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SCLERODERMIES

Pr. Dieu-Donné OUEDRAOGO


Dr W. Joëlle Stéphanie TIENDREBEOGO
Dr Fulgence KABORE
Promotion Master 1 médecine 2019-2020

Objectifs

1. Définir la sclérodermie systémique (ScS);


2. Décrire le syndrome de Raynaud et les lésions dermatologiques observés au cours de
la sclérodermie systémique.
3. Citer les critères diagnostiques de la SS selon les critères de l’ACR.
4. Décrire les principes du traitement général et spécifique de la ScS.

Plan
I. Généralités
1. Définition
2. Intérêt
3. Physiopathologie
II. Signes
1. Type de description : Sclérodermie systémique de la femme de 40 ans
2. Formes cliniques
III. Diagnostic
1. Diagnostic positif
2. Diagnostic différentiels
3. Diagnostics étiologiques
IV. Traitement

I. GENERALITES
1. Définition
La sclérodermie est une maladie auto-immune qui affecte le tissu conjonctif interstitiel et
vasculaire entrainant une induration et un changement d’aspect de la peau. Elle est associée à
des anomalies du système immunitaire conduisant à une fibrose. Il s’agit d’une maladie rare et
hétérogène qui fait partie des connectivites.

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2. Intérêt

- Epidémiologique
. Sa prévalence est inconnue. Son incidence serait de 2,7 nouveaux cas par million
d’habitants. Elle prédomine dans le sexe féminin : 3 femmes/1 homme. Elle frappe toutes les
races et survient surtout entre 40-50 ans. Le risque relatif du cancer notamment du poumon
est augmenté au cours de la sclérodermie.
La sclérodermie représente 33 % des connectivites au Burkina Faso. L’âge moyen des
patients est 41,9 ans ± 8,5 ans.

- Diagnostique
Le diagnostic précoce est impératif car permet de ralentir ou bloquer l’évolution de la
maladie. Il repose sur les signes cliniques caractéristiques et les anomalies immunologiques et
capillaroscopiques.

- Pronostique
Le pronostic est variable et est fonction des complications notamment pulmonaires, rénales et
digestives.

3. Physiopathologie (schéma 1)
La physiopathologie de la ScS, bien que toujours inexpliquée, est probablement
plurifactorielle (génétiques, environnementaux, immunologiques). En effet les patients
atteints de cette maladie présentent tous des anomalies vasculaires, immunitaires et un
dysfonctionnement des fibroblastes. Ces anomalies sont toutes liées les unes aux autres et
conduisent finalement à l’activation des fibroblastes, responsable de la formation de la fibrose
caractérisant la maladie.

Schéma 1 : Mécanismes physiopathologiques associés à la sclérodermie.

TROUBLES DU
ALTERATIONS DESORDRES METABOLISME DU
VASCULAIRES IMMUNOLOGIQUES COLLAGENE

SCLERODERMIE

FACTEURS
ANOMALIES FACTEURS ENVIRONNEMENTAUX
CHROMOSOMIQUES GENETIQUES

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II. SIGNES
II.1. Signes cliniques et paracliniques des manifestations

- SYNDROME DE RAYNAUD
C’est habituellement le premier signe de la maladie et peut précéder parfois de plusieurs
années les autres signes.
Il s’agit d’un phénomène vaso-moteur paroxystique des extrémités, déclenché par le froid et
évoluant schématiquement en 2 phases : une phase syncopale, puis une phase asphyxique.
Il s’observe dans 95% de cas de sclérodermie systémique. Il s’agit d’une ischémie digitale
bilatérale survenant au froid.
A la phase syncopale, les doigts deviennent livides, froids insensibles
A la phase asphyxique, les doigts sont gonflés, bleuâtres douloureux
Il peut toucher les pieds, parfois les oreilles, le nez, la langue.
Le syndrome de Raynaud est parfois isolé et primitif, mais il peut révéler d’étiologies
multiples parmi lesquelles les connectivités il existe alors des anomalies à la capillaroscopie.
Toutes les connectivites peuvent s’accompagner d’un syndrome de Raynaud.

