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Neurolipidoses

Pédiatrie/Maladies infectieuses [4-059-U-20] (1996)

Thierry Billette De Villemeur : Praticien hospitalier universitaire, neuropédiatrie


hôpital Necker-Enfants malades, 149, rue de Sèvres, 75015 Paris France

Résumé
Classées parmi les maladies lysosomiales, les neurolipidoses, décrites pour la
plupart au début du siècle, restent l'une des pages les plus complexes des
maladies héréditaires du métabolisme. Les neurolipidoses ont en effet une
clinique variée, un dédale de voies biochimiques et d'embranchements
métaboliques, une enzymologie sophistiquée, et de plus, le défrichage de leur
génétique révèle une nouvelle dimension à cette complexité. La solidité du
diagnostic biochimique spécifique, la nécessité d'un conseil génétique une fois le
diagnostic confirmé, la possibilité d'effectuer un diagnostic anténatal dans la
plupart des cas et les perspectives thérapeutiques spécifiques qui se dessinent,
imposent au clinicien de reconnaître précocement les neurolipidoses, et
d'assurer à l'enfant une prise en charge actualisée.

© 1996 Elsevier Masson SAS - Tous droits réservés

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CARACTÉ RISTIQUES COMMUNES AUX


NEUROLIPIDOSES

Les neurolipidoses sont dues à un (ou parfois plusieurs) déficit(s)


enzymatique(s) du lysosome, organite où s'effectue le catabolisme des
molécules complexes lors du cycle de renouvellement cellulaire. Dans les
neurolipidoses, les enzymes déficientes sont situées sur la voie catabolique des
lipides complexes membranaires, ubiquitaires ou spécifiques du système
nerveux, ou sur la voie de la circulation intracellulaire du cholestérol. Le lipide
non dégradé s'accumule dans le lysosome. Ainsi, les neurolipidoses sont des
maladies de surcharge appartenant au groupe des maladies lysosomiales [1].
Surcharge et conséquences

Pathogénie

L'accumulation dans le lysosome de lipide complexe non dégradé entraîne


progressivement des conséquences cliniques. Le plus souvent, le nouveau-né
est normal et se développe sans trouble décelable pendant quelques mois ou
années. La pathogénie précise du retentissement cellulaire et tissulaire de
l'accumulation lysosomiale n'est connue que très imparfaitement. Deux
mécanismes principaux sont évoqués :

 l'effet mécanique de la surcharge qui engorge les cellules et perturbe la


fonction des organes où elle est abondante ;
 l'effet toxique du lipide complexe accumulé ; ces lipides ne sont
généralement pas toxiques, même à forte concentration tissulaire ; une
voie catabolique anormale peut produire une molécule toxique en
dégradant partiellement le lipide accumulé.

L'atteinte du système nerveux est principalement due à un effet toxique. En


résulte :

 une destruction de la myéline qui aboutit à une leucodystrophie avec


l'installation progressive d'un syndrome pyramidal, d'un syndrome
cérébelleux, d'une atteinte du tronc cérébral, d'un syndrome radiculaire
(hyperalbuminorachie), d'une atteinte des nerfs crâniens (atrophie
optique), d'une neuropathie périphérique (diminution de la vitesse de
conduction nerveuse) ;
 une perte neuronale qui explique la détérioration intellectuelle, l'ataxie
cérébelleuse, les anomalies extrapyramidales, les troubles de
l'oculomotricité et les crises d'épilepsie.

Une surcharge dans les cellules neurosensorielles s'ajoute à l'atteinte centrale


pour isoler l'enfant du monde extérieur (cécité, surdité progressives). Enfin,
dans la maladie de Fabry, une surcharge de l'endothélium vasculaire provoque
une encéphalopathie hypoxique progressive et des accidents aigus
thrombotiques.

