sur de nombreux
squelettes préhistoriques [28, 53], y compris à l’époque du pléistocène Écologie du tréponème pâle
(1,8 million d’années à 11 000 ans avant JC) [41].
La survenue de ces grandes épidémies pourrait s’expliquer avant La syphilis est due à l’infestation par T. pallidum, qui appartient à la
tout par la promiscuité et le manque d’hygiène dans les villes de la famille des spirochètes. T. pallidum est facilement reconnaissable à
Renaissance. Elle paraît aussi liée aux guerres, pendant lesquelles la l’examen direct, par sa forme hélicoïdale et sa mobilité produite par
syphilis augmente toujours, d’abord chez les soldats et les des mouvements autour de son axe et des mouvements
prostituées, puis dans la population générale. Après la guerre de ondulatoires. T. pallidum ne peut être cultivé in vitro, mais peut
1914-18, le retour d’Europe des engagés volontaires américains, en survivre pendant 48 heures à 37 °C.
particulier des Américains d’origine africaine, fut associé à une Chez l’homme, la transmission se fait le plus souvent par voie
augmentation importante de l’incidence de la syphilis sur le sexuelle, rarement par voie transplacentaire, bien que ce mode de
continent nord-américain [8]. Peu après, de 1932 à 1972, le service de transmission fût fréquent avant le traitement antibiotique. La
santé publique américain lança en Géorgie une expérimentation transmission peut se faire aussi par contact direct au niveau des
scandaleuse d’un point de vue médical et éthique. Appelée lésions cutanées ou muqueuses secondaires, très contagieuses
expérience de Tuskegee, elle consista à étudier l’évolution naturelle (collier de Vénus). Cette seconde phase est la plus active, et la
de la syphilis chez 400 Noirs américains. Il s’agissait de paysans que multiplication du tréponème y est très rapide. La transmission par
le système de santé refusa sciemment d’informer sur leur maladie, voie transfusionnelle est exceptionnelle [22].
les privant aussi de traitement, alors même que la pénicilline était
disponible. Les survivants ont reçu bien longtemps après les excuses
de B Clinton [5]. Prévalence de la syphilis
Au cours de la guerre entre les différents États de l’ancienne dans le monde et relation
Yougoslavie, l’incidence de la syphilis est passée de 0,1 pour 100 000
habitants, à 1,45 pour 100 000, soit une augmentation de 1 450 %
avec la neurosyphilis
entre 1992 et 1998 [36].
La prévalence de la syphilis et celle de la neurosyphilis ne sont pas
Ces derniers mois (fin 2001-début 2002) ont vu apparaître une liées, en raison de la longue latence d’apparition de la syphilis
épidémie de syphilis dont la cause n’est pas encore déterminée. tertiaire.
Jusqu’à l’avènement de la pénicilline, la syphilis était vécue comme Si l’incidence de la syphilis primaire n’est pas négligeable, la
une calamité, et dénommée la « grande vérole ». Elle marquait les neurosyphilis est devenue exceptionnelle. En effet, en l’absence
esprits et apparaissait souvent dans la littérature du XVIIe au d’immunodépression, la syphilis tertiaire ne se développe pas
XIXe siècles. Elle n’était cependant pas toujours mortelle, et plusieurs
lorsque les patients ont reçu un traitement antibiotique pour toute
hommes célèbres y ont survécu, avec des séquelles neurologiques infection ou suspicion d’infection banale, même si ce traitement fut
supposées mais rarement démontrées. de courte durée. Les habitudes de surprescription des antibiotiques
en France expliquent donc que la syphilis tertiaire soit très rare,
exception faite de la population victime du syndrome de
Syphilis et hommes célèbres l’immunodéficience acquise (sida).
Les médecins de plusieurs rois et de papes ont apporté des L’incidence de la syphilis dans la population générale des pays
descriptions précises des lésions syphilitiques ou de la neurosyphilis riches a régulièrement diminué depuis l’avènement de la
observées chez leurs célèbres malades : Charles Quint, François Ier, pénicillinothérapie, passant de 70 pour 0,1 million d’habitants à la
les papes Léon X, Clément VII, Paul III et Jules III [28]. L’examen fin de la Deuxième Guerre mondiale, à 7 pour 0,1 million en 1983. À
d’autoportraits ou de portraits de certains peintres révèle les partir de 1985, elle réaugmente avec l’émergence du sida, atteignant
stigmates de syphilis congénitale dès le XVIe siècle [32]. De nombreux en 1990 14 pour 0,1 million, puis décline à nouveau régulièrement et
artistes semblent avoir été affectés par une neurosyphilis, mais la se situait en 2000 entre 2 et 5 pour 0,1 million d’habitants en Europe
preuve n’a été apportée que dans de rares cas par l’autopsie : et aux États-Unis. Ce déclin fut essentiellement lié aux mesures
Smetana (1884), Schubert (1828) [40]. Un diagnostic de neurosyphilis préventives des maladies sexuellement transmissibles (MST)
possible ou probable fut évoqué ou discuté chez Beethoven (pouvant (réduction du nombre de partenaires, utilisation des préservatifs).
expliquer sa surdité), Schumann, Paganini, Poliziano, Fracastoro, Néanmoins, il est difficile d’affirmer l’exactitude des chiffres
Scott Joplin, Dostoïevski, Donizetti, Haydn, Nietzsche, Karen Blixen, d’incidence ou de prévalence, bien qu’il s’agisse toujours d’une
Heinrich Heine, Musset, Rimbaud, Baudelaire, Verlaine, A Daudet, maladie à déclaration obligatoire (article L-254 du Code de la santé
Maupassant, et Jules de Goncourt [7, 18, 25, 35, 40, 48]. publique, 1953). De nombreux cas ambulatoires ne sont pas
signalés [13] . Dans les populations à risque des pays riches,
De nombreux généraux et officiers auraient contracté la syphilis au
l’incidence de la syphilis est élevée, atteignant respectivement 1 et
cours de la Première Guerre mondiale et développé une paralysie
2 % chez les femmes et les hommes des prisons [3]. Elle atteint 5,7 %
générale 20 ans plus tard, ce qui ne fut peut-être pas dépourvu de
chez les héroïnomanes de Los Angeles [27]. L’épidémie de syphilis
conséquences dans les décisions politiques internes ou
observée en 2000-2001 aux États-Unis et dans plusieurs
internationales au cours de la Seconde Guerre mondiale.
départements en France au cours des derniers mois (fin 2001-début
2002) est rapportée au retour du multipartenariat sexuel et au rejet
du préservatif dans les pratiques homo- et hétérosexuelles. Cette
Classification des tréponèmes épidémie paraît sévir surtout chez les toxicomanes, en particulier
les consommateurs de cocaïne. Outre les facteurs de risque partagés
Le genre Treponema (T.) comporte :
par toutes les MST, les pénétrations anales, pouvant être
– T. pallidum, responsable de la syphilis ; responsables de chancres dans l’ampoule rectale, invisibles et