- ATTEINTE DERMATOLOGIQUE (peau, muqueuses et phanères)


Classiquement, on distingue 3 stades différents : le stade oedémateux, le stade indure ou
scléreux et le stade atrophique. Ces 2 derniers étant souvent intriqués.
 au stade initial œdémateux, inconstant, la peau apparaît tendue donnant un aspect
saucissonné au doigt et un aspect de masque au visage. L’œdème ne prend pas le
godet.
 Aux stades ultérieurs, la peau de couleur ivoirine se colle au plan sous-jacent. Elle est
dure, infiltrée et tendue. Parallèlement, elle devient fine et atrophique. Les plis cutanés
disparaissent. Les mains, le visage et le décolleté sont caractéristiques :
- au visage, la peau du front et autour des yeux est lisse ; les plis qui s’effacent, la
mimique disparaît ; le nez est effilé, les lèvres sont amincies avec en périphérie des
plis radiés. l’ouverture de la bouche est de plus en plus limitée (on parle de visage de
momie).
- La peau de la face antérieure du cou, apparemment normale au repos, devient tendue
et parsemée de sillons longitudinaux ; le rachis cervical est en extension.
A un stade évolué, la sclérose envahit l’ensemble du visage et apparaît une atrophie des
masséters.
- l’atteinte des mains précède le plus souvent celle du visage. Les doigts s’effilent, leur
mobilité diminue, l’extension et la flexion complètes deviennent impossibles les doigts sont
en flexion permanente. La peau se colle au plan sous-jacent et/ou ne peut être
progressivement se plisser. Les ongles diminuent en taille et se recourbent autour des
extrémités atrophiées des doigts. Ces lésions réalisent la sclérodactylie.
Les pieds peuvent présenter les mêmes lésions mais sont moins fréquemment atteints.
Selon les cas, les lésions peuvent toucher l’ensemble des mains, les avant-bras, le décolleté o
se généraliser.

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Parfois, apparaissent des ulcérations torpides des extrémités pouvant aboutir à des
amputations.
Les télangiectasies siègent électivement sur les mains et le visage (CREST) dans 75% des cas.
Les troubles de la pigmentation se voient dans 30%. Un prurit généralisé peut se voir.
Des calcifications sous-cutanées (25%) sont l’apanage du syndrome CREST
Enfin, des lésions érythémato-bulleuses et ulcéreuses peuvent se voir au cours de l’évolution
des sclérodermies.

-ATTEINTE DIGESTIVE
Elle intéresse l’ensemble du tube digestif.
L’atteinte oesophagienne est la plus commune des atteintes viscérales. Latente ou
responsable de dysphagie, elle est bien objectivée par l’étude radiologique dynamique.
L’atonie de l’intestin grêle et du colon provoque une malabsorption par pullulation
microbienne.
L’atteinte du foie et du pancréas est rare dans les sclérodermies.

- ATTEINTE RENALE
Elle est la cause majeure de décès des sclérodermies systémiques. La fréquence de l’atteinte
rénale est variable. Cette atteinte rénale peut s’exprimer sous plusieurs aspects :

 Soit une crise rénale sclérodermique : c’est une insuffisante rénale aiguë
survenant dans les trois premières années de la maladie, de pronostic très
mauvais, évoluant spontanément vers la mort ;
 Soit une atteinte rénale bénigne, caractérisée seulement par une protéinurie
pouvant régresser en même temps que l’atteinte cutanée ;
 Soit une hypertension artérielle.

- ATTEINTE PULMONAIRE
La fréquence de cette atteinte est difficile à préciser car les lésions histologiques existent alors
que la fonction pulmonaire et la radiographie sont encore normales. L’atteinte pulmonaire
peut précéder les lésions cutanées.
Selon les cas, on retrouve les signes cliniques suivants : dyspnée d’effort, toux sèche, douleurs
thoraciques et râles crépitants ou rarement une hémoptysie. Parfois c’est une fibrose
interstitielle diffuse, un syndrome obstructif, une atteinte pleurale, une atteinte artérielle avec
ou sans hypertension artérielle pulmonaire ou de kystes pulmonaires.
L’atteinte pulmonaire est plus fréquente et de mauvais pronostic chez les fumeurs.