L'atteinte systémique est généralement due à la surcharge, entraînant une


organomégalie (foie, rate, coeur, ganglion lymphatique), une obstruction
vasculaire par compression ou par turgescence endothéliale (os, rein, cerveau,
poumon), une destruction tissulaire par infiltration des cellules de surcharges
(os), une dilacération d'une structure histologique fonctionnelle (paroi alvéolaire
pulmonaire, faisceau de His, glomérule rénal, cornée, cristallin).

Les lipides non dégradés s'accumulent surtout dans les tissus à faible
renouvellement cellulaire (macrophages, cerveau) qui thésaurisent plus
longtemps. Ainsi, le système nerveux est le tissu le plus souvent atteint car,
outre le fait que les neurones et les cellules gliales ne se renouvellent pas, c'est
aussi à son niveau que sont produits certains lipides complexes spécifiques de la
myéline.

Histologie [13]
diagnostic clinique. Les cellules de surcharge, sont des cellules d'aspect
spumeux, dérivées du système réticuloendothélial, boursouflées par une
multitude de vacuoles lysosomiales occupant la quasi-totalité du cytoplasme.
Selon la nature du matériel accumulé, la cellule de surcharge peut prendre un
aspect caractéristique, et l'on décrit des cellules de Gaucher, des histiocytes
bleu marine des maladies de Niemann-Pick. On peut retrouver des cellules de
surcharge dans tous les organes malades. Il est souvent plus facile de les
rechercher attentivement dans les tissus les plus accessibles par une ponction :
le foie et la moelle osseuse. Dans les neurolipidoses ne concernant que le
système nerveux, seule la biopsie cérébrale ou l'anatomie du cerveau permet de
mettre en évidence la surcharge dans les neurones, les cellules gliales ou les
cellules dérivées des histiocytes.

La microscopie électronique permet de visualiser l'ultrastructure des lysosomes


et leurs inclusions lipidiques paracristallines dont la morphologie est différente
selon la nature du matériel thésaurisé.

Les lésions neurologiques sont caractérisées par la présence en faible


abondance de cellules réticuloendothéliales intraparenchymateuses ou de
cellules de surcharge. Les lésions de la substance blanche sont souvent sévères,
aboutissant à une leucodystrophie avec démyélinisation diffuse, respectant les
fibres en U sous-corticales et les axones, une diminution du nombre des
oligodendrocytes, une prolifération astrocytaire. Les lésions de la substance
grise comportent une raréfaction neuronale et une réaction astrocytaire. Le
diagnostic neuropathologique repose donc sur la localisation des lésions,
l'affinité tinctoriale de la leucodystrophie, la présence et l'aspect de la
surcharge.

Biochimie

La détermination précise de la nature biochimique du lipide accumulé et de


l'enzyme déficitaire permet le diagnostic de certitude, le conseil génétique, le
dépistage des hétérozygotes et le diagnostic anténatal. L'étude de l'activité
enzymatique s'effectue selon le cas sur leucocytes frais, fibroblastes en culture,
cellules amniotiques en culture, trophoblaste. Le déficit responsable de la
maladie de Niemann-Pick type C n'est pas identifié. Ailleurs, le déficit est dû à
l'inactivité d'un activateur de l'enzyme (saposine). Il peut alors être nécessaire
de connaître la nature du lipide accumulé par un dosage direct dans le plasma,
les urines, le liquide amniotique pour porter un diagnostic biochimique. Il faut
donc conserver systématiquement, du plasma congelé, des urines congelées,
des fibroblastes en culture, et de l'acide désoxyribonucléique (ADN) (goutte de
sang sur papier buvard, sang total congelé, ADN extrait) jusqu'au diagnostic
définitif.

