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La maladie de Kawasaki

Dr Nekmouche 2023-2024

– La maladie de Kawasaki (MK) est une vascularite aiguë des vaisseaux de moyens calibres et à un moindre degré de petits
calibres, avec un tropisme particulier pour les artères coronaires.
– Appelée syndrome adéno-cutanéomuqueux
– Dans les pays développés, cette maladie est la première cause de cardiopathie acquise chez l’enfant
Intérêts
– Fréquence : actuellement c’est la première cause de cardiopathie acquise de l'enfant.
– Le diagnostic de la maladie de Kawasaki est essentiellement clinique.
– Etiopathogénie : inconnue / hypothèses
– Pronostic : est en général très bon Sa gravité est liée au fait que 25 à 30% des patients non traités ont des séquelles
cardiovasculaires, notamment des anévrismes coronaires qui peuvent être mortels.
– Prise en charge : précoce/ efficace
Epidémiologie
– Maladie du nourrisson et du jeune enfant
– Actuellement c’est la première cause de cardiopathie acquise de l'enfant
– La vascularite la plus fréquente en pédiatrie, après le purpura rhumatoïde.
– La MK atteint préférentiellement les enfants âgés de 6 mois à 5 ans (80 % des cas entre 2 et 5 ans) avec une
prédominance masculine (SR M/F : 1.5/1).
– La prévalence de la maladie varie en fonction de l’ethnie avec une incidence 10 à 60 fois plus élevée dans les populations
japonaises et d’Asie du Nord-Est, comparées aux populations occidentales.
Physiopathologie
– La maladie de Kawasaki est une panvascularite qui atteint les artères de moyen calibre, avec un tropisme particulier
pour les artères coronaires.
– Son étiologie demeure très incertaine
– Elle est probablement due à l’exposition à un agent environnemental ou infectieux combinée à une prédisposition
génétique.
– Ainsi, dans la littérature japonaise, le risque relatif de survenue de la maladie est multiplié par 10 dans la fratrie d’un
enfant atteint par rapport à la population générale
– Plusieurs gènes de prédisposition ont été identifiés, dont FCGR2A, CASP3, HLA de classe II, BLK, IPTKC et CD40
Diagnostic positif
En l’absence de marqueurs biologiques spécifiques, le diagnostic reste clinique.
1- Clinique:
A. Critères cliniques majeurs :
1. La fièvre :
– Il s’agit du principal signe devant amener à évoquer le diagnostic de maladie de Kawasaki.
– Il s’agit classiquement d’une fièvre élevée (39-40°C) souvent en pics, le plus souvent sans frissons et peu sensible aux
antipyrétiques.
– Prolongée > 5 j ; Elle peut aller jusqu’à 40 jours
– Elle s’associe classiquement à une altération de l’état général avec modifications du comportement : irritabilité,
inappétence, douleurs abdominales.
– Chez les nourrissons de moins de 6 mois, la fièvre prolongée est souvent le seul signe visible et dans ce cas, l’irritabilité a
une grande valeur d’orientation diagnostique.
2. Exanthème polymorphe :
– L’atteinte cutanée est précoce et souvent concomitante de la fièvre. Il apparaît en règle vers le 3-5éme jour de la maladie.
– L’exanthème peut être de différents types mais est le plus souvent diffus de type maculopapuleux, morbilliforme,
scarlatiniforme ou urticarien, plus rarement psoriasiforme ou en cocarde.
– La présence de bulles et vésicules n‘est pas classique dans la maladie de Kawasaki et doit faire rechercher d’autres
diagnostics.
3. Énanthème : atteinte des muqueuses bucco-pharyngées :
– L’atteinte muqueuse est très caractéristique (90 % des cas) et précoce.
– La pharyngite apparaît au troisième jour.
– La chéilite caractérisée par des lèvres rouges, sèches, fissurées et craquelées survient en moyenne au 5éme jour (90 %
des cas)
– La langue framboisée (77 %des cas) apparaît vers le sixième jour

4. L’atteinte des extrémités :


 Stade initial (jusqu’à 10 jours de fièvre) : les mains et les pieds sont gonflés et érythémateux, les ongles peuvent
présenter des colorations brunes (chromonychie).