PDF Creator Trial


Neurologie Neurosyphilis 17-055-A-10

indolores, peuvent échapper au diagnostic. Le développement du hemagglutination (TPHA), y compris chez les patients
tourisme sexuel dans des pays pauvres est une donnée immunodéprimés par le virus de l’immunodéficience humaine
épidémiologique à prendre en compte. En effet, la fréquence de la (VIH).
syphilis active est élevée dans la population générale des pays La pérennisation de la méningite peut être responsable de
pauvres : 7 à 9,5 %, respectivement chez les hommes et les femmes pachyméningite ou d’hydrocéphalie à pression normale, d’évolution
de régions rurales de la Tanzanie [51], 2,5 % chez les ouvriers au favorable sous antibiotiques [6, 24].
Zimbabwe [19], plus de 4 % chez les parturientes en Bolivie [47], 6,8 %
des femmes enceintes en Haïti, où le taux moyen d’infections SYPHILIS TERTIAIRE
sexuellement transmissibles toutes confondues est d’au moins
40 % [14]. Elle est de 13 % chez les prostituées de l’Europe de l’Est [4]. C’est une affection multiviscérale atteignant essentiellement le
Après avoir considérablement augmenté en Russie et dans les système nerveux central, le squelette et le cœur. On distingue la
nouvelles républiques issues de l’ancienne URSS, elle semble méningovascularite, de survenue plus précoce dans le cours évolutif
actuellement se stabiliser [38]. de la syphilis, le tabès devenu exceptionnel, la paralysie générale,
syndrome démentiel avec signes frontaux, et les gommes
syphilitiques, isolées ou associées. Quelle que soit la forme
syndromique, l’évolution est favorable ou stable, après cure de
Différentes phases de la syphilis pénicilline.
et syndromes neurologiques associés
¶ Méningovascularite
Elle survient en moyenne 4 à 7 ans après le début d’une syphilis
SYPHILIS PRIMAIRE
non traitée, mais elle peut apparaître quelques mois après le chancre,
Elle se manifeste après une incubation de 3 semaines environ par et appartient alors à la phase secondaire [45]. Devenue très rare chez
un chancre au point d’inoculation, et ne comporte pas de signe le sujet immunocompétent, elle a pu représenter jusqu’à 15 % des
neurologique. étiologies d’infarctus cérébral à une époque où les facteurs de risque
vasculaires d’origine nutritionnelle étaient moins prévalents.
La lésion initiale est une endartérite à cellules géantes des vasa
SYPHILIS SECONDAIRE
vasorum, produisant une nécrose segmentaire de la média qui
Elle se développe, en l’absence de traitement, 6 semaines après le détruit les fibres élastiques. Elle entraîne une prolifération
contage. Elle est caractérisée par la diffusion du spirochète à partir lymphoplasmocytaire de l’intima et de l’adventice. Elle peut avoir
du site d’inoculation, par voie sanguine ou lymphatique. Outre les deux types de conséquences : une occlusion vasculaire, ou
manifestations cutanées maculopapuleuses, et le syndrome l’apparition d’un anévrisme artériel fusiforme, qui est rarement la
infectieux pseudogrippal avec fièvre et céphalées, elle peut se cause d’une hémorragie sous-arachnoïdienne. L’artérite syphilitique
traduire par une réaction méningée, une méningite isolée ou est constamment associée à une inflammation des méninges, en
associée à une surdité, un trouble visuel, ou une atteinte des nerfs particulier au niveau de la base du crâne, expliquant la fréquence
crâniens (IIe au VIIIe nerf). des atteintes simultanées des racines des nerfs crâniens.
La méningite, qui peut survenir après un délai très variable, est plus Ces lésions vasculaires peuvent siéger sur toutes les artères
fréquente dans les 12 à 24 mois qui suivent la contamination. Elle cérébrales, mais prédominent au niveau encéphalique sur l’artère
est fréquemment asymptomatique [45]. cérébrale moyenne.
Elles furent observées aussi sur le territoire vertébrobasilaire, et sont
¶ Neurosyphilis asymptomatique à l’origine de la description de tous les syndromes du tronc cérébral :
Elle est définie par l’association d’une hyperprotéinorachie, d’une syndromes alternes (de Foville, Millard-Gubler, ou Weber) et
pléiocytose du liquide céphalorachidien (LCR) à prédominance syndromes plus complexes (Benedikt, Wallenberg, Déjerine-Roussy).
lymphocytaire ou monocytaire, et d’une sérologie syphilitique L’infarctus cérébral est souvent précédé de prodromes : céphalées,
positive dans le LCR [39]. La neurosyphilis fait partie des infections asthénie, insomnie, modifications de la personnalité dans les
cérébroméningées qui doivent être recherchées chez les patients semaines ou les mois qui précèdent l’accident vasculaire cérébral
ayant un sida évolué. Il faut donc avoir recours facilement à la (AVC) [20].
ponction lombaire en cas d’immunodépression avérée. L’expression clinique dépend alors de la topographie de la
thrombose vasculaire. Il existe souvent une ischémie dans plusieurs
¶ Méningite syphilitique territoires artériels, ce qui peut attirer l’attention en faveur d’une
étiologie inhabituelle. L’atteinte de certaines artères produit des
Elle se caractérise par l’apparition d’un syndrome méningé, associé tableaux cliniques plus rares, par exemple la striatite syphilitique
ou non à des symptômes focaux, survenant 1 à 2 ans après le responsable d’un trouble aigu du mouvement, ou le syndrome
chancre. Ce syndrome méningé survient dans un contexte de fièvre médullaire cervical médian, responsable d’un déficit sensitivomoteur
modérée au long cours. hémicorporel respectant la face, d’une paralysie du XIIe nerf crânien
Elle se manifeste par des céphalées, nausées et vomissements, et d’un nystagmus [52]. Cependant, la présentation clinique peut être
présents dans 91 % des cas [30]. Dans 15 % des cas, il existe aussi un trompeuse : trouble de vigilance brutal, état de mal convulsif ou
syndrome confusionnel ou un ralentissement psychomoteur. Des syndrome crépusculaire épileptique [37, 50]. L’absence de signes
crises convulsives partielles ou généralisées sont observées dans associés évocateurs du diagnostic de syphilis rend alors le diagnostic
17 % des cas de la série de Merritt. Un œdème papillaire est fréquent difficile.
mais les anomalies pupillaires : signe d’Argyll-Robertson, qui est L’imagerie par résonance magnétique (IRM) apporte souvent la
habituellement plus tardif, est absent. Une atteinte des nerfs crâniens preuve de la diffusion des lésions d’origine vasculaire. L’angioMR
survient dans 45 % des cas, et pose alors le problème du diagnostic révèle une sténose d’aspect irrégulier affectant un ou plusieurs
différentiel avec les autres causes de méningites basilaires, troncs artériels [16] . L’artériographie montre des images non
essentiellement la méningite tuberculeuse. Le nerf spécifiques de thrombose, mais parfois des images plus évocatrices
cochléovestibulaire est le plus fréquemment touché, puis le nerf de sténose en « chapelet ».
facial et les nerfs oculomoteurs. Le syndrome de Cogan, vascularite La méningovascularite syphilitique doit être évoquée en cas
responsable d’une atteinte oculaire et de paralysies de nerfs crâniens, d’accident ischémique chez un patient VIH positif, même si le taux
est aussi un diagnostic différentiel [17]. de lymphocytes T4 est supérieur à 200. La ponction lombaire
Le LCR est exceptionnellement normal. La sérologie syphilitique est apporte des arguments diagnostiques décisifs : lymphocytose du
toujours positive, en particulier le treponema pallidum LCR, sérologie positive.