- ATTEINTE CARDIAQUE
Classiquement rares, les atteintes cardiaques de la sclérodermie sont en fait beaucoup plus
fréquentes, lorsqu’elles sont recherchées systématiquement avec les moyens d’investigation
modernes.
L’atteinte touche le péricarde, le myocarde et le système de conduction cardiaque. L’atteinte
endocardique est exceptionnelle.
L’atteinte du péricarde se manifeste sous la forme d’une péricardite aiguë, soit sous la forme
d’une péricardite chronique souvent asymptomatique. Cette péricardite chronique est de
mauvais pronostic.
La myocardiopathie sclérodermique est fréquente et grave.
Les troubles de la conduction peuvent progressivement s’aggraver et aboutir à un bloc de
branche complet, voire à une asystolie mortelle. Les blocs auriculo-ventriculaires complets
sont exceptionnels.

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- ATTEINTE VASCULAIRE
En dehors de l’atteinte de la microcirculation, de rares atteintes des gros troncs artériels ont
été décrites comme complications tardives de la sclérodermie.

- ATTEINTE ARTICULAIRE
 Les atteintes articulaires sont retrouvées dans 45-90% des sclérodermies systémiques.
Elles peuvent être les premières manifestations de la maladie.
Elles peuvent s’exprimer soit par des arthralgies, soit par des arthrites. Habituellement les
patients présentent un tableau de polyarthrite symétrique et un enraidissement articulaire
pouvant faire évoquer une polyarthrite rhumatoïde débutante. Ces atteintes siègent
essentiellement sur les doigts les poignets, les genoux et les chevilles.
Des ténosynovites sont retrouvées aux extrémités de membres. Les épanchements sont rares et
peu abondants.
 Sur les radiographies, on retrouve, outre un épaississement des parties molles
périarticulaires, un pincement articulaire, une ostéoporose juxta articulaire, et parfois une
résorption de la styloïde cubitale. Les atteintes articulaires destructrices sont plus rares.
A la biopsie synoviale, on note des dépôts fibrineux superficiels, un infiltrant inflammatoire
modéré et une fibrose collagène dense avec rétrécissement ou thrombose des vaisseaux.

- ATTEINTE OSSEUSE
Elle est très caractéristique, constituée essentiellement d’une résorption des houpes des
dernières phalanges. Plus rarement sont touchés : le radius, le cubitus, la clavicule,
l’acromion.
La zone périodontale est souvent épaissie avec déchaussement des dents.

-ATTEINTE MUSCULAIRE
Retrouvée dans la majorité des sclérodermies systémiques. Elle débute insidieusement ou par
des myalgies et un déficit modéré des muscles proximaux. Les enzymes musculaires, CPK et
aldolases sériques, sont augmentées de façon modérée mais significative.
La biopsie montre une fibrose interstitielle. L’atteinte progresse très lentement et n’est pas
influencée par la corticothérapie.
Parfois, d’autres tableaux peuvent exister : il peut s’agir d’une polymyosite ou d’une
dermatomyosite associée à une sclérodermie réalisant une sclérodermatomyosite.

- ATTEINTE ENDOCRINIENNE
Il s’agit d’atteinte thyroïdienne (hypothyroïdies ou hyperthyroïdies), des parathyroïdes, d’une
insuffisance parathyroïdienne (1 cas rapporté), enfin, plusieurs cas d’impuissance ont décrits.

- ATTEINTE NEUROLOGIQUE
A l’exception de l’atteinte sensitive du trijumeau, les manifestations neurologiques de la
sclérodermie sont rares. Il n’y a pas d’atteinte du système nerveux central.
Cette atteinte du trijumeau se manifeste par des engourdissements, des paresthésies et plus
rarement des douleurs. Elle est plus souvent bilatérale, intéressant surtout 2 branches
inférieures du trijumeau. Il n’y a pas de troubles moteurs, mais on peut voir des troubles de la
mastication et du goût.
Parmi les autres manifestations neurologiques de la maladie, on trouve un
syndrome du canal carpien, des neuropathies et des mononévrites multiples.

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II.2. Immunologie
De nombreuses recherches ont permis de préciser le profil biologique et notamment
immunologique des sclérodermies.

1. Anticorps antinucléaires

Leur fréquence est variable, estimée à environ 60 à 70% des cas. La fluorescence nucléolaire
est la plus évocatrice (40%), les aspects mouchetés ou homogènes sont moins spécifiques.
Les anticorps anti-centromères sont trouvés dans environs 30 % des cas et sont assez souvent
retrouvés dans les formes limitées avec une HTAP.