 Stade convalescence (après 10 jours de fièvre) : desquamation de la peau au bout des doigts en doigt de gant

5. Conjonctivite :
– Elle est rapportée chez 90 à 100 % des patients.
– Survient dans les 2 à 4 premiers jours de fièvre
– L’hyperhémie conjonctivale est bilatérale sans photophobie ni suppuration
6. Adénopathies cervicales :
– Il s’agit d’adénopathies non suppurées, souvent unilatérales, d’un diamètre supérieur à 1,5cm, voire très volumineuses.
– Il s’agit d’un signe précoce pouvant précéder de 24 heures la fièvre ou survenir en même temps.
– Ces adénopathies sont présente dans 70 % des cas.

B. Les autres signes à forte orientation diagnostique :


– D’autres signes sont présents à la phase aiguë et qui ont presque la même valeur diagnostique que les critères majeurs :
– 03 signes sont particulièrement remarquables :
1) L’irritabilité : avec un enfant grognon, douloureux et inconsolable même dans les bras de ses parents
2) Atteinte périnéale avec desquamation : peut-être précoce et isolée.
3) Réactivation inflammatoire locale au site d’inoculation du BCG

C. Critères cliniques supplémentaires :


– Ils constituent un bon élément d'orientation, associés aux critères majeurs.
1. Manifestations cardiaques:
 À la phase aiguë, durant les dix premiers jours, elle peut comporter :
– Une myocardite pouvant se compliquer d’insuffisance cardiaque et de troubles du rythme
– Une péricardite avec épanchement
– Rarement une endocardite avec insuffisance mitrale ou insuffisance aortique.
– Ces atteintes sont habituellement transitoires et de bon pronostic.
 L’atteinte des coronaires est plus tardive, entre 2 et 4 semaines
– Il s’agit le plus souvent d’une dilatation de la partie proximale des coronaires (trop bien visibles) découvertes à
l’échographie cardiaque bidimensionnelle systématique.
– À un degré de plus, il s’agit de véritables anévrismes, uniques ou multiples
– Les anévrismes, lorsqu’ils sont géants, peuvent se compliquer de thrombose ou de rupture, qui se traduisent par un IDM,
myocardiopathie ischémique ou une mort subite
2. Manifestations digestives:
– Vomissements, diarrhées, douleurs abdominales représentent des signes fréquents.
– La découverte d'un hydrocholécyste, d'un iléus paralytique, d'un ictère modéré et d'une augmentation modérée des
transaminases n'est pas non plus exceptionnelle
3. Atteinte rénale :
– L’examen des urines peut montrer une pyurie, une protéinurie, ou une hématurie.
– L'échographie rénale montre des signes en général corrélés avec l'atteinte rénale.
– On peut retrouver un dysfonctionnement rénal allant jusqu’à l'insuffisance rénale aiguë
4. Signes respiratoires:
– Une toux et une rhinorrhée sont fréquemment observées.
– Les pneumonies sont des complications plus rares voire atteintes pleurales
5. Atteinte neurologique :
– Les signes neurologiques habituellement reconnus sont l'irritabilité, la méningite lymphocytaire aseptique, ou la
paralysie faciale
6. Autres atteintes :
– Myalgies s’accompagnent rarement d’une élévation des enzymes musculaires
– Arthralgies ou, plus rarement, arthrites, prédominant au niveau des grosses articulations
– Manifestations ORL : obstruction des VAS, épiglottite ou des adénopathies compressives, phlegmon rétro pharyngé
– Atteinte oculaire à type uvéite antérieure aiguë
– Urétrite, Œdème testiculaire
– Syndrome de sécrétion inappropriée d’ADH
– Un syndrome d’activation macrophagique

2- Para clinique :
1. Biologie : aucun marqueur biologique spécifique de la maladie
– Syndrome inflammatoire majeur avec élévation de la VS, de la CRP et du fibrinogène.
– FNS : hyperleucocytose avec polynucléose, anémie normochrome, normocytaire. L'hyperplaquettose est plus tardive,
Une thrombopénie est rare et peut traduire une CIVD
– Perturbations du bil an hépatique : élévation modérée des transaminases (SGOT, SGPT).
– Des modifications urinaires à type de pyurie amicrobienne au stade initial.
– La protéinurie est fréquente et banale, L'hématurie est rare.
– Bilan bactériologique et virologique négatifs