PDF Creator Trial


17-055-A-10 Neurosyphilis Neurologie

Chez l’immunocompétent, seules la topographie inhabituelle de photomoteur direct, alors que le réflexe pupillaire d’accommodation
l’infarctus et l’absence de facteurs de risque vasculaire chez les sujet est préservé. Les pupilles sont en myosis, mais le contour pupillaire
de moins de 50 ans ou chez un patient originaire d’un pays où la peut être irrégulier, en raison de synéchies postérieures. Il existe une
syphilis est fréquente, pourraient faire évoquer cette hypothèse [1]. réaction dissociée aux instillations, entraînant normalement une
Les signes associés, cardiaques et ophtalmologiques, peuvent aider mydriase : la pilocarpine et l’adrénaline sont sans effet, alors que la
au diagnostic. réponse au collyre à base de cocaïne est préservée. Tous ces signes
permettent de distinguer le signe d’Argyll-Robertson de la pupille
¶ Tabès tonique d’Adie, classiquement unilatérale [23].
Romberg en fit la première description en 1840, mais il attribua ce Le tabès n’était habituellement pas associé à la paralysie générale,
syndrome à l’alcoolisme. En 1875, Jean-Alfred Fournier suggérait de sorte qu’il n’était pas incompatible avec une activité intellectuelle.
que le tabès et la paralysie générale étaient liés à la syphilis [15, 34]. C’était une affection chronique, lentement évolutive, qui ne
Cette hypothèse, bien que contestée par JM Charcot, fut confirmée comportait pas de méningite et dont la physiopathologie n’a pas été
30 ans plus tard, avec la découverte du tréponème par Schaudinn et élucidée.
Hoffmann (1905). Le tabès, dans sa forme typique, a probablement ¶ Paralysie générale
disparu. Il persiste cependant dans la littérature des observations de
polyradiculonévrites subaiguës, associées à une paralysie La paralysie générale survient 10 à 20 ans après l’infection primaire.
oculomotrice dont l’origine syphilitique paraît discutable [49]. Une Elle est secondaire à une perte neuronale avec gliose, progressive et
ataxie proprioceptive isolée ou prédominante a plus souvent une diffuse, qui se traduit par une atrophie cortico-sous-corticale.
origine carentielle de nos jours [ 2 6 ] ou inflammatoire L’atrophie prédomine souvent dans les régions frontotemporales.
(polyradiculonévrite subaiguë, syndrome de Denny-Brown). En Elle n’est pas directement liée aux lésions vasculaires focales de la
revanche, dans les années 1950, le tabès induit par une syphilis méningovascularite, bien qu’elles puissent coexister [39].
congénitale n’était pas rare, y compris dans les classes bourgeoises Les premières manifestations sont discrètes : troubles mnésiques
de la société. isolés et modérés, lentement progressifs. Cependant, il existe
Le tabès se caractérisait par des lésions inflammatoires et souvent des modifications de la personnalité, avec irascibilité ou
ischémiques des racines et ganglions sensitifs afférents de la moelle labilité émotionnelle, témoignant de l’organicité du déclin cognitif.
épinière. Celles-ci se traduisaient par des symptômes témoignant Après 3 à 4 ans, s’installe la phase d’état. Elle comporte des signes
d’une déafférentation sensitive : d’accompagnement : dysarthrie, tremblement de la langue, de
l’extrémité céphalique et des mains, peut-être en rapport avec une
– douleurs très sévères, pouvant conduire au suicide, à type de striatite syphilitique, ou avec l’insuffisance valvulaire de l’aortite.
décharges électriques, de brûlures, d’écrasement ; La paralysie générale peut se révéler de façon brutale, par un
– hypoesthésie proprioceptive responsable d’une ataxie invalidante, syndrome confusionnel aigu ou un épisode délirant. Les propos
avec signe de Romberg ; délirants sont classiquement mégalomaniaques, avec surestimation
de soi, idées de grandeur : richesse, puissance sexuelle, pouvoir
– aréflexie ostéotendineuse.
politique. Les troubles du comportement et du jugement sont
Il existait aussi une atteinte du système nerveux autonome, avec souvent au premier plan par rapport aux troubles mnésiques. Le
perte de la sensibilité viscérale et diminution de la contractilité du patient est euphorique, hypomane. La désinhibition frontale, avec
tractus digestif et urinaire. Elle se manifestait par des crises perte du sens des convenances et de l’autocritique, entraîne souvent
viscérales extrêmement douloureuses, sensibles aux morphiniques. des actions délictueuses. Les troubles cognitifs peuvent être associés
Le signe d’Argyll-Robertson était présent dans 70 % des cas, associé à des troubles phasiques de survenue brutale, en cas de
ou non à une atteinte oculomotrice ou une atrophie du nerf optique. méningovascularite associée. À distance d’un épisode confusionnel
L’atteinte des voies sensitives et du système nerveux autonome était ou d’un trouble du comportement aigu, il est possible d’évaluer les
rendue responsable des troubles trophiques : maux perforants fonctions cognitives et de suivre leur régression sous traitement. Les
plantaires, arthropathies, destructions osseuses, et déformations troubles mnésiques portent de façon équivalente sur la mémoire
rachidiennes. Les arthropathies impressionnaient par leur sévérité, visuelle et sur la mémoire verbale. Les tests psychométriques
en particulier au niveau du genou : hydarthrose considérable, mettent en évidence les signes frontaux : nombreuses fabulations et
œdème majeur diffusant au membre, en l’absence de fièvre ou de intrusions dans les tâches d’apprentissage d’une liste de mots. Les
signes généraux. L’arthrite durait quelques semaines à quelques performances ne sont pas améliorées par l’indiçage, et la
mois et était spontanément résolutive ou, au contraire, responsable reconnaissance des mots étudiés est très altérée. Les tests montrent
de destructions articulaires, osseuses ou de luxations chroniques. Les aussi une impossibilité à mettre en œuvre une tactique [31]. Toutefois,
arthropathies pouvaient aussi concerner les os du pied (pied cubique il n’existe pas de signe clinique spécifique de la démence
de Charcot) ou les épaules. La cause des arthropathies fut souvent syphilitique, c’est pourquoi la sérologie syphilitique fait partie du
débattue. Pour certains, elles étaient mécaniques et secondaires aux bilan de débrouillage systématique de toute détérioration
microtraumatismes induits par les troubles de la marche et intellectuelle. Le syndrome démentiel peut être associé à un déficit
l’hypotonie. Pour les auteurs français, Charcot, Foix et Alajouanine, facial et à un syndrome pyramidal. Les troubles cognitifs
elles étaient directement liées à l’atteinte des cordons médullaires [21]. s’améliorent partiellement sous traitement, mais il persiste souvent
En réalité, l’atteinte articulaire était souvent secondaire à l’ostéite et un déficit mnésique difficilement compatible avec la reprise
la périostite prédominant au niveau de la métaphyse des os longs. d’activités professionnelles, d’où l’intérêt d’un traitement préventif
Les séquelles radiologiques pouvaient être assez spécifiques, précoce.
marquées par un aspect feuilleté du périoste. Leur prédominance À cette phase, la sérologie syphilitique est positive dans le LCR, qui
au niveau des genoux était évocatrice de syphilis. Les lésions qu’elle contient au moins une des trois anomalies biologiques suivantes :
déterminait différaient d’une articulation à l’autre : arthropathie pléiocytose supérieure à cinq éléments par millimètre cube,
hypertrophique du genou, lésions ostéolytiques de la hanche. protéinorachie supérieure à 0,50 g/L ou hypergammaglo-
Rarement, l’ostéite syphilitique a pu affecter la voûte du crâne et se bulinorachie de distribution oligoclonale. L’IRM montre une
compliquer d’une thrombophlébite du sinus longitudinal atrophie cortico-sous-corticale globale, à prédominance
supérieur [11]. frontotemporale, et des hypersignaux en T2 dans la substance
Les formes paucisymptomatiques de tabès sont devenues plus blanche juxtacorticale frontale, rapportée à la gliose frontale [54].
fréquentes à partir des années 1970, se limitant à une anesthésie
vibratoire et une aréflexie. ¶ Myélopathies syphilitiques
La recherche du signe d’Argyll-Robertson a pris alors plus Les lésions de méningovascularite peuvent concerner le cordon
d’importance : il s’agit d’une abolition bilatérale du réflexe médullaire : myélite d’Erb, syndrome médullaire cervical médian.