On reconnaît deux grands groupes de neurolipidoses :

 les céramidoses sont dues à l'accumulation du céramide (maladie de


Farber) ou d'un de ses dérivés glycosés : glucosyl-céramide (maladie de
Gaucher), galactosyl-céramide (maladie de Krabbe), sulphate-
galactosyl-céramide (leucodystrophie métachromatique), globotriaosyl-
céramide (maladie de Fabry), glycosyl-céramides plus complexes
(maladie de Schindler, maladie de Tay-Sachs, maladie de Sandhoff,
maladie de Landing) et phosphocholine-céramide (maladie de Niemann-
Pick A et B) ;
 les maladies de Niemann-Pick type C, de Wolman et des esters du
cholestérol sont dues à une accumulation du cholestérol dans le
lysosome et à la perte des fonctions de régulation de l'homéostasie
cellulaire que joue normalement le cholestérol libre intracellulaire, hors
du lysosome.

Si le déficit enzymatique permet de caractériser la neurolipidose, la profondeur


du déficit trouvée par l'étude in vitro ne permet pas de prédire la sévérité, ni
même la présentation clinique de la maladie. Le milieu in vitro n'étant pas
similaire aux conditions in vivo, une même activité résiduelle peut être
retrouvée dans des maladies de gravité aussi différente que la maladie de
Gaucher de type 1 ou de type 2.

Génétique

Les neurolipidoses sont des maladies génétiquement déterminées, transmises


sur un mode récessif autosomique, sauf la maladie de Fabry qui est liée à l'X.
Pour la plupart des neurolipidoses, plusieurs mutations sont possibles sur le
gène de l'enzyme lysosomiale et la sévérité de la maladie est déterminée par la
combinaison des mutations. En fait, cette logique n'est pas absolue. Dans la
maladie de Gaucher, prise comme exemple, plus de 40 mutations différentes
sont connues. Deux mutations (sur les codons 370 et 444) sont responsables de
près de 80 % des cas en France. Les patients porteurs d'au moins un allèle
muté sur le codon 370 sont à l'abri d'une atteinte neurologique. à l'inverse, la
présence d'une mutation 444 est corrélée avec une forme sévère de la maladie,
et à la suite des premières études, on a pu croire que les patients porteurs
d'une mutation homoallélique 444/444 étaient tous atteints d'une forme
neurologique de type 2 ou de type 3. Il n'en est en fait pas ainsi, et l'on ne peut
pas prédire une atteinte neurologique par la génétique, tout au plus peut-on
dire actuellement qu'un patient porteur d'une mutation 444 a un risque plus
important d'avoir une forme sévère, neurologique ou non.

Le plus souvent, les neurolipidoses sont dues à des mutations sur le gène
codant pour une enzyme lysosomiale. L'expression d'une mutation est modulée
par des facteurs extérieurs au gène muté, que ce soit d'autres gènes ou des
facteurs non génétiques, environnementaux par exemple. Ceci permet de
comprendre qu'une même combinaison de deux allèles mutés du gène de la
glucocérébrosidase puisse s'exprimer d'une façon aussi variée que par une
maladie de Gaucher de types 1, 2 ou 3.

La nature du déficit de la maladie de Niemann-Pick type C est inconnue.

Dans certaines maladies, la mutation n'est pas sur le gène de l'enzyme mais sur
celui de son activateur (GM2 activator, saposine B ou C, prosaposine).

Démarche diagnostique

Pour faire le diagnostic d'une neurolipidose, il faut d'abord avoir une orientation
clinique pour pouvoir cibler les études biochimiques. Lorsque la maladie
évoquée cliniquement est due à un déficit connu, l'étude de l'activité de
l'enzyme in vitro s'effectue sur le sérum, les leucocytes frais, les fibroblastes en
culture. Certaines maladies n'ont pas de déficit enzymatique identifié et leur
diagnostic repose sur la mise en évidence de la surcharge dans les fibroblastes
en culture (Niemann-Pick C). Trois difficultés peuvent être rencontrées :

