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Chapitre 14

Endocardite infectieuse
Camille Walton, Corinne Ducreux

● Points clés
• L’endocardite infectieuse est rare chez l’enfant.
• Y penser devant une fièvre persistante avec aggravation ou apparition d’un souffle.
• L’échographie cardiaque est l’examen essentiel pour le diagnostic et le bilan lésionnel.
• Le traitement est souvent médical par biantibiothérapie, mais parfois chirurgical « à froid ».
• Penser à l’antibioprophylaxie pour les cardiopathies congénitales à haut risque.

• L’endocardite infectieuse est rare chez l’enfant. – autres : 10 % (Escherichia coli, bacilles à Gram
Elle n’est cependant pas exceptionnelle chez négatif, HACEK1).
les enfants porteurs de cardiopathie congéni- • Hémocultures négatives : 5 à 10 %.
tale et doit être suspectée au moindre épisode
fébrile chez un patient ayant déjà un antécédent
d’endocardite. L’existence d’un terrain d’im- Présentation clinique
munodépression (trisomie 21, syndrome de
DiGeorge, syndromes d’hétérotaxie avec asplé- Forme classique
nie fonctionnelle) est également un facteur de
risque. • Souffle nouveau ou modifié (100 %).
• Il est donc fondamental de porter une particu- • Fièvre > 8 jours sans cause évidente ou récidive
lière attention à la survenue d’une fièvre chez après arrêt des antibiotiques (90 %).
un enfant porteur d’une cardiopathie congé- • Altération de l’état général.
nitale chez lequel l’identification d’un foyer • Splénomégalie (70 %).
possiblement bactérien doit faire prescrire une • Manifestations cutanées et emboliques (50 %) :
antibiothérapie pour prévenir la survenue d’une plaques de Janeway, faux panaris d’Osler (figure
endocardite infectieuse secondaire. 14.1), nodules de Roth au fond d’œil, purpura
• Cependant, en l’absence de point d’appel, il pétéchial.
convient de ne pas débuter un traitement anti-
biotique à l’aveugle, afin de permettre la réali-
sation des prélèvements microbiologiques avant Formes compliquées
tout traitement.
• Complications cardiaques  : OAP, insuffisance
• Les portes d’entrées peuvent être ORL, cuta-
cardiaque globale, instabilité hémodynamique,
nées, le site opératoire (<  2  mois post-chirur-
tamponnade.
gie cardiaque ou cathétérisme interventionnel),
• Complications extracardiaques  : emboles mul-
plus rarement digestives ou pulmonaires.
tiples pulmonaires, systémiques, sepsis, hémorra-
• Les germes responsables d’endocardite sont
gie cérébrale sur rupture d’anévrysme mycotique.
multiples :
– streptocoques ++ : 40 à 45 % ; 1. Haemophilus, Actinobacillus, Cardiobacterium, Eike-
– staphylocoques : 30 à 35 % ; nella, Kingella kingae.

Cardiologie de l’enfant : du fœtus à l’adulte


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Chapitre 14. Endocardite infectieuse 117

• Cardiopathie cyanogène.
• Prothèse valvulaire : prothèses mécaniques, bio-
prothèses, homogreffes, tubes non valvés.
• Pacemaker intracavitaire ou épicardique.
• Chirurgie cardiaque ou cathétérisme cardiaque
avec implantation de matériel prothétique
≤  6  mois ou toute la vie si shunt ou lésion
résiduelle.
• Shunt gauche-droite non réparé  (CIV restric-
tive avec shunt à haute vitesse ++).
• Transplantation cardiaque avec valvulopathie
sur le greffon.

Cardiopathie à risque modéré


• Autre shunt gauche-droite non réparé  : CIV
large, canal atrioventriculaire, canal artériel per-
sistant.
• Valvulopathie native non opérée  : bicuspidie
aortique, prolapsus mitral avec IM ou épaissis-
sement de valve (risque : AO > AP, fuite > sté-
nose, IA > IM > RA > RM).
• Myocardiopathie obstructive : si IM (souffle).

Cardiopathie à risque minime


Figure 14.1. Faux panaris d’Osler (haut) et plaques
de Janeway (bas). • Cardiopathie opérée sans lésion résiduelle
(Dessin de Cyrille Martinet.)
> 6 mois postopératoires.
• RP.
Formes postopératoires (< 2 mois)
• Anomalie coronaire.
• Graves car germes résistants et parfois nécessité
de reprise au bloc opératoire pour stériliser les
lésions. Examens complémentaires
• Fièvre, auscultation modifiée, parfois infection
superficielle de cicatrice associée. Bilan biologique sanguin standard
• Complication cardiaque ou extracardiaque.
• NFP, CRP, PCT.
Forme fruste • Ionogramme sanguin, fonction rénale, fonction
hépatique.
Décapitée par un traitement antibiotique. • BNP (conséquences viscérales, état hémodyna-
mique).

Stratification du risque
Hémocultures, avant toute
Cardiopathies à haut risque antibiothérapie, répétées
• Antécédent d’endocardite infectieuse (risque de • Trois à six en 24 à 48  heures, surtout si pic
récidive : 50 %). fébrile et frissons.
118 Cardiologie et pédiatrie générale

• Aéroanaréobies, culture longue, sur milieu PET-scan


Bactec® si antibiothérapie préalable.
• Avec antibiogramme et CMI. • À la recherche d’un foyer infectieux profond.