PDF Creator Trial


Neurologie Neurosyphilis 17-055-A-10

En revanche, une atteinte isolée ou prédominante du motoneurone dures, non inflammatoires et indolores dans le territoire de drainage
est rare mais classique au cours de la syphilis tertiaire. Elle fut lymphatique, donc unilatéral. L’évolution naturelle se fait vers la
décrite par Raymond en 1893. Elle se manifeste par une amyotrophie cicatrisation spontanée. Sous traitement, la cicatrisation est accélérée.
progressive avec déficit moteur, fasciculations, syndrome
tétrapyramidal des membres. L’extension bulbaire est inconstante. ¶ Signes cliniques de la syphilis secondaire
Elle serait provoquée par une méningo-myélo-vascularite affectant
préférentiellement la corne antérieure. L’évolution est favorable sous C’est la phase de dissémination bactériémique, qui débute 6 à
pénicilline [12]. 8 semaines après l’apparition du chancre, et se prolonge 12 à
24 mois avec des manifestations cliniques très polymorphes parfois
¶ Gommes syphilitiques typiques et évocatrices de la maladie, mais cette phase peut aussi
être asymptomatique. Elle est dominée par l’atteinte dermatologique
Les gommes sont des granulomes à centre nécrotique et périphérie cutanéomuqueuse. Chronologiquement, apparaît d’abord la roséole
inflammatoire faite de monocytes, de cellules géantes et de syphilitique ou « première floraison » : c’est une éruption non
fibroblastes. Ces granulomes ressemblent à ceux de la tuberculose, prurigineuse de petites macules roses non squameuses de 5 à 10 mm
de la sarcoïdose, ou de la lèpre. Ils seraient l’expression d’une localisée au tronc, à la racine des membres et au cou en épargnant le
hypersensibilité différée au tréponème. Les gommes peuvent siéger visage. L’évolution naturelle se fait là aussi vers la régression
dans n’importe quel organe. Celles du système nerveux central se spontanée sans séquelles en 2 à 4 semaines. Néanmoins, il existe
comportent comme un processus expansif intracrânien, et peuvent parfois des cicatrices pigmentaires sur les faces latérales du cou :
se manifester par un déficit focal ou une comitialité. L’aspect c’est le « collier de Vénus ». L’atteinte concomitante des muqueuses
tomodensitométrique ou IRM apparaît fortement réhaussé après se traduit par des érosions arrondies non infiltrées de topographie
injection de produit de contraste [2] . Elles disparaissent après endobuccale : les « plaques muqueuses ». Une alopécie spécifique
traitement par pénicilline. non cicatricielle (donc réversible) peut se manifester, sous forme de
plaques de 2 à 4 cm du cuir chevelu surtout en temporo-occipital et
¶ Neurosyphilis congénitale rétroauriculaire.
Le risque de transmission fœtomaternelle du tréponème est de 75 à La « deuxième floraison » ou syphilis papuleuse succède à la
95 % en cas de syphilis primaire non traitée, et beaucoup plus faible première, mais peut aussi survenir simultanément. Essentiellement
(30 %) si l’infection dure depuis plus de 2 ans. Le traitement de la papuleuse, voire papulosquameuse, elle est très polymorphe, évolue
mère avant la 16e semaine de grossesse prévient le risque de sur 1 à 6 mois, et peut atteindre tout le tégument, prédominant sur
fœtopathie. Il existe un à deux cas de syphilis congénitale pour les paumes et les plantes et le visage (sillon nasogénien et
100 femmes parturientes atteintes de syphilis primaire ou commissures labiales). L’atteinte des muqueuses périanale et
secondaire. Les premières manifestations apparaissent vers 2 ans et génitale peut se manifester par de volumineuses végétations
sont cutanéomuqueuses : ce sont celles de la phase secondaire. Les ulcérées, les « syphilides papuloérosives » qui évoluent sur plusieurs
manifestations de la phase tertiaire apparaissent entre l’âge de 5 et mois. Toutes ces lésions sont contagieuses si elles sont érodées,
25 ans, mais la syphilis congénitale est asymptomatique dans 60 % surtout si elles siègent sur les muqueuses.
des cas. Les signes associés comportent une altération de l’état général
inconstante avec anorexie, fièvre et une atteinte viscérale : fréquentes
petites polyadénopathies cervicales, sous-occipitales et
RÉACTIVATION SYPHILITIQUE épitrochléennes d’apparition précoce, mobiles et indolores,
Elle survient lorsqu’un patient arrivé au stade de syphilis tertiaire splénomégalie, hépatomégalie avec cytolyse et cholestase,
est à nouveau contaminé. Des signes de syphilis secondaire glomérulonéphrite extramembraneuse avec protéinurie voire
réapparaissent, et sont alors contemporains des symptômes associés syndrome néphrotique, myalgies, arthralgies, ou arthrite des grosses
à la syphilis tertiaire. articulations, ostéite et périostite douloureuses des côtes et des os
longs, uvéite.
ÉLÉMENTS D’ANAMNÈSE ET D’EXAMEN CLINIQUE
POUVANT CONTRIBUER AU DIAGNOSTIC
¶ Signes généraux de la syphilis tertiaire
Le diagnostic de la syphilis repose, à l’interrogatoire, sur la recherche Outre les manifestations neurologiques, elle se caractérise par des
de pratiques à risque, et leur chronologie, la recherche d’antécédents lésions dermatologiques et surtout viscérales. La peau et la
de MST, de prises d’antibiotiques pouvant influencer l’évolution muqueuse des voies aériennes supérieures peuvent être le siège de
naturelle. L’examen somatique et les tests de première intention, multiples lésions nodulaires, rouge foncé, superficielles, indolores,
veneral disease research laboratory (VDRL) et TPHA permettent fréquemment ulcérées, d’évolution chronique et destructrice : les
souvent de conclure, et d’évaluer la possibilité d’une sérologie gommes. Elles peuvent aussi concerner les os du crâne, de la
faussement positive due à des maladies systémiques (lupus) ou à ceinture scapulaire et les tibias. Les lésions vasculaires affectent le
des tréponématoses non syphilitiques. La syphilis se caractérise par cœur, les coronaires, les gros vaisseaux, et surtout l’aorte, pouvant
une grande contagiosité, ce qui oblige à l’information sur la provoquer un anévrisme, une insuffisance ou des calcifications
prévention et au dépistage des partenaires. Elle ne confère pas valvulaires.
d’immunité à l’hôte, laissant la voie libre à d’éventuelles
réinfections.
Syphilis depuis l’ère du sida
¶ Signes précoces
Après une incubation de 2 à 3 semaines, survient le chancre qui La recrudescence de la syphilis au cours de l’épidémie de sida a
dure 6 à 8 semaines. Le chancre est une lésion érythématomaculeuse suscité de nombreuses questions : la syphilis est-elle une infection
évoluant vers une érosion unique indolore, non inflammatoire, de 1 oppurtuniste chez les patients VIH positifs ? Ces deux MST sont-
à 2 cm de diamètre, avec des bords réguliers et saillants ainsi qu’une elles liées ?
base indurée très caractéristique à fond propre, duquel s’écoule une La syphilis est bien antérieure au sida, il s’agit donc de maladies
sérosité claire. Il siège sur n’importe quelle région du tégument et indépendantes, susceptibles de coexister chez des patients dont les
des muqueuses, surtout sur les organes génitaux externes (sillon pratiques sexuelles représentent un facteur d’infection par toutes les
balanopréputial chez l’homme et vulve chez la femme, où il passe MST. Cinquante pour cent des patients séropositifs pour le VIH ont
souvent inaperçu), au niveau anal et buccopharyngé. Le chancre un antécédent de syphilis. À cet égard, il est regrettable que les MST
s’accompagne dès la première semaine d’adénopathies satellites ne soient pas prises en charge globalement, et que la prise en charge