 le diagnostic clinique est incertain ou mal assuré car la présentation


clinique est trompeuse, faisant évoquer un diagnostic psychiatrique
(maladie de Fabry, maladie de Krabbe tardive), une pathologie non
génétique (formes foetales ou néonatales), et c'est souvent l'évolution
qui permet d'évoquer une maladie métabolique (cas familiaux,
apparition de signes viscéraux évocateurs). L'étude de l'activité de
nombreuses enzymes peut être nécessaire, avec les implications de coût
et de temps qui en découlent ;
 le diagnostic clinique est très précis, mais les études biochimiques
retrouvent une activité enzymatique normale. Il faut alors savoir
évoquer un déficit en activateur [11] ;
 on peut trouver pour certaines enzymes un pseudodéficit, défini par une
activité résiduelle très faible chez des sujets sains. Ceci peut poser
problème pour le diagnostic anténatal car en l'absence de données
cliniques chez le foetus, il est impossible de différencier un double
hétérozygote pseudodéficit/déficit qui sera sain, d'un sujet atteint [16].
Il est donc indispensable d'étudier l'activité enzymatique des deux
parents (pour savoir s'ils sont porteurs d'un pseudodéficit) avant de
pouvoir interpréter l'activité résiduelle d'un foetus. Si un pseudodéficit
est présent dans la famille, le diagnostic anténatal ne pourra être
complet qu'avec la recherche d'une accumulation anormale du lipide
correspondant au diagnostic dans les tissus foetaux ou le liquide
amniotique, ou par l'étude génétique si celle-ci est possible.

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ELÉ MENTS D'ORIENTATION DIAGNOSTIQUE

Les neurolipidoses sont pour la plupart des encéphalopathies progressives. Elles


ont toutes plusieurs noms, ce qui ajoute à l'impression de complexité pour le
non-spécialiste de ces maladies. En pratique, pour établir un diagnostic clinique,
il faut recueillir trois catégories de données, relatives à l'atteinte neurologique, à
une éventuelle atteinte extraneurologique, à l'âge de l'enfant.

Le premier élément d'orientation est la chronologie et la sémiologie de la perte


des acquisitions antérieures, de l'apparition progressive de troubles
neurologiques. Toutes ces encéphalopathies progressives aboutissent à une
démence, à une détérioration neurologique globale de toutes les fonctions
centrales et souvent périphériques, et souvent à une déficience sensorielle
visuelle somesthésique ou auditive. La séquence d'installation des troubles
pyramidal, cérébelleux, extrapyramidal, psychiatrique ou la présence d'une
neuropathie périphérique sont d'une grande valeur d'orientation. Trois
neurolipidoses ne comportent pas d'encéphalopathie, ce sont les maladies de
Gaucher de type 1, de Farber (le plus souvent), des esters du cholestérol. La
maladie de Fabry a une neuropathie sensitive précoce et une encéphalopathie
tardive inconstante.

Les données de l'électroencéphalogramme (EEG), de la protéinorachie, de


l'aspect du fond d'oeil, de l'imagerie (scanner et surtout imagerie par résonance
magnétique [IRM] cérébrale), de la vitesse de conduction nerveuse sont
déterminantes.

Le deuxième élément est l'existence éventuelle d'une atteinte viscérale


(hépatomégalie, splénomégalie, douleurs, lésions cutanées, lésions osseuses,
troubles hématologiques, protéinurie, pneumopathie interstitielle). On
recherchera particulièrement des cellules de surcharges sur le frottis sanguin
(lymphocytes vacuolés), ou dans certains cas sur le frottis médullaire.
L'organomégalie prédomine sur la rate dans les maladies de Gaucher types 1, 2
et 3, et souvent dans les maladies de Niemann-Pick types B et C. Cinq maladies
ne comportent pas d'atteinte extraneurologique : la leucodystrophie
métachromatique, les maladies de Krabbe, de Tay-Sachs, de Sandhoff et de
Schindler. Toutes les neurolipidoses peuvent aboutir à une cachexie sévère
contrastant parfois avec une organomégalie monstrueuse à la phase terminale.

Enfin, l'âge de début de la maladie est un critère déterminant pour le des


diagnostic formes typiques.