L’anticorps anti-topo-isomérase I (anti-Topo I, anti-scl 70) semble être spécifique de la


sclérodermie systémique.

2.Autres anticorps antinucléaires


- anticorps anti U1 RNP (20%)
- anticorps anti-PM 1 et les anti-ku se voient dans les syndromes de chevauchement
associant sclérodermie et polymyosite.
- anticorps anti-SSA (Ro) et SSB (La) se voient dans les formes associées à un
syndrome de Gougerot-Sjögren.
- anticorps anti-DNA natifs sont exceptionnels dans les sclérodermies systémiques
- anticorps anti-centrioles, anti-histones et anti-organelles cytoplasmiques ont été aussi
décrits.

3.Autres anticorps
Leur intérêt diagnostique est limité et leur signification reste à préciser. Ce sont par exemple
les anticorps anti-collagène, anti-fibroblaste, anti-mitochondrie, anti-muscle lisse anti-cellules
endothéliales, anti-coagulant circulant, etc.

II.3. Autres anomalies biologiques

Le complément hémolytique est habituellement normal en dehors des syndromes de


chevauchement avec maladie lupique. Il existe un syndrome inflammatoire avec augmentation
modérée de la VS et une hypergammaglobulinémie. Une anémie peut être retrouvée
microcytaire et hypochrome.

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II.4. Formes particulières

1. Sclérodermies de l’enfant
La sclérodermie systémique de l’enfant est rare (1,5% des sclérodermies). Les
manifestations cutanées des formes systémiques sont identiques à celle de l’adulte. Les
formes localisées sont plus fréquentes.

2. Sclérodermies et grossesse
La fréquence élevée des avortements est controversée. Cependant, les retards de
croissance intra-utérine, la prématurité et l’hypotrophicité à terme des nouveau-nés sont
plus fréquents que dans une population témoin.
L’atrésie vaginale, la rigidité du périnée et le manque d’élasticité du col utérin peuvent
être responsables de dystocie.
Il ne semble pas que la grossesse modifie le cours évolutif, ni le pronostic de la maladie
ainsi à condition d’une surveillance rigoureuse, la grossesse est possible chez la femme
sclérodermique.

3. Sclérodermies localisées
Ce sont des affections avant tout dermatologiques, d’évolution chronique, le plus souvent
favorable. On distingue classiquement : des formes circonscrites purement cutanées. Des
formes régionales ou l’atteinte cutanée s’associe à une atteinte musculaire ou osseuse. Des
sclérodermies en plaques multiples plus agressives.

a. formes circonscrites purement cutanées


On distingue classiquement les sclérodermies en plaques, en goutte et en bande, bien que ces
différentes formes puissent être associées.

- Sclérodermie en plaque ou morphées


La femme et plus atteinte que l’homme. Elle débute chez l’adulte jeune, rarement chez
l’enfant, souvent au décours s’une notion de traumatisme dans le territoire de la lésion
quelques mois auparavant. Il se manifeste par :
Au début, une tache rose lilas, souple excentrique. Puis, le centre devient blanc nacré
s’induire progressivement. A un stade plus avancé, la plaque est arrondie ou ovalaire. Induire,
de teinte blanche ou porcelaine, parfois vieil ivoire, glabre la peau ne se laisse pas plisser.
La plaque s’entoure d’un halo érythémateux, c’est le « lilac-ring » elle est indolore et sa
sensibilité est émoussée. Son évolution est lente et imprévisible ; la plaque se stabilise alors
que le « lilac-ring » disparaît. Elle régresse ensuite spontanément en laissant souvent une
séquelle pigmentée.
Le nombre et la localisation des plaques varient d’un sujet à l’autre. Les sièges préférentiels
sont le tronc et les membres.

Il existe d’autres aspects cliniques des morphées :

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 la forme érythémateuse pure est une plaque rouge violacée à limite nette. Peu
scléreuse ;
 la forme pigmentée d’emblée : ne se rattache à la sclérodermie que par son contexte.
 La forme poïkilodermique : associé des taches blanches, de la pigmentation et des
télangiectasies :
 La forme atrophodermique est surtout localisée au tronc, dessinant une dépression
évasée, bien limitée en large soucoupe ;
 Enfin, la forme bulleuse parfois hémorragique.