2. ECG :
– Peut révéler des troubles du rythme, des signes de dysfonctionnement ventriculaire et des ischémies myocardiques. En
phase aiguë, on peut observer une myocardite et une péricardite
3. Échocardiographie : rechercher les complications coronaires et cardiovasculaires :
– La dilatation et anévrysmes coronariens surviennent habituellement entre 10 et 30 j
– L'échocardiographie initiale doit être demandée dès que le diagnostic est suspecté, et peut être réalisée dans la première
semaine de la maladie, mais ne doit en aucun cas retarder la mise en place du traitement
– Les mesures des coronaires doivent être rapportées à la surface corporelle et exprimées sous forme de Z-score afin
d’évaluer le risque coronaire initial et permettre une comparaison dans le temps
 Les éléments échocardiographie en faveur de la maladie de Kawasaki : AHA 2017
– Z Score IVA ou CD ≥ 2,5
– Et/ou Anévrysme coronarien (Z-Score ≥ 2,5)
– Et/ou plus 3 critères :
• Hyperéchogénicité.
• Dysfonctions ventriculaire gauche.
• Fuite mitrale.
• Epanchement péricardique
• Score IVA ou CD entre 2 -2,5 Z-score
 Classification des anomalies coronaires en fon fonction du Z-score

 Rythme de surveillance échocardiographique :

 Rechercher les autres atteintes cardiaques :


– La dysfonction myocardique : myocardite
– Péricardite
– Les dysfonctions valvulaires : insuffisance mitrale
– Anévrismes, thrombose et de rupture des artères axillaires, sous-clavières, brachiales, fémorales, iliaques, splanchniques
et mésentériques
Critères diagnostique
1- Forme classique :
– Le diagnostic de MK sera classiquement porté en cas de fièvre d’une durée ≥ 5 jours, associée à au moins 4 critères
cliniques majeurs :
1) Conjonctivite bilatérale bulbaire non purulente
2) Atteinte muqueuse : pharyngite, chéilite, langue framboisée, stomatite
3) Exanthème polymorphe
4) Atteinte des extrémités : érythème des paumes des mains et/ou des plantes des pieds, oedème palmoplantaire,
desquamation palmoplantaire secondaire en « doigt de gant »
5) Adénopathie cervicale unilatérale de plus de 1,5 cm de diamètre, ferme
2- Forme incomplète :

Diagnostic différentiel

Causes virales Causes bactériennes Causes toxiniques Réactions d’hypersensibilité Maladies systémiques
inflammatoires
– Rougeole – Scarlatine – Nécrolyse – Syndrome de Stevens- – Maladie de Still
– Adénovirus – Adénite épidermique Johnson – Syndrome
– Parvovirus infectieuse staphylococcique – Réactions inflammatoire
– Entérovirus – Leptospirose – Syndrome de choc d’hypersensibilité multisystémique lié à
– EBV – Brucellose toxinique médicamenteuse SARS-CoV-2 (PIMS)
– Rickettsioses

Diagnostic de gravite
1- Les principaux facteurs de risque de complications coronaires décrits sont : Ils justifient l’initiation d’une corticothérapie
dès la première dose d’IgIV.
– Un traitement par Ig IV après le 10ème jour de fièvre
– Une résistance aux Ig IV (fièvre 36 h après la fin de la perfusion d’IgIV)
– Les formes incomplètes de MK
– L’âge < 1 an
– Le sexe masculin
– L’importance du syndrome inflammatoire au diagnostic (hyperleucocytose, anémie, thrombocytose, CRP)
Chez les patients traités dans les 10 premiers jours de fièvre, chaque journée de retard à la mise en route du traitement par
IgIV augmente le risque de complications coronaires de 18 %
2- Facteurs de risque de non-réponse au traitement initial par IgIV : présence d’au moins 1 critère de sévérité :
Ils justifient l’initiation d’une corticothérapie dès la première dose d’IgIV.
1) État de choc (Kawasaki Shock Syndrom).
2) Enfants de moins d’un an.
3) Inflammation majeure (CRP, dysfonction hépatique, hypoalbuminémie).
4) Stigmates d’activation macrophagique.
5) Anévrismes coronaires ou périphériques initiaux.
6) Score de risque élevé, tel qu’un score de Kobayashi ≥ 5
• Natrémie ≤133 mmol/L (2 points)
• ASAT ≥100 IU/L (2 points)
• Plaquettes ≤300 000 G/L (1 point)
• CRP ≥100 mg/L (1 point)
• Neutrophiles ≥80% (2 points)
• Début depuis ≤ 4 jours (2 points)
• Age ≤12 mois (1 point)