PDF Creator Trial


17-055-A-10 Neurosyphilis Neurologie

du sida soit séparée de celle des autres affections [9]. Il est acquis que Le test Elisa (enzyme linked immunosorbent assay) est simple, et très
les ulcérations génitales que constitue le chancre syphilitique facilite précoce. Il est utile en dépistage. Le western blot est très sensible et
la transmission du VIH, de même que l’immunodépression très spécifique, mais c’est une technique très lourde.
transitoire de la phase primaire de la syphilis [46]. En revanche, le La recherche des immunoglobulines (IgM spécifiques) se fait par
cours évolutif de la syphilis au cours du sida est diversement IgM-SPHA (solid-phase heamadsorption assay), proche du TPHA, FTA-
analysé : inchangé pour certains [46], le risque de syphilis maligne abs-IgM, Elisa et western blot. Ce sont toutes des réactions très
serait multiplié par 60 pour d’autres [44]. Le risque de neurosyphilis précoces, car les anticorps sont présents dès la première semaine et
et de lésions oculaires serait plus élevé, en particulier dans les stades pendant les phases primaire et secondaire. Leur taux diminue
avancés du sida. La réponse sérologique à l’infection par le ensuite progressivement, pour disparaître après 2 années
tréponème au cours du sida révèle certaines spécificités : réponse d’évolution. En cas de traitement, ils disparaissent en quelques mois.
excessive avec des taux de VDRL ou de TPHA très élevés, ou de
faux négatifs pour le VDRL. En dépit de l’immunodépression, le
TPHA est exceptionnellement négatif. La démarche du diagnostic INTERPRÉTATION DES RÉSULTATS SÉROLOGIQUES
biologique est donc identique à celle pour les patients Si seul le VDRL est positif, il s’agit probablement d’une réaction non
immunocompétents. Alors que les traitements anti-VIH ont spécifique, faussement positive en l’absence d’infection syphilitique.
significativement réduit la mortalité et les infections opportunistes, Rarement, il s’agit d’un résultat précoce d’une infection très récente
l’épidémie actuelle de syphilis paraît se développer de façon avant que le TPHA ne se positive : il faut donc vérifier par le FTA-
autonome. abs et/ou rechercher les IgM ou répéter la sérologie.
Si le VDRL et le TPHA sont positifs, la présence d’IgM et un Nelson
négatif sont en faveur d’une syphilis précoce. Dans le cas contraire,
Confirmation biologique du diagnostic l’absence d’IgM et un Nelson positif sont en faveur d’une syphilis
dans le sang tardive. Il peut aussi s’agir d’une cicatrice sérologique dans les mois
qui suivent le traitement et avant que le VDRL ne se négative,
comme il peut s’agir d’une réinfection.
EXAMENS DIRECTS (MISE EN ÉVIDENCE DE LA
BACTÉRIE OU DE SES CONSTITUANTS) Si le VDRL est négatif et le TPHA positif, il s’agit habituellement
d’une cicatrice sérologique. Néanmoins, dans un contexte de contage
Le microscope à fond noir offre un diagnostic immédiat s’il permet ou devant un tableau clinique évocateur, la recherche d’IgM est
la visualisation du tréponème sur les prélèvements de sérosités des nécessaire pour détecter une infection très récente. En cas de syphilis
lésions primaires ou secondaires. Il apparaît sous forme de spirales latente très ancienne et non traitée, la recherche d’IgM sera négative,
mobiles et brillantes. Sa spécificité est limitée par la fausse positivité et le test de Nelson peut être nécessaire. S’il est positif, un traitement
éventuelle due à la présence de tréponèmes saprophytes dans la s’impose.
cavité buccale par exemple.
L’immunofluorescence directe révèle aussi la présence du ¶ Dans le liquide céphalorachidien
tréponème. Elle a une excellente sensibilité et spécificité.
Les tests les plus courants, TPHA et VDRL, sont réalisés. La
sensibilité du VDRL est de 30 à 70 %, mais sa positivité signe
EXAMENS INDIRECTS (MISE EN ÉVIDENCE DES l’existence d’une neurosyphilis active. Le TPHA est plus sensible,
ANTICORPS INDUITS PAR L’INFECTION) mais il reste positif après traitement, et ne permet pas de détecter
Le VDRL et le RPR (rapid plasma reagin) sont des tests semi- d’éventuelles réinfections.
quantitatifs ou quantitatifs (quantifiant le nombre de dilutions). C’est Les résultats du FTA-abs dans le sang et dans le LCR sont toujours
une réaction d’agglutination passive précoce, mais peu spécifique. concordants. S’il est négatif dans le sérum, une neurosyphilis peut
En effet, les réagines (anticorps) reconnaissent la cardiolipine, un être éliminée.
antigène phopholipidique non tréponémique. Les faux positifs sont Les patients de plus de 60 ans originaires de pays tropicaux gardent
donc fréquents dans les pathologies auto-immunes, les infections fréquemment une trace sérologique d’une infection par le pian, avec
aiguës, ou au cours de la grossesse, etc. La sensibilité est fonction de VDRL faiblement positif et TPHA positif. En cas de suspicion de
la phase d’évolution et de l’activité tissulaire : le VDRL est positif syphilis active (bilan de démence…), la positivité du TPHA dans le
dès la 5e semaine (2 semaines après le chancre), et se négative ou sang ne permet pas de conclure ; seule l’étude du LCR permet de
s’affaiblit considérablement en phase tardive (30 % des syphilis reconnaître formellement une neurosyphilis, selon les critères définis
tertiaires et des neurosyphilis ont un VDRL négatif). Technique plus haut (PG).
simple, rapide et peu onéreuse, elle sert au dépistage, au suivi sous
traitement (car elle se négative rapidement), et permet alors le La recherche d’une élévation et d’une répartition oligoclonale des
diagnostic de réinfection, mais il faut qu’elle soit accompagnée d’un immunoglobulines n’est pas très sensible (50 à 60 %), et moins
test spécifique (TPHA, fluorescent treponema antibody absorption spécifique que les autres tests (90 %) dans cette affection.
[FTA-abs]).
Le TPHA est une réaction précoce d’hémagglutination passive, très
sensible et moyennement spécifique, mais plus spécifique que le
Bases du traitement
VDRL. Technique simple, rapide (1 à 3 heures), et peu onéreuse, elle
est positive dès la 3e ou 4e semaine (10 jours près le chancre), et elle HISTORIQUE DU TRAITEMENT
reste positive après guérison.
Au début du XXe siècle et avant la découverte de la pénicilline, le
Le FTA-abs est une réaction très précoce d’immunofluorescence traitement de la syphilis reposait sur l’administration d’arsenic, de
indirecte, qui est à la fois très sensible et très spécifique. Technique mercure ou de bismuth, sur une période de 2 mois à 3 ans.
plus lourde et plus délicate que le TPHA, elle est positive dès la 3e L’absorption de ces métaux lourds était pénible, chère et dangereuse.
semaine (début du chancre), et se négative le plus souvent après L’alternative était l’induction d’une fièvre par des endotoxines
traitement. L’absorption préalable du sérum par des tréponèmes typhiques ou par l’inoculation du paludisme, traité ensuite par la
saprophytes élimine les faux positifs. quinine.
Le test de Nelson, ou TPI (treponema pallidum immobilisation), est
une réaction tardive qualitative ou quantitative, qui est positive si
les anticorps du sérum immobilisent les tréponèmes vivants. TRAITEMENT CLASSIQUE
Technique très sensible et très spécifique, elle est aussi très lourde et La pénicilline G intraveineuse, à raison de 12 millions d’unités par
coûteuse, donc peu utilisée. jour pendant 14 jours, est le traitement de référence de la