-Sclérodermie en goutte
Elle soulève un problème nosologique, car l’atrophie l’emporte sur la sclérose. Il s’agit d’un
semis de petites taches d’un blanc nacré, arrondies, un peu déprimées qui peuvent confluer en
placards, à la surface lisse et brillante, aux bords émiettés. Les sièges préférentiels sont le cou,
les épaules et le haut du thorax. Elle est soit isolé, soit associée à des morphées en plaques
typique. L’évolution est la même que celle des sclérodermies en plaques.

-Sclérodermie en bande
Les lésions sont ici linéaires, souvent unilatérales et parfois radiculaires. On individualise 3
types :

* la sclérodermie en coup de sabre ; elle occupe verticalement la région paramédiane du


front, du front, du cuir chevelu au sourcil, en un triangle effilé a base supérieure alopécique,
cicatricielle.
* la sclérodermie en bande du tronc : elle suit, en général, un trajet radiculaire.
* la sclérodermie en bande superficielle des membres : elle est beaucoup plus fréquente ; elle
n’a pas la diffusion sous-cutanée des sclérodermique régionales.

b) Sclérodermies régionales (monoméliques ou diméliques)


Encore appelées scléro-atrophies extensives des membres, c’est un véritable bloc scléreux qui
touche un ou plusieurs segments des membres et atteint la peau, le fascia, les muscles et les
tendons.
Elle débute dans l’enfance vers l’age de 12 ans avec une prédominance pour le sexe féminin.
La peau est fine, atrophique, parfois pigmentée, collée sur les plans profonds indurés ; le
membre est amincie. Il existe une impotence fonctionnelle secondaire à la rigidité. Le plus
souvent, les lésions touchent un seul membre d’où le nom de monomélique, mais elles
peuvent s’étendre sur le membre homolatéral ou controlatéral. On parle alors de sclérodermie
dimélique.
Le squelette peut être intéressé : il existe alors une atrophie, un raccourcissement de l’os. On
trouve parfois une hyperostose linéaire de la corticale ou en tache de bougie (mélorhéostose).

c) sclérodermies en plaques multiples (morphées généralisées)


L’aspect des plaques est identique aux morphées classiques mais les éléments sont de plus
grande taille, plus nombreux, pouvant infiltrer tout le règlement. Les lésions scléreuses
peuvent être profondes atteignant l’hypoderme et même le fascia. Les sièges fréquents sont le
tronc, l’abdomen et le haut des cuisses. Des lésions en bande ou en goutte sont parfois
associées.

Manifestations systémiques des sclérodermies localisées

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- un syndrome de Raynaud,
- une polyarthrite avec ou sans facteur rhumatoïde,
- une polymyosite,
- un syndrome de Gougerot-Sjögren,
- une atteinte pulmonaire le plus souvent à type de fibrose, mais aussi de pleurésie
- une glomérulopathie,
- des atteintes digestives oesophagiennes ou intestinales

Par ailleurs, certaines sclérodermies localisées peuvent évoluer vers une sclérodermie
systémique, une dermatopolymyosite ou un lupus systémique.

Perturbations immunologiques des sclérodermies localisées


Anticorps antinucléaires retrouvés dans 30 à 60% des cas. Il n’y a pas d’anticorps anti-DNA
natif,
Parfois, le facteur rhumatoïde est retrouvé.
Une hyperéosinophilie témoigne de l’activité de la maladie.

III. DIAGNOSTIC
III.1. Diagnostic positif
Les critères diagnostiques reconnus unanimement sont ceux de la Société américaine de
rhumatologie définis en 1980.
Si le critère majeur est présent, on parle de ScS diffuse. Si seuls deux critères mineurs sont
présents, on parlera de ScS limitée.
Plus récemment LeRoy et al. (Criteria for the classification of early systemic sclerosis.J
Rheumatol 2001 ; 28 : 1573-6.) ont proposé de nouveaux critères de classification pour les
ScS limitées en introduisant la notion de ScS sans atteinte cutanée (ScS sine scleroderma). Il
pourrait s’agir selon les cas d’une forme particulière ou d’une forme de début de ScS.
Le Crest syndrome (calcifications, Raynaud, atteinte oesophagienne, sclérodactylie,
télangiectasies) correspond à une forme particulière de ScS limitée.