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PRINCIPALES NEUROLIPIDOSES

Maladie de Gaucher de type 1 [3]

La maladie qui ne comporte jamais d'atteinte neurologique peut débuter à tout


âge par la combinaison variable d'une splénomégalie, hépatomégalie, de crises
douloureuses osseuses, d'un syndrome hémorragique par thrombopénie
(hypersplénisme). L'ostéoporose est fréquente et l'extrémité inférieure des
fémurs est évasée en « flacon d'Erlenmeyer ». Les phosphatases acides
plasmatiques sont élevées. Il existe souvent un pic monoclonal
d'immunoglobulines. La fréquence des lymphomes est plus grande que dans la
population générale. Un traitement de substitution de l'enzyme lysosomiale est
maintenant disponible (enzyme dont les éléments glycosylés sont modifiés pour
être captés par les macrophages et internalisés dans leurs lysosomes). Il
permet d'éviter un retentissement sévère de la maladie et le décès par
infection, cachexie et complications de décubitus lié à l'atteinte osseuse.
Actuellement, ce traitement provient de l'enzyme naturelle placentaire purifiée
et modifiée, mais une forme recombinante sera très prochainement disponible
[6]
. La thérapie génique est en phase d'investigation chez l'homme.

Enzyme : glucocérébrosidase. Accumulation de glucocérébroside dans les


macrophages (rate, foie, moelle osseuse, poumon). Fréquence mal connue, la
plus fréquente des maladies lysosomiales, dans l'isolat juif ashkénaze jusqu'à
1/10 000. Gène : chromosome 1q21, cloné, deux mutations fréquentes en
France (370 et 444). Diagnostic sur leucocytes, fibroblastes. Diagnostic
anténatal : amniocytes, trophoblaste, ADN.

Maladie de Fabry [4]

C'est dans la deuxième décennie qu'apparaissent des crises douloureuses


aiguës, durant quelques minutes à quelques heures, sensation de brûlures
brutales des paumes et des plantes, déclenchées par le stress, l'effort physique,
l'émotion, la fatigue ou le changement de température ou d'humidité
atmosphérique. Souvent existe une gêne permanente des paumes et des
plantes. Des angiokératomes sont présents surtout sur le scrotum, l'ombilic, les
fesses. Des opacités cornéennes radiaires inférieures sont très caractéristiques.
L'atteinte viscérale est due à la surcharge de l'endothélium vasculaire,
entraînant une néphropathie progressive, une cardiomyopathie, une
encéphalopathie ischémique progressives et des accidents vasculaires
transplantation.

Enzyme : céramide trihexosidase. Accumulation de globotriaosyl-céramide


(cellules endothéliales). Fréquence 1/40 000. Gène : chromosome Xq22, cloné.
Diagnostic sur sérum, leucocytes, fibroblastes. Diagnostic anténatal :
amniocytes, trophoblaste.

Leucodystrophie métachromatique [8]

L'atteinte neurologique débute entre 1 et 2 ans par un arrêt ou une régression


de l'acquisition de la marche, une disparition des réflexes ostéotendineux
(neuropathie périphérique), un syndrome pyramidal et un nystagmus. Il n'y a
pas d'atteinte extraneurologique. La leucodystrophie est visible précocement sur
l'imagerie neuroradiologique, la protéinorachie est élevée, la vitesse de
conduction nerveuse abaissée et l'EEG lent. L'évolution aboutit à une démence
et un état grabataire et au décès en quelques années. Des formes à début
infantile ou tardif à l'âge adulte sont plus rares.

Enzyme : arylsulfatase A. Accumulation de sulfatide (oligodendrocytes et


neurones). Fréquence 1/130 000 en France, 1/40 000 dans l'état de Washington
et jusqu'à 1,3 % dans l'isolat juif habbanite. Gène : chromosome 22q13, cloné,
bonne corrélation clinicogénétique. Diagnostic sur leucocytes, fibroblastes.
Diagnostic anténatal : amniocytes, trophoblaste, ADN. Il existe un pseudodéficit
et un rare déficit en activateur : saposine B.