PDF Creator Trial


Neurologie Neurosyphilis 17-055-A-10

neurosyphilis. L’administration intramusculaire associant la La surveillance de l’efficacité du traitement repose sur les contrôles
pénicilline G à raison de 2,4 millions d’unités par jour durant 14 sérologiques dans le sang et dans le LCR, qui doit être normalisé 6
jours peut être mieux tolérée. En cas d’allergie aux bêtalactamines, mois après la cure de pénicilline.
la doxycycline (200 mg/j) ou la tétracycline (2 g/j) sont efficaces si
¶ Réaction de Jarisch-Herxheimer
elles sont prescrites durant 4 semaines. La ceftriaxone est une
alternative intéressante, mais n’a pas encore été validée dans cette À l’instauration du traitement antibiotique, une réaction systémique
indication. associant fièvre, myalgies, céphalées, tachycardie, hypotension, peut
survenir. Elle est observée dans 50 % des cas de syphilis primaire,
dans 90 % des cas de syphilis secondaire, et dans 25 % des cas de
La co-infection par le sida amène à prolonger le traitement de la syphilis tertiaire. Elle pourrait être favorisée par une hypersensibilité
neurosyphilis durant 3 semaines. La résistance du tréponème à la tardive aux antigènes tréponémiques. Elle peut provoquer une
pénicilline lors du sida est mal documentée. Elle existerait dans 3 à aggravation sévère des lésions de neurosyphilis, et être responsable
4 % des cas, et pourrait bénéficier d’un traitement par de séquelles spécifiques. Elle doit donc être prévenue par
céphalosporines de 3e génération [29, 44]. l’administration simultanée de corticoïdes durant quelques jours.