a) Critères diagnostiques de la sclérodermie systémique selon la Société américaine


de rhumatologie définis en 1980
1°) Critère majeur : sclérose cutanée proximale (modification sclérodermique de la
peau qui est tendue, épaissie, indurée, ne prenant pas le godet, touchant la face, le cou,
le tronc ou la partie proximale des membres supérieurs ou inférieurs).
2°) Critères mineurs :
– sclérodactylie
– cicatrice déprimée d’un bout de doigt
– ulcérations de l’extrémité d’un doigt
– fibrose pulmonaire des bases
Un critère majeur ou au moins deux critères mineurs sont nécessaires pour affirmer le
diagnostic

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b) Tableau I : Critères ACR/EULAR 2013 Sclérodermie systémique si ≥9

Domaines Critères Valeurs

Epaississement cutané des Doigts boudinés 2


doigts
Tous les doigts dépassant les MCP
4
Lésions pulpaires Ulcère digital pulpaire 2

Cicatrices 3

Télangiectasies 2

Anomalies à la 2
capillaroscopie

Atteinte pulmonaire HTAP 2

PID

Phénomène de Raynaud 3

Auto-anticorps spécifique Anti-centromères


de la ScS
Anti-DNA topoisomérase I 3

Anti-RNA polymérase III

c) Critères de classification des sclérodermies systémiques limitées selon LeRoy et


al.
• Sclérodermie systémique limitée
Phénomène de Raynaud documenté objectivement par l’examen clinique, le test au
froid ou le test Nielsen ou équivalent. ET
– soit une anomalie capillaroscopique (dilatation capillaire et/ou zones avasculaires) ;
– soit présence d’anticorps spécifiques de la sclérodermie systémique (anticentromère,
antitopoisomérase I, antifibrillarine, anti-PM-Scl, antifibrilline ou anti-RNA
polymérase I ou III à un titre ≥ 1/100).

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• Sclérodermie systémique cutanée limitée
En plus des critères précédents, les patients ont une infiltration cutanée distale en aval
des coudes et des genoux (l’épaississement de la peau peut toucher les doigts, les
mains, les avant-bras, les pieds, les orteils, le cou et la face en l’absence d’infiltration
cutanée des bras, du thorax, de l’abdomen, du dos et des cuisses).

Tableau II : Comparaison des manifestations de la sclérodermie systémique limitée et


diffuse

Clinique ScS limitée ScS diffuse


Phénomène de Raynaud Présent depuis des mois Début peu avant ou au
voire des années moment de la sclérodermie
Peau Sclérodermie en dessous des
Atteinte générale en dessous
coudes des coudes avec souvent
atteinte du tronc
Signes généraux Aucun Habituellement signes
généraux marqués
Poumons Hypertension pulmonaire Pneumopathie interstitielle
Articulations Arthrogryphose
Tractus gastro-intestinal Anomalie de la motilité Pullulation microbienne
œsophagienne secondaire à l’atonie
intestinale. Syndrome de
malabsorption.
Cœur Troubles de la conduction
secondaire à la fibrose.
Myocardite avec
myocardiofibrose
Auto-anticorps Anti-centromères Anti-topoisomérase-1 (Scl-
70) ; anti-RNA-Polymérase
III

III.2. Diagnostic différentiel

Certaines affections entraînent des modifications à type d’induration de la peau cliniquement


proche de celles rencontrées au cours des sclérodermies.

1. Fasciite à éosinophiles
Décrite par Shulman en 1974, elle se caractérise par une atteinte inflammatoire du fascia
musculaire.
Le tableau clinique et anatomopathologique est bien différent de celui de la sclérodermie : le
phénomène de Raynaud, les ulcérations digitales, les télangiectasies, la dysfonction
oesophagienne, les atteintes viscérales et l’atteinte capillaroscopique ne se voient pas au cours
de la fasciite.

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2. Atrophies cutanées congénitales
- syndrome de Werner
maladies familiale récessive qui associé une atrophie sclérodermiforme de la peau et des
muscles, une cataracte bilatérale, une artériopathie, un hypogénitalisme, des ulcérations au
niveau des jambes, une calvitie,une ostéoporose et un diabète avec un hyperinsulinisme.
- Progeria de l’enfant, acrogeria,
- Syndrome de Cockayne,
- Syndrome de Rothmund et Thomson

Ces affections entraînent également une atrophie cutanée et un état sclérodermiforme. Elles
surviennent dans les premières années de la vie.