Prise en charge thérapeutique


1- Objectifs :
– Contrôler l’inflammation systémique et la fièvre.
– Réduire les lésions aigues artérielle coronaire.
– Prévenir les thromboses au sein des coronaires
2- Modalités thérapeutiques :
1. Traitement initial :
– Les recommandations proposées par l’AHA sont les suivantes concernant le traitement initial de la MK (première ligne de
traitement) : association :
 IgIV : à haute dose : 2 g/kg administrés en une seule perfusion intraveineuse) dès que possible après le diagnostic dans
les 10 jours suivant le début de la maladie sinon après le 10e jour de la maladie (diagnostic tardif) : si persistance de
fièvre ou des anomalies des artères coronaires accompagnées d'une inflammation systémique continue, comme une
élévation de la VS ou de la CRP (CRP> 30 mg/L)
 Aspirine à dose a dose anti-inflammatoire moyenne : 30–50 mg/kg/j : en 4 prises est proposée jusqu'à ce que le patient
soit apyrétique puis relai à dose anti-agrégante plaquettaire : 3 à 5 mg/kg/j pendant 6 semaines en l’absence de
complication.
2. Les patients qui présentent des facteurs de risque de complications coronaires et de non-réponse au trt par IgIV :
– L’utilisation de corticoïdes en combinaison des IgIV et de l’aspirine a été démontrée plus efficace que les seules IgIV
– Le schéma d’administration des corticoïdes n’est pas univoque et il est possible d’utiliser :
 De la méthylprednisolone : 2 mg/kg/j IV 5-7j ou jusqu’à normalisation de la CRP puis prednisone per os 2 mg/kg/j avec
une décroissance sur 2-3 semaines
 Ou des bolus de méthylprednisolone de 10 à 30 mg/kg/24h IV pendant 3 jours (max 1 g/j) puis relai par prednisone ou
prednisolone per os à la dose de 2 mg/kg/j pendant 4 jours ou jusqu’à normalisation de la CRP puis décroissance sur la
2ème et 3ème semaine puis arrêt.
3. Traitements de deuxième ligne : (les cas résistants aux IgIV).
– Environ 10 % à 20 % des patients développent une fièvre recrudescente ou persistante > 36 heures après la fin de leur
perfusion d'IgIV (les cas résistants).
– Plusieurs schémas peuvent être utilisés :
4. En cas d’anévrysme géants :
– Héparinothérapie curative puis relais par AVK
Suivi :
1- Rythme :
– Tout patient ayant une maladie de Kawasaki doit être revu en consultation de pédiatrie dans les 15 jours suivant sa sortie
de l’hôpital, puis à 6 semaines puis à 3 mois. En l’absence de complication, il pourra être revu annuellement
2- Paramètres de suivi : en fonction de l’atteinte coronaire
* AAP : Aspégic a dose anti-agrégante plaquettaire
3- Vaccination post traitement par immunoglobulines polyvalentes :
1. Vaccins inactivés (inertes) :
– La réponse vaccinale aux vaccins inertes n’est pas influencée par l’administration d’immunoglobulines polyvalentes.
– Les patients peuvent (et devront) donc recevoir toutes les vaccinations inertes selon le calendrier vaccinal
2. Vaccins vivants :
– Les IgIV peuvent inactiver certains vaccins à virus vivant et réduire leur immunogénicité.
– On doit respecter un délai de 11 mois entre l’administration d’immunoglobulines et vaccin ROR ou VZV
Conclusion
– La maladie de Kawasaki est le plus souvent bénigne mais elle peut être grave lorsqu’il y a une atteinte coronaire
irréversible.
– Heureusement, cela est devenu exceptionnel depuis qu’elle est traitée de manière précoce et efficace par les
immunoglobulines. La prise en charge est très standardisée.
– Les complications cardio-vasculaires doivent être recherchées systématiquement

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