Références
[1] Aupy M, Benetier MP, Laporte A, Maleville J, Henry P. Arté- [18] Gordon AG. Seeking Haydn’s secrets. Cerebrovasc Dis [37] Primavera A, Solaro C, Cocito L. De novo status epilepticus
rite syphilitique. Aspects cliniques, paracliniques et théra- 1999 ; 9 : 54 as the presenting sign of neurosyphilis. Epilepsia 1998 ; 39 :
peutiques. À propos de 6 cas. Sem Hôp Paris 1982 ; 58 : [19] Gwanzura L, Latif A, Bassett M, Machekano R, Katzenstein 1367-1369
1101-1106 DA, Mason PR. Syphilis serology and HIV infection in [38] Riedner G, Dehne KL, Gromyko A. Recent declines in
[2] Berger JR, Waskin H, Pall L, Hensley G, Ihmedian I, Post MJ. Harare, Zimbabwe. Sex Transm Infect 1999 ; 75 : 426-430 reported syphilis rates in eastern Europe and central Asia:
Syphilitic cerebral gumma with HIV infection. Neurology [20] Holmes MD, Zadawadzki B, Simon RP. Clinical features of are the epidemics over? Sex Transm Infect 2000 ; 76 :
1992 ; 42 : 1282-1287 meningovascular syphilis. Neurology 1984 ; 34 : 553-556 363-365
[3] Butler T, Robertson P, Kaldor J, Donovan B. Syphilis in new [21] Hubault A. Arthropathies nerveuses. Rev Neurol 1982 ; 12 : [39] Roos KL. Neurosyphilis. Semin Neurol1992 ; 12 : 209-212
south Wales (Australia) prisons. Int J STD AIDS 2001 ; 12 : 1009-1017
376-379 [40] Roos KL. Neurosyphilis in musicians and composers. Semin
[22] Joly V, Crémieux AC, Carbon C. Syphilis primaire et secon-
[4] Chaplinskas S, Mardh PA. Characteristics of vilnius street daire. Épidémiologie, diagnostic et traitement. Rev Prat Neurol 1999 ; 19 : 35-40
prostitutes. Int J STD AIDS 2001 ; 12 : 176-180 1994 ; 44 : 1685-1689 [41] Rothschild BM. Existence of syphilis in a pleistocene bear.
[5] Corbie-Smith G. The continuing legacy of the Tuskegee [23] Koudstall PJ, Vermeulen M, Wokke JHJ. Argyll Robertson Nature 1988 ; 335 : 595
syphilis study: considerations for clinical investigations. Am pupils in lymphocytic meningoradiculitis. J Neurol Neuro-
J Med Sci 1999 ; 317 : 5-8 [42] Rothschild BM, Calderon FL, Coppa A, Rothschild C. First
surg Psychiatry 1987 ; 50 : 363-365
european exposure to syphilis; the Dominican republic at
[6] Cosottini M, Mascalchi M, Zaccara G, Arnetoli G. Reversal [24] Lamy C, Eymard B, Leger JM, Pierrot-Deseilligny C, Brunet the time of columbian contact. Clin Infect Dis 2000 ; 31 :
of syphilitic hydrocephalus with intravenous penicillin. Can P. Hydrocéphalie communicante révélatrice d’une neuro- 936-941
J Neurol Sci 1997 ; 24 : 343-344 syphilis. Rev Neurol 1990 ; 146 : 54-56
[7] Critchley M. Four illustratious neuroluetics (Heinrich Heine, [43] Schaudinn F, Hoffmann E. Vorläufiger bericht über das
[25] Lebrun Y, Hasquin-Deleval J, Brihaye J, Flament J. L’aphasie
Jules de Goncourt, Alphonse Daudet, Guy de Maupassant). Vorkommern von Spirochaeten in syphilitischen
de Charles Baudelaire. Rev Neurol 1971 ; 125 : 310-316
Proc R Soc Med 1969 ; 62 : 669-673 Krankheitsprodukten und bei Papillomen. Arb Gesundh
[26] Leys D, Rousseaux M, Petit H, Warot P. Ataxie pseudotabé- Amte 1905 ; 22 : 527-534
[8] Darmon P. The first World War and the explosion and mor- tique réversible induite par une carence en acide folique.
bidity of venereal diseases. Gynecol Obstet Fertil 2001 ; 29 : Lille Méd 1980 ; 25 : 422-424 [44] Schöfer H, Imhof M, Thomas-Greber E, Brockmeyer NH,
171-172 Hartmann M, Gerken G et al. Active syphilis in HIV infec-
[27] Lopez-Zetina J, Ford W, Weber M, Barna S, Woerhle T,
[9] Deniaud F, Melman C. De l’appréhension des maladies tion: a multicentre retrospective survey. Genitourin Med
Kerndt P et al. Predictors of syphilis seroreactivity and
sexuellement transmissibles à la prévention du VIH. Presse 1996 ; 72 : 176-181
prevalence of HIV among street recruited injection drug
Méd 2002 ; 31 : 387-392 users in Los Angeles County,1994-1996. Sex Transm Infect [45] Simon RP. Neurosyphilis. Arch Neurol 1985 ; 42 : 606-613