3. Maladie de Lyme (manifestations tertiaires)


Sous sa forme de maladie de Pick-Herxheimer (acrodermatite chronique atrophiante) qui est
une des manifestations tertiaires de la maladie de Lyme.
De même, des morphées ou des sclérodermies en bandes peuvent se voir au cours des
manifestations tertiaires de la maladie de lyme (cf. chapitre de lyme)
4. Scléroedème de Buschke
Il est défini comme une maladie du tissu conjonctif de cause inconnue, caractérisées par un
aspect oedémateux et induré de la peau, ne prenant pas le godet, lié à des dépôts de
mucopolysaccharides acides dans le derme.

5. Aïnhum
Touche les sujets de race noire presque toujours de sexe masculin, entre 18-50 ans. Il affecte
essentiellement la base du 5e orteil et celle du 4e il est souvent bilatéral. On pense qu’il
existerait un support génétique à cette affection intéresse essentiellement les sujets noirs
africains.

6. La chéiro-arthropathie diabétique et la main sclérodermiforme de la PR (+++)


Sont largement étudiées dans le chapitre sur le diabète et la PR

7. Les maladies associées


Les associations à d’autres maladies auto-immunes sont fréquentes.
- syndrome de Gougerot-Sjögren : la fréquence association est très variable ;
- polymyosite ;
Les atteintes musculaires sont fréquentes au cours des sclérodermies, mais limitées à une
discrète augmentation des enzymes musculaires. Dans certains cas, les manifestations
musculaires sont au premier plan, réalisant un tableau de polymyosite ou de dermatomyosite.
On parle alors de scléropolymyosite ou de sclérodermatomyosite.
L’anticorps spécifique est l’anti PM Scl. On retrouve aussi l’anticorps anti-KU et anti-JO1.
Anti-DNA est discriminant.
- syndrome de Sharp ou connective mixte est l’association d’un syndrome de
Raynaud, de doigts boudinée, d’une arthrite non déformante et d’une myosite. Il est
caractérisé par la présence d’anticorps anti-RNP à taux élevés. La présence de cet
anticorps est rare dans la sclérodermie.

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III.3. Evaluation de la sclérodermie systémique
De nombreux scores d’activité de la maladie ont été décrits :

- Score de Rodnan modifié (1993).

- -Indice européen d’activité globale (2003)

IV. TRAITEMENT
L’évaluation du traitement est difficile dans la sclérodermie, car l’évolution spontanée est
variable, et l’on ne possède pas de bons critères cliniques et biologiques d’évolutivité. Parmi
les nombreux traitements proposés dans la sclérodermie, les plus efficaces sont la D-
pénicillamine et les inhibiteurs calciques et les inhibiteurs du système rénine-angiotensine.

A.TRAITEMENTS GENERAUX

1. Mesures générales
- les mesures générales s’imposent
- le tabagisme est vivement déconseillé en raison de son action sur les vaisseaux et le
poumon
- Kinésithérapie : exercice régulier, les massages, la rééducation, la parafangothérapie
ou parafinothérapie permettent de préserver la mobilité, de prévenir les contractures et
de combattre l’atrophie musculaire.
- Dans notre pratique, l’utilisation du beurre de karité semble améliorer la souplesse
cutanée.
- La protection de la peau contre le froid est très importante
- Il faut éviter les médicaments qui peuvent aggraver l’ischémie comme les bêta-
bloquants et les dérivés de l’ergot de seigle.

2. D-Pénicillamine
Elle est certainement le médicament le plus utilisé dans le but d’inhiber la biosynthèse du
collagène. Cependant son mode d’action dans la sclérodermie reste encore mal élucidé.
La dose reconnue est d’au moins 900 mg par jour, avec la même surveillance que celle des
polyarthrites. On jugera son efficacité après 6 mois à 1 an de traitement.
Son association avec les corticoïdes peut être plus efficace.
Ce traitement comporte toute fois quelques effets indésirables mineurs à type d’agueusie et de
troubles digestifs et majeurs à type de thrombocytopénie, leucopénie, aplasie médullaire,
protéinurie, insuffisance rénale, myasthénie, rash cutané et muqueux, pemphigus.