Maladie de Niemann-Pick de type C

Il existe souvent un ictère cholestatique néonatal prolongé qui peut rarement


entraîner une défaillance hépatique et le décès rapide. Puis les troubles
neurologiques débutent chez l'enfant d'âge scolaire par un fléchissement des
compétences, une ophtalmoplégie supranucléaire de la verticalité du regard
(difficultés à descendre les escaliers), une ataxie cérébelleuse. Des accès de
cataplexie ne sont pas rares, parfois provoqués au début par une émotion.
L'atteinte viscérale se résume à une hépatosplénomégalie, parfois discrète. Le
décès survient dans la troisième décennie. L'EEG est ralenti, l'imagerie
neuroradiologique objective une atrophie prédominant sur le cervelet, le LCR est
normal ainsi que la vitesse de conduction nerveuse. L'évolution se fait vers la
dégradation neurologique et mentale progressive en quelques années.

La cause biochimique est inconnue. Accumulation de cholestérol non estérifié


dans les lysosomes (macrophages, neurones, astrocytes).

Fréquence : 210 cas dans 175 familles reconnues en 15 ans à Lyon (Vanier,
communication personnelle), jusqu'à 1 % dans l'isolat acadien français de Nova
Scotia et chez les Américains espagnols du Colorado. Diagnostic sur
fibroblastes. Diagnostic anténatal : trophoblaste.

Maladie de Krabbe [15]

Cette encéphalopathie précoce (début à 4 mois) est reconnaissable par la


survenue d'accès de cris et d'hypertonie inexpliqués, d'une irritabilité excessive
lent avec des paroxysmes diffus, l'imagerie neuroradiologique révèle une
leucodystrophie puis une atrophie cérébrale diffuse. La vitesse de conduction
nerveuse est abaissée. L'évolution se fait en quelques mois vers un état de
démence et une hypertonie généralisée.

Enzyme : galactocérébrosidase. Accumulation de galactocérébroside


(oligodendrocytes). Fréquence 1/150 000. Gène : chromosome 14, cloné.
Diagnostic sur leucocytes, fibroblastes. Diagnostic anténatal : amniocytes,
trophoblaste.

Maladie de Tay-Sachs et maladie de Sandhoff [10]

Une hypotonie et des sursauts audiogènes sont notés par les parents dès 3 à 5
mois. L'enfant est apathique, a peu de mouvements volontaires. La perte du
contact avec l'entourage et la perte de la vision sans mouvement oculaire
anormal aboutit à l'idiotie amaurotique en quelques mois. Une tache rouge
cerise caractéristique est visible au fond d'oeil très précocement. L'évolution se
fait vers une encéphalopathie épileptique, une décérébration et le décès. La
maladie de Tay-Sachs comporte une macrocrânie progressive, et jamais
d'atteinte viscérale. Une hépatomégalie modérée peut être présente dans la
maladie de Sandhoff. L'EEG est lent et pauvre, le LCR, l'électrorétinogramme
(ERG) sont normaux. Dans la maladie de Sandhoff, une vertèbre en rostre peut
être visible sur la radiographie du rachis dorsolombaire de profil.

Enzyme : hexosaminidase A comportant deux sous-unités a et b. Accumulation


de ganglioside GM2 (neurones et astrocytes). Fréquence : Tay-Sachs 1/400
000, 1/4 000 chez les ashkénazes. Sandhoff 1/300 000. Gène : a (Tay-Sachs)
chromosome 15, cloné ; b (Sandhoff) chromosome 5, cloné. Diagnostic sur
sérum, leucocytes, fibroblastes. Diagnostic anténatal : liquide amniotique,
amniocytes, trophoblaste. Il existe un pseudodéficit et un rare déficit en
activateur (activateur GM2) localisé sur le chromosome 5, cloné.