[10] Dericon-Ferraz AA. Early work on syphilis: Diaz de Ysla’s 2000 ; 76 : 462-469
[46] Simon RP. Neurosyphilis. Neurology 1994 ; 44 : 2228-2230
treatise on the serpentine disease of Hispaniola Island. Int J [28] Luger A. The origin of syphilis. Sex Transm Dis1993 ; 20 :
Dermatol 1999 ; 38 : 222-227 110-117 [47] Southwick KL, Blanco S, Santander A, Estenssoro M, Torrico
[11] El AlaouiFaris M, Birouk N, Slassi I, Jiddane M, Chkilik T. [29] Marra CM, Boutin P, McArthur JC, Hurwirtz S, Simpson PA, F, Seoane G et al. Maternal and congenital syphilis in
Thrombose du sinus longitudinal supérieur et ostéite crâ- Haslett JA et al. A pilot study evaluating ceftriaxone and Bolivia,1996: prevalence and risk factors. Bull World Health
nienne syphilitique. Rev Neurol 1992 ; 148 : 783-785 penicillin G as treatment agents for neurosyphilis in human Organ 2001 ; 79 : 33-42
[12] El Alaoui Faris M, Medejel A, Al Zemmouri K, Yahyaoui M, immunodeficiency virus-infected individuals. Clin Infect Dis [48] Spencer FJ. Scott Joplin’s foot. Mo Med 1998 ; 95 : 302-303
Chkilik T. Le syndrome de sclérose latérale amyotrophique 2000 ; 30 : 540-544
d’origine syphilitique. Étude de 5 cas. Rev Neurol 1990 ; [30] Merritt HH, Moore M. Acute syphilitic meningitis. Medicine [49] Stepper F, Schroth G, Sturzenegger M. Neurosyphilis mim-
146 : 41-44 1935 ; 14 : 119-183 icking Miller-Fisher syndrome: a case report and MRI find-
ings. Neurology 1998 ; 51 : 269-271
[13] Finelli L, Levine WC, Valentine J, StLouis ME. Syphilis out- [31] Michel D, Blanc A, Laurent B, Foyatier N, Portafaix M. Étude
break assessment. Sex Transm Dis 2001 ; 28 : 131-135 biologique, psychométrique et tomodensitométrique de [50] Thomas P, Zifkin B, Migneco O, Lebrun C, Darcourt J,
neurosyphilis traitée. Rev Neurol 1983 ; 139 : 737-744 Andermann F. Nonconvulsive status epilepticus of frontal
[14] Fitzgerald DW, Behets F, Caliendo A, Roberfroid D, Lucet C,
Fitzgerald JW et al. Economic hardship and sexually trans- [32] Morton RS. Syphilis in art : an entertainement in four parts. origin. Neurology 1999 ; 52 : 1174-1183
mitted diseases in Haiti’s rural artibonite valley. Am J Trop Genitourin Med 1990 ; 66 : 33-40, 112-123, 208-221, [51] Todd J, Munguti K, Grosskurth H, Mngara J, Changalucha J,
Med Hyg 2000 ; 62 : 496-501 280-294 Mayaud P et al. Risk factors for active syphilis and TPHA
[15] Fournier A. De l’ataxie locomotrice d’origine syphilitique. [33] Naranjo P. On the american indian origin of syphilis: falla- seroconversion in a rural african population. Sex Transm
1882. Ann Dermatol Vénéréol 2000 ; 127 : 928-947 cies and errors. Allergy Proc 1994 : 15 : 89-99 Infect 2001 ; 77 : 37-45
[16] Gallego J, Soriano G, Zubieta JL, Delgado G, Villanueva JA. [34] Nitrini R. The history of tabes dorsalis and the impact of [52] Tyler KL, Sandberg E, Baum KF. Medial medullary syn-
Magnetic resonance angiography in meningovascular observational studies in neurology. Arch Neurol 2000 ; 57 : drome and meningovascular syphilis. Neurology 1994 ; 44 :
syphilis. Neuroradiology 1994 ; 36 : 208-209 605-606 2231-2235
[17] Gaubitz M, Lubben B, Seidel M, Schotte H, Gramley F, [35] O’Shea JG. The death of Paganini. J R Coll Physicians Lond
1988 ; 22 : 104 [53] Waugh M. The great pox. Int J STD AIDS 1991 ; 2 : 26-29
Domschke W. Cogan’s syndrome: organ-specific autoim-
mune disease or systemic vasculitis? A report of two cases [36] Poto Nok M, Butina MR, Bartenjev I, Waugh MA. Syphilis in [54] Zifko U, Wimberger D, Lindner K, Zier G, Grisold W, Schin-
and review of the literature. Clin Exp Rheumatol 2001 ; 19 : Slovenia - on the threshold of the european union. Int J STD dler E. MRI in patients with general palsy. Neuroradiology
463-469 AIDS 2000 ; 11 : 795-797 1996 ; 38 : 120-123

PDF Creator Trial

Vous aimerez peut-être aussi