Prélèvements Échocardiographie
bactériologiques multiples transœsophagienne
• En fonction des points d’appel : urines, gorge, • Intérêt pour le diagnostic des complications
tout foyer patent, ou prélèvement peropéra- cardiologiques de type abcès.
toire.

Scintigraphie cardiaque,
PCR et sérologies sanguines pulmonaire ou osseuse
multiples (kit EI)
• À la recherche d’un foyer ou de localisations
• Penser aux PCR universelles sur tissu opératoire secondaires, selon les points d’appels.
le cas échéant.

Prise en charge
Échocardiographie thérapeutique
transthoracique
Traitement médical urgent
• Fondamentale : intérêt diagnostique.
• Elle doit être systématique et précoce en Biantibiothérapie IV bactéricide, prolongée
cas de cardiopathie connue, de fièvre avec (4 à 6 semaines en administration intraveineuse),
modification ou apparition d’un souffle non adaptée à l’antibiogramme, à la localisation et à la
connu ou d’hémocultures positives sans autre porte d’entrée suspectée.
point d’appel.
Complications possibles
• Elle sera réalisée en cas de persistance d’une
avant et sous traitement
fièvre élevée plus de 8 jours sans autre expli-
cation. • Cardiologiques  : choc cardiogénique, OAP,
• Elle a une valeur pronostique et thérapeutique. BAV, tamponnade.
• Elle peut être « normale » (présence de shunts • Sepsis non contrôlé.
multiples, valves dysplasiques) dans 75 % des EI • Emboles septiques systémiques.
sur cardiopathie congénitale complexe —  une • Causes : antibiothérapie non efficace ou insuffi-
échocardiographie transthoracique normale sante, foyer infectieux non accessible, emboles
n’élimine pas le diagnostic sur une cardiopathie septiques, dégradation valvulaire majeure non
congénitale complexe. contrôlable, matériel prothétique.

Traitement chirurgical
IRM cérébrale et scanner • Rare « à chaud ».
cérébral et thoraco-abdomino- • Indications en urgence  : instabilité hémody-
pelvien systématiques namique non contrôlée, sepsis non contrôlé,
• À la recherche de complications emboliques ou perforation, rupture de valve ±  abcès, embole
d’anévrismes mycotiques. gauche, végétation > 10 mm.
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Prophylaxie Fièvre survenant dans


le mois qui suit un geste
La prophylaxie de l’endocardite est fondamentale pour à risque, un cathétérisme
les cardiopathies à risque. ou une chirurgie cardiaque
• Consultation en urgence pour la réalisation
Importance de l’hygiène d’hémocultures.
quotidienne • Ne pas démarrer de traitement antibiotique s’il
n’y a pas de signes de gravité.
• Buccodentaire : brossage des dents deux fois par • Hospitalisation pour la répétition d’hémocul-
jour, bilan dentaire systématique deux fois par an. tures et réalisation d’une échocardiographie en
• Cutanée  : désinfection rigoureuse des plaies  ; cas de mauvaise tolérance de la fièvre, fièvre éle-
piercings et tatouages formellement contre- vée ou écoulement de cicatrice.
indiqués.
Fièvre en dehors d’un geste
ou chirurgie récente
Indications et type
de la prophylaxie • Consultation dans les 48 heures du médecin ou
du pédiatre traitant pour le traitement éventuel
• Pour les cardiopathies à risque et pour les soins d’un foyer infectieux bactérien.
dentaires nécessitant une manipulation des • Si persistance de la fièvre au-delà de 3 jours :
régions gingivale et périapicale de la dent ou – réalisation d’un bilan sanguin pour évaluation
une effraction de la muqueuse buccale. du syndrome inflammatoire ;
• L’antibioprophylaxie n’est plus recommandée – hémocultures ;
de façon systématique dans aucun autre geste : – ± réalisation d’une échocardiographie si syn-
respiratoire, urodigestif ou dermatologique. drome inflammatoire biologique, altération
• Amoxicilline (ou ceftriaxone ou cefazoline) de l’état général ou modification du souffle.
50 mg/kg per os ou IV 1 heure avant le geste.
• Clindamycine en cas d’allergie aux pénicillines : Références
20 mg/kg per os ou IV 1 heure avant le geste.
[1] Di Filippo S, Sassolas F, Celard M, Ducreux C,
Henaine R, Ninet J, Bozio A. Endocardite infectieuse
chez l’enfant. Arch Ped 2006;13:629–30.
Conduite à tenir [2] Park MK. Park’s Pediatric cardiology for practitio-
ners, Sixth edition Elsevier ; 2014.
en cas de fièvre chez [3] Guidelines on the prevention, diagnosis, and treat-
un enfant atteint d’une ment of infective endocarditis. Eur Heart J 2009;
30:2369–413.
cardiopathie congénitale [4] Le Guillou S, CasaltaJ-P Fraisse A, Kreitmann B,
Chabrola B, DubusJ-C Bosdure E. Endocardite
Pas de geste invasif et encore moins d’antibiopro- infectieuse sur cœur sain chez l’enfant : étude rétros-
phylaxie si fièvre en cours : repousser un éventuel pective de 11 cas. Arch Ped 2010;17:1047–55.
[5] 2015 ESC Guidelines for the management of
geste programmé, réalisation d’hémocultures
infective endocarditis. Eur Heart J 2015;36(44):
avant toute antibiothérapie 3075–128.

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