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ASPECTS RARES DES NEUROLIPIDOSES

Quelques cas atypiques de neurolipidoses ont été décrits. Certains sont des cas
inhabituels par l'âge de début, la durée d'évolution, la présentation clinique qui
évoquait une autre neurolipidose que celle biologiquement démontrée. Plus
difficile sont les cas n'évoquant pas a priori une neurolipidose. Ce sont souvent
des formes à début foetal ou au contraire tardif, à l'âge adulte. Les formes
foetales entraînent souvent des anasarques foetoplacentaires [14] (ascite,
hépatomégalie, infiltration tissulaire diffuse), pour lesquelles l'absence de cause
« classique » doit attirer l'attention. Ces formes foetales peuvent provoquer un
avortement tardif ou la naissance d'un enfant dont la survie est courte. Il est
important pour le conseil génétique et le diagnostic anténatal ultérieur de se
donner les moyens du diagnostic par conservation des tissus et liquides
biologiques congelés.

Les formes tardives de l'adolescent ou de l'adulte [2] peuvent comporter une


psychose progressive, une atteinte pyramidale, extrapyramidale ou
cérébelleuse, parfois longtemps sans détérioration intellectuelle, ni atteinte
viscérale.
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THÉ RAPEUTIQUES

Thérapeutiques symptomatiques [1]

Ce sont souvent les seules possibilités d'apporter un confort relatif à l'enfant et


à son entourage. L'évolution souvent inexorable de ces maladies mérite une
prise en charge active. Les troubles de l'alimentation, avec les troubles de la
déglutition, de l'appétit, les complications du reflux gastro-oesophagien
nécessitent souvent d'avoir recours à la pose d'un bouton de gastrostomie et
parfois au traitement chirurgical du reflux dans le même temps chirurgical. Les
troubles du transit (constipation opiniâtre) et les complications respiratoires
sont quasi constants dès que l'atteinte neurologique retentit sur l'autonomie
motrice de l'enfant. Le traitement de la spasticité, des mouvements anormaux,
de l'épilepsie doit être régulièrement adapté à l'aggravation de l'état de l'enfant.
Souvent, la spasticité ou les mouvements anormaux sont cause de douleurs
chroniques qu'il faut tenter de limiter par une physiothérapie adaptée, par le
traitement des complications (oesophagite) et par des antalgiques.

Greffe de moelle

Elle permet d'apporter des cellules saines qui prendront en charge l'épuration de
la surcharge due au déficit enzymatique de l'hôte. Pour avoir une chance d'être
efficace, il est nécessaire que la surcharge soit accessible à l'enzyme produite
par les cellules greffées. Des succès ont été obtenus dans la maladie de
Gaucher, et dans les formes tardives de leucodystrophie métachromatique.

Thérapies spécifiques

Ce sont les seules à être satisfaisantes. Cependant, seule la maladie de Gaucher


de type 1 bénéficie actuellement d'un traitement substitutif de l'enzyme. Ce
traitement est une glucocérébrosidase dont les résidus glycosylés ont été
modifiés pour être captés par les macrophages et internalisés dans les
lysosomes, site d'action intracellulaire du traitement. Il est injecté par voie
intraveineuse tous les 15 jours en moyenne.

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CONCLUSION

Les neurolipidoses sont des maladies rares, mais leurs causes métabolique et
génétique imposent de les reconnaître, de faire un diagnostic biochimique précis
afin de proposer un conseil génétique et un diagnostic anténatal aux parents.
Les progrès considérables des neurosciences permettent de comprendre mieux
spécifiques. Des études sont actuellement en cours pour tenter de mettre au
point des traitements enzymatiques spécifiques pour d'autres neurolipidoses
que la maladie de Gaucher et des traitements géniques (réinjections de cellules
du patient modifiées par intégration d'un gène non muté par exemple). Ces
thérapeutiques, si elles ouvrent des perspectives fondamentales, restent pour le
moment des sujets de recherche prometteurs mais ne sont pas envisageables
en dehors de protocoles stricts en raison notamment des problèmes éthiques et
de sécurité génétique qu'elles posent.

Références

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