3. Corticoïdes
Les corticoïdes sont utilisés pour des raisons immunologiques et parce qu’ils modifient la
texture des fibres collagènes. On obtient souvent une bonne réponse symptomatique, mais les
corticoïdes n’ont pas fait la preuve de leur efficacité sur les atteintes viscérales et le pronostic
global de la sclérodermie.
Les doses quotidiennes sont de l’ordre de 0,1 à 1 mg/Kg/jour.

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4. Interféron gamma recombinant
C’est un inhibiteur de la production de collagène par les fibroblastes dermiques normaux et
sclérodermique. Des études ultérieures sont cependant nécessaires avant de pouvoir conclure
de leur efficacité et leur tolérance.

5. Amélioration de la microcirculation

Outre leur rôle dans la prévention des lésions ischémiques, les traitements visant à améliorer
la microcirculation sont fondés sur l’origine vasculaire de la sclérodermie. Ils ne peuvent être
efficaces que si les traitements sont précoces.
- les inhibiteurs calciques sont efficaces dans le traitement des syndromes de Raynaud graves
et invalidants
Ex : Nifédipine (Adalat*) : 20-80mg/j
Dilitiazem (Tildiem*) ou Nicardipine (Loxen*)
- les inhibiteurs du système rénine-angiotensine vus dans le traitement des crises
rénovasculaires.
- Les prostaglandines en perfusion auraient, sur le phénomène de Raynaud, un effet
bénéfique.
- Les autres traitements n’ont pas fait la preuve de leur efficacité. Ce sont : la réserpine,
la guanéthidine, la griséofulvine, etc.
5. Le méthotrexate est souvent utilisé dans certaines atteintes articulaires majeures à la
dose de 15 mg par semaine.

B. TRAITEMENTS SPECIFIQUES DE CERTAINS SYMPTOMES


Syndrome de Raynaud et ulcérations digitales
En dehors du traitement général visant à améliorer la microcirculation, un certain nombre de
mesures améliorent le syndrome de Raynaud et évitent les complications.
On conseille au patient de se protéger du froid et des traumatismes cutanés favorisant
l’ulcération. Il faut porter des gants et des chaussettes éventuellement chauffants. Il faut une
hygiène cutanée et unguéale rigoureuse pour éviter les ulcérations et les surinfections qui
bénéficieront de soins locaux antiseptiques associés éventuellement à une antibiothérapie.

- Atteinte articulaire
Les arthrites peuvent bénéficier d’infiltration cortisonique. Les traitements chirurgicaux des
déformations articulaires importantes donnent de bons résultats. On peut également procéder
à des remplacements prothétiques lors des arthrites destructrices de la hanche et des genoux.

-Atteintes cardiaques : les inhibiteurs calciques améliorent la perfusion myocardique.

Calcification de Thibierge-Weissenbach
La colchicine à 1 mg/jour diminue l’inflammation locale et diminue les douleurs liées aux
poussées aiguës de la calcinose sous-cutanée. Elle permettrait aussi l’amélioration des
ulcérations cutanées.

Atteinte digestive
Le traitement de l’atteinte oesophagienne consiste à donner des anti-acides et à éviter le reflux
par des modifications posturales et des repas fractionnés. La ranitidine et maintenant
l’oméprazole sont très efficaces.

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La pullulation microbienne est habituellement améliorée par des antibiotiques à large spectre
comme les cyclines

-Crise réno-vasculaires
Les nouvelles thérapeutiques ont rapidement amélioré le pronostic de cette affection la
néphrectomie bilatérale suivie d’hémodialyse et éventuellement de transplantation, a été
pendant un temps, le seul traitement efficace de ces crises rénovasculaires.
L’usage de traitements anti-hypertenseurs puissant comme les bêta-bloquants et le minoxidil,
a ensuite permis des rémissions parfois prolongées. Mais leur effet secondaire a limité leur
utilisation.
Un progrès considérable a été apporté par les inhibiteurs du système rénine angiotensine. Le
Captopril (Lopril*) s’avère le plus souvent efficace.

-Sclérodermatomyosite
Le traitement est alors celui d’une dermatomyosite. Il fait appel aux corticoïdes à forte dose,
et éventuellement aux immunosuppresseurs (azathioprine, cyclophosphamide, méthotrexate).

CONCLUSION
La sclérodermie est une affection grave notamment dans sa forme systémique. Elle mérite
d’être diagnostiquée suffisamment tôt pour une prise en charge optimale.

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